Rencontres internationales de Caux
RAPPORT2013
www.caux.ch
Initiatives pour la sécurité humaine
SOMMAIRE Les Rencontres internationales sont organisées chaque année à Caux sur Montreux par CAUX-Initiatives et Changement et Initiatives et Changement International. La fondation suisse CAUX-Initiatives et Changement est propriétaire du centre de rencontres de Caux et responsable de son fonctionnement. Elle est un membre fondateur d’Initiatives et Changement International. Ce rapport couvre toutes les rencontres de la saison 2013. Vous trouverez des informations complémentaires, ainsi que des vidéos et des photos sur le site
www.caux.ch/2013. Editorial
Apprendre à vivre dans un monde multiculturel
L’engagement personnel, premier pas vers la guérison du monde 3
Au cœur de la résilience Construire la confiance à travers les générations «La diversité représente une richesse»
Caux-Expo Une surprenante exposition d’architecture à Caux-Expo
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Journée officielle Une source d’inspiration pour un large public
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Gouvernance équitable Gouvernance équitable: un problème complexe Réconciliation post-conflit Comment surmonter la «malédiction des ressources»
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Aux sources de l’inspiration Le silence est d’or La Charte de la compassion Trouver l’inspiration dans des ateliers et au théâtre Partager les expériences et l’inspiration
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Rencontres internationales de Caux 2014
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Quelques chiffres
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Guérir les mémoires Un travail commun de guérison et de justice Reconnaître le passé Une initiative globale contre la ségrégation raciale
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Dialogue de Caux sur la terre et la sécurité Davantage d’éthique dans l’économie Des actions locales pour restaurer les terres Restauration des terres et monde des affaires Une initiative globale sur les terres arides Terre et sécurité dans la région du Sahel
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Confiance et intégrité dans une économie mondialisée Comment devenir un leader dans le monde des affaires «L’Occident n’est pas le meilleur» Katrin Muff: «Développer l’être humain dans le leader» «On n’est jamais trop jeune pour devenir un leader»
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Les enfants, acteurs de changement de la société Promouvoir la participation des enfants L’avenir de l’éducation: entre innovation, imagination et interaction «Nous devons écouter les enfants!» Ateliers pour les enfants: favoriser la participation
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Editeur: Fondation CAUX-Initiatives et Changement Responsable de la publication: Cynthia Jhaveri Textes, photos et traductions: Mirjam Beeler, Naïke Bochatay, Laura Graafen, Cynthia Jhaveri, James Nikitine, Pontus Wallstén Mise en page et impression: Brunner AG, Druck und Medien, 6010 Kriens, Suisse, Octobre 2013
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EDITORIAL
L’engagement personnel, premier pas vers la guérison du monde Dans son discours de clôture de la session «Confiance et intégrité dans une économie mondialisée», Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, a parfaitement résumé l’esprit de notre cycle de conférences 2013. Il y définissait les trois piliers qui devraient selon lui servir de fondement à nos sociétés: la paix et la sécurité, le développement économique mais aussi le respect de la loi et des droits humains. Et il ajoutait: «Aucun développement à long terme n’est possible sans eux. Tout le monde doit être respecté. Il faut prendre soin des autres et rester vigilant. Un génocide commence par l’humiliation d’une personne.» Les conférences ont abordé différentes problématiques liées à la sécurité humaine dans le nécessaire esprit d’écoute et de souci de l’autre. Le «Dialogue de Caux sur la terre et la sécurité» en a été l’un des événements marquants. Il a réuni des participants de haut niveau autour de Luc Gnacadja, secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, pour trois jours de discussions. Si nous venions à perdre la bataille contre la désertification, ce sont 60 millions de personnes qui pourraient être amenées à migrer de l’Afrique sub-saharienne vers l’Afrique du Nord et l’Europe d’ici à 2020!
La rencontre «Guérir les mémoires» a quant à elle mis l’accent sur les thèmes du ressentiment et de la confiance, ainsi que sur l’importance du rôle joué par la narration d’histoires, plus que par l’évocation de faits, pour apporter le changement. Ce point a été particulièrement souligné par le docteur Gail Christopher, responsable du vaste programme de la Fondation W. K. Kellogg pour un traitement équitable des différents groupes ethniques, la réconciliation interethnique et la fin du racisme structurel aux États-Unis. «Les enfants, acteurs de changement de la société» a été une première mondiale, en partenariat avec des organisations partageant une vision similaire, telles que Child-to-Child Trust. Intégrant de nombreux enfants, cette rencontre a traité avec eux le thème de la responsabilisation des enfants, un besoin qui prend de plus en plus d’importance dans un monde où il n’est plus possible de les protéger du bruit et de la fureur des agressions et de la guerre, voire de les soustraire à la pression du résultat dans des sociétés hautement compétitives. Nous sommes extrêmement reconnaissants à nos donateurs, à nos collaborateurs et à nos bénévoles qui ont rendu ces conférences 2013 possibles. Nous remercions tout particulière-
ment les équipes d’organisation des rencontres, les «Interns», qui ont fait fonctionner tant de services dans la maison, les «Caux Scholars» qui, en plus de suivre leur programme d’études, nous ont apporté un soutien précieux, le «Caux Artists Program» pour ses représentations de grande qualité… Hélas, la place nous manque pour citer tous ceux qui mériteraient de l’être. Dans son discours, Kofi Annan déclarait: «On n’est jamais trop jeune pour devenir un leader.» J’aimerais ajouter que l’on n’est jamais trop vieux non plus, comme l’a prouvé le regretté Stéphane Hessel, devenu une star mondiale à l’âge de 93 ans grâce à ses deux opuscules, Indignez-vous! et Engagez-vous! Oui, face aux besoins du monde, et quelles que puissent être nos faiblesses réelles ou supposées, il n’y a pas d’excuse qui tienne, il faut que chacun s’engage pleinement. Puisse ce rapport sur les rencontres internationales de Caux 2013 en convaincre tous ceux qui le consulteront.
Antoine Jaulmes Président Fondation CAUX-Initiatives et Changement
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CAUX-EXPO
Une surprenante exposition d’architecture à Caux-Expo Durant tout l’été, une exposition de travaux d’étudiants en architecture de l’EPFL s’est tenue dans l’espace exposition du centre de rencontres.
