Les Bambinos - L'épopée fantastique d'un chalet à Praz-sur-Arly

« Les Bambinos »

L’épopée fantastique d’un chalet à Praz-sur-Arly

« Les Bambinos », l’épopée fantastique d’un chalet à Praz-sur-Arly

Édité par :

PrĂŠambule

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efuges de haute montagne ou phares du bout du monde… D’innombrables constructions humaines aiment à laisser une trace de leur gloire sur les étagères encombrées des bibliothèques.

Alors pourquoi un modeste chalet se refuserait cet honneur quand l’occasion se présente ? D’autant plus que si humble soit-il, ce chalet a toujours été un lieu d’accueil chaleureux et bienveillant tout au long de son existence, un modèle de savoir-être, aujourd’hui encore.

Il restera avant tout le théâtre d’une petite révolution offrant à plusieurs décennies d’écoliers une chance unique de découvrir la montagne et les joies de la glisse, par la grâce d’une institutrice qui initia la première classe de neige de tous les temps.

Comme un devoir de mémoire, voici l’histoire d’un chalet aux noms multiples et aux nombreuses vies... une petite histoire qui nourrit la grande.

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1935 - 1939

-1ÂŤ Les Bambinos Âť : acte de naissance

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l lui en aura fallu du temps pour sortir de l’anonymat : près de 60 ans ! A mi-chemin entre Praz-sur-Arly et Megève, sur le lieu-dit de Tirecorde, ce grand chalet accroché sur un coteau ensoleillé du Val d’Arly se fondait dans le paysage alpin comme nombre de ses congénères, fier de sa majestueuse simplicité.

La date précise de construction n’est pas connue. On peut cependant affirmer qu’elle se situe dans le courant des années 30 et s’est achevée avant-guerre. La « Liste des hôtels, pensions et garages de Megève » de 1937 qui mentionne la Pension d’Enfants « Les Bambinos », établissement de 15 lits, en apporte une preuve tangible. Curieusement, c’est la seule pension parmi les 14 maisons du même type qui ne figure pas sur le plan accompagnant ce registre. Probablement parce qu’il se situe hors des limites de la commune de Megève, peut-être par goût de la discrétion, déjà.

En ces temps au pays du Mont-Blanc, à Megève, à SaintGervais ou sur le plateau d’Assy, de nombreux établissements à vocation médicale ont vu le jour sous forme de préventoriums ou de sanatoriums. Il s’agit essentiellement de soigner la tuberculose, surnommée la « peste blanche » en raison des ravages qu’elle sème dans la population depuis le XIXe siècle.

Hors procédés expérimentaux, l’air pur et le soleil sont les seuls remèdes recommandés et de nombreux enfants viennent passer 6 mois ou toute une année scolaire dans la région pour se refaire une santé.

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C’est dans ce contexte que M. et Mme Grange, déjà responsables d’un établissement sanitaire à Megève, décident de construire le chalet « Les Bambinos » à Praz-sur-Arly. L’une des filles de cette famille historiquement mégevane, infirmière de son état, est destinée à en devenir naturellement l’un des visages phares. Mais la seconde guerre mondiale éclate…

© Arch. dép. Haute-Savoie, 142 J 444

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1939 - 1950

-2« Des Bambinos » aux « Joyeux Nains » : loin de la fureur des canons

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a Haute-Savoie, comme une majeure partie du sud de la France désormais coupée en deux, se trouve en zone libre. De nombreux établissements médicaux vont ainsi se transformer en centres d’accueil. Entre les populations persécutées d’Allemagne et d’Europe, les républicains espagnols harcelés par le régime franquiste, les Français fuyant la zone occupée, des millions de réfugiés sont en état d’urgence et les besoins sont gigantesques.

