Master Thesis

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PORTO-VECCHIO

Du peuple montagnard à la cité balnéaire internationale

Analyse architecturale d’une mutation économique et sociale De 1930 à aujourd’hui Comment l’histoire influence-t-elle l’habitat ?

Caroline Sauge

École Nationale Supérieure de Paris La Villette





CARTE DES LIEUX MENTIONNÉS

L e lac de l ’ ospedale AGNARONU

L’OSPEDALE CARTALAVONU

TRINITÉ

PALAVESA

PORTO-VECCHIO

G olfe de P orto -V ecchio

MURATELLO

ARCA

PICCUVAGHJA

CECCIA

PRECOJO BOCCA DI L’ORU

SANTA GIULIA


PRÉAMBULE

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Parce que notre société a plus évolué au cours de ces cinquante dernières années que durant les millénaires précédents, il paraissait intéressant de chercher à retranscrire à l’échelle d’une ville, l’impact de l’histoire et de l’évolution d’une société sur l’architecture. L’enjeu de ce mémoire est de déterminer et de comprendre les répercussions des évènements surgissant à l’échelle d’une commune sur une population ainsi que sur l’habitat. Ce récit essaie d’être objectif et sensible, s’appliquant à exposer des données avérées et de garder une certaine distance par rapport à des informations transmises purement oralement. Il n’a pas pour ambition de remettre en cause la politique d’urbanisme sur laquelle s’est établie la ville, il vise à mettre a jour au travers d’une analyse objective, le paradigme dans lequel se trouve une population. Comme une clef permettant de prendre de la distance sur une société dans le but de mieux la comprendre. Au vu de l’absence d’écrits sur le sujet et du peu d’informations disponibles, l’ensemble de l’investigation s’appuie sur une enquête de terrain basée sur la rencontre, la discussion et la pratique du relevé. Des entretiens ont lieu avec des spécialistes appartenant à l’ensemble des domaines concernés : anthropologie, architecture, urbanisme et histoire. Mais aussi avec des personnes âgées qui ont elles-mêmes vécu et ressenti l’ensemble de ces évènements en tant qu’habitant de la ville de Porto-Vecchio. La rédaction de ce mémoire joue alors le rôle de trace écrite de l’expérience de ces personnes. Des connaissances précieuses qui sont, au fil du temps, de plus en plus rares. L’ensemble des photographies et illustrations utilisées sont majoritairement réalisées par des habitants de Porto-Vecchio, cellesci retranscrivent alors une vision locale de la ville, différente des images promotionnelles ou touristiques que l’on trouve communément.

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SOMMAIRE

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Carte des lieux mentionnés Préambule INTRODUCTION

3 4 10

I. l’île de beauté

I.PRÉSENTATION GÉNÉRALE

a. Histoire de la Corse

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b. Typomorphologie de la région

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c. L’habitat au fil des siècles

24

II. L’HABITAT VERNACULAIRE

27

II. PORTO-VECCHIO, UNE VILLE ENTRE MER ET MONTAGNE A. Avant 1945 : un retard considérable de développement I. LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL a. Les bains de mer

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36

b. La ville de Cassis

II.URBANISME A. Une ville précaire

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b. Une population partagée entre mer et montagne

42

c. Un début de développement interrompu par la guerre

44

III. SOCIOLOGIE

a. La pauvreté

46

b. Une vie de village

48

c. Une forte hierarchisation

50

d. Les familles

52

IV. ARCHITECTURE

a. Les maisons traditionnelles corses entre

54

le XIXe et le XXe siècle

9


B. De 1945 à 1970 : De la reconstruction au changement I. LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

60

II. URBANISME

a. Les constats d’après guerre

62

b. L’éradication du paludisme, dynamique hygiéniste

64

c. Les débuts d’une croissance démographique

66

d. De grands projets pour la ville

68

e. Les prémices du tourisme

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III. SOCIOLOGIE

a. Vivre en plaine à l’année

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b. De nouveaux habitants

76

c. Les terrains de bord de mer

77

d. De nouveaux métiers

78

IV. ARCHITECTURE

a. Le premier logement social

80

b. La première résidence secondaire

84

c. Le première résidence en bord de mer

88

C. De 1970 à 1990 : Un essor fulgurant I. LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

94

II. URBANISME

a. Une croissance démographique importante

96

b. Le développement de l’économie touristique

98

c. L’abandon de l’agriculture

100

d. La protection du patrimoine naturel

102

e. L’influence du nationalisme

108

III. SOCIOLOGIE

a. La population, moteur d’une transition économique

110

b. La place des locaux dans cette croissance

112

c. Vers une désertification du centre ville

114

IV. ARCHITECTURE

a. Une maison de hameau

116

120

10

b. Le logement secondaire des Porto-Vecchiais


D. De 1990 à Aujourd’hui I. LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

126

II. URBANISME

a. Une croissance démographique qui continue

128

b. L’émergence de l’habitat collectif

129

c. Le tourisme

130

d. L’absence de PLU et de POS

132

e. Une dynamique de luxuarisation & communication

133

f. Vers un enclavement des populations

134

III. SOCIOLOGIE

a. La persistance d’un fonctionnement de village

136

b. L’impact de la crise économique

138

c. La place des locaux dans cette luxuarisation

139

d. Un caractère cyclique

140

IV. ARCHITECTURE

a. La villa secondaire de luxe

142

b. La maison d’hôtes

146

c.La villa louée l’été

150

d. L’immeuble d’habitation collectif

154

e. Le logement social

158

f. Le réinvestissement de la vieille ville

162

g. L’habitat informel

166

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES REMERCIEMENTS

170 178 184 208

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INTRODUCTION

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“L’habitation est sans doute un des traits les plus précieux pour l‘étude historique des peuples” André Leroi-Gourhan, Milieu et Techniques (1943-1945).

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Ce mémoire représente l’occasion d’établir un parallèle entre les quatre domaines que sont : l’architecture, l’histoire, l’urbanisme et la sociologie. Matières qui rythment l’ensemble des études en École Nationale Supérieure d’Architecture depuis cinq ans et qu’il semble important de relier dans l’élaboration de ce dernier travail scolaire. L’étude d’une commune aux différentes échelles que sont : la ville, l’habitat et l’humain, et relativement à différents domaines a pour but principal de mettre en lumière la relation qui existe entre les habitants et leur domicile, et ce en fonction du contexte socio-économique dans lequel ils se trouvent. Le questionnement qui structure l’ensemble de cet écrit est : Comment l’histoire et les événements qui la composent influencent-t-ils l’habitat ? Quelles sont les réponses possibles d’un logement à son contexte socio-économique ? Nous partons à partir du postulat disant qu’une ville, son architecture et son urbanisme sont directement liés au contexte socio-économique dans lequel elle se trouve. L’habitat et l’organisation d’une ville sont comme des réponses à des problématiques instaurées par l’Histoire et sont valables à un moment donné. À un instant donné, les caractéristiques historiques relatives à cet instant provoquent une réponse architecturale et urbaine qui est lisible tant qu’elle n’est pas modifiée. Les trois domaines que sont l’architecture, l’urbanisme et l’histoire avancent donc de façon systématiquement parallèle et synchronisée. Selon le principe de causalité. La ville de Porto-Vecchio apparaît alors comme un cas d’étude présentant de nombreux intérêts. Dans un premier temps parce qu’il s’agit d’un lieu que je connais bien, dans lequel j’ai grandi et sur lequel je souhaite travailler depuis longtemps. Ensuite, cette commune de Corse-du-Sud a été le théâtre de nombreux bouleversements économiques et sociaux qui ont fortement conditionné son développement, passant d’un peuple pauvre, quasi nomade, vivant de l’agriculture et partageant sa vie entre plaine et montagne à une population installée sur le littoral et tirant profit du tourisme balnéaire. 14


Cette évolution s’est déroulée sur les soixante-dix dernières années, son étude offre donc la possibilité de rencontrer des contemporains de l’ensemble de la transition, et ainsi avoir leurs points de vue sur les évènements dans leur globalité. Un nombre restreint de documents écrits sur le sujet a orienté l’ensemble des recherches vers les enquêtes de terrains. En effet, si quelques documents d’appui tels que le livre PortoVecchio d’hier à Aujourd’hui du Docteur Simon Grimaldi (Ed. A Stamperia, 2014) ou Naissance d’une cité, Porto-Vecchio de Antoine-Marie Graziani (Ed. Alain Piazzola, 2014) ont servi de base aux recherches, ils ont été complétés, au cours des deux mois de l’inter-semestre d’été, par une dizaine de relevés architecturaux et autant d’entretiens, auxquels s’ajoutent quelques données issues de discussions fortuites ancrées dans le quotidien sur place. L’ensemble de la rédaction est structurée de façon chronologique, introduite par une présentation de la Corse dans sa globalité : son histoire, ses caractéristiques typomorphologiques et architecturales. Tout d’abord, durant les siècles qui précèdent la seconde guerre mondiale, la ville de Porto-Vecchio présente un considérable retard de développement. La station balnéaire au rayonnement international que nous connaissons aujourd’hui a un passé atypique. Dans un premier temps du fait de son insularité, mais aussi parce qu’il y a encore soixante ans les habitants de cette commune fuyaient le littoral durant la saison estivale, l’économie, aujourd’hui principalement basée sur le tourisme ,vivait alors pauvrement de la culture du sel et du travail du liège ou de l’agriculture. Le peuple PortoVecchiais était un peuple de terre qui ne tirait que peu profit de la mer Méditerranée, la pêche ainsi que les transports fluviaux étaient des activités rares. A chaque arrivée des chaleurs de l’été l’ensemble de la population gravissait les 19 kilomètres et 850 mètres de dénivelé qui séparent la plaine du village montagnard de l’Ospedale, Cartalavonu ou Quenza. Cette transhumance permettait d’échapper à la chaleur écrasante du 15


littoral, de permettre aux bêtes de se nourrir de l’herbe grasse des alpages, mais surtout de fuir les anophèles alors infectés par le paludisme. Alors que les stations balnéaires des côtes françaises sont déjà installées depuis l’arrivée des congés payés et poursuivent leur développement pour attirer de plus en plus de touristes, les Porto-Vecchiais continuent de déserter les plages de sable fin au profit des forêts d’altitude. Cette situation est propre à cette partie de l’île, car au même moment les villes de Bastia et de Calvi (Haute-Corse) commencent à accueillir des visiteurs. En deuxième partie c’est la période de 1945 à 1970 qui est développée, une vingtaine d’années caractérisée par un essor fulgurant. Peu après la fin de la seconde guerre mondiale le paludisme est éradiqué par les troupes américaines au cours d’une campagne de pulvérisation de puissants insecticides, permettant le retour des habitants dans la ville basse et la redécouverte des côtes. À partir des années soixante-dix, qui constituent notre troisième partie, ce qui est alors une bourgade commence à présenter un intérêt pour les touristes qui viennent y séjourner quelques temps pendant la saison estivale. L’économie vit alors une mutation importante et la ville un virage qui conditionnera l’ensemble de son développement. L’économie jusqu’alors agricole et fonctionnant à l’année migre doucement vers une économie basée sur le tourisme, au rythme saisonnier. La ville grandit pour accueillir de plus en plus de visiteurs sur du court ou du long séjour. La croissance démographique s’accélère de façon considérable, de nombreux continentaux ainsi que des pieds-noirs et des Sardes viennent s’installer dans cette nouvelle station balnéaire promise à un avenir florissant. Parallèlement, la lutte de groupes revendicateurs ainsi que le rachat des terres par le conservatoire du littoral permettent à une grande partie de l’île de beauté d’échapper aux grands projets de bétonisation semblables à ceux qui se sont établis sur les côtes Françaises et Sardes. Une quatrième partie étudie la période qui se situe entre 1990 et aujourd’hui. Une affirmation du tourisme, et un virage de celui-ci vers le domaine du luxe et l’importance de la communication. 16


Il semble alors important de définir la notion d’habitat à laquelle nous nous intéressons, notamment de la dissocier de la notion de logement, avec laquelle elle est souvent confondue. Le “logement” apparait avec le concept de “logement ouvrier” au 19e siècle, et en lien direct avec l’essor de l’industrie. Il s’agit alors de loger massivement un certain type de population dans un confort normé et répétitif. En réponse on établit des standards qui sont pensés pour des personnes absentes, car au travail. Le facteur humain, l’appropriation et la personnalisation sont relégués au second plan. Et ce sont particulièrement ces données, propres à la notion “d’habitat” qui nous intéressent au sein de ce mémoire. Ainsi que leur lien avec le contexte urbain, historique et socio-économique dans lequel l’habitat s’est établi. Cette analyse repose sur une pratique du relevé architectural au sein de treize études de cas, regroupant les mouvements les plus représentatifs de chaque période. L’analyse est organisée suivant quatre catégories : Le contexte, la morphologie, les dispositifs et la construction. Dans le but de balayer largement chaque édifice, un ensemble de croquis, principalement des plans coupes et élévations, sont dessinés.

Notion d’habitat définie d’après le cours “Histoire et théorie e la programmation” dispensé par Mr Coget en Master 2 à l’ENSAPLV.

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L’ÎLE DE BEAUTÉ

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Carte de la Corse, 1850 Source : corsicathèque.com

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HISTOIRE DE LA CORSE

À l’époque de la préhistoire les terres Corses ont un tracé différent, le niveau des mers étant plus bas, elles sont alors reliées à la Sardaigne. C’est vers 7000 avant JC que les premiers navigateurs l’atteignent. Une activité commerciale se met en place entre la Corse et la Sardaigne. Au fil des siècles plusieurs domaines économiques se développent : l’économie côtière basée sur la pêche, le commerce et les salines, l’économie céréalière autour de la culture de l’olivier et des arbres fruitiers et l’économie montagnarde vivant de la chasse, de la transhumance et de la prospection minière. En 237 av J.C, les Romains sont les premiers à développer le Sud Est de l’île y pratiquant des travaux de canalisation, de gestion des eaux et de création de routes. Cette installation est freinée par l’arrivée de la malaria et l’ensablement des ports naturels exploités. Après la conquête des Génois en 1284, l’ensemble des populations réparties dans des logements jusqu’alors dispersés se regroupe dans les villages les plus importants des faibles hauteurs de l’île. La peste noire, la révolte du peuple contre la seigneurie ainsi que les razzias barbaresques, poussent les habitants à se retrancher dans les montagnes pour s’y installer

de façon permanente, c’est ainsi que l’on voit naître la forme traditionnelle de l’habitat de village. En parallèle se développe une forme d’habitat temporaire pour les populations vaquant entre la montagne et le littoral, notamment les agriculteurs. La culture d’une forme de nomadisme caractérise la population corse dans certaines régions, particulièrement celle de Porto-Vecchio. À la fin du XVIème siècle la région de Porto-Vecchio, Génoise, lutte contre l’arrivée des turcs et leurs actes de barbarie. Dans une dynamique de protection sont construites les tours génoises que l’on trouve sur la totalité du contour de l’île, et destinées à avertir des attaques par la mer en allumant un feu en leur sommet, cette lumière est relayée successivement par l’ensemble des édifices. Dans l’esprit des corses, le malheur est toujours arrivé par la mer. Au même moment on érige la citadelle de Porto-Vecchio dont les vestiges entourent actuellement le centre ville historique. Dans l’imaginaire des génois celle-ci a été en partie bâtie pour fixer la population jusqu’alors nomade et ainsi permettre l’établissement d’une économie pérenne basée sur l’agriculture. Les habitants, continuent cependant de se déplacer inlassablement. 21


Au cours du XVIIème siècle a lieu la période de la coltivazione* qui consiste en l’implantation par les Génois de certaines races de végétaux pour la culture. C’est par cet intermédiaire qu’est apparu le châtaignier, à l’impact important dans les pratiques culinaires locales et encore aujourd’hui la base de nombre de plats. Au XVIIIe siècle les barbares disparaissent et la population PortoVecchiaise de la citadelle reprend peu à peu la possession des terres du littoral, tout en continuant de monter dans les hauteurs de la commune de Juin à Novembre pour échapper à la malaria et nourrir leurs troupeaux. Dans les années 1730 PortoVecchio compte un millier d’habitants dont 350 logent entre les murs de la citadelle et le reste sur les terres de la commune de façon semi-sédentaire (Cf. L’habitat vernaculaire, page 27). Les hameaux de Muratello, Ceccia, Arca, Precojo et Palavese sont les principaux lieux d’habitation. À cette période, habiter dans le préside est un privilège réservé aux bonnes familles, qui permet de ne pas avoir à payer d’impôts. Au cours de la domination génoise la majorité des terres, réparties sur l’ensemble de la Corse, ont été divisées arbitrairement par les dirigeants et partagées entre les plus grandes familles par le biais de baux amphithéotiques. Celles-ci s’engageaient alors à les entretenir et élaguer une partie de la végétation pour les rendre plus accessibles. 22

En 1768 le traité de Versailles cède administrativement la Corse à la France. Au cours de la Révolution (1789 - 1799), l’État transforme ces baux en titres de propriétés, les plus grandes familles deviennent alors propriétaires de la majeure partie de l’île. La mise en place de l’arrêté Miot le 10 Juin 1801, qui vise, entre autres, à exonérer la Corse de frais de successions signe la fin de la rédaction des titres de propriétés. Et le début des problèmes d’indivisions, car les parcelles cessent d’être divisées et attribuées de façon officielle, provoquant des querelles sans précédents. Problèmes qui subsistent encore aujourd’hui. A l’aube de la première guerre mondiale le géographe Raoul Blanchard** distingue cinq « genres de vie » sur l’île de beauté : Le « Maritime » : basé sur la pêche et le commerce et installé sur les côtes, le « Méditerranéen » : dont l’économie s’appuie sur l’élevage et l’agriculture sans transhumance, la châtaigneraie : fondée sur la production de châtaignes, le genre « Transhumant » pratiquant l’élevage et l’agriculture en plaine et en montagne suivant la période, ainsi que l’« Alpin » continuellement en montagne. Nous allons particulièrement nous intéresser au statut des populations dites “transhumantes” et la façon dont elles ont évolué dans leur relation à l’habitat de l’aube de la seconde guerre mondiale à aujourd’hui.


« [...] la Corse sauvage est restée telle qu’en ses premiers jours. L’être y vit dans sa maison grossière, indifférent à tout ce qui ne touche point son existence même ou ses querelles de famille. Et il est resté avec les défauts et les qualités des races incultes, violent, haineux, sanguinaire avec inconscience, mais aussi hospitalier, généreux, dévoué, naïf, ouvrant sa porte aux passants et donnant son amitié fidèle pour la moindre marque de sympathie. » MAUPASSANT, Guy (De)

Le bonheur, nouvelle parue dans le Gaulois, le 16 mars 1884.

* Coltivazione, trad. : Culture en Italien ** BLANCHARD, Raoul. Les genres de vie en Corse et leur évolution. Bulletin de la société des sciences naturelles et historiques de la Corse, 1915 Sources: Porto-Vecchio, Tempi fà - Naissance d’une cité, Porto-Vecchio - Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui ainsi que les informations fournies par J.Alessandri lors des rencontres.

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TYPOMORPHOLOGIE DE LA RÉGION La Corse est une île montagneuse de 8 778 km² située au coeur de la Méditerranée occidentale, à 170 kilomètres de Nice, une dizaine de kilomètres de la Sardaigne, 50 kilomètres de l’île d’Elbe (Toscane) et 80 kilomètres des côtes toscanes. La région de Porto-Vecchio est tant littorale que montagnarde, ses coordonnées géographiques la placent dans une zone au climat Méditerranéen que l’on peu qualifier de climat “tempéré chaud”. Il est caractérisé par une saison d’été sèche et chaude et des hivers doux et humides. Cependant la présence des montagnes a une grande influence sur les températures en modifiant notamment les vents qui peuvent être parfois violents, et répartissant donc les averses. La montagne, n’étant pas sources de maladies comme le littoral, offre, lors des saisons chaudes, un écrin de fraîcheur où les gens des plaines préféraient vivre. Cela forgea un caractère montagnard à un peuple pourtant insulaire. Une chaîne de montagnes divise l’île en deux parties suivant un axe Nord-Sud, l’altitude plus importante étant située au Nord. Historiquement elle divise les terres entre le Cismonte en haut (L’en – deçà - des-monts), qui serait l’équivalent du département de la Haute-Corse aujourd’hui, et le 24

Pumonti (L’au - delà- des-monts) en bas, Corse-du-Sud. Le Monte Cinto est le plus haut sommet de Corse, culminant à 2706 mètres. D’un point de vue géologique, l’ensemble du territoire insulaire comporte différents types de roches, telles que : le granit, principalement, le schiste au Nord-est et le calcaire dans l’extrême Sud. Cette répartition est largement visible dans les constructions. Le taux d’ensoleillement est très important dans la région, pour le grand plaisir des touristes et des habitants. Cependant, l’île est aussi bien irriguée, par des périodes de pluies brèves mais intenses notamment dans ses hauteurs, comme en atteste la présence généreuse de végétation. Une végétation dont le feuillage est en grande majorité persistant, les chênes et les pins sont particulièrement répandus, avec des caractéristiques différentes suivant qu’ils se trouvent en plaine ou dans les hauteurs. Le maquis, qui couvre une partie très importante du territoire insulaire, est parfois d’une densité si importante, qu’il impossible de le traverser à pied. Constitué de végétaux tels que le lentisque, l’arbousier, la bruyère et les cistes il reste lui aussi vert toute l’année, même pendant les périodes de sécheresse.


Prefecture de la Région de Corse. Schéma d’aménagement de la Corse, mission interministerielle pour l’aménagement et l’équipement de la Corse. Octobre 1972 Sources : Porto-Vecchio et sa région, Microrégions de Corse

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L’HABITAT AU FIL DES SIÈCLES

LA PRÉHISTOIRE

Les Orii (Oriu au singulier), qui sont des abris construits à l’intérieur des roches, dans les grottes naturelles. Une entrée est amménagée par l’élévation d’un mur en pierres sèches, il sert d’habitation puis est récupéré comme abris ou remise. A Campu Stefanu ont été découverts des spécimens datant de 10 000 ans avant J.C.

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L’ÂGE DE FER 1100 AV J.C

PÉRIODE ROMAINE 259 AV J.C

De l’antiquité au moyen âge les traces d’habitats sont rares, on peut voir des fondations de cabanes datant de l’âge du fer et dont les murs de pierres étaient recouvertes d’une charpente en bois recouverte de paille. Des trous destinés à accuieillir des poteaux ont systématiquement été décelés à l’intérieur.

Dans un premier temps construite par les Phocéens (Grecs) la cité que l’on appellait Alalia a été détruite à l’arrivée des romains, puis reconstruite en l’an 100 avant J.C. Les fondations de la ville et ses fortifications construites dans la pierre locale sont aujourd’hui toujours visibles.


PÉRIODE PALÉOCHRÉTIENNE III ÈME ET IV ÈME SIÈCLES

Pour la période paléochrétienne et ème jusqu’au XII siècle substistent encore un nombre important de chapelles, cependant les traces d’habitat sont infimes. On trouve des traces de la périodes postérieure dans les casteddi médievaux détruits par l’office de Saint Georges à la fin du XVème siècle.

RENAISSANCE XV ET XVI ÈME SIÈCLES

TEMPS MODERNES

Pendant la Renaissance on voit apparaitre les maisons fortes, une forme d’habitat isolé, hors des remparts d’une citadelle qui se trouve alors contraint de développer ses propres systèmes de protection. Un fruit en pied de bâtiment, une entrée en hauteur, des ouvertures peu nombreuses et de petites dimensions ainsi que différents procédés de defense.

Les génois étant de grands bâtisseurs ils ont laissé derrière eux un patrimoine architectural important. Les habitants prennent possession des locaux et s’y installent. Débute alors une “squaterisation” des fortifications.

ÈME

Par la suite, s’ensuit une période d’émancipation. les invasions étant terminées, les habitants n’ont plus besoin d’être protégés, par conséquent une forme d’habitat dispersé se met en place.

Sources : Entretien avec José Alessandri, Historien, Août 2015, Wikipedia Photographies : José Alessandri et Google images.

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Étude de cas n°1

L’HABITAT VERNACULAIRE Caseddi

L’habitat vernaculaire de la région Porto-Vecchiaise est, pendant longtemps, basé sur les fondements d’un habitat temporaire découlant du caractère nomade de la population. Il s’agit d’une maison isolée, se trouvant au milieu de terres cultivables ou des pâtures utilisées pour l’élevage. En pierres, construite par le berger lui-même, pour s’abriter de façon temporaire. L’ancien propriétaire de celle que nous avons relevée est lui-même né dans l’édifice, ancien berger il vend son terrain en 1974 à une famille originaire de PortoVecchio mais partie vivre à la capitale, et souhaitant y établir sa résidence secondaire.

