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Un hiver coûteux s’annonce. Qui va en pâtir?

PRIX DE L’ÉNERGIE EN EUROPE

TEXTE Christophe Kieffer, Affaires économiques, Chambre de Commerce PHOTO Matthew Henry /Unsplash

L’énergie, indispensable carburant de la vie économique, rend celle-ci vulnérable quand ses prix flambent. Depuis le début de l’automne 2021, les prix de l’énergie ont atteint des niveaux records pour diverses raisons (conjoncturelles, météorologiques, géopolitiques ainsi que fiscales). Cette évolution met en péril la dynamique de la reprise économique post-Covid et oblige les gouvernements européens à prendre des mesures pour prévenir la précarité énergétique des ménages vulnérables et pour ne laisser aucune entreprise à forte intensité énergétique sur le bord de la route de la transition énergétique. En tant que petite économie importatrice d’énergie, le Luxembourg n’a guère d’influence sur les prix. Toutefois, ses entreprises pourraient se voir triplement impactées par la flambée de ceux-ci.

Après avoir chuté à leur plus bas niveau depuis des décennies à la suite de la dégringolade historique de la consommation mondiale d’énergie au début de la crise Covid-19, les prix du charbon, du gaz, de l’électricité et d’autres combustibles ont depuis fortement rebondi, atteignant ou se rapprochant de niveaux records dans de nombreux pays1 . Alors que certains esprits critiques font de la transition énergétique et environnementale le bouc émissaire de ces prix élevés et de toutes leurs conséquences néfastes pour les ménages et les entreprises, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) précise que les raisons sont beaucoup plus complexes et variées.

Du côté de la demande, une reprise économique exceptionnellement rapide a significativement dopé les besoins en énergie. Du

1. Il convient de noter qu’au moment de la rédaction de cet article, l’apparition du variant omicron est encore très récente et les conséquences qui en découlent pour l’économie et les prix de l’énergie restent encore fortement incertaines.

« Afin de remédier à cette crise énergétique, la Commission européenne recommande aux États membres une panoplie de mécanismes à court terme, comprenant notamment une aide au revenu pour les consommateurs en situation de précarité énergétique, la prolongation temporaire des aides aux industries en difficulté et des réductions d’impôts. »

côté de l’offre, une combinaison de facteurs météorologiques, géopolitiques et stratégiques est à l’origine d’une offre plus faible que prévu. Ainsi, parmi les impacts météorologiques sur l’approvisionnement en énergie, on peut citer un hiver froid dans l’hémisphère nord, des sécheresses qui ont réduit la production hydroélectrique au Brésil et ailleurs, et une production éolienne inférieure à la moyenne en Europe. Sur le plan géopolitique, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a artificiellement resserré l’offre et la Russie a rappelé à l’Europe que son approvisionnement en gaz dépend fortement de sa bonne volonté. Qui plus est, des interruptions d’approvisionnement dues à la maintenance, des déficits d’investissement ces dernières années et des accidents de production ont exacerbé les goulets d’étranglement sur les marchés globaux de l’énergie, selon l’AIE. Finalement, des mesures fiscales telles que la taxe CO2 augmentent encore les prix finaux de l’énergie.

La crise énergétique actuelle est un rappel que la vie et l’économie modernes reposent sur un approvisionnement abondant et fiable en énergie; sans cela, les factures deviennent inabordables, les usines calent et in fine la dynamique de la reprise post-Covid est mise en péril.

Le Luxembourg n’est pas épargné

En tant que petite économie importatrice d’énergie, le Luxembourg n’a guère d’influence sur les prix, qui sont déterminés sur les marchés mondiaux. Au Grand-Duché, les prix sont également montés en flèche. Ainsi, le prix d’un litre de mazout a presque doublé entre le 10 octobre 2020 et le 9 octobre 2021, la facture du gaz a augmenté de 25% à 32% sur la même période et les prix à la pompe, diesel comme essence, étaient en octobre 2021 d’environ 30% plus élevés qu’au début de cette même année. Si les ménages les plus vulnérables souffrent des prix de l’énergie élevés et risquent souvent de sombrer dans la précarité énergétique, les entreprises, et notamment l’industrie, pâtissent aussi considérablement de la flambée des prix. Pour les entreprises à forte intensité énergétique en particulier, la hausse des prix de l’énergie pèse sur les marges bénéficiaires – qui se sont déjà détériorées en raison de la pénurie des matières premières – et les oblige à réagir en optimisant leurs plans de production afin d’éviter les pics de prix, voire en envisageant la fermeture temporaire de certains sites de production.

La boîte à outils de la Commission européenne

Afin de remédier à cette crise énergétique, la Commission européenne recommande aux États membres une panoplie de mécanismes à court terme, comprenant notamment une aide au revenu pour les consommateurs en situation de précarité énergétique, la prolongation temporaire des aides aux industries en difficulté et des réductions d’impôts. À moyen terme, elle préconise l’accroissement des investissements dans les énergies renouvelables, des rénovations et l’efficacité énergétique ainsi que l’accélération des ventes aux enchères des contrats d’exploitation et des processus d’autorisation pour les énergies renouvelables.

Au Grand-Duché, le Premier ministre a annoncé dans son discours sur l’état de la nation l’augmentation de l’allocation de vie chère d’au moins 200 euros pour donner un coup de pouce aux ménages les plus vulnérables, au 1er janvier 2022. Pour l’industrie, le ministre de l’Économie privilégie les incitations et les aides aux entreprises pour investir dans des moyens de production plus respectueux de l’environnement et moins consommateurs d’énergie, pour lesquelles le cadre législatif a déjà été instauré lors de la situation de crise liée à la pandémie et dont la prolongation est en cours de discussion à la Commission européenne.

Le retour de l’inflation – temporaire ou durable?

Qui dit hausse des prix, dit naturellement inflation. Dans la zone euro, celle-ci a atteint 4,9% en novembre 2021 selon Eurostat, son niveau le plus élevé depuis l’introduction de l’euro. Légèrement inférieur à la moyenne européenne, l’indice des prix à la consommation du Luxembourg a grimpé de 4,5% au mois de novembre 2021 par rapport à l’année précédente. Malgré ces niveaux records, les banquiers centraux s’attendent à ce que les pressions inflationnistes s’atténuent dans les mois à venir et maintiennent leur politique monétaire expansionniste.

En raison d’un système d’indexation automatique des rémunérations en lien avec l’inflation, avec la prochaine tranche qui devrait tomber déjà en 2022 selon les premières estimations du STATEC, la flambée des prix énergétiques risque d’avoir un triple impact sur les entreprises luxembourgeoises: primo, par l’effet direct des coûts plus élevés de l’énergie, secundo, par la baisse potentielle des dépenses de consommation des ménages en raison de la part plus importante des dépenses liées à l’énergie et, tertio, le renchérissement de la main-d’œuvre résultant de l’indexation.

«La hausse des prix de l’énergie pèse sur les marges bénéficiaires des entreprises, en particulier pour celles à forte intensité énergétique.»

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