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n° 284 • juin 2010
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PERIODIQUE MENSUEL - BUREAU DE DEPOT BRUXELLES - EDITEUR RESPONSABLE : CHRISTINE KULAKOWSKI - AVENUE DE STALINGRAD 2 - 1000 BRUXELLES
interculturel
Parole à la diaspora congolaise
Une immigration circonstanciée Témoignages de Belgo Congolais (20 femmes et 23 hommes) de Liège, Bruxelles, Gand et Anvers
L’Agenda interculturel est édité par le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle asbl
sommaire
Dossier
© Céline Mulombe
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Relations Belgique-Congo à l’épreuve du phénomène migratoire Bonaventure Kagné
Ils nous ont dit... Nathalie Caprioli & Jamila Zekhnini
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Opération dépoussiérage à Tervueren Entretien avec Guido Gryseels
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Shake that Diaspora ! Céline Remy
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Le lingala ?... facile ! Pascal Peerboom avec Ndelela Sembeleke
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Ambassadrices des femmes meurtries Entretien avec Marie-Claire Ruhamyar
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Appellation d’origine congolaise Nathalie Caprioli
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Garder la Pôze Nathalie Caprioli
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Bon tuyau
RIN sur RUN 10 .1
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Action du mois
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Agenda
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Du neuf dans nos rayons
Appel à projets pour les enfants précarisés
Cathy Harris
Illustration de couverture : © Arnaud Bilande Prochain dossier : Sport et intégration : utopie de substitution ? 2
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Agenda interculturel n° 28 • Juin 2010
© Céline Mulombe
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Parole à la diaspora congolaise Cathy Harris
Editorial
Comité de rédaction Responsable de rédaction Nathalie Caprioli CBAI : Marc André, Françoise Berwart, Massimo Bortolini, Tanju Goban, Cathy Harris, Pina Manzella, Pascal Peerboom, Céline Remy (stagiaire IHECS), Patrick Six, Jamila Zekhnini. Experts : Ali Aouattah, Loubna Ben Yaacoub, Vincent de Coorebyter, Isabelle Doyen, Leyla Ertorun, Mohamed Essannarhi, Silvia Lucchini, Altay Manço, Marco Martiniello, Anne Morelli, Nouria Ouali, Andrea Rea, Hedi Saidi.
Parole à la diaspora congolaise
Mise en page : Pina Manzella Impression : J. F. De Jonghe Ont collaboré à la création de la maquette : Gérard Laurence, Hanuise Pauline, Swanet Lolita, Thielens Sarah, Coman Loana, Degrave Christelle, Schaus Mélanie, Wouters Anne-Laurence (étudiants en Relations publiques, IHECS) Avec l’aide de la Commission communautaire française, du Service d’Education permanente, du ministère de la Communauté française et d’Actiris.
L’Agenda interculturel est édité par le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle asbl Avenue de Stalingrad, 24 • 1000 Bruxelles tél. 02/289 70 50 • fax 02/512 17 96 ai@cbai.be - www.cbai.be Le CBAI est ouvert du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 17h30 L’Agenda interculturel est membre de l’ARSC Association des Revues Scientifiques et Culturelles. Les textes n’engagent que leurs auteurs. Les titres, intertitres et brefs résumés introductifs sont le plus souvent rédigés par la rédaction. Conformément à l’article 4 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel, nous informons nos lecteurs que le CBAI gère un fichier comportant les noms, prénoms, adresses et éventuellement les professions des destinataires de l’Agenda Interculturel. Ce fichier a pour but de répertorier les personnes susceptibles d’être intéressées par les activités du CBAI et de les en avertir. Vous pouvez accéder aux données vous concernant et, le cas échéant, les rectifier ou demander leur suppression en vous adressant au Centre. Ce fichier pourrait éventuellement être communiqué à d’autres personnes ou associations poursuivant un objectif compatible avec celui du Centre.
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uoi ? Une publication de plus sur le Congo, vous dites-vous ! Ne soyez pas blasés car ce dossier est « spécial » : il donne principalement la voix à des Belgo Congolais, plus précisément à 43 personnes interviewées à Liège, Bruxelles, Gand et Anvers, en collaboration avec deux autres magazines : Mo* et Imagine demain le monde. Le premier migrant Congolais en Belgique, dont la statue est érigée à Gand, arriva en 1884. Ici et aujourd’hui, les démographes estiment que 41 000 personnes ont des racines congolaises. Cette diaspora a migré par vagues successives : les étudiants (en majorité des hommes) dans les années 1960 cèdent la place aux regroupements familiaux et aux migrants politiques et économiques dans les années 1980, puis aux femmes à partir de 1999, qui représentent alors plus de la moitié des entrées en Belgique. La RDC fête donc le 50 e anniversaire de son indépendance. Drôle d’anniversaire… « Que fêter, sinon l’indépendance de la misère et de l’échec ? », observera une Congolaise anversoise rencontrée lors d’une table ronde. C’est l’occasion pour l’Agenda interculturel de s’interroger, non pas sur le fait historique en lui-même, mais plutôt sur qui sont vraiment les Congolais de Belgique. Nous n’avons pas voulu revenir sur le passé et sur les relations qu’entretiennent les deux pays depuis 1885. Nous avons voulu aller à la rencontre de cette population diversifiée et finalement peu connue en dehors des clichés et stéréotypes habituels. Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils ici ? Comment y sont-ils arrivés ? Trouvent-ils leur place dans cette société actuelle toujours plus multiculturelle ? Et aussi, quelles sont leurs attentes pour l’avenir ? Le but est de donner la parole à des catégories de personnes qui, en général, l’ont très peu : les jeunes, les femmes, les chômeurs, les artistes, les sans papiers… ❚
Cathy Harris
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Relations Belgique-Congo à l’épreuve du phénomène migratoire Bonaventure Kagné
Nous connaissons très mal la communauté congolaise de Belgique, quelles que soient ses facettes : économiques, sociales, politiques, culturelles, cultuelles et autres. Tant d’études restent encore à entreprendre pour donner une image plus nuancée de cette diaspora et, partant, une meilleure compréhension ! La liste des questions à examiner est longue.
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ontrairement à d’autres pays européens ayant un passé colonial, la présence de la Belgique en Afrique centrale – colonisation du Congo et tutelle sur le Rwanda et le Burundi - n’a pas entraîné de flux migratoires substantiels en provenance de ces pays1. À l’instar de l’immigration subsaharienne, la présence en Belgique de populations originaires de la République démocratique du Congo est somme toute atypique. Elle ne fut guère encouragée, encore moins envisagée par l’État belge, comme cela a été le cas, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, avec les conventions bilatérales d’importation de main-d’œuvre étrangère entre la Belgique et des pays du pourtour méditerranéen tels que l’Italie, l’Espagne, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Grèce, ou encore la Turquie2. Elle est amorcée de façon nettement manifeste dans les années soixante, période marquée entre autres, par la fin de la colonisation et l’accession à l’indépendance de nombreux pays anciennement sous domination coloniale dont le Congo belge. En effet, l’immigration congolaise en Belgique est davantage circonstanciée et relève des mouvements migratoires des plus bigarrés. Les contextes ayant conduit à la décision d’émigrer et les trajectoires empruntées par ces populations sont de nature plurielle. On trouve parmi les facteurs de cette migration des raisons d’études, politiques, socioéconomiques et professionnelles. Les parcours et les facteurs de cette migration vont se modifier vers la fin des années quatre-vingt et surtout au début des années nonante. Durant cette période, les séjours d’études se prolongent et c’est le début de l’installation en Belgique. Les changements provoqués d’une part par l’instabilité sociopolitique et économique au Congo et, d’autre part, par les évolutions successives des politiques de la Belgique en matière d’immigration et d’asile sont parmi les facteurs qui sont à la base de ce phénomène. Dans le même temps, les trajectoires empruntées tout comme le profil des candidats à l’émigration n’ont de cesse de se modifier. Les résulats de nombreuses enquêtes montrent que ces transformations contribuent davantage à raffermir la volonté, souvent affirmée par les populations issues de cette immigration, de conserver un lien avec le pays d’origine, voire à lui donner des formes en constante évolution3. La dimension plurielle de la présence congolaise en Belgique se manifeste aussi bien dans la diversité des statuts administratifs et juridiques
desquels relèvent ces populations que du point de vue du foisonnement des modalités de leur participation à la société belge.
Quelle vision a la diaspora congolaise de la Belgique ? Les questions relatives à la perception de l’autre touchent directement la question de la coexistence sociale en Belgique. Et cette coexistence sociale ne peut être bien comprise que s’il est tenu compte des processus à travers lesquelles la société belge accueille les populations venues d’ailleurs et aussi les processus par lesquels elle les accommode, et bien entendu, la façon dont elle les implique dans ces processus d’accommodation. Concernant la population congolaise, il faut partir de l’idée que la Belgique est un territoire d’immigration naturel pour ce public. Leur relation avec la Belgique est plutôt charnelle, étant entendue qu’historiquement la République démocratique du Congo était la possession personnelle du Roi belge. Les vicissitudes de l’histoire ont voulu que le Congo obtienne son indépendance, mais les liens postcoloniaux sont demeurés. Et dans le cadre de ces liens postcoloniaux, la Belgique a aussi voulu se hisser à la position des puissances coloniales comme la France, en maintenant un empire postcolonial. On peut citer par exemple la signature, à la veille de l’indépendance, du Traité d’amitié entre la Belgique et le Congo le 29 juin 1960. Cela étant, l’État belge a-t-il mis en place des dispositions juridiques particulières en ce qui concerne les migrants congolais ? L’accueil
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dans la société belge des ressortissants congolais estil particulièrement facilité ? Les réponses à ces questions nécessitent d’interroger la réglementation belge sur l’entrée, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers4. Le but étant de voir si, à un moment, les éléments de spécificité qui pouvaient justifier la situation particulière des Congolais ont existé ou n’ont pas disparu, de manière à ce qu’ils soient noyés dans le régime global de l’accès des étrangers au séjour en Belgique. Autant d’éléments qui ont peut-être contribué à banaliser la situation des Congolais en Belgique. Par ailleurs, cette banalisation a-t-elle été un élément dont les Congolais eux-mêmes ont pris ou non conscience ? À supposer qu’ils en aient pris conscience, quelles ont été leurs réactions ? Exigent-ils de la Belgique un traitement priviligié ou demeurent-ils dans le laxisme classique que l’on reproche aux “Africains” lorsque des droits acquis qui leurs sont attribués sont contestés ? © Dieter Telemans Autant de questions qu’il faut préalablement trancher pour arriver à mieux cerner la vision que les populations issues de l’immigration congolaise ont de la Belgique. Dans la relation de réciprocité qu’il y aurait entre le Congolais et le Belge, il importe de prendre aussi en considération le statut social de l’autre, c’est-à-dire l’étranger, tel qu’il est perçu par le Belge de manière générale, et voir également comment le Congolais lui-même perçoit le Belge en tant que membre de la société qui l’accueille. “Avant de partir pour la Belgique, je la voyais comme une ancienne métropole. Un pays dans lequel Mobutu avait de nombreuses et importantes relations.”5 “ La Belgique, je la voyais comme le pays de mes oncles, les noko.”6
Attraction-répulsion Un Congolais a-t-il un stigmate particulier qui permet à un Belge de considérer qu’il a en face de lui un Congolais ? Ou, pour un Belge, un Congolais est-il un Noir comme les autres, sans particularité à traiter de telle ou telle façon ? Au demeurant, il est certain que la perception de la Belgique par les Congolais a fait l’objet d’un certain nombre de mutations que l’on peut mesurer d’abord du point de vue de l’évolution des conditions d’entrée, de séjour, d’établissement et d‘éloignement des étrangers en Belgique7. Ces transformations peuvent aussi être mesurées à l’aune des ressentiments particuliers qui accompagnent les épisodes de xénophobie contre l’immigration en général,
les nombreuses positions versatiles de l’opinion publique face au phénomène de migrations humaines, les propos racistes distillés par les partis politiques d’extrême droite, et, bien entendu, les querelles électoralistes qui, parfois, laissent la place à des opportunismes politiques. En effet, il est quelquefois apparu que des événements tragiques impliquant des populations d’origine étrangère soient récupérés par différents acteurs politiques et socioéducatifs. L’approche compassionnelle prend souvent le pas sur la prise en considération réelle de la situation. On peut citer par exemple la gestion et le suivi de quelques affaires : le meurtre de la petite Loubna Ben Aissa en 1992, le meurtre de Sémira Adamu en 1998, le meurtre à Anvers de la nounou d’origine malienne Oulematou Niangadou et de la fillette Luna en 2006. Par ailleurs, nous pouvons également souligner les modalités particulières auxquelles recourent
de plus en plus les partis politiques pour incorporer dans le champ politique des publics d’origine immigrée ou des acteurs issus de la société civile. Dans cette perspective, des risques d’émergence d’une citoyenneté de rente ne relèvent pas que d’une vision de l’esprit. Tous ces élements doivent être mis ensemble pour essayer de voir dans quelle mesure ces transformations de la société belge, et en particulier celles de son champ politique et sa politique d’immigration et d’asile, auront été de nature à affecter la perception qu’ont les Congolais de leur société d’accueil. Il faut aussi voir comment les Congolais eux-mêmes ont perçu le débat sur l’accueil des étrangers en Belgique. Quelle est la position des Congolais par rapport aux extrémismes politiques comme celle que peu exprimer l’extrême droite flamande ? On peut aujourd’hui se baser sur ces éléments pour avoir une vision approchée de cette perception qu’ont les uns des autres. Il n’est pas douteux d’arriver à une conclusion d’après laquelle il y a des épisodes d’attraction-répulsion.
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Attraction parce que la Belgique est un pays européen, qui intéresse, perçu comme un Eldorado, certes lointain, pour d’aucuns, mais toujours fantasmé par de nombreux autres candidats à l’exil. Répulsion parce que les Congolais sont alors des immigrés comme les autres. Sous ce rapport, ils sont logés à la même enseigne que les autres étrangers. Ils posent des problèmes aux Belges en général, parce que les conditions économiques se dégradent, la situation sociale est difficile et, forcément, les débats politiques qui s’articulent autour de l’entrée et du séjour des étrangers sont exarcerbés et polémiques. La Belgique n’échappe donc pas à ce phénomène d’attraction-répulsion que l’on constate dans la plupart des pays européens.
La participation citoyenne des Congolais Théoriquement, la participation des citoyens donne à la démocratie sa véritable légitimité. On distingue différentes modalités de montrer un intérêt réel à l’égard de la chose publique et notamment son implication à sa mise en œuvre. Aux activités de participation politiques traditionnelles dans une démocratie (participation électorale, militance dans les partis politiques, par exemple), on peut relever d’autres formes d’actions telles que la mobilisation collective, les grèves, les occupations de locaux, les pétitions, du lobbying et l’animation des associations8. La question de la participation citoyenne des Congolais est faussement spécifique. En effet, dans la suite logique de ce qui précède, il serait intéressant de voir sur le terrain de la participation politique, si les Congolais ont une spécificité par rapport aux Rwandais, Burundais, Camerounais, Sénégalais, etc, en Belgique. Autrement dit, le fait d’être d’origine congolaise en Belgique donne-t-il lieu à des éléments de spécificité institutionnelle particuliers ? Ces élements peuvent être mesurés à travers un certain nombre de mécanismes juridiques et institutionnels d’incorporation des étrangers en Belgique. À un moment où il est de plus en plus souligné le faible intérêt à l’égard de la politique manifesté par beaucoup de gens, l’existence d’une apathie ou encore d’un éloignement délibéré vis-à-vis de l’espace public, la question de la participation citoyenne est une question institutionnelle forte. Comment les populations issues de l’immigration congolaise procèdent-elles pour s’impliquer dans la vie politique en Belgique ? Comment font-elles ou que ne font-elles pas pour faire valoir l’argument de la citoyenneté, pour s’impliquer dans les débats de société, dans les consultations électorales ainsi que dans les dynamiques institutionnelles, associatives et sociales en général ? Ces interrogations demandent d’examiner le travail des réseaux d’action qui défendent les intérêts des étrangers. Différents acteurs associatifs et institutionnels développent en Belgique des services et des actions en faveur de l’accueil et de l’insertion des étrangers dans quasi tous les domaines de la vie en société. L’examen des pratiques professionnelles de ces acteurs, les modalités de leur fonctionnement ainsi que les stratégies qui accompagnent
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leurs interventions font-ils une part spéciale aux Congolais en tant qu’ils sont congolais ? Autrement dit, on peut se poser la question de savoir s’il existe des mécanismes particuliers, des instructions ou des politiques spécifiques dont l’objectif est de renforcer les Congolais ou leurs initiatives associatives en tant que telles dans la société belge. Ces mécanismes permettraient de créditer l’idée que la question de la participation citoyenne des Congolais est une question spécifique. Elle peut aussi permettre d’invalider cette idée, s’il apparaît qu’il n’existe pas de tels mécanismes. Et que les débats sur la participation citoyenne concernent les Congolais au même titre que cela pourrait concerner les Ivoiriens, les Camerounais, les Burundais, les Rwandais et autres. Dès lors, cette question deviendrait une question générique. On ne pourra pas l’analyser sans poser le problème global de l’intégration des étrangers dans les mécanismes de socialisation politiques et économiques, voire tous les leviers institutionnels et non institutionnels.