Parmi les nombreux acteurs venant en aide aux déracinés de la guerre, une association va se distinguer : le Cartel suisse du Secours aux Enfants victimes de la guerre(1). Fondé en 1940, le Cartel regroupe 21 associations caritatives qui unissent leurs efforts pour venir en aide aux enfants, plus exposés dans ce chaos aux carences et aux maladies. De la Haute-Savoie aux Pyrénées-Orientales, le Cartel va ainsi essaimer nombre de homes, pouponnières et colonies.

Un article de la Revue Internationale de la Croix-Rouge, datée de mai 1942, témoigne de cet engagement au plan local. On peut y lire : « Actuellement, dix maisons d’accueil abritent plus de six cents enfants. En Haute-Savoie, il y a celle de Pringy, ouverte en octobre 1940 avec 65 enfants ; de St-Cergues, fondée en septembre 1941 (60) ; de Faverges (50) ; le home de Cruseilles, qui peut en recevoir plus de cent ; enfin la maison de Praz s/Arly, près de Megève, qui, destinée plus spécialement aux délicats et prétuberculeux, en hospitalise 50… Il convient aussi de signaler la pouponnière d’Annemasse… » (1)

Fusionné en 1942 avec la Croix Rouge Suisse Secours aux Enfants

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Voici comment ressurgit aux heures les plus sombres une lueur d’espoir incarnée, entre autres, par « Les Bambinos ». Nul ne sait vraiment si le chalet a été prêté, loué ou réquisitionné, mais une chose est sûre : une flamme bienfaitrice y brûle toujours et va contribuer à forger son image de maison ouverte et hospitalière.

Autre certitude, le chalet est rebaptisé « Les Joyeux Nains » et les lits ont été poussés pour augmenter sa capacité initiale limitée à 15 personnes.

Les temps, eux, n’étaient pourtant pas vraiment joyeux. Des quelques enfants repassés par le chalet bien des années plus tard subsiste un rare témoignage, résumé en une phrase marquante confiée à Michel Thépaut, directeur de l’établissement de 1997 à 2012 : « La guerre, ce n’était pas drôle. Mais ici, il y avait du fromage et du chocolat. » La paix retrouvée, M. et Mme Grange reprennent la pleine possession de leur établissement mais doivent affronter un futur qu’ils n’ont plus la force d’envisager. Leur fille, qui par son statut d’infirmière devait leur succéder à la tête des « Bambinos », est décédée. Les tiraillements familiaux entrent en scène et au bout du compte c’est le frère de l’infirmière disparue, Ulysse Grange aidé de son épouse, qui va reprendre le flambeau et l’activité originelle des lieux comme préventorium et maison de convalescence, vers 1948/49.

Le home d’enfants « Les Bambinos » est de retour. Il accueille une quinzaine de gamins dans sa configuration médicale, qui

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peuvent y séjourner de 6 mois à 2 ans selon les prescriptions.

La maison est entièrement autonome, avec ses cuisiniers, ses blanchisseurs, ses accompagnants, ses enseignants. Les charges sont lourdes et l’intérêt de ces centres spécialisés s’éteint au fur et à mesure que l’hygiène de vie et la médecine progressent. Le vaccin du BCG devient obligatoire en 1950, marquant le net recul puis la quasi disparition de la tuberculose.

Il est temps d’imaginer une nouvelle destinée, en phase avec l’époque, pour « Les Bambinos »…

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Des Bambinos à Praz-sur-Arly à la pouponnière d’Annemasse, la Croix Rouge Suisse apporte soins et réconfort aux enfants déracinés.

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1950 - 1997

-3« Les Bambinos », berceau de la 1ère classe de neige

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hangement de décor. Paris, XVIe arrondissement, Cours Victor Hugo. Dans cette école privée qui instruit une progéniture plutôt aisée, une institutrice, Mlle Muller de Schongor, établit le même constat depuis quelques temps.

L’hiver venu, une bonne partie de sa classe est aux abonnés absents. Ce n’est pas une épidémie de grippe ou autre infection de saison qui décime ses cours. Non, la raison est bien plus inattendue et se nomme les sports d’hiver !

