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Vers une «data driven economy»?

DIGITAL ECONOMY AND SOCIETY INDEX

Le Luxembourg en bonne voie vers une «data driven economy»?

TEXTE Nicolas Liebgott, Affaires économiques, Chambre de Commerce PHOTO Marvin Meyer / Unsplash

Le Luxembourg a démontré sa bonne capacité à passer rapidement en organisation de travail distant dès le début de la pandémie de Covid-19. Cette réactivité, rendue possible par le bon niveau de connectivité du pays, est sans conteste en grande partie à l’origine de la bonne résilience de celui-ci à la crise. Comme chaque année depuis 2014, la Commission européenne (CE) vient de publier le rapport Digital Economy and Society Index (DESI)1. Ce classement lui permet, via 33 indicateurs réunis en 4 grandes catégories, de constater les progrès réalisés par les États membres dans le domaine du numérique. Les profils par pays permettent de souligner les actions prioritaires à mettre en œuvre par chaque État membre, tout en identifiant ses points forts. En sus de ce profilage par pays, une analyse à l’échelle de l’Union européenne est disponible pour les principaux secteurs de la politique numérique. Chaque année, la CE s’intéresse à une thématique particulière qui a une incidence sur la transformation numérique. Alors qu’une section spécifique du DESI 2020 était consacrée aux mesures prises par les États pour atténuer les effets de la Covid-19, le rapport 2021 met l’accent sur la reprise et la résilience ainsi que sur « la boussole pour la décennie numérique ».

Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne au numérique, ainsi que Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, se sont félicités d’une progression constatée de tous les États membres dans le domaine du numérique. Les deux principales raisons de ce progrès sont la fixation d’un cap d’objectifs à atteindre pour 2030 via la décennie numérique de l’Europe ainsi que la mise en place de la facilité pour la reprise et

la résilience. Les plans nationaux qui y sont reliés illustrent le dynamisme du numérique en Europe. Alors que la CE prévoyait un prérequis d’au moins 20% de ces plans consacrés à la transition numérique, beaucoup de pays ont investi au delà de ce seuil dans leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience. L’Autriche et l’Allemagne ont ainsi investi plus de 50% du plan de relance dans cette transition. Le Luxembourg fait également figure de bon élève avec près de 30% des fonds prévus pour le numérique.

Il reste néanmoins encore beaucoup à accomplir pour faire de l’Europe un champion mondial du numérique. D’une part, il faut parvenir à réduire l’écart entre le peloton de tête et les pays les plus en retard en matière d’économie et de société numériques: le Danemark, 1er pays du classement, possède un score de 70,2 points tandis que la Roumanie ferme la marche avec un score de 32,9. D’autre part, des améliorations demeurent nécessaires afin d’aider au mieux les entreprises à intégrer les technologies numériques, en particulier les PME qui les utilisent encore trop peu.

Les points forts du numérique au Luxembourg

Le profilage par pays a légèrement évolué cette année, le choix ayant été fait de se focaliser uniquement sur 4 indicateurs, et non 5 comme cela était le cas auparavant. Ainsi, le progrès des pays dans la société et l’économie numériques s’effectue via la mesure du capital humain, de la connectivité, de l’intégration des technologies numériques et des services publics numériques.

Le Luxembourg occupe la 8e place du classement. Avec une note de 59, le Grand-Duché reste encore loin du trio de tête, mais se situe dans le premier tiers des pays européens en progressant de deux places par rapport à 2020, à la faveur du recul de la Belgique et de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Cette place relativement bonne du Luxembourg s’explique d’abord par le fait que sa population est rompue au numérique et à son utilisation. 65% des personnes disposent de compétences numériques élémentaires et 36% de compétences plus avancées contre respectivement 56% et 31% de la population européenne. 6,3% des personnes ayant un emploi dans le pays sont spécialistes des technologies de l’information et de la communication (TIC), soit deux points de plus que pour la moyenne communautaire. Le capital humain est donc sans conteste un atout pour le Grand-Duché dans le secteur du numérique.

Pour ce qui est de la connectivité, le Luxembourg se classe au 4e rang, le pays disposant d’infrastructures numériques de pointe, véritable atout compétitif par rapport aux autres pays européens. Ainsi, 88% des ménages disposent d’un haut débit fixe. Plus précisément, 53% des ménages disposent d’un débit fixe d’au moins 100 Mbps ce qui leur permet de disposer d’une vitesse de connexion suffisante par exemple pour participer au monde du travail distant (télétravail, visioconférences en ligne, etc.) À l’heure de l’accélération de la mise en place de ces nouveaux modes de collaboration, cette bonne connectivité est essentielle pour l’économie luxembourgeoise.

Malgré des atouts indéniables, le Luxembourg doit encore faire des efforts dans certains domaines du numérique afin de rejoindre le haut du classement européen.

«Pour ce qui est de la connectivité, le Luxembourg se classe au 4e rang, le pays disposant d’infrastructures numériques de pointe, véritable atout compétitif par rapport aux autres pays européens.»

Une marge de progression certaine

Si la part des diplômés des TIC est satisfaisante, cela ne doit pas occulter le problème que rencontrent les entreprises lorsqu’elles souhaitent recruter dans les métiers du numérique. Ainsi, selon le rapport DESI 2021, «67% des entreprises qui ont recruté ou tenté de recruter des spécialistes des TIC en 2019 ont déclaré avoir eu des difficultés à pourvoir les postes vacants, un pourcentage très nettement supérieur à la moyenne de l’UE (55%)». S’ajoute la nette détérioration du nombre d’entreprises assurant des formations dans ce domaine: seulement 21% contre 27% l’année passée selon le classement 2020. Problème structurel du Luxembourg, le manque de main-d’œuvre qualifiée n’épargne pas le secteur du digital. aussi un certain retard, se situant même dans la deuxième partie du classement des pays européens avec une 14e place sur ce facteur. Si la part des entreprises utilisant des mégadonnées est en net progrès, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir sur ce sujet pour atteindre l’objectif du Gouvernement de disposer d’une économie de pointe basée sur l’utilisation des données. Ainsi, alors que la facturation électronique est en passe de devenir obligatoire en B2G (business to government, ndlr), seulement 14% des entreprises luxembourgeoises la pratiquent actuellement contre 32% au niveau des entreprises européennes. Afin de ne pas creuser le retard, il est essentiel d’aider les entreprises dans l’adoption de ce système de facturation, ce que la Chambre de Commerce ne manquera pas de faire avec la mise en ligne immédiate d’une page thématique dédiée sur son site internet et la parution d’un guide pratique dès le mois de mars 2022.

Les PME, qui composent l’essentiel du tissu économique luxembourgeois, sont souvent celles qui utilisent le moins le numérique. Elles ne sont que 9% à pratiquer l’e-commerce au Grand-Duché et 8% à vendre en ligne à l’étranger. Ces indicateurs ne progressent hélas que très lentement.

«Alors que la facturation électronique est en passe de devenir obligatoire en B2G (business to government), seulement 14% des entreprises luxembourgeoises la pratiquent actuellement.»

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