Skenderija Realoded

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Skenderija Reloaded révéler l ’ industrie du cinéma à sarajevo

Capucine Haller Anaëlle Régent master architecture, villes, ressources



Directeur d’études Florian Golay

Skenderija Reloaded révéler l ’ industrie du cinéma à sarajevo

E.N.S.A.G

PFE 2015/2016

Capucine Haller Anaëlle Régent master architecture, ville, ressource


Analyse

Flou p.16

Opinion public

p.22

Quizz géographique

p.28

Questionnaire en ligne

sarajevo vue depuis la france

le poids de l’histoire

la bosnie-herzégonie aujourd’hui

Traces

Arpentage de la M18

p.38

construction de la ville

p.48

Morpho-cartographie

vision intérieure

*Reportage photo*

Liens

2

Arbre généalogique de Sarajevo

p.66

les nouvelles initiatives

Les festivals en chiffres

p.74

reconstruction par le lien


Stratégie

Projet

Cadrage

Story-board

p.84

p.90

p.96

Wanted : recherche d’un site skenderija

un site auto-centré au cœur de la ville

38000m2 c’est quoi?

38000m2 de plaisir

Décryptage du studio 24 une industrie du cinéma

Économies satellites autour du cinéma p.120 entrée en scène de nouveaux

Mise à nu de la matérialité genèse du projet

Travelling du quartier

Régie p.112

p.130

acteurs

Plan d’ensemble p.130

Protéger la dalle interventions sur la dalle

Plan rapproché p.158

La formation sur le gril une structure

: double usage

Travelling arrière

3


4

*

Toutes les images de ce mémoire marquées d’une astérisque sont des photos prises lors de notre voyage à Sarajevo en février 2016


Avertissement

Ce mémoire est truffé d’analyses expérimentales. Ces analyses ont été menées hors de tout cadre sociologique rigoureux au sens scientifique du terme. Ces dispositifs expérimentaux nous permettent de faire émerger des réponses à des hypothèses formulées. Chaque expérience suit des règles inventées par les auteurs de ce mémoire ou empruntées à des collectifs d’urbanisme décalés1. Vous trouverez ces protocoles sur les doubles pages de couleurs précédant chaque sous-partie. Ils vous sont résumés par les facteurs suivants : Énoncé : intitulé de l’expérience Méthode : protocole strictement établi Outils : matériel nécessaire à l’opération Cobayes : individus ou entités mobilisées Facteurs non-contrôlés : ennuis rencontrés Description : détails des opérations Résultat : énoncé du résultat et retour sur l’expérience 1. ANPU : Agence nationale de psychanalyse urbaine, http://www.anpu.fr/ DEUX DEGRES, agence de stratégie et promotion territoriale, http://www.deuxdegres.net

5


6


Une ville traumatisée en recherche d’identité Sarajevo est une ville dont le nom raisonne comme le lointain souvenir d’une période douloureuse. Son nom évoque furtivement l’assassinat de Franz-Ferdinand, qui déclencha la Première Guerre Mondiale et bien sûr, la Guerre des Balkans durant laquelle la ville a subi un siège dans les années 1990. Vingt ans après, la capitale de la Bosnie-Herzégovine (BIH), que certains associent toujours à l’ex-Yougoslavie, est bien floue dans nos mémoires et largement oubliée sur la scène internationale. Difficile de localiser cette ville qui a pourtant fait vibrer tellement d’espoirs lors des Jeux Olympiques d’hiver de 1984. Elle est aujourd’hui méconnue, comme si son histoire s’était figée lors de son blocus qui a tant fait couler d’encre dans nos journaux. Située entre l’Orient et l’Occident, cette ville cosmopolite a pourtant tout à nous apprendre. Elle attire par la variété des cultures qu’elle héberge et qui façonnent son paysage urbain. C’est un article mettant à jour le problème identitaire fort qui pèse sur les bosniens depuis vingt ans qui nous a invitées à découvrir cette capitale. Si le mélange des cultures qui caractérise depuis toujours la ville est sa plus grande richesse, cette diversité est aujourd’hui manipulée et devient un obstacle au développement du pays. Qu’est devenue Sarajevo ? Pourquoi les nouvelles générations ne se retrouvent plus sous une identité commune ?

En nous lançant à la recherche de ces réponses nous avons rencontré Skenderija, un ancien site olympique. Comme beaucoup de sites olympiques, sa capacité est aujourd’hui sous exploitée. Ce site, symbole de la dernière période heureuse de la ville, est caractérisé par son gigantisme. A l’image de nombreux édifices de la ville, ce site olympique est victime de la nostalgie qu’il suscite. Il est dans la ville comme une épave dont l’avenir est très incertain. Avec les outils des jeunes architectes que nous sommes, nous avons travaillé avec ce site afin de d’explorer les possibilités qu’offrent un site d’une telle ampleur dans une ville aussi compliquée que Sarajevo. Depuis la fin de la guerre, Sarajevo peine à retrouver une attractivité auprès de ses habitants. L’histoire a déjà montré que la culture par l’art, le théâtre ou la musique, ont de tout temps fait parti de la ville. C’est par cette culture que la ville peut une fois encore trouver un nouveau souffle. Les habitants de la ville ont besoin de ce défi commun pour se retrouver autour de ce qui est leur identité partagée. Comment un site olympique oublié peut devenir le support d’une identité bosnienne commune par le développement de la culture ?

7


Chronologie

1461

1878

1914

1945

1461 Création de Sarajevo par l’empire Ottoman

8

1878 Prise du pouvoir par l’empire Austro-Hongrois

1914 Assassinat de Franz Ferdinand et de son épouse, élément déclencheur de la première guerre mondiale

1918

1918 Création du première état de Yougoslavie regroupant la Serbie, la Croatie et la Slovénie

1945 Création de la Fédération de la République de Yougoslavie sous la présidence de Tito


1995 1970

1992

1984

5 avril 1992 au 29 février 1996 : Siège de Sarajevo

1970 Printemps Croate Première lacunes du Projet Fédéral et manifestation d’étudiants à Zagreb

1980 Mort de Tito

1984 Jeux Olympiques d’hiver à Sarajevo

1991 Dissolution de la Yougoslavie. La Slovénie et la Croatie déclarent leur indépendance

1992 Début de la guerre des Balkans. Les Serbes ont la volonté de construire un état incluant le territoire Bosnien

1995 Signature des accords de Dayton qui marquent la fin de la guerre 9


10

*

Cimetière musulman


flou [flu]. n. m. - caractère de ce qui est peu net, fondu ; manque de netteté de l’image, provenant d’une mise au point défectueuse à la projection Adj. Qui manque de netteté, qui est imprécis, indécis; Qui n’a pas une forme nettement définie, vaporeux vue depuis la france

• le poids de l’histoire •

la bosnie-herzegonie aujourd’hui

11


12


FLOU

Une vision trouble et une réalité complexe à appréhender.

Il est difficile de raconter une ville à quelqu’un qui n’y a pas vécu. Cette affirmation est encore plus vraie pour Sarajevo. Cela fait vingt ans que nous n’entendons plus parler de cette ville, autrefois appelée la Jérusalem des Balkans. Les raisons pour lesquelles les personnes s’en rappellent, sont très souvent les souvenirs d’images traumatisantes de la guerre. Depuis que ce conflit meurtrier ne nourrit plus les unes des journaux, Sarajevo constitue un flou dans la mémoire collective des français. Comment peut-on expliquer qu’une ville aussi riche historiquement et culturellement puisse se faire oublier dès le moment où elle n’est plus le sujet de l’horreur ? La Bosnie-Herzégovine et sa capitale ont continué à vivre. Mais en effectuant une mise au point sur son histoire actuelle, on se rend compte que ce pays a beaucoup de mal à se relever de la guerre. Le conflit ethnique entre les pays de l’exYougoslavie durant lequel chacun cherchait à conquérir ce qui lui semblait être son territoire s’est terminé par un accord pour répartir les terres et mettre fin à la guerre. Cette fragmentation associée à une administration complexe se révèle être aujourd’hui une entrave au développement de la BIH et de sa capitale. Les sarajevains ont vécu en cinq ans l’indépendance, la guerre, un siège et pour finir un redécoupage administratif. Tout ceci les a gravement traumatisés. Mais la richesse qui faisait Sarajevo n’a pas disparu. La ville est certes victime de l’image de la guerre qu’elle renvoie et a aujourd’hui du mal à trouver sa juste place de capitale, cependant elle garde en elle les valeurs d’une ville cosmopolite accomplie.

3

s: cole que o t o Pr n publi ue nio hiq • opi géograp en zz ire • qui stionna e • qu ligne 13


Protocole expérimental

Opinion publique Outils Méthode

SAINSARD S., Atlas mental de la mobilité d’une ville assiégée, PFE ENSA de Nantes, 2007 Sondage

Le protocole à part entière. En Facteur non-contrôlé particulier l’âge et l’origine des participants Cobayes

231 personnes interogées entre Nantes, Paris et Bruxelles

Description Nous avons emprunté les données enregistrées par Sebastien Sainsard dans son TPFE datant de 2007 sur Sarajevo. Nous les avons remises en graphique pour rendre le résultat plus parlant

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Résultats « Si je te dis Sarajevo tu penses à quoi ? – Rien… » 16% des personnes interrogées ont formulé cette réponse. Cela en dit long sur l’image que renvoie Sarajevo. Le reste des réponses concernent principalement la guerre à 75%. Sarajevo c’est donc la guerre, puis rien…


16% Rien

5%

Pauvreté

1%

Yougoslavie

Casque bleu

2%

1%

Multiculturel

5%

3%

Kosovo

2%

J.O

Snipper

40% Guerre

2%

Reconstruction

Sarajevo

1%

Ruine

5%

Milosevic (le grand méchant)

2%

Tito

Guerre

3%

Capitale de Bosnie

Serbo Bosniaque

Guerre civile

3%

Massacre

Guerre de

Yougoslavie

6%

Archiduc

3%

1ère guerre mondiale

Balkans

liens entre les termes mots désignant Sarajevo en fonction de leurs importances

Flou

différents mots qui font référence à la guerre

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1

Vue depuis la France Une approche par le brouillard

Quand on demande aux français ce que leur évoque Sarajevo, 16% répondent « rien ». Ceux à qui la ville rappelle quelque chose pensent tout de suite à la guerre des Balkans qui a soulevé le pays dans les années 90. D’autres se souviennent de la courte période des jeux olympiques d’hiver de 1984. Ces résultats montrent une vision très réduite de la ville. En France, nous n’avons aucune idée de ce qu’elle est devenue. Elle n’alimente plus de sujets croustillants dans nos medias, elle ne brille pas par sa situation économique et ne figure pas dans le classement des villes touristiques d’Europe centrale à ne pas manquer. Cet oubli nous permet de poser le constat que notre vision de la Bosnie-Herzégovine et de sa capitale est restée figée au dernier grand drame qui l’a secouée, le siège de 1992-1995. Comment s’est donc relevée cette ville ? Qu’est-elle devenue aujourd’hui ? Afin de répondre à ces questions nous nous sommes rendues sur place. Il semble que notre chaotique arrivée dans la ville soit à l’image du flou qui nous habitait au début de ce travail de recherche. Nous partons pour 7 jours de découverte ou de redécouverte de Sarajevo. Le 24 janvier, il est 5h du matin à Genève. Avec une petite valise, un bon manteau, bonnet et écharpe, la première d’entre nous arrive à l’aéroport impatiente de

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décoller. Deux heures de vol sont prévues, nous décollons avec le lever de soleil sur les Alpes enneigées, un spectacle magnifique. Deux heures ont passé, nous sommes toujours dans les airs, pas de signes d’atterrissage imminent. Le pilote fait une annonce « nous sommes au dessus de l’aéroport de Sarajevo et nous attendons l’autorisation d’atterrir, merci de patienter ». 30 minutes passent, puis 45, nouvel appel « En raison des conditions météo, nous ne pouvons pas atterrir, nous allons donc atterrir à Split ». Nous voilà donc au dessus de la Mer Méditerranée et de la Croatie, le soleil est haut dans le ciel, 15°C dehors. Après l’atterrissage, un dernier mot du pilote : « bienvenue en Serbie »... Un bus nous attend devant l’aéroport de cette ville non pas de Serbie mais de Croatie et c’est parti pour 6 heures de trajet à travers la Bosnie-Herzégovine. Les Bosniens sont incroyablement calmes face à cette situation. Ils semblent avoir l’habitude. Du bus nous pouvons admirer des paysages magnifiques de montagnes pour finalement arriver à Sarajevo à la nuit tombée. Le sol est couvert de neige, l’aéroport est désert, l’aventure commence : il faut trouver un taxi pour rejoindre la ville...


*

Flou

Vue du taxi en arrivant à Sarajevo

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Parallèlement, le 25 janvier à 9h du matin à Lyon Saint- Exupéry, c’est autour de la deuxième d’entre nous d’embarquer pour Sarajevo avec une escale à Zurich. Mais une fois installée dans le siège du premier avion, ,nous entendons qu’il manque des vis dans l’appareil et qu’il faut les remplacer avant de décoller. Cela nous fait perdre 3 heures. Il est déjà trop tard pour avoir la correspondance entre Zurich et Sarajevo. Le stewart promet alors de trouver une solution pour arriver à Sarajevo le jour même. Nous nous accordons sur un Zurich-Vienne suivi d’un Vienne-Sarajevo. Mais au milieu du troisième vol on nous annonce que l’avion n’est pas autorisé à atterrir à l’aéroport de Sarajevo. Nous sommes priés d’attacher nos ceintures pour faire demi tour. Ce message en amuse plus d’un. Retour donc à Vienne. Il est 23h et il n’y a plus d’avion prévu ce jour-là, la compagnie nous emmène dans un hôtel en centre ville pour passer la nuit. Le lendemain, heureusement, le 4ème avion était le bon, il a pu nous faire atterrir à midi car le brouillard s’était suffisamment dissipé. Juste 24h de retard.

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Un brouillard pouvant en cacher un autre, une fois à l’abri du brouillard contenu dans la vallée nous nous retrouvons dans la fumée des espaces intérieurs. Les Bosniens peuvent en effet fumer dans les espaces publics et ils y recréent le brouillard épais qu’ils ne supportent plus à l’extérieur. Ces péripéties sont typiques de l’inaccessibilité de cette ville. La météo est comparable à l’image que les français ont de la ville : un brouillard épais compliqué à percer. De part la complexité des administrations et par les sentiments partagés qui habitent les bosniens, rien n’est évident et aucune donnée est facilement acquise. L’approche de la ville est plus compliquée que prévu mais celle-ci n’en révèle que mieux ses secrets et ses subtilités.


H R IC ZU

VIEN NE

V JE RA SA O

DU B

RO VN I

K

Carte des trajets pour aller à Sarajevo en février 2016

2h

11h30

4h

31h

Temps prévu pour arriver à Sarajevo Capucine

Temps passé dans les transports

Temps passé dans les transports Flou

Temps prévu pour arriver à Sarajevo Anaëlle

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Protocole expérimental

Quizz géographique Outils

Une carte vierge avec les frontières tracées

Méthode

Localiser les villes de la liste

Le manque général de connaisFacteur non-contrôlé sance géographique Cobayes

Deux générations de Grenoblois

Description Situez sur une carte d’Europe 10 villes, des villes qui vous sont connues (la ville où vous habitez, la capitale de votre pays), des villes étudiées en cours de géographie, où vous avez peut-être voyagé, et des villes figurant dans vos livres d’histoire pour avoir vécu des traumatismes forts, dont Sarajevo bien entendu

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Résultats Ces cartes révèlent que quelque soit la génération, Sarajevo n’est facile à localiser pour personne. Elles montrent que les plus de 30 ans ont tout de même une idée plus précise de sa localisation.


Les vieux (+30 ans)

Les jeunes (-30 ans)

Flou

Grenoble Paris Madrid Berlin Stockholm Athènes Bucarest Sarajevo Dubrovnik Tchernobyl

21


2

Le poids de l’histoire

La reconfiguration du pays suite à la Guerre des Balkans

Pour pouvoir comprendre ce qu’est Sarajevo aujourd’hui il faut revenir vingt ans en arrière. Intégrée à la Yougoslavie, dont la capitale était Belgrade, Sarajevo n’était qu’une capitale secondaire. Suite à la mort de Tito en 1980, la cohérence nationale qu’il avait mise en place a commencé à disparaître. En 1992 la Slovénie puis la Croatie décident de déclarer leur indépendance. La Serbie, toujours attachée à l’idée de former une grande puissance yougoslave, s’inquiète de voir ces pays partir. Elle fait face au même moment à la volonté d’émancipation d’une de ses régions du Sud, le Kosovo. Les serbes, menés par Milosevic, décident d’utiliser la force pour tenter de maintenir leur ancrage géographique. La guerre éclate entre la Serbie et la Croatie. La Bosnie-Herzégovine, littéralement coincée entre les deux, se voit

projetée dans une guerre extrêmement meurtrière. Chacun essaie de récupérer de la BIH les territoires qu’il estime être les siens, les revendiquant par la présence de leurs communautés. Sarajevo est assiégée par l’armée serbe durant quatre longues années. Les habitants sont pris au piège dans cette cuvette, privés d’eau et d’électricité. Les balles pleuvent, tirées par des snipers embusqués dans les collines. Lors de ce siège, la ville est bombardée et la majeure partie des bâtiments qui faisaient son identité sont détruits. Cette ville cosmopolite est prise pour cible pour ce qu’elle représente : la réussite d’un vivre ensemble entre différentes communautés yougoslaves.

