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Dix propositions pour faciliter la Transmission d’Entreprise De la Chambre des Notaires de Paris et de l’Ordre des Experts-Comptables région Paris Ile-de-France Remises à Monsieur Fréderic Lefebvre Secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions Libérales et de la Consommation

Premières Journées de la Transmission d’Entreprise L’analyse de la pyramide des âges des entrepreneurs révèle qu’une génération entière s’apprête à cesser son activité. Plusieurs centaines de milliers d’entreprises doivent donc être transmises dans la décennie qui vient. Pourtant, le décès du chef d’entreprise ou la transmission non préparée de son entreprise peuvent entrainer la disparition de l’entreprise et, partant de là, des emplois qu’elle porte. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, le législateur a adopté différents dispositifs, juridiques et fiscaux, dont l’objectif est de faciliter la transmission des entreprises familiales. Un premier bilan de ces dispositifs permet de les ranger en deux grandes catégories :

• Ceux qui fonctionnent mais nécessitent quelques aménagements techniques marginaux. • Ceux qui sont peu ou pas utilisés car ils présentent des contraintes jugées trop fortes par les entrepreneurs. Trois observations liminaires méritent d’être formulées :

• Les dispositifs existants restent encore relativement méconnus des chefs d’entreprises. • Le manque de pérennité de la règle fiscale est mal compris des chefs d’entreprise qui souhaitent pouvoir planifier de manière stratégique leur transmission comme tout autre projet entrepreneurial.

• L’empilement dans le temps des dispositifs vertueux et incitatifs a rendu complexe leur utilisation et leur combinaison. Nos deux professions, au contact quotidien des entrepreneurs, ont souhaité par l’organisation de ces premières Journées de la Transmission d’Entreprise assurer la présentation, la promotion et le décryptage de ces différents mécanismes. Conjointement, elles ont estimé utile de formuler dix propositions d’amélioration.

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Assurer le maintien et la pérennité de la règle fiscale

Afin d’organiser la transmission de manière pérenne et harmonieuse en la planifiant dans le temps, il est souhaité, hors ajustements techniques, un principe de maintien pluriannuel de la règle fiscale.

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Maintien de l’incitation fiscale à la transmission anticipée d’entreprise

La planification de la transmission doit s’effectuer le plus en amont possible pour éviter les éventuels heurts familiaux et installer une nouvelle génération aux commandes de l’entreprise. Pour éviter un effet de rétention du patrimoine et des entreprises entre les mains de dirigeants de plus en plus âgés, un dispositif fiscal incitatif reposant sur des réductions des droits de donation existe. Dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, un débat parlementaire se tient actuellement, qui envisage une remise en question de différents avantages relatifs aux transmissions de patrimoine et notamment, la suppression des réductions de droits liées à l’âge du donateur. Afin de maintenir une incitation à la transmission anticipée et d’éviter la sclérose du patrimoine entre des mains de plus en plus âgées, il est proposé de maintenir le mécanisme actuel de réduction des droits pour les donations consenties en pleine propriété ou en nue-propriété avec réserve d’usufruit.

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Aménagement du rescrit valeur

Le dirigeant, qui projette de transmettre son entreprise, peut soumettre à l’Administration fiscale l’estimation qu’il a effectuée de la valeur de sa société en vue de cette donation. L’Administration dispose alors d’un délai de 6 mois pour conforter cette valeur. Si la transmission intervient ensuite dans les 3 mois, à cette même valeur, l’Administration n’a plus la possibilité de la contester à l’avenir. Cette mesure est particulièrement bienvenue car elle permet de prévenir les conséquences d’une mauvaise valorisation de l’entreprise entrainant ensuite un surplus de droits de donation pouvant pénaliser sa trésorerie. Les dirigeants sont parfois rétifs à communiquer des informations non anonymes sur leur société et ils estiment que le délai de réponse de l’Administration de 6 mois est trop long. C’est pourquoi, ce dispositif qui permet pourtant de sécuriser les transmissions est très peu utilisé. Afin de sécuriser les transmissions anticipées par une meilleure utilisation du rescrit valeur, il est proposé de rendre anonyme le dossier de communication des pièces à l’Administration fiscale et de prévoir qu’à défaut d’opposition de l’Administration dans le délai de 45 jours, la valeur proposée est considérée admise par elle.

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Renforcer le rôle d’Oséo

L’essentielle mission d’Oséo n’est pas suffisamment identifiée en matière de transmission d’entreprise. Pourtant, le financement du coût de la transmission d’entreprise peut constituer un frein important. Qu’il s’agisse du paiement des droits de donation ou de succession (lorsque le régime de paiement différé et fractionné ne sera pas utilisable) ou encore de désintéresser financièrement les enfants qui n’ont pas vocation à reprendre l’activité, le besoin de financement existe. Afin de favoriser l’émergence d’un nouveau circuit de financement des coûts inhérents à la transmission d’entreprise, il est proposé de renforcer les missions d’Oséo en la matière et d’en assurer la promotion auprès des chefs d’entreprise.

