yves zurstrassen xippas 2001 paris

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yves zurstrassen Texte d’Olivier Kaeppelin

15 • xii • 2001 - 02 • ii • 2002



La peinture, Milonga, jour et nuit « un poète n’a que le temps pour, avec lui » Georges Perros

P

our certains peintres la peinture est à la fois l’apprentissage de règles strictes, l’apprentissage de compositions et de styles et, paradoxalement, l’affirmation de la plus grande des libertés. Cette liberté n’est pas une pétition de principe mais un espace précisément construit. C’est par la connaissance de l’histoire de l’art, l’engagement dans la création du siècle, la maîtrise des gestes, le jeu des formes et leur mise en œuvre, que l’espace lui-même, sans discours, me fait éprouver cette liberté en acte. yves zurstrassen est le peintre de cet affranchissement. Le pari est que la connaissance la plus profonde des grandes œuvres du temps de Kooning, twombly, richter, Polke, par exemple est un gage pour se défaire d’un ego réducteur à travers le flux du pictural, parcouru, traversé pour atteindre à la seule peinture et devenir pleinement son sujet. a la façon des italiens, yves zurstrassen pratique le « rifare ». il refait comme les peintres renaissants, baroques ou maniéristes refaisaient les œuvres des maîtres qu’ils s’étaient

choisis pour se dépouiller de toute complaisance biographique et pour, dans ce « rifare », abandonner, peu à peu, les savoirs qui les portaient mais les contraignaient afin de générer leur style propre ; se dégageant ainsi, en pleine connaissance, de l’histoire qui les avait formés. L’œuvre d’yves zurstrassen fait le tour d’un territoire pour, en conscience, déclencher le pas au-delà qui précisément lui dérobant cette conscience, lui permet une expérience dont le sens est la recherche complexe de cette liberté des formes. en effet, que voyons-nous ? D’abord une extrême indépendance des figures comme des surfaces, une addition de qualités dissemblables et opposées, une aire agitée où se mêlent citations et expressions inédites. Chaque tableau est fragmenté, transparent ou opaque, rythmé par les « collages » et les contradictions. en une même œuvre, nous passons d’un style nous plongeant dans le milieu du siècle ou dans les années 1970 pour, en d’autres points, venir dialoguer avec la peinture new-yorkaise la plus récente. yves zurstrassen joue de cela, avec la plus grande des indépendances et, surtout, le plus grand des plaisirs. L’important


est de s’avancer assez dans le jeu pour en perdre la règle. il ne s’agit pas d’un exercice mais d’un acte poétique consistant à tout appeler à soi, comme chez les baroques ou certains poètes contemporains, afin que l’espace s’anime de toutes les incarnations picturales possibles comme de toutes les virtuosités qu’elles supposent. regarder un tableau de zurstrassen c’est devenir l’acteur de cette poétique de souveraineté où nous passons, sans entrave, de l’espace cadré au concept d’espace pour revenir à l’espace du « tableau dans le tableau » délité par celui d’une surface sans bords. a n’en pas douter les mouvements sont ceux de la danse : genèse, dilatation, rétractation, expansion, superposition mais aussi évanescence, épaisseur, effarement… si je cherche à nommer l’espace que crée le maniement de ces notions ou de ces opérations, je ne trouve aucun mot du lexique. Je peux, alors, dire : corps, cosmos, théâtre, lumière, chorégraphie… sans doute s’agit-il de cela mais de plus que cela qui les mêle dans d’étranges scènes : duo, trio ou sarabandes. au fond, dans cette paradoxale confusion faite de conscience et de chaos un seul mot revient obstinément : celui de peinture auquel je pourrais plus froidement associer celui de composition. Ceci une fois dit, « nous y sommes », nous y sommes bien, mais seulement pour recommencer, une fois encore, le parcours afin de savoir où nous conduit ce mot qui nous mène à une substance et un esprit qui ne vivent que parce qu’ils nous échappent. Drogue toute puissante de la peinture.