« Les stigmates de la guerre sont sur les murs et dans les esprits » SAUVAGET J., CASALI C., Sarajevo la martyre, toujours divisée, vidéo Billet retour, France 24, consulté le 22.11.2015

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Flou

Une pause cigarette, 1994 Š 2015 octobre. flickr.com

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Pour mettre fin à ce conflit extrêmement meurtrier, les accords de Dayton sont signés en novembre 1995 entre les présidents serbe, bosnien et croate, prévoyant la partition de la Bosnie-Herzégovine. Ils divisent la BIH en trois régions : la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la République serbe de Bosnie et le District de Brčko, dans lequel on prévoit de déployer une force de paix internationale. Ces territoires étaient sensés accueillir respectivement : les bosniaques et les croates; les serbes; et une zone tampon internationale. L’administration de la BIH est elle aussi soumise à une fragmentation qui se traduit par un système de gouvernance tripartite. Les accords de Dayton ont permis d’octroyer une large autonomie aux entités croate et bosniaque d’une part, et serbe d’autre part. Ces accords ont coulé le pays dans un clivage ethnique très rigide1. Ils ont complexifié sa gouvernance de telle sorte qu’aucune décision n’est 14 gouvernements

180 ministres

prise à l’échelle nationale. La corruption y trouve alors un terrain très fertile. Depuis la signature des accords, le système politique et les frontières n’ont pas changé. Les appartenances ethniques qui étaient au cœur de la guerre ont été figées par le découpage administratif du pays. La répartition du pouvoir empêche toute avancée majeure. Cela explique la grande difficulté des Bosniens de se tourner vers l’avenir. Sarajevo se retrouve elle aussi sujette à de nouvelles limites. Elle passe du statut de « ville-front » à celle de « ville-frontière »2. Elle est divisée en quatre cantons arbitrairement positionnés. A l’image du pays, chaque canton a sa propre administration, ce qui enlève à la ville toute possibilité d’action urbaine. L’argent et les décisions sont gérés à l’échelle cantonale. Aucune décision n’est prise à l’échelle de Sarajevo. De plus, peu de fonds ont été octroyés à la ville pour sa reconstruction et il reste encore dans la vallée de nombreux vestiges qui rappellent quotidiennement aux habitants le siège qu’ils ont pour la plupart vécu.

administration qui en découle

10 ministres

3 présidences collegiales chacun fait une permanance de 8 mois

Mladen Ivanic Bakir Izetbegovic (serbe) (Bosniaque) Dragan Covic (coate)

Schéma de la complexité administrative 24

1. SAUVAGET J., CASALI C., Sarajevo la martyre, toujours divisée, vidéo Billet retour, France 24, consulté le 22.11.2015 2. Šamić, J., 2008. Qu’est-ce que le multiculturalisme à Sarajevo?, 2015


Brčko Banja Luka

Serbie Tuzla

Croatie

Sarajevo

Découpage par les accords de Dayton Fédération de Bosnie-Herzégovine Banja Luka République serbe de Bosnie Brčko

Banja Luka

Croatie

Tuzla Croatie

Brčko

Brčko

Serbie

Tuzla

Serbie

District de Brčko Serbie

Mostar

Monténégro

Tuzla

Villes les plus importantes Influence de Sarajevo sur le pays Sarajevo Sarajevo Mostar

Sarajevo

Mostar

Monténégro

Monténégro

Tâche urbaine VS limites administratives de Sarajevo Tâche urbaine Monténégro Limite de la Fédération de BIH Délimitation des arrondissements

Topographie VS limites administratives de Sarajevo Délimitation des arrondissements

Flou

Mostar

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Protocole expérimental

Questionnaire en ligne Cobayes

Des gentils inconnus du web

Méthode

Mise en ligne d’un questionnaire d’une trentaine de questions, diffusé sur les réseaux sociaux.

Résultats

Facteur Temps consacré par les cobayes non-contrôlé à la rédaction des réponses Un poste équipé en logiciels modernes

Outils

38% Extraverti

19% Intellectuel

31% Dynamic

31% Dynamic

19% Intellectuel

44 personnes entre 19 et 51 ans ont joué le 31% jeu, la plupart étant étudiants Heureux ou professionnels en architecture ou en design. Ce panel nous a apporté une vision de la ville à31%la fois urbanistique 38% Heureux Extraverti et sensible qui vaut tous les catalogues 10% de photos en ligne Triste

88% Amical 88%

14% Calme

24% Ouvert 14% Calme

Description

55% Traditionel

24% Ouvert

«Elle peut être à la fois 31% Borné la plus belle31%et la plus Borné laide ville du monde en 38% fonction du temps qu’il Stréssé 38% Stréssé fait»

10% Innovant

Afin de pouvoir mieux saisir la55% réalité de la vieInnovant 10% Traditionel des sarajevains nous sommes allés chercher les

informations à la source. Les questions posées 40% multioffraient à la fois des réponses à choix Frustré ples et d’autres ouvertes à la libre expression. 40% Frustré Cela a permis de récolter à la fois des données 50% 50% chiffrées ainsi que des réponses plus personCreatif nelles Creatif

7 2

9

2

10

4

6

26

femme, 49 ans

7 8 8

10

4

Amical

10% Triste

5

9

3

3

5

6

Quelle note pour la ville de Sarajevo?

Les moyens de transports les plus utilisés


Historical museum

1

Fine art academy

2

City hall

3

Podium des bâtiments les plus beaux

City center

1

Tibra

2

Papagajka

3

Podium des bâtiments les plus laids

38% Extraverti

14% Calme

55% Traditionel

Adjectifs qualifiants les habitants de Sarajevo

10% Innovant

40% Frustré

10% Triste

88% Amical

24% Ouvert

31% Borné

38% Stréssé

50% Creatif

Flou

31% Dynamic

19% Intellectuel

31% Heureux

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3

La Bosnie-Herzégovine aujourd’hui La différence entre bosnien et bosniaque

Il est important, à ce stade, de faire le point sur une différence capitale : celle entre bosniaque et bosnien. Voici la définition qu’en donne le dictionnaire Larousse : « Le terme « bosnien » est employé officiellement pour désigner l’ensemble des citoyens de la Bosnie-Herzégovine, indépendamment de leur appartenance ethnique ou religieuse ; celui de « bosniaque » s’applique plus particulièrement aux bosniens musulmans ». C’est par le terme bosniaque que la plupart des politiques du pays maintiennent le clivage ethnique. Ce détail de vocabulaire cache en réalité un problème qui assaille le pays depuis la fin de la guerre : la question identitaire. La constitution reconnaît dans la population les bosniaques musulmans, les serbes orthodoxes ainsi que les croates catholiques. C’est le lieu de naissance qui détermine la religion et cela rend ainsi inexistant aux yeux des pouvoirs publics toute personne dont

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la nationalité et/ou religion ne rentrerait pas dans ce schéma3. Or, les croyances et les appartenances religieuses changent de génération en génération. Quelle identité aurait un athée dans ce système ? Le maintien de cette constitution, 20 ans après la fin du conflit, est un outil des politiques pour se maintenir au pouvoir en jouant sur la peur de l’autre. Mais les jeunes nous font comprendre qu’ils ne prennent plus part à ce système et espèrent voir un jour « s’endurcir la loi sur les discours de haine et disparaître la religion du système éducatif et du gouvernement »4. Dans la suite de ce mémoire vous verrez uniquement apparaître la notion de Bosnien car à l’image de ces jeunes nous pensons que la Bosnie est un pays dont toutes les communautés (reconnues ou non par l’État) ont quelque chose de bon à apporter.

3. Verdier M., Vingt ans après la guerre, le Sarajevo multi-ethnique se délite, La Croix, mis en ligne le 05.06.2015, consulté le 21.11.2015 4. Citation d’une réponse donnée dans le questionnaire en ligne par un homme de 27ans


*

Flou

Foule à l’arrêt

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Mettons de côté la complexité administrative et communautaire et penchonsnous sur le quotidien des sarajevains. Quand nous les interrogeons, ils prennent plaisir à décrire une ville à l’atmosphère bien particulière. De leurs réponses se dégage l’image d’une ville et d’une culture urbaine posée en équilibre entre Orient et Occident. Le mélange de l’appel des mosquées et des cloches des églises témoigne d’une pratique quotidienne de la tolérance et d’une certaine douceur de vivre. Le pays est fortement touché par le chômage et les jeunes diplômés en sont les premières victimes5. Beaucoup quittent le pays à la recherche d’une meilleure situation. La plupart des habitants de Sarajevo vivent en appartement et ont peu de ressources. On ressent un certain agacement envers cette situation qui n’évolue pas, mais également un grand investissement de la part des populations jeunes qui souhaiteraient avancer et se sortir de cet enlisement. Sarajevo peut être un très bon support pour faire progresser les choses à l’échelle du pays. En 2014, des manifestations

ont eu lieu6, au cours desquelles de nombreux habitants se sont regroupés pour dire leur insatisfaction face aux difficultés du quotidien : chômage, difficulté de se loger et corruption d’un système injuste. A l’échelle de la ville, les personnes interrogées déplorent le manque d’espaces publics de qualité. La ville a été déplantée durant la guerre. Les habitants utilisaient le bois pour se chauffer. Depuis rien a été fait pour replanter la ville. La plupart des jeunes interrogés aimeraient pouvoir profiter de beaux espaces verts au cœur de la ville. Ils se plaignent de la pollution qui stagne dans la vallée et qui, combinée au brouillard, rend la vie compliquée et bien morose. Certains évoquent aussi la mauvaise régulation du trafic routier dans la ville et souhaiteraient l’amélioration des transports publics. Ils sont cependant fiers de la beauté des paysages qui entourent leur ville et de la variété offerte par ses contrastes. La plupart, malgré tous les problèmes auxquels leur pays et leur ville font face, restent optimistes pour voir les choses un jour s’arranger.

«Aujourd’hui, 20 ans après la guerre, la population aspire à plus de justice sociale et moins de chômage, qui sont les meilleurs moyens de lutter contre le nationalisme et la violence.» SAUVAGET J., CASALI C., op. cit.

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5. SAUVAGET J., CASALI C., ibid. 6. Ruvic D., Manifestations, émeutes : que se passe-t-il en Bosnie ?, Francetvinfo, mis en ligne le 07.02.2014, consulté le 21.11.2015


«J’aime le son du tram qui passe dans la rue» femme, 20ans

«Sarajevo c’est des gens différents vivant au même endroit en paix, en respectant l’autre et ce qu’il représente»

Flou

homme, 28 ans

Ambiance captée

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*

Barre de logements dans le nouveau Sarajevo


Traces [tRas]. n. m. féminin - Suite d’empreintes laissées sur le sol par le passage de quelqu’un, d’un animal, d’un véhicule Littéraire, ce qui subsiste de quelque chose du passé sous la forme de débris, de vestiges.

construction de la ville

• vision intérieure

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TRACES Une territoire morcelé porteur de problématiques diverses

Établie dans la vallée, Sarajevo s’est développée le long de la rivière Miljacka. Elle s’est étendue sur les collines nord et sud à la fin du XXe siècle. La vallée raconte l’évolution culturelle et géopolitique de la ville. A l’origine l’empire romain avait profité des sources chaudes à l’Ouest. L’empire Ottoman s’était protégé au plus proche des collines à l’Est. Dans la continuité de celui-ci, l’Empire Austro-hongrois puis le pouvoir socialiste de la Yougoslavie ont développé la ville d’Est en Ouest. Ils ont successivement gouverné Sarajevo et ont construit côte à côte les morceaux d’une ville linéaire au pied des montagnes. Cela fait de Sarajevo une ville où se révèlent clairement les idéaux urbains et sociaux de ces différents pouvoirs. Les dynamiques urbaines ont de tout temps été concentrées dans la plaine qui accueille l’ensemble des infrastructures viaires et ferroviaires. La ville s’est développée dans cette vallée et aucun plan urbain ne prévoyait l’utilisation des collines, qui était vues comme une ceinture verte. Avec le temps, elles ont été colonisées de manière illégale ce qui crée un réel choc des tissus urbains entre vallée et collines. Aujourd’hui l’extension urbaine est problématique : la vallée déjà congestionnée reste encombrée depuis la guerre par de nombreux bâtiments endommagés et en ruines, créant dans la ville un tissu urbain peu dense et inégal.

7. DAOULAS J.F., Oslobodenje, réflexions sur l’urbanisme de Sarajevo : pour un projet partagé, viveletalent.org, juillet 2006, consulté le 28 janvier 2016

Sur les terrains en friche, des buildings de verre et d’acier ont émergé depuis une dizaine d’années, financés par des investisseurs étrangers. Cette architecture moderne post-socialiste contraste avec les tissus anciens des centres historiques et avec les maisons individuelles des collines. Elle participe au caractère hétérogène du paysage urbain sarajevain. Le plan de la ville s’apparente à un tableau composé d’un assemblage de pièces, d’acteurs et de processus urbains déconnectés dans le temps et dans l’espace. Dans cette « ville de la valeur ajoutée », pour reprendre les mots de Jean François Daoulas7, urbaniste à Sarajevo, les traces prennent plusieurs sens. Elles nous renseignent sur les différentes idéologies urbanistiques qui se sont succédées. Elles donnent à la ville une organisation linéaire le long de la vallée. Enfin, elles témoignent du décalage entre une élite politique et les habitants qui font la ville. Par ces traces, Sarajevo se présente comme la ville diversifiée d’un peuple qui cherche aujourd’hui son identité.

2

: oles c o t Pro ntage de e • arp M18 la on rtati e c n • co diante étu 35


Protocole expérimental

Arpentage de la M18 Outils

Un tramway

Méthode

Une ligne de tram, 8 arrêts sélectionnés arbitrairement, 3 relevés à chaque stops

Facteur Brouillard épais non-contrôlé Cobayes

Trois jeunes étudiantes motivées

Description La M18 est la rue principale qui traverse la vallée dans toute sa longueur. Nous avons voulu vérifier ce que nous lisions en carte. Des trois cobayes, une était chargée de faire des photos de façades, une autre de faire un relevé en coupe du lieu et la dernière de faire des croquis des espaces publics. La consigne était de rester autour de l’arrêt de tram afin de ne pas s’éparpiller dans la ville. Le tout à finir avant le coucher du soleil prévu à 16h.

o3.

o1.

36

o2.

Résultats Nous avons pu constater la grande différence des tissus urbains qui se répercutent directement sur l’espace public. Le brouillard présent ce jour là a accentué la vision frontale de ce qui nous entourait. Nous avons été récompensées par un Salep (un lait chaud à la poudre de racine d’orchidée et à la cannelle) dans la ville ottomane.

o4.

o5.

o6.

o8. o7.


o1. Stup

o2. AlipaĹĄino Most

o3. Cengic Vila

o4. Sociajalno

o5. Univerzitet

o6. Marinjvor

Traces

o7. Banka

o7. Bascarsija

37


1

Construction de la ville Une lecture linéaire de l’histoire

La plus grande spécificité du tissu urbain de Sarajevo réside dans son rapport topographique à l’histoire. Sarajevo n’est pas une ville palimpseste, bâtie en couches superposées au fil des siècles. Elle est au contraire une ville qui s’est déployée chronologiquement le long de la vallée. Les différentes périodes de l’histoire de ville se sont implantées les une à coté des autres, d’est en ouest. Quatre types d’urbanisation révèlent quatre périodes majeures dans la construction de Sarajevo. Le quartier ottoman nommé Bascarsija (« le Grand Bazar »), d’influence turque, est constitué de petites maisons construites les unes à coté des autres dans un système de Mahala. Elles sont disposées autour des mosquées et des places publiques. Le quartier Austro-hongrois, d’influence européenne, ressemble fortement à

38

8. DAOULAS J.F., ibid.

Vienne. Des immeubles de quatre étages respectent scrupuleusement des règles d’urbanisme afin de créer des rues homogènes. Ces deux premiers quartiers forment ensemble le centre ville du Sarajevo contemporain. L’extension de la ville à l’ouest est marquée par l’urbanisme titiste qui s’est développé principalement à partir des années 1945 sous l’influence de l’idéologie socialiste. L’état de la Yougoslavie offrait à tous les jeunes mariés un logement et un travail. Ils ont donc construit de grands ensembles de logements standardisés afin de créer une égalité pour tous. Sur le même modèle, dans les années 1970 à 1990, un plan de construction de grande ampleur a vu le jour, visant à agrandir la ville pour accueillir les Jeux Olympiques de 1984. La ville atteint alors sa taille et son rayonnement maximum8.


Photo satellite non retouchée de Sarajevo, © 2015 décembre. Google maps Bâtiments collectifs / Vallée

Traces

Maisons individuelles / Collines

39


Les collines nord et sud ont été, quant à elles, colonisées par de petites maisons ouvrières, lors de l’essor industriel de la ville. En effet, le pouvoir yougoslave qui offrait logement et travail à tous ses citoyens était victime des lenteurs administratives et ne pouvait pas faire face à l’arrivée massive des travailleurs. Une partie de la population a donc commencé à construire des logements spartiates dans les collines. Le gouvernement fermait les yeux sur la légalité de ces constructions et n’intervenait pas pour en structurer l’implantation. En contraste avec la vallée, ces collines ne font donc l’objet d’aucun plan urbanistique. Ces habitations se sont raccordées tant bien que mal aux infrastructures de la vallée. La cohabitation des constructions desservies par des chemins sinueux et informels résulte simplement du respect mutuel et du bon vouloir collectif. Sarajevo donne à lire les pages de son histoire dans son plan urbain et son architecture. Les différentes cultures qui ont pris place au fil des siècles à Sarajevo font aujourd’hui la spécificité de cette ville aux multiples visages qui s’est développée dans la plaine au profit des échanges et du commerce. La ville plate s’oppose aux habitats spontanés des collines en même temps qu’elle en est le centre.

