Collection «La Mémoire des Lieux»
Mon bourg et son marais
Saint Lumine de Coutais conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de loire atlantique
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Saint Lumine de Coutais
Saint Lumine au Pays de Grand Lieu L’histoire de la commune de Saint Lumine de Coutais est étroitement liée à celle du Lac de Grand Lieu, de même que celle de Saint Mars de Coutais, Port Saint Père, Saint Léger les Vignes, Bouaye, Saint Aignan de Grand Lieu, La Chevrolière, Pont Saint Martin et Saint Philbert de Grand Lieu. Les bourgs de ces neuf communes riveraines sont implantés à proximité du Lac, souvent reliés à celui-ci par un cours d’eau ou par une vue dominante, comme c’est le cas à Saint Lumine de Coutais. Le Lac a toujours attiré les hommes. D’abord réserve de nourriture, il devient progressivement un important carrefour de transport et de commerce par voies navigables. Jusqu’au début du siècle, les bateaux, en provenance ou à destination de la Loire via les rivières périphériques au Lac, accostent au port de Saint Lumine pour y faire transiter personnes et marchandises. Aujourd’hui, la végétation envahissante a fait du Lac un espace difficilement accessible, royaume de la faune et de la flore, réservé aux initiés. Mais Saint Lumine conserve la particularité de ses 500 hectares de marais en grande partie communaux, paysages hérités d’une activité humaine qui les a façonnés au fil du temps.
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Le Geant de
Grand lieu
Légende Il est, parmi les levis, prées et
vasières qui se répartissent sur Grand Lieu, une île sablonneuse de cinq à six cents pas de diamètre nommée Dun. En son centre s’érige une pierre dressée, percée à sa base d’un trou rond comme une serrure. Cette pierre, d’environ cinq pieds de haut sur deux à trois de large à sa base, servirait à clore le gouffre qui a vomi toute l’eau du Lac. Sous elle s’agite un géant qui, chaque fois qu’il tente de se libérer, excite les tempêtes et fait peser sur le Pays d’Herbauges la menace de l’engloutissement. Seule une pure jeune fille pourrait l’amadouer. Pour cela, elle devra passer son bras gauche par le trou de la pierre, puis enlacer le cou de l’insoumis d’un noeud coulant. Ainsi apprivoisé, notre turbulent géant deviendra docile. Alors, jamais plus ni déluge, ni tempêtes ne seront à craindre sur le Pays de Grand Lieu.
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Les cartes anciennes
Elles nous renseignent sur les étapes de l’évolution du paysage et nous aident à comprendre sa forme et son apparence actuelles. Ainsi constate t-on que le nom de «Saint Luminy» apparait à partir du XIème siècle. C’est une situation en promontoire sur la rive Sud du Lac et ses marais, qui a probablement favorisé l’implantation d’un camp Gallo-Romain mille ans auparavant. Puis, Saint Lumine de Coutais est devenu un petit port d’échange et de communication entre les territoires du Sud de la Loire et les cités Ligériennes dont Rezé et Nantes. Le sel des marais de Machecoul transitait ainsi vers la Loire, tandis que matériaux et ustensiles étaient importés de diverses contrées, depuis le fleuve ou l’océan. Des canaux furent creusés depuis les cours d’eau périphériques pour accéder au Lac. La commune se développera également à la faveur de la fertilité des eaux et des marais qui constituaient pour les habitants d’importantes ressources de nourriture et, plus récemment, de loisirs.
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La carte détaillée Elle exprime la réalité géographique du site par une représentation précise des éléments qui le composent. Elle permet d’imaginer les particularités de ses paysages. Elle nous renseigne, par exemple, sur la topographie : les courbes de niveaux traduisent le relief et mettent en évidence la situation du bourg sur un point dominant, les différents niveaux inondables du marais. Par la représentation des voies de communication et du bâti, la carte montre l’implantation du bourg à la rencontre des principales routes qui mènent, depuis le Lac, communes environnantes. La toponymie évoque la forme ou l’usage des lieux, les hommes, leurs activités, la faune, la flore : La Héronnière, le Pré des Canes, les Levis à Moutons, la Fosse aux Loups, le Bassin à la Brebis, la Malsaine, la Tuilerie, les Prées Neuves....
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Les plans du bourg Ils représentent les parcelles, les constructions et les voies de circulation. Le plan de cadastre de 1820 montre une urbanisation déjà resserrée le long des principales voies d’accès. Au point de rencontre se dressait l’église. La construction de la nouvelle église sur l’ïlot qui lui faisait face s’accompagnera d’importantes modifications dont la création et l’aménagement de la place actuelle.