A l’aube des années 50, la pratique du ski se développe doucement tout en restant une activité largement réservée à une certaine élite. Or, dans ce secteur privilégié de Paris, la belle société a l’habitude de prendre chaque saison ses quartiers d’hiver à Megève, Gstaad, Chamonix, Saint-Moritz… sans se soucier d’empiéter largement sur le temps scolaire.

Lors d’une discussion avec son directeur, M. Lorphelin, au sujet de ce phénomène récurrent et peu en rapport avec l’image d’excellence revendiquée par l’établissement, elle conclut sur le ton d’une boutade : « Pourquoi n’irions-nous pas avec tous les enfants faire une classe à la montagne ? » L’idée paraît saugrenue de prime abord, mais va faire son chemin. M. Lorphelin, lui-même passionné de montagne, séjourne régulièrement en altitude. Alors qu’il prend des vacances à Megève, au hasard d’une promenade, il remarque ce grand chalet appelé « Les Bambinos ». Renseignements pris sur l’activité des lieux, la petite idée insufflée par Mlle Muller de Schongor

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revient au premier plan. Il prend contact avec Mme Grange et pose la question fatidique dont il est bien loin d’imaginer l’impact à long terme : « Serait-il envisageable qu’une classe de primaire au complet puisse venir suivre ses cours à la montagne, dans ce chalet, pendant plusieurs semaines ? » Après ce premier contact, quelques échanges suffisent à contractualiser l’opération et à conclure « l’affaire ». Le couple Grange qui vient de reprendre le chalet après diverses péripéties et qui n’a sans doute pas assez de pensionnaires pour le faire vivre, voit là une belle opportunité d’améliorer son quotidien. Du côté du Cours Victor Hugo, les quelques autorisations parentales et administratives nécessaires pour partir à Praz-surArly ne sont qu’une formalité. L’idée reçoit même l’avis favorable et appuyé du médecin scolaire.

C’est ainsi que la première classe de neige voit le jour ! Elle se déroule du 9 au 30 mars 1950. Bien sûr, tout reste à inventer : le contenu, le rythme et l’organisation générale de ces trois semaines d’école délocalisée. Cette première année s’articule donc entre cours la majeure partie de la journée et jeux de neige, mais pas de ski. Il faut dire qu’à cette époque à Praz-surArly, il n’y a pas pléthore d’équipements !

Le « monte-pente », premier du genre, est installé en 1938 sur la pente de la Combe Noire. C’est un simple moteur Renault 4 cylindres qui entraîne un câble via un système de treuil et monte en 10 mn jusqu’à 5 personnes au point d’arrivée.

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Le premier téléski « moderne » ne sera installé que 10 ans plus tard, au même endroit.

Le Cours Victor Hugo va organiser 4 classes de neige aux « Bambinos », intégrant petit à petit la découverte du ski. Il va surtout initier sans le savoir un mouvement qui allait devenir bien plus large et donner naissance aux classes découvertes, aux classes vertes, aux classes de mer… L’idée de Mlle Muller de Schongor portée par M. et Mme Lorphelin quittera d’ailleurs rapidement la sphère confidentielle. Trois ans après la première édition, l’Éducation nationale institutionnalise les classes de neige.

Le coup d’envoi est donné par une école de Vanves en région parisienne qui se rend à La Féclaz, dans le massif des Bauges en Savoie. L’initiative est lancée par le docteur Max Fourestier qui propose un « mi-temps pédagogique et sportif », en altitude. Ce célèbre médecin, très médiatique à l’époque, avait lui-même profité des bienfaits de la montagne. Il y séjournait quelques années plus tôt pour y guérir… de la tuberculose.

La première classe de neige, version officielle, date ainsi de février 1953. Mais c’est bien celle du Cours Victor Hugo qui est inscrite au registre du Livre des Inventions !

