MUSÉE DES TRADITIONS POPULAIRES – MOUTIERS
César et Albertine sont mariés depuis 1909. Ils habitent à Moûtiers. Ils ont deux petites filles : Marcelle est née en 1912 ; Gabrielle est née au début de l’année 1914.
César travaille dans l’entreprise de son père, une entreprise du bâtiment et des travaux publics. En ce+e année 1914, il est heureux de sa petite famille et de son travail.
Mais durant l’été 1914, lorsque César lit les journaux, il se rend compte que la violence se développe en Europe.
Le 1er août 1914, les cloches de la cathédrale sonnent le « tocsin » : quand on sonne ainsi en faisant tinter rapidement une cloche, les gens savent qu’il faut se rassembler car il y a une mauvaise nouvelle. Ce jour là, tout le monde a compris que la guerre était proche.
C’est le 03 août que la France est entrée dans la guerre. D’un côté il y a l’Allemagne et le vaste empire d’Autriche – Hongrie. De l’autre, il y a la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Belgique. Plus tard, l’Italie et puis les États-Unis et le Canada rejoindront ces pays.
César doit partir à la guerre lui aussi. Il comprend que c’est un devoir de se ba+re pour son Pays lorsqu’il y a la guerre mais il est triste de devoir qui+er Albertine sa femme et ses deux petites filles. Il sait que ce+e guerre sera très difficile. Dès le 13 août, dix jours après le début de la guerre, un jeune moûtiérain a été tué dans un combat en Alsace. Il y en aura beaucoup d’autres.
César, avant de partir au front pour comba+re, est envoyé à Grenoble dans un régiment qui s’appelle le 4ème Génie. Un soldat du Génie est un « sapeur », il peut accomplir une grande variété de tâches dont des fortifications, constructions ou réparations de routes, de ponts, de voies de chemins de fer, pose ou destruction de champs de mines. César va justement apprendre, pendant quelques semaines, à creuser des tunnels pour aller jusque sous l’endroit où se trouvent les ennemis et pouvoir déposer des mines explosives qui vont détruire ce+e position ennemie.
César est ensuite envoyé dans une zone de combat qui se trouve en Argonne, dans le Nord-Est de la France. Il est plus précisément dans la forêt de la Haute Chevauchée, département de la Meuse.
ARGONNE
MOUTIERS
Dans la première le+re que César envoie depuis l’Argonne, il explique à sa femme qu’il loge avec trois autres soldats dans « une cagna ». C’est un abri creusé dans la terre, qui est recouvert de rondins et de tôles sur lesquels l’on a mis des sacs emplis de terre pour amortir les chocs si un obus venait à tomber. On imagine ce qu’était ces cabanes de fortune, creusées à même la terre, en particulier en cas de fortes pluies.
César ajoute dans ce+e le+re : « le Génie, nous travaillons toujours sous terre et devons lu er contre un ennemi invisible ». En effet, lorsqu’il ne se repose pas dans la cagna, César et ses compagnons creusent des galeries souterraines pour miner les tranchées ennemies.
Ce que César découvre et qu’il essaie de traduire dans ses le+res c’est la très dure réalité de la guerre. Ce qu’il dit en premier c’est le bruit infernal que fait l’explosion des obus tirés par les canons, c’est un bruit incessant qui parfois dure toute une journée. « Si tu entendais la canonnade qu’il se passe en ce moment, tu t’en boucherait les oreilles ».
Tous ces hommes savent bien qu’ils sont là pour faire la guerre mais personne ne peut s’habituer à tant d’horreurs, César le dit bien dans ses le+res : « Il faut que s’arrête ce e boucherie humaine » … « Quand sera donc fini ce vilain cauchemar ? Quelle horrible chose la guerre » … « Il y a des jours j’ai un cafard terrible suivant ce que je vois sur le front car pas un seul jour ne se passe où je ne vois des blessés et bien souvent de pauvres soldats pères de famille comme moi qui sont tués par des balles ou des éclats d’obus ».