La dualité vallée/collines : deux villes qui cohabitent sans communiquer 40


1945-1970 Yougoslavie sous Tito

1970-1990 Préparation des Jeux Olympiques

1873-1918 Empire Austro-hongrois 2ème extension

Rupt

ure à

550 m

1461-1873 Empire Ottoman

1ère extension

d’altit

ude

Traces

Chronologie de la construction longitudinale de la ville

41


Suite à la guerre, la ville a vu émerger des constructions récentes qui se résument à des centres commerciaux et de barres d’habitations dans la vallée. De nouvelles maisons ouvrières auto-construites ce sont quant à elle implantées en balcon sur les collines de part et d’autre de la ville. Aucun de ces deux modes de construction ne respecte la trame du plan d’urbanisme qui couvre la période de 1985 à 2015. La vallée, cultivant sa linéarité, concentre les axes de transport et les flux qui traversent la ville longitudinalement. L’artère principale (la fameuse M18), les larges avenues et les voies de chemin de fer se déploient parallèlement à la rivière Miljacka. Ces infrastructures sont autant de barrières qui limitent la porosité transversale de la ville et organisent l’espace urbain en étroites bandes le long de la rivière. Le contraste des tissus urbains entre la vallée et les collines est fort. Les liaisons par la voirie et les transports publics entre ces deux espaces sont quasiment nulles. Ils ne se connectent qu’à quelques points de jonction, lorsque les chemins qui sillonnent la pente se rattachent aux grandes artères urbaines de la plaine.

42

Le peu d’axes transversaux qui existent est concentré dans la vallée et ne se prolonge pas dans le relief. Les grandes barres au pied des collines accentuent cette rupture. A trop s’urbaniser dans la plaine, la ville a tourné le dos à la pente. Le Sarajevo contemporain ressemble à un couloir urbain qui relie deux centralités aux extrémités : un cœur touristique et commercial dans les quartiers ottomans et austro-hongrois à l’est, et un pôle industriel à la sortie de la vallée à l’ouest près duquel se développent les entreprises, les activités industrielles ainsi que les activités de logistiques. La dualité ville – collines et les fractures spatiales persistantes dans le tissu urbain altèrent l’équilibre physique de Sarajevo et rompent le lien que la ville entretenait jadis avec son territoire montagneux. Toute une partie de la population qui n’avait pas les moyens de vivre dans la plaine mais qui fait pourtant partie intégrante de la population sarajevaine, se trouve ainsi exclue.


Topographie et rivière

industri ell zone e

re tourist cent iqu

e

Traces

Les flux, mouvements dominants Est-Ouest

Les flux, 11 transversales Nord-Sud

43


Rapport de frontalitÊ lors de l’arpentage M18

o1.

44

o2.

o3.

o4.


o6.

o7.

o8.

Traces

o5.

45


Protocole expérimental

Morpho-cartographie Outils

Une carte – un rouleau de claque

Méthode

Workshop improvisé avec des étudiantes de l’académie d’architecture de Sarajevo

Facteur Nombre et sexe des candidats non-contrôlé Cobayes

3 étudiantes en Master 2 à Sarajevo

Description Une équipe s’est vu proposer un exercice de morpho-cartographie visant à faire émerger de la carte de Sarajevo des formes diverses. Le but est de révéler une certaine psychologie de la ville et de ses habitants. Cet exercice a été emprunté à l’agence ANPU*

46

*. ANPU : Agence nationale de psychanalyse urbaine, http://www.anpu.fr/

Résultats Par une analyse non conventionnelle du résultat, nous avons pu faire émerger des significations à ces dessins spontanés. Chaque figure fait écho, à sa manière, à l’histoire de la ville et à sa situation actuelle.


CLOVER (Le trèfle) GUN (L’arme) Represente le pouvoir opressif ou libérateur

Trouver un trèfle à quatre feuille : vous êtes d’un naturel optimiste

ROOT (Les racines) Signe de contrariétés, de soucis

SNAKE (Le serpent)

Symbole de renaissance après une épreuve

Sa mobilité représente la métamorphose et sa nature vivifiante, le principe de vie

Analyse superficielle fondée sur la lecture du site Signification-reve.com

HAND (La main)

Symbolise l’activité, la domination, la possession

Traces

WHALE (La baleine)

47


2

Vision intérieure

à la rencontre des étudiants

Depuis la fin de la guerre, le droit du sol a fondamentalement changé. La politique socialiste mise en place en 1945 indiquait que toute terre appartenait à l’état. Ce dernier les répartissait entre citoyens en offrant à tous un logement décent. Avec la fin de l’État de Yougoslavie, le pays s’est retrouvé projeté dans un système capitaliste où tout devient privé. Des sarajevains nous ont confié que la majorité de la population a eu du mal à s’approprier ce système, ce qui a donné lieu à des dérives. Les pouvoirs publics ont laissé le champ libre aux investisseurs privés sur le marché de la reconstruction suite à la guerre. Seule une élite profite de ces financements en parti à cause de la complexité institutionnelle qui favorise la corruption. Le dernier plan d’urbanisme date de 1985. Il partitionne la ville en zones afin d’entériner sa diversité. Ce plan prévoyait de poursuivre l’aménagement urbain jusqu’en 2015. Il n’est aujourd’hui pas renouvelé, et n’a pas été respecté par les principaux acteurs de la reconstruction ces 10 dernières années. La majeure partie des

48

bâtiments construits depuis la guerre l’ont été de manière illégale. Cela témoigne du manque de rigueur des politiques pour la construction de la ville. Sarajevo étant contenue dans une cuvette, la pollution a tendance à s’accumuler et à stagner, ce qui rend l’air irrespirable. Dès les années 1970, suite à la construction massive d’ensemble de logements dans le quartier d’Alpaninio, une loi a commencé à réguler les hauteurs des bâtiments. En effet, les hauteurs trop importantes gênent la bonne circulation de l’air dans la vallée. Aujourd’hui, l’Avaz Twist Tower, le centre commercial City Center et bien d’autres constructions récentes se sont exemptés de cette règle et mettent en péril la qualité de vie à Sarajevo. En prenant un peu de hauteur on se rend compte que les clochers et minarets qui représentaient la diversité de la ville côtoient maintenant des tours de verre et des écrans publicitaires, changeant immanquablement le visage de Sarajevo.


Traces

*

Pause de chantier

49


D’après les élèves et les professeurs de l’université d’architecture de Sarajevo, cette irruption des compagnies privées est vécue comme une grande violence par la population habituée à un système public central et partagé. D’après eux, les grands chantiers architecturaux contemporains témoignent des jeux de pouvoir à Sarajevo. Ils nourrissent les ambitions économiques des politiques au détriment d’un projet de ville partagée. Cette situation, orchestrée d’en haut, influence l’évolution de la ville et le quotidien des habitants, vécu d’en bas. En plus d’être inadaptées aux besoins quotidiens, les nouvelles opérations s’intègrent mal dans le tissu de la ville existante. Cette petite anecdote de notre voyage sur place illustre bien cette situation : alors que nous voulions faire des courses pour cuisiner un dîner à nos hôtes sarajevains, nous sommes allées au supermarché Kozum© au sous-sol du centre commercial BBI. Nous étions déjà allées dans d’autres Kozum© à différents endroits de la ville durant notre séjour et nous savions que cette enseigne vendait tout ce dont nous avions besoin pour cuisiner. Une fois nos articles choisis et avant de passer en caisse, nous avons cherché en vain le rayon « alcool » pour acheter une bouteille de vin. Une employée nous dit avec évidence qu’ils ne vendaient pas d’alcool dans ce supermarché. En demandant naïvement où il nous serait possible

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d’acheter une bouteille, nous avons compris que les investisseurs privés de ce centre commercial, venus du Qatar, avaient aussi imposé leurs règles de consommation. Cette expérience nous a démontré que la ville était régulée par les lois que chacun impose à sa manière dans les espaces privés. Au contact des futurs architectes sarajevains nous avons pu approfondir nos connaissances sur la ville. Ce qui surprend le plus c’est la nette nostalgie dans laquelle vivent les bosniens. Tous les étudiants sont unanimes, leurs parents ne sont pas heureux aujourd’hui, ils reparlent sans cesse de la belle époque de la Yougoslavie durant laquelle la vie était douce et facile. Nous avons pu le constater aussi dans les musées et les lieux importants de la ville. La période de la Yougoslavie sous Tito est présentée comme une période idéale. Le musée d’histoire nationale présente une exposition sur cette période en faisant miroiter tous les bienfaits que ce système avait pour les habitants. Aucun recul n’est pris sur les points négatifs qui pourraient ternir le souvenir de cette période. Les jeunes, quant à eux, se trouvent tiraillés entre la nostalgie de leurs parents et leur envie de se créer aujourd’hui un meilleur environnement afin de ne plus vivre dans le souvenir du passé.


1461 Hadiljaka Dtanija 15 m

1986 Unis tower 80 m

2008 Avaz Twist tower 142 m

Avaz twist Tower et ses environs Coupe

Centre commercial face à l’église de Karla Parzika

Traces

Photo retouchée, mise en évidence des points hauts de la ville. thefunambulist.net

Coupe perspective inversée

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Carte mentale de Sarajevo Carte effectuée lors du workshop cité p.46, les étudiantes bosniennes ont effectué cette carte. Nous l’avons redessinée et simplifiée.

AY HW

ZETRA

HIG

EXIT

R.I.P

O.B.M

COW-FARM

EXIT

STADIUM

Légende Principal

Secondaire Quartiers

Repères

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NOWHERE

ARCHITECTURE FACULTY

N

TUNEL AVAZ TWIST TOWER

R.I.P

BASCARSIJA INTERNAL FLAME

ACADEMY OF FINE ART

SKENDERIJA

OLYMPICS GAMES MOUNTAINS

Traces

TRAIN STATION

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Reportage photo de Sarajevo

*

Logements Ă proximitĂŠ du centre ville

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*

Traces

Un souvenir d’idÊal de vie communautaire

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*

Le tramway est le transport le plus actif dans la vallĂŠe

56


*

Traces

Perspective sur la ville nouvelle

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*

Pains bien rangĂŠs

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*

Traces

Trous de balles

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60

*

Industries aux pieds des collines


Liens [lje ̃]. n. m. - Ce qui établit entre des choses abstraites un rapport, en particulier de logique ou de dépendance.

les nouvelles initiatives

• reconstruction par le lien

61


62


LIENS Émergence d’une identité commune

Sarajevo est une ville marquée par le poids de son histoire. Par leur succession sur le territoire, les cultures diverses qui l’ont habitée ont créé de forts contrastes spatiaux. Cet environnement, combiné au traumatisme de la guerre et aux clivages ethniques qui s’en sont suivis, fait qu’aujourd’hui il est difficile de voir la ville comme un espace partagé. Comme de nombreuses initiatives urbaines qui voient le jour en Europe, Sarajevo n’échappe pas à cette tendance. La situation économique étant catastrophique, c’est par une volonté commune des habitants que l’espace public redevient un lieu d’usages quotidiens. Événements de quartiers et interventions à échelle locale émergent petit à petit dans les espaces appropriables de la ville. En février 2014, de grandes manifestations ont éclaté dans le pays9. A Sarajevo plus de 6 000 participants se sont mobilisés. Les citoyens du pays entier exprimaient leur opposition à la corruption du système et réclamaient que des mesures soient prises en vue de baisser le taux de chômage et d’augmenter le pouvoir d’achat. Ces manifestations d’une ampleur sans précédent depuis la guerre ont pris un tournant radical quand le siège de la présidence a été incendié. Ce

9. RUVIC D., op. cit.

feu déclenché par les manifestants était un appel désespéré des bosniens pour se faire entendre audelà de leur frontière. Ces événements marquaient le début d’un changement qui continue timidement mais qui montre la volonté des bosniens à reprendre le contrôle de leur espace de vie. C’est aussi à travers leurs passions et leurs divertissements que les sarajevains agissent. De plus en plus on assiste à l’émergence de petits projets, orchestrés par quelques personnes, visant à améliorer le quotidien. À la fois dans les montagnes environnantes et dans la vallée, les habitants se débrouillent seuls pour avancer et reprendre possession de leur territoire.

2

s: cole ique o t o log Pr énéa o g e r v • arb e Saraje s d on hiffr c é d • F le SF 63


Protocole expérimental

Arbre généalogique de Sarajevo Outils

Un divan

Méthode

Workshop improvisé avec des étudiantes de l’académie d’architecture de Sarajevo

Nombre et sexe des candidats – Facteur non-contrôlé Difficulté à traduire les jeux de mots français Cobayes

3 étudiantes en Master 2 à Sarajevo

Description Ici il s’agit de définir ce qui pourrait être l’arbre généalogique de la ville et de ses habitants. Les catégories sont données il ne reste qu’à les compléter. Cet exercice a été emprunté à l’agence ANPU*

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*. ANPU : Agence nationale de psychanalyse urbaine, http://www.anpu.fr/

Résultats Le patient présente un rapport conflictuel avec ses montagnes. Cette séance a permis de rentrer plus en détail dans le rapport de la ville à ses géniteurs. Sur la base de ces exercices nous avons pu alimenter des débats très intéressants sur des sujets que nous pensions trop sensibles à aborder


Le grand-maire • Tito Au pouvoir de 1945 à 1980

La mère • Rivière [Miljacka]

Le père • L’Empire ottoman

1461 - 11878

Le père adoptif • Le socialisme

1945 - 1992

Le parent nourricier • Les montagnes

2ème ville de Bosnie-Herzégovine, située en République serbe de Bosnie

Lien

La sœur rivale • Banja Luka

65


1

Les nouvelles initiatives Se décharger du poids de la guerre

Sarajevo a vécu en 10 ans sa plus grande gloire et son plus grand traumatisme. Entre les jeux olympiques et la guerre, les sarajevains ont été bousculés de la fierté à l’effroi en un temps très court. Les montagnes ont joué un grand rôle lors de ces deux moments de l’Histoire de la ville. Ce sont donc elles qui incarnent aujourd’hui les sentiments les plus partagés de ses habitants. Par le souvenir de l’horreur qu’elles renvoient elles sont depuis délaissées.

une place importante le jour de l’ouverture des jeux olympiques d’hiver de 1984. La fierté était à son comble car ils ont été les seuls Jeux, dans cette période difficile de l’histoire, auxquels toutes les nations ont accepté de participer. Une fois de plus Sarajevo a incarné la paix des peuples et le vivre ensemble. Tous les bosniens ont été fiers de leur athlète qui a remporté la seule médaille Yougoslave des jeux. Les yeux du monde ont été braqués sur Sarajevo.

Elles furent pourtant un haut lieu de villégiature dès l’occupation austro-hongroise. Elles prirent

“Ils regardent Trebević depuis la ville mais ils ne l’aperçoivent plus. Ils ne la voient que dans leur souvenir”. MIGNOT E., Sarajevo 1984 : trente ans et une guerre plus tard, lemonde.fr, 2014

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Lien

Limite visible des maisons dans les collines, Š 2013 mai. Haller CÊleste

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Ces Jeux Olympiques sont le symbole de la dernière époque heureuse de la ville. Huit ans plus tard éclate la guerre. Les montagnes aident l’armée serbe à prendre une position stratégique pour assiéger la ville. Ce siège est tristement célèbre en particulier par les snipers embusqués sur les collines qui avaient ordre de tirer sur quiconque traversait la rue principale, aujourd’hui renommée « sniper avenue ». C’est un traumatisme fort qui hante encore une grande partie de la population. Les montagnes prennent alors le visage d’un agresseur insaisissable qui leur a fait vivre l’enfer 4 années durant10. Aujourd’hui la douleur de la guerre commence à s’estomper et une nouvelle génération qui ne l’a pas connue, arrive à dépasser le traumatisme de leurs parents. Le temps est à la reconquête des montagnes. Beaucoup d’initiatives de jeunes férus de sport émergent. Les financements publics pour encourager des projets étant inexistants, certains font appel à des investisseurs étrangers. Contrairement à ceux engagés dans la vallée, ces financements permettent de donner

vie à de nouveaux projets directement bénéfiques aux habitants. Ce sont principalement de grandes marques qui permettent à des jeunes sportifs de haut niveau d’améliorer les infrastructures afin de pouvoir développer leurs disciplines11. Différents sports commencent à se développer tel que le vélo de descente ou le ski freestyle. L’événement décisif de cette réappropriation se tiendra en 2017 car la ville accueillera alors les Jeux Olympiques d’hiver de la Jeunesse. Un jolie clin d’œil en souvenir de 1984. Contrairement aux montagnes, la vallée à évolué depuis la guerre. Une partie de la ville a été reconstruite. Mais les projets de la reconstruction, effectués par des investisseurs privés, sont parfois en décalage avec les habitants. En effet ces nouveaux immeubles de verre et d’acier, assez tape-à-l’œil, ne sont pas au goût de tout le monde. Une partie de la population se sent dépossédée de l’évolution urbaine de la ville. Au même titre que les jeunes sportifs, ils voudraient faire émerger une ville à leur image.