regardant les toiles de zurstrassen je suis devant une scène d’histoire de l’art de ce siècle, en une singulière bataille de genres qu’il fait décliner jusqu’à une nuit où s’anime son univers dont la seule clé d’entrée est la sensation pure et le désir de se laisser emporter par un lent déplacement des rythmes. en regardant la peinture d’yves zurstrassen je pense à cette phrase de Gustave Flaubert qui l’éclaire « un livre est pour moi une manière spéciale de vivre. a propos d’un mot ou d’une idée, je fais des recherches, je me perds dans des lectures ou des rêveries sans fin… » * Changeons les mots : livre et mot en tableau et forme et nous sommes au cœur de la peinture de zurstrassen, de sa vie propre, de sa construction funambule.

Olivier Kaeppelin

* Cité par Pierre-Marc Biasi in « Faubert, les secrets de l’homme plume » Hachette-Livre (1995)



Variation #1 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 26 x 30 cm



Ouverture #2 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 23 x 27 cm



Variation #10 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 23 x 12 cm

Variation #2 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 23 x 15 cm

Variation #3 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 23 x 15 cm



Ouverture #1 2001 Huile sur toile 200 x 300 cm



Composition #28 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 15 x 23 cm


Composition #39 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 15 x 23 cm


Variation #8 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 27 x 23 cm



Variation #9 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 26 x 30 cm



Ouverture #4 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 12 x 23 cm


Variation #6 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 12 x 23 cm


Composition #13 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 23 x 27 cm



DĂŠcollage #4 2001 Huile sur toile 150 x 420 cm



Fragments #2 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 30 x 26 cm



Fragments #3 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 32 x 28 cm



Fragments #4 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 27 x 23 cm



Rêverie #7 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 30 x 40 cm



Décollage #6 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 15 x 23 cm


Ouverture #10 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 15 x 23 cm


DĂŠcollage #3 2001 Huile sur toile 150 x 280 cm



Composition #38 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 12 x 23 cm



Ouverture #3 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 26 x 30 cm


Ouverture #5 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 26 x 30 cm


Ouverture #7 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 34 x 38 cm



Ouverture #14 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 23 x 27 cm



Rêverie #4 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 15 x 23 cm



DĂŠcollage #5 2001 Huile sur toile 150 x 280 cm



Ouverture #15 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 30 x 40 cm



Ouverture #9 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 15 x 35 cm


Ouverture #13 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 15 x 35 cm


Ouverture #11 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 23 x 55 cm



Ouverture #8 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 26 x 30 cm



Variation #13 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 30 x 40 cm



DĂŠcollage #1 2001 Huile sur toile 150 x 280 cm



Rêverie #9 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 34 x 38 cm



Rêverie #1 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 12 x 23 cm


Composition #32 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 12 x 23 cm


Variation #14 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 23 x 55 cm



Jazz #1 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 12 x 23 cm


Rêverie #2 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 12 x 23 cm


Jazz #6 2001 Huile sur toile marouflĂŠe sur bois 23 x 55 cm



DĂŠcollage #2 2001 Huile sur toile 160 x 250 cm



Rêverie #3 2001 Huile sur toile marouflée sur bois 15 x 23 cm









Painting, Milonga, Day and Night “all a poet has for himself, with himself, is time.” Georges Perros

F

or certain painters painting entails learning exacting rules, learning compositions and styles, and, paradoxically, asserting the greatest freedom at the same time. this freedom is not an a priori principle, but a precisely constructed space. through a knowledge of art history, an engagement with the creativity of the century, a mastery of gestures, a play of forms and their formation into a work, the space itself without any phrases makes me experience this active freedom. yves zurstrassen is a painter of such freedom. His wager is that the deepest possible knowledge of the great works from the days of De Kooning, twombly, richter and Polke, for example, can be a pathway toward the shedding of a reductive ego amidst of the pictorial flux, explored and traversed to reach painting alone, and to fully become its subject. Like the italians, zurstrassen practices a “rifare.” He redoes just as the renaissance, Baroque or Mannerist painters redid the works of the masters they had chosen, in order to strip themselves