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MORPHOLOGIE

l’extérieur et l’intérieur de la bâtisse.

Le terrain sur lequel est disposée la maison est clos par un mur de pierres assemblées à sec, celui-ci est construit pour trois raisons : dans un premier temps il sert à délimiter la parcelle, à protéger du vent, et à débarasser le terrain de ses pierres. Le caseddu est installé sur un système de terrasses délimitées par des pierres permettant de niveler le terrain, cette compensation est lisible à l’intérieur même de l’édifice. L’habitation est sommaire, elle ne présente qu’un seul espace avec une porte et une fenêtre, elle peut abriter occasionnellement un berger dont le troupeau paît dans les terres envirronantes ou une petite famille. Un petit espace extérieur est aménagé, on y trouve un foyer et des assises.

CONSTRUCTION

DISPOSITIF L’aménagement est constitué d’un lit, un banc et une table, ainsi que quelques étagères soutenues par des bouts de bois enfoncés directement entre les pierres de structure. Au centre se trouve un foyer pour le feu. Les fenêtres sont de petite taille 30x40 cm il s’agit seulement d’ouvertures, sans menuiseries ni verres, celles-ci peuvent être refermée par un volet de bois. La ventilation s’effectue par ces orifices et/ ou par les jours présents entre les pierres savament empilées qui constituent les murs. Un petit emmarchement prend place devant la porte d’entrée, il marque un seuil et met en place une transition entre Sources : Entretien avec José Alessandri, historien *Porto-Vecchio et sa région Microrégions de Corse

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Les pierres sont extraites directement du sol et ne sont pas ou très peu retouchées. Les roches sont granitiques dans la région de Porto- Vecchio ainsi que dans les quatre cinquièmes du territoire corse*, mais elles peuvent être calcaires à Bonifacio au niveau de la pointe Sud de l’île, ou schisteuses en Haute Corse. Ces pierres sont positionnées dans le but de maximiser les zones de contact et grossièrement jointées avec de la terre. Certaines pierres sont placées de façon transversale par rapport à l’axe du mur pour des questions d’équilibre et de solidité. Les arrêtes extérieures sont les zones les plus travaillées car elles constituent le maintien de l’ensemble de la construction. Les linteaux sont des pierres longues qui permettent de reprendre la charge de la toiture et d’aménager un orifice de taille moyenne dans le but de constituer une entrée. La porte est de petite taille, environ 1,50 mètre de hauteur. La toiture est généralement en bois, la poutre se trouvant dans la longueur de la bâtisse sert à soutenir un système de pannes, qui supportent elles-mêmes des chevrons sur lesquels sont disposées des pièces de bois de taille assez régulière, de petite épaisseur, jouant le rôle de tuiles. Le système peut aussi être adapté à une couverture faite d’algues ou de mousses directement extraites de la forêt, plus tard elles ont été remplacées par des tuiles de terre cuite.


P ièce de vie : 12 m 2 T otal : 12 m 2

NIVEAU 0

R atio mur / fenetre : 9 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 86 % Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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PORTO-VECCHIO, UNE VILLE ENTRE MER ET MONTAGNE

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AVANT 1945

UN RETARD CONSIDERABLE DE DÉVELOPPEMENT

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LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

LES BAINS DE MER

Les bains de mers d’Ostande Source - Internet

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La mode des bains de mer est originaire de la Grande Bretagne où ils sont pratiqués depuis le XVIIe siècle. Préconisés par les médecins dans un but thérapeutique, ils sont censés être le remède à toute sorte de maux. Cette pratique arrive en France au XVIIIe siècle et en 1785 est fondé à Boulogne-SurMer ce qui est aujourd’hui le plus vieil établissement français de bains de mer chauds. Ensuite ce seront les artistes qui donneront, par leurs réalisations, envie aux populations de découvrir la mer. Notamment au cours du mouvement romantique*. C’est avec le développement des transports ferroviaires et de l’automobile que les stations balnéaires connaissent une forte croissance au début du XIXe siècle. Un tournant renforcé par la mise en place des congés payés. L’activité thérapeutique cède alors doucement sa place aux loisirs, activités nautiques et baignades. Des stations balnéaires se construisent alors sur la côte atlantique et au niveau de la Manche, puis sur le front méditerranéen. La première guerre mondiale et la crise économique de 1929 freinent le développement de l’économie touristique, mais apportent un grand nombre d’innovations tant technologiques (armement, transports…) que sociales (intégration des femmes et valorisation des ouvriers dans la société). La première guerre mondiale fera 9 millions de victimes, dont 1 390 000 Français (27% d’entre eux ont moins de 28 ans). Dans les temps qui suivent , la fréquentation des stations balnéaires est en berne, elle n’augmentera de nouveau qu’après la seconde guerre mondiale. *Le romantisme dans la peinture 1770-1850 : L’homme contemplant une mer de brume (en allemand : Der Wanderer über dem Nebelmeer), de Caspar David Friedrich.

Sources : Encyclopédie Larousse en ligne.

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LA VILLE DE CASSIS, BOUCHES-DU-RHÔNE La ville de Cassis est située dans le Sud de la France, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Marseille. En terme de population et de climat elle s’approche beaucoup de la ville de Porto-Vecchio. Au temps des Romains la bourgade est déjà implantée sur le littoral, le long des plages. Son économie est résolument tournée vers la mer, basée sur la pêche, la récolte du corail ainsi que sur le commerce maritime, son emplacement lui permettant d’être en lien directement avec le nord de l’Afrique et le Moyen-Orient. Et la ville est interationalement reconnue pour sa pierre : “La pierre de Cassis”, une roche calcaire orangée et de très bonne qualité qui constitue notamment le socle de la Statue de la Liberté à New York, ainsi que les quais d’Alexandrie et de Port-Saïd. Comme il a été le cas pour Porto-Vecchio, les invasions barbares provoquent une montée de la population dans les hauteurs de la ville, pour se mettre à l’abri au sein d’une ville fortifiée. Cependant, Cassis s’installe de façon durable en plaine, autour du port dès le XVIIIème siècle. L’économie maritime s’intensifie alors que la culture de la terre s’installe peu à peu, notament avec l’essor de la vigne, des oliveraies et l’exploitation des carrières (ciment, chaux, pierre). Au milieu du XVIIIème siècle 38

l’installation du chemin de fer provoque l’apparition du tourisme qui deviendra au fil du temps, le principal acteur de l’économie locale. C’est particulièrement au lendmain de la seconde guerre mondiale que la ville va voir sa population augmenter. 2769 habitants en 1946, elle atteind aujourd’hui les 7560 âmes. Tandis que la croissance de Porto-Vecchio ne débute pas avant les années 1960. Les deux villes suivent alors des directions bien différentes, Cassis, reliée aux grandes villes françaises par la présence des voies de chemins de fer peut accueillir ne population différente de celle de la Corse, moins accessible. Ainsi la commune voit sa population vieillir avec 39% de sa population agée de plus de 60 ans (Insee 2006) contre 23% pour Porto-Vecchio. Les professions montrent aussi cette difference avec un nombre important de professions intellectuelles supérieures (10,6%) et de retraités (31,7%), alors que les ouvriers sont plus rares (8% contre 14,7% à Porto-Vecchio). L’accessibilité est une donnée capitale qui influence aussi la residentialisation du lieu. Ainsi, Cassis est à 64,2% (contre 41,5% pour Porto-Vecchio) un lieu de résidence principale, la population pouvant loger dans la ville et travailler à Marseille ou dans les environs.


Cassis

Photographie personnelle

Sources www.cassis.fr - Wikipedia - Insee

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URBANISME

UNE VILLE PRÉCAIRE Les années précédant la guerre, la ville de Porto-Vecchio présente un retard de développement considérable par rapport à Ajaccio, Bastia ou Calvi. Parce que sédentaires depuis quelques siècles, elles ont alors déjà commencé à se construire et jouissent du patrimoine bâti par les envahisseurs. La différence est aussi largement visible par rapport aux villes du continent. Pauvre et étendue (163 800 ha, soit la 23e commune la plus étendue en France métropolitaine*), la commune voit son économie basée principalement sur le travail du liège débuté vers 1860, la culture du sel (Les salines communales datent de 1795), le petit artisanat et l’agriculture (vin, blé, huile, élevage, ...). Pourtant idéalement située au sein de la Méditerranée, elle ne tire que très peu profit de cette proximité. Les activités telles que la pêche et le ramassage des coquillages ne sont que secondaires et ponctuelles, au contraire

de certaines villes comme Ajaccio qui vivent beaucoup des produits de la mer. Les bâtisses constituant le bourg de Porto-Vecchio sont pour la plupart comprises à l’intérieur des murs d’enceinte constituant une forteresse ponctuée de cinq bastions génois, sur les hauteurs du golfe, restes d’années de lutte contre les envahisseurs. Cette ville-rue n’est pas constituée à partir d’un schéma d’organisation globale, les édifices s’implantent étape par étape autour d’une rue circulaire longeant les remparts et permettant d’en faire le tour, traversée longitudinalement par la rue principale menant au bord de mer, où sont aménagés quelques quais accueillant des bateaux de bois appartenant aux rares pêcheurs du village. Au-delà, il n’y a rien à part des vignes et oliveraies. Le paysage est presque vierge de toute construction, à l’exception d’un petit patrimoine rural

La ville-rue

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Plan de Porto-Vecchio par Giovan Maria Olgiati en 1539 - Archivio di Stato de Côme, Fonds Volpi, 91.


La citadelle

Association Porto-Vecchio di Tandu

dispersé, qui constitue aujourd’hui les hameaux. On trouve des moulins, des séchoirs à figues, presses à olives construits en pierres et bois, dont une partie est souvent aménagée en logement précaire pour le travailleur et sa famille. La ville compte alors 3000 âmes, la majeure partie logeant dans les hautes maisons de pierres grises/roses érigées au sein de la ville fortifiée, ainsi que dans les bastions qui, n’ayant plus d’intérêt militaires sont vendus à des particuliers, c’est pour ces raisons que nous les voyons aujourd’hui percés de fenêtres. Ou dans les hameaux périphériques :

Muratello, Arca, Precojo, Trinité, Bocca del’ Oro, ... (Cf. La maisn traditionnelle Corse entre le XIX et le XXe siècle, page 54). Les deux activités économiques principales se déroulent en contrebas de la citadelle. On y trouve deux usines de traitement du liège : l’entreprise StMichel, aujourd’hui disparue, et celle de la famille Alessandri qui sert de nos jours de locaux à un atelier de théâtre, ainsi que les marais salants, à l’abandon depuis l’année 2000, situés, au bout du port, derrière l’ancienne plage où les Porto-Vecchiais venaient se rafraichir à partir de la Saint Jean, et profiter des rayons de soleil automnaux et printaniers. Une grande partie

Sources : Entretien avec Julia Sauli Adela Porto-Vecchio d’hier à Aujuord’hui - Corse, pays de mon enfance.

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de la production part ensuite par voie maritime rejoindre le Continent ou l’Italie. La population est alors majoritairement ouvrière et vit de faibles revenus. Seuls se distinguent les grands propriétaires terriens qui vivent de la location de leurs propriétés à des fins agricoles, ainsi que certains commerçants. Aucune formation n’étant disponible sur place, les jeunes ayant la volonté d’étudier s’en vont pour Bastia ou Ajaccio et reviennent exercer en tant que fonctionnaires dans l’éducation ou l’administration. Les rues sont de terre battue, les eaux usées ainsi que les déchets ménagers sont directement jetés par les fenêtres, cette habitude héritée d’une période durant laquelle les porcs vivaient directement en bas des habitations et mangeaient les détritus persistera jusqu’à la mise en place du ramassage systématique des déchets. La douche se fait dans une bassine remplie de l’eau de la fontaine, se trouvant alors au principal carrefour de la ville, au tavonu. Cet environnement est propice au développement de nombreuses maladies telles que la tuberculose ou la malaria et les connaissances en médecine sont encore insuffisantes. En 1906 un rapport rédigé par le docteur Alcide Treille stipule que la durée de vie moyenne à Porto-Vecchio est de 27 ans, le taux de mortalité infantile étant très élevé. Porto-Vecchio est une ville qui cherche sa fonction et ses fondements inlassablement depuis le XVIème siècle, instable, insalubre et à la population semi-nomade, elle ne sait pas encore sur quels domaines baser son économie pour pouvoir grandir. La citadelle abrite une ville fantôme et ses habitants, constamment de passage, n’y séjournent pas à demeure.

« Ils avaient eu onze enfants : il leur restait quatre enfants vivants (...). Les autres étaient morts en bas-âge, sauf une fille de seize ans, Antoinette. » Corse, pays de mon enfance p.60.

Sources : Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui Répertoire géographique des communes, Institut national de l’information géographique et forestière,2014

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Dans la citadelle, rue Borgo en 1936 Association Porto-Vecchio di Tandu

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UNE POPULATION PARTAGÉE ENTRE MER ET MONTAGNE Ce sont ces maladies, et particulièrement la malaria transmise par le biais des femelles anophèles, envahissant chaque année le bas-relief Porto-Vecchiais qui poussent l’ensemble de la population à migrer vers les montagnes environnantes, corroboré à la nécessité pour les bêtes d’élevage de monter dans les alpages, l’herbe étant trop sèche en plaine l’été. Au moment de l’arrivée des fortes chaleurs, courant juin, débute la transhumance, un voyage qui entraîne les familles, une grande partie de leurs biens matériels et le bétail à parcourir les 19 kilomètres qui les séparent du village haut. Les douaniers et les pauvres travailleurs restent seuls dans les plaines infectées, subissant fièvres et autres maux. Effectué à pied et avec des carrioles tractées par des ânes ou des chevaux, le voyage dure une journée à travers des routes de terres sinueuses et parfois escarpées. Une fois arrivés aux villages de l’Ospedale, Quenza, Zonza ou Cartalavonu situés à de 850 mètres d’altitude, chaque famille reprend possession de sa maison pour les trois mois d’été. Alors que la ville basse se meurt, les villages d’altitude reprennent vie. À l’Ospedale, il n’y a ni eau courante ni électricité, les réserves se font à la fontaine et les bougies éclairent les domiciles. La pratique de l’agriculture suit le rythme des transhumances, de la saison des châtaignes et du cycle du liège. Régulièrement, les paysans remontent à la montagne au début de l’automne pour saler la viande et terminer les travaux initiés l’hiver passé. Au printemps s’effectue la récolte des foins et fin septembre, les vendanges de la plaine littorale. Sources : Entretien avec Julia Sauli et Adelaïde Marini Corse, pays de mon enfance

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Le village de l’Ospedale

Association Portivechju di Tandu

Un homme et un troupeau dans la forêt de l’Ospedale

Association Portivechju di Tandu

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UN DÉBUT DE DÉVELOPPEMENT INTERROMPU PAR LA GUERRE

Installation de la voie ferrée

Association Portivechju di Tandu

Dans les années 1930-1940, la ville de Porto-Vecchio connaît une vague de développement, souhaitant profiter de la manne touristique insulaire autant que Calvi ou Ajaccio. La Mairie lance alors plusieurs projets d’envergure, notamment la création d’une gare de chemin de fer inaugurée en 1935. Elle relie la bourgade à Solenzara au Nord en longeant le bord de mer, pour ensuite continuer jusqu’à Bonifacio au Sud. Elle a pour objectif de rendre la ville plus accessible à partir de Bastia et d’Ajaccio. Son édification provoque l’arrivée d’une population étrangère, principalement portugaise, 46

venue pour travailler. Le port est agrandi pour permettre d’accueillir des dizaines de bateaux supplémentaires. Pour ce faire, on relie un îlot proche (nommé isoluttu) à la côte. Cette évolution montre le début d’un dynamisme économique tourné vers la mer, ouvert sur les villes environnantes et en relation avec le continent. Un nouveau centre est projeté en contrebas de la citadelle et dans l’axe de la montagne. Il est censé devenir « le centre estival de l’Ospedale» augurant à la région un avenir touristique et balnéaire. Symbolisé par l’embranchement des « quatre chemins », c’est aujourd’hui le


centre économique de la commune. Cependant, les évènements de la seconde guerre mondiale sont un grand bouleversement. Porto-Vecchio, située à proximité de la Sardaigne, joue un rôle d’interface entre l’Italie et la France et est donc particulièrement affectée.Un blocus maritime la force à vivre quasiment en autarcie. Pauvre et affamée, la population se réfugie à la montagne, le village de l’Ospedale est pendant longtemps surveillé par les troupes allemandes et italiennes qui instaurent une discipline de fer et affirment leur supériorité

par des violences occasionnelles et un couvre feu à 21 heures. Les Italiens sont particulièrement hostiles avec la population qui les surnomme « les chemises noires ». Le bombardement du groupe scolaire Joseph Pietri le 22 septembre 1943, dont les lumières sont visibles depuis la montagne, marque le départ des troupes allemandes à la veille de la libération de la Corse achevée le 4 Octobre 1943. Cette période de guerre interrompt pour quelques années la croissance de la ville, en instaurant “une pause”. Sources : Entretien avec Julia Sauli et Adelaïde Marini Corse, pays de mon enfance

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SOCIOLOGIE

LA PAUVRETÉ

Un homme et son troupeau dans la citadelle Association Portivechju di Tandu

“En Corse à cette époque on vit dans la pauvreté, cependant on n’en parle jamais.” Adelaïde Marini, 83 ans, Entretien du 16.07.15

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On essaie de cacher ce manque d’argent en se donnant des priorités d’achat parfois étonnantes. Chaque famille, particulièrement dans les classes moyennes et hautes se doit de travailler « sa vitrine » au quotidien. Ne montrant que ce qu’elle accepte que les gens voient d’elle. Cette manière de fonctionner est liée à des valeurs de fierté du peuple Corse, une fierté du travail fourni, et dans la personne, principalement chez l’homme. Un attachement à des racines, des droits et des libertés, même s’il faut se construire une image, un rôle, pour représenter personnellement ces valeurs. Le chez-soi est alors fortement protégé et très peu visité sauf pour les visites mortuaires qui rassemblent généralement un nombre important de personnes à l’intérieur de la maison du défunt. Le troc tient une place importante dans l’économie, l’échange matériel ou de services est très courant au vu de la pauvreté économique de la population. Ainsi il n’est pas rare de payer ses bottes en sacs de farine, ou la location de son terrain avec une partie de sa production de fromages. Les habitants les plus riches sont alors les grands propriétaires terriens qui reçoivent tous les mois leur paiement en vivres et matériaux. La richesse ne se mesure pas au compte en banque, mais au niveau de vie. Elle est en lien direct avec la possession de terres.

Une anecdote familiale raconte qu’à l’époque, au sein d’une famille qui n’avait pas le sou pour se nourrir correctement tous les jours, une grande partie des économies avaient été placées dans l’achat d’un aspirateur. Une innovation technologique que peu de monde pouvait se permettre de posséder au sein du village. Adelaïde Marini, 83 ans, Entretien du 16.07.15

Sources : Entretien avec Julia Sauli et Adelaïde Marini Corse, pays de mon enfance - Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

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UNE VIE DE VILLAGE L’extrême petitesse de la ville et la faible proportion de visiteurs et d’étrangers fait que tout le monde se connaît et se croise inlassablement. Dans le sud, contrairement à ce qu’il se passe au nord de l’ile, la place du village est un espace très différent de celui de la maison. Le fait de la rejoindre représente un déplacement, on « rejoint l’espace public ». Particulièrement pour les femmes, qui ne sortent que peu de leur domicile. Pour une question d’image lorsqu’elle sont bien mariées, et parce qu’elles ont de nombreuses tâches d’entretien à effectuer alors qu’elles sont paysannes ou bergères. Seules les femmes âgées peuvent se rendre quand elles veulent sur la place publique.

“La société corse est pudique et traditionnaliste, lorsque deux jeunes amoureux du village souhaitent passer un moment ensemble et parfois échanger quelques baisers, ils vont se cacher dans le maquis.” Julia Sauli, 83 ans, Entretien du 01.09.15

La peur des maladies est très importante à l’époque et certaines familles limitent leurs sorties pour éviter d’entrer en contact avec de potentiels microbes, régulièrement les habitants infectés par le paludisme vont faire la queue au dispensaire de la marine pour récupérer leur dose de Crinacrine. Le culte de la mort est très important, le respect et les règles relatives au deuil jouent un rôle majeur au sein de la société corse. Encore aujourd’hui la foi et la pratique de la religion sont très ancrées. L’espace public est vivant, les enfants y jouent et les parents s’y retrouvent pour discuter, manger ou jouer à la pétanque. Le peuple corse accorde beaucoup d’importance à la famille, et à l’entraide au sein de celle-ci. Lors de la construction d’une maison, ou de travaux de réparation a lieu la chjamata, une séance de travail durant laquelle tous les proches participent. La répartition des tâches s’effectue alors en fonction du sexe des participants, les femmes et les enfants apportant l’ensemble de matériaux sur place, et les hommes les assemblant. Cela a lieu lorsque ce ne sont pas des maçons qui s’occupent du chantier. Généralement pour des raisons financières.

Sources : Entretien avec Julia Sauli et Adelaïde Marini Corse, pays de mon enfance - Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

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FĂŞte religieuse

Association Portivechju di Tandu

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UNE FORTE HIÉRARCHISATION

Un jour un habitant des terres alentours serait venu dans le centre en habit de ville surmonté d’une cravate. Estimant que celui-ci n’avait pas le rang social pour porter une pareille tenue, l’un des habitants de la citadelle aurait arraché la cravate, humiliant le visiteur sur la place publique. Quelques temps plus tard, de déshonoré serait revenu avec son chien, tous deux vêtus d’une cravate. Personne ne vint rien leur reprocher, car l’homme était armé. Porto-Vecchio d’Hier à Aujourd’hui

Dr Simon Grimaldi. Ed. A Stamperia. 2014

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Dans la société corse, les principes de hiérarchisation régissent la vie de tous les jours. Il s’agit d’un phénomène généralement mis en place relativement au pouvoir des familles sur la commune, celles qui possèdent le plus de terrains ou d’édifices, qui sont installée dans la ville depuis le plus longtemps, les « filles et fils de ... ». Ce pouvoir se transmet par les liens du sang, depuis que le territoire de la Corse-du-Sud était « la terre des Seigneurs » à l’époque de la mise en place de la noblesse féodale au XIIe siècle. Au XIVème siècle, les seigneurs de l’en-deçà-des-monts (HauteCorse) sont chassés tandis qu’ils demeurent dans l’au-delà-des-monts (Corse-du-Sud). Les héritiers de ces familles sont généralement de grands propriétaires terriens, notamment depuis la transformation des baux amphithéotiques alloués pour des raisons d’entretien des terres par les Génois, en titres de propriétés lors de l’acquisition de la Corse par la France. Ils jouent aussi des rôles important dans la politique insulaire, et ce, encore au XIXe siècle. Les Sgiò sont des personnes très respectées au sein des différents villages, le terme qui les désigne est un dérivé des “Signori” italiens et pourrait s’apparenter à un “Sir” anglais, étant dans l’imaginaire collectif apparenté à un titre de noblesse. Ils sont clairement identifiés comme appartenant à la haute société, statut créant une limite

quasi-physique avec le peuple. Ainsi les gens n’appartenant pas à cette catégorie privilégiée ne peuvent se trouver à moins de trois mètres d’un Sgiò. (Cf. Article : Corse, mort du “Renard”. Le clan Rocca-Serra a perdu son chef. Annexe n°1) Une part majoritaire de la population travaille en tant que «journalier », louant leur force de travail au jour le jour. Leur emploi ainsi que leurs revenus ne sont donc jamais garantis. Cette organisation fortement hierarchisée se traduit dans la répartition géographique des populations. Ainsi à l’époque, les petites gens ne pouvaient pas loger au sein de la citadelle et habitent les hameaux périphériques. Ils n’ont la possibilité que d’y venir travailler, pour « servir » les plus grands. Il ne s’agit pas seulement de règles informelles, l’installation d’un paysan dans le centre ville serait très difficile car il demanderait un changement de rang social rendu accessible par la bénédiction d’un personnage important, ou par mariage. Si la première option semble envisageable en remerciement, par exemple, d’une faveur de grande importance, la seconde paraît difficile, un bon mariage étant très important pour les familles des deux parties.