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’exposition a été inaugurée en grande pompe le 3 juillet par Andrew Stallybrass, directeur de Caux-Expo, et Christoph Spreng, membre du Conseil de la Fondation CAUX-Initiatives et Changement, en présence de Laurent Wehrli, syndic de Montreux récemment élu président du Grand Conseil du canton de Vaud. Coorganisé par la fondation CAUX-Initiatives et Changement, la société de développement de Caux, le Swiss Hotel Management School (SHMS), la commune de Montreux et l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne), cet événement public a été l’occasion de dévoiler une maquette du mont de Caux ainsi qu’une vingtaine de plans des différents projets architecturaux. Andrea Bassi, professeur d’architecture à l’EPFL à la tête du projet, a expliqué les plans audacieux de ses étudiants en 3ème année, qui ont planché pendant huit mois sur un projet (purement théorique!) dans le village de Caux, à proximité immédiate du Grand Hôtel et du centre de rencontres, l’ancien Caux-Palace. Ils devaient créer 20 000 m 2 de bâtiments, comprenant des bureaux, des espaces commerciaux et des habitations. Leur
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Andrea Bassi en train d’expliquer les projets de ses élèves.
seule consigne: ne pas toucher au Grand Hôtel et au Caux-Palace. Le but du projet était d’ouvrir le débat autour d’une métropole lémanique, en mettant l’accent sur Caux et la riviera vaudoise. Les élèves se sont surpassés pour surmonter les difficultés impliquées par une construction à la montagne, sur une pente raide et inaccessible.
Au carrefour de l’architecture et de la planification urbaine, les résultats incorporant des valeurs écologiques, futuristes et de développement durable sont surprenants, très bien conçus et souvent impressionnants. On peut notamment citer un projet imaginant une prolongation du Caux-Palace au bord de la falaise grâce à la création d’un promontoire gigantesque de quatorze étages.
JOURNÉE OFFICIELLE
Une source d’inspiration pour un large public Le 30 juin, le public a été convié à assister à la traditionnelle journée officielle. Celle-ci est l’occasion d’inviter chaque année des représentants des organisations internationales à Genève, des autorités communales, cantonales et fédérales ainsi que des diplomates. Les intervenants ont partagé leur point de vue sur la gouvernance équitable.
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a journée officielle des «Initiatives de Caux pour la sécurité humaine 2013» a été ouverte par Antoine Jaulmes et Omnia Marzouk, respectivement présidents de la Fondation CAUX-Initiatives et Changement et d’Initiatives et Changement International. Tous deux ont souligné l’importance de lutter pour le changement à tous les niveaux – de la base aux leaders, en commençant par soi-même. «Il faut voir loin sans pour autant négliger les petites actions du quotidien», a noté Mme Marzouk. L’ambassadeur Claude Altermatt du Département fédéral des affaires étrangères a inauguré la session plénière intitulée «Vers une gouvernance équitable». Il a rendu hommage aux efforts d’I&C de rassembler des personnes d’origines diverses et de les amener à dialoguer. Il a également souligné les buts communs d’I&C et de la Suisse – la promotion de la paix, de la démocratie et du respect des lois à travers le dialogue et la compréhension mutuelle. «La Suisse est fière de soutenir ce cycle de rencontres», a-t-il affirmé. Cornelio Sommaruga, président honoraire d’I&C International et ancien président du CICR, a mis en exergue les conséquences de la globalisation et les réponses à fournir. La gouvernance équi-
Claude Altermatt
Antoine Jaulmes et Omnia Marzouk
table et la sécurité humaine exigent, à ce titre, une «mondialisation des responsabilités». Expliquant son travail au sein des Premières Nations du Canada, Maggie Hodgson a rappelé le rôle de la communauté dans la construction de l’identité et dans le changement individuel – les bases de la gouvernance équitable. La journée a pris fin avec l’intervention longuement applaudie de Me Moïse Nya-
rugabo, sénateur et ancien ministre de l’économie congolais. S’appuyant sur son vécu, cet ancien rebelle devenu un fervent adversaire de la corruption a illustré la manière dont la lutte contre celle-ci commence par soi-même. Soulignant la responsabilité des Africains dans le combat pour une gouvernance équitable sur leur continent, il a néanmoins aussi rappelé à l’Occident qu’il est de sa responsabilité de leur prêter main forte.
Me Moïse Nyarugabo
Cornelio Sommaruga RAPPORT DE CAUX 2013 5
GOUVERNANCE ÉQUITABLE
Gouvernance équitable: un problème complexe Durant la rencontre «Gouvernance équitable», une session plénière dont l’un des thèmes portait sur la corruption a généré de nombreuses discussions. seurs m’ont suppliée de changer d’avis, a-t-elle relevé. J’ai suggéré que nous devrions plutôt donner des cours supplémentaires aux élèves et nous avons eu un taux de réussite de 80 %.»
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kuru Aukot a dirigé le comité d’ex- Lucienne Munono, directrice d’une école perts qui a élaboré la constitution en République Démocratique du Congo, kenyane de 2010. Celle-ci contient les qua- a raconté sa lutte contre la corruption: lités attendues chez les dirigeants poli- «Quand j’ai refusé d’autoriser mes élèves à tiques du pays: «Cependant, sans agents du acheter les examinateurs, élèves et profeschangement et de l’intégrité, il est possible que la constitution n’ait pas plus de valeur que le papier sur lequel elle est rédigée.» Il tente aujourd’hui d’impliquer les jeunes dans la politique à travers un modèle de représentation qui donne davantage de pouvoir aux 47 comtés kenyans.
Pour Shehu Sani, président du congrès des droits civils du Nigéria, la démocratie représente le fondement d’une gouvernance intègre: «Durant trois décennies de régime militaire, nous nous sommes battus contre la dictature, a-t-il souligné. Aujourd’hui, nous œuvrons pour la transparence dans la gouvernance et nous faisons des progrès.»
Lucienne Munono
Oleksandra Baklanova a noté que la société civile peut offrir une vision politique aux dirigeants: «En Ukraine, nous avons créé le Groupe Nestor, qui rassemble des professionnels d’horizons divers.» Ce dernier a notamment contesté la stratégie de la ville de Kiev, qui se concentrait sur le tourisme. «Nous avons rappelé que la priorité devrait être les services intellectuels et créatifs qui façonnent l’environnement recherché par les touristes. Cette approche a fini par être votée en tant que stratégie de la ville.»
Oleksandra Baklanova
Réconciliation post-conflit Une discussion sur le thème de la réconciliation, qu’elle soit interethnique, religieuse ou politique, a montré le rôle essentiel que peut jouer la société civile.