1827
La comparaison des plans montre la densification des îlots du centre. Les bâtiments ferment les rues par des constructions mitoyennes. D’autres constructions forment des cours à l’intérieur des parcelles souvent étroites et profondes. Les propriétés sont accessibles depuis la rue par des passages et à l’arrière par des potagers ou des vergers.
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1998
En s’éloignant du centre, des constructions récentes s’éparpillent sur des parcelles plus grandes. Ces nouveaux pavillons d’habitation occupent d’anciennes parcelles agricoles regroupées. Les rues sont plus larges et ouvertes : au-delà des clôtures, on entrevoit les jardins d’agrément et le paysage lointain. Un lotissement collectif regroupe des habitations à l’écart des rues principales. Un bâtiment artisanal et un équipement public s’imposent par leur taille en périphérie du bourg. Observons de plus près une propriété dont la trace au sol a peu changé d’un plan de cadastre à l’autre.
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Le presbytère
C’est une position stratégique qui aurait attiré les Romains en ce lieu. Une allée de buis arborescents nous parvient de cette époque. On peut encore, à l’intérieur de la courbe du mur encadrée de deux ifs se tenir en position de guetteur. Au Moyen-Age, une communauté religieuse s’y installe. Les eaux poissonneuses du Lac et les facilités d’échanges qu’il offrait satisfaisaient leurs besoins.Notre Dame du Châtellier, premier édifice religieux de la paroisse, referme toujours l’enceinte côté bourg. Par une organisation régulière autour de cours fermées, les religieux se ménageaient une vie intérieure, autonome et à l’abri des regards. Aujourd’hui la propriété s’organise toujours de façon régulière et délimite les deux espaces clos de la cour et du jardin. Côté cour, le bâtiment principal et les dépendances forment l’enceinte périphérique.Une grange à pilier rond, une ancienne habitation et un double four indiquent l’existence d’une vie importante dans cette ancienne maison des prêtres. Le jardin garde la trace de deux allées principales. L’une mène, du Nord au Sud, dans l’axe du porche vers le mur cintré. L’autre se prolonge, par l’Allée de Buis, vers le verger. On voit ainsi comment l’histoire de Saint Lumine, qui a toujours été liée à cette propriété, nous est transmise par son architecture. A proximité, une vie villageoise s’est développée.
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La ferme Plusieurs anciennes fermes subsistent, comme celle-ci, dans le bourg. Chaque bâtiment est implanté et construit soigneusement selon son usage et sa fonction. La maison présente sa façade principale sur la rue. Autour de la cour, des bâtiments en pierre abritaient récoltes et animaux : pressoir, étable, soue, grange, remise, écurie, grenier, four, puits. Plus loin, vers le jardin potager, le poulailler abritait les oies lorsqu’elles revenaient du marais. Un verger jouxte l’ensemble. Toute une vie s’organisait entre bourg et marais communaux lorsque, chaque jour, les troupeaux de vaches et d’oies, les chevaux et leurs attelages, les moutons à une époque plus ancienne ou les cochons, étaient menés au marais, lorsque les fauches de la pâture destinées à la nourriture des animaux, mais également à la vannerie ou au tissage, étaient remontées. Cette époque nous lègue de nombreux bâtiments en pierre soigneusement édifiés. Les fermes en activité se répartissent maintenant à l’extérieur du bourg, au coeur des terres qui leur servent à l’élevage ou à la culture de la vigne, tandis que des troupeaux de bovins paissent encore sur le marais. Une autre vie s’est installée ici, dans ces murs du centre-bourg, qui poursuit son évolution.
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La place
Dans les siècles qui ont précédé, c’est autour d’une église paroissiale que les habitations et leurs dépendances se multiplient. Des lieux collectifs, des espaces publics s’organisent. C’est ainsi que la place actuelle prend naissance avec la construction, vers 1900, de la nouvelle église. Cette même place vient aujourd’hui de prendre un air de renouveau. C’est à partir des spécificités de Saint Lumine que les concepteurs ont créé un espace urbain contemporain qui met en valeur la commune : utilisation de gneiss pour les murets, fabrication de piliers ronds, création d’une fontaine, gagnée comme les marais par la végétation ... Pour compléter les informations apportées par les cartes et les plans, c’est l’observation et l’interprétation de ce qui nous entoure qui nous transmet aussi la mémoire des lieux.
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Le langage d’un mur Un fragment de mur de la Rue des Marais nous en dit long pour peu qu’on l’interroge :
«Gneiss» se nomme cette pierre à bâtir qui colore la plupart des murs. Un simple trou permettait de l’extraire du sol communal. Ainsi les carrières de Lombergère, du Pré Rouaud ou du Chiron... C’est cette même roche qui a été utilisée lors de l’aménagement contemporain de la place.