of any biographical complacency and gradually abandon, through this “rifare,” the forms of knowledge that had supported but constrained them, so as finally to generate their own style – pulling away at the same time, in full self-awareness, of the history that had formed them. zurstrassen’s work scouts out a territory in order to consciously trigger the step beyond that lets even selfawareness slip away, opening the doors of an experience whose meaning is a complex quest for the freedom of forms. What then do finally see? First an extreme independence of both figures and surfaces, an adjunction of dissimilar and opposite qualities, an agitated arena where quotations mingle with original expressions. each painting is fragmented, transparent or opaque, moving at the rhythm of “collages” and contradictions. in the same work, we shift from a style plunging us back to the mid-twentieth century or the 1970s, to other points where we dialogue with the most recent new york painting. zurstrassen plays with all that, with the greatest independence and above all, the greatest pleasure. the important thing is to go deep enough into


the game in order to lose track of the rules. it’s not an exercise but a poetic act that consists in calling everything back to oneself, as with the Baroque artists or certain contemporary poets, so that the space springs to life with all of painting’s possible incarnations, along with all the different kinds of virtuosity they imply. to look at one of zurstrassen’s pictures is to become the actor of this sovereign poetics where we move without hindrance from a framed space to the concept of space, before returning to the space of a “painting in a painting,” undercut by the space of a surface without edges. Without a doubt, the movements here are those of dance: genesis, dilation, retraction, expansion, superimposition, but also evanescence, density, and trepidation... if i try to give a name to the space created by the manipulation of these notions or operations, i find no word in the dictionary. and therefore i can say: body, cosmos, theater, light, choreography... no doubt it’s a matter of all that but of more than that, mingling them all into strange scenes: duos, trios, sarabandes. ultimately, amidst this paradoxical confusion of consciousness and chaos a single word always returns: the word

painting, to which i could more coolly add the word composition. Once that’s been said, “ we’re in the middle of things,” indeed we are, but only to start the path all over again, to know where this word leads us when its takes us to a substance and a spirit that are only alive to the extent that they escape. it’s a powerful drug, painting. Looking at these canvases, i find myself before a history scene of this century ’s art, in a strange war of genres that zurstrassen varies far into the night where his world comes alive – a world whose only key is pure sensation, and the desire to let oneself be carried slowly along by shifting rhythms. Gazing upon the painting of yves zurstrassen, i find myself thinking of a sentence by Gustave Flaubert: “a book, for me, is a special way of living. apropos of a word or an idea, i do research, i lose myself in readings or endless reveries...” * Let’s change the words: book and word become painting and form, and we are at the heart of zurstrassen’s painting, of his very life, of his tightrope-walking construction.

* Quoted by Pierre-Marc Biaisi in “Flaubert, les secrets de l’homme-plume,” Hachette-Livre, 1995.


Yves Zurstrassen Né le 4 avril 1956 à Liège. Vit et travaille à Bruxelles, Belgique. Expositions personnelles 2001

Galerie xippas, Paris, France

2000

institut supérieur pour l’étude du langage plastique (iseLP), Bruxelles, Belgique

1999

Galerie andré simoens, espace emporio armani, Bruxelles, Belgique Galerie le triangle Bleu, stavelot, Belgique

1998

Galerie andré simoens, Knokke-Heist, Belgique

1996

Galerie vedovi, Bruxelles, Belgique

1995

art stavelot 95, Le triangle Bleu, stavelot, Belgique Galerie elisabeth Franck, Knokke-Heist, Belgique

1994

Galerie Bernard Cats, Bruxelles, Belgique Lineart galerie Magnus Fine arts, Gent, Belgique Galerie le triangle Bleu, stavelot, Belgique