Sources : film «I Sgiò di a Rocca» Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

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LA FAMILLE

Classe de garçons du groupe scolaire Joseph-Pietri en 1931 Association Portivechju di Tandu

Sources : Entretien avec Julia Sauli et Adelaïde Marini Corse, pays de mon enfance - Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

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En Corse, les liens amicaux sont quasiment aussi importants que les liens de sang, les amis les plus proches sont considérés comme la famille. La proximité des habitations engendre des rapports importants entre les habitants, chacun étant au courant de ce qu’il se passe chez les autres. « I vicini so cucini » (Trad. “Les voisins sont cousins”) révèle bien les liens qui se mettent en place dans le voisinage. Plusieurs générations d’une même famille vivent sous le même toit, et les maisons suivent l’évolution de cet ensemble de personnes, en s’agrandissant au fur et à mesure. Il n’est pas rare de constater la présence d’un patchwork de matériaux, d’assemblages et de techniques employées au sein d’une même habitation. La rue ne joue qu’un rôle secondaire, en effet, l’espace qui la compose n’est pas considéré en tant que tel mais comme une résultante de l’habitat qui la constitue. Il n’y a par exemple, aucune plaque pour nommer les rues, elles ne seront installées que plus tard. Pour décrire les lieux ce sont les noms des familles qui y résident que l’on donne, par exemple : « la maison Culioli » qui se trouve à l’entrée Sud de la ville, au rez-de-chaussée de laquelle nous pouvons voir une épicerie, ou leurs fonctions. Encore actuellement ce système de repérage géographique est le plus courant, du fait que, tout le monde se connaissant, on est au courant des biens au moins immobiliers de l’autre. Il révèle les liens qui existent entre les habitants. 55


ARCHITECTURE

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Étude de cas n°2

LES MAISONS TRADITIONNELLES CORSES ENTRE ÈME LE XIX ET LE XXÈME SIÈCLE

Les maisons traditionnelles corses sont construites de la même manière du XVIe siècle à la première guerre mondiale. Dans cette partie nous allons alors étudier un type de maison, et analyser comment celui-ci s’organise dans les différents milieux que sont la montagne, les hameaux et la haute ville. Ce type d’édifice se trouve partout sur la commune de PortoVecchio. Parfois isolée et individuelle, parfois mitoyenne son organisation s’adapte à la plupart des situations géographiques.

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MORPHOLOGIE Généralement, l’ensemble des percements se trouvent dans le mur gouttereau, et rarement au niveau des pignons. Cette organisation est d’autant plus systématique dans les villes alors que les maisons forment le front de rue. Le niveau le plus bas abrite les animaux, le fourrage ou les outils de son propriétaire. Que cet espace soit présent ou non, la maison possède de manière quasi systématique un escalier pour séparer nettement l’intérieur de l’extérieur. L’escalier est placé le long de la façade, les marches perpendiculaires à l’axe de ce mur, et le palier occupant une partie importante. Celui-ci permet de créer parfois un abri sous sa voute, se complétant d’un banc et parfois d’un séchoir à linge. Une limite est fortement marquée entre la salle commune et la zone des chambres à coucher. Les maisons de maîtres quant à elles, ne possèdent pas d’escalier extérieur. On trouve frequement des balcons avec des garde-corps en fer forgé.Les escaliers intérieurs sont souvent sommaires et raides, construits en bois ou en pierre, ou les deux. A l’origine, les fenêtres ne comportaient pas de vitres ou très peu, la fermeture n’était possible que par des volets de bois.

DISPOSITIF Un plan rectangulaire, rarement carré. Avec une pièce commune où se trouve la cheminée ou le foyer (avec plafond à clairevoie), c’est l’endroit où les femmes cuisinent et où la famille mange

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et se retrouve. Les ouvertures sont de dimensions standard, 2.00 m x 0.9 m pour celes qui permettent un accès direct à l’extérieur et 1.50m x 0.7m pour les autres. Des volets de bois extérieurs permettent une clôture plus complète. Le rapport à l’extérieur est très restreint dans l’habitation, seul un rapport visuel est établi, par l’intermédiaire des fenetres et parfois des balcons. La maison est adaptable et offre des possibilités d’évolution dans la mesure des dimensions de la parcelle qui l’accueille.

CONSTRUCTION Il s’agit d’un empilement de pierres, les murs porteurs sont constitués de trois couches de pierres, celle se trouvant à l’extérieur est la plus lisse et organisée, celle se trouvant à l’intérieur de l’habitation nécessite moins de soins car elle est destinée à n’être vue que des habitants de la maison. Entre ces deux couches est déversé un ensemble de pierres de plus petites tailles et permettant de donner son inertie au mur. Par endroit, des pierres plus longues sont placés transversalement à l’axe du mur dans le but de lier l’ensemble des trois couches. La qualité des pierres se trouvant à l’extérieur et le fait qu’elles soient ou non taillées pour être régulières révèlent le niveau de vie des propriétaires. Plus elles sont soignées, plus les moyens financiers de ceux-ci sont élevés. Faîtage généralement dans le sens de la plus grande longueur.


C hambre 1 : 10 m 2 C hambre 2 : 8,50 m 2 C hambre 3 : 10 m 2 S alon : 20 m 2 C uisine : 10 m 2 S alle de bain : 3,0 m 2 WC : 1,4 m 2 C ouloir : 8 m 2

NIVEAU 0

TOTAL : 70,9 m 2 +S tudio : 70,9 m 2

NIVEAU -1

R atio mur / fenetre : 11 % R atio surface maison / S urface terrasse : 9% S urfaces T otale / surfaces techniques : 14 % Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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DE 1945 A 1970

DE LA RECONSTRUCTION AU CHANGEMENT

Photographie aérienne - Géoportail 1962

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LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

L’APRÈS SECONDE GUERRE MONDIALE

Soldats de la seconde guerre mondiale en 1940 (1939-1945) ECPAD

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L’année 1945 signe la fin de la seconde guerre mondiale, les bilans matériaux sont parmi les plus importants de l’Histoire avec des villes presque entièrement détruites, et des réseaux de communication gravement endommagés. La population civile est particulièrement touchée, traumatisée. Au lendemain de cette période noire vient le temps du renouveau avec une volonté publique tournée vers la détente et le loisir. La période prospère des trente glorieuses est un moment propice au développement de nouveaux centres d’activités. On voit apparaître le tourisme de masse, les clientèles fortunées n’étant plus les seules à avoir les moyens financiers pour profiter de l’eau salée. Depuis le XIXe siècle, une station balnéaire est construite dans le but de recevoir un lot de visiteurs durant la saison estivale, et d’en tirer un profit économique maximal. Roland Vidal, dans sa thèse nous explique la typologie traditionnelle des stations balnéaires, constituées de deux centres. Le premier sur le front de mer avec le casino et le grand hôtel, et le second un peu en retrait comportant la gare. Selon lui, la plupart de ces villes ont été construites ex nihilo, sur un principe d’optimisation de l’espace pour un allotissement maximal, une maximisation du front de mer dans le but d’avoir le rendement financier

le plus important. D’un point de vue urbanistique, l’organisation de la ville de Porto-Vecchio se distingue de celui des stations balnéaires traditionnelles.

Différentes typologies urbaines de stations balnéaires. Exemples tirés de la thèse “La construction paysagère d’une identité territoriale” de Roland VIDAL (2003)

Illustrations tirées de : VIDAL, Roland. La construction paysagère d’une identité territoriale. Thèse de doctorat en sciences de l’environnement. Paris, Mars 2003.

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URBANISME

LES CONSTATS D’APRÈS GUERRE Une fois le calme revenu, vient le temps des constats. Après s’être réfugiée à la montagne et parfois cachée dans les grottes et le maquis de la forêt de l’Ospedale, la population redescend doucement dans la vallée. Si les dommages matériaux ne sont pas très importants, comptant parmi eux : la destruction du château de Georgeville, la gare, une partie de l’école Joseph Pietri et du pont du Stabiacciu, c’est surtout une part importante de la population qui disparaît, morte au combat ou ayant déménagé. Le blocus maritime qui a empêché le ravitaillement de la ville durant quelques mois, fait qu’au lendemain de cette guerre, la ville de Porto-Vecchio est diminuée et la malaria, renforcée, y fait de plus en plus de victimes. En 1946 Porto-Vecchio compte 3339 habitants (1557 agglomérés et 1782 épars), alors que l’on dénombrait 4980 habitants dix ans plus tôt. Durant la guerre, l’extrême Sud de l’île a été déserté de ses habitants car jugée trop proche de la Sardaigne, italienne, donc directement menacée par les armées ennemies. Les personnes désirant quitter la région, ajoutées au décès des hommes envoyés sur le front ou morts sur place de faim ou de maladie, c’est finalement un tiers de la population qui s’est éteint. En 1951, une campagne de reconstruction est lancée, se consacrant particulièrement aux axes routiers et aux ponts détruits par les bombardements de l’armée allemande. Ces travaux offrent l’occasion d’étendre l’éclairage public le long des axes principaux. C’est aussi cette même année que la première villa est construite à la Marine, autour de la zone du port, en contrebas de la citadelle. A cette époque, et grâce aux nombreuses innovations techniques, il devient nécessaire de proposer un habitat plus digne et confortable à l’ensemble de la population. De plus, il est important de sortir de la précarité pour que la ville puisse se reconstruire et avancer. Sources : Porto-Vecchio d’Hier à Aujourd’hui

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École Joseph Pietri après le bombardement Association Portivechju di Tandu

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L’ÉRADICATION DU PALUDISME, UNE DYNAMIQUE HYGIÉNISTE Il faudra attendre 1950 pour entamer le processus d’éradication du virus de la malaria, grâce à un procédé d’assèchement et de pompage des zones marécageuses de la ville. Cette action est menée par l’armée américaine qui pratique l’application d’un traitement chimique puissant composé de DDT : chaque jour les avions pulvérisent des nuages d’insecticide pendant que les familles sont invitées à rester à l’intérieur de leurs domiciles. Ce traitement est salvateur pour la santé de la population. La culture du sel, l’industrie relative au traitement du liège et de ses dérivés, le charbon de bois et le bois, ainsi que l’artisanat, l’agriculture, l’élevage et les petits commerces reviennent à leurs activités d’avant guerre. Doucement la vie des locaux reprend son rythme et bien que la malaria ait disparu, ils continuent d’effectuer la transhumance chaque été pour fuir les fortes chaleurs du rivage. L’opération offre un nouveau départ à la ville, lui permettant de partir sur des bases saines pour reconstruire une économie. Il s’agit d’un virage qui conditionne son développement. C’est dans cette période d’après guerre et dans ce mouvement de renouveau que l’hygiène au sein de la ville s’améliore. Un décret est voté par la mairie pour interdire la présence des animaux dans l’enceinte de la citadelle et le ramassage régulier des ordures est mis en place en même temps que la création d’une décharge municipale au sud de la commune, à proximité du nouvel abattoir déplacé du port à la périphérie. Ce type d’aménagement est groupé à proximité de la ville, accessible directement par les axes routiers mais tout de même en marge du centre pour ne pas être nuisible. La disparition de cette maladie meurtrière, ainsi que l’inscription de l’urbanisme dans une dynamique saine et durable lance une croissance démographique sans précédent. Sources : Entretien avec Adelaïde Marini

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Les marais salants dans les annĂŠes 60 Association Portivechju di Tandu

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LES DÉBUTS D’UNE CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE Doucement la ville se forge une nouvelle image qui met en avant ses atouts, jusqu’à présent relégués au second plan. C’est alors un environnement sauvage entouré d’eaux turquoise qui va susciter les convoitises de la part de l’ensemble de la Corse ainsi que des gens du continent, et des communes avoisinantes. Cela provoque un mouvement migratoire du nord vers le sud de l’île et de la montagne vers le littoral, qui engendre le déclin de l’activité agricole en montagne renforcée par une impossibilité de remembrement*. En parallèle, le déclenchement de la guerre d’Algérie en 1954 génère l’arrivée d’un nombre important de ceux qu’on appelle les « pieds-noirs » et la nouvelle attractivité économique de l’île provoque le débarquement massif de Sardes en quête de travail. Pour faire face à la nouvelle demande immobilière, un projet de logements HLM est prévu à l’emplacement de la gare ferroviaire bombardée pendant la guerre, provoquant l’abandon de la totalité du projet de voie ferrée. Cet ensemble se compose de 24 logements, allant du T1 au T7 (Cf. Le premier logement social, page 80). Cette opération marque un tournant dans l’économie et le

développement de la ville au delà des murs de la citadelle. L’édifice sera complété par un ensemble de 80 logements sociaux. Et plus tard par le quartier de Pifano (logements sociaux), livré en 1980.** Outre les logements, c’est aussi le besoin d’installations publiques qui se fait ressentir, par conséquent, la construction d’un centre sportif (aujourd’hui le stade municipal Claude Papi) est envisagée. La ville grandit et accueille maintenant des agences bancaires, immobilières, d’assurance, des médecins, dentistes, architectes, entreprises de travaux publics, en plus des premières installations d’accueil du tourisme. En 1965 la commune de PortoVecchio compte près de 6500 habitants dont 4700 en zone urbaine et 1800 en zone rurale. Ces derniers sont répartis dans les lieux-dits et la vingtaine de hameaux qui se sont construits en périphérie. Les plus importants sont Muratellu et Ceccia. La commune de Porto-Vecchio est dorénavant la troisième ville de Corse, après Ajaccio et Bastia.

* Remembrement (Définition): Réunion de différentes parcelles en un seul tenant afin d’effectuer une redistribution rationnelle pour l’agriculture (remembrement rural) ou l’aménagement urbain. ** Porto-Vecchio d’Hier à Aujourd’hui

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Les premiers immeubles de logement collectif

Association Portivechju di Tandu

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DE GRANDS PROJETS POUR LA VILLE LES NOUVEAUX QUARTIERS

Sources : Porto-Vecchio d’hier à aujourd’hui

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L’agrandissement du port, première étape

Association Portivechju di Tandu

Au lendemain de la guerre et face à l’arrivée de cette nouvelle population, le domaine du logement n’est pas le seul à s’étendre, la ville subit de grandes transformations pour s’adapter et dans le but de prévenir la croissance future. On voit peu à peu apparaître l’électricité, l’eau potable ainsi que le téléphone dans les logements. Parallèlement, la ville voit se construire des quartiers en dehors des murs de sa citadelle comme les quatre chemins, le quartier Belleville, la marine et un ensemble de hameaux. Le port de Porto-Vecchio suscite les convoitises depuis l’antiquité, idéalement situé car à l’abri des vents, et occupant un poste privilégié au sein de la mer méditerranée. Il n’a cependant jamais été réellement aménagé. Les raisons principales de cet abandon sont un envasement important, une très faible profondeur et la présence de nombreux enrochements. Pendant la seconde guerre mondiale l’armée

américaine y aménage un môle de planches pour permettre à ses bateaux d’accoster, cette construction prend place à environ 500 mètres du port pêcheur, s’installant sur la plage. En 1955 les fonctions du port sont clairement identifiées, avec sur la partie proche de la citadelle une partie réservée à la petite pêche ainsi qu’aux plaisanciers et côté plage une partie réservée au commerce complété par l’édification de six bâtiments de stockage et de manutention. Cet apport de services provoque l’abandon et la destruction de la plage traditionnelle Porto-Vecchiaise et sa promenade aménagée. En 1960 le maire de PortoVecchio, Jean-Paul de Rocca Serra* propose un projet d’aéroport dans la vallée de Figari dans le but de rendre la liaison facile avec le continent, cette idée semble alors complètement démesurée pour le nombre de visiteurs de l’époque.

* Jean-Paul de Rocca Serra (1911-1998) : Fils du docteur Camille de Rocca Serra Député-Maire de Porto-Vecchio. De 1984 à 1998, il est président de l’assemblée de Corse et maire de Porto-Vecchio pendant 47 ans, de 1950 à 1997. A sa mort, son fils Camille reprend les rênes de la commune.

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LES PRÉMICES DU TOURISME Les premières infrastructures touristiques font leur apparition, des entrepreneurs voient dans les plages de l’ancienne cité du sel, l’opportunité de développer un marché du tourisme florissant. À la fin des années 1950, le club Polynésie est le premier à s’implanter sur la commune, dans la baie de Santa Giulia sur un terrain “les pieds dans l’eau”. Il est l’élément déclencheur d’un brutal changement d’économie et de l’accession de la commune au statut de “station balnéaire”. Il est en marge de la citadelle, la liaison entre ces deux points est assurée par une navette automobile. La qualité de son offre en nourriture n’étant pas particulièrement élevée, ses clients qui, la journée, profitaient de la plage aimaient se retrouver le soir dans le centre ville, pour flâner et se restaurer. C’est alors que la clientèle afflue dans les quelques cinq restaurants de la haute ville, qui font salle comble, initiant la dynamique commerciale à l’intérieur des fortifications. Au fil des années, des restaurants s’ouvrent et parallèlement le club fait rapidement faillite, remplacé par le club Méditerranée de meilleure qualité et offrant la possibilité de la pension complète. Avec le club Polynésie est aussi arrivé le marché de la carte postale. Ornées de photographies de plages paradisiaques, elles font la promotion de la région, attirant au fil des années des visiteurs internationaux de plus en plus nombreux. 72


Un fondateur de complexes touristiques nommé George Victor Giorgetti, achète 60 hectares sur la commune voisine de Lecci et réalise le lotissement de Cala Rossa en 1967. Dix ans plus tard il fonde le lotissement de Marina di Fiori sur la commune de Porto-Vecchio, dont la route principale se trouve être l’ancienne voie de chemin de fer. Ces terrains allotis de 370 parcelles sont principalement destinés à des visiteurs souhaitant y ériger des résidences secondaires ainsi qu’aux locaux issus des familles les plus aisées (Cf. Les premières résidences en bord de mer, page 88). Pour faire face à cette soudaine affluence, le conseil municipal demande alors la concession de toutes les plages, dans le but de les aménager pour l’accueil de cette nouvelle population. Des routes sont tracées, ainsi que l’accès à l’eau potable. Le bord de mer s’aménage doucement accueillant des paillotes temporaires en bois, construites uniquement pour les mois d’été et pratiquant principalement la petite restauration. La saison 1965 accueille près de 5000 touristes principalement répartis dans les locaux du Club Méditerranée, Golfo di Sogno et Grand Hôtel de Cala Rossa. On trouve alors environ 1000 places dans les campings et bungalows, ainsi que seulement 35 places dans les hôtels. Parallèlement, une forme de tourisme résidentiel se développe et en 1969, la population estivale atteint les 20 000 habitants. Carte postale du club Polynésie (1957) Delcampe.net

Sources : Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui Entretien avec Geroma Herpin-Susini

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CARTE : PLAGES ET NOUVELLES ROUTES

BAIE STAGNOLI

MARINA DI FIORI

CALA VERDE

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SAINT CYPRIEN (LECCI)

CALA ROSSA BENEDETTU

LA CHIAPPA

CARATAGHJU

PALOMBAGGIA TAMARICCIU FOLACCA ACCIAGHJU

SANTA GIULIA

Sources : Carte personnelle élaborée à partir d’informations écrites dans l’ouvrage Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui Carte des plages

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SOCIOLOGIE

VIVRE EN PLAINE À L’ANNÉE

« À Porto-Vecchio, les gens de ma génération ne savent pas nager» Julia Sauli, 83 ans, retraitée, Entretien du 01.09.15

Nous pouvions imaginer que la transhumance était une contrainte ayant pour unique but d’échapper à la malaria présente dans les plaines. Si elle avait été perçue de cette manière par la population, ce mouvement vers les hauteurs aurait été interrompu dès le moment où l’anophèle aurait été éradiqué des plaines. Cependant au lendemain de la guerre et après l’intervention des américains, la population continue son déplacement saisonnier, et monte passer ses mois d’été « au village ». L’atmosphère y est plus fraîche, l’ambiance sympathique et les travaux agricoles le nécessitent toujours. Les années qui suivirent la disparition du moustique ressemblaient donc à celles de l’avant guerre, Sources : Entretien avec Julia Sauli et Geroma Herpin-Susini

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et cela demeura ainsi durant quelques années. L’arrivée du club Polynésie sur la plage de Santa Giulia véhicule quelques centaines de visiteurs au sein de la citadelle. Cela est vécu comme une opportunité par les habitants qui souhaitent dès lors se diversifier. La possibilité de travailler dans un domaine fructueux, leur permettant d’améliorer leur confort quotidien est perçu comme une aubaine. La nouvelle salubrité du littoral permet à la ville de partir sur des bases saines, de se construire et d’être habitée à l’année. C’est ainsi que les autochtones se mettent à profiter des possibilités que leur apporte une situation géographique privilégiée, en redécouvrant les plaisirs de la baignade loisir.


La plage traditionnelle de Porto-Vecchio dans les annĂŠes 60 Association Porto-Vecchio di Tandu

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DE NOUVEAUX HABITANTS La guerre d’Algérie, débutée en 1954 provoque l’arrivée d’un nombre important de « pieds-noirs », ils trouvent du travail principalement dans les milieux agricoles (la vigne) grâce à la simplification de certaines démarches administratives et à des prix sur les terres. Cette installation jugée trop facile par la majorité des insulaires provoque l’apparition d’une certaine répulsion envers cette nouvelle population.

[La Somivac (Société de mise en valeur de la Corse)] avait charge de racheter des terres disponibles, en déshérence ou non, de les remembrer, d’y tracer voies et chemins, d’y amener l’irrigation dans certains cas, puis de les revendre à des paysans corses. Les quatre cents premiers lots furent prêts à la vente au tout début 1962. De Paris vint l’ordre d’en réserver 90 % pour les pieds-noirs rentrant d’Algérie. Article, Le Monde du 31 Aout 2000. ROCARD, Michel. Corse : Jacobins ne tuez pas la paix!

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Il en est de même pour les Sardes qui arrivent massivement car la traversée de quatorze kilomètres est fréquente et facile. Cette population vient travailler principalement en tant qu’ouvriers dans le domaine de la construction. Cependant leur présence est plutôt mal tolérée car les blessures de la guerre sont encore trop fraîches. Les atouts de la ville n’attirent pas que les étrangers, les continentaux et particulièrement les personnes travaillant dans le cadre administratif, demandent leur mutation au sein des services proposés par la commune. D’anciens habitants de la citadelle partis pendant leur jeunesse pour fonder une famille et/ou se former, reviennent peu à peu dans une ville foisonnante d’opportunités et dont les terrains dont ils sont parfois propriétaires prennent doucement de la valeur (Cf. La première résidence secondaire, p 84). L’ensemble de ces personnes nouvellement débarquées est la source de l’explosion démographique de la ville et, ajoutée à la population véhiculée par les clubs de vacances, elle contribue à un changement des mentalités en « dévergondant » la société strictement traditionnaliste jusqu’alors en place. Il devient normal de voir des couples s’embrasser dans la rue et se promener main dans la main.


LES TERRAINS DE BORD DE MER Le personnage masculin est depuis longtemps favorisé dans la société Corse, c’est celui qui ramène l’argent à la maison, celui qui protège, celui qui part à la chasse, il est le chef de famille par excellence. Jeune il part s’instruire dans les écoles supérieures du continent lorsque ses parents ont la capacité de financer ses études, au détriment des jeunes filles, qui essaieront de faire un bon mariage. A cette époque, une « bonne terre » est une terre fertile, donc rentable lorsqu’elle est cultivée, elle est alors majoritairement cédée aux hommes dans les héritages. Les terres acquises sont cultivées directement par leur propriétaire ou louées pour être cultivées, le loyer est un pourcentage de la production. Les femmes, quant à elles, ne reçoivent que les terres du bord de mer, incultivables et source de maladies. Ce mode de transmission, en place depuis toujours, a été bousculé par l’arrivée du tourisme, la mise en valeur des côtes et par conséquent, la flambée du prix du mètre carré au bord de l’eau. C’est donc quasiment du jour au lendemain que les femmes se sont retrouvées affublées d’une grande richesse suscitant jalousies et convoitises.

Cet ascendant sur les hommes a été de courte durée, ceux-ci jouant un rôle capital dans la société corse, la majeure partie des terres disputées ont été rapidement repartagées au sein des familles. La population n’imaginait pas encore la valeur que pouvaient prendre leurs terrains. Aujourd’hui, le mètre carré de terrain constructible à Porto-Vecchio ville (sans compter les hameaux) est compris entre quatrevingt et deux cent euros du mètre carré, il varie suivant sa situation et ses dimensions. Des terres aux qualitées particulières comme la vue mer ou un accès privé à la plage peuvent atteindre des sommes très importantes.

“ À l’époque on ne pouvait pas imaginer que le prix du mètre carré en bord de mer puisse un jour prendre de telles proportions !” Geroma, 73 ans retraitée, entretien du 01.09.15

Sources : Entretien avec Julia Sauli et Geroma Herpin-Susini

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DE NOUVEAUX MÉTIERS Cette période de transition économique est propice à l’apparition d’un nombre important de nouveaux métiers, d’une part grâce à l’émergence de nouvelles technologies comme la voiture ou la télévision, grâce à l’amélioration du système de santé : médecins généralistes et spécialisés, dentistes, … et d’autre part suite au développement du tourisme qui favorise la créations d’entreprises dans les domaines du service et du commerce.