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a capacité à réconcilier des adversaires et à surmonter des différends représente un atout majeur pour tous ceux qui recherchent une gouvernance équitable. Selon Ashraf Ali, président du centre de
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recherche FATA dans le nord du Pakistan, c’est la division entre l’État et la société qu’il faut combler: «La plupart des gens se sentent exclus de la vie politique parce qu’à leurs yeux, seules les élites en pro-
fitent.» Il est convaincu que les pays occidentaux pourraient contribuer à l’amélioration de la qualité de la gouvernance: «Si l’argent dépensé pour les attaques de drones dans la région était affecté au dé-
veloppement de cette région, le soutien aux militants s’épuiserait.» Bedan Mbugua, directeur d’une grande entreprise de médias au Kenya, a expliqué sa rencontre en 2009 avec le dirigeant d’un gang dont les membres venaient de tuer 27 personnes de sang-froid. Leur discussion a profondément bouleversé le leader du gang, qui a ordonné à ses hommes d’arrêter ces meurtres. Une décision sur laquelle il n’est jamais revenu.
Ashraf Ali
Inderjit Bhogal
Inderjit Bhogal d’Irlande du Nord a parlé du travail du Corrymeela, une communauté dédiée à la réconciliation des oppo-
sants: «Un traité de paix a été signé il y a quinze ans mais la réconciliation demande davantage de travail que la paix.
Tout comme Caux, Corrymeela offre un espace où les individus peuvent se rencontrer et tenir des conversations difficiles.»
Comment surmonter la «malédiction des ressources» Une session plénière a étudié la manière dont les ressources naturelles des pays en voie de développement pourraient contribuer à un réel développement.
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elon Farai Maguwu, directeur du Centre pour la gouvernance des ressources naturelles au Zimbabwe, «les leaders africains sont de mèche avec de puissants groupes hors d’Afrique afin de contrôler leurs ressources, tant et si bien que les Africains en sont privés».
Chidi Odinkalu, président de la commission nationale des droits de l’homme au Nigéria, a mis l’accent sur l’accord conclu dans ce pays, qui assure que les communautés touchées par l’extraction minière reçoivent un pourcentage des droits. Il a appelé chacun à s’investir pour cette clause dans les contrats.
Farai Maguwu
La rencontre a également accueilli des Africains qui ont repris le contrôle de leurs ressources. Tadesse Meskela, directeur général de l’Union coopérative des cultivateurs de café d’Oromia, en Éthiopie, a décrit la croissance des coopératives dans son pays, qui a permis aux cultivateurs de recevoir des millions de dollars supplémentaires pour l’exportation de leur café. Actif en Afghanistan, Benjamin Phelan, directeur des innovations et de la technologie chez «Future Brilliance», a décrit son travail de formation de bijoutiers locaux. Celui-ci garantit que les pierres précieuses extraites dans le pays soient transformées en bijoux sur place, fournissant ainsi des emplois et des revenus. Neil Buhne, directeur au Bureau de la prévention des crises et de la reconstruction au PNUD, s’est penché sur les tensions dans la région helvétique où est basé le géant minier Glencore Xstrata. De nombreux habitants soutiennent que certaines taxes versées par Glencore devraient revenir aux pays souffrant des conséquences de l’extraction de matières premières. Cet exemple illustre l’opinion – croissante dans les pays occidentaux – selon laquelle les industries extractives exploitent les pays en voie de développement. La reconnaissance de ce point de
vue pourrait aider à réduire les conflits liés aux ressources.
Tadesse Meskela
En bref La rencontre dédiée à la «Gouvernance équitable», qui s’est déroulée du 29 juin au 3 juillet, a exploré les structures et les qualités personnelles qui favorisent une gestion éthique et inclusive. Décrite comme un «rassemblement d’acteurs du changement» par l’un de ses organisateurs, elle a permis à des politiciens, à des représentants de gouvernements, à des universitaires et à bien d’autres venus de plus de 30 pays de traiter les questions de gouvernance d’un point de vue pratique.
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GUÉRIR LES MÉMOIRES
Un travail commun de guérison et de justice La session d’ouverture de la conférence «Guérir les mémoires» a abordé «notre rêve pour le XXIe siècle»: adopter des valeurs humanistes communes dans le travail pour la guérison et la justice.
G
ail Christopher, vice-présidente pour la stratégie des programmes à la Fondation W.K. Kellogg, a souligné le fait que le racisme est une idée fausse, appelant chacun de nous à «s’engager pour changer cette conviction. Tous les êtres humains sont égaux.» Doreen Lawrence, du Stephen Lawrence Trust (RoyaumeUni), a également insisté sur ce point, donnant l’exemple du racisme institutionnel de la police britannique dans l’enquête sur le meurtre de son fils par cinq jeunes hommes blancs en 1993. «Stephen était un jeune homme brillant, il avait un bel avenir devant lui qui lui a été volé. Ma famille et moi nous sommes battues pour que justice soit faite. Deux individus sont désormais en prison pour son
Gail Christopher
meurtre mais il a fallu presque 20 ans pour y arriver.» Lisa Jackson-Pulver de l’Université du New South Wales (Australie) a mis en évidence les disparités en matière de santé entre Blancs et aborigènes, preuve d’un racisme structurel. John Powell, de l’Institut Haas pour une société équitable et inclusive, Université de Californie à Ber-
keley, a montré la manière dont le subconscient peut être influencé et mener à des politiques et des actions racistes. Rajmohan Gandhi, petit-fils et biographe du Mahatma Gandhi, a évoqué les défis de l’extrémisme religieux et a résumé la session en demandant: «Qu’exige de nous notre loyauté essentielle au genre humain?»
Reconnaître le passé Dire la vérité et guérir les blessures pour changer la société.
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euf intervenants se sont réunis autour du thème de l’impact de l’histoire raciale. John W. Franklin, du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine (Washington), a souligné l’importance d’avoir une pluralité de sources historiques sur les conflits raciaux, en particulier pendant la période de l’esclavage. «Il s’agit de connaître notre partie de l’histoire mais aussi celle des autres», a-t-il expliqué.
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Ciraj Rassool, de l’Université du Cap occidental en Afrique du Sud, a noté que la «réconciliation est un discours, une histoire». Il a mentionné l’importance du sentiment d’appartenance mais aussi des interactions humaines, sans oublier le problème de la (dé)colonisation et de la provenance. Dans ce contexte, «la terre ne doit pas seulement être traitée
comme une propriété privée. C’est aussi un paysage, une terre avec une histoire humaine.» Paul Komesaroff, de l’Université de Monash à Melbourne, a parlé des Blancs et des aborigènes en Australie: «La race n’existe pas mais le racisme si. Nous devons nous exposer pour avoir une conversation sincère.»