Participation ou faire valoir d’un jeu politique ? Ce sont là autant d’éléments qui pourraient permettre de circonscrire notre réflexion. Une fois circonscrit ainsi cette question, il conviendrait éventuellement de répertorier les dispositifs institutionnels et non institutionnels dans lesquels ces populations interviennent et de voir les mécanismes qui justifient leur dynamisme ou qui expliquent leur incurie dans l’inefficacité. Existe-t-il des éléments moteurs, des éléments destinés à encourager leurs moyens d’action ou leur mode d’expression ? S’agit-il d’une participation active ou passive ? Les acteurs issus de milieux congolais sont-ils capables d’autonomie, de mobilisation ? Sont-ils capables aussi de gérer eux-mêmes des intérêts qui leur sont propres, ou sont-ils dans une logique de passivité où ils attendent qu’on leur donne des orientations, avec des moyens qui s’y rapportent ? Dans l’affirmative, on peut considérer au final que ces immigrés sont plutôt agis et qu’ils n’agissent pas. Dans cette perspective, ils sont pilotés, manipulés par des forces et des enjeux sur lesquels ils n’ont pas forcément d’emprise. Tous ces éléments pourraient simplement créditer aussi l’idée que les minorités issues des migrations sont dominées dans le jeu institutionnel, associatif et social. Dès lors, leur participation dans la société est une mise en scène controlée par le jeu politique et institutionnel. Finalement, elle ne peut uniquement servir que de faire valoir. Des moyens sont parfois dégagés en faveur de quelques associations pour organiser des activités festives ou folkloriques. Mais au fond, on ne s’attaque pas aux vrais problèmes qui sont spécifiques à ces publics, du moins pas suffisamment, et encore moins avec une efficacité manifeste. Dans le cas de la création des associations d’immigrés, dont les objectifs consistent à mettre le doigt sur leurs problèmes particuliers, dans quelle mesure ces organisations bénéficient-elles du soutien des pouvoirs publics ? De quels crédits jouissent-elles ? Les pouvoirs publics leur donnentils les moyens adéquats pour fonctionner et agir ? Cette question mérite d’être posée et débattue, notamment en
termes de conditions satisfaisantes et d’opportunités de participation citoyenne. La troisième question que l’on pourrait se poser de ce point de vue est celle de la réception de la citoyenneté des étrangers : sont-ils des citoyens à part entière ou des citoyens de seconde zone ? La plénitude de l’exercice des droits citoyens est une question qui mérite d’être soulevée et débattue de manière à voir si, dans l’esprit des Congolais, la citoyenneté belge a un sens particulier, ou si elle apparaît comme un sésame qui permet simplement de conforter un refuge, de nature économique, politique ou autres. Par ailleurs, les institutions belges ellesmêmes ont-elles conscience que cette volonté de participation citoyenne doit avoir ses propres lettres de noblesse ? Dans quelle mesure les institutions créditent-elles les initiatives de personnes issues de l’immigration congolaise ? Par exemple, donne-t-on aux associations créées et dirigées par des personnes d’origine immigrée en général, et congolaise en particulier, la place qui est celle donnée aux associations “belges” ? En d’auttres termes, n’existe-t-il pas une discrimination discrète dont souffriraient les associations congolaises du point de vue de la participation citoyenne, des moyens apportés, des résultats obtenus, etc ?
Diaspora et développement de la RDC Nous sommes là en présence d’une problématique faussement spécifique, en tout cas dont la spécificité devrait être validée. Cette validation aura pour objectif de mesurer le degré de spécificité de la situation des Congolais de Belgique par rapport aux populations issues d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, afin de voir s’il existe des logiques particulières que la situation historique du Congo par rapport à la Belgique justifie ou, au contraire, s’il est plutôt question d’une politique étrangère de la Belgique qui est appliquée à l’ensemble des populations issues de l’immigration, que celles-ci soient d’origine congolaise, camerounaise, ivoirienne, sénégalaise, rwandaise, burundaise, etc. La question de la relation entre les communautés congolaises de Belgique et le développement de la RDC doit être rattachée à la problématique plus globale de la participation de la diaspora aux opérations de développement dans son pays d’origine. Cette participation a rarement fait l’objet d’études systématiques, même si on sait aujourd’hui que ces diasporas ont une contribution financière qu’on peut mesurer, à travers les flux de transferts d’argent notamment. La véritable problématique qu’il faut articuler à ce niveau ne concerne pas uniquement ce que font ces populations pour le développement de leur pays d’origine, mais ce que les institutions des pays d’accueil sont en mesure de mettre en place pour faciliter leurs efforts du point de vue du développement économique dans ces pays. Sous ce rapport, le cas de l’action des communautés congolaises de Belgique vers la RDC est un problème dont il faut évaluer la spécificité. De ce point de vue, il y a lieu de se demander s’il
n’est pas utile de prendre des dispositions concrètes, afin d’étudier sur le terrain les actions conduites par la diaspora congolaise en RDC; voir si ces actions sont structurantes, si elles reflètent en quelque sorte un dynamisme que l’on pourrait imputer à la société de résidence; voir également si ces actions ont un réel retentissement et si elles font l’objet d’un appui de la part de la Belgique. Cet angle d’attaque pourrait permettre d’évaluer l’association par la Belgique des personnes d’origine subsaharienne aux politiques de coopération et de solidarité internationales qu’elle met en place. Ces politiques sontelles celles pour lesquelles la Belgique souhaite, d’une façon ou d’une autre, impliquer les diaporas, ou ces politiques ne reflètent-elles pas purement et simplement les éléments de la politique étrangère de la Belgique en tant que puissance néocoloniale ? Autant de questions qui méritent d’être soulignées et débattues. Il convient également de voir dans quelle mesure les membres de la diaspora congolaise de Belgique sont capables de développer des stratégies d’infiltration d’institutions en s’appuyant, bien entendu, sur les éléments de citoyenneté qui ont été analysés plus haut, pour entrer dans des plateformes institutionnelles, et occuper des positions d’influence administratives ou politiques, qui pourraient leur permettre d’intervenir comme des lobbies, pour infléchir, orienter, influencer les politiques mises en place par la Belgique au Congo, un peu comme les lobbies juifs seraient capables d’influencer la politique étrangère des pays dans lesquels les juifs résident vis-à-vis d’Israël. Ces diasporas ont-elles au moins la capacité de raisonner en terme de mimétisme par rapport à la dynamique israélienne ? Et d’ailleurs cette question pourrait être étendue à l’ensemble des diasporas, et pas uniquement à la diapora congolaise de Belgique.
Quel impact de l’immigration congolaise en Belgique ? Sur cette question, des élements d’économétrie pourraient permettre d’avancer. Une première analyse indique que cette influence est discutable. Dans la mesure où ces populations ne sont pas forcément structurées. Elles n’ont pas conscience de constituer un groupe, un lobby, un pouvoir ayant une quelconque influence. Cette situation est liée en grande partie au système institutionnel et aux structures d’opportunités favorisant une telle démarche. Le même raisonnement reste valable pour les ressortissants d’autres pays de l’Afrique subsaharienne. Toutefois, des éléments de type sociologique particuliers peuvent faire apparaître des nuances notables. En effet, sociologiquement, les ressortissants de la RDC et de la République du Cameroun, par exemple, n’ont pas les mêmes trajectoires migratoires, ni les mêmes logiques universitaires, et encore moins les mêmes logiques de socialisation. Il faut dire que la présence des Camerounais en Belgique est relativement ancienne; elle est surtout constituée d’un certain nombre de personnes arrivées en
Belgique dans les années 60-70 d’abord dans le cadre de logiques familiales ou politiques. Ce n’est que fin des années 70 et surtout dans la décennie 80 qu’apparaît une nouvelle forme d’immigration, de type universitaire. Cette immigration, que l’on pourrait en général qualifier de soft, est composée de jeunes qui parfois ont commencé leurs études dans le pays d’origine, et qui viennent en Belgique pour les parfaire. Mais il faut aussi noter que, du point de vue de la capacité de pénétration sociale des populations issues de l’immigration, les logiques camerounaises semblent un peu loin des logiques congolaises. La raison principale en est que les facultés d’adaptation des populations issues de l’immigration camerounaise semblent un peu plus flexibles, leur donnant plus de possibilités d’intégration que celles de populations issues de l’immigration congolaise. La situation étant simplement liée à des facteurs qui sont parfois difficilement explicables, mais qu’une enquête de terrain pourrait objectiver : notamment du point de vue de la capacité à s’adapter à la société d’accueil et à la capacité de transparence sociale. Autrement dit, les stigmates des Camerounais sont un peu plus faibles que les stigmates des Congolais. Cet élement peut être un frein à des logiques de participation citoyenne, même si, sur les plans juridiques et institutionnels, les choses sont un peu plus complexes.
La spécificité congolaise en question La participation citoyenne par exemple des populations issues de l’immigration camerounaise est probablement moins légitime que celle des populations d’origine congolaise. En effet, les populations issues de l’immigration camerounaise ne peuvent pas avoir la même légitime prétention à des accointances historiques avec la Belgique comme les Congolais peuvent l’avoir. Mais la neutralisation de la spécificité congolaise ne peut que profiter à des ressortissants d’autres pays, comme les populations d’origine camerounaise, sénégalaise, burundaise, rwandaise, etc. En matière d’immigration et d’asile, la position officielle du gouvernement belge est de gérer la situation des étrangers en adoptant un régime qui serait applicable à tous. L’absence d’un régime particulier en faveur des populations d’origine congolaise, du moins officiellement, serait donc un facteur qui profiterait davantage à d’autres populations immigrées. En somme, toutes choses restant égales par ailleurs, les logiques de participation citoyenne ne sont pas très différentes en milieux subsahariens d’origine immigrée. Il n’y a pour ainsi dire pas de particularité diasporique majeure. Les logiques d’action sont très individualisées et il est très difficile de voir les constructions de stratégies collectives vis-à-vis des problématiques de développement. On verra par exemple rarement des associations de camerounais, pour ne citer que celles-là, mettre en place des stratégies de développement par rapport à leur pays d’origine, pour la simple raison que le pays lui-même peine à démontrer sa volonté et sa capacité de mettre en place des dispositifs d’accueil permettant de favoriser la réception de projets qui seraient conçus, maturés, développés par les diasporas.
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Car, de toute façon, il est courant que les interlocuteurs politiques soient généralement partisans. Certains pouvoirs politiques sont prédateurs et n’hésitent pas à transformer des efforts collectifs en bénéfices individuels. Les logiques ethnicopolitiques de prédation et de prébende que l’on peut constater sont présentes en RDC comme au Cameroun ainsi que dans de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne. Cette réalité handicape sérieurement une réflexion sereine sur la question de l’influence de la diaspora dans les enjeux de coopération et de solidarité internationale. L’impact de l’immigration subsaharienne en Belgique en général, et congolaise en particulier, est une question qui devra être approfondie dans des études ultérieures, notamment sur le plan démographique. Quel que soit leur rôle social, politique, économique, etc, force est de constater que ces populations ont en partage un dénominateur commun. Elles sont des personnalités substituables. Leur indice d’utilité sociale est discutable. Ces populations sont pour ainsi dire remplaçables. Cette remplaçabilité relativise l’intérêt qu’ils ont pour la société d’accueil, d’autant plus que s’ils devaient occuper les mêmes fonctions dans les pays d’origine, ils auraient un poids social qui n’est pas comparable à ce qu’ils représentent dans le pays d’accueil. Par conséquent, l’impact de l’immigration subsaharienne en général dans les pays d’accueil (plan social, économique, politique, culturel) est une question qui demande à être maturée. Premièrement, l’immigration subsaharienne globalement prise est encore récente; deuxièmement, les logiques de régularisation et d’intégration n’ont pas encore suffisamment fait leur preuve. Il en est de même des logiques de participation. Que ce soit en Belgique ou dans d’autres pays membres de l’Union européenne, les pays d’accueil n’ont pas encore mis en place de véritables plateformes, institutionnelles ou non, permettant d’accréditer le principe de l’égalité entre les “citoyens issus de l’immigration” et les “citoyens nationaux”, pour pouvoir avoir des positions d’influence politiques, économiques, sociales et culturelles. ❚
Bonaventure Kagné Sociopolitologue, directeur du Centre d’études et de mémoire des migrations subsahariennes (Cémis) www.cemis.org
[1] Voir Kagné B. (2001), « L’immigration d’origine subsaharienne avant 1960 : la Belgique découvre l’ ‘Africain’ », in Courrier hebdomadaire CRISP, n° 1721. [2] Voir Martens A. (1976), Les immigrés. Flux et reflux d’une main-d’œuvre d’appoint, Presses universitaires de Louvain. [3] Foblets M-C., Martiniello M., Parmentier S., Vervaeke G. Djait B. et Kagné B. (2004), Wat denken personen van vreemde origine over recht en gerecht in België ?, Gent, Academia Press. [4] Voir Foblets M-C. (2004), op. cit. [5] Extraits d’entretiens avec des immigrés d’origine congolaise. Dans « Portraits de populations d’origine subsaharienne en Belgique », cémis, 2008. [6] Ibidem. [7] Voir Kagné B. (2004), Les Belges et étrangers originaires d’Afrique subsaharienne face au droit et à la justice en Belgique. Dans Foblets M-C., Martiniello M., Parmentier S., Vervaeke G. Djait B. et Kagné B., Wat denken personen van vreemde origine over recht en gerecht in België ?, Gent, Academia Press, pp. 167- 278. [8] Voir Milbrath L. & Goel M.(1977), Political Participation, Rand Mac Nally ; Mayer N. et Perrineau P. (1992), Les Comportements politiques, Paris, Armand Colin.
Ils nous ont dit… U
n jour d’octobre 2009, un journaliste du magazine flamand Mo* nous contacte à l’Agenda interculturel, de même qu’un confrère du bimestriel Imagine demain le monde. C’est ainsi que l’aventure a commencé : par un partenariat entre trois rédactions, avec pour ambition de conduire une enquête qualitative auprès de la diaspora congolaise de Belgique. Pour sonder l’opinion de femmes et d’hommes appartenant à cette communauté, nous avons organisé cinq tables rondes à travers le pays : à Anvers, Gand, Bruxelles et Liège. Autour de cette table et de quelques cuisses de poulet au manioc, les invités ont répondu à nos questions : comment perçoivent-ils la société ? Quelle est leur place dans cette société ? Quelles sont leurs relations avec le pays d’origine et leurs perspectives d’avenir ? Vastes sujets qui ont suscité échanges d’expériences et d’émotions intimes, débats contradictoires, théories du complot et fines analyses rehaussés, selon les moments, d’éclats de rire ou de signes d’agacement. Aujourd’hui en Belgique, on estime que 41 000 personnes possèdent des racines congolaises, dont 25 000 ont acquis la nationalité belge. Au total, nous avons invité 43 Belgo Congolais. Soit 0,1 % de la diaspora ! Restons donc modestes… De surcroît, nous sommes loin d’avoir composé des échantillons représentatifs de toutes les composantes. Grâce à des personnes ressource ayant une vision panoramique de la communauté, nous avons choisi les participants selon quatre critères : l’âge (de 21 à 68 ans), le genre (20 femmes, 23 hommes), le lieu de naissance (en Belgique ou en RDC) et les raisons de leur migration (études, regroupement familial, réfugiés politiques ou économiques). En aucun cas, ces 43 personnes ne jouent le rôle de porte-parole de leur communauté ; elles se sont toutes exprimées à titre personnel et de manière anonyme. S’ils avaient pu titrer cet article, certains participants auraient opté pour « Le Congo chez Tintin », « La solution au syndrome de Canh »1, « Mosaïque du Congolais », « L’écho d’une conscience congolaise », « Parlons de nous et du Congo aux autres », « La réalité de l’Europe », « Nous sommes de là aussi », sans oublier « Complot contre le Congo ». Des titres révélateurs des échanges menés. Les pages qui suivent vous proposent un concentré de paroles qui ne se veut pas une conclusion, car un point final est impossible à poser dans cet exercice ! ❚
Nathalie Caprioli & Jamila Zekhnini [1] Canh ou Carence, attentisme, négligence de l’histoire. En référence à la pièce théâtrale « Le syndrôme de Canh » de Cheik Fita.
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Agenda interculturel n° 28 • Juin 2010
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La famille dans tous ses états Seuls, accompagnés de leur famille ou d’une partie de celleci, les Congolais de Belgique représentent des générations distinctes de migrants poussés à quitter la RDC pour de multiples raisons. Jusque dans les années 1980, c’est essentiellement pour entreprendre des études. Au début de la décennie 1990, on notera un pic d’entrées historique de demandeurs d’asile. Mais c’est aussi par regroupement familial qu’ils s’installent en Belgique. Leur présence est officielle ou clandestine et les trajectoires sont diversifiées. Certains sont nés au Congo et sont venus en Belgique dans la petite enfance ou plus âgés, d’autres sont nés et grandissent en Belgique. Pour beaucoup, il n’y a pas de projet migratoire planifié, les guerres incessantes qui jalonnent l’histoire du pays créant « Le concept régulièrement des conditions de de famille élargie départs forcés. Honoré, arrivé n’existe pas à l’âge de 12 ans, témoigne en Belgique, mais « J’ai quitté brutalement le Congo c’est une réalité en 1991, suite aux pillages ». en Afrique. » D’autres comme Albert, venu pour suivre des études, n’ont plus su rentrer : « C’était en 1996, la guerre de libération déclenchée, mes parents m’ont dit que ce serait imprudent que je revienne ». Si la plupart vit en famille, la composition de celle-ci est variée. Laeticia, par exemple, est arrivée dans les années 1970 en compagnie de son époux et de leur premier enfant. D’autres, comme Bienfait arrivé en 2008, viennent seuls, laissant femme et enfants au pays. Par contre et par chance, Yvana, installée ici depuis 2000, a presque toute sa famille en Belgique. D’ailleurs, pour la majorité d’entre eux, poser la question de la famille c’est d’emblée au sens large, même pour ceux qui, débarqués seuls, fondent une famille de type nucléaire, modèle dominant dans notre société. C’est une conception différente de la famille que Bruno précise « La philosophie occidentale est axée sur l’individualisme : je pense à moi et à ma famille. Le concept de famille élargie n’existe pas en Belgique, mais c’est une réalité en Afrique ». L’expérience migratoire a infléchi les rôles familiaux. L’homme n’est plus le chef de famille au sens traditionnel du terme. Il n’est plus le seul à pouvoir prendre des décisions. L’autonomie financière des femmes, aussi petite soit-elle, bouleverse les rapports entre hommes et femmes et pousse à leur redéfinition. Ambiance tendue autour d’un enjeu de taille. Selon Patrice, la quarantaine, en Belgique depuis les années 1990 : « Chez nous un homme est tout, le papa, l’assistante sociale, la mutuelle, c’est lui qui pourvoit aux besoins de sa famille et de sa belle-famille. Ici, un homme n’a plus cette importance parce que la femme reçoit des
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allocations familiales, qu’elle peut travailler et gagner de l’argent. Et si tu la réprimandes, elle peut demander le divorce. Mais chez nous, quand une femme demande le divorce, elle s’auto exclut de la société ». Des situations parfois difficiles à accepter : « On a constaté qu’il y avait plus de divorces ici. Je préfère rentrer au pays plutôt que de faire venir ma famille ». Pour les parents constamment rattrapés par les impératifs du quotidien, écrasés par un système dans lequel ils ne sont pas reconnus, éduquer des enfants se complique. Malheureusement, cette difficulté est généralement attribuée à une attitude démissionnaire, faisant ainsi l’impasse d’une recontextualisation des situations familiales souvent instables. L’éducation des enfants, qui devrait être prioritaire, passe presqu’inévitablement au second plan, peu importe le niveau d’éducation ou le niveau intellectuel des parents. Aaron se souvient : « Les parents avaient d’autres soucis. J’avoue que quand les parents reçoivent par exemple un ordre de quitter le territoire, à mon avis à ce moment-là, leur enfant passe à l’arrière plan … ». La tâche est encore moins évidente « quand la société belge ne les accepte pas ». Mais aussi quand « la maman interdit à l’enfant de parler la langue, de fréquenter des gens de la même couleur de peau » parce que « c’est un complexe » ou parce qu’on pense que « le Congolais n’est pas très honnête »; difficile de se construire quand on est victime d’un double cliché, intra et extracommunautaire ! L’appartenance à une église sera, pour certains, un solide lieu de construction identitaire.