“Mon Sarajevo est entouré de montagnes, c’est pour ça qu’ils ont pu nous attaquer”. GODAR J.L. (dir.) et 13 autres réalisateurs, Les ponts de Sarajevo, 2014

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10. MIGNOT E., Sarajevo 1984 : trente ans et une guerre plus tard, lemonde.fr, article publié le 8.02.2014, consulté le 13.12.2015 11. MIGNOT E., ibid.


BMX

Parapente

Skate

Snowboard

Free style

Motocross

Lien

Activités proposées dans les montagnes www.sarajevo-mountains.com

Carte du musée du tunnel sur la limite géographique du siège de Sarajevo

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De cette critique des pouvoirs publics et face à la difficulté à réformer le système est né un certain activisme citoyen. L’implication spontanée des habitants autour des questions d’aménagement urbain commence à voir le jour dans un esprit participatif. Gradologija est une initiative menée par un groupe de jeunes trentenaires au sein de l’association CRVENA12 qui milite en faveur de l’art et de la culture de rue. Ce groupe a mis en place une plate-forme participative en ligne qui permet de localiser les espaces publics délaissés. Ils mettent en évidence les problèmes liés à ces espaces et proposent des solutions faciles pour les transformer. L’activisme citoyen se traduit aussi par des projets plus concrets. Les membres d’une association nommée Old Town Youth Council ont investi les terrasses de restaurants et les devantures de commerces abandonnés. Ils les transforment en aires de jeux pour enfants et en espaces d’exposition d’art de rue. Ces projets mettent le doigt sur les espaces délaissés dans la ville et les friches urbaines. Par le biais de la musique, de l’art ou même de la cuisine, ils attirent l’attention des habitants afin de créer des lieux de partage et de provoquer un dialogue autour de l’aménagement public. Ces initiatives qui outrepassent les administrations capricieuses qui régissent Sarajevo, sont largement soutenues par les résidents des quartiers concernés, preuve que les changements populaires font l’unanimité au-delà du clivage communautaire. L’intérêt est croissant et la mobilisation est collective. Une mutation est en train de s’engager.

70

12. CRVENA, Gradologija – Kvartovski dani 5 i 6, CREVNA, mis en ligne le 4.12.2015, consulté le 12.12.2015 http://www.crvena.ba


Nom : Maternelle Vjeverica Usage initial : Éducation préscolaire Proposition : Aucune actuellement Type de propriété : Publique Niveau d’abandon : Total Espace commun : Non Utilisateurs : Sans abris et hors la loi

Nom : Parc Aleje lipa Usage initial : Terrain vague Proposition : Jeux d’enfants Type de propriété : Publique Espace commun : Oui Utilisateurs : Enfants et adultes

Nom : Kuce ernsta i marije schnaubelt Usage initial : Résidentiel Proposition : Aucune Niveau d’abandon : Total Espace commun : Utilisateurs : -

Lien

Trois propositions d’interventions dans l’espace public. carte interactive sur : www.gradologija.ba

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Protocole expérimental

Les festivals en chiffres Cobayes Méthode

Tous les festivals ayant lieux à Sarajevo Chercher sur les sites officiels des festivals leurs données en chiffres

Facteur Exactitude des chiffres récoltés non-contrôlé Outils

Internet, un carnet, un crayon

Description Nous avons récolté les données de tous les festivals de Sarajevo. Nous les avons classées en fonction de leur durée, du nombre de sponsors privés et de leur ancienneté

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Résultats La ville cumule 88 jours de festivals par ans. Nous pouvons constater que les investisseurs privés sont pour certains festivals des investisseurs indispensables. Il est aussi mis en évidence que les festivals culturels ont depuis longtemps pris place dans la ville. Sarajevo est une ville qui bouge et qui attire du monde grâce à ses festivals


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88 jours de festivals par ans

Film festival

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2

Reconstruction par le lien L’importance de la culture à Sarajevo

Contrairement aux générations pour qui la guerre a laissé des traces indélébiles, les jeunes de Sarajevo vont de l’avant. En reprenant possession de la ville et des montagnes ils prouvent leur attachement à Sarajevo et à son territoire. Ils en régénèrent les valeurs et les communiquent. Par ce nouvel élan qui émerge, ils prouvent qu’il est temps de tourner la page de la guerre. Ils se donnent aussi une place dans l’action publique. Cela leur permet de se faire valoir en tant que citoyens prêts à agir d’eux-mêmes pour améliorer leur quotidien. Les sarajevains ont compris que leur force résidait dans leur culture qui témoigne sans cesse du mélange entre Orient et Occident. Ainsi de nombreux festivals prennent place dans la ville.

Allant du théâtre au cinéma en passant par l’art de rue, ces manifestations donnent à Sarajevo une certaine résonance dans les sphères culturelles européennes. Il semblerait donc que la culture, le sport et un certain art de vivre ensemble soit les piliers d’une identité qui se retrouve. Avec les réseaux sociaux, ces nouveaux projets peuvent facilement prendre de l’ampleur et atteignent vite les proportions nécessaires à leur réalisation. Grâce à cela et aux financements étrangers, il est ainsi possible pour ces jeunes de créer des projets adaptés à leurs besoins sans devoir s’en remettre aux pouvoirs publics. Ils ont trouvé ici le moyen de s’impliquer dans la construction de ce bien commun.

«Chaque journée crée un nouveau souvenir : le festival international de théâtre MESS, le festival de Jazz ou encore le festival du film» femme, 40 ans

74


Lien

Looping bridge, Š 2013 mai. Haller CÊleste

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Les festivals qui prennent place tout au long de l’année proposent des programmes variés. Certains festivals ont une nette volonté d’attirer les jeunes comme le festival de la bière et le festival d’hiver, Infinity. D’autres s’adressent à des sphères plus fermées : amateurs de Jazz ou de design. Le festival de théâtre MESS et le festival Warm dédié aux reporters de guerre, quant à eux, pansent les blessures de la ville en offrant un lieu de rencontre et de dialogue à propos des guerres. Beaucoup de ces festivals qui existaient avant la guerre ont perduré. On compte pendant la période du siège : 182 pièces de théâtre, 170 expositions et 48 concerts13. Ces manifestations ont été le seul moyen pour les sarajevains de « ne pas devenir fous »14. Continuer les manifestations culturelles était aussi un moyen d’affirmer leur ville comme ville cosmopolite, un signe de résistance. Le festival du film est lui-même considéré comme le « child of war »15, l’enfant de la guerre. Créé en 1995, il a réussi à voir le jour grâce à la détermination de quelques sarajevains et une aide de la scène culturelle internationale. Les

films projetés pendant le premier festival intitulé « Après la fin du monde », étaient amenés par les journalistes de guerre qui avaient accès à la ville. Le second festival a célébré la fin du siège en proposant uniquement des projections en plein air, signe de reconquête de l’espace urbain. Il a pris de l’ampleur d’année en année et s’est fait connaître à l’aide de figures internationales comme Angelina Jolie. Il offre cette année encore deux semaines de projections en plein air et en salle, dans des lieux variés de la ville. Dans cette période la ville foisonne de monde et offre de nombreux événements culturels pour tous. Ces événements sont des leviers pour le développement de la ville. Il s’avère que la culture a un sens historique fort pour les sarajevains qui y sont très attachés. Elle représente leur force. Aujourd’hui la vie de la population sarajevaine souffre encore des répercutions de la guerre. Mais pour tous, la culture reste un symbole fédérateur. Aussi ces évènements incarnent un rassemblement en faveur de l’émergence d’un espace partagé et d’une culture du vivre-ensemble.

«Every august Sarajevo’s scarce infrastructural set-up is pushed to the limit» REDZIC M., Made in war (Boomed in peace): The Sarajevo Film Festival, 2014

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13. REDZIC M., Made in war (Boomed in peace): The Sarajevo Film Festival, static1.squarespace.com, publié le 18.08.2014, consulté le 24.042016 14. OURDAN, Rémy, Le siège, documentaire Arté, France, diffusé le 22 mars 2016 15. REDZIC M., op. cit.


1995

2015

pays représentés

15

pays présents

K7 récupérées

37

films projetés

15 000 assiégés

100 000

7

euros la projection

214 visiteurs

2,5 à 8

Sarajevo Film Festival en chiffres REDZIC M. ibid.

Lien

cigarettes le ticket

60

77


78

*

Marches aux abords du site Skenderija qui mĂŠnent Ă la dalle publique


Cadrage [ka.dRaz]. n. m. - Le cadrage au cinéma désigne ce que le cinéaste capture durant la prise de vue. Cela correspond au choix des limites de l’image : angle de prise de vue, échelle des plans ou encore organisation des objets et des personnages dans le champ. Le cinéaste compose son image en fonction de ces différents éléments et des mouvements (de l’appareil ou des acteurs) prévus au cours de la prise de vue. skenderija

• un site auto-centré au coeur de la ville • 38000 m2 de plaisir

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Cadrage Au carrefour de différents enjeux urbains

Sarajevo est emblématique des enjeux ethno-culturels de la Bosnie-Herzégovine par sa situation de part et d’autre d’une des frontières qui partage le pays, celle entre la Fédération de Bosnie-Hergégovine et la République serbe de Bosnie. La ville, qui a fait la fierté de ses habitants par son cosmopolitisme, témoigne aujourd’hui d’un riche patrimoine historique. Mais depuis les Accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre dans les Balkans, cette diversité culturelle a été fortement ébranlée. Certains sarajevains vivent dans la nostalgie de la période socialiste et cela se ressent jusque dans leur utilisation de l’espace public. Habitués à un partage équitable des espaces privés, ils vivaient le partage de l’espace publique comme un continuel prolongement à l’échelle urbaine. Depuis la guerre, le système politique et urbain a changé : les sarajevains ont perdu ce sentiment de partage et d’appartenance des espaces publiques. Mais grâce à des habitants motivés, la population commence à reprendre possession de ces espaces délaissés. A l’échelle des quartiers, par de petites interventions participatives, ils reconquièrent la ville. Il est donc intéressant de se pencher sur un lieu qui fut jadis un espace pleinement public et qui se trouve aujourd’hui oubliés voire abandonné. En se dirigeant vers la ville ottomane, sur la rive droite de la Miljacka, un immense complexe semble abandonné. Des marches en parti démolies permettent de nous élever sur une dalle. On y trouve trois grands bâtiments de béton, couverts d’affiches publicitaires. Il n’y a pas grand monde ici pourtant le lieu présage d’un passé fructueux.

Nommé Skenderija, ce lieu incarne la fierté déchue de la ville et l’abandon de son potentiel culturel. Cet ancien site des jeux olympiques fait face au cœur de ville. Il s’impose par sa dimension titanesque. Par la dalle il domine la ville tout en se détachant de son environnement proche auquel il tourne le dos. Il incarne de ce fait le rapport litigieux entre la vallée et les collines. Comme nombreux sites olympiques, son gigantisme perd de son sens une fois l’événement terminé. Il questionne alors l’idée du réemploi d’une telle capacité spatiale. Faisant le cadrage sur Skenderija, le projet s’interroge sur le sens de ce site olympique dans l’espace public du XXIe siècle tout en se souciant du lien qu’il pourrait tisser avec son quartier et ses habitants.

3

s: cole site o t o ’un Pr che d du r e h • rec avelling • tr artier qu 2 c’est m 0 0 •380 uoi ? q 81


Protocole expérimental

Wanted : Recherche d’un site potentiel Outils

2 paires d’yeux

Cobayes

3 sites pré-sélectionnés + 1 site bonus

Facteur L’aléa des promenades non-contrôlé Méthode

Visites piétonnes

Description Pour trouver un site de projet nous avions en tête un programme culturel. Dans cet optique nous avions sélectionné deux sites à l’ouest de la vallée, au milieu des immeubles d’architecture socialiste dans l’idée d’y introduire un programme proche des habitants. Nous avions choisi un autres site, en ruine, proche du centre ville, en pensant à un programme plus international

o1.

o2.

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Résultats En se rendant sur le troisième site nous avons découvert un immense site olympique. Sur la rive face aux ruines se trouvait ce géant de béton monté sur une dalle urbaine. Ce site nous a tout de suite tapé dans l’oeil par sa localisation, son contact à l’espace public et son histoire

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01. Džemala Bijedića Inspiration : Terrain vague sur un site industriel, structure emblématique du passé du site. Problématique : Jouer avec le passé par la figure de cette infrastructure, implanter des programmes culturels à l’est de la vallée.

02. Alipašino polje Inspiration : Théâtre posé au milieu des ensembles de logements de la période titiste. Problématique : Intégrer le quartier dans un circuit culturel à l’échelle de la ville. Recréer un espace commun partagé au milieu des habitations.

03. Kotromanića Inspiration: Ruine de briques sur la rive de la Miljacka, à la sortie du quartier de la reconstruction. Problématique : Travailler les abords de la rivière autour d’un programme culturel à la fois adapté aux touristes et aux habitants.

04. Skenderija

d’un programme culturel à toutes les échelles.

Cadrage

Inspiration: Ancien site des jeux olympiques qui semble abandonné mais où persistent quelques usages. Problématique : Retrouver la grandeur du site autour

83


1

Skenderija Un site historique

Skenderija est un site emblématique de l’évolution urbaine de la ville. Il tient son nom de Skender, bey (chef ottoman) du début du XVe siècle. Il fit construire sur ce site, à l’écart de la ville, le premier marché de Sarajevo ainsi que le premier monastère musulman de Bosnie-Herzégovine. Ce site contribue à l’évolution économique de la ville qui sera bientôt considérée comme la Jérusalem des Balkans. La mosquée érigée au bord de la rivière fédère ces deux usages et sert de point central à l’évolution urbaine du site. Lors de l’occupation Austro-hongroise, Skenderija se retrouve à la frontière de la ville. Une partie du site, derrière la mosquée, est aménagée en terrain de foot. Le quartier voit apparaitre un ensemble d’activités périurbaines au même titre que les écuries de la ville située dans ce qu’on appelle aujourd’hui le quartier de la gare. En 1969, alors que la République fédérative socialiste de Yougoslavie est en place depuis plus 20 ans, un centre culturel et sportif est érigé. La mosquée disparaît de la carte au profit d’un grand complexe de 38000 m2, et seul son nom subsistera. Construit par les architectes Živorad Janković et Halid Muhasilović comme un exemple d’urbanisation socialiste, ce centre permet à la ville de faire une avancée majeur en terme d’équipement public. On y trouve Dom mladih (maison des jeunes), Gradska vijećnica (la halle urbaine) et Privredni grad (la ville commerciale), un grand centre commercial en sous-sol. Le projet est alors récompensé par un journal de Belgrade, « Borba », du prix de la meilleure architecture Yougoslave de l’année 196916. Il reste pendant dix ans l’infrastructure sportive la plus importante de la ville. 84

C’est en 1977 que la ville de Sarajevo est désignée pour accueillir les jeux olympiques d’hiver de 1984. La ville entreprend alors la construction de grandes infrastructures, dont la plus importante devait être le centre Zetra destiné à assumer l’accueil d’un tel événement. Mais la nouvelle structure n’ayant pas une capacité suffisante pour organiser toutes les épreuves de patinage, il est décidé au dernier moment d’en construire une seconde sur le site de Skenderija, afin d’y accueillir le Hockey et le patinage artistique. Le point presse y est aussi installé. Skenderija est donc agrandi et prend une vraie place dans l’organisation des jeux. Quand la guerre éclate, moins de 10 ans après les jeux olympiques, Skenderija ne sera pas trop touché par la destruction massive des emblèmes culturels, (contrairement à Zetra qui sera lourdement bombardé) : Seule la maison des jeunes prend feu. Mais suite au siège, le site est peu à peu abandonné. A partir de 1999, la ville engage sa restauration, financée par des investisseurs privés. Cela prendra 6 ans pour que Skenderija retrouve sa fonction d’avant guerre. Mais les moyens ne sont pas suffisants pour entretenir le site et en 2012 le toit de la patinoire olympique des jeux d’hiver s’écroule… sous le poids de la neige. Aujourd’hui, Skenderija est maintenu en vie par plusieurs activités notamment commerciales et sportives. Mais elles ne sont que l’ombre d’une époque florissante et il manque cruellement de moyens pour les développer. Cela se ressent jusque dans l’entretien des locaux qu’elles occupent.

16. Donia R.J., Sarajevo a biography, University of michigan press, Michigan, 2006. p.234


0 200

700

1 km

Skenderija

Cadrage

Carte de localisation de la Skenderija dans la ville

85


De Skender à Skenderija

1880

1932 86

Skender : une mosquée, un marché et un monastère

Un terrain de foot


1984

Skenderija

Extension pour les jeux olympiques

Cadrage

1969

87


Protocole expérimental

Travelling du quartier Outils Méthode

Un appareil photo et des bonnes baskets Prendre de la hauteur pour constater l’impact du site et observer le quartier

Facteur Une pente à (bien) plus que 4% non-contrôlé Cobayes

Constructions sur la colline

Description Nous avons voulu explorer la colline qui entoure Skenderija. Nous avons ainsi pu expérimenter le trajet quotidien qu’empreintent les habitants du quartier

Résultats L’accès piéton dans la colline est quelque peu rudimentaire et pas très confortable. L’architecture varie entre grands immeubles de logements en pied en colline, puis des maisons familiales de deux/trois étages et des maisons inachevées en brique à flan de colline Lors de notre ascension nous avons rencontré une dame âgée qui avait toutes les difficultés du monde à regagner sa maison avec ses sacs de provisions. Cela nous a fait réaliser à quel point les collines sont inaccessibles et peu connectées aux équipements de la vallée

o3.