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L’hébergement est un des précurseurs, aménageant des postes de gestionnaires de club de vacances, administration, entretien, ainsi que des activités relatives à la restauration. Peu à peu, les plages voient se construire des paillottes souvent précaires, réalisées en bois et démontables en fin d’été. Ces stands dans un premier temps proposent de la petite restauration, quelques boissons fraiches, glaces et parfois paninis/ sandwichs.


Petit à petit les boutiques de souvenirs et de vêtements font leur apparition, ainsi que les glaciers. Ils occupent particulièrement le centre ville historique. Le phénomène des résidences secondaires provoque une demande dans le domaine du gardiennage, que ce soit pour la surveillance des maisons durant l’absence des propriétaires ou pour l’entretien des piscines, bateaux et autres biens nécessitant des soins particuliers.

Viennent s’ajouter les agences de voyage et d’évènementiel ainsi que les conciergeries. Les autochtones apprennent seuls leurs nouveaux métiers ou suivent des formations dispensées sur le continent. La transition est rapide grâce à l’engouement et au dynamisme de la population envers cette nouvelle économie, qui semble facile et rapidement rentable. Une paillote sur la plage dans les années 60 Association Portivechju di Tandu

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ARCHITECTURE Étude de cas n°3

LE PREMIER LOGEMENT SOCIAL

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Ils sortent de terre pour répondre à la demande de logements qui fait suite à une croissance démographique importante sur la commune. Édifiés à l’emplacement de l’ancienne gare ferroviaire, ces deux bâtiments sont les premiers du genre dans les environs. Destinés à des PortoVecchiais, ils sont situés à proximité directe du centre ville historique, en contrebas de la citadelle. Construits en 1960 ils seront complétés par le quartier Pifano en 1980 et aujourd’hui par plusieurs campagnes de constructions (cf. Etude de cas n°14)

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CONTEXTE L’ensemble de ces édifices est construit ex nihilo, sur le terrain plat chacun des bâtiment est indépendant. Ils sont entourés et reliés au contexte par l’intermédiaire des parkings. Situés derrière de port de plaisance l’ensemble de logements est situé à proximité directe des axe routiers principaux.

MORPHOLOGIE Il existe une distinction bien claire entre la partie jour et la partie nuit qui sont séparées par une porte marquant le passage d’une zone de circulation à une autre. Chaque pièce est indépendante et offre la possibilité d’être isolée, là encore par la présence d’une porte. La distribution se fait par le biais de deux couloirs. La luminosité et le lien avec l’extérieur sont particulièrement remarquables dans ce logement. Les dimensions et la répartition des pièces sont pensées pour être optimisées, dans ce cas, pour une famille de deux adultes et deux enfants dans le cadre d’une occupation à l’année. Le couple et chacun des enfants possèdent leur propre chambre, la salle de bain quant à elle, est à partager.

luminosité et ventilation. Situé en bout de barre, l’appartement possède des ouvertures sur trois des façades du bâtiment, il est donc traversant. Même si le rapport à l’extérieur est fort, il n’y a cependant aucun contact direct avec la rue située en contrebas. Le logement offre peu de possibilités d’évolution, à part de la décoration. Il ne dispose en élément annexe que d’un parking.

CONSTRUCTION L’ensemble de l’édifice est basé sur un système de dalles et de murs porteurs placés au centre et en façade organisé autour d’une trame de 5 mètres. Les balcons sont placés dans la continuité du bâtiment, et non en débord. Les menuiseries sont en bois avec un simple vitrage qui devrait être remplacé par l’office des HLM dans les années à venir, des volets métalliques manuels en accordéons se trouvent de chaque côté des baies. Il y a du carrelage au sol dans l’ensemble du logement, du parquet stratifié a été installé dans les chambres par les locataires actuels. Les murs intérieurs sont recouverts de placo-plâtre et peints, les façades sont jaunes pastel.

DISPOSITIF L’une des chambres ainsi que le salon possèdent chacun un accès à un balcon indépendant d’une superficie de 5 m2. Cette ouverture sur l’extérieur est affirmée par la présence de surfaces vitrées de grandes tailles garantissant

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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C hambre 1 : 9,8 m 2 C hambre 2 : 9.3 m 2 C hambre 3 : 11,6 m 2 S alon : 15,3 m 2 C uisine : 6,2 m 2

WC : 1,5 m 2 TOTAL : 53,7 m 2 + B alcon veranda : 3.5 m 2 + B alcon : 5 m 2

NIVEAU 0

R atio mur / fenetre : 31 % R atio surface maison / S urface terrasse : 15 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 11,6 %

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Étude de cas n°4

LA PREMIÈRE RÉSIDENCE SECONDAIRE

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Elles naissent de l’initiative de personnes originaires de Porto-Vecchio. Parties faire leur vie ailleurs, elles souhaitent revenir pour les vacances. Bâties sur des terrains familiaux ou récemment acquis, les habitations se situent dans la plaine ; isolées car sur des terrains anciennement agricoles de grandes dimensions et bien desservies par les routes principales. Il n’est pas rare que l’édifice se construise à proximité ou sur une base préexistante. Ici une bergerie de 1902 et une maison datant de 1965, rachetée en 1974 par une famille Porto-Vecchiaise habitant sur Paris, rénovée en 1976 et agrandie en 1992. 87


MORPHOLOGIE Il existe depuis 1992 une distinction bien claire entre la partie jour : le salon, la salle à manger et la cuisine et la partie nuit avec les chambres et les salles d’eau. La terrasse est l’élément central de la construction, mesurant la longueur de l’ensemble de la bâtisse. L’été l’habitation arrive facilement à rester fraîche car elle se trouve sous des arbres. Aujourd’hui d’usage occasionnel saisonnier, elle peut accueillir jusqu’à dix personnes, trois chambres doubles, un canapé-lit dans le salon et un lit double dans la bergerie. Initialement elle possédait seulement deux chambres pour une famille de quatre personnes dont trois venaient y loger. C’est à l’arrivée des petits enfants que les propriétaires ont décidé d’agrandir.

DISPOSITIF Chaque fonction a son espace clairement déterminé par la présence d’une porte. Il existe un rapport direct au jardin du fait que la maison est de plain pied, et possède une terrasse orientée vers le sud sur la totalité de la longueur de l’édifice. L’habitation comme nous avons pu le voir a déjà évolué, cependant nous pouvons imaginer que cela puisse continuer, les possibilités sont multiples étant donnée la nature indépendante du bâti. Nous trouvons quelques éléments annexes tels que la bergerie, qui une fois rénovée est comptée comme une chambre

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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supplémentaire, une place de parking, la terrasse et une douche extérieure.

CONSTRUCTION Les matériaux employés sont divers, révélateurs de l’ensemble des modifications qui ont ponctué l’histoire de la maison, les menuiseries sont en bois avec un simple vitrage, le sol en carrelage de différentes formes et teintes, la cheminée en pierres, les murs en crépis blancs à l’intérieur et rose saumon à l’extérieur, les volets sont en bois et à fermeture manuelle. Initialement l’ensemble de l’édifice reposait sur quatre murs porteurs : les deux pignons et les deux cloisons intermédiaires qui délimitaient les chambres. Une poutre faîtière placée dans la longueur parcourait l’ensemble du bâtiment, les chevrons et les lattis supportant la couverture en tuiles canaux. Lors de la rénovation et de l’agrandissement, la poutre principale a été conservée et rallongée, la cloison porteuse séparant la première chambre du salon a été détruite. Ce changement a nécessité l’installation d’une ferme en bois massif. Lors du changement de toiture, le principe constructif a été conservé. C’est aussi à cette période que la maison a été entièrement isolée thermiquement par la mise en place par l’intérieur d’une couche de polystyrène.


C hambre 1 : 11,5 m 2 C hambre 2 : 12,3 m 2 C hambre 3 : 8 m 2 S alon : 27 m 2 C uisine : 13,8 m 2

B uanderie : 8,2 m 2 S alle de bain : 6,0 m 2 S alle d ’ eau : 2,6 m 2 C ouloir : 5 m 2

TOTAL : 94,4 m 2 +T errasse : 52 m 2

NIVEAU 0

R atio mur / fenetre : 25 % R atio surface maison / S urface terrasse : 55 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 22 %

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Étude de cas n°5

LA PREMIÈRE RÉSIDENCE EN BORD DE MER

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La nouvelle attractivité de la côte rend les terres en bord de mer intéressantes pour la construction. Les domaines de Cala Rossa et de Marina di Fiori sont des précurseurs et accueillent les premières résidences de bord de mer, initialement bâties pour les Porto-Vecchiais elles seront finalement vendues à des continentaux en tant que logements secondaires. Les maisons construites à la même période sont organisées autour d’un réseau routier arborescent, à proximité directe des grands axes routiers qui mènent au centre-ville.

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MORPHOLOGIE La résidence en bord de mer offre généralement un point de vue privilégié sur la Méditerranée, placée en hauteur avec peu d’obstacles visuels ou bien directement au contact de la plage. L’architecture de la maison se veut d’inspiration organique, avec des formes courbes et des aménagements comme des étagères ou des assises réalisées directement dans l’épaisseur de la maçonnerie. La façade principale est largement ouverte, avec de grandes baies vitrées et des terrasses qui amoindrissent la limite entre l’intérieur et l’extérieur de l’édifice. La pièce centrale est le salon-salle à manger, en continuité avec la terrasse. La maison est pensée pour être protégée du soleil et des fortes chaleurs tout en étant lumineuse et ouverte. Destinées à une famille de quatre personnes nous trouvons trois chambres dont une avec salle de bain attenante. Les chambres sont à l’écart, situées au rez-dejardin il faut descendre un escalier pour y accéder.

DISPOSITIF Si dans l’espace jour à l’étage les espaces sont ouverts ou semi-ouverts dans une volonté de fluidité et de vivreensemble, la circulation dans l’espace nuit se fait par l’intermédiaire d’un couloir. chacun possédant son propre espace bien déterminé. La terrasse, facilement accessible depuis la cuisine est orientée plein Est,

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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vers la mer. Les fenêtres en menuiserie bois sont de dimensions variées, cependant elles appartiennent toutes à des standards de fabrication. En 2.15 m x 1.20 m pour celles offrant un accès sur l’extérieur et 1.25 m x 1.00m ou 0.75 m x 0.60 m pour les autres. Il est possible de fermer le tout par un système de volets en bois. La ventilation est garantie par une VMC, et le système de rafraichissement de la maison par les courants d’air induits par l’ouverture des fenêtres. La partie haute de la maison se trouve au niveau de la rue, avec une place de parking abritée et un garage. le jardin est situé en contrebas en lien avec les chambres. La parcelle n’étant pas très grande (env. 500m²), et le COS peu élevé en bord de mer, il est alors difficilement envisageable de créer une extension. Ce type de maison est souvent accompagné d’une piscine de petites à moyennes dimensions.

CONSTRUCTION L’ensemble de la structure de l’édifice est en béton, les arêtes sont toutes arrondies, et nous pouvons trouver des incrustations ponctuelles de pierres locales ou de bois dans un but purement esthétique. La charpente est entièrement en bois avec une panne faîtière reposant sur la maçonnerie et supportant l’ensemble des chevrons sur lesquels se trouvent les tuiles canal en terre cuite.


E ntrĂŠe : 3 m 2 S alon : 25 m 2 S alle Ă manger : 10 m 2 C uisine : 9 m 2 WC : 2 m 2

B uanderie : 5 m 2 C hambre 1 : 18 m 2 C hambre 2 : 14 m 2 C hambre 3 : 11 m 2 S alle de bain : 7 m 2

C ouloir /E scalier : 15 m 2 R eserve : 17 m 2 TOTAL : 136 m 2 + T errasse : 60 m 2

NIVEAU 0

NIVEAU -1

R atio mur / fenetre : 29 % R atio surface maison / S urface terrasse : 44% S urfaces T otale / surfaces techniques : 23 %

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DE 1970 A 1990 UN ESSOR FULGURANT

Photographie aérienne - Géoportail 1982

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LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

LA FIN DES TRENTE GLORIEUSES

La France des trente glorieuses

Une du GEO Histoire du 25 Janvier 2012

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Après la seconde guerre mondiale, le premier choc pétrolier a lieu en 1973, il est suivi par un second en 1979. Ces deux événements signent la fin de la période de croissance particulièrement florissante à l’échelle mondiale des trente glorieuses : finis le plein emploi, l’augmentation de la production industrielle et une expansion démographique importante. On note aussi l’entrée de l’Europe dans l’aire de la société de consommation. Le taux de chômage en France augmente : d’après l’INSEE s’il est à 2,7% en 1973, il passe à 5,7% 5 ans plus tard et à 9,0% en 1983. Cependant, cette conjoncture ne porte pas préjudice à l’expansion du tourisme sur les côtes françaises qui augmente particulièrement au cours de la période car les enfants du baby- boom commencent à partir en vacances seuls ou avec leurs propres enfants. On assiste alors à la naissance de la société de loisirs et chacun ressent la nécessité d’aller « prendre » le soleil pendant les vacances d’été. C’est également durant cette période que l’on voit poindre les industries relatives à la robotisation et à l’électronique, mais aussi et particulièrement, les débuts de l’informatique, innovations qui ont, depuis, envahi tous les domaines de notre société. Sources : Insee et Wikipedia

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URBANISME

UNE CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE IMPORTANTE Pour répondre à l’explosion démographique, l’équipement, l’urbanisme, l’assainissement, l’agri-culture et le tourisme font partie des grands thèmes abordés par la nouvelle mandature qui vise à offrir un accès à l’électricité, aux égouts et à l’eau potable à l’ensemble des logements de la commune. En 1977, 180 logements HLM sont livrés ou en cours de construction. Et en 1980, 174 sont livrés à la commune qui compte désormais 8095 habitants. La ville dispose d’un collège, d’une école primaire et maternelle, d’une crèchegarderie tandis qu’un lycée, une maternelle indépendante et une maison de retraite sont en projet. Porto-Vecchio poursuit sa dynamique de croissance en demandant des financements pour la construction d’un hôpital, et érige une zone industrielle dans la proche périphérie constituée d’un centre commercial (Codec) et de quelques habitations destinées à des retraités ou des travailleurs immigrés La tâche n’est pas aisée car les territoires sont étendus (La commune a une superficie de 168,6 kilomètres carrés) et les maisons parfois isolées. Pour répondre à ces besoins, un barrage est construit à l’Ospedale, ancien lieu de transhumance. Sa situation géographique en altitude le rend moins victime des sècheresses et l’atmosphère moins aride, les pluies étant plus fréquentes. Ce lac artificiel fournit de l’eau potable à l’ensemble de la commune. Il est aujourd’hui complété par un second lac dans la région de Figari. En 1980, la place de la République située au cœur de la citadelle est réhabilitée. De stationnement informel de taxis et voitures elle devient la place centrale pavée de toute une ville. En 1984 la réalisation et la gestion du POS sont confiées à la mairie. Sources : Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui - Insee et entretien avec Julia Sauli

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LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE TOURISTIQUE En 1970 l’aéroport de Figari Sud Corse est ouvert. Dans un premier temps, il propose de courts vols jusqu’aux aéroports d’Ajaccio et de Bastia à partir desquels il est alors possible de rejoindre le continent. Inclus dans le Schéma d’aménagement de la Corse* il est construit dans le but de promouvoir le tourisme dans l’extrême sud de l’île et transporter deux cent mille passagers de mai à octobre. La ville n’est pas encore enregistrée en station balnéaire au registre des villes touristiques, il s’agit encore seulement d’une villégiature. En 77 il y a 21 hôtels qui offrent une capacité de 600 lits, 5 campings

pouvant accueillir 2300 personnes, des villages de vacances de 750 places et de naturisme, 1000 places. Pour un total de 4650 couchages. Pour rendre la ville plus apte à accueillir une grande quantité de touristes et rendre plus confortable la circulation, la mairie lance une campagne de réalisation de carrefours, voies et trottoirs. En 1986 la période estivale accueille 40 000 voyageurs. En 1989 Porto-Vecchio reçoit près de 120 000 personnes pendant sa saison estivale. On voit alors apparaitre les premiers hôtels après le club Méditerranée et de nombreux campings.**

« Porto-Vecchio : 7510 habitants permanents, 9710 dans le canton, plus de 20 000 en période estivale. Ville chargée d’histoire, au climat idéal, au charme pittoresque, cité de villégiature remarquable... Quarante-cinq kilomètres de littoral maritime; côtes et plages, parmi les plus belles de la Méditerranée (...). Port de plaisance de 450 anneaux. La plus belle suberaie de France s’étalant sur 8000 hectares... Activités touristiques, culturelles, agricoles et commerciales caractérisées par leur diversité et leur expansion rapide. (…) Telle pouvait être, sans forfanterie, l’affiche touristique publicitaire de Porto-Vecchio, dès 1974.» Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui, p. 253.

* Le shéma d’aménagement de la Corse date de 1992, il s’agit d’un projet de dévelopement urbain prenant en compte l’ensemble du territoire insulaire. **Sources : Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

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Prefecture de la Région de Corse. Schéma d’aménagement de la Corse, mission interministerielle pour l’aménagement et l’équipement de la Corse. Octobre 1972

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L’ABANDON DE L’AGRICULTURE L’arrivée du tourisme provoque un virage important dans l’équilibre économique. Les terres prennent de la valeur et certaines deviennent constructibles, provoquant rapidement la chute de l’agriculture. Les propriétaires vendent dans le but de construire des biens immobiliers, de nombreux agriculteurs se réorientent vers l’élevage animal ovin ou bovin car la superficie des terres nécessaires est moins importante que pour la culture végétale. Les professionnels de l’agriculture migrent alors vers la périphérie de la ville, en direction de Figari ou de Bonifacio. Historiquement, le peuple vivait de ce qu’il produisait cependant, la chute de l’agriculture provoque une diminution de la quantité de denrées et la population qui ne cesse d’augmenter est de plus en plus consommatrice. Pour répondre à la demande, on importe donc fortement par les voies maritimes. Selon un rapport d’étude réalisé par l’office des transports de Corse, sur l’ensemble de l’île, le poids des denrées importées est de cinq à six fois plus élevé que le poids des denrées exportées. Parallèlement, la ville travaille de plus en plus à l’export, ne produisant plus de sel mais des bois d’Eucalyptus, du liège et du vin. Les marais salants, un domaine privé, sont fermés pour cause de querelles familiales. La croissance du port est la plus importante de tous les ports de Corse. Jusqu’alors destiné au commerce, il prévoit de s’ouvrir vers le transport de passagers. C’est alors au détriment de l’agriculture que s’établit la croissance de l’économie touristique.

Sources: Rapport d’étude relatif à l’impact du coût du transport maritime sur la formation des prix en Corse. Marc Simeoni Consulting et ECOPA pour l’office des transports de Corse Janvier 2008.

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Les anciens marais salants

Charly Picchiochi

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LA PROTECTION DU PATRIMOINE NATUREL En parallèle de cette croissance importante a lieu un mouvement de protection de l’environnement chaperonné par la création du Conservatoire du Littoral en 1975. Cet organisme rachète des terres dans le but de les préserver de la spéculation immobilière. Il possède aujourd’hui près de 380 hectares sur la commune, répartis entre les domaines d’Arasu, de Palombaggia, des îles Cerbicales, de Tamaricciu et de Santa Giulia. Ce processus a pour but de protéger la faune et la flore présentes naturellement sur les terres. Ainsi des zones différentes sont dessinées pour protéger les espèces végétales ou animales comme la ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) ou la ZICO (Zone Importante pour la conservation des oiseaux). La présence de certaines races animales courantes, comme la tortue d’Hermann, ou le Gypaète Barbu peuvent rendre la constructibilité d’un terrain impossible. Le parc naturel régional de la Corse joue un rôle important par rapport à la prévention des incendies, très fréquents dans la région durant les périodes de sècheresse et de vent. La Loi Littoral mise en vigueur en 1986 permet de réguler les constructions sur le bord de mer pour le protéger de la spéculation immobilière et permettre l’accès public aux sentiers littoraux. Elle s’inscrit dans une volonté de durabilité et d’écologie défendant des espèces animales et le paysage de cet environnement. La mise en place de l’ensemble de ces règlementations est difficile au sein de la population. La prise de conscience n’est pas aisée, et la mise en place souvent controversée car elle rend des terrains intéressants inconstructibles pour des raisons qui peuvent paraître injustifiées pour certains. Encore aujourd’hui ces contraintes sont subies, et parfois contournées face à la valeur financière très importante de certaines parcelles.

Source : Website du conservatoire du littoral

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“Cependant, depuis 1986, la Loi Littoral protège les côtes françaises. Le texte définit trois zones. La première zone correspond aux espaces déjà urbanisés. Il est possible d’y construire de nouveaux bâtiments. (...) La deuxième zone s’étend sur 100 mètres à partir du littoral. Dans cette zone il est interdit de construire de nouveaux logements. Les personnes propriétaires de maisons déjà construites dans cet espace ont uniquement l’autorisation de rénover leur maison, et doivent laisser un espace de 3 mètres entre leur terrain et la mer, afin de permettre le passage des piétons. La troisième zone enfin définit certains espaces considérés comme des espaces remarquables qui sont alors protégés et déclarés inconstructibles.(...)”

Citation : http://www.frenchmomentsblog.com/lurbanisation-des-stations-balneaires-en-france/

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LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL

Source : Website du conservatoire du littoral

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NATURA 2000

Source : Website du conservatoire du littoral

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Z.I.C.O

Source : Website du conservatoire du littoral

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Z.N.I.E.F.F

Source : Website du conservatoire du littoral

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L’INFLUENCE DU NATIONALISME La Corse étant une île, elle a toujours vu évoluer des partisans de son indépendance, agissant pour rester au maximum maîtres des terres, et ainsi éviter une « colonisation » et des transformations qui ne seraient pas favorables, selon eux, au peuple corse. Seulement, le nationalisme n’agit pas uniquement en faveur de l’indépendance, il s’agit à l’origine d’un mouvement de protection des terres né à la suite de l’affaire des boues rouges. En 1972, les autorités italiennes donnent le droit aux industries de rejeter leurs déchets directement dans la mer Méditerranée, notamment de l’acide sulfurique. Ce produit détruit toutes les matières vivantes et augmente l’acidité de l’eau, provoquant un déséquilibre dans l’écosystème maritime. Dans les mois qui suivent, des cétacés s’échouent sur les côtes corses. Un mouvement de protection du patrimoine naturel naît, mais ses actions ont très peu d’impact au sein de la population française, et la dégradation de l’environnement continue. Les comités de défense décident de frapper fort le 12 Septembre 1972, en plastiquant l’un des bateaux sources de déchets au large des côtes italiennes. La firme Montedison sera condamnée en 1974. La création de ce mouvement populaire s’affirme et se médiatise lors de “l’affaire de la cave à vin d’Aléria” en 1975. Alors que des subventions promises aux agriculteurs corses sont annulées, 110

l’État favorise l’accession aux terres de l’île pour les pieds-noirs. Dans le but de dénoncer la chaptalisation du vin et une escroquerie financière d’un viticulteur pied-noir, un groupe constitué d’une cinquantaine d’agriculteurs insulaires décide d’occuper sa cave. Au début pacifiste, l’occupation prendra des dimensions nationales, subissant une “intervention exemplaire” de la part de l’État présidé par V. Giscard d’Estaing, avec l’intervention de mille cinq cents hommes et provoquant la mort de deux personnes. L’année 1976 voit naître le Front de Libération Nationale Corse (FLNC), toujours existant aujourd’hui. La période de développement rapide de l’île a accentué ces actions, quelques milliers de constructions ont alors été réduites à l’état de gravas, au

Rédigé à partir de : Razzia sur la Corse, entretien avec Julia et le film “Les enfants d’Aleria”


cours de ce que l’on appelle « les nuits bleues ».Une nuit bleue, est une nuit rythmée par les explosions (jusqu’à une centaine) sur l’ensemble du territoire corse, des attentats qui visent tant des villas que des institutions. Avec les projets mirobolants de Samy Flatto* sur le domaine de la Testa Vintilegne, présentés en 1971 et intégrés dans le plan d’aménagement de la Corse, les habitants de l’île ont réalisé que leurs terres pouvaient être victimes de la folie spéculative. Le nationalisme freine les grandes initiatives touristiques venant d’ailleurs, d’éventuels investisseurs souhaitant implanter en Corse une économie touristique de masse. Ces terres jugées hostiles à une implantation venue de l’extérieur, effraient les investisseurs. Certains, généralement de très riches personnages, tentent vainement l’installation et l’élaboration d’un projet d’envergure, comme celui d’Aga Khan** qui sera finalement réalisé sur la Costa Smeralda, en Sardaigne.