Les églises, le meilleur comme le pire Quel rôle social et identitaire jouent-elles dans la diaspora congolaise ? Sont-elles vecteur de cohésion sociale ou de repli ? On observe de manière générale que « l’adhésion à un « La porte est mouvement religieux d’origine toujours ouverte. » africaine en Occident est largement influencée par des motivations culturelles, à savoir le besoin de vivre sa culture et de ce fait d’être en cohérence avec les normes et valeurs sociales de son groupe culturel d’appartenance, normes et valeurs préalablement acquises par le processus de socialisation. Cette cohérence dans la manière de penser, d’agir et de se comporter confère à l’individu une sécurité psychologique par rapport à lui-même et par rapport à ce groupe »1. Dans les récits, ces églises apparaissent tantôt comme source de divorces, de problèmes pour les jeunes, de pompes à fric n’hésitant pas à abuser de la naïveté des fidèles et des femmes en particulier, cibles visiblement
privilégiées comme le relève Fabrice, nous livrant son point de vue sur les églises du réveil : « Ces pauvres femmes inconscientes donnent de l’argent parce qu’elles continuent à croire, à espérer que Dieu leur parle à travers le pasteur ». Mais il ne faut pas mettre toutes les églises dans le même sac. Ces communautés religieuses apparaissent aussi pour d’autres comme ressources importantes : elles structurent et rythment la vie sociale et communautaire, représentent une source de réconfort, une manière de vivre ensemble, un lieu d’entraide fréquenté aussi pour ses activités qui donnent l’occasion de se côtoyer au-delà de la rencontre dominicale. C’est un lieu privilégié où s’exprime la solidarité. « Il y a toujours quelqu’un qui est là, la porte est toujours ouverte ».
Solidarité et engagement social La diaspora congolaise de Belgique nous révèle ses aspects hétérogènes mais elle nous montre aussi combien elle est traversée par des valeurs partagées comme celle de solidarité familiale qui se traduit notamment au travers des liens entretenus avec la famille restée en RDC. Les contacts sont réguliers, facilités par les nouvelles technologies de la communication qui permettent de suivre ce qui se passe au pays et de s’assurer « Ici c’est dur, mais tu que tout va bien. Ce n’est sais qu’à la fin du mois pas pour autant, comme de l’argent va rentrer. » c’est le cas dans d’autres diasporas, que le retour au pays soit fréquent, et ce pour au moins deux raisons : le prix des billets d’avion mais aussi les attentes très élevées de ceux restés au pays. Albert, rentré après 25 ans d’absence, a été accueilli en fanfare avec un grand panneau sur lequel il pouvait lire « Avant de construire ailleurs, pense à construire ton village » ; petit rappel de la contrepartie à un attachement indestructible. Sans ambages, il dira être « reparti la corde au cou ». C’est aussi avec agacement que Dieudonné, arrivé en 1990, relève : « Ils ont cette image de l’Europe comme étant l’Eldorado, un paradis sur terre, comme si tu trouves de l’argent en marchant dans la rue ». Beaucoup évoquent ce cliché très vivant et leur difficulté à faire passer le message que l’argent est souvent durement gagné et épargné. Mais tout le monde n’est pas de cet avis, Denis est même convaincu qu’« il y a un grand malentendu par rapport aux Européens qui croient que les Africains viennent ici pour l’Eldorado. Notre Eldorado c’est l’Afrique ; on vient ici pour mieux y retourner ». Mais, Eldorado ou pas, le soutien financier semble être un « devoir » incontournable. Il est bien entendu variable et dépend du statut occupé par chacun dans la société ; conséquent ou minime, ponctuel ou régulier, dans tous les cas, il fait le bonheur de tous et en particulier de banques comme la Western Union surnommée « Banque de
développement ». Désiré nous parle de cet incontournable devoir avec un arrière-goût de fatalisme : « Nous sommes obligés d’aider nos familles restées au pays pour qu’elles puissent encore avoir au moins un semblant de vie. Je crois que si elles arrivent encore à vivre en Afrique c’est grâce à la diaspora congolaise, l’Etat étant inexistant ». Pour sortir de cette prise en charge sans fin, certains vont tenter d’investir pour permettre aux familles de générer leurs propres revenus. Mais beaucoup de tentatives échouent et la plupart se découragent. Généralement, ce sont les familles qui gèrent l’investissement. Mais au moindre obstacle, elles sollicitent le pourvoyeur de fonds. Marcel, la trentaine, l’air désabusé explique : « On envoie de l’argent, on essaye de les aiguiller, on essaye de leur faire comprendre que nous trimons ici… ». Une solidarité qui se vit donc entre devoir et empathie ; une obligation pour certains qui voient la RDC comme un pays où le chaos est quasi permanent, où investir est presque une utopie quand tout est toujours à recommencer, quand la corruption gangrène un système précaire, à la merci de tous les bandits qui passent… Mais justement, pour toutes ces raisons, il est impensable de laisser sa famille dans le besoin, même si c’est un puits sans fond. De plus, les guerres et les crises humanitaires qui se succèdent font vivre aux populations congolaises un éternel recommencement qui ne peut laisser indifférent et, pour beaucoup, «tant qu’il n’y a pas la paix au Congo, il ne sert à rien de parler d’avenir ». Pour que la paix revienne, que le pays ait une chance de prospérer, les Congolais de la diaspora expriment une volonté de renaissance et de reconstruction de la RDC en s’impliquant fortement dans le développement de projets communautaires mais aussi d’actions à caractère politique ; engagement complémentaire et indispensable. Comme le souligne Laeticia, investie sur le terrain depuis de nombreuses années, « les ONG ne peuvent pas développer un pays. Le problème de développement d’un pays dépend de la volonté politique du gouvernement en place ». C’est une des raisons pour lesquelles des associations ont changé leurs statuts pour pouvoir soutenir des actions sur le plan politique. Les premières élections démocratiques organisées au Congo en 2006 après des années de tumulte ont été considérées comme une avancée prometteuse. Si ce processus a mené à l’instauration d’un nouveau parlement et la reconduction du président Kabila, bases d’un système démocratique restant à édifier, beaucoup relèvent aujourd’hui les traits d’une classe politique décevante, reproduisant une mentalité qui favorise l’intérêt individuel au détriment de tous. « Ils sont venus avec la même mentalité,
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pour s’enrichir. Avec cette mentalité, c’est vraiment un sombre avenir.» Pourtant, les espoirs étaient grands et, comme le rappelle la journaliste Colette Braeckman, ces élections n’auraient pas eu lieu sans la volonté et la capacité d’organisation de la population congolaise, « … s’il n’y avait pas eu des dizaines de milliers de Congolais qui ont transporté les urnes, parfois sur leur tête ou avec des pirogues, et qui ont été observateurs dans les locaux de vote. […] Les femmes aussi réussissent à survivre à la violence sexuelle en s’entraidant. Si les Congolais n’avaient pas résisté, le Congo aurait déjà depuis longtemps été démembré»2. La mobilisation était aussi d’actualité dans les diasporas congolaises dont certains membres se sont présentés pour être élus. En Europe et ailleurs, c’est aussi au sein des diasporas qu’un travail de sensibilisation de l’opinion internationale sur les incessantes violations des droits de l’Homme est accompli et que des plaidoyers politiques en faveur d’un retour à la paix sont portés. En Belgique, cet engagement en faveur des populations de la RDC ou en faveur des diasporas se déploient au sein d’associations aux dénominations évocatrices : Solidarité, femmes, Afrique, développement durable,Sima Kivu (soutien projets de développement au Kivu), Forum interrégional des femmes congolaises (FIREFEC), Congo in Vlaanderen, Cellule de solidarité inter congolaise, BIABI (entre nous), Union pour la démocratie et le progrès social, ou encore les Amis du Congo. Ce sont aussi des projets spécifiquement en faveur de la jeunesse congolaise en Belgique comme l’Observatoire Ba Yaya. L’engagement se traduit aussi par une démarche de sensibilisation au mythe de l’Eldorado
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comme pour Gérard, réalisateur : « Je suis très engagé parce que je réalise des émissions diffusées au pays pour informer les gens de là-bas des réalités d’ici : l’Europe, ce n’est pas le ciel !».
Diplômes, emploi et discrimination Dans les années 1960, les migrants congolais étaient principalement des étudiants. Accumuler les diplômes leur a certes permis de prolonger leur séjour, mais n’a pas nécessairement garanti un emploi qui corresponde à leur (haut) niveau de qualification (voir graphique ci-dessous). Selon le démographe Quentin Schoonvaere, « l’étude des taux d’activité et d’emploi nous a montré que, ces dernières années, la volonté des Congolais de participer à l’activité économique est importante. Cependant, la proportion de personnes qui travaillent réellement reste assez faible, ce qui
Taux de chômage par âge, sexe et groupes de nationalité Source : Enquête socio économique de 2001, citée par Quentin Schoonvaere, in L’étude de la migration congolaise et de son impact sur la présence congolaise en Belgique : analyse des principales données démographiques, UCL et Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, juin 2010.
Congolais
Total allochtones Belges
Total allochtones Congolais Belges
Liliane (29 ans, Anversoise) considère que ses efforts pour décrocher son diplôme supérieur ne sont pas récompensés. « Quand tu as le diplôme, tu n’es pas arrivée à la fin de ton voyage. Les jeunes diplômés, même belges, ne trouvent pas de job. » D’autant qu’en « Nous a-t-on mis Flandre s’ajoute l’obstacle de la maîtrise de la langue… Argument en tête qu’on va forcément choisir aussitôt réfuté : « Quand vous a v e z un Blanc ?» atteint les études supérieures, la question de la langue ne se pose plus ! Le problème est autre : choisir un Blanc ou un Noir. Je ne sais pas… j’en discute avec beaucoup d’amis diplômés : nous a-t-on mis dans la tête qu’on va forcément choisir un Blanc, ou notre expérience personnelle nous conduit-elle à le penser ? En tous cas, je ressens qu’aller trop haut n’est pas bien vu en tant que Noir ». Et que dire de ces parents surdiplômés mais désœuvrés, qui regardent la télévision du matin au soir. Face à ce gâchis, la motivation de leurs enfants en prend un coup. Monique (53 ans) confirme à sa façon le découragement des jeunes: « Des filles de 17 ans que je croise aux formations de prévention au sida me disent que les diplômes, c’est bon pour l’Afrique, pas pour ici ». Pour revenir à la maîtrise de la langue, Larson (Anversois, 28 ans) se souvient qu’en postulant comme éboueur, on lui a demandé de connaître le flamand… « Comme si j’allais parler avec les poubelles ! » « Tout ce qu’on me propose c’est
« poetsen », enchaîne Marie, enseignante mais dont le diplôme n’est pas homologué en Belgique. Même écho avec Honorée, diplômée en gestion d’entreprise, mais femme d’ouvrage 20 heures par semaine. Les histoires de diplômes congolais dévalués et non reconnus en Belgique sont nombreuses. Malgré tout, les déclassés s’accrochent et recommencent souvent des études avec détermination, quitte à se retrouver l’aîné de la classe au point de se faire appeler « papa » ! En attendant c’est le règne de la précarité avec les intérims, l’article 60, les titres services ou le secteur informel. C’est aussi le règne de la débrouille où José se voit réussir son business, tôt ou tard : « On me verra rouler dans une belle voiture, avoir une situation et une grande maison, sans me soupçonner d’avoir vendu de la drogue. C’est cette reconnaissance que je recherche ».
© Arnaud Bilande
laisse supposer un taux de chômage assez important. En effet, depuis 2002, le taux de chômage des ressortissants congolais avoisine les 40 % alors que ce taux tourne autour des 22 % pour les étrangers et de 12 % pour la population totale »3. Précisons qu’aucune information n’est disponible sur les Congolais devenus belges, puisque les statistiques « ethniques » ne sont pas autorisées dans notre pays. Et le chercheur en démographie appliquée de se demander si leurs diplômes seraient plus difficiles à valoriser sur le marché de l’emploi, et si ces populations feraient face à plus de discrimination sur le marché du travail. Pour la plupart des Congolais rencontrés, ces questions ne se posent plus tant leurs expériences amères se succèdent.
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Le sentiment de manque de reconnaissance est prégnant. Ainsi Avenir (Anversois, 44 ans), technicien en informatique, a l’impression qu’il doit toujours faire ses preuves, et que des Blancs se permettent de le tester avec des questions pièges. Pour sa part, Gérard (Bruxellois quadragénaire), diplômé du Congo où il a bossé comme journaliste, s’est entendu proposer par le directeur de Télé Bruxelles une formation, le jour où il devait commencer à travailler. Pas trop sûr de ses compétences, son employeur expliqua par un sous-entendu : « Vous comprenez, les télévisions africaines… » Marice, étudiante en électronique (Bruxelloise, 21 ans), se sent chaque fois un peu plus étrangère lorsqu’elle cherche un boulot. Selon la description de Stéphanie, étudiante en gestion administrative (Bruxelloise, 22 ans), « on a l’âge, on a la taille, on a le poids, on a le sourire, on a les études, mais on n’a pas de chance parce qu’on n’a pas la peau. La couleur nous trahit. On doit se battre, mais c’est ce qui fait notre maturité ». Et quand on dégote un boulot, il ne s’agit pas de pinailler sur le contrat… Kadima (Anversoise, 64 ans) travaille depuis presque dix ans dans une petite entreprise de triage et
recyclage des métaux qui, dit-elle au passage, lui rappelle le Kasaï, à la différence qu’on y trie des diamants... Dix ans comme intérimaire, alors que la loi autorise normalement un maximum de deux ans. Qu’importe pour Kadima pourvu que le paiement soit régulier ! Kalwale (Anversois, 58 ans) a commencé au plus bas, comme ouvrier. « Puis je suis passé au bureau sans qualification parce que le travail se passait bien. Quand je suis parti, ils ont mis quatre personnes à ma place ! ». Le sentiment d’être sans cesse rejeté alimente ces frustrations et peut conduire certains à dénaturer les réalités. Patrick est ainsi persuadé d’avoir vu une rubrique « Job voor allochtonen » sur le site du VDAB (Office flamand de l’emploi et de la formation professionnelle), précisant même que la liste ne propose que « les métiers les plus bas ». Patrick se trompe : une telle rubrique n’existe pas. Mais sa profonde conviction révèle en tous cas qu’il a déjà essuyé pas mal de refus dans son parcours professionnel. Larson (Anversois), lui, s’imagine qu’un Noir employé de banque n’existe pas en Belgique : « Les clients fuiraient tous ! ». Kadima a cru observer une échelle d’exclusion par nationalité : « S’il y a un emploi, c’est d’abord pour les Polonais, après les Turcs puis les Marocains. Et nous les Congolais, à la queue pour
Répartition proportionnelle de la population congolaise (B), de la population née congolaise et devenue belge (C), et de la population issue de l’immigration congolaise (A) au 1er janvier 2006. Source : Registre national, DG-SIE, cité par Quentin Schoonvaere, op. cit., p. 63.