Lorsque Albertine écrit à César, elle lui donne des nouvelles de Moûtiers, elle lui parle souvent de leurs deux filles. Parfois elle doit annoncer à son mari de mauvaises nouvelles concernant ses amis qui sont morts sur d’autres terrains de combats : « ce pauvre Monsieur Pierre Labiche est mort d’un d’éclat d’obus dans le thorax et un autre lui a emporté la tête » … « On a aussi annoncé la mort de Monsieur Perrier de la Bathie qui a reçu une balle au front ». Chaque famille qui a l’un des siens à la guerre a très peur de recevoir la visite de Monsieur le Maire et des gendarmes venant annoncer une mauvaise nouvelle. Plus de 9 millions de soldats des différents pays engagés vont mourir durant ce+e guerre. A la fin de celle-ci, chaque commune fera construire un monument aux morts pour ne pas oublier.
Parmi les le+res de César qui ont été conservées, arrive une très courte le+re de quelques lignes à peine, non datée mais probablement écrite le 16 juillet 1915 : “ Je t’écris ces deux lignes pour te dire que je suis au dépôt des éclopés ”. Et la correspondance va reprendre, plus abondante encore mais depuis l’Hôpital temporaire n° 4 de Limoges installé dans la fabrique de porcelaine Haviland et Cie. Les bâtiments ont été mis à la disposition des blessés et cet hôpital est géré par la Croix-Rouge. César précise ce qui lui est arrivé mais, paradoxalement, il ne dit pas dans les premiers jours ce qui va s’avérer être le principal handicap : il a le tympan gauche perforé et le tympan droit cicatriciel, ce qui entraîne une perte de l’audition importante. Tout cela à cause des détonations, en particulier d’un obus tombé à quelques mètres de lui. Pourquoi ne l’écrit-il pas ? Peut-être une volonté de toujours minimiser pour ne pas affoler la famille. Ce n’est que plus tard qu’il avouera : “ J’ai passé làbas bien près de la mort ”. “ Les boches ont commencé l’a aque à 2 heures du matin le 13 juillet. Par un heureux hasard ma section y avait travaillé le 12, donc le 13 c’était une autre section. Nous, on était couché dans les guitounes de notre campement.
De suite je te dirai que la section qui est montée le 13, il y a juste 6 hommes sur 50 qui sont revenus, le reste, tués ou prisonniers. N’empêche que nous autres l’avons passé belle car il paraît que jamais pareille a aque ne s’était faite. Nous avons pris part depuis le 13 à 3 heures du matin pour faire des tranchées en arrière pour soutenir l’artillerie car les boches avançaient salement. Donc le 13 toute la journée, la nuit du 13 au 14, la journée du 14 jusqu’à midi, le tout sous une pluie ba ante et comme obus, merci ! Puis ma section a été relevée le 14 à midi. On nous a dits : ‘ Allez vous reposer jusqu’à minuit ’. Je t’en fous, à 4 heures, Armez pelles et pioches ! Pour établir une tranchée à 15 mètres des boches car l’infanterie les avait refoulés dans la journée. Aussi je puis me rappeler de ce e journée du 14 au 15, toujours avec la pluie, fusillade et obus aussi. Si toute la section n’a pas été tuée, ce n’est pas de notre faute. Un obus est tombé à deux mètres de moi car j’étais couché près d’un chêne, j’avais déjà mon entorse, l’obus ne me touche pas et va blesser 2 de mes copains à six mètres plus loin. Le matin à 6 heures, les copains m’ont descendu sur un brancard jusqu’à l’ambulance car cela me faisait tant mal que je ne tenais plus sur mes jambes. ; de là en auto jusqu’au train sanitaire et amené à Limoges. Il y avait plus de 500 blessés dans le train ”.
Après son hospitalisation à Limoges, César rejoindra à Grenoble un dépôt de convalescents, puis la caserne du 4ème Génie, avant d’être versé dans l’auxiliaire. Cela ne signifie pas que pour lui la guerre était terminée, il ne sera démobilisé que le 11 mars 1919, mais qu’il pouvait rentrer chez lui et aller travailler à l’usine La Volta de Pomblière Saint-Marcel, entreprise stratégique puisque produisant du chlore, indispensable à la “ Guerre des Gaz ”.
Il restera à César un récipient gravé par un camarade. La gravure représente les deux figures, face à face, d’un soldat français et d’un soldat allemand avec la mention “ Haute Chevauchée ” et une surdité qui deviendra quasi totale à la fin de sa vie. “ Si tu entendais la canonnade qu’il se passe en ce moment, tu t’en boucherais les oreilles ”.
Ce livret a été réalisé par le Musée des Tradi ons Populaires de Moû ers à l’usage des scolaires. Reproduc on interdite.