Les classes de neige vont prendre un essor considérable et participer au développement économique des stations. En 1965, plus de 35.000 élèves partent à la montagne permettant à des générations entières d’enfants de se familiariser avec le ski

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dans le cadre scolaire. L’âge d’or des classes de neige se ternit à la fin des « 30 Glorieuses » et la tendance au déclin s’accélère en même temps que les normes et les contraintes prennent de l’embonpoint. Les professionnels du ski s’inquiètent : on note près de 30% de recul entre 2000 et 2010. Or, c’est grâce à ces classes de neige que de nombreux petits Français ont cultivé le goût du ski et sont ensuite revenus en famille. Leur disparition entraîne aussi celle d’une future clientèle…

Mais revenons aux Bambinos. Alternant accueil des écoles pendant l’hiver avec son activité de maison de convalescence le reste du temps, la famille Grange poursuit son petit bonhomme de neige, ou plutôt de chemin, jusqu’au seuil des années 80. Mais elle n’échappe pas non plus au déclin de sa clientèle scolaire. Un nouvel élan s’impose…

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Mlle Muller de Schongor avec une partie de ses élèves lors de la première classe de neige à Praz-sur-Arly en mars 1950.

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Les écoliers parisiens découvrent les joies de la glisse et Praz-sur-Arly inaugure son premier « monte pente ». Le style reste hésitant...

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Ă€ la belle saison, le chalet est aussi plein de vie.

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Uniforme de rigueur pour les élèves du Cours Victor Hugo.

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Longtemps après-guerre, le chalet garde les traces du refuge des Joyeux Nains - 37 -

1997 - 2012

-4Adieu « Les Bambinos », bonjour le « Val Soleil »

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lysse Grange et son épouse entreprennent un grand virage qu’ils espèrent salvateur. Le chalet est entièrement rénové et transformé en hôtel. 30 chambres avec salle de bains, bar, salle à manger, cuisine : tout est réuni pour un succès qui hélas ne vient pas.

L’exploitation de l’établissement est de plus en plus tendue et ils doivent se résoudre à le louer à l’année. Un contrat est signé avec une association envisageant des séjours à caractère religieux. Mauvaise idée ! La communauté en question va se révéler plus proche d’une association de malfaiteurs que du groupe confessionnel dont elle se revendique. Elle sème les impayés sur son chemin, auprès de l’école de ski, des commerçants. Les relations avec la station sont exécrables et le règlement des loyers, erratique.

Commencent alors plusieurs années de bataille judiciaire. Au bout des procédures, les Grange finissent par obtenir la rupture du contrat et sortir de cet épisode cauchemardesque. Mais l’envie n’est plus là et ils décident de vendre le chalet, propriété familiale depuis plus de 60 ans. Un crève-cœur.

Un malheur n’arrivant jamais seul, le début des années 90 est marqué par un cruel manque de neige. Les enneigeurs artificiels sont encore rares, les installations vieillissantes et les stations de moyenne montagne souffrent terriblement.

Un constat propre à rafraîchir les ardeurs du plus téméraire des investisseurs.

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En 1992, les Jeux Olympiques d’Albertville, comme ceux de Grenoble en 1968, arrivent à point nommé pour relancer les sports d’hiver sans pour autant sortir la famille Grange de ses difficultés. Le chalet reste à l’abandon jusqu’en 1997, année où ils rencontrent enfin leur repreneur en la personne de Michel Thépaut.

Originaires de Sizun (Finistère), Michel et Chantal Thépaut ont exercé pendant 17 ans comme professeur d’EPS à Rennes. Ces authentiques passionnés de ski, amoureux de la montagne, multiplient les allers-retours vers la Vanoise et autres massifs alpins depuis de nombreuses années. « Peut-être avais-je une certaine lassitude du pâté local ou des sorties sur la plage de Crozon » s’amuse Michel Thépaut. « En fait, vu le nombre de trajets que nous faisions entre la Bretagne et les Alpes, nous nous sommes dits qu’il serait mieux d’habiter directement à la montagne. J’organisais aussi pas mal de séjours avec mes élèves. C’était le moment de changer de vie.