Population de nationalité congolaise (B)
Région bruxelloise Région wallonne
Population née congolaise et devenue belge (C)
Population issue de l’immigration (A=B+C)
50,87 %
42,92 %
46,39 %
28 ,94 %
33,86 %
32,12 %
12,10 7,89 5,71 2,57 0,67
13,46 8,88 7,03 3,36 1,13
12,98 8,53 6,56 3,08 0,97
20,19 %
22,21 %
21,50 %
8,99 6,55 3,05 1,35 0,25
10,80 5,61 3,61 1,74 0,46
10,16 5,95 3,41 1,60 0,38
14 314
25 987
40 301
Dont : - Province de Liège - Province du Hainaut - Province du Brabant wallon - Province de Namur - Province du Luxembourg Région flamande Dont - Province du Brabant flamand - Province d’Anvers - Province de Flandre orientale - Province de Flandre occidentale - Province du Limbourg Population totale
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les sales boulots ». Elle perd soudain patience. « Mettons fin à cette discussion. C’est politique : l’État privilégie ses nationaux ; les étrangers passent après. » Rina (25 ans, Anversoise) n’est pas d’accord : sans disconvenir des problèmes de discrimination, elle refuse le discours qui transforme la politique en bête noire. « Est-ce vraiment ce que tu apprends à tes enfants ?, lance-t-elle à Kadima. Il faut être réceptif, et décrocher un diplôme reste important. » Bien sûr, tous ne tombent pas dans l’ornière. Nous avons entendu des témoins qui occupent des postes à responsabilités ou simplement des boulots qui leur plaisent, au sein de l’administration publique, dans les tumultes d’un cabinet ministériel, dans l’enseignement, ou encore à leur propre compte. Parmi eux, Liliane (29 ans), assistante sociale au CPAS d’Anvers, raconte que les clients ne sont pas étonnés de la voir de l’autre côté du guichet, au contraire, « ils sont contents qu’une fille noire soit assistante sociale ! » Quelques uns lancent des pistes pour sortir de la logique d’exclusion. « Il faudrait beaucoup plus de Congolais patrons qui engagent des Belges, propose Larson (28 ans, Bruxellois). Si c’est un Noir qui engage, plus personne ne lui demandera s’il parle flamand. On va juste accepter son argent. Je suis ainsi occupé à un projet qui octroie des microcrédits à des jeunes pour apprendre à créer une société. Pas un petit magasin de nuit ! Mais des bureaux de publicité ou d’avocats. » Personnellement, José (31 ans, Bruxellois) s’est fixé comme objectif de devenir son propre patron. Il nourrit l’espoir de rentrer au pays pour y bâtir son affaire, mais le moment n’est pas propice : « Le Congo est un serpent qui t’avale sans jamais te recracher. C’est pourquoi je me suis tourné vers le pays de ma compagne, le Bénin qui est beaucoup plus stable ». Jean-Claude possède déjà sa société au Kivu et lance un appel à partenaires probes sur place. Mission manquée jusqu’à ce jour…
Logement et voisinage En recherchant un logement, tout comme un emploi, les Congolais savent qu’ils devront subir des moments « qui font mal ». Un regard, un silence, un rideau qui bouge discrètement sans que jamais la porte ne s’ouvre, ou un geste déplacé comme celui d’une propriétaire par trop pédagogue qui prend le temps de démontrer le fonctionnement d’une chasse à eau. «Comme si je l’avais attendue pour le découvrir ! », s’exclame Albert. Oui, des moments qui blessent. Pour trouver quoi ? Beaucoup décrivent leur logement comme insalubre : humidité, mauvaises odeurs, taches de moisissure, installation électrique hasardeuse, toilettes en dehors de la maison. Bref, la galère. « Mais on n’a pas le
choix ». « La satisfaction est toujours au bout d’un sacrifice », profère Patrick le Liégeois. Certains s’organisent : ils rénovent à leurs frais, même s’ils ne sont pas propriétaires, ou ils sollicitent un logement social « avec un certificat du médecin pour mes enfants qui sont toujours malades à cause de l’humidité », p r é c i s e Sidonie, j e u n e Gantoise mère de jumeaux. Et Victor de féliciter le caractère impersonnel de l’attribution de logement social : « Si votre dossier est bien constitué, il sera traité dans les mêmes conditions que celui d’un Belge. Comparativement aux années 80, les mentalités ont évolué en Belgique pour mieux accepter des étrangers dans les logements sociaux ». Marginalement, il y a ceux et celles qui ont connu les centres d’accueil de demandeurs d’asile : Nancy est restée six mois au centre de Bovigny, avant de recevoir l’ordre de quitter le territoire. Depuis, elle se débrouille quelque part dans Bruxelles. José aura dormi une nuit au Petit Château quand il avait 12 ans : « Il est vrai que les conditions de vie n’y sont pas optimales, mais mieux vaut ça que rien du tout ». D’autres ont fini par trouver leur bonheur. Marcelline, par exemple, qui a reçu un logement social alors qu’elle était enceinte. Ou Paulin : lorsque sa famille nombreuse l’a rejoint à Bruxelles, il est devenu propriétaire d’une grande maison à restaurer. Monique dénonce un préjugé coriace qui fait croire à certains que « des Noirs ne peuvent pas habiter une belle maison moderne. Comme si nous étions condamnés à vivre dans des bidonvilles sales ! » Stéphanie (22 ans, née en Belgique) confirme : « Quand les gens apprennent que j’habite Waterloo, ils écarquillent les yeux et commentent par ‘ah… famille Mobutu… !’. « Quand les gens Non mais quel est le apprennent que rapport ? ». Laeticia j’habite Waterloo, ils fulmine : « Il y a 20 ans, écarquillent les yeux. » un Noir ne pouvait pas se loger du coté huppé de Chant d’oiseau. Vous nous demandez de nous intégrer tout en refusant que nous louions un appartement ou une villa dans votre quartier ! Il ne faut pas forcer ! » Adar, qui a peutêtre décidé d’endosser le rôle d’agitateur, rétorque : « S’il a eu des casseurs africains comme locataires, c’est normal que le Belge refuse de nous louer son appartement ». Imperturbables aux protestations générales, Adar enfoncera le clou : « Mais oui, la plupart sont des casseurs ! » S’ils devaient qualifier le contact avec les voisins en un mot, ils diraient « calme ». Chacun chez soi, « ce qui n’est pas négatif » glisse Liliane (29 ans et née en Belgique). Ce chacun pour soi, Marie (Gantoise) ne s’y habitue pas : « Chez nous on parle à tout le monde. On remarque
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quand même des petits gestes de gentillesse : les voisins déposent mon courrier devant ma porte quand il est tombé par terre. » Quand José (métis de 31 ans) était adolescent, sa famille ayant dû quitter Kinshasa précipitamment en 1991suite à des émeutes, a fait escale dans la splendide villa de la tante paternelle d’une commune verdoyante de Bruxelles, avant de trouver un appartement à Molenbeek. Ils y ont pris leurs marques, notamment grâce à l’église et au patro, en bonne entente avec leurs voisins : « Notre tante nous avait vivement conseillé de ne pas faire ami ami avec les petits Marocains, soi-disant parce qu’ils portent toujours des couteaux ». Aaron refuse d’évoquer son logement, simplement parce que si on réussit professionnellement sa vie, on est automatiquement respecté, et on vit par conséquent dans une belle demeure. Par contre, les soucis surgissent une fois dehors, et c’est de ça qu’il veut témoigner.
Intégration, désintégration Selon Bienfait, « les Belges sont accueillants mais hypocrites. Au fond, je me pose la question de savoir quelle image de lui le Belge veut donner aux étrangers. Tout dépend en fait de quel étranger… », soulignant ainsi les rapports de classes sociales.
La meilleure façon de comprendre une société est de s’intégrer. Aucun n’en disconvient. Mais comment ? « Vous nous demander de nous intégrer, mais vous risquez de nous désintégrer… J’ai fini par comprendre : s’intégrer c’est promener le chien, manger en rue, ne pas saluer ses voisins ». Albert a choisi de se rapprocher des gens en devenant arbitre de foot dans son village à Verlaine. Bienfait, pour sa part, croit au dialogue interculturel, dans le respect des cultures de chacun, pour dépasser les peurs « Le fait de nous et ignorances. « Quand renvoyer sans cesse à le Belge connaîtra les notre couleur est p ro b l è m e s q u e l e s un bien pour un mal. » Congolais rencontrent au quotidien, leur façon d’être et de penser, il n’aura plus peur. » Constatant que « la plupart des plus âgés ne voyage pas, même pas en Belgique et ignore le monde», Marie a organisé un défilé de mode à Gand pour montrer une des facettes de la culture africaine aux habitants. « Heureusement que les jeunes s’ouvrent aux autres cultures », ajoute Fabrice qui préfère fréquenter les étudiants : « Ils te donnent plus facilement la chance de te connaître, plus que quelqu’un de 50 ans. » Pour les jeunes nés ici, l’intégration se traduit-elle par « être plus Belge que Congolais » ? Non, mais ils ne cachent pas qu’ils sont en recherche d’identité. Aaron (28 ans) : « Quand j’étais plus jeune, je me suis posé la question : qui suisje ? Le fait de nous renvoyer sans cesse à notre couleur est un mal pour un bien car ça nous permet de faire une démarche sur nous-mêmes et de retrouver nos racines ». Stéphanie : « Je suis ici depuis toujours, et même si je voudrais me sentir plus que belge, tôt ou tard on nous fera remarquer la couleur de notre peau. Surtout dans les boîtes de nuit… » © Max Mwila
Très certainement, vivre ensemble peut être plus facile quand on connaît la vraie histoire entre les deux Etats. Albert : « Je perçois mal que l’histoire du Congo n’est pas suffisamment racontée à vos enfants, même pas à l’école.
Mon fils étudie l’Union européenne en long et en large. Et le reste du monde : des barbares ! » Denis complète : «Cette responsabilité incombe aux Belges mais aussi aux Congolais nous-mêmes. »
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Ils ne se sentent pas toujours acceptés. Le racisme, ils l’ont vécu. Quasi tous racontent des déconvenues où ils se voient coller une étiquette, au mieux exotique, au pire « diminuante » et discriminante. Adar a beau réfléchir, il n’a jamais été confronté au racisme. Selon lui, les participants de la table ronde qui se plaignent de racisme au travail confondent avec le harcèlement. « Nous avons la mauvaise habitude de réagir trop facilement en taxant les gens de racistes. Si un fonctionnaire me répond méchamment au guichet, il se comporte probablement aussi mal avec un Blanc. Je ne crois pas au racisme ». Ilaka le rappeur de 25 ans lui cloue le rivet : « Vous êtes une exception. Votre milieu d’avocat n’est pas le mien ». Un Noir devrait redoubler d’effort et être plus performant que la moyenne pour se faire accepter. Aaron : « Le Blanc sera toujours devant nous parce qu’il est blanc ». Isha ajoute : « On doit être le gentil Noir qui sourit toujours. Les Congolais que je connais et qui ont réussi ont ce profil : ils amusent la galerie et ne sont jamais de mauvaise humeur ». Larson nuance : « Il y a une grande différence d’intégration pour les métis et les Africains qui ont la peau claire, parce que nous pouvons jouer le jeu et être de leur côté. Tant que tu te comportes comme eux, c’est bien. Tandis que les Noirs, on voit tout le temps qu’ils sont noirs ! Les gens ne sont pas encore arrivés à comprendre que le Belge peut être très noir… » José avance une solution concrète : « Nous devons démythifier l’homme blanc ». En attendant, rétorque Aaron, « même sur une affiche publicitaire, il faut se battre pour avoir sa place », faisant référence à la dernière publicité d’une banque où tant d’ethnies sont représentées, sauf les Africains.
Le désir du retour La majorité des participants aux tables rondes veulent rentrer. Avec cependant des bémols : alors que les « enfants d’Europe » ont moins d’attaches, celles et ceux nés au pays sont hyper motivés par un retour aux sources… pour y rejoindre la famille, pour mettre leurs expertises au service du pays. Jean-Claude précise : « Les jeunes nés ici réfléchissent comme des Belges. Il faut comprendre que leur vie se trouve ici. Tandis que nous, qui avons passé une partie de notre vie au Congo, nous avons cette nostalgie du retour. » Deux jeunes adultes confirment. Ilaka, musicien de 25 ans né à Kinshasa, a planifié de rentrer dans trois ans, déçu par l’opulence chimérique qu’il poursuit encore en Belgique. « La vie est mieux en Afrique. Il n’y a pas… » Soudain, Adar lui coupe la parole avec malice : « Il n’y a pas de factures, c’est ça ? » Ilaka réajuste : « Il n’y a pas de stress ! De toute façon, je dois rentrer et reconstruire le pays, c’est mon devoir. Rien qu’une goutte d’eau dans
l’océan, mais si deux, trois, quatre personnes se lancent, la situation pourra évoluer ». Marice (21 ans, née au Katanga) aimerait aussi retrouver sa terre « pour ne pas me sentir trop seule. Mes repères sont un peu plus là-bas qu’ici ». Parmi les aînés, beaucoup pensaient rentrer une fois leur(s) diplôme(s) en poche. Et puis ils
sont r e s t é s « coincés en Belgique », encouragés par leur famille à prolonger leur séjour pendant que la société vacillait là-bas, devenant ainsi à distance le soutien financier de leur famille. Finalement, s’ils repartent au Congo, c’est juste pour les vacances… À côté des candidats motivés au retour, il y a d’autres figures. Les déchirés, comme Marcel, arrivé ici en 1994 pour étudier : « Je ne me suis jamais retourné. » Et pourtant, il garde sa nationalité congolaise, signe inavoué de son envie de rentrer. D’autant qu’il ajoute : « Je n’aime pas la Belgique. Je n’aime pas l’Occident. Je ne sais même pas ce que nous sommes venus faire ici. » Le slameur Isha, 21 ans et né à Bruxelles, cite quelques lignes d’une de ses compositions : « J’aimerais aimer l’Afrique mais il s’avère qu’elle est séropositive. Comment faire des gosses à une femme malade ? » Laeticia (la cinquantaine, née au Sud Kivu) se démarque : « Je crois que je suis parmi les rares à dire que je ne veux plus m’installer au Congo, tout en étant attachée à mes racines, tout en appelant tous les jours, tout en aimant ce Congo. En réalité je suis complètement déconnectée, même si je fais des allers et retours. J’ai du mal à m’adapter à ce sport… Ma vie est ici depuis trente ans. » José est arrivé à Bruxelles avec sa famille en 1991 à l’âge de 12 ans : « J’ai les moyens mais la situation ne me donne pas envie de retourner. Impossible d’investir et difficile de trouver quelqu’un de confiance au sein même de sa propre famille ». Les migrants adultes ont gardé beaucoup de liens avec le pays : d’abord les liens « obligés » de solidarité, mais aussi certains ont laissé « Toute notre vie, nous femmes et enfants, vivons avec la question comme Gérard : « Quand du retour. » je suis parti en 2001, mon dernier avait une semaine et mon aîné deux ans. Je préfèrerais rentrer que faire venir ma famille ici. Là-bas, j’avais seulement un salaire de 15 dollars par mois quand je travaillais à la télévision. Tout le monde dans le quartier me connaissait. J’avais ma femme et mes enfants à mes côtés. J’aimerais encore vivre
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À lire Belgique – RD Congo : 50 années de migration. Étude de la migration congolaise et de son impact sur la présence congolaise en Belgique : analyse des principales données démographiques, par Quentin Schoonvaere, Louvain-la-Neuve / Bruxelles, UCL/CECLR, 2010, 88 p. Aucune étude exhaustive n’a fait état de l’histoire de la migration congolaise et de son influence sur la présence congolaise en Belgique. L’objectif de cette recherche est donc de pallier ce manque d’informations en proposant une étude démographique faisant le lien entre la migration et la présence congolaise en Belgique. Sept facettes sont analysées dans cette étude : les sources de données, la population issue de l’immigration congolaise, la migration congolaise en Belgique, les autres mouvements de population congolaise, les caractéristiques démographiques, la localisation géographique et enfin les caractéristiques socio économiques de la population issue de cette migration. Ces données démographiques ont permis de mettre en évidence des éléments indispensables pour la compréhension de l’immigration et de la présence congolaise en Belgique. Ces apports ouvrent de nouvelles pistes de réflexion ainsi que de nouvelles questions à approfondir. Voici quelques éléments principaux qui ressortent des analyses et interprétations des données démographiques : - l’étude des stocks de la population issue de cette migration a mis en avant l’importance de la dynamique des changements de nationalité ; - contrairement aux migrations d’autres groupes, la présence congolaise ne répond pas à une logique de recrutement de main-d’œuvre et d’intégration de ces travailleurs après la fermeture des frontières ; - la logique d’installation s’observe de plus en plus chez les nouveaux migrants ; - l’étude met également en évidence une féminisation ainsi qu’un vieillissement de l’immigration depuis le début de la décennie 1990 ; - ces migrants se localisent principalement dans certaines communes de la Région bruxelloise ainsi que dans les principaux centres urbains wallons, avec une surreprésentation des ménages monoparentaux et isolés ; - la population congolaise a un taux de chômage plus élevé et un taux d’emploi plus faible par rapport aux Belges et aux étrangers. Néanmoins l’étude du niveau d’instruction montre une surreprésentation des diplômés du supérieur. Les données et outils démographiques ont toutefois leurs limites. Il serait enrichissant d’approfondir les analyses par l’apport d’autres sources et de nouvelles méthodes inspirées d’autres disciplines.
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comme ça… ». « Comme tout le monde », renchérit Adar qui, lui, vit en migration pendulaire entre Kin et Bruxelles, entre un enfant ici et deux là-bas. Jean-Claude explique : « C’est la tendance actuelle : la plupart de nous se prépare à rentrer. Non seulement nous avons une bonne expertise, nous sommes des témoins de la future démocratie, mais après 50 ans, on ne nous donne plus de travail en Belgique. Alors pourquoi rester ? » Rentrer n’est pas si simple parce tout le monde change. « Dois-je me comporter en évolué ou en indigène ? » Denis explique comment sa famille au pays va tout faire « pour que je continue à me comporter comme un Blanc pour que j’ouvre le portefeuille ». Il faudra s’adapter : « Je change ma tenue vestimentaire non pas par envie mais pour ne pas mettre mes parents là-bas mal à l’aise ». Et quand bien même, « quelque chose nous échappe, on n’est plus le même. Un gamin dans la rue m’a regardé : « Papa, tu n’es pas d’ici. Je vois bien comment tu marches. Même tes sandales n’ont pas la poussière d’ici !».
Le Congo comme il va Le Congo aujourd’hui ? Les gens souffrent et meurent. Ils manquent de tout. « Que fêter, sinon l’indépendance de la misère et de l’échec ? Parce qu’on n’a pas laissé la liberté aux Congolais de se choisir », déplore Kadima. Le Congo de demain ? Les avis sont partagés : point d’interrogation, pillages et magouilles, catastrophes, blocages, ou encore le salut par le réveil des citoyens. Mais une chose semble sûre, le développement « Les gouvernants du Congo est avant tout laissent les meilleures le combat des Congolais. places à leurs enfants « La Belgique ne peut qui nous prennent pas s’ériger en sauveur en otages. » du Congo, ce temps est révolu », martèlera la majorité. Et d’ailleurs, avant d’aller nettoyer le tapis du voisin, il faut commencer par le sien. Autrement dit, « tant que la Belgique n’aura pas réglé ses problèmes communautaires, je ne vois pas ce qu’elle pourrait faire pour nous », sermonne Fabrice (30 ans). Jean-Claude parle en homme d’affaires : « Si au niveau national, un projet de développement n’existe pas encore, rien n’empêche le citoyen de lancer son propre projet ». Objection de Gérard : « Les associations et projets individuels ne peuvent pas développer le pays, s’il n’y a pas de bons dirigeants. Quand la tête est malade, tout le corps est malade ».