“Notre organisation constitue un rempart contre l’accaparement de notre territoire national au profit de la spéculation internationale, de plus en plus liée au interêts mafieux. Sans notre intervention politico-militaire, notre terre serait depuis longtemps aux mains d’interêts étrangers.” Communiqué du FLNC après un attentat en 1989.

Razzia sur la Corse, Hélène Constanty, 2012. Page 64.

Image : La Costa Smeralda. Source : Internet

* Samuel Flatto-Sharon (1930): Homme d’affaire et de politique Franco-Israelien. Connu pour ses nombreuses fraudes. ** Karim Aga Khan IV (1936) : Prince et imam ismaelien ainsi qu’homme d’affaires.

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SOCIOLOGIE

LA POPULATION, MOTEUR D’UNE TRANSITION ÉCONOMIQUE

Vue aérienne de Cala Rossa Source : Google images

“Cala Rossa avait mis le niveau très haut en proposant des maisons individuelles de bonne qualité. Les constructeurs ont donc souhaité continuer dans la même dynamique, et ne pas proposer de projets “moins bien” que l’existant.” Pierre, Constructeur, Entretien du 20.07.15

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L’agriculture s’efface peu à peu, réduite à l’échelle des potagers, les élevages ovins et caprins subsistent en moindre quantité pour la production des fromages locaux et un peu pour la viande. Il s’agit d’une production axée sur la qualité plutôt que sur la quantité. Les habitants se nourrissent à l’année majoritairement des produits directement acheminés du continent. Seule la viticulture subsiste et prend de l’ampleur. La production occupe 25% de l’activité de la population*. La volonté de ces habitants à sortir définitivement de la précarité et à profiter de la présence saisonnière des touristes rend le changement d’économie très rapide. L’argent semble alors rapide et facile à gagner, ne nécessitant de travailler que 8 mois dans l’année et offrant l’opportunité de subvenir confortablement aux besoins d’une famille. La première création relative au tourisme est le quartier de Cala Rossa sur la commune de Lecci. Constitué d’un ensemble de maisons individuelles de qualité, offrant une vue dégagée sur la mer. Cette édification a lancé le mouvement d’accueil touristique suivant une logique axée sur la qualité plutôt que sur la quantité. Les nouveaux investisseurs et constructeurs souhaitent profiter de la clientèle déjà captée, la plupart des constructions relatives à ce secteur seront donc axées sur l’individualité. Une dizaine d’années plus tard se construit la quartier de Marina di Fiori, du même type que celui de Cala Rossa mais placé sur la commune de Porto-Vecchio.

*Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui Sources : Entretien avec Pierre Cesari

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LA PLACE DES LOCAUX DANS CETTE CROISSANCE Les locaux croient à un essor rapide et durable, car la population vacancière, principalement anglaise ou italienne est massive. Ce tourisme est alors un gros consommateur et fait fonctionner les petits commerces, les lieux d’hébergements ainsi que les restaurants. La clientèle vient pour profiter pleinement, vacancière elle ne dispose que de peu de contraintes. Cette façon de concevoir les vacances en Corse sera un modèle prépondérant jusqu’au début des années 1995 qui permet un

“Les italiens ne venaient pas en Corse pour une durée déterminée, ils venaient pour une somme d’argent. Ils s’amusaient et consommaient, le jour où ils n’avaient plus rien, ils remontaient dans le ferry pour rentrer chez eux. Souvent ils entraient dans la boutique en me demandant ce qu’ils pouvaient avoir pour les cinquante Francs qui leur restaient.” Jean-Luc, 53 ans, Commerçant Entretien du 17.08.15

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développement fulgurant du commerce saisonnier. Chacun souhaitant avoir sa part, il y a un fort investissement des rez-de-chaussée des maisons de la haute ville pour permettre la création de boutiques ; l’aspect du centre ville historique change, le rapport à la rue aussi. Elle devient un lieu de balade et prend son rôle de connexion. Les habitations auparavant principaux lieux d’activités deviennent secondaires. Les façades historiques en pierres taillées sont masquées par des couches de plâtre et d’enduits pour avoir un aspect plus lisse et coloré, les percements changent suite à l’ouverture de vitrines pour valoriser les produits. Le promeneur prend de plus en plus de place. Le centre ville devient piéton de 21h à minuit pour favoriser le commerce nocturne, plus agréable car isolé de la chaleur écrasante de la journée. Le tourisme est principalement composé de groupes d’amis ou de familles, il profite des plages et flâne dans le centre ville, il prend son temps, détendu et consommateur. La manne foncière aiguise les appétits, néanmoins quelques locaux sont les pionniers du développement dans le milieu des transports et des travaux publics principalement, d’autres deviennent fonctionnaires ou agents dans le domaine du tourisme, ou commerçants.


La rue de la Porte GĂŠnoise (2015)

Photographie personnelle.

Sources : Entretien avec Jean-Luc Sauge

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VERS UNE DESERTIFICATION DU CENTRE VILLE

La rue de la citadelle (2015) Charly Picchiochi.

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La croissance démographique, la popularisation de l’automobile, ainsi que la mise en place de l’eau et de l’électricité de façon plus étendue sur la commune, offrent l’opportunité aux propriétaires terriens de construire et de s’installer en dehors des fortifications de la citadelle, pour investir particulièrement les plaines et parfois le littoral. S’en suit alors un mouvement de population, les appartements du centre ville historique sont désertés par leurs habitants, seules y demeurent quelques personnes âgées attachées à leurs maisons. Les logements, souvent abîmés et parfois insalubres de la citadelle sont loués à bas prix aux populations immigrées. L’opportunité d’un déplacement est corroborée à la nouvelle invasion saisonnière des touristes, sources d’agitation et de bruits dans ces rues auparavant si calmes. L’abandon du centre ville entraine l’abandon d’une façon de vivre « à la villageoise », organisée autour de la place centrale du village qui était jusqu’alors un lieu de rencontres et de partage. Les Porto-Vecchiais sont disséminés au travers de la commune provoquant le développement de l’habitat isolé ainsi que l’agrandissement des hameaux (Cf. La maison de hameau, page 116.). Le rapport à l’espace public est différent dans chacune de ces situations. Lorsqu’on se promène dans un hameau traditionnel, ce sont les maisons qui constituent les

rues et les places. L’espace public est encadré d’habitations, l’accès est direct de la maison à la rue, la transition entre l’intérieur et l’extérieur étant progressive du fait de l’escalier permettant d’accéder à la porte d’entrée, l’étage courant généralement situé en R+1. Lorsqu’on marche dans un hameau nouveau, qui se base plus sur le concept du lotissement construit et faisant généralement partie d’une promotion immobilière, nous constatons que l’espace public est transformé en espace utile destiné au passage des véhicules, prend la fonction de parking, parfois emprunté par les enfants du voisinage pour faire du vélo, courir et jouer ensemble. Il est entouré de murs de plus ou moins grande hauteur, renfermant des jardins (ou courettes) avec la maison au centre. Les horizons bleus placés en contrebas de la citadelle sont un ensemble d’immeubles de petite hauteur construits pour accueillir les populations locales. Il s’agit des premiers immeubles d’habitat collectif non-HLM construits dans la nouvelle ville. Ils sont les premiers instigateurs d’une volonté de vivre en appartement, hors de la citadelle. Quantité de personnes quittent le centre ville et ses appartements vieillissants pour s’installer dans la périphérie très proche, dans des appartements neufs. Ces changements participent grandement à une évolution des mentalités, de l’ambiance “villageoise” à une ambiance “de ville”. Sources : Entretien avec Jean-Luc Sauge et Dominique Lenoble Sauge Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

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ARCHITECTURE Étude de cas n°6

UNE MAISON DE HAMEAU

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A la fin des années 1970, Porto- Vecchio voit se lancer des projets de construction de hameaux dans sa proche périphérie, au niveau de sa zone industrielle à proximité directe du centre d’activités et du centre ville historique. Tout en étant « à la campagne » car entourées d’arbres et à distance de l’agitation saisonnière, destinées aux locaux, ces maisons sont bâties par des promotions immobilières et les terrains acquis par “troc”. Le propriétaire met à disposition son terrain et reçoit son dû en quantité de maisons construites. 119


CONTEXTE Ces nouveaux lieux sont appelés « hameaux » par analogie avec les hameaux traditionnels et leur habitat regroupé, cependant ils sont bien différents dans leur organisation et leurs grands principes.

MORPHOLOGIE Il s’agit d’un édifice isolé sur un terrain d’environ 500m2 complètement entouré de murs. Cette maison familiale est bâties sur deux niveaux avec l’étage courant, partie jour,au rez-de-chaussée et la partie nuit à l’étage. Un garage de grande taille permet d’héberger une voiture, ainsi qu’une place de stationnement à l’extérieur, dans l’espace partagé avec les voisins. La maison est fonctionnelle, à l’échelle d’une famille de quatre personnes, les mesures sont pensées pour être agréables mais optimisées, l’organisation des pièces est simple, sans couloirs. Les pièces centrales sont le salon et la salle à manger, qui offrent un accès direct à une terrasse de bonnes dimensions.

DISPOSITIF Les ouvertures sont de taille moyenne à deux battants, plus large côté jardin que côté passage. Présence de volets manuels en bois. Pour protéger les pièces principales du soleil une pergola maçonnée est placée devant la baie vitrée du salon, directement exposée au sud. Le rapport au jardin « privé » est ouvert, la maison communique avec lui de façon directe par le biais des baies Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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vitrées. Le rapport à l’espace public est filtré, dans le but de préserver l’intimité des habitants, la façade côté parking dispose de fenêtres de petite taille. Depuis leur construction ces maisons ont subi des changements. Il s’agit généralement de l’ajout d’une chambre d’amis à la place du garage. De la même manière, les maisons disposant d’un terrain assez grand accueillent parfois aujourd’hui des piscines enterrées.

CONSTRUCTION Ces maisons sont construites à partir d’une structure murs-dalles en béton armé. Les éléments porteurs étant disposés tous les trois mètres, ceux-ci peuvent être percés apparaissant alors sous forme de poutres à l’intérieur du logement. Les façades sont porteuses. L’ensemble est bâti sur un vide sanitaire, présent sous l’ensemble de la maison. Les murs, intérieurs et extérieurs sont crépis de manière grossière. L’extérieur prend une teinte beige très répandue à l’époque de la construction, tirant parfois vers la couleur saumon elle censée imiter les teintes des roches de la région. Le sol est entièrement recouvert de carrelage, on en dénombre trois différents, un pour l’ensemble de la maison, un pour les pièces d’eau et le troisième pour la terrasse. La toiture est formée par un principe de fermettes bois, peu coûteux. Les combles ne sont pas habitables, la couverture est en tôle recouverte de tuiles canal.


E ntrĂŠe : 6 m 2 B uanderie : 5 m 2 C hambre 1 : 12 m 2 C uisine : 10,5 m 2 P iece de vie : 25 m 2

S alle de bain : 4,5 m 2 C hambre 2 : 9 m 2 C hambre 3 : 12 m 2 C hambre 4 : 10 m 2 S alle de bain : 5 m 2

WC : 2 m 2 TOTAL : 146 m 2 + C ave 30 m 2 + T errasse : 40 m 2

NIVEAU 0

NIVEAU 1

R atio mur / fenetre : 19 % R atio surface maison / S urface terrasse : 27% S urfaces T otale / surfaces techniques : 31 %

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Étude de cas n°7

LE LOGEMENT SECONDAIRE DES PORTO-VECCHIAIS

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Anciennement occupées pendant l’été lors de la période de transhumance et occasionnellement durant l’année, la traditionnelle maison de montagne devient le logement secondaire des Porto-Vecchiais. Durant des week-end prolongés ou des périodes de vacances, les locaux dont la plupart ont passé une partie de leur enfance à la montagne aiment remonter « au village » de temps à autres pour se détendre et s’éloigner un peu de l’ambiance du littoral. Ces logements sont généralement un héritage des générations précédentes qui vivaient réellement une partie de l’année dans les hauteurs. 123


CONTEXTE Il peut s’agir d’une maison individuelle isolée, cependant comme elles demandent beaucoup d’entretien, il n’est pas rare qu’elles aient subi des modifications internes pour les diviser en plusieurs logements distincts. Ici nous allons concentrer notre relevé sur un petit appartement construit lors de la réhabilitation de la caserna, ancienne gendarmerie.

MORPHOLOGIE Il s’agit donc d’une bâtisse toute en longueur disposant de deux entrées principales et dont l’intérieur a été divisé en 9 appartements possédés par des habitants de Porto-Vecchio et de ses hameaux. Nous analysons un petit logement disposant des principales fonctions : une cuisine, un salon-salle à manger, une chambre et, depuis peu, une salle de bain, organisés en enfilade. Il s’agit d’un appartement dans lequel les propriétaires (un couple avec un enfant) ne vivent pas au quotidien ; l’enfant dort occasionnellement dans le salon. Si celui-ci était occupé à l’année il serait confortable pour un couple seul. Les pièces possèdent des dimensions agréables tout en étant optimisées.

DISPOSITIF Chaque pièce dispose d’une fenêtre garantissant l’éclairage naturel et l’aération de l’ensemble du logement. Les ouvertures sont de petites dimensions et toute en hauteur. L’épaisseur importante des murs (65cm) provoque l’aménagement d’un biais sur la face intérieure et sur tout le 124

pourtour de l’ouverture, pour ne pas « bloquer » la lumière. Les menuiseries sont en bois, l’ouverture est garantie par la présence de deux battants vitrés. Les volets sont aussi de bois et placés, comme traditionnellement dans la région, à l’intérieur de l’habitation. L’appartement n’a que peu de rapport avec l’extérieur, celui-ci n’est garanti que par les surfaces vitrées et la présence d’un balcon en avant de la baie du salon, tourné vers la plaine. L’accès à la porte d’entrée commune s’effectue à partir du jardin, le seuil est marqué par le franchissement d’une marche de pierre. Le jardin sert aussi ponctuellement de parking et de servitude de passage pour la maison individuelle voisine. L’ensemble de l’édifice est construit sur un terrain plat, ex nihilo. Il y a une faible possibilité d’adaptabilité, de petites modifications internes et la couverture de certaines parties du balcon, comme cela a été fait pour la salle de bain.

CONSTRUCTION L’édifice est construit sur un système de murs porteurs périphériques et transversaux traversés par des dalles de béton formants les sols des différents étages. La trame structurelle est de trois mètres. La toiture est en charpente bois, une poutre principale longitudinale qui repose sur les éléments porteurs en pierres. Le grenier est aménageable. Sur la panne faîtière repose un ensemble de chevrons et de lattis, couvert de tuiles canal.


P ièce de vie : 18 m 2 C hambre : 9,45 m 2 S alle de bain : 3,6 m 2

TOTAL : 31 m 2 + B alcon : 6 m 2

NIVEAU 0

R atio mur / fenetre : 15 % R atio surface maison / S urface terrasse : 18% S urfaces T otale / surfaces techniques : 9 % Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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DE 1990 A AUJOURD’HUI VERS UNE LUXUARISATION DU TOURISME

Photographie aérienne - Géoportail 1999

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LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES L’ESPACE SCHENGEN EN 2015

Sources : Europa

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En 1995, la convention de l’espace Schengen signée en 1990 entre en vigueur, facilitant considérablement le passage des frontières entre deux pays membres. Au sein de l’union européenne cette évolution sera renforcée par l’entrée en vigueur de l’euro, le 1er janvier 2002 pour 19 états, cette homogénéisation de la monnaie simplifie les échanges commerciaux entre les pays. En 1998 et 2000, deux lois sont votées pour une diminution du temps de travail de 39 à 35 heures par semaine. Cela s’inscrit dans la suite des démarches effectuées depuis la mise en place des congés payés, dans le but de diminuer le temps de travail des français pour favoriser leur rentabilité et diminuer le chômage. Cela se passe en faveur du tourisme, particulièrement dans les zones touristiques de proximité accessibles les week-ends. Une crise économique mondiale suit le crash boursier de 2008, accentuant les disparités sociales. L’émergence et la progression de l’informatique et du numérique change considérablement le mode de vie des habitants des pays développés avec l’apparition des premiers ordinateurs dans les foyers. Il prend de plus en plus d’importance dans un grand nombre de domaines, particulièrement le commerce et la communication. Pour arriver à un monde presque totalement connecté grâce aux nouvelles technologies. Tablettes et smartphones sont aujourd’hui des moyens de promotion et de consommation.

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URBANISME

UNE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE QUI CONTINUE La

commune

compte

9307

habitants en 1990 et près de 10 957 selon l’INSEE en 2011. Selon le document “Porto-Vecchio d’Hier à Aujourd’hui”, depuis 1962, l’apport migratoire a représenté 85% de l’augmentation de la population dont une majorité issue des pays du Maghreb. Le taux de natalité passe d’une trentaine de naissance à la fin des années 60 pour arriver à près de 150 en 1973 et dépasser les 200 en 1990.* En 1990 Porto-Vecchio est une ville jeune, la plus jeune de Corse. Le décollement de son économie provoque l’arrivée de nombreuses personnes âgées de 20 à 40 ans qui s’installent dans le but de trouver un emploi ou de monter une affaire en rapport avec

Sources : Insee, RP2006 et RP2011 exploitations principales *Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui

130

le tourisme. Aussi la proportion de population étrangère venant travailler dans les domaines de l’hôtellerie ou de la construction est très importante, particulièrement masculine. Ce flux migratoire

a

récemment

diminué,

provoquant un vieillissement de la population. Renforcé par la

volonté

de certains de passer leur retraite sur l’île de beauté, phénomène que l’on retrouve sur la Côte d’Azur. La loi Scellier, instaurée en 2008 permet de défiscaliser en investissant dans des logements qui sont promis à la location à l’année

pendant

neufs ans. Sur la commune, l’achat d’appartements dans le cadre de cette loi est très important et participe à la croissance de la ville.


L’EMERGENCE DE L’HABITAT COLLECTIF Depuis 2005 la commune de Porto-Vecchio est le théâtre d’une campagne de construction massive d’immeubles de logements collectifs éparpillés à proximité des centres historique et économique de la ville. Conçus généralement par des promoteurs immobiliers ils sont destinés autant à des habitants à l’année, établis en réponse à la croissance démographique, qu’à devenir des résidences secondaires ou être le produit d’une location saisonnière par des particuliers ou des agences spécialisées. Ces résidences sont généralement des édifices construits en béton, sur un système de murs et de dalles porteurs en béton armé, de hauteur moyenne,

en R+5 maximum. La majorité met un complexe piscine/terrasse à disposition de ses habitants ainsi que des places de parking. De l’importance est accordée à la végétation présente sur le terrain, souvent préservée elle est incluse dans les projets de paysagisme. Une partie de ces projets sont construits ex nihilo, sur des terrains plats (cf. les immeubles de logements collectif, page 154 et Le logement social, page 158), l’autre partie se bâtit sur des terrains aux différentes inclinaisons, de la faible dénivellation pouvant être compensée par la création d’un niveau semi-enterré à une très forte pente obligeant une destruction partielle du terrain pour construire l’édifice devant.

CARTE : NOUVEAUX LOGEMENTS COLLECTIFS

Sources : Relevé in situ

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LE TOURISME En

1995

Porto-Vecchio

peut

financiers sont freinées par le coût de

accueillir 23 600 personnes soit près

l’hébergement et de la traversée depuis

de trois fois sa population permanente

le continent.

et l’ensemble Bonifacio-Porto-Vecchio

En parallèle de cette décadence,

reçoit 180 000 touristes de Juin à

émerge l’industrie du tourisme de luxe.

Septembre soit 15% de la fréquentation

Il suffit de regarder la manière dont

touristique en Corse, après l’association

évoluent les commerces au sein de

Ajaccio-Porto.*

la citadelle pour se faire une idée des

La diminution du pouvoir d’achat des visiteurs, suite au passage à l’euro

classes sociales dans lesquelles se situe la clientèle saisonnière.

et au crash boursier de 2008, touche

Il y a alors deux catégories de

particulièrement les petits commerces

touristes : celui qui visite et celui qui

qui fonctionnent à la saison. Nous

consomme, chacun pouvant apparteni

assistons à la mise en place de fortes

à toutes les catégories sociales. De celui

disparités dans les moyens financiers

qui loge en camping, en maison d’hôte

des visiteurs. Alors que certains voient

(Cf. La maison d’hôtes, page 146), en

leur pouvoir d’achat augmenter, de plus

villa de standing (Cf. La villa louée

en plus de familles aux faibles moyens

l’été, page 150) ou le propriétaire de

Le Sea Lounge à Palombaggia Source : Site internet du lieu

132


sa propre résidence secondaire (Cf. La

Notte», de renommée importante.

villa secondaire de luxe, page 142) En

Ainsi nous

quelques années nous avons vu fleurir

DJ, directement dans les rues du

un nombre important de boutiques

centre historique,

vendant des produits de grandes

les quelques chanteurs corses qui se

marques et de créateurs renommés ou

trouvaient auparavant aux mêmes

indépendants, principalement dans le

endroits. Pour un tourisme constitué de

milieu de la

jeunes travailleurs trentenaires.

voyons

s’installer

venus

des

remplacer

mode. Au détriment des vendeurs de tongs, cartes postales et tee-shirts souvenirs. De la même manière, une grande partie des bars se sont spécialisés dans le clubbing, pour une clientèle jeune et branchée venue qui consomme dans le milieu de la nuit, directement motivée par la proximité de la discothèque «Via *Sources : Porto-Vecchio d’Hier à Aujourd’hui

133


L’ABSENCE DE PLU ET DE POS Les constructions prenant place sur l’ensemble de la commune sont actuellement encadrées par le règlement national d’urbanisme (RNU), applicable sans distinction sur l’ensemble du territoire français. Ce document est le même dans toutes les régions, il est normalement secondaire à un plan d’occupation des sols (POS) mis en place en 1967 ou à un plan local d’urbanisme (PLU) rendu obligatoire depuis l’an 2000. Cependant la commune de PortoVecchio ne possède ni POS, ni PLU. Le premier n’étant jamais entré en vigueur et faisant partie d’une stratégie avouée visant à limiter la rapidité de développement de la commune sur certaines de ses zones, et le second ayant été annulé le 20 Mai 2011, toujours pas remplacé depuis. L’inexistence de plans précis relatifs à l’urbanisation de la commune engendre une attribution au coup par coup des permis de construire. Et par conséquent la perte d’une homogénéité et d’une organisation générale basée sur le caractère pérenne du développement de la ville, ainsi qu’une attribution subjective des permis, laissant une potentielle place au favoritisme. De la même manière il n’existe aucune charte esthétique relative

Sources: Legi-france.fr - ABCDemain

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aux nouvelles constructions ou à la rénovation. Ce manque est grandement lisible lorsque l’on visite la commune, la haute ville et son patrimoine ancien étant en majeure partie préservés grâce à la densité du bâti historique existant, mais étant cependant ponctuellement “pollués” par des constructions inadaptées à leur contexte. En 2015 est paru la Loi ALUR pour les nouvelles constructions. Elle vise à densifier en zone urbaine, lutter contre l’étalement urbain et accompagner le développement de l’habitat léger. La commune étant très étendue et peu dense, des zones construites ne sont pas considérées comme étant des “zones urbaines”. La mise en application de la loi risque donc de freiner la croissance de la ville, principalement dans les parties où l’on trouve des habitations individuelles. Jusqu’alors, des maisons ne pouvaient être construites dans certaines zones que si celles-ci disposent d’un minimum de 5000m2 de terrain, dans le but de préserver le caractère naturel des lieux.