Je me voyais bien rebondir de l’autre côté de la barrière, côté accueil. » Il cherche d’abord un emploi salarié. Sans succès. « Le profil d’un professeur d’EPS pour un poste de bon gestionnaire de centre de loisirs ne rencontre pas la pleine adhésion des recruteurs. » Son rêve en tête, il part alors à la recherche d’un établissement à reprendre pour monter sa propre entreprise. C’est ainsi qu’il croise la route des « Bambinos » dont le rachat est conclu pour les fêtes de Noël 1997.

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Ce nouveau départ est mené tambour battant. Le chalet est rénové et rebaptisé. Inspiré par l’exposition exceptionnelle du vallon, le tout frais propriétaire le renomme « Val Soleil ». Le couple Thépaut relance les classes de neige et se diversifie.

Bien sûr, les séjours de 3 semaines sont un lointain souvenir et les hivers au cours desquels une maison de ce type tournait avec 3 écoles dans la saison - janvier, février, mars - est un âge doré qui appartient au passé. Mais le secteur reste encore vivace et compte près de 250 établissements en Haute-Savoie. « Nous avions un agrément pour 3 classes, soit 66 enfants. Ça ne faisait pas des grosses classes ! » précise Michel Thépaut. « En général, nous accueillions 60 personnes avec les enseignants et leurs équipes d’animation, soit deux classes de 25 élèves. Notre capacité à l’époque était de 86 lits, mais nous n’atteignions jamais une pleine occupation avec ces classes de neige organisées par des écoles françaises, belges et luxembourgeoises. Elles se déroulaient sur 5 jours, du lundi au vendredi, et nous complétions le week-end avec des groupes de skieurs. Ce n’était plus le même métier. Il y avait assez peu de cours. Le matin les élèves partaient à la découverte du patrimoine de la montagne : musée de la nature, sortie en raquettes, visite de la fromagerie, de la laiterie, ou toute autre visite à caractère pédagogique, et l’après-midi, ils découvraient la pratique du ski.

Le chalet tournait aussi pour Noël, notamment avec un collège qui venait régulièrement une semaine avant les vacances. La

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neige n’était pas toujours au rendez-vous mais les groupes se déplaçaient aux Saisies pour pouvoir skier. Puis le reste des vacances, nous avions plutôt une clientèle familiale. C’était toujours complet pour la semaine du réveillon. Ensuite, nous enchaînions en général avec les classes de neige jusqu’aux vacances de février. Les comités d’entreprises et les associations prenaient le relais pour les vacances d’hiver, avec des entreprises comme Eurocoptère ou Air France.

Le réseau breton fonctionnait également, avec la maison de quartier de Brest et une association rennaise qui venait tous les ans, ou encore avec la Fédération Française Montagne Escalade de Bretagne qui organisait des stages avec des petits groupes pour pratiquer le ski de randonnée.

En mars, les classes de neige redémarraient, avec des écoles de Moselle, du Luxembourg et de Belgique. En avril, des collèges et donc des élèves un peu plus grands, encadrés par des professeurs d’EPS, prenaient le relais. Comme la station était fermée, il fallait rejoindre les Saisies pour partir faire du ski à la journée. Le complément se faisait avec des familles et des individuels. En fin de saison, nous avions rempli à 50% du potentiel mais il n’y avait pas de quoi se plaindre.