Adar donne son point de vue de sénateur au Parlement congolais, « nommé et non voté » raillera Laeticia. « Nous avons besoin de la Belgique et d’autres États. Le problème du Congo est qu’il n’existe pas d’interlocuteur qui veille à l’intérêt général. Si on injecte des millions, on assiste à la corruption et au vol. Je suis dedans, je suis bien placé pour vous le dire. Tant que la Belgique apportera son soutien à Kabila –qui est mon supérieur, je suis désolé – il n’y aura pas de solution. » Certains prônent la coopération bilatérale d’égal à égal, et beaucoup réclament une « aide technicienne » qui consiste à envoyer des experts et non de l’argent que des irresponsables volent et détournent en toute impunité. « La Belgique doit un peu collaborer, ne fût-ce qu’à construire l’élite de demain. Sinon le risque existe que tous ceux qui sont là-bas viennent ici ! », prévient Avenir (44 ans). Plus radical, Patrick voudrait que cesse toute aide à la coopération : « Le peuple doit travailler. Il ne va pas se croiser les bras s’il sait qu’il ne peut plus compter sur l’aide extérieure. Même le ministre va se mettre au travail ! »
dans votre journal ? Et demain, tout sera fini, nous continuons notre galère comme par le passé ». Amère, Kadima n’est pas la seule à montrer qu’elle n e se laisse pas abuser par cette rencontre dérisoire. Dérisoire peut-être, mais loin d’être stérile car tous les témoignages recueillis d’Anvers à Liège, en passant par Gand et Bruxelles ont pu montrer quelques facettes de ce que pensent des jeunes et moins jeunes Belgo Congolais. Nous nous connaissons donc un peu moins mal. Sachant que nos questions comme leurs réactions nous révèlent, voire nous trahissent. ❚
Nathalie Caprioli & Jamila Zekhnini
Fabrice ose lancer que l’indépendance du pays a été « donnée trop tôt. Nous n’étions pas préparés. D’ailleurs, tout ce que les Belges ont laissé se retrouve aujourd’hui mais dans un état catastrophique. Prenez l’exemple des voies ferroviaires. » Fabrice reconnaît quand même que l’Etat est victime de ses richesses… que Mobutu et suivants ne se sont pas privé de piller. Le fait de voir le Congo dans le marasme et ses habitants qui vivotent empêche Marcel de dormir. « Je vis mal. Les gouvernants laissent les meilleures places à leurs enfants qui nous prennent © Massimo Bortolini en otages. Nous avons fait nos études universitaires avec eux ici à Bruxelles. Ils ne sont même pas plus intelligents que nous ! » Kadima distingue deux Belgique, celle qui fraie avec les dictateurs, et celle qui cherche à comprendre, « comme vous, qui nous posez toutes ces questions. D’ailleurs qu’allez-vous faire avec ces informations ? Les publier
[1] Willy Musitu Lufungula et Willy Kitoko Matumona, Nouveaux mouvements religieux et identité culturelle, Les classiques des sciences sociales, 6 avril 2007, p. 20. [2] Interview de Colette Braeckman par Tony Busselen,17 août 2009 www.france-rwanda.info/article-35321097.html [3] Quentin Schoonvaere, L’étude de la migration congolaise et de son impact sur la présence congolaise en Belgique : analyse des principales données démographiques, UCL et Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, juin 2010, p. 75.
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Opération dépoussiérage à Tervuren Jamila Zekhnini
Le Musée royal de l’Afrique centrale entre bientôt dans une phase de rénovation conséquente, le temps de matérialiser dans cet ancien palais colonial une autre vision des relations avec l’Afrique et le Congo en particulier. Histoire de dépoussiérer nos mentalités.
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la fin du 19e siècle, le roi Léopold II dispose du Congo comme de sa propriété privée. Avec l’apparition de l’automobile, la production du caoutchouc s’intensifie, entraînant avec elle une exploitation de plus en plus massive de l’humain au détriment des droits fondamentaux. Une période emprunte de violences qui finit par générer des mouvements de protestation. Le premier grand mouvement pour les droits de l’homme, en réaction aux abus capitalistes commis au Congo, part d’Angleterre. Une forte pression internationale s’exerce sur Léopold II pour qu’il cède le Congo à l’État belge. Or la Belgique n’est pas très enthousiaste à l’idée de se lancer dans des aventures coloniales.
Zoo humain Pour encourager la population belge à investir au Congo, Léopold II organise une exposition temporaire dans son domaine de Tervuren. Cette exposition se centre sur les échanges économiques autour du fleuve Congo et sur les produits potentiellement porteurs pour l’économie belge tels que le café, le thé, le bois mais bien d’autres ressources naturelles encore. Cette exposition connaît un grand succès ; elle voit défiler 1,3 million de Belges et, comme le souligne Guido Gryseels, directeur du Musée, « cela représente presque un Belge sur cinq. Ce fut un énorme succès. Il n’y avait pas seulement l’exposition à visiter, mais aussi les 260 Congolais à découvrir dans le village traditionnel reconstitué autour du lac ». Ce zoo humain aura pour vocation de montrer l’étrange et de faire du « sauvage » une réalité. Les expositions coloniales comme celle de Bruxelles-Tervuren de 1897 ou d’autres organisées ailleurs en Europe sont des opérations marketing très élaborées pour illustrer le discours colonial de l’époque. « Il faut se rendre compte que la plupart des Belges n’avaient jamais vu un Africain de leur vie ; c’était un spectacle en soi. C’est aussi ce qui explique le succès de foule qui va ensuite motiver à transformer cette exposition temporaire en exposition permanente. Voilà donc comment le Musée royal d’Afrique centrale voit le jour avec comme vocation première d’être une vitrine du Congo en Belgique, un instrument de propagande pour encourager les Belges à soutenir les aventures coloniales et à aller travailler au Congo pour devenir, à leur tour, vitrine des activités de la Belgique au Congo. » Dès ses débuts, des recherches scientifiques sont menées et le musée connaît une période de croissance jusqu’à la décolonisation en 1960. Une période difficile pour le musée qui sera mis quasiment sous tutelle. Confrontés à de sérieux manques de moyens et à un désintéressement généralisé pour le passé colonial, tous les directeurs se succédant donneront la priorité aux activités scientifiques. Le musée compte aujourd’hui des programmes de recherche dans plus de vingt
pays africains et est considéré comme l’un des établissements scientifiques majeurs au monde en ce qui concerne l’Afrique, avec des expertises et des collections uniques, mais au détriment du musée qui a peu changé depuis cinquante ans dans les salles d’expositions permanentes.
Le défi Pour Guido Gryseels, « le défi aujourd’hui c’est la rénovation du musée. L’exposition permanente correspond toujours au regard que la Belgique a porté sur l’Afrique avant l’indépendance. Une grande partie de cette exposition présente des objets ethnographiques qui renvoient à la tribu dans un esprit encore très colonial. Une forte rénovation est donc nécessaire pour trois grandes raisons. Premièrement, nous voulons un musée sur l’Afrique d’aujourd’hui et pas sur l’Afrique coloniale. Il y aura donc un changement au niveau idéologique mais aussi au niveau des thèmes choisis qui seront plus contemporains comme la biodiversité, la migration ou encore la problématique des ressources naturelles. Les infrastructures seront elles aussi rénovées et un nouveau pavillon d’accueil sera construit pour abriter salles de conférence, salles de concert et restaurant. Une des problématiques de la rénovation du bâtiment actuel réside dans le fait qu’il soit classé. Nous avons encore beaucoup de discussions avec, par exemple, les institutions qui s’occupent du patrimoine immobilier. Que fait-on de cette statue du roi Léopold II et de tout ce qui nous rappelle l’époque coloniale ? Certaines salles montrent encore comment la section d’histoire naturelle a été conçue il y a un siècle. C’est intéressant car c’est une belle réflexion sur la façon dont le musée a été conçu à l’époque, mais en même temps il faut organiser une nouvelle histoire. Comment nous y prendre ? Un vrai défi ! » Les expositions temporaires quant à elles s’organisent déjà dans un esprit qui tranche
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avec le passé, comme ce fut le cas de la grande exposition de 2005 sur le thème de l’époque coloniale : « À mon avis, cette exposition a eu un effet majeur en Belgique. Elle a stimulé tout un débat au sein de la société sur l’époque coloniale. Il y a dix ans, presque tous les Belges étaient encore convaincus que la Belgique n’avait fait que du bien lors de ces explorations coloniales et entretenaient encore des idées telles que « si le Congo n’était pas devenu indépendant en 1960, il n’aurait jamais été dans l’état dans lequel il est aujourd’hui, c’est-àdire un des pays les plus pauvres. L’exposition a démontré les aspects de racisme et de violence à l’époque coloniale, et a mis en question un certain regard belge, trop paternaliste pour être durable à long terme. »
Une diaspora impliquée Dès son entrée en fonction fin 2001, Guido Gryseels a pour priorité le projet de rénovation tout en développant une politique qui associe les diasporas africaines au processus de modernisation. En 2003 est lancé le festival Africa Tervuren qui donne la parole aux Africains. C’est le début d’une bonne collaboration qui aboutira en 2005 à la création d’un Comité consultatif des associations africaines avec le Musée d’Afrique centrale – COMRAF - qui fait officiellement partie de l’organigramme du musée. Ce comité, composé de douze représentants en Belgique et de cinq membres du personnel du musée, donne des conseils sur les aspects de gestion du musée qui ont une implication pour les diasporas africaines, que ce soit pour les expositions en préparation, les activités culturelles ou les ateliers éducatifs. « C’est une vision institutionnelle. Un représentant siège également dans le groupe de travail qui planifie la rénovation. Nous avons un service au public très actif et qui fait le lien avec la diaspora africaine. Au sein du musée, le COMRAF apporte un nouveau regard sur l’Afrique et poursuit sa réflexion sur la place de la diaspora africaine dans la gestion de l’établissement et sur les limites du partenariat. C’est un organe de conseil qui a ses zones grises, parce que les Africains comme les Belges ne parlent pas d’une seule voix. »
Partenariat original
À lire Nouvelle Histoire du Congo : des origines à la République démocratique, d’Isidore Ndaywel È Nziem, Bruxelles / Kinshasa, Le Cri / Afrique Éditions, 2009, 744 p. Il s’agit de la première Histoire générale du Congo publiée par un Congolais. Cet ouvrage monumental retrace l’histoire du Congo des origines à la RDC, apportant un regard critique sur l’œuvre colonisatrice et civilisatrice des Belges ainsi que sur les tâtonnements et les errements de la politique congolaise après l’indépendance du 30 juin 1960. Ouvrage fort illustré mais contenant des textes pour varier son angle de lecture, cette « Nouvelle Histoire » pourra servir de manuel de référence. Il pourra aussi aider la jeunesse de la deuxième génération à mieux appréhender l’histoire de leurs parents. Il est divisé en trois parties, qui vont respectivement des origines à la colonisation, de la colonisation léopoldienne à l’Indépendance et enfin, du 30 juin 1960 à la prestation de serment de Laurent Désiré Kabila. L’auteur a utilisé dans les grandes lignes les méthodes de l’ethnologie missionnaire ; il cite aussi bien des compatriotes que des auteurs belges. Des « surprises » sont réservées au lecteur. En effet, l’auteur a aussi utilisé comme documents historiques des chansons populaires qui font allusion aux événements de l’actualité. Si le livre plonge ses racines aux origines, il appartient par ses dernières pages à « l’histoire immédiate ». Il s’achève en effet avec la chute de Mobutu et les premiers jours de la Troisième République. Ce travail permettra surtout de s’immerger dans une histoire vue à partir de la société qui l’a construite et vécue, avec ses participations et ses résistances. Cette réappropriation locale de l’histoire, autrefois déformée par la colonisation, cet accès au vécu de la société à travers les témoignages de différentes époques sont quelques uns des atouts de cet ouvrage.
Le Musée royal de l’Afrique centrale : à ses débuts, une vitrine de l’aventure coloniale.
Le musée fermera ses portes de mi 2012 à fin 2014 mais certaines de ses expositions se poursuivent au Palais des Beaux-Arts, avec notamment le festival « L’Afrique visionnaire » qui invite les directeurs de centres d’art en Afrique à organiser en Belgique concerts, expositions et débats. Les Bozar, localisés au cœur de Bruxelles et animés par un directeur en quête de diversité et d’ouverture, offrent au Musée de Tervuren l’occasion de se faire connaître d’un public beaucoup plus large. Un partenariat original gagnant-gagnant entre un centre d’art renommé et le Musée qui travaille activement avec les associations africaines et qui possède les collections et l’expertise scientifique. ❚
Jamila Zekhnini
© Musée royal de l’Afrique centrale
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Shake That Diaspora ! Céline Remy
Le projet Héritage mêle musique urbaine et réflexion. Lancée par Pitcho Womba Konga, rappeur et acteur d’origine congolaise, l’idée est de rassembler des artistes belges d’origine africaine (ils sont une vingtaine) autour des questions de l’identité, des relations interculturelles et intergénérationnelles, et de l’insertion citoyenne.
dossier
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vec le soutien du Musée Royal d’Afrique centrale de Tervuren, de l’asbl Skinfama et de Bozar, un concert et une compilation mêlant soul, slam, R&B, funk, rap et reggae verront le jour fin juin (lire l’encadré). Ces événements marqueront le départ du projet mêlant une dynamique de réflexion et de dialogue à travers des animations et des activités de sensibilisation menées par les artistes. Pitcho, 34 ans, né à Kinshasa, installé en Belgique depuis ses 7 ans et artiste depuis une quinzaine d’années, a eu l’occasion de découvrir d’autres approches de l’interculturalité, notamment dans le monde anglosaxon. « J’ai eu la chance de faire le tour du monde avec mes pièces de théâtre et je me suis rendu compte que la Belgique a une politique très conservatrice, fermée ; culturellement parlant, les immigrés ne sont pas aussi représentés qu’aux États-Unis par exemple. Quand on nous donne la parole ici, c’est dans un petit coin, et on fait super attention à ce que nous disons, à ce que nous ne dépassions pas le politiquement correct. En lisant un livre sur la « Renaissance d’Harlem»1, c’est-à-dire tous ces Noirs américains rassemblés à Harlem, aux ÉtatsUnis, pour créer, écrire, faire de la peinture, du théâtre, bref partager toute la culture autour de la réflexion sur la négritude, je me suis dit que c’était sans doute ce dont nous avions besoin ici. Oser frapper du poing sur la table, oser dire ce que nous avons à dire, et nous mettre ensemble pour aller vers une réelle connaissance et reconnaissance de nous-mêmes, afin que la société prenne vraiment en considération le fait que nous faisons partie du paysage culturel, et du paysage national, avec nos origines et tout ce qui nous définit. Avec Héritage, j’ai voulu prouver que nous étions capables de montrer ça ensemble. » Pour BD Banx, 29 ans, né en Belgique de parents congolais et rappeur lui aussi depuis une quinzaine d’années, participer au projet était une évidence. « C’est un des premiers projets où les Congolais de Belgique de notre génération, une génération qui a une culture nettement plus urbaine, plus hybride, ont l’occasion de se réunir. Participer au projet, c’est l’occasion de partager l’héritage que mes parents m’ont transmis. Il y a dans la culture africaine un rapport de « grand » à « petit » qui s’étiole et qui se perd ici. Ce projet permet de rétablir la transmission de notre histoire et de notre culture propres, parce que nous parlons le même langage que la jeune génération. »
Racines La transmission de l’histoire est un des objectifs majeurs d’Héritage : « On le fait par devoir de mémoire | sans forcément chercher à émouvoir | mais juste pour mieux nous voir | dans le miroir de l’histoire ». Il est donc question d’un positionnement personnel par rapport à ses racines, du besoin de savoir d’où l’on vient, à défaut de savoir (ou pour mieux
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envisager) où l’on va. « Le quotidien que nous vivons ici est totalement différent de ce qu’ont connu nos parents élevés en Afrique, développe Pitcho. La manière dont on a grandi entre deux eaux, ou en tout cas entre plusieurs cultures, est vraiment une particularité d’ici, ce qui brouille les pistes. Je constate qu’ici les « petits frères » sont en questionnement, ils peinent à assumer leur identité, à se situer, parce qu’ils ne se connaissent pas, en tant qu’hommes noirs ici en Europe. » Pour l’artiste qui croit beaucoup à l’importance de la représentation et de l’exemple, le problème se pose en terme d’absence de personnes auxquelles les jeunes peuvent s’identifier. « Que pouvez-vous espérer quand vous ne voyez aucun Noir au guichet d’une banque, aucun « grand frère » qui a réussi ? À partir du moment où les jeunes ont une image négative ou peu valorisante de leurs grands frères, quelle image peuvent-ils avoir d’eux-mêmes ? C’est là l’intérêt de connaître son histoire et la culture noire (pas seulement africaine ou congolaise), l’histoire que nous avons tous en commun avec les Black Panthers, Malcolm X, Martin Luther King, et « chez nous » avec Lumumba, Mandela... Il n’y a pas que la politique, il y a des Miles Davis, des Bob Marley dont nous pouvons être fiers. Voilà le reflet du miroir ! Je crois que c’est ce qu’il faut se dire. Dans les Sixties on disait « Black is beautiful » pour se revaloriser. L’étape préalable à la revalorisation est l’acceptation de soi. Le plus grand trésor du monde est le savoir. Quand nous arriverons à nous regarder en face, et à affronter notre passé, nous pourrons aller plus loin, et choisir notre direction. » BD Banx illustre l’image du miroir, tel le regard toujours négatif qu’un père porterait sur la trajectoire de son enfant. « Cet enfantlà n’osera jamais se regarder dans le miroir. Il ne verra jamais ce qu’il est réellement : il va toujours voir ce que son père aura dit sur lui.