UNE DYNAMIQUE DE LUXUARISATION & COMMUNICATION La création d’un quai d’honneur en 2007, ainsi que le déplacement de l’aire de mouillage ont permis à la ville de valoriser , en période saisonnière, le tourisme de luxe pratiquant le yachting. Cette construction ainsi que le projet d’agrandissement du port montrent une dynamique d’ouverture de l’économie dans le domaine maritime et plaisancier. Il est projeté de mettre à disposition de la commune, d’ici 2019 : 423 nouveaux anneaux en plus des 380 existants et la création d’un nouveau quai d’honneur qui accueillerait des navires de plus grande dimension que le premier, limité par sa faible profondeur.* Les manifestations sportives, les plages nonfumeurs, la mise en place d’applications pour smartphones sur la ville de Porto- Vecchio, opérations marketing avec l’organisation d’événements ponctuels retransmis sur les chaînes de télévision nationales et parfois internationales comme pour le départ du centième tour de France 2013 et le grand critérium, donnent beaucoup de visibilité à l’ensemble de la commune, garantissant sa promotion au delà des frontières françaises. Les paillottes que l’on trouve sur les plages changent peu à peu de catégorie, passant de la petite cabane de bois qui vend des glaces et des boissons fraîches aux familles qui occupent la plage, à la paillotte luxueuse, parfois semidémontable, qui occupe l’espace public avec des transats loués à la journée, faisant fi de la loi littoral obligeant la présence d’une bande passante de cinq mètres. L’hébergement se partage entre les villages de vacances, l’hôtellerie de luxe et les particuliers** ; ces derniers louant leurs maisons via des sites internet spécialisés comme : Homelidays, Abritel ou airbnb. Ce processus occupe une place de plus en plus importante, au détriment des professionnels du logement. * Cf. Le fascicule Porto-Neo, en annexe. ** Cf. La maison d’hôte & La villa louée l’été Sources : Website de la commune de Porto-Vecchio

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VERS UN ENCLAVEMENT DES POPULATIONS Sur la commune, il existe une forte différentiation selon les niveaux de l’échelle sociale et la durée d’occupation au sein de la commune comportant des zones logeant les populations résidentes à l’année et celles des résidences secondaires. Les milieux favorisés se trouvent dans des zones de plus en plus isolées et protégées par des gardiens à l’entrée et à l’intérieur de ces espaces pour surveiller l’ensemble des résidences. Les classes moyennes, qui ont la possibilité financière de faire construire leurs propres habitations, s’installent principalement dans les hameaux périphériques où les prix des terrains sont plus abordables. Parallèlement la commune va vers un désenclavement des foyers à faibles revenus en intégrant des habitations à loyers modérés (HLM) dans les opérations de construction de logements collectifs au niveau du centre ville historique et à proximité du centre économique. Le centre ville historique voit ses activités fermer et sa place centrale désertée durant les mois d’hiver. La commune offre alors peu de lieux de mixité à l’exception des groupes scolaires, et centres d’activités sportives et culturelles, alors majoritairement convoités par les enfants et adolescents, ou bien les supermarchés. Cette absence de lieux publics renforce la sectorisation des populations, et leur enclavement dans les différentes parties de la ville, en ne favorisant pas la mixité et la rencontre.

Sources: Insee, RP 1968 à 1999 dénombrements, RP2006 et RP2011 exploitations principales

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RÉPARTITION DES POPULATIONS

CLASSES SOCIALES ÉLEVÉE MOYENNE BASSE Sources : Connaissances personnelles

PERMANENTE TEMPORAIRE 137


SOCIOLOGIE

LA PERSISTANCE D’UN FONCTIONNEMENT DE VILLAGE

Les toits de la vieille ville aujourd’hui par Philippe Poitevin

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La ville était encore un village il y a cinquante ans, par conséquent, les familles et les personnes qui ont vécu cette période représentent une part importante de la population. La transmission des terres, et par conséquent du pouvoir par le sang persiste et joue un rôle important dans la société corse d’aujourd’hui, et ce depuis “la terre des seigneurs” de la société féodale. Avec les biens matériels et la renommée, la hiérarchisation en place est conservée, bien sûr amoindrie, mais toujours existante. Le développement des transports et la facilitation des échanges avec le continent ouvrent les habitants vers l’extérieur, au delà des limites de l’île. Renforcée par les nouveaux moyens de communication, la mixité corse/ continent est de plus en plus lisible. Cependant le réseau et la famille dont les gens sont issus qualifient encore aujourd’hui qui ils sont pour le reste de la société, alors que sur le continent une personne est estimée par son cursus. Si une des premières questions que l’on pose à quelqu’un en métropole est “Que fais- tu dans la vie ?”, à Porto-Vecchio on demande “Qui es-tu?” en sous entendant “De quelle famille es-tu issu?”. Dans le but de resituer le correspondant dans l’échelle politique et sociale de l’ancienne cité du sel. Six mois par an, avec la présence des touristes ce fonctionnement est dissimulé par la quantité d’habitants temporaires, mais les six mois d’hiver jouent l’effet inverse, renvoyant les locaux aux principes fondateurs ancestraux. 139


L’IMPACT DE LA CRISE ECONOMIQUE Le crash boursier de 2008 provoque une importante crise économique à l’échelle mondiale, la population française en ressent les effets et le budget des départs en vacances diminue, tout comme celui qu’ils accordent à leurs loisirs. La Corse qui accueille alors un tourisme aux moyens financiers relativement importants met quelques années à ressentir les méfaits de la crise économique à partir de 2011. Dès lors le tourisme et l’économie qui lui est relative prennent un tournant important. Les disparités s’accentuent et la Corse-du-Sud devient peu à peu un écrin doré pour les grandes fortunes. Certains d’entre eux viennent installer leur habitation secondaire dans les zones résidentielles huppées de la commune, ou sur des îles privées telles que celle de Cavallo, située entre la Sardaigne et la Corse. Cette économie profite à plusieurs secteurs tels que celui du bâtiment. Alors que le tourisme de luxe se développe c’est un tourisme aux faibles moyens financiers qui disparaît, principalement à cause de la flambée du prix de l’hébergement, du coût de la traversée, ainsi que de la nécessité de disposer d’une voiture sur place, les transports en commun étant quasi-inexistants. Ces populations venaient auparavant pour une durée de quinze jours à trois semaines ; aujourd’hui les courts séjours durant un week-end à quatre ou cinq jours sont plus fréquents, ainsi que ceux prenant place hors-saison, aux mois de juin et septembre. La crise économique a alors pour conséquence d’accentuer très fortement les disparités sociales, en créant un fossé entre les strates favorisées et les autres.

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LA PLACE DES LOCAUX DANS CETTE LUXUARISATION La relation entre les locaux et cette luxuarisation est mitigée, certains y sont favorables et en tirent des bénéfices, tandis que d’autres sont nostalgiques d’une période passée. La présence récurrente d’une catégorie de personnes aux forts moyens financiers a un impact direct sur un peuple fier de sa culture, de ses racines et de ses terres. La population a du mal à profiter de sa propre station balnéaire, discriminée par l’argent, que ce soit dans l’alimentaire ou le festif. Le prix des loisirs augmente, ainsi que celui des bars, restaurants et boîtes de nuit qui oblige les locaux qui souhaitent en profiter à investir un budget important dans leurs activités, au détriment certainement d’autres domaines. Les jeunes travaillent dans le milieu saisonnier dès leurs seize ans, pour un ou deux mois d’été dans le but de se faire de l’argent de poche, dont une partie est directement investie dans les sorties de l’été. Cela met en place un rythme saisonnier dès l’adolescence, qui a tendance à donner au jeune l’appétit de l’argent “facile” et un rapide accès au confort, ajouté à une difficulté de quitter la famille et l’île. Nombreux sont les jeunes qui refusent de faire des études supérieures sur le continent. Cette manière de penser se traduit dans l’habitat, cette population qui aime les belles choses et qui travaille son image investit dans la construction de maisons de haut standing pour y loger en hors saison et la louer les trois mois d’été. Cet achat est réellement un investissement, leur permettant de choisir des matériaux nobles, une superficie confortable et parfois une piscine qu’ils n’auraient sûrement pas eu les moyens de s’offrir s’ils prévoyaient de l’occuper à l’année. Le commerce et le rythme saisonnier font partie intégrante de la vie des Porto-Vecchiais.

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UN CARACTERE CYCLIQUE L’économie Porto-Vecchiaise est depuis toujours basée sur des cycles : que ce soit celui des maladies avec la présence du paludisme dans les plaines et la transhumance, celui de l’agriculture et de l’élevage, des marais salants ou des sept ans du cycle du liège, et aujourd’hui celui de l’économie relative au tourisme. Il est alors important de noter que l’ensemble de la ville n’a pas été construite sur une dynamique de pérennité, les habitants ayant vécu pendant des siècles dans une dynamique économique de subsistance, en ne cultivant leurs réserves que d’une année sur l’autre, et voyant leur vie ponctuée par des périodes de

famine. La notion de “subsistance” est

employée pour qualifier une manière de penser qui vise à répondre uniquement à des besoins élémentaires, le strict minimum en réponse à des problématiques. Il est encore difficile aujourd’hui pour ce peuple de se projeter au delà des cycles, chaque été est source d’argent, avec lequel il faut vivre tout l’hiver. Une mauvaise saison entraine donc un hiver difficile. Et les opportunités d’investissement en dépendent alors. Le peuple portovecchiais, auparavant nomade (cf. les bergeries) possède encore certaines caractéristiques de ce mode de vie. Les investissements et la construction de la ville sont vus au fil du temps, toujours à postériori de l’apparition des besoins, il est difficile pour eux de projeter une évolution et une croissance sur une ou plusieurs dizaines d’années. La population arrive aujourd’hui à une envie de se poser et d’évoluer enfin dans une ville harmonieuse, équilibrée et basée sur un vrai projet de croissance qui devrait peut-être passer par la mise en place d’un PLU cohérent et adapté à la commune, qui ancre définitivement la ville dans son territoire.

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Juillet

Juillet

montagne

saison pré-saison Octobre

Avril

post-saison Octobre

Avril

plaine Janvier

Janvier

hiver

Paludisme - Transhumance

Tourisme

Juillet

Juillet

récolte fleur de sel

petit gibier Octobre Avril

gros sel nettoyage

mise en eau

Octobre

Avril

préparation des salines

Janvier

Janvier

gros gibier

Chasse

Sel

Juillet

Juillet

nettoyage du sol

irrigation

attente

attente Octobre

Avril

récolte nettoyage Janvier

elagage

Chataigne

émondage

Octobre

Avril

Récolte huile Janvier

greffe

récolte olives de table

Oliviers

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ARCHITECTURE Étude de cas n°8

LA VILLA SECONDAIRE DE LUXE

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De façon générale la villa secondaire de luxe se trouve à proximité des plages, souvent isolée du centre ville, qu’il soit historique ou économique. Elle peut être indépendante ou bien faire partie d’un complexe de résidences généralement surveillé à l’année par des gardiens. La Loi Littoral ne permettant pas la construction de maisons directement sur le bord de mer, il n’est pas rare que les riches propriétaires choisissent de prendre de la hauteur dans le but d’avoir une vue dégagée sur la Méditerranée. Il s’agit souvent d’une maison qui deviendra la résidence principale de ses habitants lorsque ceux-ci prendront leur retraite.

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CONTEXTE

DISPOSITIF

Qu’elle se trouve dans un quartier résidentiel ou qu’elle soit indépendante, la ville secondaire de luxe est généralement bâtie sur une parcelle de grandes dimensions pour garantir une certaine intimité à ses propriétaires, régit par le coefficient d’occupation des sols et pour profiter d’un jardin souvent agrémenté d’une piscine.

Les percements sont nombreux et de grandes dimensions, les larges baies vitrées permettent de réduire la limite entre l’intérieur et l’extérieur. les deux composantes se trouvent alors en continuité particulièrement dans le salon, ouvert sur les trois côtés. Les menuiseries sont en aluminium, et la fermeture est gérée par des volets roulants electriques. L’’intégration au terrain est importante, la maison est totalement ancrée dans la dénivellation de la parcelle, la cave qui se trouve au niveau -1 est presque totalement enterrée. L’accès se fait par la partie haute directement depuis le parking, les pièces de nuit se trouvent dans la partie basse de l’édifice et disposent d’un accès direct sur le jardin menant à la piscine. cette mise en place permet d’établir une limite claire entre les parties semi-publiques qui sont susceptibles d’être vue par les invités et les partie privées comme les chambres.

MORPHOLOGIE Cette habitation offre un grand nombre de chambres : quatre plus un studio attenant avec quatre salles de bains. Pensée pour être confortable, une partie importante de sa superficie est destinée au rangement et à l’entretien, notamment avec l’installations d’une buanderie et d’un vestiaire. Le salon ainsi que la cuisine et les chambres bénéficient d’une orientation sud/est ainsi que de la vue dégagée sur la mer. Le logement peut accueillir confortablement jusqu’à dix personnes, soit deux par chambre, studio inclus. Les pièces sont ouvertes sur l’extérieur ce qui met en place une certaine fluidité dans les déplacements qui peuvent être internes ou externes. La cuisine, le salon et la terrasse forment le complexe central de l’habitation, il s’agit de lieux où les personnes vont se retrouver, et c’est à partir d’eux que découle l’ensemble du logement, ainsi que la manière de l’habiter.

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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CONSTRUCTION Le bâtiment est en maujeure partie élaboré en structure bois avec un système poteaux-poutres recouvert d’un bardage qui abrite l’isolant. L’utilisation d’un matériau naturel, peu traîté permet à l’edifice de s’intégrer facilement dans un contexte naturel et verdoyant. Les parties en contact direct avec le sol et son humidité, comme les fondations ou le mur de la cave, sont érigés en béton pour des raison d’infiltration et de durée de vie du matériau.


E ntrĂŠe : 7,5 m 2 S alon : 33,8 m 2 B uanderie : 10 m 2 V estiraire : 4 m 2 B ureau : 6,0 m 2 S uite parentale : 30 m 2

C uisine : 19,5 m 2 S alon enfants : 12,5 m 2 C hambre 1 : 11,4 m 2 C hambre 2 : 11,4 m 2 S alle de bain 1 : 7,4 m 2 C hambre 3 : 13,5 m 2

S alle de bain 2 : 4,2 m 2 TOTAL : 171,2 m 2 + C ave : 25 m 2 + S tudio : 50 m 2 + T errasse : 140 m 2 + G arage : 25 m 2

NIVEAU 0

NIVEAU -1

R atio mur / fenetre : 35 % R atio surface maison / S urface terrasse : 80 % S urfaces T otale / surfaces techniques

: 50 % 147


Étude de cas n°9

LA MAISON D’HÔTES

148


La maison d’hôtes est révélatrice de l’implication de la population dans l’économie touristique. Comme l’ouverture d’un commerce ou d’un restaurant, elle permet à l’habitant de tirer profit des visiteurs saisonniers ; cependant, et à la différence de ces activités, elle intègre ces inconnus dans la vie quotidienne des locaux, au sein même de leur habitat. Nécessitant un minimum d’espace dans le but de préserver une part de l’intimité de la famille qui reçoit, ce type d’habitation se trouve généralement dans les hameaux de la commune, qui permettent un habitat plus épars sur des terrains aux dimensions plus importantes.

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CONTEXTE Il n’est pas rare que ces maisons soient bâties à partir d’un noyau central ancien qui a été agrandi, s’adaptant aux besoins de la famille qui l’habite et de leurs moyens financiers. Celle que nous étudions est située à Palavesa, dans les faibles hauteurs, en contrebas du village de l’Ospedale, construite en 1974 elle a ensuite été agrandie d’une aile contenant une chambre et une salle de bains en 1983, puis de l’aménagement des combles et de la chambre d’hôtes en 2000, cette dernière, enfin, modifiée en 2012. La maison est individuelle, à l’origine isolée sur son terrain de 3500m2, elle a vu son environnement se construire. Ces résidences principales s’organisent autour d’une voie secondaire de desserte, en lien direct avec la route de l’Ospedale.

MORPHOLOGIE Nous pouvons qualifier de “proliférante” l’organisation de cet édifice, caractérisée par un ajout de pièces bout à bout à partir du noyau central. La séparation des flux des loueurs et des locataires, est nettement visible. Les entrées sont situées de part et d’autre de la maison. L’ensemble salon - salle à mangerterrasses se trouve au centre de l’habitation qui accueille quatre personnes à l’année, un couple avec deux enfants répartis dans trois chambres et partageant une salle de bains. Une quatrième chambre, celle de l’aîné aujourd’hui adulte, sert alors de chambre d’amis. La bergerie, un studio indépendant et la chambre d’hôtes permettent 150

d’accueillir huit p e r s o n n e s supplémentaires confortablement avec une cuisine, une salle de bains et un petit salon dans chacun des logements. Le terrain est lui-même organisé autour d’un parking central desservant l’ensemble des logements ainsi que la piscine commune.

DISPOSITIF Les ouvertures sont nombreuses et de moyennes dimensions, parfois en bois, parfois en aluminium elles varient en fonction de la date à laquelle elles ont été installées. La construction est adaptée à la dénivellation du terrain, la partie basse, avec le garage, est totalement enterrée et soutient l’ensemble des parties supérieures. Le rapport avec l’extérieur est restreint malgré les dimensions correctes de la terrasse, parce que les principales ouvertures se trouvent sur la partie en hauteur de la maison, ne permettant pas un rapport visuel constant avec le jardin. Aucune donnée n’empêche la maison d’évoluer, des annexes ainsi que des agrandissements peuvent encore être effectuées.

CONSTRUCTION Le système constructif est basé sur des façades porteuses en parpaing ainsi que des éléments porteurs intermédiaires. La toiture est constituée d’une pannefaîtière principale sur laquelle reposent les lattis et les chevrons. Ce principe permet de dégager suffisamment d’espace pour rendre les combles aménageables.


C hambre 1 : 10,8 m 2 C hambre 2 : 12,2 m 2 C hambre 3 : 18,3 m 2 C uisine : 7 m 2 S alle à manger : 33,15 m 2

S alle de bain : 7,2 m 2 WC : 1,5 m 2 G arde manger : 3,2 m 2 B uanderie : 10 m 2 C hambre 4: 25,5 m 2

S tudio : 34 m 2 TOTAL : 163,2 m 2 + T errasse : 20 m 2 + G arage : 22 m 2

NIVEAU 0

NIVEAU 1

R atio mur / fenetre : 25 % R atio surface maison / S urface terrasse : 12 % S urfaces T otale / surfaces techniques

: 25 % Dessin à la main, relevé effectué in situ.

151


Étude de cas n°10

LA VILLA LOUÉE L’ÉTÉ

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À l’arrivée du tourisme, les locaux propriétaires implantaient sur le terrain de leur habitation des bungalows ou des mobil-homes qu’ils louaient durant l’été. Aujourd’hui, ces bungalows ne reçoivent plus des visiteurs saisonniers, mais les propriétaires eux-mêmes qui louent leur propre maison. Ce type d’habitation se trouve aussi bien dans les hameaux qu’au bord de la mer et concerne une population des classes moyenne à aisée. Ce procédé permet aux propriétaires de vivre dans des maisons au-dessus de leurs moyens neuf mois par an et de la rentabiliser les trois mois restants. 153


CONTEXTE Les constructions se trouvent au centre et sur le pourtour d’un terrain arboré d’un millier de mètres carrés inclus dans un lotissement à l’organisation arborescente. Des murs de différentes natures distinguent chaque parcelle.

MORPHOLOGIE D’une architecture moderne et travaillée avec des matériaux de qualité, l’ensemble de l’habitation est organisée autour de l’espace de jour avec le salon, la salle à manger, le coin cheminée et la terrasse. Les ouvertures sur l’extérieur, la continuité avec le jardin et une protection solaire en sont les composantes principales. Elle permet d’accueillir à l’année une famille de quatre personnes, un couple et deux enfants disposant chacun de leur chambre personnelle. L’été, lors de la location, celle-ci peut accueillir jusqu’à trois couples. Le « bungalow » construit comme logement d’appoint, permet d’accueillir quatre personnes, un couple et deux enfants partageant une même chambre avec un lit superposé. Il offre une salle de bain et une cuisine/salle à manger. L’ensemble des pièces sont placées en longueur et accessibles à partir d’un couloir.

DISPOSITIF L’ouverture sur l’extérieur est importante de par les dimensions des baies qui sont utilisées et la présence fréquente de panneaux fixes qui jouent un rôle uniquement visuel. Ils sont stratégiquement placés pour offrir 154

des percées visuelles sur l’arrière du terrain rocailleux. Certaines ouvertures disposent d’un volet extérieur en bois, rabattable ou coulissant. Le rez-de-chaussée de la maison est en continuité avec le terrain, son implantation et sa hauteur sont pensées pour être intégrées dans les rochers, c’est pour cette raison que la terrasse du salon se trouve légèrement en hauteur du jardin, et nécessite la montée de cinq marches pour y accéder. Sur l’arrière de la maison, les chambres des enfants possèdent des ouvertures de plain-pied avec le jardin, leur permettant un accès direct à l’extérieur. L’habitation est située à une courte distance de la déviation, l’un des principaux axes de la ville de Porto-Vecchio et aussi l’un des plus fréquemment engorgé lors de la saison estivale, cependant elle n’en ressent aucun effet. La possibilité de passer par une route secondaire et un chemin tertiaire isole la maison de l’activité de la ville. La taille importante du terrain offre de grandes opportunités d’évolution, comme le montrent l’installation de la piscine avec sa douche extérieure et son pool house ainsi que la construction de la maisonnette.

CONSTRUCTION Le système constructif est basé sur le principe simple murs porteurs et dalles en béton armé sur une trame maximum de trois mètres. Les façades ainsi que des éléments intermédiaires sont porteurs. Les menuiseries sont en alminium, le sol est en béton ciré bois brut. Les murs de façade sont en crépis lisse au grain fin de couleur grise.


E ntrée : 4 m 2 V estiaire : 6 m 2 S alon /S alle à manger : 47 m 2 C uisine : 16 m 2 R éserve : 7,5 m 2

C hambre 1 : 12 m 2 C hambre 2 : 12 m 2 S alle de bain /WC : 6 m 2 S uite parentale : 35 m 2

T otal : 145,5 m 2 +P iscine +P ool H ouse : 20 m 2 + B ungalow : 50 m 2

NIVEAU 0

NIVEAU 1

R atio mur / fenetre : 29 % R atio surface maison / S urface terrasse : 12 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 25 %

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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Étude de cas n°11

L’IMMEUBLE D’HABITATION COLLECTIF

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Depuis le début des années 2010, la ville de Porto-Vecchio voit se construire un nombre important d’immeubles de logements collectifs. Ils sont généralement situés dans la périphérie proche du centre ville historique à proximité des principaux axes routiers menant au centre économique. Ces immeubles sont destinés à plusieurs types de personnes : les locaux, dans le but de faire face à la croissance démographique toujours en augmentation ou dans une optique de rentabilité pour louer à la saison ou à l’année, et les personnes extérieures qui souhaiteraient investir dans un logement secondaire pour leurs propres vacances, ou pour louer.

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CONTEXTE

DISPOSITIF

Ces édifices sont construits sur des terrains vierges, généralement hors d’un contexte urbanisé. Leurs typologies sont alors celles d’immeubles isolés. Il peut s’agir d’un bâtiment indépendant ou d’un ensemble de plusieurs édifices reliés par une distribution collective constituée de parkings et zones piétonnes, parfois avec des jardins, terrasses et piscines collectives. Le bâtiment que nous relevons ici se trouve a l’entrée du centre ville historique, terminé en 2013 il n’accueille que des Porto-Vecchiais dans ses huit appartements aux typologies variées. Constitués de : deux T3, cinq T2 et d’un T4 en duplex au dernier étage.

Les dimensions et la disposition des baies vitrées sont révélatrices de l’importance du contact avec l’extérieur. Les quatre baies vitrées offrent un accès direct au jardin ou à la terrasse, à partir de la chambre ou des pièces de vie. Un panneau fixe vient apporter de la lumière au couloir, avec une vue sur le jardin. L’appartement est bien isolé du contexte routier dans lequel il se trouve, l’architecture de la terrasse en débord et la végétation placée autour du jardinet permettent de n’avoir aucun contact visuel direct sur les voies de circulation. Les rues environnantes sont peu fréquentées, passantes pendant la période saisonnière. L’édifice s’ancre dans un terrain peu large et pentu. Le dénivelé accueille le parking, et l’entrée piétonne se trouve dans la partie haute. Les façades percées sont orientées est/ouest pour permettre aux appartements d’être traversants. Les terrasses sont situées à l’est pour bénéficier de la lumière du matin, ainsi

MORPHOLOGIE L’ensemble du bâtiment est équipé pour pouvoir accueillir les personnes à mobilité réduite, aussi les logements possèdent un système de domotique personnalisable indépendamment par chacun des propriétaires. La configuration de la construction offre une place importante à la lumière naturelle ainsi qu’à l’espace extérieur. Les pièces de vie : salon, salle à manger et cuisine sont traversantes. Le logement est confortable pour être habité à l’année par une famille composée d’un couple avec un enfant, car il y a deux chambres séparées. Il est actuellement louée à la saison pour un maximum de six personnes, deux par chambre double et la possibilité d’accueillir deux personnes en plus dans le canapé du salon.

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que d’une vue plus dégagée. L’appartement offre peu de possibilité d’évolution.

CONSTRUCTION L’ensemble du bâtiment est construit en maçonnerie avec les murs périphériques porteurs et un système de poteaux dissimulé au sein même des appartements. Les matériaux employés sont sobres, l’intérieur est en Placoplatre peint en blanc, le sol est un carrelage gris foncé, les menuiseries sont en aluminium et les volets éléctriques.