En mai, nous fermions le chalet une quinzaine de jours avant d’embrayer sur les classes vertes pour des randonnées, visites des glaciers du Mont Blanc et autres activités nature. L’été, nous retrouvions les comités d’entreprise mais aussi des

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colonies de vacances. Je garde en particulier le souvenir ému d’une colonie musicale mosellane qui venait les dernières années. C’était le top ! Je n’oublierai jamais cette musique qui remplissait l’atmosphère du chalet d’une grande douceur, où le temps suspendait son vol. Et puis nous avions affaire à des enfants plutôt calmes, ce qui nous changeait des classes habituelles ! Ils faisaient des spectacles au chalet mais aussi pour la station. Des moments exceptionnels.

En septembre, notre activité s’orientait vers les autocaristes et une cible de seniors sur des séjours de 6 à 7 jours. Mon habilitation tourisme me permettait de vendre des séjours clé en main. J’organisais les journées et je les accompagnais pour visiter Annecy, Chambéry, la fromagerie du Beaufort, etc…

Le mois se terminait avec des anciens combattants, avant la fermeture jusqu’au 15 décembre. » Le chalet fonctionne quasiment sur les 4 saisons et enregistre jusqu’à 11 000 nuitées/an dans ses meilleures années. Une affaire qui tourne bien et qui permet d’investir dans l’activité. Ainsi, Le « Val Soleil » s’agrandit en 2001.

Les travaux sont confiés à une entreprise locale qui construit le nouveau bâtiment avec du bois de récupération… russe ! Suite au tarissement des mines de la région de Saint-Pétersbourg, des villages entiers ont été abandonnés. Ce bois a été démonté sur des isbas, maisons traditionnelles russes semblables à des chalets, près du lac Ladoga, puis exporté en France.

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Avec son extension aux accents soviétiques, le « Val Soleil » dispose désormais de deux chambres de plain-pied pour permettre l’accès aux personnes à mobilité réduite, d’un vaste espace appelé le Forum, équipé d’un système de vidéo-cinéma, d’un bar, d’un local à ski/chaussures, d’un garage et d’un espace de fitness. L’ensemble forme une cour intérieure où un mur d’initiation à l’escalade est installé.

C’est lors de ce beau parcours réalisé en 4 ans seulement que surgit l’anecdote la plus savoureuse de cette histoire. Car en 1997, quand Michel et Claudine Thépaut reprennent « Les Bambinos », ils ignorent totalement que leur chalet a été le cadre de la toute première classe de neige et nul à Praz-sur-Arly n’en a le souvenir. La rencontre fortuite avec un enseignant venu pour une classe en 1999 va révéler le trésor caché de la maison.

Michel Thépaut se souvient : « Cet enseignant avait apporté avec lui une photocopie du Livre des Inventions. Il y avait un petit coin de page avec comme titre : La première classe de neige. Au cours d’une discussion à ce sujet, il nous précise le lieu ; cette première s’était déroulée à Praz-sur-Arly. J’ai tout de suite pensé que cette révélation serait encore plus incroyable si cette classe s’était passée chez nous ! Sait-on jamais… Le Cours Victor Hugo était mentionné dans l’article et j’ai pris l’initiative de contacter l’établissement. On m’a transmis le numéro de téléphone de l’ancien directeur de l’époque, M. Lorphelin, que j’ai appelé et qui m’a raconté toute l’histoire. Un grand moment ! »

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Les années se succèdent. L’exploitation du chalet pèse beaucoup sur le temps de la vie familiale et la quasi disparition des classes de neige grève sérieusement sa rentabilité. Le produit est en bout de course et de nouveaux investissements en termes de confort semblent indispensables pour pérenniser l’activité.

Il est même envisagé de construire une piscine. Mais le temps est venu de retrouver un rythme plus normal. Le « Val Soleil » est mis en vente.

Cette période va s’avérer longue et difficile pour les propriétaires. Un premier compromis est signé en 2006 mais la vente n’ira pas au bout. 2007 est une année noire pour les professionnels du manteau blanc. L’absence de neige touche durement toutes les stations de moyenne montagne et les investisseurs se font rares.