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Notre génération arrive à un moment où elle doit regarder l’histoire en face et arrêter de se mentir, de reporter toute la faute sur les autres (pour la situation de l’Afrique comme pour celle des immigrés). Quand vous regardez vraiment l’histoire, vous voyez que tout n’est pas blanc ou noir. »
Se prendre l’histoire dans la gueule « Nous avons le choix de nous recréer, poursuit le chanteur, mais pour ça il faut d’abord nous observer. Je pense que les jeunes du Congo qui vivent ici ne se sont pas assez « pris l’histoire dans la gueule ». Nos parents nous en parlent très peu, trop rarement. Et à l’école, c’est le strict minimum ! Ce qui implique un devoir, pour nous, de rappeler cette histoire. 50 années d’indépendance représentent très peu, juste le temps de vie d’un adulte, même pas d’un vieillard. Pourtant, en 50 ans, nous avons perdu beaucoup. Je pense par exemple aux chefs d’États africains : qu’ils aient fait du bien ou du mal, ils n’ont jamais écrit leurs mémoires. Cela aurait permis de retranscrire l’idée de gars comme Mobutu, comprendre ce qu’ils ont pensé, pourquoi ils ont agi comme ils l’ont fait, et de s’en inspirer, que ce soit pour imiter ou pour éviter. Nelson Mandela a écrit ses mémoires dernièrement, mais combien de personnes importantes en Afrique sont passées sans laisser leur témoignage ? On connaît beaucoup mieux les Noirs américains, parce que l’Amérique s’est toujours battue pour importer son histoire et sa culture. C’est un travail que nous devons encore accomplir en tant qu’Africains. Les jeunes veulent connaître Malcolm X, ou Martin Luther King, parce qu’ils les voient sur des t-shirt portés par des stars ; mais si vous leur parlez d’un Africain comme Thomas Sankara, ils ignorent de qui il s’agit. » La collaboration avec le musée de Tervuren s’inscrit dans la démarche de réappropriation de l’histoire congolaise par les Congolais. Comme la plupart des Congolais de Belgique, Pitcho avait toujours considéré ce musée comme le symbole de l’exploitation des ressources congolaises par les Belges, un « ennemi » « au service d’une image colonialiste et négative du Congo ». Mais le musée a évolué et, après beaucoup de temps et de réflexion, l’artiste a décidé d’affronter ce « démon » en passant les portes de Tervuren. « Contre toute attente, je me suis senti soulagé. J’avais réussi à faire face à mon histoire, longtemps occultée car douloureuse. Voilà ce que je veux dire aux Congolais qui
résident en Belgique, et à toutes les personnes d’origine africaine qui vivent en Europe : il faut traverser ce miroir et tirer des constats. Cette histoire fait partie de nous, cela a eu lieu, il faut prendre la vérité à deux mains. Le plus important n’est pas la vérité mais savoir ce que l’on va en faire. Va-t-on cacher l’histoire de la colonisation, ou commencer à se l’approprier ? Le projet Héritage tient en ça : s’approprier notre passé, en parler à travers la musique, à travers les paroles, pour mieux partager et mieux accepter la situation actuelle et agir dessus. Cela me semble vital pour les Africains de se réapproprier leur histoire, et, par là, leur présent et leur futur. Quitte à rentrer dans des délires qui n’ont rien à voir avec l’histoire. Nous pouvons nous tromper ou nous laisser emporter, nous ne sommes pas des scientifiques. Aujourd’hui je constate que, quand on veut faire des films sur l’Afrique, si on annonce des
thèmes comme le sida, la famine ou la guerre, on obtient des subsides sans problème. Ça devient plus compliqué si on veut montrer les côtés positifs de l’Afrique ou même inventer des trucs délirants : les Martiens débarquent en Afrique ou l’Afrique sauve le monde ! Independance day, c’est bien ça. Pourtant on ne peut pas dire que l’Amérique a toujours eu un impact positif sur le monde… »
Hip is the knowledge | Hop is the movement2 C’est donc par la parole d’artistes de « musiques urbaines » que passeront ce message et ces invitations à la réflexion. Ces genres musicaux (la soul, le rap, le R&B, le slam…) touchent en effet non seulement la « génération en questionnement », mais reflètent en plus cette hybridité revendiquée. C’est aussi, bien entendu, un des modes d’expression de Pitcho. « J’ai
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été touché par le rap par le mélange des cultures, tant au niveau de la musicalité que des textes. Quand j’ai commencé à rapper, c’était surtout avec des Arabes, plus qu’avec des compatriotes, parce qu’on traînait ensemble, on habitait dans le même quartier de Schaerbeek. L’engagement social qui existe derrière cette musique m’a aussi touché. Ce mouvement est né de la rencontre des Jamaïcains et de la soul, du funk, dans le Bronx aux États-Unis, et est lié à l’histoire des luttes. C’est ce qui m’a plu dans cette musique. Je suis redevable à la culture hip hop. Je me souviens de cette période, à l’école, où je n’arrivais pas à me représenter dans le futur. Il faut bien s’en rendre compte : c’était incroyablement difficile de se voir sur la longueur, de se voir à 20 ou 30 ans, ne parlons pas des 60 ans. Le hip hop était le seul truc qui me permettait de rêver, qui me montrait une voie. » BD Banx abonde et met l’accent sur le potentiel de ce vecteur dans la conscientisation en général : « Je crois que mes réflexions par rapport à la place qu’on nous fait ici, et par rapport au Congo et à l’Afrique, sont parties du rap : j’étais inspiré par ce qui passait à la télé. J’ai commencé à me dire qu’il y a des Blacks qui sont capables de faire des choses, qui font de la musique,.. Je me rappelle de textes de Public Ennemy qui parlaient de Martin Luther King, de Malcolm X. C’est à partir de là que j’ai commencé à lire des bouquins sur eux. Puis j’ai entendu parler de Lumumba, et j’ai encore creusé. Pour moi, le plus important dans cette musique est cet aspect lié à l’histoire du Noir, de l’esclavagisme, de la négritude. »
Niggaz with Attitude3 La diaspora peut-elle agir sur les perceptions et représentations que la société « d’accueil » porte sur elle ? Peut-elle influer sur ses conditions de participation citoyenne, sur la place donnée à son expression culturelle, sur ce qu’on appelle son « intégration » ? Pour l’initiateur d’Héritage, c’est un objectif
LE CD La compilation « Héritage », sortie le 21 juin, réunit des morceaux inédits de Freddy Massamba, Senso (du groupe Joshua), Pitcho, Gandhi, 13HOR, BD Banx, Pegguy Tabu, Ekila, Stefy Rika, Cecilia Kakonda, Angélique Kaba, Masta Pi, Nganji, Nina Miskina, Mayelle, Jack, Djubay, Yannick (du groupe Pas mal Plus), Teddy Lumumba, Banza (le petit-fils de Joseph Kasa Vubu), Sen Sey, Jagan et Romano. Des morceaux « à paroles » qui parlent d’Afrique, du Congo, de l’histoire noire, de l’immigration… Haut en couleurs et très diversifié en genres musicaux (toujours dans la mouvance « urbaine »), c’est un CD qui promet des découvertes. Il est disponible chez tous les disquaires et sur le site www.heritagecongo.be. Les bénéfices de la vente des disques devraient contribuer à la création d’un centre culturel africain à Bruxelles, qui centraliserait les différentes initiatives autour de l’Afrique ; un cadre qui manque encore dans la capitale.
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qui ne peut être atteint qu’avec professionnalisme, et à condition d’impliquer, ne fût-ce qu’en tant que spectateurs, les membres de la diaspora, parfois trop indifférents à ce qui arrive « aux autres ». « J’ai toujours pensé que nous sommes un peu sourd aux histoires de nos frères et que cela freine les perspectives d’évolution. C’est cela qu’il est important de briser. Des choses sont faites pour nous, par nos frères ; nous pouvons les découvrir sans éprouver le sentiment d’en sortir plus petits. Ces choses, au contraire de nous « casser », nous permettent d’évoluer, d’être fiers de qui nous sommes. Je pense qu’il faut amener le public congolais à aller voir ce que réalisent et créent les autres Congolais ici avant de pouvoir amener les autres aussi. Il nous faudrait plus de cohésion et d’activités ensemble. » Un souhait, rappelle BD Banx, qui se heurte souvent à une forte résistance des autorités belges face à ce qu’elles qualifient de communautarisme. « Ce bannissement du communautaire est un poids pour les immigrants et leurs enfants. Cela crée le phénomène qu’on appelle les « bounties » : des Noirs à l’extérieur et Blancs à l’intérieur. Ça signifie que certaines personnes vont ignorer toute une partie d’elles-mêmes de manière à avoir plus de facilités pour évoluer dans un système qui nous dicte comment nous devons être, selon une norme bien définie et unique. Or il est impossible d’effacer ses origines, de retrancher une partie de soi, c’est un mensonge qu’on se fait à soi-même, autant qu’aux autres. Le temps n’est pas coupé en trois entre passé, présent, futur ; tout est lié. Nous ne pouvons pas entrer dans un contexte d’intégration où on nous parle d’oublier ce qu’ont été nos parents, pour juste devenir neutres. »
Pigiphants L’image des enfants d’immigrés « assis entre deux chaises » est très fréquente. Une image à laquelle Pitcho répond qu’il a « le cul par terre » : il ne se sent pas plus belge que congolais, mais bien un individu à part entière, un « hybride », comme il aime à le revendiquer. C’est l’idée du Pigiphant qui symbolise le projet, un animal mi pigeon (qui ne manque pas de nous évoquer les pavés bruxellois) mi éléphant, un étrange animal « qui paraît ne pas exister dans le fond mais qui en fait est réellement là. Qui est là et qui fait son bout de chemin ». Les pigiphants d’Héritage veulent donc profiter de la lumière posée sur le Congo à l’occasion du cinquantenaire de son indépendance, et garder un projecteur sur eux. « Nous n’avons plus le temps d’attendre, conclut BD Banx. Je vois sans arrêt ici des tontons qui passent leur temps à débattre, moi je dis qu’il faut aller au-delà. » Et Pitcho d’ajouter : « J’ai passé l’âge de me laisser faire. » Pour ce cinquantenaire, loin d’être dans la célébration, ces artistes se positionnent résolument dans la réflexion et la création. ❚
Céline Remy (1) Mouvement de renouveau de la culture afro américaine, dans l’Entredeux-guerres. (2) « Hip est le savoir, hop est le mouvement », extrait d’un texte de KRS ONE, HipHop Lives, 2007. (3) Niggaz With Attitudes est un groupe de hip hop des années 1980 de Los Angeles.
Le lingala ?… facile ! Pascal Peerboom avec Ndelela Sembeleke
La culture du lien, fondée et entretenue par les diasporas dans leur mobilité, est devenue particulièrement visible et dynamique lorsque les migrants ont commencé à utiliser massivement les TIC. Exemple tiré de la toile : la page facebook du Journal télévisé lingala facile1. sans papiers, sans travail, ils survivent, mais loin du pays le Kóngo-Kinshasa. « C’est au pays qu’il faut améliorer les conditions (de vie) et personne n’aura plus envie d’immigrer ». La communauté se fait visible à double titre : elle est projetée dans l’espace public, désignée et auto désignée comme diaspora. Elle se construit comme telle en produisant une identité collective.
Suspension de trois mois JTLF a été suspendu le 17 mars dernier pour une durée de trois mois par la HAM, l’instance d’autorégulation de la presse congolaise. Cette dernière lui reproche d’être « une mixture d’amateurisme, de parti pris systématique, de théâtralisation inappropriée, de culte du sensationnel, de trivialité dans le langage et d’autopromotion excessive », condamnant également «la stigmatisation et la diabolisation de l’autorité publique ». Une décision largement commentée, et critiquée, sur la toile. Un flot d’indignations face à cette « censure » d’un programme qui, en montrant ce qui ne va pas au pays, favoriserait l’opposition. Une certitude pour nous : Kinois batalaka lingala facile mpo bayeba makambo eza koleka na mboka ya Congo Rdc. Facile, on vous dit. ❚
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acebook… le réseau social le plus fréquenté par les internautes : 3,5 millions d’utilisateurs en Belgique, 400 millions dans le monde. Un « ami » me suggère de devenir fan de « lingala facile ». A priori ce genre de proposition n’éveille qu’un vague intérêt, mais là, curiosité oblige, un coup d’œil s’impose. Première observation : plus de 13 500 personnes « aiment ça », (à titre d’indication, davantage que le quotidien Le Soir), des dizaines de vidéos agrémentées de très nombreux commentaires. Je clique sur une séquence. Un constat : lingala facile, peut être… mais pas pour moi. Les commentaires des journalistes sont bien évidemment en langue lingala, tout comme 90 % des réactions des internautes. Un collègue, Ndelela, doit me servir de guide. Pas de secret pour lui : « Journal télévision en lingala facile » (JTLF) est un programme télévisé extrêmement populaire, particulièrement à Kinshasa. Fondé par Zacharie Bababaswe qui le qualifie « d’initiative pour l’accès à l’information par tous et pour tous», le journal s’est spécialisé dans les reportages de faits divers, la relation d’événements de la vie quotidienne au Congo. Cliquons sur un premier reportage parmi des dizaines, Ba clandos na container : trois Congolais couchés sur le sol, déshydratés, entourés par les services de secours et de nombreux curieux. Ils ont tenté le grand voyage vers l’Europe, se sont dissimulés dans des conteneurs… qui sont restés à quai, sous le soleil. Ils ne doivent leur salut qu’à l’intervention de passants intrigués par les coups portés par les infortunés candidats à l’exil. Une seconde vidéo, embouteillage ezanga kombo lelo na kin, nous transporte dans les embouteillages kinois. De quoi relativiser les heures passées dans les files du ring bruxellois. Des véhicules enchevêtrés sur un boulevard fréquenté du centre. Une situation dantesque aggravée par des automobilistes préférant déserter leur voiture écrasée par la chaleur et poursuivre leur voyage à pied. Le reste des reportages est à l’avenant : insalubrité, insécurité, manque d’infrastructure publique, plongée dans les communautés religieuses…
Pascal Peerboom avec Ndelela Sembeleke
Témoignages sur l’exil Illustration de l’intérêt des Congolais pour la vie au pays, les commentaires sont nombreux. Qu’ils résident en Belgique, en Angleterre, au Canada, aux États-Unis, qu’ils soient sans papiers en Europe, en Afrique, ils témoignent. Des témoignages partagés entre frustration, tristesse et désespoir, mais aussi de confiance en l’avenir : « Le chemin est long mais le travail entamé est réel et finira par porter ses fruits ». Des messages à ceux qui sont là bas : non l’Europe n’est pas l’Eden espéré,
[1] www.facebook.com/home.php?#!/pages/LINGALAFACILE/177067631654?ref=ts
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Ambassadrices des femmes meurtries Entretien
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En RDC, selon Human Rights Watch, 200 000 femmes et filles ont subi des violences sexuelles depuis 1998. Des souffrances insoutenables que Marie-Claire Ruhamya, psychopédagogue et coordinatrice du Forum interrégional des femmes congolaises (le FIREFEC, animé par quelque 80 bénévoles), dénonce à cor et à cris1. AI : Qu’est-ce qui vous a poussé à créer le FIREFEC et quelles missions s’est-il donné ? Marie-Claire Ruhamya : La dynamique a été lancée il y a deux ans en raison des guerres incessantes qui détruisent le Congo depuis longtemps. Mais la guerre en cours actuellement, et dont le point focal se situe à l’est du pays, a cette particularité que la population est prise en otage et en paie le plus lourd tribu. Femmes, fillettes, grand-mères et parfois même des jeunes garçons et des hommes subissent viols et autres sévices sexuels. Ces crimes utilisés comme arme de guerre sont des stratégies pour soumettre les gens et détruire la communauté tout entière. On s’en prend aux femmes en particulier car lorsqu’une femme est violée devant ses enfants, devant son mari, devant toute la communauté, ce n’est pas seulement la femme et son identité qui sont atteints, mais l’ensemble de la communauté. Les conséquences de ces viols sont dramatiques : il arrive que le mari rejette son épouse et, parfois, même la famille du mari décrète que « ce n’est plus possible de garder ça à la maison ». Et les enfants nés de ces viols doivent être assumés : ils n’ont pas choisi d’arriver et ils ont le droit de vivre. Il faut aussi se rendre compte que toutes ces atrocités restent impunies. Les femmes meurtries doivent être soignées physiquement, mais leurs souffrances sont aussi morales et psychologiques. Les associations sur le terrain essaient de faire cause commune pour aider toutes ces femmes livrées à leur sort. Elles se serrent les coudes et encouragent l’entraide. Nous essayons, autant que faire se peut, d’être solidaires avec elles. AI : Vous avez parlé de stratégies ; qui sont les stratèges ? Marie-Claire Ruhamya : C’est une stratégie mise en place par ceux qui conduisent la guerre et ceux qui ont intérêt à ce que les gens se battent. Au Congo, c’est complexe ; ce sont tantôt des rebelles, tantôt des agresseurs qui viennent d’ailleurs, tantôt les troupes qu’on pourrait appeler troupes régulières, et je n’ai pas peur de dire que certains membres de l’ONU en mission ont aussi été pris en faute de viol. Cette situation nous interpelle d’autant plus que, en Belgique, on analyse très mal la situation. Des gens bien pensants vont jusqu’à considérer que résoudre ce problème de viol est très difficile parce qu’il fait partie intégrante de la culture de ces communautés. C’est insupportable. Il fallait donc impérativement agir, mettre au point une stratégie de sensibilisation de l’opinion publique
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pour lui donner les moyens de mieux saisir la situation. Pour cela, il faut du courage et une éthique de responsabilité pour aller au fond du problème, ne pas se voiler la face et oser dire ce qui se passe réellement. AI : La spécificité de votre Forum est son caractère transrégional. Comment mobilisez-vous en transcendant les clivages ethniques et régionaux ? Marie-Claire Ruhamya : Nous avons commencé par organiser un colloque en mars 2007 qui avait pour objectif de faire prendre conscience que toutes les régions du Congo sont concernées par cette guerre et qu’il faut construire une stratégie d’action collective appropriée. Nous sommes nombreuses et plurielles. Pour résoudre le problème spécifique des violences sexuelles, mais aussi pour faire en sorte que les femmes vivent mieux et deviennent des parties prenantes dans la société, il faut se mettre ensemble et porter le plaidoyer de toutes les femmes en souffrance. Le Congo, du nord au sud, est un pays qui dysfonctionne avec une pauvreté au-delà de toute mesure. Avec des femmes originaires du Bandundu, du Bas-Congo, de l’Équateur, du Kasaï occidental, du Kasaï oriental, du Katanga, de Kinshasa, du Kivu Nord, du Kivu Sud, de Manieva, de la Province orientale, nous travaillons à la base même du problème. Cette stratégie nous a permis de mieux cerner comment nous pouvions déployer nos forces sur le terrain mais aussi en Belgique, chacun dans ses spécificités et dans la solidarité. Cette dynamique porteuse est très vulnérable parce que nous n’avons pas les moyens nécessaires. Il faut convaincre que le Congo fonctionnerait autrement si on permettait aux femmes
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d’être parties prenantes de la décision politique, de la gestion sociale et économique du pays. AI : Comment se traduit votre présence sur le terrain ? Marie-Claire Ruhamya : D’abord, la configuration interrégionale du Forum proposée ici est portée là-bas ; nous allons sur place et nous accompagnons les femmes en commençant par les sensibiliser à l’intérêt d’être solidaires, à la nécessité d’être porteuses de leurs projets et que les hommes sont là pour les aider. Parce qu’avant toute chose, il y a la nécessité de se nourrir. Mais concrètement, de quoi vont-elles se nourrir ? Il faut produire, et pour cela il faut des terres. Mais pour avoir accès à la terre, il y a des astuces, des atouts comme faire appel au chef coutumier. Il faut aussi des outils et des semences. Pour répondre à ce problème de développement, nous encourageons les femmes dans les villages à avoir accès à la terre. En ville, nous les encourageons à entreprendre mais aussi à s’entraider dans la complémentarité. Il faut aussi les aider à s’organiser en petites coopératives d’achat pour d’autres produits que ceux de premières nécessités ou encore aider à la création et au soutien d’ateliers de couture qui permettent non seulement de confectionner ses propres vêtements et ceux de ses enfants mais aussi d’en vendre au marché pour acheter ce que l’on ne produit pas. Il est nécessaire d’accompagner chaque action et d’analyser au fur et à mesure comment répondre aux besoins. Mais tout est toujours à recommencer. Les pillages réguliers créent une situation d’éternel recommencement. Les femmes nous interpellent : « Vous êtes nos ambassadrices là-bas, vous plaidez pour nous. Si on a pillé tout ce que nous avions, on n’a pas pillé notre volonté, nous savons très bien où nous voulons aller !» Ce sont des défis à n’en plus finir et il faut être des êtres supérieurs pour continuer à survivre et pouvoir se dire que si les enfants n’ont pas mangé aujourd’hui, ils mangeront peutêtre demain. Cette confiance, par moment, nous fait peur parce que notre dynamisme a fait naître beaucoup d’espoir alors que nous n’avons pas vraiment de moyens… AI : Êtes-vous financé pour vos actions ? Marie-Claire Ruhamya : Non. Nous n’avons pas de sources de financement. Le circuit à suivre est long puisqu’il faut avoir fonctionné cinq ans, or nous n’existons que depuis deux ans. En attendant d’être reconnus, tous ceux qui peuvent déjà nous aider, même en donnant un euro, sont les bienvenus. Nous sommes très heureuses que le point d’arrivée de la Marche mondiale pour les femmes, en octobre prochain, soit la ville de Bukavu. Nous espérons qu’elle attirera fortement l’attention des Européennes et qu’il ne s’agira pas d’aller y faire du tourisme. Notre Forum devra aider à intérioriser les problématiques rencontrées. Nous jouerons probablement le
À lire Congo Eza : photographies de RDC, sous la direction de Mirko Dragolioub Popovitch, Bruxelles, Africalia et Roularta Books, 2007, 261 p. Congo Eza réunit en un album 190 prises de vue, réalisées depuis une dizaine d’années par plus de vingt photographes congolais. Une première pour la photographie de reportage au Congo. Cette sélection, représentative de la vision que ces photographes se font de leur pays, a été effectuée à partir de centaines de clichés pris, en majeure partie, dans le cadre d’ateliers de photo-reportage thématiques organisés à Kinshasa. Ces photographes, issus de plusieurs villes de la République démocratique du Congo, pérennisent les mille et un gestes quotidiens des habitants de cet immense pays. Dans la rue, à l’école, dans les concessions, lors de fêtes de mariages ou de funérailles, sur des lieux de vie et de survie, au cours de manifestations politiques, ils ont tenté de cerner leur identité. 192 photos d’auteurs pour raconter le Congo d’aujourd’hui. À ces images inédites, présentées en huit thèmes, s’associent des textes originaux écrits par quatre brillantes plumes de Kinshasa et Lubumbashi. Les quatre écrivains choisis pour rédiger les textes d’accompagnement sont : Marie-Louise Bibish Mumbu, Vincent Lombume, André Lye Mudaba Yoka de Kinshasa et Fiston Nasser Mwanza de Lubumbashi. Les thématiques dégagées par les clichés se déclinent en huit sections : Koyekola : Éduquer, grandir ; Kolingana : S’aimer ; Kobeta Libanga : Se débrouiller, survivre ; Kosambela : Prier ; Kopona Bakambi : Choisir, élire, voter ; Kobouger : Bouger (transport, mobilité) ; Kokoma : Écrire, tracer des graffitis sur les murs et dans la rue, communiquer ; Komilakisa : Se montrer, poser, paraître, « se donner à voir ». Cette publication n’est pas seulement une ode à la débrouillardise, il s’agit aussi de mieux faire connaître la diversité culturelle de la nation congolaise, une diversité qui, paradoxalement, génère la cohésion sociale, affirme les identités et enrichit le patrimoine collectif.