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o4.

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o2.

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Cadrage

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o5.

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2

Un site auto-centré au cœur de la ville Une masse de béton aux pieds de la colline

Skenderija se trouve au carrefour de deux quartiers emblématiques de l’identité de Sarajevo. A l’Est, on trouve le centre touristique composé de la ville ottomane, Baščaršija, et du quartier Austro-hongrois. A l’Ouest c’est le quartier de la gare, témoin de la reconstruction post-guerre, qui accueille des grands immeubles de verre. Ces deux quartiers s’opposent. L’un est la représentation figée du temps passé et l’autre incarne le nouveau visage de la ville qui ne fait pas l’unanimité des habitants. Cet ancien site olympique est le témoin de cette confrontation. On peut l’observer depuis la rive opposée de la rivière Miljacka. Rélié par un large pont, il est tout de même connecté aux artères principales de la circulation automobile et des transports urbains. Cette position sur la rive droite lui offre un certain recul sur ce qu’il se passe de l’autre côté, tel un observatoire des enjeux urbains, ainsi qu’une place centrale dans la ville. Quand on traverse le pont, on se retrouve face à ce complexe dont le bâtiment principal déploie ses ailes à l’accueil des visiteurs. On sent là

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toute la force identitaire de ce patrimoine moderne. Mais l’arrivée par le pont est tout de même un peu chaotique, les piétons traversent difficilement la route. Il faut ensuite slalomer entre les voitures stationnées sur l’esplanade centrale. Enfin on se retrouve face à quelques marches grandement délabrées qui nous proposent de nous élever sur la dalle. A l’échelle urbaine, cette dalle, délimitée par de grands emmarchements, isole le site de son quartier. Elle permet de s’isoler de la route et de la voiture mais rend tout de même moins praticables les abords du site et ne permet pas un accès à tous de cet espace public. Le site tout entier s’oriente face à la rivière et à la vallée. Son architecture brutaliste forme un bloc hermétique contre la colline. Les passants se voient obligés de contourner ce grand complexe pour accéder à leurs habitations. Le remblai effectué lors de la création du site a rendu l’accès à la colline encore plus raide. Les piétons peuvent grimper un chemin très pentu le long de la Halle de la Gloire ou faire un détour conséquent en passant par la route de l’autre côté.


*

Cadrage

Vue du site Skenderija depuis le pont

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Implantation du site dans la ville

Les deux quartiers qui font face au site constituent les centres touristique et économique de la ville. Dans le quartier de la gare se trouvent de nombreux centres commerciaux (2-3) récemment construits et des immeubles de bureaux accueillant principalement des banques et des institutions politiques (1). Le quartier austro-hongrois accueille des équipements culturels qui font vivre la ville. On y trouve le théâtre national (5), l’écoles des beaux-arts (6) ou encore l’académie des arts scéniques (4). Cette dernière, se situant sur les quais, déménagera prochainement juste à côté de Skenderija. Cette localisation entre des bureaux d’entreprises internationales et des institutions culturelles importantes, place directement Skenderija sur l’échiquier économique et culturel de la ville.

Centre touristique miljacka

Gare/ Reconstruction

Colline 550m d’altitude

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Schéma simplifié de l’implantation de Skenderija


3 5

4

6

1

4

2 7

5min 10min

15min

1. Parlement

Eglise

2. City center

Mosquée

3. BBI center

4. Académie des arts scéniques

6. Académie des beaux arts

5. Théâtre national

7. Skenderija

Cadrage

Repère important

Localisation des équipements culturels existants autour de Skenderija

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Protocole expérimental

38000m2 c’est quoi ? Outils

Un cutch

Méthode

Comparer de la taille du site en m2

Facteur La compatibilité de la forme des non-contrôlé terrains avec la forme du site Cobayes

Différents terrains de sports

Description Le site de Skenderija est immense. Après avoir constaté que différents auditoires à qui nous parlions de Skenderija ne réussissaient pas à saisir le gigantisme de ce site, il a semblé nécessaire d’effectuer un comparatif parlant. En hommage au passé sportif du lieu, nous avons décidé de comparer sa taille à celle de différents terrains de sport

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Résultats Après cette comparaison, la surface totale du site (38 OOOm2) se matérialise plus facilement. Il apparaît donc qu’on pourrait voir 4320 joueurs de basket s’entraîner en même temps ou encore servir 633 apéros au pastis simultanément


Terrains de football

432

Terrains de basketball

30

Piscines olympiques

633

Terrains de pĂŠtanque

Cadrage

4

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3

38 000 m2 de plaisir Fuck yeah brutalism*

Skenderija est pour la ville de Sarajevo le symbole d’une période florissante qui reste gravée dans le souvenir des habitants. De part son histoire et son architecture il constitue un vrai patrimoine moderne. Le palais des champions, ainsi que la Maison des talents (restaurés après guerre), constituent une architecture de référence de la période socialiste. Ils témoignent d’une intelligence de la construction et font un éloge au béton dans son état le plus brut et le plus optimisé. Mais le site est aujourd’hui sous exploité et se dégrade fortement. Ce site gigantesque est à 98% construit. C’est une infrastructure à l’échelle de la ville voire du pays qui est aujourd’hui sous exploité par manque de moyens et par la présence de

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*. Blog spécialisé dans l’architecture brutaliste fuckyeahbrutalism.tumblr.com

programmes disparates qui ne se soutiennent pas entre eux. Il possède une localisation, une histoire et une capacité d’accueil qui présage un grand potentiel pour le quartier, la ville et le pays. Pour ce faire, le site doit s’ouvrir à son quartier. Il doit se reconnecter à la ville et notamment à la colline pour mieux y accueillir les passants en tout genre. Il faut aussi que le gigantisme du site soit habité par une activité qui en exploite les capacités toute l’année. Pour cette ville aux moyens limités il est logique que cette activité soit économique et que par son importance, elle tente d’impacter l’économie de la ville entière. En somme Skenderija est le candidat parfait pour l’implantation d’une industrie.


*

Cadrage

Vue du site Skenderija depuis la rue ouest

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État des lieux Attention : Les bâtiments ont été renommés en fonction de leurs usages passé, présent et futur.

Le palais des champions

Erigé au centre du complexe, le palais des champions est l’élément central de la première phase de construction du site. Inauguré par Tito en 1969, il représente un symbole de l’architecture brutaliste bosnienne. Il accueillait les plus grandes manifestations yougoslaves,

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culturelles comme sportives. Il continue aujourd’hui à accueillir des compétitions, des foires, des concerts et autres événements culturels. Le palais est composé de la Halle Mirza Delibašić (du nom d’un grand basketteur bosnien) et de la halle D1 qui héberge les entraînements de l’équipe nationale de basket. Aujourd’hui le palais est toujours en état d’accueillir ces programmes. De par son architecture qui représente le savoir faire d’une époque en terme de construction béton il incarne un patrimoine moderne à conserver et à entretenir. C’est un véritable symbole dans la ville.


La maison des talents

Cadrage

Originellement maison des jeunes, elle a été construite par la république yougoslave comme centre culturel tourné vers la jeunesse. Cette partie du site a brûlé durant la guerre. Elle a été rénové en 2008 et reste en bon état. Le bâtiment est séparé en deux.

Une partie est organisée autour de deux auditoriums circulaires qui accueillent des concerts et des conférences. La deuxième partie offre un espace d’exposition sur deux étages. Elle accueille aujourd’hui le centre d’art contemporain, Ars Aevi. Ce dernier est subventionné par la fédération de Bosnie-Herzégovine, la ville de Sarajevo ainsi que le canton de Sarajevo. Leur but est de créer un centre multiculturel d’art contemporain international, mais malheureusement il peine à subsister à cause du manque de moyens et d’espace.

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La halle de la gloire

Cette halle est une ancienne patinoire olympique. Lors des jeux elle abritait le patinage artistique ainsi que le hockey sur glace. Construite dans la précipitation de l’approche des jeux olympiques,

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son toit s’écroule en 2012 sous le poids de la neige. Sur sa façade principale, face à la vallée, est gravé le sigle des jeux de 84 ainsi que l’emblème du comité olympique. C’est aujourd’hui une coquille vide de 3000m2 laissée à l’abandon. Les quatre façades toujours en place cachent le potentiel spatial et structurel des restes de cette halle de la gloire déchue.


La ville cachée

Cadrage

La dalle qui recouvre tout le site cache un immense centre commercial. A l’origine, unique en son genre, il attirait tous les habitants de la ville. Aujourd’hui, la ville cachée n’est plus que l’ombre

d’elle même. Une cinquantaine de boutiques sont encore ouvertes, laissant un semblant de vie à ce souterrain composé aussi de 200 boutiques abandonnées. On se promène alors dans des couloirs blancs, aseptisés, où la lumière du jour perce uniquement autour du patio central (accès principal à la dalle). On ne peut que constater le déclin de ce centre qui ne peut rivaliser avec les infrastructures contemporaines construites de l’autre coté du pont.

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Paysage de Skenderija

*

Passage sous le bĂŠton pour aller aux toilettes

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*

Cadrage

L’intÊrieur du palais des champions

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*

Ex-future école d’art scénique

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*

Cadrage

Rampe d’accès

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*

EntrĂŠes du palais des champions


Régie [re.zi]. n. f. - Terme générique désignant sur un tournage tous les services nécessaires assurés par un régisseur

une industrie du cinéma

• entrée en scène de nouveaux acteurs

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108


Régie Éléments directeurs pour l’évolution du site

Sarajevo est une ville où la culture a une symbolique importante. De nombreux témoignages1 expliquent que durant le siège de 1992 à 1995, les habitants de la ville ont pu continuer à résister en proclamant Sarajevo ville cosmopolite grâce aux évènements culturels (projections de films, pièces de théâtre, concerts…). La culture a alors pris une dimension plus importante dans le cœur des Sarajevains et aujourd’hui la plupart de ces manifestations ont pris la forme de festivals qui continuent à animer la ville tout au long de l’année. Le Sarajevo Film Festival (SFF), créé en 1995, figure ultime de la résistance sarajevaine, est un festival emblématique de la ville. Créé durant la guerre, il a été le symbole de l’espoir des bosniens. Mais à porter une symbolique si forte il perd aujourd’hui du sens pour les habitants de la ville qui s’en sentent dessaisis. Nous avons eu différents témoignages qui le décrivent avec ambiguïté. C’est pour certains le meilleur moment pour découvrir la ville, lorsqu’elle est pleine de monde et foisonne d’événements culturels et reprend son statut de ville cosmopolite. Mais des étudiants en arts scéniques nous ont décrit le festival comme un événement international où les sarajevains n’ont plus leur place. Ces dernières années le festival a essayé de mettre plus en avant les films des Balkans mais ces productions sont rares par manque de moyens économiques et spatiaux. Ce que nous apprend l’exemple du SFF c’est que la ville est fière de sa culture et souhaite la voir se pérenniser. Mais les événements culturels qu’elle accueille sont pour la plupart sous forme de festivals quelques semaines par an. La ville pourrait asseoir son statut de ville culturelle de manière plus pérenne en implantant un pôle de création culturelle fixe et durable. Mais ayant peu de moyens publics, ce pôle se devrait d’être rentable à l’image d’une industrie.

Selon la définition du Larousse une industrie correspond à « un ensemble d’activités économiques organisées de manière précise à une grande échelle ». Une industrie culturelle consiste donc à regrouper autour d’un même secteur culturel (édition, cinéma, musique, …) les métiers nécessaires à la réalisation d’une œuvre. Ainsi la production de contenus symboliques devient rationalisée, acquière un meilleur rendement et permet un développement économique. A l’échelle mondiale, il y a une industrie du cinéma qui cherche toujours à tourner dans des endroits inédits et à moindre coût. Cette industrie s’est très vite intéressée à l’Europe de l’est pour répondre à ces critères et aujourd’hui Sarajevo peut prétendre à en faire parti. La ville est, grâce à son histoire, un condensé de lieux de tournage potentiels. Ces « décors naturels » peuvent autant accueillir un film sur les banlieues françaises qu’une intrigue dans un château de la bourgeoisie autrichienne ou encore une reconstitution de guerre dans une forêt minée. Sarajevo a tout pour intéresser une équipe de tournage en quête de sites inédits à moindre coûts. Mais pour que ces sites soient exploitables il est nécessaire de créer une structure qui mette en place une stratégie d’accueil à l’échelle territoriale. Considérant cela, ainsi que la surface disponible à Skenderija, l’ancien site olympique semble être la localisation idéale pour installer une industrie du cinéma.

1. Ourdan R., Le siège, documentaire ARTE, France, diffusé le 22 mars 2016 à 22h45

2

s: cole du o t o Pr ge ypta r c é •d io 24 stud mies no • éco llites sate 109


Protocole expérimental

Décryptage du studio 24 Outils

Un vrai studio de cinéma

Méthode

Visite guidée d’un studio de cinéma à Villeurbanne (69)

Facteur Lieu utilisé pour autre chose non-contrôlé que son activité principale Cobayes

Serges Tachon directeur du studio 24, notre guide

Résultats

Description Pour mieux se rendre compte de ce qu’est un studio de cinéma, nous avons décidé d’en visiter un. A Villeurbanne nous avons eu la chance d’être accueilli par le directeur, Serges Tachon, qui nous a fait visiter les moindre recoins

Nous avons découvert l’ingéniosité de combiner le théâtre et le cinéma. En mêlant ces deux milieux, chacun s’enrichit par la technique et par la temporalité programmatique de l’autre

Éléments essentiels au bon déroulement d’un tournage

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2,760 m

L’accès décors Il faut qu’un semiremorque puisse rentrer à l’intérieur du studio de cinéma

Le réseau électrique Un studio consomme un peu moins de 1kw/ m2. Des connectiques maréchales sont nécessaires

4m

Le néon rouge Signale qu’une scène est en train d’être tournée et qu’il ne faut pas rentrer au risque de gêner la prise de lumière ou de son

Les loges Il y a une capacité d’accueil pour 50 comédiens à maquiller et à costumer. Elles sont toutes côté jardin.


Éléments techniques nécessaires à un studio de cinéma

Le gril en continu Cette grande surface, suspendue au plafond offre au studio une grande flexibilité d’accrochage. Elle permet d’installer des décors et des spots en fonction de l’emplacement de la caméra et de la scène tournée

Les Passerelles amovibles 2 passerelles peuvent traverser, à elles deux, toute la surface du studio

Les perches suspendues Ces tubes métalliques peuvent supporter jusqu’à 500 kg de charge. Ils sont sollicités pour accrocher spots de lumière, décors, rideaux... Ils sont mobiles de haut en bas avec un système d’orgue manuel. C’est un système emprunté aux salles de théâtre

L’isolation SILENCE total Aucun son ne doit venir de l’extérieur. L’ingénieur du son doit pouvoir contrôler chaque décibel. L’isolation phonique est le paramétré le plus important à maîtriser lors d’un tournage

Régie

Les gradins montables/démontables Montables en 2 jours et démontables en 1 jour. Cela permet au studio d’avoir une double activité : plateaux de tournage et salle de théâtre

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1

Une industrie du cinéma L’art au service d’une restructuration urbaine

L’industrie du cinéma est l’une des industries culturelles les plus visibles. On la considère à l’échelle industrielle car au-delà du coté artistique d’une œuvre, il s’agit de mélanger différentes techniques, de mobiliser différents corps de métier et de rassembler suffisamment d’argent pour donner naissance au projet17. Mais cette industrie souffre d’une image assez figée due à la suprématie d’Hollywood dans ce secteur. Les studios hollywoodiens appartiennent généralement à des entreprises de production qui chapeautent de A à Z les tournages. Ces studios projettent une image de forteresse imprenable derrière laquelle se jouent des choses qui nous échappent. En Europe, le secteur est moins fermé. Souvent financé grâce aux aides publiques, les producteurs regardent à la dépense et sont sans cesse à la recherche d’économies. Afin de préserver cette industrie en Europe, l’Union Européenne et ses pays membres sont prêts à investir dans le développement de nouvelles infrastructures qui peuvent permettre sa pérennisation.

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Il est important de s’intéresser au montage financier d’un film pour comprendre comment Sarajevo peut prendre une place dans cette industrie. Le financement d’un film peut compter sur les différents fonds publics et privés. Le producteur peut chercher des fonds auprès des collectivités publiques (en fonction des pays), des chaînes de télévision qui participent souvent afin d’avoir la main sur la diffusion, et enfin des établissements de crédit. Une des parts les plus importantes peut venir des Etats si tant est que le film porte leur nationalité. Mais la hauteur de ce cachet varie énormément d’un pays à l’autre. Il est donc important pour le producteur de constituer le projet en fonction de la nationalité qui lui sera accordée. C’est grâce à une coproduction francobosnienne que les films bosniens de ces dernières années ont pu voir le jour. En tournant à Sarajevo l’équipe du film se garde une grande marge de manœuvre sur la nationalité donnée à leur film. Mais grâce à une grande infrastructure la culture bosnienne pourrait être plus souvent mise en avant pour ses parts dans les prochaines créations cinématographiques.