Un autre compromis est signé en 2008, porteur d’espoir. Le promoteur obtient son permis de construire, tout est en bonne voie. Il est prêt à attaquer les travaux ; un tractopelle est même arrivé sur le site. Seulement la crise des subprimes surgit, fait plonger la bourse et l’immobilier. Coup de froid pour l’investisseur : les banques gèlent les crédits. Le compromis est cassé. Coup dur pour les montagnards bretons : pensant la vente réglée, ils ont déjà réinvesti ailleurs.

En 2012, alors que le couple se trouve dans l’impasse, une rencontre déterminante va enfin tout changer. Alain Dutoit, Président associé du groupe Carré d’Or Immobilier, porteur

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d’un ambitieux projet de résidence de tourisme, leur fait une proposition inespérée. La vente est conclue en plusieurs tranches pour trouver son épilogue en 2015.

Michel Thépaut et son épouse sont partis pour de nouvelles aventures, plus tranquilles, puisqu’ils ont ouvert des chambres d’hôtes au Château de la Haye, à Contigné (Maine-et-Loire).

Enfin plus tranquilles, ce n’est pas sûr puisque Michel Thépaut a été élu maire de la commune ! La peur de l’ennui peut-être ?

Une chose est certaine, personne ne l’oubliera à Praz-sur-Arly.

Très investi dans son établissement du « Val Soleil », il l’a été tout autant pour sa commune d’accueil, dans diverses associations ou encore comme Président de l’Office de Tourisme. Toujours avec générosité, gentillesse et désintéressement. Enfin, il aura révélé aux Pralins un épisode marquant de leur histoire et dont ils peuvent être fiers.

Au terme de ces 13 années passées dans la commune, le Maire Yann Jaccaz, lui a remis, de la part de l’ensemble du Conseil Municipal, le titre de Citoyen d’Honneur et la clé de la ville.

Une première !

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Page de gauche : le chalet dans les années 50.

Page de droite : Michel et Chantal Thépaut prennent le relais des « Bambinos » en 1997. Le chalet rebaptisé « Val Soleil » s’agrandit ; nouveaux bâtiments avec cours intérieure décorée d’une fresque, mur d’escalade...

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Page de gauche : classes de neige et classes vertes s’enchaînent au « Val Soleil ».

Page de droite : moment d’émotion pour la célébration des 50 ans de la 1ère classe de neige où se retrouvent M. et Mme Lorphelin et leur fille, M. et Mme Grange (à droite).

Lors de son départ Michel Thépaut est fait Citoyen d’Honneur de Praz-sur Arly et reçoit la clé de la ville numérotée 001, œuvre du forgeron Roger Morand.

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2012 - ...

Épilogue

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uand le « Val Soleil » fait des petits, « Les Bambinos » deviennent grands-parents ! Ainsi s’ouvre un nouveau chapitre de l’histoire d’un chalet en passe de devenir mythique.

Après l’acquisition définitive des lieux en 2015, le projet porté par le groupe Carré d’Or Immobilier reste quelques temps en gestation et connaît plusieurs orientations avant d’être définitivement arrêté autour d’une idée originale. 18 chalets aussi somptueux que confortables vont pousser autour du bâtiment historique pour donner naissance à un véritable hameau, baptisé « Les Portes de Megève ».

Dominant cet ensemble très réussi trône le chalet « Val Soleil », noble ancêtre qui semble veiller sur sa progéniture. Sa riche histoire lui vaut de conserver son nom, et si son apparence extérieure comme son âme restent fidèles à ses origines, son cœur aujourd’hui bat plus fort. Entièrement rénové, il abrite désormais 7 appartements, une salle de jeu et de détente, une salle de sport, un hammam, un sauna et le salon d’accueil.