rôle d’interface entre femmes du terrain et femmes du Nord, lesquelles pourront prendre la mesure des besoins et des projets qu’il faut absolument soutenir. ❚
Propos recueillis par Jamila Zekhnini
Contact firefec@amazone.be
10 rue du Méridien 1210 Bruxelles [1] Lire aussi « La guerre dans la guerre. Les violences faites aux femmes font dire à Amnesty qu’au Congo, c’est le 11 septembre tous les jours », Antonio de la Fuente, pp. 13-14, in Antipodes, n° 188, mars 2010. « La longue marche des femmes du Kivu », Propos recueillis par Cecilia Diaz Weippert, pp. 16-17, in Antipodes, n° 188, mars 2010.
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Appellation d’origine congolaise Nathalie Caprioli
En pleine période de mue, déjà plus dans l’enfance mais pas encore à l’âge adulte, des jeunes filles et garçons, nés en RDC ou ici, ont partagé leurs émotions et expériences sur leur quotidien à Bruxelles. Un constat : la stigmatisation dont ils souffrent tous agit comme ciment identitaire.
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out juste sortis de l’école, un lundi après-midi, la question s’imposait : quel métier ont-ils envie d’exercer plus tard ? Les réponses fusent : avocat, pédiatre, gérante d’entreprise, responsable en marketing. Seule Esther, 14 ans, sans trop d’idée claire, mentionne toutefois le journalisme comme deuxième choix. Bref, nous avons affaire à une troupe de jeunes ambitieux et optimistes sur leur avenir. Ils habitent les quatre coins de Bruxelles, fréquentent des écoles diverses, ils sont nés en RDC, en Allemagne ou en Belgique, et sont âgés de 14 à 19 ans. Sept autour de la table, ils ont envie de parler, certains fougueux, d’autres plus réservés. Leurs témoignages ne reflètent peutêtre pas fidèlement la vérité ; mais ce qu’ils disent ou taisent par la formule « c’est privé », ce qu’ils enjolivent ou dénaturent, nous donnent un avant-goût des interprétations personnelles de leur vécu, sans nulle théorisation sociologique. Nous entendrons donc, sans les disqualifier, des voix différentes, aussi désarmantes ou dérangeantes soient-elles, raconter des réalités vécues ou imaginées.
orienter vers le réseau professionnel. Ils ne vont même pas nous le dire méchamment. Ils sont juste convaincus que c’est mieux pour nous. Voilà comment je me suis retrouvé coincé en professionnel, à la troisième case, c’est-à-dire après l’enseignement général et technique. » Comment ont réagi ses parents ? « C’était il y a longtemps, Madame. Mes parents n’avaient pas la mentalité qu’ils ont aujourd’hui… où ils savent à quoi s’en tenir. Moi-même, au moment où ça m’est arrivé, je ne me suis pas posé de questions. On m’a dit d’aller « là-bas », je suis allé là-bas… C’est après, en observant le parcours de certains, que je me suis dis que j’aurais pu prendre la même porte qu’eux. »
Voyous, voyelles Favoritisme ? « À l’école, on m’aime bien », constate simplement Noémie, 17 ans. Née en Allemagne puis immigrée en Hollande avant d’arriver en Belgique avec sa famille, Noémie ne parle pas flamand… mais néerlandais. Le secret de son succès : « Si tu sais bien parler leur langue, les profs t’apprécient beaucoup. Ce qui n’empêche pas Noémie de se sentir étrangère dans la classe. « Mon école est une prison », lance Joëlle, une coquette métisse de 18 ans. Elle ne fréquente pourtant pas une « école poubelle » du croissant pauvre de Bruxelles, mais « un bon collège où nous sommes biens suivis » et où les élèves d’origine étrangère sont « pires qu’une petite minorité ». Une prison parce que « les gens sont trop réservés », déplore Joëlle qui, il est vrai, a l’air d’avoir avalé dix piles électriques longue durée. Angélique (18 ans) attend patiemment son tour. Son histoire est tout autre : « Dans certaines écoles, les profs traitent différemment les élèves blancs des noirs. Dans ma classe par exemple, si j’oublie de mettre une virgule dans la dictée, le prof me retirera des points, ce qu’il ne ferait pas à un Belge. Au conseil de classe, il va protéger plus l’enfant blanc que l’enfant noir. Pour eux, quand tu es noir, tu es moins qu’un Blanc. Mais il se pourrait, au contraire, qu’un Blanc soit inférieur à un Noir…». Janvier (20 ans) ajoute : « Il y a du favoritisme aussi par rapport à l’orientation. Avec les élèves belges en échec, les profs vont trouver un arrangement comme un examen de passage. Mais nous, étrangers, ils vont nous
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Un des jeunes lance par provocation : « Ce serait mieux une école rien que pour les Africains ! » Tollé général. Puis unanimité autour de Joëlle : « Franchement, si on ouvre une école pour Noirs, ça va déraper. Des profs vont mourir dans les classes. On va directement les péter. » Malgré ses propos incendiaires, Joëlle reconnaît qu’il ne faut pas mettre tous les jeunes africains dans le même sac : certains sont calmes, d’autres sont agressifs. Et de faire référence aux bandes urbaines qui, dans le chef d’une certaine jeunesse de 12 à 25 ans, commettent des délits et crimes contre d’autres bandes rivales. L’Observatoire Ba Yaya dénombre onze morts entre 2002 et 2009, dont cinq rien que pour 20091. Pourquoi cette jeunesse en souffrance socio économique (leurs parents endurent souvent une dégringolade sociale) et identitaire (liée aux discriminations) s’en prendelle à sa propre communauté ? Selon Mireille Robert, éducatrice à Ba Yaya, « en pointant son arme sur un jeune qui lui ressemble et qui vit les mêmes réalités que lui, le jeune poignarde l’image dévalorisée qu’il a de sa peau noire,
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l’histoire africaine faite de défaites, des parents qu’il juge incapables de s’en sortir ». L’image dévalorisée qu’on leur renvoie colle certainement à leur vécu. Les sept jeunes rencontrés ne tarissent pas d’exemples d’actes racistes ou stigmatisants dont ils sont victimes. Qu’ils se promènent dans le quartier ou qu’ils recherchent un job d’étudiant, ils ont le sentiment que les gens les perçoivent d’emblée comme « des voyous et des voyelles », simplement parce qu’ils appartiennent à une minorité très visible. En citant l’historien Pap Ndiaye, « être noir n’est ni une essence ni une culture, mais le produit d’un rapport social : il y a des Noirs parce qu’on les considère comme tels ». Cette stigmatisation participe dès lors à une conscience aiguë d’injustice sociale et de mise à l’écart. Quoi d’étonnant qu’ils n’éprouvent pas ou peu de sentiment d’affiliation à la société belge… « Désolé, mais être belge, ce n’est qu’une nationalité. Mon origine congolaise compte plus. Même si nos papiers sont belges, nous sommes tous des étrangers ici », explique Laurent (16 ans). « Dès qu’on me regarde, on me demande quelle est ma nationalité. Mais je suis belge ! », fulmine Sarah (14 ans). « À force de rencontrer des gens qui me disent et redisent ‘tu es africaine’, je me sens plus africaine que belge. »
Une identité non blanche Repli communautaire ? Vite dit. En demande d’une reconnaissance refusée, ces jeunes vont se construire une identité noire qui règlera leurs rapports avec la société. « Pourquoi et comment se fabrique une identité noire ? Car c’est bien d’une identité noire, ou plutôt colorée, c’està-dire « non blanche », qu’il s’agit ici et non d’une identité africaine se réclamant des origines et construite à partir d’une culture traditionnelle. » En recherche identitaire, ne trouvant pas toujours sa place dans la société belge ni dans le regard de l’Autre, certains jeunes se réclament d’une identité noire réelle (« On existe. On est fier d’être noir et on l’assume ! », lancera Laurent), mais aussi fantasmée comme celle de Sarah, née en Belgique et qui se rendra pour la première fois en RDC cet été : « On dirait que je connais mon pays [la RDC] depuis que je suis née. Je sais à quoi la vie ressemble, même si je n’y suis jamais allée. Je connais bien le Congo, à travers les informations, les chansons, les séries que je regarde. Mes racines sont là-bas. On vit à l’aise là-bas. Qu’est-ce qui vous dit que tout n’y est pas rose ! ». Bonnes vacances à Sarah, qui reviendra probablement à Bruxelles avec d’autres certitudes travaillées par d’autres contradictions. Le propre de l’humain, après tout. ❚
À lire Autour de la mémoire : la Belgique, le Congo et le passé colonial, sous la direction de Rosario Giordano, Torino, L’Harmattan Italia, 2008, 150 p. Cet ouvrage a été réalisé suite à un colloque organisé au CEGES (Centre d’études et de documentation Guerre et sociétés contemporaines) qui cherchait à appréhender la mémoire coloniale dans sa globalité, par le biais de la double grille de lecture des colonisateurs et des colonisés. Depuis une dizaine d’années, le rapport entre mémoire et histoire est omniprésent lorsqu’on évoque la question coloniale. Les positions des historiens professionnels et des acteurs du temps colonial paraissent d’ailleurs parfois inconciliables. La question qui se pose est comment articuler ces deux problématiques. Pour tenter d’apporter des éléments de réponse, le colloque s’est structuré sur la base de quatre thèmes complémentaires : le rôle des historiens, le profil des acteurs de la colonisation et leur mémoire du temps colonial, les lieux d’expression de cette mémoire, enfin les débats autour du passé colonial. Plusieurs interventions ont permis de situer la mémoire coloniale dans une perspective globale. Ces dernières avaient pour sujet le champ historiographique en Belgique et l’impact de la période léopoldienne dans la production scientifique mais aussi journalistique, la production historiographique au Congo, davantage tournée vers des questions existentielles contemporaines, les relations entretenues par les historiens avec la mémoire et l’élaboration de socles de connaissance historique commune face à des mémoires en compétition. La seconde partie a pour objet les acteurs de la mémoire coloniale. Ont été examiné le profil général des anciens coloniaux, et la mémoire de catégories spécifiques de populations ayant vécu dans la colonie : les enfants de coloniaux, les métis, les minorités occidentales, les anciens colons résidant toujours au Congo. Dans un troisième temps, la mémoire coloniale est examinée sous l’angle de son imaginaire, de ses supports et lieux d’expression : documentaires audiovisuels, littérature, films de propagande, expositions et débats sur la vie quotidienne durant la période coloniale et postcoloniale. La dernière partie concerne les controverses et débats autour du passé colonial surgis récemment à l’occasion d’événements largement médiatisés : l’exposition de Tervuren sur la mémoire du Congo, la période léopoldienne, la commission d’enquête sur la mort de Lumumba. La conclusion que l’on peut tirer de ce colloque est que l’on se trouve face à trois sortes de mémoire : d’abord sa propre mémoire, ensuite la mémoire de ceux qui ont vécu l’époque coloniale et, enfin, la manière dont nous voulons qu’on se souvienne du passé, ce qui revient à une lutte pour un discours hégémonique.
Nathalie Caprioli [1] Lire Ngyess Lazalo Ndoma & Mireille Robert, « Plaidoyer pour la double expertise », in L’Agenda interculturel, n° 275, septembre 2009. [1] MarieHélène Bacqué, « Voyage dans le monde des bandes », in J’étais un chef de gang de Lamence Madzou, La Découverte, Paris, 2009, p. 194. [2] in « Questions de couleur. Histoire, idéologie et pratiques du collorisme » in D. Fassin et É. Fassin (dir.), De la question sociale à la question raciale ? Re présenter la société française, La Découverte, Paris, 2006, p. 37.
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Garder la Pôze Nathalie Caprioli
A
mateurs pour la plupart, âgés entre dix et septante ans, bruxellois, africains et autres, ils ont reçu un appareil photo jetable, des explications sur le thème du concours, et à peine quelques conseils techniques lors de permanences tenues aux Bozar depuis novembre dernier. Le concours photo est ainsi lancé, avec des prix en matériel et l’honneur d’être exposé aux cimaises des Bozar, comme le sont les professionnels de renommée. « Les enfants font des photos, souvent très instinctives, et qui donnent des résultats qu’un photographe ne pourrait jamais avoir », relève le coordinateur du projet Vincen Beekman. Malgré le cadre prestigieux des Bozar, ce sont les à-côtés du concours qui motivent davantage Vincen Beekman : « Désigner quelle est la meilleure photo est hyper subjectif… Alors je préfère orienter le projet vers le local et en lien avec les gens. Les thèmes de Pôze ne sont d’ailleurs pas choisis au hasard : le quotidien, les autoportraits et enfin, cette année, l’Afrique à Bruxelles sont trois sujets proches de chacun d’entre nous, ils partent de l’individuel et visent à créer une dynamique avec les habitants. Pour appuyer cette dynamique, l’appareil jetable a tous les avantages requis : il tient dans la poche, rassure les plus maladroits, participe à mettre l’entourage en confiance, et surtout il passe partout, l’air de rien.
© Max Mwila
dossier
Pôze atteint sa troisième édition, dans le cadre de la biennale Été de la photographie. Plus qu’un concours, le projet a pris du relief social, grâce surtout à la personnalité de son coordinateur Vincen Beeckman, jeune photographe engagé et bien connu des habitants des Marolles. Cet été, Pôze III nous donne à voir le Bruxelles africain et les Africains de Bruxelles.
sélectionnons les images, nous tenons compte de cette histoire, même si elle n’apparaît pas visuellement. Un jeune qui photographie ses amis, qui eux-mêmes vont se prendre en photo avec l’appareil jetable : ça donne des chaînes humaines qui font des photos ! » À noter que plus de la moitié des participants sont d’origine africaine. ❚
Nathalie Caprioli
26 juin> 29 septembre
Capter des histoires vécues Le thème de Pôze III est moins facile qu’il n’y paraît. En particulier pour les participants qui ne sont pas africains ou qui n’ont pas d’amis africains, et qui foncent tête baissée à Matongé, cliché des clichés du Bruxelles africain. D’où le rôle de Vincen Beeckman d’attirer leur attention sur les représentations faciles ou restreintes, et de les pousser à partir à la rencontre du moins prévisible. « Mais ils font vraiment ce qu’ils veulent », insiste-t-il. « Chacun raconte son histoire. Quand nous
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Exposition Pôze III
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Palais des Beaux-Arts Rue Ravenstein 23 1000 Bruxelles www.bozar.be Entrée libre
© Max Mwila
RIN sur RUN 107.1 RIN (Programme radiophonique interculturel de la province de Namur) est diffusé dans des langues différentes, chaque dimanche de 13 à 17 heures. Son objectif est de promouvoir le dialogue interculturel, la découverte des cultures des migrants, mais aussi le regroupement des différentes associations autour d’un projet commun.
« Faisons ensemble notre radio ! » Tous ceux et celles qui sont intéressés à participer à ce projet peuvent se faire connaître à Slavomania, ou donner leur avis sur des programmes, proposer des nouveaux sujets pour des futurs programmes ou participer à la réalisation des programmes radio, présenter des personnes intéressantes qui méritent d’être entendues à la radio, partager des histoires et parler de ses réussites personnelles et professionnelles. ❚
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bon tuyau
R
IN est diffusé sur RUN, la radio universitaire namuroise qui émet depuis avril 1993. RUN est au départ une asbl créée par des étudiants et des membres du personnel des facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, où une quarantaine de bénévoles s’y investissent. Elle cible le public namurois de souche ou issu de l’immigration, mais aussi le tissu associatif et tous ceux qui aiment la musique indépendante. Chaque dimanche, RIN prépare le programme non seulement en russe mais aussi dans d’autres langues de l’Europe de l’Est. De plus, il existe une webradio « Ensemble » - dont le rôle est d’élargir le cadre de ce projet et d’augmenter le nombre d’auditeurs. Il n’est pas toujours évident d’écouter le programme au moment de sa diffusion tandis qu’Internet permet de le faire en différé. Après la diffusion en direct, les programmes sont donc archivés sur le site. Sur le site Radio « Ensemble » vous trouverez également les programmes des autres associations en Belgique faisant partie du projet RIN. Radio « Ensemble » prépare de futurs programmes hebdomadaires pour des enfants russophones qui serons diffusés uniquement sur le site. Il y aura des contes et chansons préférées des enfants, des concours, etc. Le but est de transmettre la langue et la culture russes aux petits.