17. Ramsay-Levy J.P., Le cinéma est-il le 7e art ou une industrie ?, ffsa.fr, date de publication inconnue, consulté le 24 avril 2016 à 10h


Régie

Scène de tournage, © www.cpasducinema.com

113


Ceci est une hypothèse visant à comprendre comment l’industrie du cinéma prend place à Skenderija. Imaginons un réalisateur bosnien, Branko Đurić. Il réside en Slovénie et a participé à de nombreux films sur les Balkans tels que No man’s land18 et Au pays du sang et du miel19 de Angelina Jolie. Aujourd’hui il a un scénario (une intrigue sur un baron autrichien) qu’il va réaliser en production avec la France. Il souhaite que le tournage se fasse à Ilidza, une cité balnéaire austro-hongroise, à l’ouest de Sarajevo, aujourd’hui abandonnée. Pour montrer le site de tournage à ses collaborateurs, il va sur internet où une entreprise de Skenderija, filminsarajevo. ba, a mis en ligne une carte répertoriant les sites de tournages, Ilidza en fait partie. Grâce à ce site ils peuvent voir la disponibilité des lieux, les autorisations nécessaires au tournage ainsi que les

coûts liés au site. Le producteur avec qui il s’associe est rassuré par les prix proposés à Sarajevo, il s’inquiète par contre de la répercussion de ce choix de lieu de tournage par rapport aux aides publiques qu’il souhaite acquérir. Le producteur étant français, il compte beaucoup sur les aides publiques françaises qui font partie des plus généreuses en Europe. Or pour cela il doit garantir que le film aura la nationalité française. Par le système de points, il fait un calcul rapide, si le montage est effectué en France et que les acteurs principaux sont français cela devrait aller. Il doit même pouvoir proposer une binationalité franco-bosnienne afin de respecter les origines du réalisateur et de mettre en avant le lieu du tournage.

Skenderija

Carte de localisation des lieux de tournage avec les exemples de film qui aurait pu être tourné à Sarajevo 114

18. Tanović D., No man’s land, Océan films, coproduction britannique, italienne, belge et française, 19 septembre 2001 19. Jolie Pitt A., In the land of blood and honney, GK film, États-Unis, 22 février 2012


1

4

2

Conception

Post-production

Production

Site informatique Catalogue des décors de Sarajevo

3

Tournage

Temps moyen d’un tournage

6 8 à semaines

Festivals Sarajevo Film Festival en août

Mise en place du matériel Techniciens Décorateurs Accessoiristes

Faire le show Réalisateur Acteurs/ figurants Prise de son Cameraman

Mise en vitrine des décors et autres accessoires utiles aux films Nouvelle image de la ville Visite des lieux de tournage Médiatisation

étapes génératrice d’une économie locale à Sarajevo

Les étapes de la production d’un film résumé en 5 points

Régie

texte

Exploitation Diffusion

Exposition

Pôle emplois 2.0 Recrutement d’une équipe locale

5

115


C’est décidé, c’est donc à Sarajevo qu’ils vont tourner. Quelque mois plus tard, une équipe s’est montée et le régisseur Emir Dzino, qui a travaillé sur le projet de La femme du ferrailleur20 de Danis Tanović, entre en contact avec Skenderija pour prévoir l’accueil de l’équipe de tournage sur place. Ils auront besoins de logements, de traducteurs et de moyens de transport. Le tournage se déroulera en deux temps car les villas de la cité d’Ilidza sont en trop mauvais état intérieur. Les scènes extérieures seront donc tournées en décors naturels et les scènes intérieures seront réalisées en studio. L’équipe de tournage a donc réservé le studio de la Halle de la gloire de 2000m2 afin d’y recréer les décors artificiels. Pour construire ce décor ils mobiliseront une équipe de menuisiers et de peintres afin de reconstituer un hall d’entrée, un salon, une chambre et un couloir. Pour rendre ces décors plus réalistes, l’accessoiriste se met en contacte avec un décorateur installé sur le site, qui va l’aider à dénicher des meubles du XIXe siècle pour le temps du tournage. Grâce à l’Atelier, les décors pourront être fabriqués sur place et être transportés directement dans le studio. Une fois le décor mis en place dans le studio, l’équipe aidée des techniciens bosniens installe les spots et autres lumières qu’ils ont pu louer avec le studio. Les acteurs arrivent sur le site et le tournage peut commencer. Les scènes extérieures sont tournées dans un second temps. Elles demandent une plus grande logistique afin d’emmener l’équipe jusqu’au site. On y transporte aussi les différents équipements requis, lumières,

2 et 3ème rôle

décors supplémentaires, voitures, accessoires, … Le traducteur aidera le régisseur d’extérieur à coordonner les équipes bosniennes qui participeront à la mise en place du décor. En parallèle, les élèves de l’école des petites mains et de l’académie des arts scéniques sont en ébullition de voir débarquer une nouvelle équipe de professionnels. Deux journées d’échanges sous forme de workshop sont prévues, une avec le chef décorateur et l’autre avec l’assistant réalisateur du film. Le producteur donnera une conférence pour clôturer leur présence à Skenderija. Đurić, le réalisateur profitera de son séjour pour faire un tour dans les réserves de la cinémathèque où il a mettra la main sur de vieux films yougoslaves qui l’inspireront peut-être pour son prochain film. Durant le tournage, l’activité de Skenderija s’est fortement intensifiée. Les entreprises d’organisation et de location ont augmenté leur activité. Une cinquantaine de figurants ont été mobilisés ainsi que de nombreux intérimaires pour assurer le fonctionnement de tout les services réquisitionnés. L’équipe repart après ces 12 semaines intenses. Avec un peu de chance les Sarajevains pourront visionner le film l’année prochaine, lors d’une projection en plein air à la Bobine.

Acteurs

1er rôle 3 points

6 points

3 points

Scénariste 3 points

Réalisateur

Image - Son Montage 3 points

Nationalité d’un film En Europe

Auteurs

Technique et tournage

1 point

7 points

3 points

Compositeur 1 point

Décors Costumes 1 points

Système de reconnaissance de nationalité d’un film 116

Postproduction

6 points

20. Tanović D., La femme du ferrailleur, SCCA, coproduction franco-bosnienne, 26 février 2014

Studio Lieu de tournage 1 point


Plateaux de tournage

Locaux techniques 1000m2

1000m2

Studios de cinéma 3465m2

Permanent 723m2

Espaces de formation 3400m2

Extension 1330m2

Bureaux 2053m2

Skenderija : 38000m2

Permanent 368m2 Commerces

+656m2

Extension +288m2

Ateliers 1224m2

Archives

Permanent 384m2

785m2

Extension 401m2

10058m2

Surface nécessaire au programme lié à la production de film, en lien avec Skenderija

Régie

Centre sportif / Culturel

117


Protocole expérimental

Économies satellites autour du cinéma Outils

Pictogrammes

Cobayes

Programmes potentiels

Facteur Abondance d’idées non-contrôlé Méthode

Brainstorming programmatique

Description Afin d’élargir le programme de Skenderija, nous avons effectué un brainstorming des programmes plus ou moins liés au cinéma. Nous avons ensuite sélectionné ceux qui prendront place sur le site et ceux que la ville prendra en charge

118

Résultats Cet exercice nous a permis de faire le tri dans ce qui est nécessaire pour faire vivre le projet et ses répercutions sur la ville


Culture

Vie quotidienne

Cinéma

Tourisme

Concert

Sport

Salle de cinéma

Souvenir

Théâtre

Bureau

Cinéma en plein air

Artisanat

Exposition

Marché

Archive

Hôtel

Performance

Café

Vente

Food truck

Éducation

Bar

Régie

Restaurant

Activités économiques bientôt présentes sur le site

119


2

Entrée en scène de nouveaux acteurs Réalité économique et politique du projet

Les tournages intensifient l’économie d’un site et ils attirent de nombreux à-côtés qui profitent de cette activité. Dans ces périodes on trouvera alors à Skenderija un village de food trucks qui proposeront une variété de plats en restauration rapide. Certains vendeurs ambulants pourront saisir l’occasion pour louer un emplacement dans le passage du souk afin de proposer des souvenirs aux équipes de tournage étrangères ou bien des objets liés au tournage d’un film pour les curieux amoureux de cinéma. Un tournage dure en moyenne 6 à 8 semaine, une période intense pour Skenderija et le village imaginaire mais que se passe-t-il ensuite une fois le tournage terminé et les équipes reparties dans leur pays ? Skenderija enclave actuellement son quartier ; pour être accepté par les habitants de la ville, il doit proposer une alternative au cinéma qui permette d’intégrer la vie publique au cœur du site. Cela passe par l’adaptabilité des programmes liés au cinéma mais aussi par la présence de programmes culturels différents. Pour que le projet soit pérenne dans la ville, les habitants doivent pouvoir se l’approprier. Il se trouve que dans le village imaginaire de

nombreux programmes peuvent servir dans le quotidien des habitants. L’école des petites mains propose des formations rapides en décors, maquillage et costumes. Elle permet de former les techniciens qui seront entre autre mobilisés sur les tournages à Sarajevo. La cinémathèque est ouverte à tous, toute l’année. Elle conserve le patrimoine cinématographique du pays. Grâce à des interventions auprès des écoles, elle sensibilise le jeune public à l’art du cinéma. L’Atelier qui sert au montage des décors est utilisé par l’école des petites mains afin de confectionner des décors encombrants. Mais une partie de l’atelier est surtout accessible au public, dans un esprit de FAB LAB, les machines sont mises à disposition des habitants pour effectuer des projets personnels. Le passage du souk accueille, en plus des boutiques de souvenirs, une boulangerie et un café pour les besoins quotidiens des habitants des environs. Autour de ce double emploi se joue aussi le lien entre le cinéma et les autres secteurs de la culture. En développant le centre d’art contemporain Ars Aevi déjà présent sur le site et en accueillant du théâtre occasionnellement, Skenderija devient plus qu’une industrie culturelle, il devient un véritable « cluster créatif »21.

« Produire un film, c’est rassembler [...] des talents, des moyens techniques et un financement. » Ramsay-Levy J.P., op. cit.

120

21. GRESILLON B., La culture comme alternative au déclin : mythe ou réalité ?, Géocarrefour, vol. 86/2, 2011, mis en ligne le 02.03.2012, consulté le 18.04.2016


Régie

Food truck à Budapest, © 2014 septembre. Régent Anaëlle

121


Le studio de la Halle de la gloire a la capacité de se transformer en théâtre. Ainsi lors des périodes creuses, des représentations de théâtres et de danse peuvent y avoir lieu. A l’image du studio 24 à Villeurbanne (voir protocole p.110), cette double fonctionnalité permet de créer un pont entre le cinéma et le théâtre. Les éléments techniques essentiels à l’un peuvent inspirer l’autre à explorer des nouvelles possibilités. Le festival de théâtre MESS, qui a lieu tout les ans à Sarajevo, pourra, lui aussi, bénéficier de ce lieu pour proposer plus de représentations. Le développement du centre d’art contemporain Ars Aevi est actuellement bloqué. Il était question de lui construire de nouveaux locaux, dessinés par Renzo Piano. Les fonds ont fait défaut et le projet a été abandonné. En restant à Skenderija et grâce au cinéma, ce centre d’art gagnera en visibilité. Grâce au nouvel aménagement du parvis, tout un espace urbain s’offre à lui pour accueillir des œuvres monumentales. La relation du centre d’art au site permet aussi d’accueillir de l’art relationnel22, mouvement de l’art contemporain qui prend forme au contact des espaces publics. Un tel projet est un levier économique pour Sarajevo et la Bosnie-Herzégovine. Il ne s’agit plus seulement de recevoir des équipes de tournage quelques mois par ans mais de proposer des activités culturelles tout au long de l’année. En les regroupant elles s’autoalimentent. La présence sur le même site de l’art contemporain, du théâtre et du cinéma permet d’attirer des artistes du monde entier et surtout de faire marcher « le bouche à oreille » culturel.

En terme de financement il est clair que le projet a besoin de fonds privés et publics pour voir le jour progressivement. Le secteur public a peu de moyens mais en contrepartie de son investissement, il garantit à la ville une attraction touristique internationale et un booster de l’économie à chaque période de tournage. Les fonds amenés par le secteur public sont très importants pour l’entretien du site à long terme. Les fonds privés quant à eux sont un levier important du projet et permettent la mise en place de programmes permanents à court terme et maintiennent la promotion du site à une échelle européenne et mondiale. En plus de ces deux financements classiques, le projet propose aussi aux habitants de participer. Par un système de financements participatifs, une partie du parvis va pouvoir voir le jour. Il s’agit là de financer les aménagements qui amélioreront la qualité de l’espace publique. Les sarajevains pourront ainsi s’investir dans le projet et auront en retour la chance de voir leur nom gravé dans les éléments financés. Les financements classiques faisant souvent défaut à Sarajevo, cette méthode une partie du projet sera assurée grâce aux sarajevains eux-même. A l’image des nouvelles initiatives qui voient le jour dans différents endroits de la ville, Skenderija pourra être en parti le fruit d’une participation habitante. Tout ces financements donnent vie à un nouveau centre qui évolue au fur et à mesure des initiatives culturelles. Le site olympique retrouve ainsi un sens à l’échelle du quartier et à l’échelle urbaine.

50

10 km* Stickers

25 km Poster

50 km Place de théâtre

75 km Dalle du parvis avec nom gravé

Récompenses aux financements participatifs 122

Nom du donateur

12,5

Nom du donateur

50

12,5

150 km Dalle du parvis avec nom gravé

* 1 km = 0,50 €

22. BOURRIAUD N., Esthétique relationnelle, unmondemoderne, mis en ligne le 6.01.2012, consulté le 3.05.2016

500 km Abonnement culturel


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bureaux

Implantation des programmes dans le site

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123


124

DĂŠposer la dalle pour laisser apparaĂŽtre la grille


Story-board [‘stc:ribc:d]. n. m. - C’est l’ensemble des dessins qui représentent, avant tournage, le film dans sa totalité (plans, mouvements de caméra, indications sonores). Il permet de mieux «voir» le film.

125


126


StOryBoard Comment en arriver au projet ?

Skenderija est un site emblématique d’une des périodes les plus heureuses qu’a connue la ville. Il incarne un passé dont de nombreuses personnes ont la nostalgie. Tout en portant les symboles de cette période de gloire (sigles des jeux olympiques, podium de remise des médailles), Skenderija souffre d’un certain délabrement qui montre sans cesse que cette période est finie depuis bien longtemps. Les jeux olympiques sont un événement qui se produit qu’une seule fois dans l’histoire d’une ville. Ils laissent derrière eux des infrastructures, souvent difficilement adaptables à d’autres usages qui rappellent pendant des années cette période insolite. Le site de Skenderija a aujourd’hui la possibilité d’utiliser son gigantisme au service d’un programme à la hauteur de sa singularité. L’industrie du cinéma répond parfaitement à cette image. Mais il ne s’agit pas que de mettre un programme exceptionnel dans un site d’exception pour permettre à ce géant urbain de reprendre vie. Il faut lui redonner une chance grâce à un projet architectural et urbain qui pérennise son activité. Les enjeux sont grands et à toutes les échelles. Booster l’économie de la ville, changer l’image de la région tout en l’intégrant au quartier dans lequel il se situe, voilà des enjeux qui nous tiennent à cœur dans la mise en place de ce projet. Les angles d’entrée dans se site sont multiples. Il a fallu chercher comment les leviers urbains et spatiaux qui nous intéressaient pouvaient influencer la forme du site préétabli. Cela n’est possible qu’une fois le site parfaitement compris et intégré. Une fois le site examiné, le story-board d’une nouvelle histoire de Skenderija a pu commencer. En privilégiant un scénario à trois

composantes, conserver, déposer, compléter, le projet peut prendre forme à toutes les échelles. Ces trois verbes d’actions s’adaptent aux différentes étapes de la transformation de Skenderija de centre sportif à centre cinématographique. Ce changement est rendu possible grâce à un jeu entre l’existant et le neuf où chacun participe à la construction d’un univers proche de l’imaginaire au cœur de Sarajevo. Faire le story-board du projet c’est mettre en évidence les zones d’interventions. Pour les raisons urbaines déjà notifiées, la dalle est complétement repensée. Et pour mieux accueillir le programme, la halle de la gloire, qui est complétement abandonnée, est réhabilitée afin d’en retrouver un usage digne de sa taille. Une attention toute particulière est donnée à cette ancienne patinoire olympique afin d’en faire l’élément central de la nouvelle cité du cinéma.