L’enduit, mélange de chaux, de sable et d’eau recouvre encore une partie du mur et l’irise de la couleur chaude du sable de Saint Lumine. Aujourd’hui, la chaux est souvent remplacée par le ciment qui rend tous les murs gris lorsqu’ils ne sont pas peints régulièrement.
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Bien plus éloignées de Saint Lumine, ces pierres blanches nommées tuffeaux. Elles soulignent les encadrements et les étages des bâtiments les plus riches. Elles nous proviennent de lointaines contrées, le long de la Loire, au-delà d’Angers. C’était par voie d’eau qu’elles étaient acheminées ici pour satisfaire le goût des propriétaires les plus aisés.
C’est une terre nommée «argile» qu’utilisent les hommes depuis fort longtemps pour fabriquer divers objets. Extraite du sol, elle est moulée selon les formes souhaitées puis cuite pour la rendre plus résistante. Les Romains en faisaient des amphores et des tegulae. Des fragments apparaissent encore dans les murs et les terrains du presbytère. C’est avec cette même terre qu’ont ensuite été fabriquées les «tiges de botte» qui couvrent beaucoup de toits, les génoises qui forment en haut des murs des motifs variés, les briques d’encadrement des portes et fenêtres. Le lieu-dit «La Tuilerie» situé auprès du marais et des briques marquées au nom de «Lemaitre», rappellent cette activité locale.
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Quatre saisons au marais qui se
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suivent et ne se ressemblent pas
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Lexique
amphore : vase de l’antiquité à deux anses qui servait à conserver et à transporter les aliments. buis : arbuste persistant (qui ne perd pas ses feuilles en hiver) à petites feuilles, très résistant et à croissance lente. Les Romains s’en servaient bien avant nous pour orner leurs propriétés et fabriquer des armes. buis arborescent : qui a pris la forme d’un arbre. cadastre : registre dessiné et écrit sur lequel figurent la surface et la disposition des parcelles, l’identité de leurs propriétaires. chaux : liant de construction fabriqué par la calcination d’une pierre calcaire. cintré : qui a une forme courbe. ciment : liant de construction. contemporain : de notre époque. courbe de niveau : ligne qui rejoint tous les points d’une même altitude.
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densifier : rendre plus compact, plus dense enceinte : ce qui entoure une propriété et en protège l’accès. Gallo-Romain : population qui vivait en Gaule du 1er siècle av. JC au 5ème siècle après JC. Elle s’était constituée du contact des Gaulois (habitants de la Gaule) et des Romains (envahisseurs). génoise : corniche constituée d’un ou de plusieurs rangs de tuiles et de briques. A l’époque où les gouttières n’existaient pas, elles portaient la toiture au-delà du mur pour renvoyer les eaux de pluie. gneiss : roche constituée de gros grains dans laquelle alternent des cristaux clairs de quartz et de feldspath et des cristaux foncés de mica. if : conifère (fruits en forme de cônes) persistant, à croissance très lente et grande longévité. Symbole de tranquillité et d’immortalité. îlot : en urbanisme, morceau de ville délimité par des rues.
Lemaitre : entreprise fabricant des tuiles et des briques à St Lumine. levis : îlots flottants sur les marais.
urbanisme : sciences et techniques de la construction et de l’aménagement des villes et villages.
Ligérien(ne) : qui est en lien avec la Loire.
urbanisation : construction des villes et villages.
mitoyen(ne) : qui est accolé(e).
vannerie : fabrication d’objets tressés avec des fibres végétales, des tiges.
prée : pré en patois. porche : construction qui couvre une ou plusieurs portes d’accès à une propriété.
voie de communication : artère, route, chemin, rue, que ce soit par terre, par mer ou dans l’air.
soue : étable à cochons. tegula(e) : tuile(s) Romaine(s). topographie : disposition, relief d’un lieu. toponymie : ensemble des noms de lieux. tuffeau : roche calcaire très tendre qui a été beaucoup utilisée en construction dans nos régions en dépit de sa friabilité (fragilité).
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Ce livret a été réalisé parallèlement à une action de sensibilisation effectuée auprès des enfants des classes de CE1, CE2, CM1, CM2 des écoles Bellevue et Sainte-Marie Nous remercions les familles Sallaud de nous avoir ouvert leurs portes.
c 1998 C.A.U.E. de Loire Atlantique Tous droits réservés : ISBN 2-9509969-2-2 Illustrations : Ségolaine Lorang Imprimerie : La Contemporaine, Nantes
20 Francs
CAUE
Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement 1, rue du Roi Albert 44000 Nantes Tél 02 40 35 45 10 - Fax 02 40 35 30 60
Commune de Saint lumine de coutais