C hambre 1 : 10,4 m 2 + salle de bain : 1,8 m 2 C hambre 2 : 10,8 m 2 S alle de bain : 5 m 2 S alon : 42,6 m 2

TOTAL : 70,60 m 2 + T errasse : 20 m 2 + J ardin : 34,3 m 2

NIVEAU 0

R atio mur / fenetre : 18 % R atio surface maison / S urface terrasse : 28 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 4 % Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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Étude de cas n°12

LES LOGEMENTS SOCIAUX

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Outre les immeubles d’habitation collectif, la ville de Porto-Vecchio voit se construire des logements sociaux à loyer modérés (HLM). Une partie prend place à proximité directe du centre ville historique, accessible par les grands axes routiers, et offrant la possibilité à ses habitants de pouvoir effectuer une partie de ses déplacements à pied.

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CONTEXTE Le complexe de logements que nous étudions a été livré en 2013. Les bâtiments sont construits sur un terrain vierge et plat, l’organisation mise en place ne correspond ni à un front de rue, ni au tissus urbain existant. Il se compose de trois édifices répartis en périphérie de la parcelle, le parking est l’élément central de la construction. Deux des édifices sont consacrés aux logements sociaux, le troisième est privé. La mairie a installé une partie de ses locaux au rezde-chaussée.

MORPHOLOGIE Ces trois bâtiments sont construits sur quatre niveaux, ils disposent tous de balcons d’environ 5m2 orientés OuestEst. La répartition des pièces est organisée autour d’un système de distribution central, un couloir. Les proportions sont justes et optimisées, elles offrent un cadre de vie confortable. Les pièces et leurs différentes fonctions sont clairement séparées par des cloisons et des portes. Ce logement est conçu pour recevoir une famille de quatre personnes, un couple de parents et deux enfants.

DISPOSITIF L’appartement est mono-orienté, ne présentant qu’une façade ouverte sur l’extérieur, dans ce cas précis elle se trouve à l’est. L’appartement comporte six ouvertures, une dans chaque chambre et deux dans le salon. Le rapport à l’extérieur est restreint, 162

les dimensions des baies n’offrant pas beaucoup de points de vue sur l’extérieur si l’on ne se trouve pas accoudé à la fenêtre. Seul l’ensemble balcon/baie vitrée offre une vision dégagée sur le contexte. Malgré sa position proche de la route celle-ci ne pose pas de problème de nuisance sonore ou visuelle car elle est située en contrebas. Le logement n’est pas adaptable et ne peut être réellement modifié car le contrat signé dans le cadre d’une location d’habitation à loyer modéré ne le permet pas. Chaque bâtiment possède un ascenseur et est adapté pour l’accueil des personnes à mobilité réduite. L’entrée est régie par un digicode et par un système de visio-contrôle dans chaque appartement. Les habitants possèdent une place de parking et peuvent faire une demande pour obtenir une des caves disponibles en rez-de-chaussée. Aucun local poubelle ou local vélo n’est disponible.

CONSTRUCTION L’ensemble du bâtiment est construit à partir d’un système murs porteurs/ dalles en béton armé, basé sur une trame de 6.50 mètres et resserrée au niveau de la circulation. L’ascenseur et les escaliers formant le noyau nécessaire au contreventement. Les matériaux qui constituent le logement sont : du linoleum imitation bois sur le sol, des murs en crépis blanc et du carrelage dans la cuisine et la salle de bain. Les menuiseries sont en PVC blanc, avec des volets roulants à fermeture manuelle.


C hambre 1 : 11,2 m 2 C hambre 2 : 9,45 m 2 C hambre 3 : 12,25 m 2 S alon / salle à manger : 33,2 m 2 S alle de bain : 4.8 m 2

C ouloir : 8,3 m 2 WC : 2.7 m 2 TOTAL : 81 m 2 + terrasse : 5 m 2

NIVEAU 0

R atio mur / fenetre : 9,5 % R atio surface maison / S urface terrasse : 6 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 3 %

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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Étude de cas n°13

LE REINVESTISSEMENT DE LA VIEILLE VILLE

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Les années 2010 marquent le début d’une dynamique de reconquête de l’habitat du centre ville historique par la population permanente. Que ce soit dans un but locatif saisonnier ou pour se loger à l’année. On ne peut pas encore parler de gentrification car l’ambiance du lieu change peu. Il s’agit surtout d’un début de volonté de revalorisation des biens historiques, nouvellement acquis ou fruit d’une transmission familiale.

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CONTEXTE

DISPOSITIF

L’appartement se trouve dans le centre ville historique, A l’interieur même de ce qui constituait les anciens remparts de la citadelle. Une façade donne sur la rue Borgo appartenant historiquement à la voie circulaire qui fait le tour de la ville, et l’autre offre un point de vue dégagée sur le quartier de la Marine et le port.

L’appartement est traversant avec une façade largement ouverte sur la plaine, un bandeau vitré de cinq mètres. Même si l’accès se fait depuis la rue, cette proximité ne donne pas lieu à d’importantes nuisances même en plein été, car le double vitrage ainsi que les étages qui séparent l’appartement de la chaussée font office de filtres. La grande terrasse permet l’établissement d’un rapport très important avec l’extérieur, renforcé par la présence du bassin. L’habitation dispose donc des avantages de se trouver en centre ville, avec une qualité de vie proche de celle d’une maison. La construction offre peu de possibilités d’adaptation et d’évolutivité, sauf l’éventuaité de monter un ou des étages supplémentaires.

MORPHOLOGIE L’entrée se fait par la rue, après le passage de la porte on accède directement à l’escalier menant au logement. Rénové depuis peu il répond aux exigences d’une façon de vivre actuelle, avec notamment une grande importance accordée à la luminosité. Les grandes fenêtres et le solarium donnent l’impression de ne pas être en pleine ville. Loué à la saison à des familles de quatre personnes il dispose de deux chambres, avec une salle de bain. Le salon / salle à manger / cuisine est la pièce centrale. La distribution s’effectue principalement à proximité de l’escalier. On peut accéder de la rue à la toiture sans avoir à entrer dans l’intimité de l’habitation. Les dimensions des lieux de vie quotidienne sont optimisées tandis que la terrasse offre un large espace de détente, pouvant se transformer en lieu de reception grâce à sa grande table et sa cuisine extérieure. La surface liée aux loisirs est égale à celle liée à la vie quotidienne répondant parfaitement aux besoins de s vacanciers locataires.

166

CONSTRUCTION Le projet a été dessiné pour venir s’ancrer dans le contexte des bâtiments historiques existants. L’extension reprend exactement le même matériau de façade, la pierre (granit). L’intérieur de différencie avec l’utilisation d’un parement bois sur une majorité des murs. Structurellement, l’installation reprend les techniques pré-existantes suivant un système de dalles et murs porteurs en pierres. La toiture est l’élément qui fait la différence avec les maisons envirronantes, en effet, la toiture-terrasse vien contraster avec les structures en charpente bois.


C hambre 1 : 15 m 2 C hambre 2 : 15,22 m 2 P ièce de vie : 34,10 m 2 S alle de bain : 6,2 m 2 D égagement : 9,4 m 2

TOTAL : 80 m 2 + terrasse : 64 m 2

NIVEAU 0

NIVEAU 1

R atio mur / fenetre : 26 % R atio surface maison / S urface terrasse : 80 % S urfaces T otale / surfaces techniques : 2,5 %

Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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Étude de cas n°14

L’HABITAT INFORMEL

168


Cette urbanisation, ainsi que la flambée des prix donnent lieu au développement d’un habitat informel. Occupés à l’année par des familles émigrées dont le père travaille généralement en tant qu’ouvrier, ou bien de façon ponctuelle par des saisonniers travaillant dans des petits commerces, des restaurants ou en hotellerie. Ces logements appartiennent ou sont loués par les patrons eux-mêmes qui les mettent à disposition des employés, moyennant parfois un loyer.

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CONTEXTE

DISPOSITIF

Cette forme d’habitat se trouve dans

Les

ouvertures

sont

de

petites

l’ensemble de la commune, parfois

dimensions, et placées pour garantir un

individuel, parfois groupé avec d’autres

ensoleillement naturel à l’intérieur de

logements du même type. Les mobil-

chacune des pièces.

homes sont installés un peu partout,

Le mobil-home est généralement

généralement derrière les entreprises à

surrélevé par rapport au niveau du terrain,

qui ils appartiennent et à proximité du

placé sur quelques parpaings pour laisser

centre ville économique pour que les

circuler l’air en sous-face, et éviter ainsi

habitants puissent effectuer des trajets à

les infiltrations et la dégradation précoce

pied.

des matériaux. Cette séparation du sol

Historiquement

cette

typologie

met en place une limite, autre que celle

apparaît pendant les années 1960, lors

de la porte d’entrée, entre l’extérieur et

de l’arrivée des nouvelles populations

l’intérieur du logement.

attirées par le travail nouvellement

La

construction

offre

peu

de

possibilités d’adaptation de par son statut

disponible.

de prêt ou locatif. Il peut cependant être associé à des éléments annexes, tels qu’un

MORPHOLOGIE Le principe est de fournir un logement

coin cuisine ou un salon extérieur.

peu coûteux à une main d’oeuvre elle aussi peu chère. Les questions de confort et de salubrité sont souvent sous-estimées.

CONSTRUCTION D’un point de vue constructif, ces

La quantité de personnes vivant

habitations ont construites à la chaîne

dans le bungalow dépend de la situation

dans des usines, leurs dimensions sont

familiale du travailleur, celui-ci peut être

pensées pour être transportable sur les

seul, accompagné d’un autre travailleur,

routes sans que cela ne necessite de

dans ce cas ils occupent chacun une

convoi exceptionnel.

chambre, ou avec sa famille. Chaque

espace

a

une

La structure est métalique, les murs fonction

et les cloisons sont en plastique. Une

determinée, il y a le lieu de vie qui sert

fine couche d’isolation est placée dans

aussu de distribution centrale, les lieux

les façades. Étant normalement conçus

de toilette et les espaces de nuit. Le

pour un usage estival, le réchauffement

temps étant clément dans la région, les

des lieux se fait par l’intermédiaire d’un

abords de la construction sont souvent

chauffage d’appoint.

aménagés, avec un barbecue, une table, des chaises et parfois des jeux pour les enfants.

170


C hambre 1 : 5 m 2 C hambre 2 : 4,5 m 2 P ièce de vie : 10 m 2 S alle de bain : 2,5 m 2 WC : 1 m 2

TOTAL : 23 m 2

R atio mur / fenetre : 10 % Dessin à la main, relevé effectué in situ.

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CONCLUSION

172


Comment l’histoire d’une ville et les événements qui la composent peuvent-ils influencer l’habitat ? Quelles peuventêtre les réponses architecturales d’une population face au contexte socio-économique dans lequel elle se trouve ? Depuis longtemps j’avais envie d’écrire sur le peuple corse et sur la ville de Porto-Vecchio. Mettre en relation une histoire particulière et récente avec les gens qui la vivent ainsi que leurs maisons semblait une approche intéressante. Faire ressortir les liens qui existent entre les hommes et leur habitat permet d’appréhender d’une manière différente le métier d’architecte. Les enquêtes de terrain sont prioritaires dans ce travail, pour plusieurs raisons : un manque d’écrits sur le sujet, ainsi que de nombreuses opportunités de rencontres et de visites sur place. Un séjour de deux mois in situ a donc été nécessaire à la bonne élaboration de ce document.

173


L’ensemble de la réflexion nous conduit à affirmer qu’il existe des liens étroits entre le contexte socio-économique et l’habitat, l’élément clef servant de transition entre les deux domaines étant l’homme. Il est donc possible de comprendre une façon d’habiter en étudiant l’histoire, et vice-versa. Un habitat est capable de nous renseigner sur l’incidence de faits historiques sur une population. Des murs épais, fabriqués à partir de la pierre locale judicieusement empilée, parfois jointés avec de la terre, perméables aux vents et s’adaptant au relief que l’on peut parfois lire à l’intérieur même des caseddi. Parfois un percement de petite taille qui sert de fenêtre, un volet et une porte en bois. Une toiture légère, en bois, avec du liège, de la mousse, des algues et des poids pour retenir l’ensemble. Un habitat temporaire, pour des agriculteurs ou éleveurs nomades et leur petite famille. Une économie basée sur le troc dans une grande pauvreté. Toujours des murs épais, des pierres taillées pour les plus riches, grossières pour les autres, des joints de terre ou de mortier. Les ouvertures sont de faibles dimensions pour garder la fraîcheur l’été et la chaleur l’hiver. Géographiquement placée dans les hauteurs, la maison traditionnelle corse peut être groupée, isolée et même entourée d’une citadelle. Elle est toute en hauteur, comptant jusqu’à quatre niveaux. Au rezde-chaussée on trouve le bétail et les outils nécessaires aux travaux pour des gens qui vivent encore du travail de leurs mains. L’entrée se fait à l’étage, question d’intimité familiale et d’hygiène. On y trouve une pièce principale dans laquelle les hommes, travailleurs se réunissent, parfois aussi la famille, et une pièce avec le feu dans laquelle les femmes font la cuisine, pour une société nettement genrée. Après la seconde guerre mondiale le paludisme est éradiqué, la population redécouvre la mer et s’installe à proximité, dans la partie basse de la ville. Les premières résidences, sur le littoral, ont des murs épais, sont peu isolées et présentent de grandes ouvertures sur la Méditerranée.

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Construites par les grands propriétaires terriens, elles perdent certaines caractéristiques de l’habitat traditionnel ; si l’entrée peut continuer de se faire à l’étage, c’est maintenant pour aménager des chambres au niveau le plus bas. Un coin pour se regrouper autour d’une cheminée à l’intérieur, et un autre sur la terrasse. Arrivent les premières salles de bains. De nouveau salubre, la ville voit ses anciens revenir, une population qui a souhaité s’installer “à la ville” sur le continent. Et qui fait l’acquisition d’une maisonnette pour revenir passer quelques temps dans la région d’origine. La construction est sommaire, des murs en briquette enduite, les percements sont standards. La maison sera agrandie au fur et à mesure des années. La bergerie présente sur le terrain est aussi aménagée en tant qu’atelier/bureau, pour l’homme, toujours travailleur. Une population insulaire est intéressée par la nouvelle salubrité de la ville de Porto-Vecchio, et souhaite y habiter. Parallèlement, dans une dynamique visant à améliorer la qualité de vie des habitants, la municipalité lance une campagne de logements sociaux. A mi-chemin entre le centre historique et la Marine, ils sont largement ouverts sur l’extérieur avec des balcons et de larges surfaces vitrées, tout le nécessaire de confort est inclus, notamment les cuisines et salles de bains avec l’eau courante.

Les années 1970 marquent le début de la croissance de la population, le prix des terres en bord de mer augmente lentement, les plages étant de plus en plus attractives. La population permanente investit dans des terres en retrait de la côte, souvent anciennement agricoles. L’habitat individuel domine, des maisonnettes à étage sur des terrains d’environ 500 mètres carrés. L’ensemble est organisé autour d’une desserte principale qui sert aussi d’espace de rencontre. Les dimensions, sans être standard sont optimisées et confortables pour des familles. Des baies vitrées établissent un lien entre les pièces communes et le jardin, une terrasse avec un coin repas ombragé est pensée dès l’origine.

175


Les Porto-Vecchiais fortement ancrés dans une culture montagnarde gardent généralement un pied-à-terre “au village” pour fuir de temps à autre la chaleur et l’ambiance touristique du littoral. Les maisons de montagne sont divisées en appartements, et ceux-ci sont aménagés confortablement, avec l’ajout de pièces d’eau, parfois effectuées grâce à la couverture des balcons. Des maisons de standing, aux dimensions importantes, entourées de jardins luxuriants et de piscines à débordement envahissent le littoral. Issues de l’imagination d’architectes parfois renommés, elles sont constituées de matériaux de grande qualité et largement ouvertes vers la mer. Habitées ponctuellement, ces villas secondaires de luxe appartiennent à une population aisée qui s’intéresse largement aux paysages de l’île de beauté. Le tourisme qui est maintenant la base de l’économie Porto-Vecchiaise s’insère doucement dans les maisons des habitants permanents. Que ce soit une maison de famille agrandie au fil du temps et adaptée à la fonction de maison d’hôtes ou une villa d’architecte flambant neuve occupée la moitié du temps par ses propriétaires et l’autre moitié par des locataires à la semaine, toutes deux comportent des piscines et de larges terrasses, dont les propriétaires ne jouissent pas pleinement chaque été. Une quantité importante d’immeubles d’habitations, privés et HLM ont investi la commune pour répondre à une demande locale annuelle importante. Des édifices généralement proches du centre-ville, totalement standardisés, avec des ouvertures importantes sur des balcons ou des terrasses de dimensions respectables. Une bonne isolation, une offre importante de parkings, mais cette densification va parfois au détriment de l’intégration dans le contexte. Le centre ville historique voit ses anciens habitants revenir, et ses maisons se rénover. L’augmentation du prix des terrains et une volonté de mise en valeur du patrimoine induisent une dynamique de repeuplement de la ville haute pour y résider à l’année.

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Les inégalités sociales sont renforcées par la crise économique de 2008, des bungalows et des caravanes servent à loger les travailleurs souvent immigrés et sans papiers. Ces habitations sont réparties de façon ponctuelle dans la ville, souvent dissimulées derrière les entreprises qui emploient ces personnes.

Par conséquent les réponses possibles d’un habitat à son contexte socio-économique sont diverses et variées. Les dimensions des fenêtres, les espaces extérieurs, l’intégration de l’économie touristique dans les maisons, le rôle de la femme dans le foyer, sont autant de données qui ont un impact direct sur l’architecture des habitations. De plus, ce sont les typologies les plus produites au sein de chaque époque qui donnent une indication claire des niveaux de vie, moyens financiers, et centres d’intérêt des habitants. En étudiant leurs maisons, nous comprenons le rapport qu’entretiennent les Porto-Vecchiais avec leur ville et la manière dont elle fonctionne. Cela permet de faire ressortir une des caractéristiques de la population qui est : son absence d’ancrage dans une dynamique durable, car suivant perpetuellement des cycles imposés par différents facteurs tout au long de l’histoire et aujourd’hui par sa situation saisonnière de cité balnéaire. C’est une logique de subsistance* visant à profiter des bénéfices financiers de l’instant, de mise en sécurité de soimême et des siens qui se ressent particulièrement, au détriment d’une pensée commune et de l’établissement d’un projet sur le long terme qui s’impose alors. Le profit d’une manne financière importante est présente sur une courte durée. Cette logique individuelle est renforcée par la forte sectorisation des classes sociales et du manque d’espaces publics, ramenant clairement à l’idée du “chacun chez soi”. Par conséquent, l’analyse de l’habitat nous mène à comprendre l’urbanisme à l’échelle de la ville. Ainsi, les pratiques profondément ancrées dans les moeurs influencent l’urbanisme d’une commune entière. *Subsistance : terme qualifiant une peur du manque et une tendance à l’économie de moyens pour répondre à des besoins.

177


Cet ensemble d’informations invalide en partie notre hypothèse de départ suivant laquelle les trois domaines que sont l’architecture, l’urbanisme et l’histoire avancent de façon systématiquement parallèle et synchronisée. Selon le principe de causalité. Or celui-ci n’est ni évident, ni systématique. S’il est possible qu’il soit valable pour d’autres ville, il ne l’est pas pour Porto-Vecchio. En effet, nous constatons l’existence d’un décalage temporel entre l’histoire et l’urbanisme qui n’est pas seulement dû à la lenteur du processus de fabrique de la ville, mais surtout induite par une mentalité locale basée sur la subsistance. L’évolution de Porto-Vecchio suit encore aujourd’hui cette logique qui était d’usage lorsque la commune était plongée dans une grande pauvreté, parfois dans la famine. Elle répond aux demandes de la population à posteriori et en ne la satisfaisant qu’au minimum, comme s’il s’agissait de faire des économies ou de vivre sur des réserves. Menant à l’idée qu’actuellement l’inconscient collectif, qui a une influence directe sur l’urbanisme, est toujours ancré dans une logique équivalente à celle de la fin des années 1950. Le lien entre l’histoire et l’habitat est bien plus direct car il ne dépend que de la volonté des habitats de suivre les dynamiques du moment. Cependant, ils demeurent dans une mouvance particulière face à l’économie, comme nous le constatons au fil des études de cas, en voyant la maison devenir un outil vecteur de revenus financiers.

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ET DEMAIN ? Nous pouvons déduire de l’ensemble des recherches, ainsi que d’un ressenti in situ, que depuis moins de cinq ans, la commune se trouve à un moment charnière de son développement. Un urbanisme et un mode de vie qui arrivent à un moment critique dû au décalage existant entre les besoins de la population et les réponses qui y sont apportées, instaurant un malaise qui se ressent dans la population ainsi que dans le milieu politique. Certaines remises en questions portant sur des principes fondateurs de la société Porto-Vecchiaise. Les dernières élections régionales avec la victoire d’une nouvelle génération de politiciens est revelatrice d’un mouvement global de l’île de beauté vers une dynamique différente. S’ancrer dans un projet urbain pérenne à l’échelle de la commune et de la quantité de personnes qu’elle brasse durant la saison estivale devient grandement nécessaire, pour des questions de confort et de sécurité. Le fonctionnement d’un village en partie nomade de quelques milliers d’habitants n’est plus adapté à une cité balnéaire d’envergure internationale. Pour accueillir de plus en plus de monde, et espérer inscrire la commune durablement dans une perspective d’avenir il serait interressant de recourir à un PLU adapté, qui permettrait entre autres de donner de l’homogeneité à la ville, de résoudre certains soucis d’indivision, favoriser la mixité sociale et préserver le paysage naturel. Pour protéger et sauver le patrimoine naturel corse, qui est une denrée de plus en plus rare, je pense qu’il serait intéressant d’axer l’économie touristique vers des modes de consommer plus proches de la nature évitant de tomber dans une industrie du luxe telle que nous pouvons la connaître, mais privilégiant plutôt une valorisation et un respect des patrimoines, naturel, culturel et bâti, avec une mise en avant des savoir faire locaux. Et dans le contexte actuel de la COP 21, et au vu du caractère insulaire de la région, imaginer une autonomisation de l’île en matière d’énergies et de production.

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BIBLIOGRAPHIE

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LIVRES ET DOCUMENTATIONS

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Corse, pays de mon enfance Marie-Antoinette Quilici, Ed. La pensée universelle 1977

La Corse, histoire d’une insularité Recueil d’articles tirés du Quotidien Le Monde, Éd. Flammarion

La construction paysagère d’une identité territoriale Roland Vidal, Thèse de doctorat en sciences de l’environnement, Paris Mars 2003.

L’architecture rurale française, corpus des genres, des types et des variantes : La Corse Henri Raulin & Georges Ravis-Giordani, Ed. Berger-Levrault 1978

Le bonheur Guy de maupassant,nouvelle parue dans le Gaulois, le 16 mars 1884.

Les genres de vie en Corse et leur évolution Raoul Blanchard, Bulletin de la société des sciences naturelles et historiques de la Corse 1915

Les vacances des Français depuis 40 ans (entre 1964 et 2004) Laurence Dauphin, Marie-Anne Le Garrec et Frédéric Tardieu pour Le tourisme en France édition 2008

Maisons de Corse Annick Stein, Ed. Paysage habité Hazan 2001

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Milieu et Techniques André Leroi-Gourhan, Ed. Albin Michel 1945

Naissance d’une cité, Porto-Vecchio Antoine-Marie Graziani, Ed. Alain Piazzola 2014

Porto Neo Fascicule présentant le projet d’extension du port de plaisance de PortoVecchio, 2013

Porto-Vecchio d’hier à Aujourd’hui Dr Simon Grimaldi, Ed. A Stamperia, 2014

Porto-Vecchio et sa région Microrégions de Corse Collectivité Territoriale de Corse 1995

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Rapport d’étude relatif à l’impact du coût du transport maritime sur la formation des prix en Corse. Marc Simeoni Consulting et ECOPA pour l’office des transports de Corse Janvier 2008.