Scott Weber, directeur d’Interpeace, a mis l’accent sur l’importance de la collaboration entre les ONG. Mireille
Fanon-Mendès-France de la Fondation Frantz Fanon, experte indépendante de l’ONU, a résumé: «Il n’y a pas de civili-
sations supérieure et inférieure. Il n’y a qu’une seule civilisation: le genre umain.»
Ciraj Rassool
Scott Weber
Mireille Fanon-Mendès-France
Une initiative globale contre la ségrégation raciale Comment faire évoluer les convictions?
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ichael Wenger du Centre conjoint d’études politiques et économiques de Washington a mis l’accent sur l’importance de guérir les blessures liées au racisme. Son intervention a été suivie d’un message transmis par le directeur général de l’ONU à Genève, Kassym-Jomart Tokayev. Il a décrit Caux comme un lieu unique, propice au dialogue intercommunautaire et apte à générer des solutions innovantes pour un monde meilleur. Marc Leyenberger de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a souligné l’existence d’une multitude de sites internet qui incitent à la haine raciale ainsi que le besoin de dénoncer ces derniers. Selon lui, ce sont la tolérance et l’ouverture qui rendent la paix possible: «Nous devons faire taire les cris de haine et de violence de manière systématique. Nous ne pouvons pas tolérer l’intolérable.» Gail Christopher, vice-présidente de la stratégie des programmes de la Fondation W. K. Kellogg, a appelé à la création d’un fonds mondial «pour la guérison du racisme». La discrimination raciale nuit au progrès dans tous les secteurs de la société sur le long terme. Il est donc crucial de trouver des moyens de «faire évoluer les gens au-delà de leurs convictions profondément ancrées».
Marc Leyenberger
En bref La rencontre «Guérir les mémoires: dépasser le racisme, chercher l’équité, créer un esprit collectif» s’est déroulée du 3 au 7 juillet. Cette rencontre organisée en collaboration avec la Fondation W. K. Kellogg n’a pas seulement exploré les inégalités liées à l’origine et à la classe sociale dans les pays anglo-saxons mais a aussi abordé d’autres problématiques telles que la discrimination des Roms au Kosovo, les relations entre l’Inde et le Pakistan au Punjab et les conséquences de la guerre civile au Tchad. Animés par un intérêt commun pour les blessures héritées du passé, les participants ont discuté de différentes manières d’aller de l’avant, sans oublier leurs origines pour autant. Un rapport complet est disponible sur www.us.iofc.org.
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DIALOGUE DE CAUX SUR LA TERRE ET LA SÉCURITÉ
Davantage d’éthique dans l’économie La première session du «Dialogue de Caux sur la terre et la sécurité» a abordé l’avenir de nos ressources et l’importance de l’éthique et des valeurs dans notre modèle économique.
Bianca Jagger
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attan Lal, professeur en science des sols et directeur du Centre pour la gestion et le piégeage du carbone à l’Ohio State University, a fait une présentation détaillée de l’avenir des terres et des ressources de notre planète. Plaçant tous ses espoirs dans un renouveau des valeurs, il a appelé à une gestion durable des sols et rappelé que toutes les cultures considèrent la terre comme la base de la vie. Ian Johnson, secrétaire général du Club de Rome, a quant à lui proposé de revoir
notre modèle économique obsolète, en commençant par une analyse approfondie de notre système de valeurs. Bianca Jagger, présidente et fondatrice de la Fondation Bianca Jagger pour les droits de l’homme, a souligné l’importance des droits de l’homme et celle de valoriser les femmes dans le cadre de la restauration des terres: «Nous ferons face ensemble ou nous tomberons ensemble.»
Ian Johnson
Cette session a fourni au public de nombreux exemples de la manière dont la terre, la sécurité et le comportement humain sont liés.
Des actions locales pour restaurer les terres Des actions de terrain efficaces ont été analysées.
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Adam Koniuszewski 10 RAPPORT DE CAUX 2013
ianca Jagger, fondatrice et directrice de la Fondation Bianca Jagger pour les droits de l’homme et ambassadrice de la campagne «Plant a pledge» de l’UICN, a notamment parlé de ladite campagne. Celle-ci a pour but d’obtenir la promesse de la part de gouvernements et de propriétaires fonciers de restaurer 150 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2020, ce qui constitue la plus importante initiative de régénération au monde. Tony Rinaudo, conseiller en ressources naturelles de «World vision», a décrit son
travail de reforestation au Niger: le fait de raviver des souches d’arbres dont les racines étaient encore saines a permis de reboiser cinq millions d’hectares et d’augmenter le rendement des récoltes de manière spectaculaire. Adam Koniuszewski, directeur des programmes, Green Cross International, a expliqué les diverses actions environnementales entreprises par la fondation Green Cross, telles que la destruction d’armes chimiques et de pesticides, un processus très coûteux.
Restauration des terres et monde des affaires Pour qu’un projet fonctionne, il vaut mieux qu’il soit le fruit de la collaboration entre entreprises, agriculteurs et société civile.
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llan Savory, biologiste exilé du Zim- du bétail sur les terres arides pour reprobabwe, agriculteur, soldat et écolo- duire les effets des troupeaux sauvages qui giste, a commencé par mettre le public au y paissaient il y a plusieurs générations. défi: alors même que nous promouvons de «La gestion des terres se doit d’être holisplus en plus une agriculture durable et de tique et non plus réductionniste», a-t-il la nourriture biologique ou d’origine lo- affirmé. cale, en quoi cette démarche diffère-t-elle La discussion avec un panel d’experts vede la manière dont vivaient nos ancêtres? nus du monde des affaires ou académique Il a poursuivi sur le thème de la désertifi- s’est ensuite orientée vers la relation entre cation: «Rien ne permettra de mieux les entreprises et la restauration des terres. construire la paix que d’inverser le proces- Les intervenants sont tombés d’accord sur sus de désertification.» Selon lui, la seule l’opportunité commerciale représentée par manière d’y parvenir est de réintroduire le besoin urgent de restaurer les terres. Les
Une initiative globale sur les terres arides
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e 10 juillet, Julia Marton-Lefèvre, directrice générale de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et Luc Gnacadja, secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification (CNULD), ont signé un accord de collaboration visant à attirer l’attention du monde sur l’importance des terres arides.
Julia Marton-Lefèvre a décrit la désertification comme représentant «une menace majeure à la durabilité, à la paix et à la sécurité mondiales». Luc Gnacadja a poursuivi: «Les terres arides sont des régions qui, outre une faune et une flore diversifiées, comptent aussi un tiers de la population mondiale.» En outre, elles représentent des ressources en nourriture importantes pour l’ensemble de la planète. Avant la signature, Julia Marton-Lefèvre a planté un arbre en l’honneur du rôle joué par Luc Gnacadja à la CNULD et à Caux dans l’association des objectifs de la régénération des terres et de la sécurité.
entreprises, les agriculteurs et la société civile devraient chercher des solutions ensemble.