En conclusion, laissons la parole à un expert, le seul aujourd’hui en mesure de porter un regard avisé sur ce qui fût un temps son enfant, en quelque sorte. Invité à découvrir « Les Portes de Megève » dans leur version définitive, ce n’est pas sans émotion que Michel Thépaut livre ses impressions : « Quand je vois le résultat, je suis heureux. Heureux de constater que les lieux inscrivent le « Val Soleil » dans un futur radieux.

Le hameau des « Portes de Megève » n’a plus rien à voir avec

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le passé mais en même temps, il prolonge l’histoire du chalet.

Sa rénovation est de grande qualité et il intègre parfaitement les attentes de la clientèle d’aujourd’hui, tout en restant dans l’esprit du sens de l’accueil et du partage. Des chalets aux appartements, l’accent a vraiment été mis sur la qualité, le confort et la décoration, sans trahir l’ambiance montagnarde. Je n’en retire aucune fierté car tout le mérite en revient à l’opérateur. Mais c’est tout de même réconfortant de voir les lieux prendre cette nouvelle et belle dimension. J’ai été amusé de voir l’esprit dortoir des chambres de certains chalets. Ça rappelle des souvenirs !

C’est une superbe réussite en termes de résidence de vacances.

Il y a aussi un vrai travail avec la station, notamment par la mise en place d’animations. Elle n’a pas trouvé le plus mauvais des partenaires ! Et puis quand on arrive à Praz-sur-Arly, ça a quand même de l’allure ! C’est un vrai plus pour l’image, le paysage local. Les temps changent, l’esprit reste. Entretenir la mémoire de ce grand chalet, c’est sympa, ça me touche beaucoup. » En 2018, le domaine skiable de Praz-sur-Arly a fêté ses 80 ans.

La naissance des « Portes de Megève » sur son territoire vient démontrer que le vénérable octogénaire est toujours aussi attractif.

L’avenir est devant lui, tout comme l’est celui des « Bambinos » devenu « Val Soleil », tout juste plus âgé. Par le passé, ce chalet a accueilli des centaines d’enfants dont les rires résonnent encore.

Aujourd’hui, de nouveaux rires perpétuent la tradition. L’histoire continue…

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Page de gauche : le « Val Soleil » veille désormais sur ses nombreux enfants, 18 chalets de grand standing.

Page de droite, l’intérieur des chalets des « Portes de Megève » où le confort règne en maître et l’esprit classe de neige perdure parfois...

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Annexes

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Page de gauche : courrier de Mme Grange au directeur du Cours Victor Hugo sur les conditions d’accueil du chalet.

Page de droite : circulaire d’information aux parents.

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« Les Bambinos » côté cantine.

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Discours de M. Lorphelin lors de la célébration du 50e anniversaire de la 1ère classe de neige.

Coupure de presse.

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Remerciements - À Michel Thépaut, sans qui cette petite pépite de l’histoire serait tombée dans l’oubli et dont le précieux témoignage a permis à ce livre d’exister.

- À Thierry Hérin, directeur associé du Groupe Carré d’Or pour sa confiance.

- À l’Office de Tourisme de Praz-sur-Arly pour ses précieux documents.

- À Clara et Stéphane, exploitants des Portes de Megève. © Photos : Michel Thépaut, Office de Tourisme de Praz-sur-Arly, Région Rhône-Alpes/Inventaire général du patrimoine culturel/Archives départementales de la Haute-Savoie/142 J 444, DR. « Les Bambinos », l’épopée fantastique d’un chalet à Prazsur-Arly : écrit par Thierry Pirkelbauer - Édité par Groupe Carré d’Or, 6 bis rue Joannes Carret, 69009 Lyon.

Toute information complémentaire concernant le chalet « Les Bambinos » est la bienvenue et peut être envoyée à l’adresse mail « thierry@com-on.fr ».

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Il aurait pu facilement rester dans l’anonymat le plus profond. Il a désormais sa parcelle de gloire.

Théâtre de la toute première classe de neige, voici l’épopée fantastique des « Bambinos » ...