1

: ique n h c e la e te Fich se à nu d • mi térialité ma 127


Fiche technique

Mise à nu de la matérialité Description

Suite à un «accident» de maquette au début du projet, nous avons pris conscience de l’impact de la structure de la dalle sur le site de Skenderija. L’exploration de cette grille oubliée est révélatrice d’un potentiel inattendu. En enlevant virtuellement toute la dalle nous avons découvert une immense structure poteaux/poutres en béton armé. Cette structure qui vient quadriller tout le site atteste d’une construction en deux temps. La première partie (Est) date de 1969 et est caractérisée par ses poteaux en forme de palmiers. La seconde partie (Ouest) date de l’extension de 1984 pour les jeux olympiques et est caractérisée par sa trame carrée régulière

dalettes de 30 x 30 stabilisateur

0,36 m

dalle béton vide technique faux plafond

0,90 m

poutre béton

128

coupe élévation d’un poteau «palmier» (partie datant de 1969)


1969

11

8,1

5m

m

2,7 m

Structure poteaux/poutres de la première construction

1984

0,5

m

0,5

m

7,6

m

7,6

m

Story-board

3,8 m

Structure poteaux/poutres de l’extension

0,5

m

0,5

m

129


La première intention du projet est de rendre ce géant plus poreux et plus perméable à la vie de son quartier. Cette préoccupation va de paire avec l’idée de rendre l’industrie du cinéma familière et accessible pour les sarajevains. Ici, elle ne se fait pas dans un écrin isolé et hermétique mais elle trouve place dans un espace public au plus près des gens. Dans l’esprit des festivals, le site de Skenderija permet à tout type de personnes, professionnels, habitants, étudiants, de se côtoyer dans un même endroit et de partager les mêmes espaces. Ce souci de l’espace public au plus proche des institutions privées est un élément directeur dans l’écriture du projet. Il permet la désacralisation de l’industrie du cinéma et redimensionne le site à l’échelle du quartier. Cette idée est difficilement compatible avec la figure de la dalle. C’est donc le premier élément à retravailler. Mais l’écriture d’un projet n’est pas un exercice linéaire. Le scénario est réécrit plusieurs fois pour trouver le bon ton. Nous avons donc testé différents scénarios d’intervention sur la dalle. Le premier geste a été d’ouvrir la dalle, dans l’axe du pont, pour créer une grande esplanade. Par cette intervention le visiteur ne se retrouve plus face à un géant impénétrable mais il est invité à rentrer progressivement sur le site. Ensuite il semblait nécessaire de percer la dalle pour amener

130

plus de lumière naturelle en dessous. Cela ne suffisait pas à rendre le site plus perméable et c’est avec un grand geste que nous avons ouvert le site aux collines. Tentant de lutter contre la trame dans un premier temps, il s’est avéré que le site était déjà suffisamment complexe pour que le nouveau projet ne rajoute pas de complexité. C’est donc avec la structure de la dalle comme tracé régulateur que nous avons continué. En s’en tenant à cela, nous avons pu affiner les grands gestes que nous avions expérimentés jusque-là. Le projet joue ainsi avec la figure de la grille afin de créer différents degrés de porosité sur la totalité du site. En utilisant la structure de béton comme un tracé régulateur pour faire évoluer la dalle, celle-ci n’est plus une infrastructure lourde et difficilement maniable mais devient un terrain de jeu extraordinaire. En révélant cette structure, le projet met au grand jour la composition de ce site qui était jusqu’à présent complètement hermétique. Cela donne au visiteur une lecture plus claire de l’espace. En déclinant la grille structurelle sous différents jours tout au long du projet, des univers variés rappelant l’imaginaire du cinéma se créent. En travaillant sur la grille, le projet s’intéresse à la flexibilité d’une dalle pour mieux l’intégrer à son environnement urbain.


Story-board

Schéma des différentes étapes de réflexion du projet

131


Le site de Skenderija est gigantesque et il fallait mettre en place un principe directeur pour donner vie à notre projet architectural. Nous nous sommes attachées aux trois actions essentielles à une réhabilitation : Conserver, déposer, compléter. Avec ces trois verbes, nous avons un principe simple qui nous permet de penser tout l’aménagement du site de Skenderija. Ainsi nous préservons et nous pérennisons la partie du site au fort caractère patrimonial, le palais des champions, la maison des talents ainsi que la partie de la dalle qui les connecte. Les programmes de ces deux bâtiments, l’un sportif et l’autre culturel, amènent à Skenderija des acteurs différents et garantissent une mixité des usages. De plus ce sont des éléments forts de l’identité du site et les préserver équivaut à préserver un patrimoine significatif de l’histoire de la ville. Déposer une partie de la dalle est nécessaire afin de rendre les parties conservées plus lumineuses et plus poreuses. Mais la dépose est effectuée étape par étape. Soit le sol de la dalle est retiré, soit, si le programme nécessite de la hauteur, les poutres sont enlevées, et enfin s’il y a besoin de libérer l’espace au sol alors tout est évacué. C’est ainsi que le projet joue avec l’image

132

de la grille et la décline dans différents états de conservation. C’est dans l’acte de compléter que se joue la partie la plus créative de l’architecture du projet. L’action de compléter dans le but de couvrir ou d’apporter de nouveaux usages, change immanquablement l’image du site. La halle de la gloire retrouve, grâce à cela, un nouvel usage au cœur de la cité du cinéma. Sa couverture devient l’élément phare du projet à toutes les échelles. Ces trois actions sont les outils à l’échelle du site et à l’échelle urbaine. Elles permettent de rendre le site plus viable à accueillir des usages du quotidien ou d’exception. Par la métamorphose de cette infrastructure le site prend un nouveau visage pour tenter d’écrire une nouvelle page de son histoire.


Conserver L’action de conserver consiste à garder les éléments et les programmes qui font encore vivre le site. Cela implique de les entretenir, les consolider et de les rafraîchir. Parties concernées : le palais des champions, la maison des talents ainsi qu’une grande partie de la dalle.

Déposer Partielle ou complète, cette action concerne uniquement l’intervention sur la dalle. Partielle, elle consiste à démolir une partie de la dalle afin de conserver des éléments de la grille et de leur donner un nouveau statut. Complète, elle permet de libérer certains espaces et d’apporter de la lumière. Cette action implique de protéger des intempéries les éléments mis à jour.

Compléter

Story-board

Permet de couvrir certaines parties pour apporter de nouveaux usages. Compléter est, dans le projet, un acte architectural fort qui contribue à la nouvelle image de Skenderija. En l’appliquant sur la Halle de la gloire et sur une partie de la dalle, cela permet au projet de faire émerger le pôle central de la cité du cinéma, le village imaginaire.

133


134

Maquette d’interventions sur la dalle


Plan d’ensemble [plã ã.sãbl]. n. m. - Ce plan se focalise sur un lieu comme une rue ou une place. Les personnages seront suffisamment visibles pour que l’on comprenne leurs actions. Le contexte est décrit à échelle humaine.

135


136


Plan d’ensemble Une dalle, quatre espaces publics

Après avoir évoqué le story-board du projet, il est temps de voir comment cette histoire prend forme de manière plus précise sur le site. A l’image de l’immensité du site, l’intervention du projet a dû suivre un plan d’ensemble préalablement établi. Ce plan se focalise sur les espaces publics créés sur et sous l’ancienne dalle. La modulation de la dalle se fait par quatre figures : la conservation totale de celle-ci qui se fait en déposant tous les éléments rajoutés par l’ancien centre commercial (faux plafonds et cloisons légères). La structure est mise à nu mais est gardée dans son intégralité. A d’autres endroits le sol de la dalle est déposé afin de garder uniquement la structure poteaux-poutres. Enfin, à certains endroits seuls les poteaux sont conservés comme figures plastiques ou comme mobilier urbain. Ainsi la structure de la dalle n’est plus un élément massif et homogène sur tout le site mais elle est l’appui de différents jeux architecturaux et structurels. Skenderija se découpe en quatre secteurs. Chacun d’eux développe un univers particulier autour de la figure de la grille. Ainsi se modulent les ambiances des différents espaces publics. On trouve le parvis, espace libre et évolutif, il est le lieu d’accueil dans le site. Le village imaginaire, véritable quartier général, qui accueille le noyau dur de la cité du cinéma. Le passage du souk fait le lien avec la colline et ses habitants. Enfin, la bobine est un jardin botanique s’ouvrant au quartier Est. Par leurs aménagements, chaque secteur développe des temporalités différentes. Du parvis, secteur le plus modulable, au village imaginaire où se condensent les programmes moteurs, le projet cherche à se plier au mieux aux besoins de 23. BAUDRY O., Le local et le culturel dans l’aménagement des cinémas, extrait de Le cinéma dans la cité, Kiron éditions du félin, 2001, p.123

l’industrie du film tout en restant adapté à la vie quotidienne. Par la singularité de ces différents espaces publics le projet propose un lieu où se créent des échanges fonctionnels et symboliques23. Ces univers, en s’appuyant sur la structure existante, cherchent à toucher la subjectivité de chacun. Comme au cinéma, ils concrétisent des micro utopies à l‘échelle locale. Toujours avec le souhait d’intégrer les habitants dans le projet. Une partie de ces aménagements sont envisagé en financement participatif. En demandant aux sarajevains de participer pour permettre la mise en place d’une partie du parvis et pour aider à planter la bobine, le projet se fit à leur motivation de voir naître le projet. Pour remercier les participants il est proposé d’inscrire leur nom dans les parties du projet qu’ils aideront à financer. Ainsi même si le financement classique fait défaut, les sarajevains pourront eux même porter une partie du projet jusqu’à son achèvement.

1

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137


Fiche technique

Protéger la dalle

01. Étancher de la dalle existante

Description La réhabilitation de la dalle se fait en 4 interventions. La localisation de ces actions se fait en fonction des différents usages voulus dans le projet. Elles sont classifiées en fonction de la quantité de matière enlevée. o1. L’étanchéité étant inexistante et le sol en dallage d’argile rouge étant en très mauvais état, il faut étanchéifier la dalle et changer le sol qui la recouvre o2. Pour révéler au grand jour la structure de la grille, la dalle est déposée. Il est néanmoins nécessaire de couvrir les parties coupées pour les protéger

02. Déposer la dalle : faire apparaître la structure brute

o3. Afin d’apporter de la lumière, la structure est scindée. Cela crée ainsi une ligne horizontale forte dans le projet. Par l’installation d’un garde corps et d’une nouvelle étanchéité, la structure est protégée des intempéries. o4. Pour garder la structure comme figure symbolique, certains poteaux sont isolés. Il y a deux manières de les utiliser. Dans les deux cas la partie conservée est chapeautée pour éviter les infiltrations. Ces éléments peuvent devenir des bancs avec une couverture en mosaïque, ou servir de repère dans Skenderija

03. Percement de la dalle : étancher et poser un garde corps

04. Découper les poteaux : piliers et bancs

138


située

au niveau

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Détail de l’intervention 03.

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Coupe au percement de la dalle

Plan d’ensemble

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Élévation de la dalle avec le garde corps

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Axonométrie des différentes activités sur le site

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La bobine

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140

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La passage du souk

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Le village imaginaire

Le parvis

Plan d’ensemble

nts

141


Le parvis C’est le lieu d’accueil de la ville. A l’origine du site quand on arrivait par le pont on se retrouvait face à la dalle qui nous proposait de s’élever légèrement sur un espace public ou il ne se passait rien. Cette dalle cachait un sous-sol qu’on ne pouvait pas soupçonner. Le projet propose une tout autre approche de Skenderija. Le sous-sol est devenu un grand rez-de-chaussée urbain auquel on accède par une esplanade qui propose rampe et escalier. Sur cette esplanade, la dalle et les poutres ont été enlevées. Il ne reste que les poteaux érigés en figures plastiques, souvenirs du passé. Le grand rez-de-chaussée est couvert par la dalle conservée. Ainsi il peut proposer de nombreuses activités en tout temps. Par l’utilisation d’une technique inspirée des studios de cinéma, du mobilier urbain adaptatif est mis en place afin de

142

permettre l’accueil de brocantes, marchés, foires, sans encombrer l’espace public lors de période creuse. Le dessus de la dalle est libéré des passages quotidiens et constitue une extension au centre d’art Ars Aevi. Ainsi des artistes de différents courants contemporains comme l’art relationnel peuvent complètement s’approprier cet espace urbain. Les accès à la maison des talents et au palais des champions se font à la fois par les entrées d’origines sur la dalle pour les grands événements, mais ils peuvent aussi se faire par le rez-de-chaussée quand cela concerne moins de visiteurs. Le parvis est le lieu avec la temporalité la plus variée, qui peut laisser libre court à toutes sortes d’initiatives et d’événements liés à la vie du quartier ou à la ville entière.


Photo de l’état actuel

Plan d’ensemble

Lignes fortes de l’intervention

Ambiance d’un marché sous la dalle publique

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Le village imaginaire Cet ensemble est principalement composé de programmes moteurs qui constituent des noyaux durs et qui s’organisent autour d’un espace central dénommé « la clairière ». C’est un espace public dans lequel la trame de la structure de la dalle vient se rejouer par une alternance de poteaux entiers, de poteaux tronqués et d’arbres. Il crée un espace dans lequel peuvent se rencontrer tout les utilisateurs des programmes moteurs. Dans ces programmes on trouve l’atelier, la cinémathèque, les bureaux ainsi que l’accès à l’école des petites mains et l’accès au studio. Ces activités sont au cœur de la cité du cinéma. Elles doivent donc pouvoir s’adapter à la temporalité économique du projet. Ainsi sur les noyaux durs que constituent les programmes fixes, peuvent se greffer des extensions. Ces extensions

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peuvent voir le jour pour quelques mois ou quelques années selon les besoins. L’idée est de les démonter quand il n’y en a plus usage afin de ne pas laisser de locaux vacants à entretenir et de libérer le site à d’autres activités potentielles. Le village imaginaire est le cœur économique du projet, c’est dans ce lieu que vont se concentrer les investisseurs privés. Les habitants pourront profiter des ces structures toute l’année en fonction des temporalités des tournages.


Photo de l’état actuel

Plan d’ensemble

Lignes fortes de l’intervention

Ambiance de la clairière du cinéma

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Le passage du souk Ce passage recrée le lien de Skenderija avec les collines. Grâce à cet accès prolongé sur la colline, les habitants peuvent traverser le site pour remonter vers leurs logements. Ce passage est donc le lieu d’échange le plus fort avec Sarajevo et ses habitants. En ouvrant le rez-de-chaussée à la ville, le peu d’activités du centre commercial de la ville cachée ont disparu. Elles sont rejouées dans le passage du souk en proposant des structures légères, accrochées à la structure poteaux/poutres de l’ancienne dalle, pour des locations à court terme. Ces cases à louer peuvent ainsi accueillir des boutiques de souvenirs pour

146

les fans de cinéma, des vendeurs d’objets artisanaux, mais aussi des commerces du quotidien comme des boulangeries, des vendeurs de fruits et légumes, des cafés et des magasins de vins et spiritueux. Les commerçants peuvent avoir connaissance du calendrier annuel de Skenderija et louer un emplacement quand ils pensent que leur activité est en adéquation avec celles qui ont lieu sur le site. L’activité du passage du souk peut s’adapter à son environnement pour un meilleur rendement des commerces qui y prennent place.


Photo de l’état actuel

Plan d’ensemble

Lignes fortes de l’intervention

Ambiance du nouvel accès à la colline

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La bobine Lors du siège, Sarajevo a été complètement déboisée. Le bois était le seul moyen de se chauffer pour la population. Depuis, la ville n’est plus vraiment plantée et les jeunes interrogés dans notre questionnaire en ligne (p.26) déplorent souvent le manque d’espaces verts. Le jardin de la bobine répond à cette attente. Ce jardin botanique est l’occasion de replanter des essences

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d’arbres disparues depuis la guerre. Ce jardin est relié au cinéma en proposant des projections de film en plein air. En été il se transforme en véritable terrain expérimental de nouvelles techniques de projection. Le jardin profite à tout le quartier qui l’entoure. C’est un petit écrin, non visible depuis la rue, qui offre tranquillité et apaisement, au pied des collines.


Photo de l’état actuel

Plan d’ensemble

Lignes fortes de l’intervention

Ambiance du jardin planté

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Hypothèses de planification

Skenderija est un site à la temporalité très variable. C’est avant tout la présence de l’industrie du cinéma qui ponctue l’agenda du site. Les tournages durent en moyenne 7 semaines, ce sont des périodes pendant lesquelles le site tourne à plein régime. De plus Skenderija est susceptible d’accueillir des foires, des festivals, autant d’événements qui occuperont la totalité du lieu. Mais pour que ce lieu soit investi par les habitants du quartier il est indispensable qu’il fonctionne en tout temps, même en période creuse. Pour cela la temporalité est intégrée dans l’architecture. Le village imaginaire propose en effet des programmes fixes qui peuvent accueillir des extensions pour moduler la construction en fonction des besoins programmatiques. De plus, en utilisant des astuces techniques inspirées des studios de cinéma, des espaces libres comme le parvis peuvent facilement se modifier pour accueillir un marché, une ciné-brocante ou des performances artistiques. La temporalité est infiniment liée au programme de la cité du cinéma. Par exemple, pendant les périodes de tournages, le besoin en nourriture est plus grand. Le parvis accueille donc un village des food trucks. Ce village attirera les habitants de la ville et permettra d’assurer une variété de plats à emporter aux gens travaillant sur le site. Après une grosse production tournée à Skenderija, des fans viendront visiter le lieu

Temporalité du site : noyaux durs et extensions

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de tournage, ils pourront dans ce cas trouver un vendeur des produits dérivés du film. En été lors d’un festival, il faudra faire de la place aux sponsors et proposer un centre d’information sur les différents événements de la ville, Skenderija est aussi adapté pour cela. De plus, grâce à la présence du centre d’art, même les périodes creuses peuvent être occupées par des manifestations culturelles, des performances, des expositions mais aussi des représentations théâtrales. Par ce biais l’investissement des acteurs locaux est permanent. Ici, même le quotidien fait exception. Enfin la temporalité permet aussi de gérer les différentes phases de construction du projet. L’école des petites mains et les programmes fixes du village imaginaire seront construits en priorité afin de permettre à l’activité économique du site de s’installer au plus vite. La partie bureau, est elle-même construite en fonction des besoins, au fur et à mesure de la location de ces espaces. En terme d’espace publique, l’esplanade est la priorité. C’est le geste fort qui signale aux passants le changement de statut de Skenderija. Quant au reste il sera mis en place au fur et à mesure des moyens financiers dégagés grâce au financement participatif pour faire aboutir le projet. Ce financement peut prendre plusieurs années mais le lancement de la cité du cinéma accueillera des investisseurs qui aideront sûrement à faire avancer la construction du projet.