Allan Savory
En bref Le «Dialogue de Caux sur la terre et la sécurité», qui s’est tenu du 7 au 11 juillet, a rassemblé des participants ayant un intérêt commun pour la désertification, les effets d’une mauvaise gestion des terres et la sécurité. Adoptant une approche unique, la rencontre s’est concentrée sur le lien entre la paix et la dégradation des sols. Divers ateliers ont en outre analysé les succès et les échecs d’initiatives visant à préserver les terres et à instaurer la confiance. La rencontre a été organisée par Luc Gnacadja, secrétaire exécutif de la Convention de l’ONU pour la lutte contre la désertification, et par Mohamed Sahnoun, président du Forum de Caux pour la sécurité humaine.
Terre et sécurité dans la région du Sahel L’ambassadeur Amedou Ould Abdallah, de Mauritanie, président du Centre 4s, ancien représentant spécial des Nations Unies au Burundi, en Afrique de l’Ouest et en Somalie, a parlé des multiples menaces à la sécurité au Sahel et de la pression, due à la raréfaction des terres arables, ressentie par les populations. Il a ensuite été rejoint par un panel d’experts, qui rassemblait Ridha Bouabid, ambassadeur de la Francophonie, Luc Gnacadja, Chris Reij de l’Institut des ressources mondiales à Washington, et Ramadane Barma, secrétaire général de la Médiature de la République, au Tchad. Aborder les préoccupations en matière de sécurité à travers la restauration des terres a semblé une approche prometteuse au vu de la situation de la région. Luc Gnacadja et Julia Marton-Lefèvre RAPPORT DE CAUX 2013 11
CONFIANCE ET INTÉGRITÉ DANS UNE ÉCONOMIE MONDIALISÉE
Comment devenir un leader dans le monde des affaires Que faut-il faire pour réussir en tant que leader intègre? C’est la question abordée par Joe Garner, ancien directeur de la HSBC UK Retail Bank, durant sa présentation interactive. Celle-ci a ouvert la rencontre «Confiance et intégrité dans une économie mondialisée».
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oe Garner a traité du thème «conduire le monde des affaires vers 2020: l’importance de la personnalité dans un monde transparent». Selon lui, la récente crise financière s’est soldée par des «pressions énormes en faveur d’un changement» dans le monde des affaires, par une érosion importante de la confiance, et par l’augmentation des scandales liés aux entreprises.
Joe Garner
Dans de telles conditions, comment les leaders peuvent-ils réussir? Sa solution chez HSBC a été de réunir sa nouvelle équipe: «Nous avons réalisé que nous arrivions à faire face aux problèmes de la vie en tant qu’êtres humains. Nous avons donc conclu que nous pouvions tout af-
fronter, mais que le monde du travail nous avait figés. Tant que nous gardons notre humanité, nous nous en sortons.» Pour cette raison, il est essentiel de créer des environnements de travail «où les gens peuvent être eux-mêmes, où ils peuvent être des personnes d’abord, et des banquiers ensuite». Ces nouvelles tendances sont, selon Joe Garner, «ici pour de bon, elles ne vont pas s’envoler». Utilisant des anecdotes personnelles, son sens de l’humour et des études, il a illustré la manière dont des dirigeants
peuvent agir avec intégrité en faisant confiance aux individus, un message qui a été particulièrement bien reçu par le public.
«L’Occident n’est pas le meilleur» Peter Brew du Royaume-Uni, président non-exécutif de «Trans4M», Centre pour le développement intégral, a donné une conférence publique intitulée «Initiatives pour une nouvelle économie globale».
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eter Brew a traité de la durabilité dans l’économie globale d’aujourd’hui et dans le monde des affaires. Il a relevé que, suite à l’émergence de l’Est, des changements majeurs sont survenus et que chaque secteur est confronté à ses propres problèmes.
Il a proposé des solutions aux problèmes que rencontrent les entreprises aujourd’hui, en mettant l’accent sur le fait que «l’Occident n’est pas le meilleur». Il 12 RAPPORT DE CAUX 2013
a ajouté: «Nous devons injecter de la durabilité dans l’ADN des entreprises. Celles-ci doivent réfléchir au-delà des normes: ce n’est pas parce que quelque chose est légal que c’est juste. Nous devons nous mettre à faire ce qui est juste et ne plus nous considérer comme des ennemis potentiels. L’Occident ne doit plus concevoir le reste du monde comme son serviteur. Nous sommes des partenaires qui avons besoin de travailler ensemble.»
Peter Brew
Katrin Muff: «Développer l’être humain dans le leader»
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urant une session axée sur la manière dont la société civile et les personnes peuvent conduire au changement dans leurs communautés, Katrin Muff, directrice de la Business school de Lausanne, a évoqué les mesures prises par son école pour promouvoir «une éducation au management pour le monde».
Elle a parlé de l’initiative 50+20 qu’elle a lancée lors du Sommet Rio+20 en 2012, un projet qui a pour but de trouver de
nouvelles manières pour que l’éducation au management soutienne la durabilité. Elle a affirmé que les écoles ont une responsabilité envers la société, celle de «développer l’être humain dans le leader, et le leader dans l’être humain». Basée sur la conviction que «le monde a besoin d’entreprises qui sont différentes de ce qu’elles étaient», son école a adopté une approche novatrice qui, plutôt que de viser des profits à court terme, favorise la planète et le bien commun.
Katrin Muff
«On n’est jamais trop jeune pour devenir un leader» Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU et fondateur de la fondation Kofi Annan, a clôturé la rencontre. Son intervention parsemée d’humour a été suivie par une session de quarante-cinq minutes de questions-réponses très animées.