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Aménager les dispositifs d’engagements de conservation de titres

(Loi “Dutreil”)

Le dispositif en vue de faciliter la transmission d’entreprise, reposant sur la conjugaison de différents engagements de titres en vue de constituer un noyau d’actionnaires stables et organisé, est vertueux et bien utilisé par les entrepreneurs. Toutefois sa conjugaison avec d’autres mécanismes (notamment celui du paiement différé et fractionné des droits de transmission) est de mise en œuvre délicate car les règles applicables à chacun de ces dispositifs ne sont pas identiques. Par ailleurs, il est prévu une limitation des droits de vote de l’usufruitier en cas de transmission de la nue-propriété des titres sociaux. Le dirigeant qui prépare la transmission de son entreprise poursuit fréquemment deux aspirations légitimes. D’abord, il souhaite pouvoir tester son successeur. Une période charnière probatoire est généralement instituée pendant laquelle il souhaite conserver des pouvoirs et des prérogatives de droit de vote significatives. Ensuite, l’entreprise constitue souvent le principal actif à transmettre par son dirigeant. La cessation de ses fonctions entraine une diminution de son train de vie que le dirigeant tente de pallier en conservant le droit aux dividendes sur une fraction des actions transmises (donc l’usufruit). Pourtant, la mise en œuvre du dispositif prévu par la Loi Dutreil suppose, en cas de transmission portant sur la nue-propriété de titres, de limiter statutairement les pouvoirs de l’usufruitier aux seules décisions portant sur l’affectation du résultat. Pour ces raisons, certains chefs d’entreprises renoncent à procéder à une transmission anticipée ou la réalisent sur une fraction moindre de leur participation mais en pleine propriété. Enfin, des obligations d’informations annuelles des volumétries de titres soumis à ces engagements sont actuellement prescrites. Ces contraintes administratives se rajoutent aux nombreuses auxquelles les chefs d’entreprises sont déjà soumis. Afin de permettre une meilleure utilisation du dispositif d’engagements de conservation de titres de la Loi “Dutreil”, il est proposé de pratiquer les aménagements suivants :

•Harmoniser ce dispositif avec les règles de paiement différé et fractionné des droits de transmission, notamment en présence de holdings de reprise ou de contrôle.

•Supprimer la limitation des droits de vote de l’usufruitier en cas de transmission de droits sociaux en démembrement de propriété.

•Alléger les obligations d’information annuelles en prévoyant qu’elles seront désormais souscrites par les parties ou la société à première demande de l’Administration fiscale.

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Améliorer les paiements différés et fractionnés des droits de transmission

Les droits de donation ou de succession, lorsqu’ils portent sur une entreprise, peuvent bénéficier d’un paiement différé de 5 ans puis fractionné de 10 ans. Ce sont alors les dividendes futurs versés par l’entreprise aux détenteurs de titres qui financent le coût de la transmission. Cette faculté n’est toutefois pas offerte aux sociétés holdings dites “passives”. En outre, comme tout financement, il suppose la mise en place d’une garantie octroyée à l’Administration fiscale. Cette garantie est proposée par le débiteur des droits. Elle peut être formée d’un nantissement portant sur les titres transmis, d’une garantie bancaire ou encore d’une hypothèque portant sur des biens immobiliers. En pratique pourtant, lorsque le nantissement des titres transmis est proposé en garantie à l’Administration fiscale, les receveurs écartent parfois cette garantie au motif qu’elle serait insuffisante et soumise aux aléas futurs de l’évolution de la valeur de la société. Paradoxalement, cette même valeur est admise pour la perception des droits de transmission. Enfin, une nouvelle transmission qui intervient sur des titres bénéficiant du régime de paiement différé et fractionné rend aujourd’hui exigible le montant des droits dus. Cette exigibilité anticipée alors même que les titres restent dans la famille peut freiner les transmissions prévoyant des sauts de génération. Il est proposé d’aménager le paiement différé et fractionné des droits de donation et de succession sur les points suivants :

•Étendre son champ d’application aux sociétés holdings passives, au prorata de la participation qu’elles détiennent dans la société d’exploitation.

•Admettre systématiquement le nantissement des titres transmis comme garantie lorsque celle-ci est proposée par le Chef d’entreprise.

•Supprimer l’exigibilité anticipée des droits admis en paiement différé et fractionné lors d’une nouvelle transmission portant sur les mêmes titres.