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Story-board

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Maquette du recherche pour le centre de formation au dessus de la hall de la gloire


Plan rapproché [plã ra.prc.fe]. n. m. - Cadre les personnages au niveau de la ceinture. L’accent est mis sur le personnage et ce qu’il dit ou fait sans pour autant oublier son corps. Certains éléments du décor apparaissent encore en arrière-plan pour situer le contexte.

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Plan rapproché Un nouveau phare dans la ville

La Halle de la gloire est un bâtiment emblématique des jeux olympiques à Sarajevo. Aujourd’hui déchue suite à la chute de son toit, plus aucune activité n’y prend place. Cela représente 3000m2 construits et non utilisés sur le site. Or par sa fonction passée, la halle offre un grand espace au sol dégagé, qui peut permettre un grand nombre d’activités pourvu qu’elle ait de nouveau un toit. Cette capacité du bâtiment induit d’y installer le studio de cinéma. Le studio de cinéma est l’élément clef de la cité du cinéma. Il offre aux équipes de tournage qui viennent tourner à Sarajevo une alternative aux décors naturels. C’est une activité forte sur le site et elle nécessite des gens formés pour la faire tourner. Pour cela, le studio s’accompagne de l’école des petites mains. Un établissement qui forme en décors, maquillages et costumes. En combinant au même endroit ces deux activités, le projet permet aux étudiants de se trouver proches des professionnels. Tout en proposant des rendezvous fixes entre professionnels et étudiants sous forme de conférences, les étudiants sont aussi libres de rencontrer les équipes de tournage dans leur environnement professionnel. Le plan rapproché sur la halle de la gloire montre un rapport fort entre l’existant et le projet. Les capacités d’origine du bâtiment offrent déjà l’espace nécessaire à un premier programme, le studio de cinéma. Un toit habité permet d’accueillir l’école des petites mains qui coiffe ainsi la halle de la gloire et devient un phare dans la ville. L’action de couvrir est ici un vrai geste architectural.

1

: ique n h c r e te n su Fich ormatio • la f le gril

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Fiche technique

La formation sur le gril

Treillis porteur

x4

Description La première action consiste à vouloir redonner un toit à la halle de la gloire. Contrairement à la toiture métallique de l’ancienne patinoire, les murs de béton sont encore là ainsi que les quatre piliers porteurs qui structurent le bâtiment. La nouvelle structure, composée de quatre treillis, vient alors se «poser» sur les piliers de béton existants. Le gril technique nécessaire au studio de cinéma, est installé de part et d’autre de ces treillis porteurs. Il est constitué d’une fine structure métallique suspendue. Cette base sert à porter l’école des petites mains qui vient couvrir le tout. Ce centre de formation est structuré par cinq grands treillis dont les poutres sont apparentes et structurent un grand open-space de 3000m2.

Structure légère

Boulons pour assembler la structure légère sur place

Tréilli structurant l’école

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x24 x720

x5


o1. Treillis porteur qui prennent appuie sur les pilier existants gril technique en suspens sur les structures légères

o3. Couverture entière du volume en panneaux taule émaillé perforée et patios en forme de rond qui reparti le plan de l’école

Plan rapproché

o2. Treillis de pièce soudé en acier structurant l’école de formation et supportant la façade et le toit

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Studio de cinéma

La plus grande difficulté pour des studios de cinéma est de gérer l’acoustique. Les sons les plus compliqués à isoler sont ceux à la fréquence grave tels que les bruits de véhicules. La halle de la gloire est déjà isolée de la route grâce à la dalle qui prend place devant à elle. La gestion des nuisances extérieures se trouve déjà facilitée. L’isolation du studio est tout de même indispensable. Pour y parvenir, le studio se crée en retrait de l’existant. A l’intérieur de la halle, des murs composés de panneaux isolants sont créés à distance de l’existant. Le décollement de ces parois permet de créer un sas qui isole d’autant mieux les studios des nuisances internes au bâtiment. Ce sas permet de gérer la lumière lors de l’ouverture d’une porte et d’éloigner les bruits venant des locaux annexes. Il permet également d’ajouter différents usages comme des espaces de stockage avec un accès direct à l’entrée des véhicules lourds. Deux côtés du bâtiment abritent encore des locaux, anciennement les loges, vestiaires et tribunes officielles. Ces deux bandes servantes sont réhabilitées afin d’accueillir les loges, la régie, les stockages supplémentaires, ainsi que

des locaux techniques. Grâce à cela, les studios peuvent prendre tout l’espace libre au centre de la halle et profiter de 2000m2 d’espace de tournage. Inspirés par les Studios 24 de Villeurbanne, les studios possèdent un gril continu sur la totalité de la surface du plafond. Combiné à deux ponts roulants, il permet aux techniciens de pouvoir fixer projecteurs et décors en tout point du studio. D’autres éléments techniques sont inspirés du théâtre pour permettre une adaptation des studios en salle de spectacle certaines périodes de l’année. Il suffit dans ces moments là de déployer des gradins stocker à l’arrière des studios. La hauteur des studios est très importante dans l’architecture d’un studio et grandement recherchée par les réalisateurs, car elle détermine la profondeur de champ physiquement possible au sein du studio. Cette hauteur est rare car plus on construit haut, plus la construction est chère. Ici, grâce à l’existant, les studios offrent 15m sous gril : une hauteur enviable. La technique du gril continu, la hauteur sous plafond ainsi que la garantie d’une bonne acoustique sont autant d’éléments qui attirent les réalisateurs et permettent au studio de se faire valoir sur la scène européenne.

*

isolation acoustique

gril école

sas existant technique studio

Schéma du studio de cinéma dans la halle de la gloire 158

* VENTURI R. SCOTT-BROWN’S D., Learning from Vegas, Rivised Edition


Plan rapproché

Vue intérieure du studio pendant une scène de tournage

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Une structure pour un double usage

Le gril, aspect technique majeur du studio de tournage, devient dans le projet un élément structurel. Le gril se raccroche aux piles porteuses de la halle de la gloire et ensemble ils soutiennent l’école des petites mains qui se tient au dessus. Ainsi par une seule structure le projet génère un double usage. Le volume de l’école peut ainsi décoller de la structure existante et se montrer comme flottante au dessus de la halle. Grâce à sa structure d’acier posée sur le gril, l’école bénéficie de 3000m2 de plan libre. Ce plan s’organise autour de patios qui apportent lumière naturelle et air frais. Les ateliers de création dans les trois domaines, maquillage, costume et décor, sont dans un grand espace

0

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1

ouvert segmenté grâce au mobilier et aux espaces de stockage utiles à chacun. Seuls quelques salles de classe, l’amphithéâtre et les bureaux de l’administration sont dans des locaux fermés. Dans cet « open space » les savoirs s’échangent et les créations se mutualisent. En prenant de la hauteur l’école récupère de la lumière naturelle nécessaire à la création. Elle prend aussi la place la plus importante dans le projet. C’est un symbole dans la ville. Les étudiants sont mis en avant et bénéficient d’une vue imprenable sur Sarajevo. L’image qu’elle revoie est visible de loin et véhicule un message à l’échelle du quartier et de la ville.

5m

Coupe structurelle du centre de formation reposant sur le gril


Façon Hollywood

Façon Rem Koolhaas

Façon Rudi Riciotti

Façon Jean Nouvel

Façon MVRDV

Recherche de matérialité pour la façade de l’école des petites mains

Plan rapproché

Façon Herzog et De Meuron

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L’école des petites mains

La combinaison d’une l’école et d’un studio de tournage constitue le cœur du projet. Ce complexe prend de la hauteur et crée un appel dans la ville. « A la même hauteur » que les différents centres commerciaux du quartier de la reconstruction, l’école n’invite pas à la consommation, elle appelle au savoir et à la création. En utilisant l’existant pour installer une nouvelle structure, le projet chapote la halle de la gloire tout en la préservant dans son état d’origine. Proche de la colline, il entretient un lien étroit avec celle-ci. Les habitants ont vue sur l’apprentissage qui fait vivre leur quartier. De l’autre côté c’est

un signe architectural qui signale le changement d’activité du site. En jouant avec un système d’éclairage, l’école se transforme en phare une fois la nuit tombée. C’est un symbole pour la cité du cinéma mais surtout un signal qui met en avant la culture dans la ville. Le projet, en s’établissant autour du cinéma, replace Skenderija comme lieu privilégié de la ville. Il l’intègre mieux tout en l’affirmant comme un lieu essentiel au fonctionnement économique de celle-ci. Le nouveau Skenderija ne domine plus la ville, il s’intègre et lui propose un nouveau secteur de développement tourné vers l’avenir.

Coupe paysagère Sud/Nord de l’état actuel

0

5

15

20 m

Coupe paysagère Sud/Nord avec les studios de cinéma et l’école des petites mains 162


Plan rapproché

Vue intérieure de l’école des petite mains

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*

Heure de pointe sur la M18


Travelling arrière [‘trævəliŋ a.rjer]. n. m. - Le travelling est un déplacement réel de la caméra durant la prise de vue qui amène à un changement de point de vue physique. La caméra s’éloigne d’un sujet donné. Le champ de vision va s’élargir au fur et à mesure du plan pour révéler de nouvelles informations au spectateur.

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Skenderija Reloaded

La construction du centre culturel et sportif en 1969 avait profondément marqué l’image du quartier et de la ville. Des lors que les jeux olympiques se sont finis et surtout suite à la guerre, le centre a perdu de son utilité et se retrouve comme une coquille presque vide au milieu de la ville. Aujourd’hui l’industrie du cinéma vient bouleverser son image et relance son activité. Skenderija se forge une nouvelle identité et est de nouveau un lieu emblématique de la ville. Tout en préservant son histoire et son côté patrimonial, le projet adapte cette architecture de dalle à une vie urbaine plus contemporaine. Le site ne tourne plus le dos à son environnement et invite les habitants à venir au cœur des secrets industriels du cinéma, mêlant le spectaculaire à la vie quotidienne. Le projet met en avant ce qui est cher au cœur des sarajevains, la culture. Certains habitants de la ville restent toujours bloqués sur la nostalgie de la période socialiste et des jeux olympiques. C’était un temps pendant lequel tout le monde avait, grâce à l’état yougoslave, un travail et un logement. Mais ce système fonctionnait sur un principe d’abondance24. Depuis la guerre cette abondance a disparu. De plus, les bosniens ont du mal à recréer une identité commune à tous, sans

différenciations ethniques. Aujourd’hui enfin, des jeunes motivés sont prêts à faire évoluer ces problèmes qui font stagner le pays depuis plus de 20ans. Ils souhaitent avancer pour se créer un pays à leur image, loin des stigmates de la guerre. Les activités simples mises au contact du cinéma peuvent permettre de relancer la magie du quotidien. L’industrie du cinéma influence plus que la vie quotidienne. C’est un secteur qui peut fortement influencer l’économie de la ville. Il permet un rayonnement à l’échelle nationale et internationale de Sarajevo, digne de son statut de capitale. C’est l’image entière de la ville, restée figée depuis la guerre, que le cinéma modifie. Après la ville assiégée, Sarajevo prend deux autres visages, « la ville ordinaire » et la « ville extraordinaire », celle du quotidien et celle des films. Les acteurs principaux de ce développement culturel à travers l’art, le théâtre et le cinéma sont les habitants eux mêmes. A Skenderija ils partagent leurs savoir-faire créatifs avec d’autres professionnels du monde entier qui viennent profiter des infrastructures proposées. Par ces échanges, Skenderija est un lieu qui recrée un milieu cosmopolite au cœur de Sarajevo.

Façade urbaine Est Ouest 166

24. VIOLEAU J.L., Modernité : refus durable et projet alternatif, d’Architecture, n°243, 2016, p.24


0

20 40

60 m

0

10

30 m

Travelling arrière

Plan masse ĂŠlargit au contexte urbain

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Bosnia Reloaded Se connecter à l’union européenne

La situation géopolitique de la BosnieHerzégovine est encore aujourd’hui complexe. Il est très difficile d’en saisir tous les enjeux. Nous nous y sommes essayées par des lectures et par une grande écoute des gens lors de notre voyage sur place. En tant que jeunes architectes, nous avons, par ce projet, à cœur de proposer un nouvel espace de vie commune. Par la présence de la culture, le projet veut rassembler un maximum de gens sans parler d’origine ou de religions. C’est peut être là le travail d’un architecte : offrir, par la création d’espace, des lieux de rassemblement pour tenter de répondre aux problèmes sociaux. Ce n’est pas un labeur facile et nous pouvons proposer ce qui nous parait être une réponse. Mais seule l’expérience réelle d’un tel projet sur un long terme pourrait nous dire si il a effectivement une influence sur l’environnement dans lequel on agit aujourd’hui. Dans ce sens, le projet propose aux sarajevains de développer un nouveau secteur économique dans ce qui est le plus représentatif du peuple bosnien, la culture. Au delà des festivals qui ne sont que de courtes durées et dans lesquels les sarajevains ne se retrouvent plus vraiment, Skenderija propose une infrastructure capable de supporter un flot continu de représentations culturelles. Ainsi la culture n’est plus une exception du calendrier annuel mais elle devient

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25. Réseau des villes créatives, UNESCO. http://fr.unesco.org/creative-cities/content/creative-cities

quotidienne et retrouve une place dans la vie des habitants. De plus la cité du cinéma ne se suffit pas à elle même, elle a besoin de la ville pour exister. L’activité présente sur le site se répercute forcement dans le reste de la ville ne serait-ce que par le tourisme et l’hôtellerie. Il est donc indispensable que le site fasse partie intégrante du système urbain de la ville. Skenderija, après avoir tenu la seconde place derrière Zetra lors des JO, prend aujourd’hui la première place dans le développement de Sarajevo. L’activité du site est relancée à son maximum. Le projet pense la culture à petite et grande échelle. Le programme au cœur d’un quartier hétéroclite interagit avec tout le territoire de la ville. La création de la cité du cinéma de Skenderija peut être le levier d’une nouvelle politique de la ville. En faisant de l’industrie du cinéma un élément fort du développement, Sarajevo peut prétendre à faire partie des villes créatives UNESCO. Ce sigle désigne « les villes ayant identifié la création culturelle comme facteur stratégique du développement urbain et durable »25 En faisant partie de ce réseau, elle se crée un objectif à long terme et devient d’autant plus visible aux yeux du monde. Sarajevo, peut ainsi affirmer son statut de capitale et prendre place sur l’échiquier européen voire mondial.


Nouveau parcours dans la ville

ville créative UNESCO lieu de tournage populaire

Travelling arrière

Sarajevo

Sarajevo sur la carte de l’Europe de l’industrie du cinéma

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BIBLIOGRAPHIE

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Nous tenons à remercier l’ensemble de l’équipe pédagogique du master Architecture, Villes, Ressources. Stéphanie David, responsable de master, pour son investissement dans l’avancement du projet Florian Golay en tant que directeur d’étude pour ses conseils avisés et les bonnes bières. Cécile Léonardi pour ses références abondantes et agréablement décalées. Fred Guillaud pour son dynamisme et ses nombreux conseils iconographiques. Jean Christophe Grosso pour ses rares mais précieux conseils constructifs. Nous souhaitons également remercier toutes les personnes qui nous ont aidé à la compréhension de Sarajevo. Haris pour son implication, son hospitalité et sa spontanéité à parler sans tabous. Dino et Nedžla, pour leur gentillesse et leur tolérance aux plats français. Sanja et le «professeur Tournesol» pour avoir été nos contacts au sein de l’Académie de l’architecture. Nous sommes reconnaissance envers Serge Tachon, directeur du studio 24, pour nous avoir fait visiter le bâtiment en nous transmettant toute sa passion pour son métier. Bien sur, nous voulons remercier avec une attention toute particulière nos familles respectives pour leur soutien durant nos 5 années d’études à l’ENSAG. Mention spéciale pour Céleste qui nous a permis de mieux connaitre la culture et l’industrie cinématographique. Big-up à Éric pour avoir eu la patience et le temps de lire et relire ce mémoire. Enfin, nous remercions tous nos frères d’arme pour l’ambiance savoureuse qui habitait le studio toute l’année et qui nous a aidé à tenir jusqu’à la fin. Attention papas, mamans, retour à la maison imminent (p.s : Merci pour ces cinq années de liberté).

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S

arajevo est une ville oubliée des français. Située en Bosnie-Herzégovine elle est victime des répercutions d’une guerre qui a eu lieu il y a 20 ans. Cette ville surprend néanmoins par son cosmopolitisme et sa richesse culturelle. En nous lançant à la découverte de cette ville mystérieuse nous avons découvert Skenderija, un ancien site olympique aujourd’hui bien mal en point. Par des protocoles décalés, nous avons questionné ce site et son environnement. De cette exploration commence un projet (bientôt sur grand écran) qui reconnecte ce géant olympique à la vie de son quartier grâce à l’implantation d’une industrie, celle du cinéma. Par un jeu d’échelles, ce mémoire propose la réhabilitation d’une architecture brutaliste des années 60 tout en s’appuyant sur la force de Sarajevo : la culture.

Directeur d’études - Florian Golay Responsable du master - Stéphanie David master architecture, ville, ressource


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