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ofi Annan a commencé son intervention en se réjouissant d’être de retour à Caux après sa dernière visite en 2007. Il a ensuite exploré les défis en matière de sécurité humaine posés par l’environnement économique et financier actuel, qui a beaucoup évolué ces dernières années. «J’ai voyagé à travers le monde et rencontré beaucoup de monde, a-t-il noté. Les gens sont en colère, ils n’arrivent pas à payer leurs factures.» Pour lui, il faut rétablir la confiance envers les autorités. Il a en particulier mis l’accent sur l’importance des jeunes pour l’avenir et sur la meilleure manière de la préparer à son rôle: «Nous leur donnons des diplômes. Ne serait-il pas mieux de leur offrir des vocations? Nous devons prendre soin des jeunes qui devront travailler pour
subvenir aux besoins des plus âgés. C’est un réel défi.» Il les a aussi encouragés à se lancer: «Ils sont déterminés à participer à la vie civile, à devenir des entrepreneurs, à être des leaders. Ils ont juste besoin d’aide et de conseils. On n’est jamais trop jeune pour devenir un leader.»
s’étende pas et a appelé à davantage d’efforts diplomatiques. Il a conclu en insistant sur les trois piliers sur lesquels reposent les sociétés en bonne santé: la paix et la sécurité, le développement économique ainsi que le respect de la loi et des droits humains.
Kofi Annan a également évoqué la situation en Afrique du Nord et au MoyenOrient. «Les gens ont pris leur destin en main», a-t-il relevé. Il a néanmoins mis en garde contre l’effet de la rue, soulignant qu’il ne fallait pas qu’elle puisse renverser de réelles démocraties. Concernant la Syrie, au cœur des questions du public, il a relevé qu’il fallait faire attention à ce que le conflit ne
En bref Du 13 au 19 juillet, la rencontre «Confiance et intégrité dans une économie mondialisée» a traité de la manière d’amener davantage de justice économique et de durabilité environnementale dans l’économie actuelle. Elle a bénéficié de contributions d’intervenants éminents, provenant aussi bien de la base que de grandes entreprises. Un rapport de 32 pages est disponible sur www.cauxbusiness.org. Kofi Annan RAPPORT DE CAUX 2013 13
LES ENFANTS, ACTEURS DE CHANGEMENT DE LA SOCIÉTÉ
Promouvoir la participation des enfants La première rencontre «Les enfants, acteurs de changement de la société» a abordé la problématique de la participation des enfants à la société sous différents angles.
Child-to-Child Trust Children changing their lives
G
erison Lansdown, présidente du «Child-to-Child Trust», a ouvert la conférence en dévoilant les éléments nécessaires à la participation des enfants à la société, notamment le droit d’être écoutés et d’être considérés à la fois en tant qu’individus et en tant qu’électeurs.
Le Suisse Jean Zermatten, fondateur et directeur de l’Institut international des droits de l’enfant, a expliqué comment la participation des enfants a changé depuis l’introduction de la Convention internationale des droits de l’enfant en 1989: «La participation des enfants change ce que nous pensions. Les enfants deviennent des acteurs sociaux que nous écoutons et qui influencent notre vie sociale de manière croissante.» Il a souligné l’importance «de ne pas les considérer comme des objets ou des statut des enfants et j’espère que cette biens mais de les reconnaître comme des rencontre y contribuera.» individus avec des droits.» Selon lui, cette évolution a tout d’une révolution Jana Hainsworth, d’Eurochild, et Daniel mais est loin d’être achevée: «Nous Kropf, de la Fondation pour l’éducation n’avons pas encore franchi le pas. Nous universelle, ont ensuite présenté l’initiative n’avons pas encore vraiment reconnu le «Learning for Well-Being». Jana
Hainsworth a noté que «pour changer la société, les adultes doivent modifier leur perception des choses. Notre travail ne consiste pas à changer les enfants afin qu’ils correspondent à nos idées mais à mettre en lumière la personnalité de chaque enfant pour l’aider à trouver sa voie.»
Gerison Lansdown
Daniel Kropf avec sa fille
14 RAPPORT DE CAUX 2013
Jean Zermatten
es
L’avenir de l’éducation: entre innovation, imagination et interaction Deux modèles d’éducation distincts mais pas incompatibles ont été présentés.
M
arie Wernham, travailleuse interna- Enfants et adultes, nous devons construire tionale en droits de l’enfant et l’arche des droits humains ensemble.» consultante pour l’UNICEF, a ouvert la Christopher Clouder, fondateur du discussion, se penchant sur le rôle essentiel Conseil européen pour l’éducation Steiner que revêt l’éducation, tout en expliquant le Waldorf, a poursuivi avec l’enseignement concept d’«éducation sur les droits de l’en- et la manière de l’améliorer. Citant le «Pefant» à travers une présentation illustrant tit Prince» d’Antoine de Saint-Exupéry, il les différentes étapes de l’enseignement a parlé d’une approche plus rêvée et imacomme les racines, les branches et les ginative des pratiques éducationnelles. Il feuilles d’un arbre: «Comment la partici- a souligné l’importance de la créativité de pation des enfants est-elle liée aux diffé- l’éducation et des méthodes d’apprentisrentes parties d’un arbre? Il s’agit d’un sage alternatives. Selon lui, «il n’y a pas de processus d’apprentissage, qui inclut l’ap- recette. Tout est en nous. Nous passons prentissage comme un droit, l’apprentis- nos vies à apprendre les uns des autres.» Il sage des droits, l’apprentissage à travers les a conclu en insistant sur le rôle de socialidroits, et l’apprentissage pour les droits. sation des écoles et l’importance d’incor-
Christopher Clouder
porer de la spiritualité, de l’émotion et de l’amour dans nos modèles d’éducation.
«Nous devons écouter les enfants!» Les questions liées à la santé des enfants étaient au cœur d’une des sessions plénières. Sir Albert Aynsley-Green, premier commissaire des enfants au Royaume-Uni, a mis l’accent sur l’importance de les écouter. «Leurs besoins en matière de santé sont sidérants», a-t-il expliqué à propos des enfants physiquement handicapés. Il a également cité des statistiques affligeantes mais vraies: un enfant perd un parent toutes les 22 minutes en moyenne au Royaume-Uni. Il est essentiel pour eux d’avoir quelqu’un à qui parler dans cette épreuve sous peine de sombrer dans la dépression ou de se sentir exclus à l’école.
Marie Wernham
Ateliers pour les enfants: favoriser la participation Tandis que les adultes participaient aux sessions plénières de la rencontre, les enfants avaient droit à leurs propres ateliers.