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St-Malo-Paramé, urbanisme et architecture balnéaires 1840/1940 Gaëlle Delignon, Ed. Université Rennes 2 1999

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Qu’est-ce qu’habiter ? Bernard Salignon, Ed. de la Villette

Répertoire géographique des communes, Institut national de l’information géographique et forestière, 2014

Villégiatures et tourisme sur les côtes de France Louis Burnet, Ed. Hachette « Bibliothèque des guides bleus »

FILMOGRAPHIE

Les enfants d’Aléria

De Jean-Michel Vecchiet et Marie Ange Poyet pour The Factory Production et France 3, 1999

I Sgiò di a Rocca

De Vannina Marchi van Cauwelaert et Ghjacumu Thiers pour la Médiathèque Culturelle de la Corse et des Corses

ICONOGRAPHIE

la corsicatheque Mapstack Delcampe.net ECPAD Charly Picchiochi, Photographe amateur Philippe Poitevin, Photographe amateur L’association Porto-Vecchio di Tandu 183


SITES INTERNETS

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http://www.herodote.org, Revue de géographie et de géopolitique en ligne Numéro 127 du quatrième trimestre 2007,

INSEE Legifrance.gouv.fr Porto-vecchio.fr Encyclopédie Larousse en Ligne Géoportail Les archives municipales lemonde.fr http://verges.jeanmarie.free.fr/ Blog sur l’architecture féodale

http://www.filitosa.fr/architectures/ Sur le domaine historique de Filitosa

http://www.frenchmomentsblog.com Sur l’urbanisme des stations balnéaires en France

http://www.plages.tv/station-balneaire/ Cartes des plages de la commune

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ANNEXES

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COMPTES RENDUS D’ENTRETIENS JOSÉ ALESSANDRI, HISTORIEN

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JULIA SAULI-SUSINI ET GEROMA HERPIN-SUSINI, RETRAITÉES

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DOMINIQUE VERDONI, PROFESSEUR EN LANGUE ET CULTURE RÉGIONALE À L’UNIVERSITÉ PASQUALE PAOLI (CORTE)

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PROJET FASCICULE PORTO-NEO, UN NOUVEAU PORT POUR PORTO-VECCHIO

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ARTICLES CORSE : LA MORT DU «RENARD», LE CLAN ROCCA SERRA A PERDU SON CHEF libération 7 avril 1998, F ranck J ohannes

196

CORSE : JACOBINS, NE TUEZ PAS LA PAIX ! par M ichel R ocard - député européen , ancien premier ministre R ubrique “H orizon ” le M onde - 31 août 2000

200

ARRÊTÉ MIOT, VOILÀ LE TABLEAU ! J ean M oretti pour le supplement immobilier du C orse M atin

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COMPTE RENDU D’ENTRETIEN JOSÉ ALESSANDRI, HISTORIEN La différence entre la Corse et le continent c’est que là-bas ils s’appuient sur leur patrimoine bâti alors qu’ici on l’efface.

AVANT 1945 La ville de Porto-Vecchio a été construite ex nihilo au 16e siècle puis démolie 2-3 fois. Beaucoup d’insécurité et trop de travail (bâtisseurs, cultivateurs et gardiens). Il n’y a pas de présence pérenne avant un certain moment, et aucune volonté de s’implanter en dehors des murs de fortification. Il n’y a pas de maisons fortes à Porto-Vecchio car la ville est protégée des éventuels assaillants par les murs de la citadelle.

L a bergerie Elle est ancrée dans un mode de vie de famille ainsi que dans un système économique basé sur l ‘échange. Son nombre sur le territoire Corse est très important. Le sol est en terre battue, il n’y a pas de vitres, un simple volet joue le rôle de fermeture, les courants d’airs sont importants à l’intérieur. Constituée d’une seule pièce, la toilette avait lieu à l’extérieur. Il y avait un foyer à l’intérieur, un âtre central ou une cheminée pour les plus riches. Les rochers du contexte sont intégrés à l’intérieur même des murs porteurs. Les tuiles n’étant pas courantes la toiture est réalisée en bardeaux de bois. Certaines bergeries précaires étaient abandonnées d’une année sur l’autre, les bergers n’étant pas propriétaires des terres il existait deux sortes de dédommagement pour la location : - l’erbaticu : une redevance fixe - le terraticu : la moitié des récoltes est reversée pour loyer Et les baux n’étaient pas forcément reconduits. Les murs qui délimitent la parcelle servent à couper du vent, à marquer une limite et à dégager le terrain de ses pierres parasites. Ces délimitations ne correspondent pas forcement à un éventuel cadastre.

L e travail Certaines personnes vendaient leurs services au jour le jour, dans de multiples domaines.

L a médecine La médecine était peu courante avant a guerre, ils prescrivaient des potions à 188


faire fabriquer à la pharmacie alors plus proche de l’apothicaire. La consommation de viande est peu fréquente, quand une bête était tuée il fallait la vendre rapidement ou la consommer car les chairs ne se conservaient pas. Pour des raisons de conservation, la charcuterie est élaborée l’hiver.

L a T ranshumance Les génois effectuaient déjà ce voyage, ce qui a engagé une mise en valeur des terres d’altitude. Les riches faisaient le chemin en charrette avec une partie de leurs biens mobiliers et de la charcuterie quant les pauvres louaient une mule et montaient les mains vides. Avec l’apparition des voitures le voyage se fait de plus en plus vite et on pouvait louer des camionnettes à charger.

L a maison corse La maison de la haute ville suit un alignement en front de rue, au contraire des maisons de hameau ou de montagne. Les portes sont surélevées dans un but de protection, il n’y a peu ou pas d’ouvertures au niveau du sol. Les maisons traditionnelles augmentent en fonction de l’agrandissement de la famille en hauteur ou en longueur suivant le milieu dans lequel elle se trouve. La beauté des pierres de façade dépend des moyens financiers du propriétaire. L’habitat qui est parvenu jusqu’à nous etait de bonne qualité constructive, avec : des pierres jointives, un appareillage d’angle soigné car c’est ce qui tien la maison. Les personnes les plus pauvres vivent dans des maisons qui sont aujourd’hui disparues, en toit de chaume ou bardeaux, avec des pierres grossières.

ANNÉES 1950 La nature étaient encore la composante principale du paysage Porto-Vecchiais.

ANNÉES 1960 Déclic avec la construction des HLM de la Marine et la destruction de l’ancienne gare.

T ourisme Construction des premiers hôtels et campings, apparition des premières résidences secondaires (Marina di Fiori) sur la route de l’ancienne voie ferrée.

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COMPTE RENDU D’ENTRETIEN JULIA SAULI-SUSINI & GEROMA HERPIN-SUSINI, RETRAITÉES LA GUERRE Usage du troc récurrent, les riches ont donc peu d’argent, mais beaucoup de biens. Pendant la seconde guerre mondiale on se cache dans les grottes en forêt pendant que les avions passent. Des Maquisards sont des Corses cachés dans la forêt et qui tuent les Allemands. Forte présence d’allemands et d’italiens dans le village de l’Ospedale. Les Italiens aussi appelés « chemises noires » ont peu de respect pour la population, ils instaurent un couvre de feu à 21h (« sparamo ») durant toute l’occupation il n’y a pas une lumière.

PALUDISME Maladie qui fonctionne en crises de grosses fièvres, pour se soigner on descend faire la queue au dispensaire sur la Marine pour chercher sa dose de Crinacrine. Après la libération, les avions américains passent sur les étangs, particulièrement à Golfo di Sogno, dans le but d’éradiquer le paludisme. Après ça, la population continue de monter en montagne chaque été de la Saint-Jean (Bénédiction de la mer, qui autorise la baignade) à mi-Octobre et mène sa vie « comme avant » dans un esprit protecteur et traditionnel. Un autobus fait alors l’aller-retour.

CROISSANCE Jean-Paul de Rocca Serra, maire de la commune à l’époque, fait construire des routes, et lance l’édification au bord de la mer à la disparition du paludisme. Les terrains sur la plage appartenant aux femmes prennent alors de la valeur, et les familles se les repartagent. L’eau apparaît dans les maisons aux alentours de 1956. La population qui a longtemps vécu dans la pauvreté est contente de voir l’argent arriver pour élever un peu leur qualité de vie, c’était simple. Le développement du plastique provoque la chute du liège et de l’économie locale, et des querelles de famille stoppe l’activité des marais salants.

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LES NOUVELLES POPULATIONS Les Sardes et les Italiens viennent travailler en tant que maçons ou exploitants de bois/charbon. Les mauvais souvenirs de la guerre et des « chemises noires » rend la population hostile à leur arrivée. Les Pieds noirs plantent de la vigne et des clémentines. Ces populations ont accès à la terre à des tarifs réduits.

LA NATIONALISME Affaire des boues rouges et de la cave d’Aleria.

LE TOURISME Ce sont en partie les cartes postales envoyées depuis le club Polynésie fraichement ouvert qui garantissent la promotion de la ville de Porto-Vecchio sur le continent et à l’étranger. Avec un mauvais restaurant, ce club de vacances fait, malgré lui, la promotion des commerces du centre ville. Plus tard viendra le club méditerranée et le club naturiste de la Chiappa, et l’arrivée du tourisme allemand. La route de Palombaggia est construite aux environs de 1955, ce qui ouvre le champ à la construction de cette partie de la ville. Ce sont principalement des familles travaillant dans les hauts postes de l’industrie du textile du Nord de la France, anciens campeurs dans les environs qui font construire les premières résidences secondaires. Les résidences secondaires les plus luxueuses se trouvant alors dans le domaine de Cala Rossa.

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COMPTE RENDU D’ENTRETIEN DOMINIQUE VERDONI, PROFESSEUR EN LANGUE ET

CULTURE RÉGIONALE À L’UNIVERSITÉ PASQUALE PAOLI

HISTOIRE De par son histoire, la population Porto-Vecchiaise est issue des Génois. Qui ont implanté la Coltivazione , Marquant l’arrivée du châtaignier sur l’île.

HIERARCHIE La ville met longtemps à trouver sa vocation, avant le tourisme il s’agissait d’un préside, un bastion, une sorte de « grenier » pour manger et produire. Il n’y a pas de différence entre la nourriture des pauvres et celles de riches, seules les quantités varient. Les périodes de famine sont importantes et assez fréquentes. Il n’y a pas de bourgeoisie de robe.

ORGANISATION Organisée comme une « ville-rue » elle possède une rue principale qui fait le tour de l’ensemble des constructions. La citadelle est entourée de vignes et d’oliveraies.

PÉRIPHÉRIE Dans les hameaux environnants le petit patrimoine rural sert d’habitat, et on trouve aussi de petites habitations temporaires, les caseddi, qui servent aussi de remises. On trouve dans le hameau de Trinité quelques maisons qui datent de la citadelle et à Precojo quelques vestiges d’une installation pérenne des agriculteurs à cette même époque (éloignés des marais, il n’y avait pas de moustiques).

TRANSHUMANCE Les habitants montent à la montagne de la Saint-Jean à la Saint-Michel. Ils vivent de l’activité des jardins en plain et font régulièrement des allers-retours à la montagne pour préparer l’été.

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« Il s’agit d’une population nomade qui se fixe pour le tourisme. » Avant l’habitat était lié aux activités, aujourd’hui il dépend de l’investissement, de la saisonnalité, comme un Nouveau Nomadisme.

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CORSE : JACOBINS, NE TUEZ PAS LA PAIX ! par Michel Rocard - député européen, ancien premier ministre Rubrique “Horizon” le Monde - 31 août 2000 Disponible sur : lemonde.fr/archives

C’est une affaire entendue, les Français en ont assez des problèmes corses. Cela ne veut pas dire qu’ils en aient assez des Corses eux-mêmes, mais on commence à gommer un peu trop la différence. C’est aussi une affaire entendue : la justice doit être sans faiblesse, comme la police. Les assassins doivent être arrêtés et punis, et l’Etat fut trop faible. Cela étant dit, je suis sidéré et, maintenant, très alarmé par beaucoup de commentaires sur ce sujet. Ils sont souvent dangereux, car ils sont de nature xénophobe. Ceux qui le nient vont créer le peuple corse par rejet. Comment peut-on s’imaginer qu’il suffirait d’un projet d’accord pour ramener dans le droit chemin les quelques dizaines de tueurs, dont beaucoup de mafieux, qui, pour maintenir leur ligne de violence démente, sont de plus en plus obligés de se couper des troncs principaux du « nationalisme « corse ? Ce dont il s’agit dans ce processus n’est, hélas, pas d’arrêter par un seul acte toute violence, ce n’est à la portée de personne. C’est seulement, mais c’est essentiel, et cela s’appellera un jour la paix, d’en tarir le recrutement. Il ne faut plus que les adolescents et les jeunes adultes corses, dans leur recherche de dignité, découvrent l’histoire de leur région comme celle d’une oppression. Je n’ai pas une goutte de sang corse mais je n’aime pas que l’on me raconte des histoires, fût-ce au nom de mon pays. Je suis, amis jacobins, aussi fier que vous, sinon davantage car, député européen, j’évalue mieux la force comme les différences par rapport à nos concitoyens d`Europe ou du monde, des principes qui ont fait la République française et qui scellent son unité. Mais les principes fondamentaux de la République française se veulent libérateurs, et non oppressifs. Le droit à la résistance à l’oppression est même un des droits fondamentaux de l’homme et du citoyen. Car il y a eu oppression, et il en reste de fortes traces. Je suis pour l’application des principes, mais pas au prix de l’oubli total du passé. Il y a une révolte corse. On ne peut espérer la traiter sans la comprendre. Il faudrait tout de même se rappeler : que lorsque Louis XV acheta les droits de suzeraineté sur la Corse à la République de Gênes, il fallut une guerre pour prendre possession de notre nouveau domaine. La France y perdit plus d’hommes que pendant la guerre d’Algérie. que la Corse est restée « gouvernement militaire « jusque tard dans le XIXe siècle, 202


avec tout ce que cela implique en termes de légalité républicaine. que, pendant la guerre de 1914-1918, on a mobilisé en Corse, ce qu’on n’a jamais osé faire sur le continent, jusqu’aux pères de six enfants. que, de ce fait, encore en 1919, il n’y avait pratiquement en Corse presque plus d’hommes valides pour reprendre les exploitations agricoles. Les tout jeunes n’ont pas eu le temps de recevoir la transmission des savoir-faire. C’est ainsi qu’ils sont devenus postiers et douaniers. que c’est donc à ce moment que la Corse devient une économie assistée, ce qu’elle n’était pas auparavant. L’apparition de la « paresse corse « dans les blagues, les chansons et le folklore datent de là. On n’en trouve pas trace avant. que, d’autre part, le droit successoral traditionnel corse était fort différent du code civil. C’est ainsi que les « métropolitanisés «, si j’ose dire, Corses ou non-Corses, se sont injustement appropriés, bien des terres ancestrales. C’est aussi la raison principale pour laquelle beaucoup d’agriculteurs corses traditionnels n’ont pas de titres de propriété leur permettant d’obtenir du crédit. que, de la même façon, le code civil ne prévoit pas, et interdit même, la propriété collective. Or tout l’élevage corse, et notamment celui des porcs - la charcuterie corse est justement célèbre -, se faisait sur terres de pacage collectives. que la tuerie d’Aléria, les 21 et 22 août 1975, a été ressentie comme la fin de tout espoir d’une amélioration consécutive à des discussions avec le gouvernement de la République et a donné le signal du recours à la violence, parce que tous les Corses, je crois sans exception, ont très bien compris que jamais une riposte pareille à une occupation de ferme n’aurait pu avoir lieu dans l’Hexagone. que, d’ailleurs, treize ans auparavant, la Corse avait reçu du gouvernement français un autre signal dangereux. Suite à des incidents survenus, déjà, à la fin des années 50, le gouvernement créa la Société de mise en valeur de la Corse, Somivac. Elle avait charge de racheter des terres disponibles, en déshérence ou non, de les remembrer, d’y tracer voies et chemins, d’y amener l’irrigation dans certains cas, puis de les revendre à des paysans corses. Les quatre cents premiers lots furent prêts à la vente au tout début 1962. De Paris vint l’ordre d’en réserver 90 % pour les pieds-noirs rentrant d’Algérie. 90 %, pas 15 % ou même 50 % ! Ce pourcentage est une incitation à la guerre civile. que l’on fit, en 1984, une découverte étrange. Le président Giscard d’Estaing, vers 1976 ou 1977, avait pris la sage décision d’assurer à la Corse la « continuité territoriale «, c’est-à-dire la prise en charge par l’Etat de tout surcoût de transport lié à son insularité. Sept ou huit ans après - est-ce stupidité, manque de courage ou concussion ? -, l’administration avait assuré la continuité territoriale pour les transports de personnes et pour les transports de marchandises de l’Hexagone vers la Corse, mais pas dans le sens inverse ! Les oranges corses continuaient d’arriver à Marseille avec des frais de transport plus élevés que celles qui venaient d’Israël. Pour les vins et la charcuterie, ce fut la mort économique.

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et qu’enfin la Corse, comme la Martinique et la Guadeloupe, a subi pendant bien des décennies un monopole de pavillon maritime imposé par l’Etat, avec les conséquences asphyxiantes que l’on devine. Certains ont voulu résumer tout cet ensemble de faits économiques par le concept de colonialisme. Le débat sémantique est sans intérêt, car il est sans conclusion. L’imbrication profonde de la population corse dans la population française et le très grand nombre de Corses qui ont magnifiquement servi la France comme hauts fonctionnaires, officiers ou ministres, dénie un tel concept. Il suffit de savoir qu’une oppression particulière a gravement affaibli l’économie corse. Lorsque l’Histoire a un tel visage, il faut soit beaucoup d’inconscience, soit beaucoup d’indécence pour dire seulement aux Corses : « Assez erré maintenant. Soyez calmes et respectez les lois de la République. Vous bénéficierez alors pleinement de leur générosité. « De cette application uniforme et loyale, les Corses n’ont guère vu trace dans leur longue histoire. Certes, il y a la part corse dans ce gâchis. Elle n’est pas mince : violence, clanisme, corruption. Naturellement, il faut sanctionner, et on ne l’a pas assez fait. Mais il faut tout autant comprendre comment le système se pérennise. Ici, l’histoire débouche sur la sociologie. C’est une évidence mondiale que toute société autosuffisante est beaucoup plus résistante à la corruption que toute société assistée. Or la Corse l’est, largement par le fait de la France, depuis bien des décennies. Il n’est dès lors pas surprenant que cette puissante institution méditerranéenne, la grande famille, la gens, soit devenue l’instrument presque exclusif de la solidarité et de la défense collective. Tout commence bien sûr par la terre. En l’absence d’une véritable justice foncière, c’est la violence qui est devenue l’instrument de défense des droits personnels, et la loi du silence, l’omerta, la traduction inévitable de la solidarité familiale devenue clanique. On est vite passé de la terre à l’ensemble des activités sociales. De plus, là comme ailleurs en France, l’Etat distribue des subventions, puisque chez nous, au lieu d’être pour l’essentiel utilisés sur place comme dans les Etats fédéraux, les produits de notre fiscalité remontent au centre avant d’en retomber pour attester la générosité de la République. Dans un univers culturel où la légalité et l’équité étaient aussi peu apparentes, il n’est guère surprenant que les clans se soient organisés, violence et loi du silence comprises, pour contrôler à tout prix les processus électoraux et les flux financiers qu’ils induisent. Voilà le gâchis dont il faut maintenant sortir. Les trois quarts des Corses, qui n’en peuvent plus de la violence, s’appuient désespérément sur l’Etat central malgré sa longue impéritie. Un dernier quart, qui s’est décrit comme autonomiste il n’y a pas si longtemps - comme nationaliste aujourd’hui -, n’a pas renoncé à voir enfin traitées correctement les lourdes spécificités de la situation corse. Ils sont prêts à chercher des solutions négociées et le disent, comme à renoncer à la violence. De ce fait, quelques centaines de desperados les ont quittés pour sombrer dans la violence pure. Ils n’obéissent plus à 204


leur commandement. Comment en vouloir aux représentants élus de ces mouvements ? C’est au contraire leur honneur, et la garantie de sérieux de leur choix. Comment traiter alors cette nécessité pour la Corse de prendre une part plus grande à la maîtrise de ses affaires pour les conduire en fonction de ses caractéristiques propres ? Le fait que l’on ait pu évoquer et citer dans le projet gouvernemental des « attributions législatives « a suffi à mettre le feu aux poudres. Trois questions se posent à cet égard. La première : a-t-on vraiment lu le texte ? Le projet dispose que (c’est moi qui souligne) : « Le Parlement pourrait ainsi autoriser l’Assemblée territoriale de Corse à adapter, par ses délibérations dans certains domaines précisément déterminés et dans le respect des principes qu’il aura fixés, des dispositions législatives déjà en vigueur ou en cours d’examen. Les délibérations adoptées par l’Assemblée de Corse dans ces conditions seraient, sous réserve de l’exercice des voies de recours devant la juridiction administrative, exécutoires. De valeur réglementaire, elles... « Que voilà un « législatif corse « sérieusement encadré par le législatif national ! Et craint-on vraiment que le Conseil d’Etat ou les tribunaux administratifs ne laissent se faire le démantèlement de l’Etat ? Si au final la substance de ces nouvelles attributions était plus franchement législative, c’est alors la compétence du Conseil constitutionnel qui serait de droit, autre garantie solide. De quoi a-t-on peur ? Deuxième question : a-t-on vraiment lu la Constitution elle-même ? C’est notre loi fondamentale dans sa sagesse, et notamment par son article 34, qui entérine le problème et traite l’existence d’une vaste zone grise entre la majesté et la généralité de la loi, et les contingences du règlement. Je le sais d’expérience : pour un gouvernant qui souhaite faire prendre une mesure importante, le choix entre la loi et le décret est rarement évident. Il existe même dans la Constitution (article 37) une procédure qui permet au Conseil constitutionnel de dénoncer le caractère législatif de tel texte ou de telle matière pour renvoyer l’un ou l’autre au règlement. Pourquoi ne l’appliquerait-on pas aux affaires corses, à quelques grandes exceptions de principe près ? Les arguments de procédure constitutionnelle ne tiennent guère. Le seul argument constitutionnel de poids, c’est notre dévotion à l’uniformité. Mais là, c’est l’Histoire qui parle, plus que le droit. Mon choix est fait : mieux vaut une différence reconnue qu’une fausse uniformité oppressive. Reste alors la troisième question. Si vraiment l’on croit, comme l’affectent nos jacobins, et comme je le crois moi-même, aux vertus exclusives de l’action politique et de la démocratie pour assurer à la Corse un avenir de calme et d’expansion, alors pourquoi vouloir en exclure les Corses eux-mêmes ? Le pari qui s’esquisse consiste à penser que les Corses fiers de l’être et qui revendiquent leur identité, une fois devenus

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plus nettement responsables, sauront traiter des difficultés d’existence de cette identité mieux qu’il n’a été fait par le passé. Refuser ce pari, c’est refuser la démocratie dans son principe. Refuser de donner une large autonomie à l’Assemblée de Corse c’est d’abord faire le calcul surprenant que les nationalistes pourraient y être bientôt majoritaires, ce que tout dément, mais surtout afficher clairement que l’on se méfie d’eux, que l’on ne croit ni à l’apprentissage de la responsabilité ni aux vertus des réconciliations négociées. Lionel Jospin a eu un grand courage dans cette affaire. Il serait dommage et dangereux qu’une frilosité républicaine bornée l’empêche d’établir entre la France et la Corse de nouvelles relations fondées sur la confiance réciproque. La République en sortirait à coup sûr renforcée, alors que la persistance de la crise l’affaiblit gravement. Michel Rocard

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REMERCIEMENTS

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Adelaïde Marini Sauge Roselyne Sauli Louisette Susini Francette Andrietti Dominique Lenoble Sauge André et Marie-Pierre Sauli Alain et Karine Apostolatos Françoise Sauge La famille Pasqualini & SARL Archipetrus Pour m’avoir permis d’accéder ou accueilli dans un grand nombre de logements en vue d’effectuer l’analyse et le relevé de chacun. Jean-Luc et Dominique Sauge, commerçants Thomas Fourtané, architecte Charly Picchiochi, de la cinémathèque de Corse Jean-Baptiste Calendini, directeur de cabinet de la présidence de l’ université Pasquale Paoli (Corte) Dominique Verdoni, professeur en langue et culture régionale à l’université Pasquale Paoli (Corte) et responsable de la Médiathèque Culturelle de la Corse et des Corses José Alessandri, historien Pierre Cesari, constructeur Julia Sauli-Susini et Geroma Herpin-Susini, retraitées Jeanne Consavela Antunes, retraitée La bibliothèque municipale de Porto-Vecchio & Le service d’urbanisme de la mairie de Porto-Vecchio Pour m’avoir mis à disposition des documents servant de base à mes recherches, m’avoir raconté leur histoire et donné leur point de vue. Charly Picchiochi, Philippe Poitevin et l’association Portivechju di Tandu pour leurs photographies. Thérèse Delavault Lecoq, Mina Saïdi, Serge Watcher et Emmanuel Amougou pour leur suivi au sein du séminaire APUS à l’École Nationale Supérieure de Paris La Villette. Et un remerciement particulier à Mr Rolland Consavela pour son merveilleux travail de relecture, ainsi que pour ses compléments d’informations.

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SĂŠminaire APUS - Janvier 2016


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