Contact ppetryk@slavomania.eu www.radioensemble.be www.run.be 107.1 hz à Namur et sur le site Radio «Ensemble»
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Appel à projets pour les enfants précarisés
action du mois
Le Fonds Houtman (ONE) lance un appel à projets autour du thème de la lutte contre la pauvreté et les situations de précarité. Le dossier de candidature, disponible sur simple demande, doit être déposé avant le 29 octobre.
L
e Fonds Houtman, né en 1989 suite au legs de Herman Houtman en faveur de l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), appuie des actions et des recherches-actions pour l’enfance en difficulté en Communauté française. Dans le cadre de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Fonds souhaite soutenir les enfants et les familles les plus précarisés en lançant un nouvel appel. Pour être soutenues, les actions ou recherches-actions devront reposer sur des équipes compétentes disposant d’une expérience dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Les projets devront associer les enfants et les familles comme acteurs tant des travaux que des solutions à mettre en œuvre.
Subsidiation Un montant total de 200 000 € est consacré à l’appel à projets. Sauf exception, un montant maximum de 25 000 € pourra être octroyé par action ou recherche-action soutenue. La durée des actions ou des recherches-actions soutenues ne pourra excéder deux ans au maximum.
Thèmes Les actions ou les recherches-actions soutenues devront porter sur un des aspects suivants : 1) Pauvreté/Précarité et logement, avec une attention plus particulière pour les enfants et les familles sans abris 2) Précarité et nouvelles formes familiales/nouveaux rôles parentaux 3) Précarité, négligences et violences intrafamiliales (y compris enfants exposés aux violences conjugales) 4) Précarité et milieux d’accueil ou d’éducation 5) Précarité, lieux d’hébergement et réinsertion sociofamiliale 6) Précarité, culture et loisirs (y compris la question des nouveaux modes de communication) 7) Précarité et soins de santé, en particulier précarité et handicap/ maladie grave 8) Précarité et adolescence/délinquance
Critères de sélection Les actions ou les recherches-actions soutenues devront : • se dérouler en Communauté française de Belgique ; • garantir l’implication de l’ensemble des acteurs concernés, y compris les enfants et les familles ; • renforcer les partenariats et le travail en réseau au bénéfice des familles et des enfants (soutien à la parentalité) ; • être réalisées par des acteurs stables et expérimentés ; • s’appuyer sur des réalisations concrètes.
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Envoyer votre candidature avant le 29 octobre Fonds Houtman (ONE) Chaussée de Charleroi 95 1060 Bruxelles
Contact Emmanuelle Vermylen Communication Fonds Houtman Tél. : 02 543 11 72 emmanuelle.vermylen@skynet.be
Cinéma
Expositions
Festival, fêtes
Du Sa 10/07 au Ma 20/07 à 21h Bruxelles fait son cinéma Lieux : Dix places bruxelloises (en plein air) Info : Libération films 02 217 48 47 liberationfilms@skynet.be www.liberationfilms@skynet.be
Jusqu’au Ma 31/08 be.WELCOME Atomium Square de l’Atomium, 1020 Bruxelles 02 475 47 77 info@atomium.be
Du Me 18 au Lu 23/08 Festival d’Art de Huy : Musiques et voix du monde Info : Centre culturel de Huy 085 21 12 06
Concerts Ve 09/07 à 20h Rokia Traore Palais des Beaux-Arts Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles 02 507 82 00 http://www.bozar.be
Rokia Traore © Mattias Lunblad
Me 21/07 de 13h30 à 22h30 B United : l’Union fait la Fête Info : Muziekpublique 02 217 26 00 renaud@muziekpublique.be www.muziekpublique.be Evénement festif, fédérateur, musical, qualitatif, local et familial, B United propose une dizaine de concerts gratuits dans trois quartiers bruxellois. Cité Modèle à Laeken : Tricycle King Size (Be/Folk & jazz), Adesa African Clownshow (Ghana) et Kv Express (Be/Folk) Place Anneesens à Bruxelles : Kocani Orkestar (Macedonia), Du Bartas (Occitània) et Odemba Ok Jazz (Congo/Rumba) Place St Nicolas : Cantango (Argentina), Rey Cabrera et Orquestra do Fuba (Brazil/ Forro)
www.atomium.be/bewelcome Jusqu’au Di 26/09 GEO-graphics Bozar Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles 02 507 82 00 info@bozar.be
www.bozar.be Jusqu’au Di 12/09 Facing Brussels - Instants capitaux Musée Belvue Place des Palais 7, 1000 Bruxelles 070 22 04 92 http://belvue.be Onze photographes francophones et flamands du collectif Nadaar traduisent la pluralité bruxelloise en image. Jusqu’au Di 09/01/11 Indépendance ! 50 ans d’indépendance racontés par des Congolais Musée royal de l’Afrique centrale Leuvensesteenweg 13, 3080 Tervuren 02 769 52 00 info@africamuseum.be
www.congo2010.be
Formation Je 16, ve 24 et je 30/09 Le mariage en contexte migratoire Coordination du Réseau Mariage et Migration Lieu : La Maison Sociale, espace Avroy, Boulevard 28/30, 4000 Liège Info : réseau mariage et migrations Rue Royale Sainte-Marie 70 1030 Bruxelles Tel : 02/241 91 45 info@mariagemigration.org
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info@ccah.be www.huyartfestival.be Un must : une programmation irréprochable en un lieu improbable, le couvent des Frères mineurs. Avec Bai Kamara, Ialma, Vincent Noiret, Blindnote, Karim Baggili Sextet, carte blanche à Julien de Borman et Turdus Philomenos Du Ve 06/08 au Di 8/08 Festival Esperanzah Lieu : Abbaye de Floreffe Info : 083 66 83 47
info@esperanzah.be www.esperanzah.be 3 jours, 3 scènes dans le cadre architecturo verdoyant de l’Abbaye de Floreffe avec Le peuple de l’herbe, Abraham inc. Feat David Krakauer, Baloji, Ojos de rujo, Toto la Momposina, Klezmic Zirkus, Goran Bregovic, Dobet Gnahoré, Tricycle, Staff Benda Bilili...
www.cbai.be
Agenda
Manifestations, représentations théâtrales, cinéma, tables rondes, expositions, débats... Consultez aussi notre site mis à jour quotidiennement
Jusqu’au Di 26/09 L’Afrique visionnaire Bozar Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles 02 507 82 00 info@bozar.be
www.bozar.be Le Palais des Beaux-Arts et le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) présentent «L’Afrique visionnaire». Un festival qui met en valeur la culture africaine d’hier et d’aujourd’hui, point de départ d’une vision à long terme sur la manière de présenter le patrimoine culturel africain et la culture africaine, aussi bien en Afrique qu’en Europe.
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du neuf dans nos rayons
Du neuf dans n
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Développer le mainstreaming de la diversité : recueil analytique d’outils d’intervention pour la valorisation de la diversité, par Spyros Amoranitis, Danièle Crutzen, Julie Godfroid, Altay Manço, Christine Partoune, Dina Sensi - Liège, Irfam, 2010, 207 p. La Région wallonne, en réponse aux besoins sur le terrain mais aussi dans un effort de convergence européenne, s’engage sur le thème de l’anti discrimination. Reste à mesurer quelle place l’éducation à la diversité peut y trouver. Même si les outils législatifs existent, les réalités de terrain exigent des méthodes et outils concrets pour gérer les diversités, éduquer à la diversité, déconstruire les préjugés et stéréotypes. Il n’est donc pas inutile de s’informer sur l’évolution des mentalités en la matière et sur les signes positifs qui indiquent la progressive prise en compte de cette dimension dans les politiques publiques, voire dans les entreprises. La Commission européenne au cœur du programme Equal définit le principe du mainstreaming « un processus qui vise la généralisation des pratiques innovantes dans les politiques et pratiques d’emploi, de formation professionnelle et de lutte contre les discriminations ». Cet ouvrage s’inscrit dans ce processus qui vise à transférer des pratiques innovantes en matière de gestion des diversités ethno-socio-culturelles. On distingue au moins trois dimensions dans la gestion des diversités : la lutte contre les discriminations, qui consiste à identifier les mécanismes qui font que, à compétences égales ou à potentiel égal, des catégories de personnes subissent un préjudice moral, social, professionnel… ; la compensation des inégalités ethno-socio-culturelles (il s’agit de prendre en compte les déficits de compétences ou les inadaptations de ceux qui sont exclus de l’accès aux normes et codes dominants pour proposer des mécanismes de compensation ou de réparation) ; et enfin l’éducation à la diversité, qui consiste à considérer ces éléments pour permettre le développement de compétences transversales d’adaptation.
Les chasses à l’homme, de Grégoire Chamayou, Paris, La Fabrique, 2010, 246 p. Un homme traqué court pour échapper à ses poursuivants, et cette scène se répète depuis l’Antiquité. Dans cet ouvrage, l’auteur montre que les chasses à l’homme doivent bien moins à une violence aveugle, animale, qu’à des structures sociales de domination. Dans l’Antiquité, il s’agit de capturer par la guerre des populations vaincues, dont on fait des esclaves : ce sont des chasses d’acquisition. Elles sont la condition du pouvoir économique du maître. Aristote crée la notion d’esclave par nature : l’esclave existe pour être dominé. L’Église, elle, ne capturera pas ses sujets : elle pense officiellement son pouvoir comme celui d’un berger, qui guide son troupeau et en prend soin. Elle mène alors des chasses d’exclusion (des hérétiques, des sorcières), comme on exclut la brebis galeuse du troupeau. La conquête de l’Amérique est un moment crucial, où se recombinent ces modèles. Pendant quatre siècles ont lieu des chasses d’une ampleur jamais vue. Ce sont des chasses d’acquisition mais aussi d’extermination. Très tôt, les philosophes cherchent des justifications. Mais la théorie d’Aristote de l’esclave par nature ne cadre plus avec un contexte chrétien qui postule l’égalité universelle et prône la conversion. Les Indiens sont alors exclus de l’humanité pour devenir des peuples esclaves par nature. Ce type de rhétorique, développé au service d’une forme de souveraineté impérialiste, n’est pas mort. À l’occasion de la guerre en Irak ou en Afghanistan, on retrouve dans les discours ces schémas de chasses à l’homme, et la vision d’un ennemi inférieur et exclu de l’humanité. Le pouvoir archaïque n’avait pas les moyens de rattraper tous les fugitifs. Tout change lorsque se met en place un Etat centralisé, qui dispose d’un « bras chasseur » : le pouvoir de police, auquel s’adjoint la prison au 18e siècle. Si la chasse à l’homme remonte à la nuit des temps, c’est avec l’expansion du capitalisme qu’elle s’étend et se rationalise.
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s nos rayons
Le Centre de documentation du CBAI est ouvert : mardi et mercredi :
Cathy Harris
9h > 13h et 1 h > 1 h jeudi et vendredi : 9h > 13h
Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et de la discrimination, sous la direction d’Esther Benbassa, Paris, Larousse, 2010, 727 p. Ce dictionnaire présente et analyse les préjugés racistes et les pratiques discriminatoires des origines à nos jours, dans notre pays et dans le monde. Il va toutefois au-delà. L’idée de l’Autre étranger, objet de peur et de rejet, est certes aussi vieille que l’humanité elle-même. Couleur de peau, origine ethnique ou géographique, religion, genre, pauvreté, orientation sexuelle, handicap, toute différence sensible ou imaginée peut devenir prétexte au déchaînement de la haine et de la violence. Pourtant, loin d’en être simplement les victimes passives, ceux qui ont subi cette haine et cette violence ont résisté. Ils ont produit des cultures plurielles, qui ont marqué la civilisation. Ils ont lutté sans relâche pour enrayer ces fléaux, épaulés par les défenseurs des libertés et de la dignité humaine. C’est aussi à ces combats, et sans esquiver les questions brûlantes de l’actualité immédiate, que ce dictionnaire entend rendre justice. Les parties intéressantes de ce dictionnaire sont les croisements entre les différentes formes d’ostracisme. Chaque discrimination a généré des souffrances qui elles-mêmes ont déterminé des identités et donné naissance à des cultures. L’approche choisie consiste non pas à décrire par le menu la longue litanie de ces souffrances, mais, au contraire, à mettre en valeur les combats qu’elles ont générés, dans une démarche plus constructive, sinon militante.
L’abécédaire systémique du travailleur social, de Georges Durand, Paris, Fabert, 2010, 211 p. La systémie est arrivée en France voici trente ans. Cette étude regroupe les concepts et les principes d’application aux problèmes humains, de la théorie des systèmes et de la théorie de la communication, en les replaçant dans le contexte du travail social sur le terrain. Il n’existait à ce jour aucun ouvrage regroupant les concepts et principes d’application aux problèmes humains, de la théorie des systèmes et de la théorie de la communication. Les enseignants et les formateurs, ainsi que les travailleurs sociaux et le grand public ne disposaient pas d’un outil efficace et consensuel sur le sujet, malgré les centaines de publications qui se réfèrent à ce système. Cet ouvrage s’efforce de pallier ces divers inconvénients en regroupant dans un langage clair les éléments essentiels, à la fois théoriques et pratiques, des systèmes et de la communication. Ainsi, tout travailleur social y trouvera « du grain à moudre » quelle que soit sa spécificité sociale. Un abécédaire n’est pas un traité. Il n’a pour but que d’apprendre à reconnaître les lettres de l’alphabet et de montrer quelques exemples de leur emploi. Ceci doit convaincre le lecteur que les idées glanées au long de ces pages ne sauraient constituer une raison valable de changer quoi que ce soit à sa pratique actuelle. Il peut, par contre, s’interroger sur ce qu’elle est et éventuellement envisager une formation. Le travail n’en sera pas simplifié pour autant. L’approche systémique suppose un regard élargi à l’ensemble des systèmes, donc à une plus grande complexité que l’intervention centrée sur la personne porteuse du symptôme.
Autres nouveautés au centre doc www.cbai.be, rubrique : Documentation/nouveautés
• Les droits de l’homme, de Caroline Sägesser, Dossier du CRISP 73/décembre 2009, Bruxelles, 96 p. • La France a peur : une histoire sociale de l’« insécurité », de Laurent Bonelli, Paris, La Découverte, 2008, 418 p. • Le singe de Kafka et autres propos sur la colonie, de Seloua Luste Boulbina, Lyon, Sens Public, 2008, 167 p. • La Belgique en mutation : systèmes politiques et politiques publiques (1968-2008), sous la direction de Jean Beaufays, Bruxelles, Bruylant, 2009, 420 p. • Des écoles pour les adolescents : un projet humaniste contre la violence, sous la direction de Guy Vlaeminck, Bruxelles, La Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, 2007, 141 p. • Transcultural Americas, Amériques transculturelles, sous la direction d’Afef Benessaieh, Ottawa, Presses universitaires d’Ottawa, 2010, 261 p. • La représentation de la diversité au sein des programmes de la télévision belge, de C. Bodson, Bruxelles, CSA, 2009, 41 p. • Géopolitique : constantes et changements dans l’Histoire, d’Aymeric Chauprade, Paris, Ellipses, 2007, 1050 p. Agenda interculturel n° 28 • Juin 2010
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Commandez des numéros de la collection !
Et retrouvez la liste complète sur www.cbai.be
Science et idéologies Mai 2010, n° 283 La science peut-elle servir à des fins idéologiques ? C’est la question centrale que pose ce dossier : recherche et développement, technosciences, nouvelles technologies et bioéthique sont au programme. Des concepts porteurs d’enjeux de société déterminants mais hermétiques pour le citoyen lambda. Car si les progrès scientifiques et techniques sont aujourd’hui intimement liés, la puissance croissante des technologies générées pose la question de leur utilisation et une critique de la rationalité qui les sous-tend.
Le bonheur où je peux Avril 2010, n° 282 Le bonheur est un concept universellement connu. Cependant, la diversité des modes de vie dans le monde rend impossible une définition unique. Nous croyons aisément que la vie dans une société riche « occidentale » mène plus sûrement au bonheur que la vie dans d’autres sociétés – et cette croyance est souvent correcte, jusqu’à un certain point. La sociologie compte de nombreuses contributions pessimistes concernant la qualité de vie dans nos sociétés. Mais disposons-nous de données fiables pour croire que les pays riches sont meilleurs pour les migrants ?
Migrants de l’Est Février 2010, n° 280 C’est une histoire infinie que nous avons voulu raconter. L’histoire des migrants de l’Est vers la Belgique, arrivés à diverses périodes, avec autant de motivations que de profils sociologiques différents. Après la parenthèse communiste, l’Europe de l’Ouest a craint l’invasion de millions d’affamés de l’Est. Aucun exode massif ne s’est produit. En revanche, les départs ont pris de nouvelles formes : on parle désormais de migrations saisonnières, pendulaires ou circulaires pour décrire ce phénomène de va-et-vient.
Suivez le guide ! Janvier 2010, n° 279 Le patrimoine ne raconte pas que des histoires de châteaux ou de cathédrales. Au contraire, en nous invitant à nous interroger sur « qui je suis, d’où je viens et qu’est-ce que je transmets », le patrimoine peut nous ouvrir des portes sur des questions qui touchent à l’interculturel et à la citoyenneté active.
Berceau culturel Mars 2010, n° 281 Même en matière de petite enfance, la rencontre entre les cultures ne semble pas échapper au choc de la différence. Aussi petits soient-ils, il faudra bien qu’ils s’adaptent. Car très tôt, le plus tôt possible même, la culture de la séparation est à l’œuvre pour former notre progéniture à développer les capacités de sur-adaptation nécessaires à la survie dans un monde où le travail est une valeur culte et l’autonomie le passeport pour la vie.
Abonnez-vous ! 20 euros par an (en Belgique) 30 euros par an (à l’étranger) à verser au compte 001-0730521-90. En n’oubliant pas de préciser sur le virement vos nom et adresse.