A
nna Bondarenko, travailleuse sociale pour «Foundations for Freedom» en Europe de l’Est, faisait partie de l’équipe organisatrice de ces ateliers. Dans le groupe qu’elle a animé, quinze enfants provenant de dix pays, parlant six langues différentes et âgés de 6 à 10 ans, se sont retrouvés chaque matin. À travers des jeux, du théâtre et du dessin, les sujets des sessions plénières ont été discutés avec les enfants, dont la sagesse a souvent surpris les adultes. «Parfois, on se dit «waouh!» quand on les entend», raconte Anna Bondarenko en souriant. Par exemple, le jour où le thème
de la santé a été abordé, un garçon de neuf ans a affirmé que «pour être en bonne santé, il faut être honnête. Si on n’est pas honnête, on se sent coupable, et on le sent dans notre corps: on n’a pas faim, on devient déprimé. Se sentir coupable, ça affecte notre corps et notre santé.» Les enfants ont eu l’occasion de partager leurs idées avec les adultes dans des groupes de discussion. Anna Bondarenko s’est déclarée très satisfaite des résultats de ces échanges. Cependant, elle a avoué qu’«en tant qu’adultes, nous avons beaucoup plus appris des enfants qu’ils n’ont appris de
nous. Si on est prêt à réellement écouter les enfants, on réalise qu’il y a beaucoup de choses qu’ils savent déjà.»
En bref Du 24 au 30 juillet, Initiatives et Changement et «The Child-to-Child Trust» ont coorganisé pour la première fois la rencontre «Les enfants, acteurs de changement de la société». Les jeunes ont été activement impliqués puisqu’une soixantaine d’enfants et d’adolescents ont participé à la rencontre. Les participants ont exploré la manière de promouvoir la participation des enfants à la société dans des domaines tels que l’éducation ou la reconstruction post-conflit à la fois dans des sessions plénières, des ateliers séparés et dans les discussions de groupes rassemblant adultes et enfants.
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APPRENDRE À VIVRE DANS UN MONDE MULTICULTUREL
Au cœur de la résilience Cette année, la rencontre «Apprendre à vivre dans un monde multiculturel» était davantage interactive et participative comme l’a montré la session plénière sur le thème: «Comment construire des communautés résilientes?»
N
aux générations suivantes et leur permettre d’apprendre de leurs erreurs.»
Hiroshi Ishida, professeur à l’«Institute of Business and Accounting» à l’Université Kawansei Gakuim, au Japon, a analysé ce qu’un tsunami représente pour les Japonais: «Les gens cherchent un sens aux désastres: survivre pour raconter leur vécu
Glenda Eoyang, fondatrice et directrice générale du «Human systems dynamics institute», a expliqué la façon dont le processus de construction communautaire se déroule «grâce à l’action adaptative. Lorsque nous avons des problèmes, la réflexion autour des questions «Quoi?», «Et alors?» et «Et maintenant?» est au cœur de la résilience.» Ses propos ont été illustrés par un jeu, le challenge du «marshmallow», qui a enthousiasmé les participants.
assima Aboun, psychologue algérienne et belge qui avait perdu son emploi et tout ce qu’elle possédait, a partagé son expérience de résiliente: «J’ai dû repartir à zéro et surmonter mes problèmes petit à petit. J’ai commencé avec moi-même.»
Il s’agissait de construire la plus haute tour possible en utilisant 20 spaghettis, un mètre de ruban, un mètre de ficelle et un marshmallow. Chaque groupe en a tiré des leçons différentes mais la même conclusion: c’est grâce aux différences entre les individus qu’un objectif commun a pu être atteint.
Construire la confiance à travers les générations Deux études de cas ont été présentées pendant une session plénière.
L
a première étude de cas a été présentée par Marcel Obst et Rodrigo Araneda (Xarxa Anti-rumeurs), de Barcelone. Leur organisation travaille à réduire les préjugés contre les communautés migrantes à Barcelone, y compris les personnes ayant quitté leur pays à cause de 16 RAPPORT DE CAUX 2013
leurs convictions religieuses, culturelles ou encore de leur orientation sexuelle. L’étude de cas s’est concentrée sur l’histoire d’un jeune homme de Géorgie ayant fui son pays en raison de son homosexualité. En arrivant en Espagne, il a reçu l’aide de membres de l’organisation, qui
lui ont permis de se sentir à l’aise et accepté par les autres. La deuxième étude de cas est celle de Seren Dalkiran («Energized earth network»), originaire de Turquie mais née et élevée aux Pays-Bas. Dans les quartiers défavorisés, le
multiculturalisme et l’intégration étaient alors des concepts inconnus et les immigrants se sentaient mis à l’écart – comme c’est souvent le cas lorsqu’on est différent. Plus tard, elle s’est investie en politique, faisant un atout de ses origines. «La diversité
n’est pas un handicap, c’est une force indispensable, a-t-elle souligné. Pour moi, elle constitue une source d’enrichissement incroyable.» Selon elle, nous ne devrions pas oublier ou jeter le discrédit sur les actions des générations précédentes mais travailler
sur cet héritage pour changer les choses. Les participants n’ont pas seulement écouté ces témoignages, ils ont échangé leurs réflexions à ce sujet en groupe, sous la forme d’une chanson, d’une scène de théâtre ou encore d’un dessin.
«La diversité représente une richesse» Une des matinées a été dédiée au «pouvoir de la diversité».
F
atma Wakil, un jeune membre de l’équipe de la conférence, originaire d’Afghanistan mais ayant grandi aux Pays-Bas, a partagé son expérience de vie dans ces deux pays ainsi que son sentiment de manque d’appartenance: «Je me sentais trop hollandaise en Afghanistan et trop afghane aux Pays-Bas.» D’après elle, les personnes aux origines multiples ont en revanche la capacité de construire
En bref Du 1er au 6 août, les participants à la rencontre «Apprendre à vivre dans un monde multiculturel», qui avait pour thème cette année la confiance intergénérationnelle, ont eu l’occasion de tester un nouveau format. Les allocutions d’intervenants ont été abandonnées. Ce sont les connaissances et les échanges des participants qui ont été au cœur de la rencontre. Un accent particulier a été mis sur les discussions de groupes et les exercices visant à renforcer la confiance entre les cultures, les communautés et les générations, tout en fournissant des clés pour agir aux personnes présentes.
des ponts entre les différentes cultures et sociétés. À travers une série d’exercices, les participants ont ensuite débattu de la valeur et des difficultés potentielles représentées par la diversité. La majorité d’entre eux ont conclu que «la diversité représente une richesse». Pour éviter que la diversité ne devienne une source de conflit, davantage d’occasions d’«apprendre à vivre dans un
monde multiculturel» sont néanmoins nécessaires. Glenda Eoyang, fondatrice et directrice générale du «Human systems dynamics institute», a souligné qu’il était crucial non seulement de reconnaître les différences mais aussi de tisser des liens entre elles: «Transformez les jugements de valeur en curiosité, les conflits en une exploration commune et les a priori en réflexion personnelle.» RAPPORT DE CAUX 2013 17
AUX SOURCES DE L’INSPIRATION
Le silence est d’or Interviewé par Andrew Stallybrass, directeur de Caux Edition, Graham Turner, auteur et journaliste, s’est exprimé sur le pouvoir du silence devant une audience captivée. Cette session plénière a ouvert l’événement «Aux sources de l’inspiration». La Charte de la compassion L’une des sessions plénières a été dédiée à la Charte de la compassion, créée par la théologienne britannique Karen Armstrong. Au cœur de la charte, la règle d’or encourage les individus à «traiter les autres comme on aimerait être traité». La compassion étant universelle, chacun peut agir selon les principes de la charte – «travailler sans relâche pour soulager les souffrances de nos prochains et toujours traiter chacun, sans exception, avec justice, équité et respect». La charte stipule en outre que «la compassion représente la voie vers la compréhension et est indispensable à la création d’une économie juste et de la paix dans une communauté».