1993

Maison de la Culture, namur, Belgique Magnus Fine arts, Oostende, Belgique

1991

Galerie Bernard Cats, Bruxelles, Belgique Lineart galerie Magnus Fine arts, Gent, Belgique

1990

Galerie Magnus Fine arts, Gent, Belgique

1989

Galerie rodolphe Janssen, Bruxelles, Belgique Galerie d’art actuel, Liège, Belgique

1986

Galerie le sacre du Printemps, Bruxelles, Belgique

1984

Faculty Club, Katholieke universiteit, Leuven, Belgique Galerie Lens Fine art, antwerpen, Belgique

1982

Galerie Charles Kriwin, Bruxelles, Belgique


Expositions de groupe 2001

« La peinture au pays de Liège », Musée d’art Wallon, Liège, Belgique

1999

« Liberté, Libertés chéries ou l’art comme résistance… à l’art », Botanique, Ministère de la Communauté Française, institut supérieur pour l’étude du langage plastique (iseLP), Bruxelles, Belgique « Quand souffle le vent du sud », Musée d’art Wallon, Liège, Belgique

1997

« Chemins croisés », Galerie Jacob, Paris, France « art et science », Musée d’ixelles, Bruxelles, Belgique

1996

Galerie vedovi, Bruxelles, Belgique Galerie andré simoens, Knokke-Heist, Belgique

1995

Banque Bruxelles Lambert, Liège, Belgique Musée Grimaldi, Haut de Cagnes, France Musée d’ixelles, Bruxelles, Belgique Galerie Cristine Debras - yves Bical, Bruxelles, Belgique

1994

Musée des Beaux-arts, verviers, Belgique

1993

Holstebro Museum, Holstebro, Danemark « rencontre de dix artistes », Galerie d’art actuel, Liège, Belgique « art pour la vie », Musée d’art Moderne, Bruxelles, Belgique Galerie Denis van de velde, aalst, Belgique Galerie Der spiegel, Cologne, allemagne

1991

« Provocateurs étranges », Musée des Beaux-arts andré Malraux, Le Havre, France Galerie d’art actuel, Liège, Belgique « rede en roes » (raison et ivresse), Galerie Magnus Fine arts, Gent, Belgique Galerie Magnus Fine arts, Gent, Belgique Galerie eterso, Cannes, France « Coups de cœur abstrait », Médiatine, Bruxelles, Belgique « Du primitif dans l’art actuel », La Maison d’images, Ferrières, Belgique

1989

Galerie rodolphe Janssen, Bruxelles, Belgique Galerie le sacre du Printemps, Bruxelles, Belgique « Confrontation 89 », Casino, Knokke, Belgique

1988

sélection GPOa, Hilton, Bruxelles, Belgique

1987

Galerie d’art actuel, Liège, Belgique « Boulev’art 87 », Hôtel de ville, Bruxelles, Belgique Galerie le sacre du Printemps, Bruxelles, Belgique

1986

Banque Bruxelles Lambert, Bruxelles, Belgique Galerie le sacre du Printemps, Bruxelles, Belgique

1983

Fondation veranneman, Kruishoutem, Belgique

1980

Galerie alexandra Monett, Bruxelles, Belgique


Catalogue publié à l’occasion de l’exposition yves zurstrassen 15 décembre 2001 - 2 février 2002 Galerie xippas, Paris, France © 2001 Galerie xippas, Olivier Kaeppelin, Brian Holmes tous droits réservés

Photographies atelier : Bastin et evrard, Christine Bastin tableaux : Guy Philippart Galerie : Frédéric Lanternier

Conception graphique du catalogue : La Page Photogravure : arthur’n Pix achevé d’imprimer à Bruxel les en décembre 2001 sur les presses de l’imprimerie : auspert & cie isBn : 2-909061-27-2 Dépôt légal 4 ème trimestre 2001

108, rue vieille-du-temple - 75003 Paris tél. : 01 40 27 05 55 - Fax : 01 40 27 07 16 www.xippas.com - gallery@xippas.com



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