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Faciliter la transmission d’entreprise aux salariés

Le chef d’entreprise souhaite souvent s’appuyer sur les compétences et l’expérience de certains salariés de son entreprise pour accompagner le repreneur et assurer le succès de sa transmission. Parfois, les entrepreneurs envisagent d’ailleurs même la transmission directement aux salariés, considérant que leur connaissance intime de l’entreprise les rend plus aptes à en assurer la pérennité et le développement. Un dispositif d’abattement de 300 000 € sur la valeur de la société existe mais il est peu utilisé en pratique. En revanche, au plan juridique, le chef d’entreprise peut transmettre sa société à ses enfants et/ou à des salariés conjointement, dans le cadre d’une donation partage qui permet de sécuriser cette transmission. Le chef d’entreprise peut aussi souhaiter recevoir un prix de ses actions et donc les vendre à ses salariés. Toutefois, même si les salariés sont les mieux à même d’assurer la pérennité de l’entreprise par la connaissance qu’ils en ont, le chef d’entreprise écarte souvent cette solution pour des raisons fiscales. Afin de s’assurer que les salariés seront intéressés par le chef d’entreprise à la transmission harmonieuse et pérenne de la société, il est proposé de remplacer, en cas de donation à leur profit, l’abattement général de 300 000 € sur la valeur de l’entreprise par un nouvel abattement individuel de 50 000 € pour les donations consenties aux salariés qui disposeraient de 5 ans d’ancienneté et s’engageraient à conserver les titres reçus pendant 4 ans. Ce dispositif serait réservé aux entreprises moyennes ou de taille intermédiaire. Afin de favoriser la cession de l’entreprise en faveur des salariés, il est proposé d’étendre, à leur profit, le régime d’exonération des plus-values à l’occasion des cessions dites “intrafamiliales” moyennant un engagement de conservation de titres par le salarié de 5 ans. Ce dispositif serait réservé aux entreprises moyennes ou de taille intermédiaire.

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Permettre l’interposition de personne dans le cadre des cessions familiales

Les cessions familiales sont exonérées d’impôt de plus-values sous réserve que le repreneur s’engage à conserver les titres acquis pendant une durée de 5 ans. Dans le dispositif actuel, il n’est pas possible d’interposer une société holding de reprise : l’acquisition devant être réalisée en direct par le membre de la famille. Cette limitation a pour effet de réduire significativement la capacité de reprise par les membres de la famille, le financement par emprunt ne pouvant être assuré de manière importante lors d’une acquisition par une personne physique. Afin de favoriser les cessions familiales qui sont très peu nombreuses en France par rapport à d’autres pays européens (Allemagne, Italie, etc.), il est proposé d’étendre aux holdings de reprise, détenus par les membres de la famille, l’exonération des cessions familiales. L’engagement de conservation s’apprécierait ensuite au niveau de la holding, le capital devant être détenu pendant 5 ans exclusivement par des associés familiaux.

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Aligner le montant des droits d’enregistrement des SARL sur celui des SA ou SAS

La souplesse rédactionnelle des statuts de la SAS et l’annulation, récente, de l’obligation systématique du recours à un commissaire aux comptes devrait, à l’avenir, permettre le développement de ce type de structure. À ce jour toutefois, nombre de sociétés à céder ont la forme de la SARL. Le montant des droits d’enregistrement, bien qu’allégé depuis quelques années pour les cessions de parts sociales, reste très défavorable aux cessions de SARL (sans parler des Sociétés Civiles…) par rapport aux sociétés par actions, sans raison apparente. Cela conduit les cédants à transformer les SARL en SAS avant la cession, ce qui génère un coût supplémentaire mais n’apporte pas souvent de valeur ajoutée à la société. Afin de favoriser les cessions de SARL, il est proposé d’aligner le tarif des droits d’enregistrement des cessions de parts sociales sur celui des actions.

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Renforcer la communication sur les dispositifs existants ayant pour objet de faciliter la transmission des entreprises

Quelques ajustements sont suggérés dans les présentes propositions afin de simplifier et d’harmoniser entre eux les dispositifs existants. Ces interventions auront pour mérite de renforcer leur efficacité ; toutefois leur technicité les rend parfois inaccessibles aux chefs d’entreprises (entreprises individuelles, PME-PMI, ETI) qui ne disposent pas nécessairement des compétences utiles à leur bonne compréhension et intégration. Il est proposé de lancer un vaste plan de communication et d’information sur ces dispositifs auprès des entrepreneurs concernés.

À Paris, le 23 Juin 2011

Contact des promoteurs des Premières Journées de la Transmission d’Entreprise Pour l’Ordre des Experts-Comptables région Paris Ile-de-France, 50, rue de Londres 75008 PARIS

Pour la Chambre des Notaires de Paris, 12,avenue Victoria 75001 PARIS

Laurent BENOUDIZ 01 53 53 05 40 / 06 10 34 87 12 lbenoudiz@fgec.com

Fabrice LUZU 01 42 66 24 06 / 06 21 31 40 95 fabrice.luzu@paris.notaires.fr

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