«L
es vrais amis nous disent la vérité mais avec amour», a expliqué Graham Turner. Même s’il aurait souhaité davantage d’amour dans une critique exprimée par un ami, celle-ci l’a conduit à expérimenter le silence pour la première fois à l’âge de 24 ans. Pendant 15 minutes, il a réfléchi à ce qu’il avait fait dans sa vie, se rendant compte de choses dont il aurait dû s’excuser.
ou encore avec un prêtre trappiste dans le Colorado. Comme l’a constaté l’auteur, «de nombreuses personnes en Occident craignent le silence. C’est pourtant un centre d’intérêt pour un nombre
Avec les années, il s’est concentré sur sa carrière, oubliant cet épisode. Il s’est toutefois remis à réfléchir au sujet du silence, réalisant que la vie qu’il menait était en désaccord avec ses valeurs. Obéissant à une «voix intérieure», il a utilisé ses économies pour réparer des actes qu’il regrettait. Plus tard, Graham Turner s’est attelé à l’écriture d’un livre, «Le pouvoir du silence», paru récemment. Ses recherches l’ont amené à faire de nombreuses rencontres, que ce soit dans un monastère en Égypte, en prison avec un homme qui avait tué un ami et dont les séances de méditation ont changé la vie, 18 RAPPORT DE CAUX 2013
Andrew Stallybrass et Graham Turner
important d’individus: les musiciens considèrent que le silence est aussi important que les notes qui sont jouées.» Il a encouragé le public à considérer le silence comme une ressource et à s’accorder des moments de paix et de réflexion.
Trouver l’inspiration dans des ateliers et au théâtre
C
haque après-midi a été l’occasion pour les participants de choisir parmi un éventail d’ateliers et de discussions. Ces ateliers ont fourni un espace propice aux rencontres, en plus de permettre aux participants venus du monde entier d’exprimer leur créativité, de développer des compétences nouvelles et de faire des expériences inédites. Deux soirées ont fait renaître la grande tradition du théâtre à Caux: le conte spirituel «La légende du quatrième roi», avec John Locke, et une adaptation moderne de quelques scènes de Shakespeare par la troupe «Intermission Youth Theatre» de Londres.
Partager les expériences et l’inspiration L’avant-dernière session plénière s’est concentrée sur des histoires personnelles. La session finale, elle, a recueilli le feedback des participants.
D
urant la première session, Mayumi Matsushita du Japon a partagé son expérience de bénévolat après le tsunami ayant eu lieu dans son pays. Elle a souligné que «si nous le voulons, nous sommes tous capables de faire une différence». Au Japon, cela s’est traduit par plusieurs exemples d’aide humanitaire qui ont bien fonctionné. Le groupe de Mayumi s’est notamment
Mayumi Matsushita
concentré sur la reconstruction et la remise en état de maisons dévastées. Elle a donné l’exemple d’une exploitation agricole reconstruite afin de permettre au fermier de continuer à cultiver ses légumes. Une autre activité consistait à distribuer des provisions ainsi qu’à organiser des pauses thé dans des foyers temporaires des régions les plus sinistrées. Cela représentait le moyen de ramener le sourire sur les visages des plus tristes, ceux qui avaient perdu leurs possessions, leurs maisons et, dans certains cas, des membres de leur famille et des amis. Mayumi a conclu en soulignant que malgré tout le travail à faire, les Japonais n’abandonnent jamais. La dernière session plénière a résumé l’esprit de cette rencontre, axée sur les participants – sur leurs expériences et leur inspiration – afin de forger son contenu. Parmi les nombreux feedbacks, un jeune partici-
pant de Londres a expliqué qu’il s’était senti «connecté à cet événement».
En bref L’événement «Aux sources de l’inspiration» (7 au 12 août) a offert aux participants l’opportunité de partager leurs expériences et leurs sources d’inspiration (que ce soit une expérience spirituelle, artistique, scientifique, l’influence d’une autre personne ou encore d’un événement mondial …). Le but de cet événement était de permettre aux participants d’élargir leur horizon, de renforcer leur engagement et de se renouveler. Le format était très interactif.
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Rencontres internationales de Caux 2014 Facteur humain et changement global 30 juin–4 juillet Dialogue de Caux sur la terre et la sécurité Enrayer le cercle vicieux qui lie pauvreté, conflit et désertification 5–10 juillet Confiance et intégrité dans une économie mondialisée Donner un sens à l’économie, inspirer les initiatives pour une prospérité durable 12–17 juillet Gouvernance équitable pour une meilleure sécurité humaine Structures et qualités personnelles favorisant une gouvernance éthique et inclusive
20–24 juillet Aux sources de l’inspiration Partager l’inspiration qui façonne nos vies 26 juillet–1er août Les enfants, acteurs de changement de la société Les jeunes, engagés en faveur du changement 3–8 août Vivre dans un monde multiculturel Innover et agir pour une meilleure cohésion sociale 10–13 août Forum international des artisans de la paix Changement personnel et changement structurel global
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Quelques chiffres • 1451 participants • 109 enfants et adolescents (jusqu’à 17 ans) • 102 nationalités • 13’866 nuitées • 9,6 nuitées en moyenne • y compris 71 «interns» (+ équipe) • y.c. 29 «Caux Scholars» (+ équipe) • y.c. 32 «Caux Artists» (+ équipe) • y.c. 125 bénévoles
CAUX-Initiatives et Changement Case postale 3909 CH-6002 Lucerne E-mail : info@caux.ch Web : www.caux.ch Tél. : +41 41 310 12 61 Fax : +41 41 311 22 14
Initiatives et Changement International 1, rue de Varembé, Case postale 3 CH-1211 Genève 20 E-mail : iofc-international@iofc.org Web : www.iofc.org Tél. : +41 22 749 16 20 Fax : +41 22 733 02 67