Livret 3

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III. L’Europe des abbayes, des pèlerins et des régions


L’art roman, un art qui s’est répandu dans une grande partie de l’Europe, grâce en particulier à des artisans et artistes itinérants, mais aussi aux réseaux monastiques ou aux voies de pèlerinages, mais en gardant toute la diversité des styles régionaux, à la différence du gothique que l’on pourrait dire « européique » (Boccace) puisque la dernière manifestation en est le « gothique international » encore appelé « art européen ».

Carte très simplifiée du roman en Europe recensant les édifices majeurs qui sont restés principalement romans.


Les réseaux monastiques CLUNY L’ordre de Cluny est un très grand ordre bénédictin. Il a été créé par Guillaume Ier, duc dʹAquitaine et comte de Mâcon, par un acte rédigé à Bourges le 11 septembre 909 (ou 910) donnant le domaine de Cluny « aux apôtres Pierre et Paul », à savoir lʹÉglise romaine, pour y fonder un monastère de douze moines. Le monastère est situé dans le Mâconnais. La protection pontificale lui assure une indépendance vis-à-vis du pouvoir local, laïc ou épiscopal, en la dotant tout au long du Xe siècle de privilèges.


En 994, Odilon de Mercœur devient abbé de Cluny, et le dirige pendant 55 ans. Fils des seigneurs de Mercœur, il est en relation avec les personnages les plus illustres de son temps. Il obtient en 998 du pape Grégoire V lʹindépendance par rapport à lʹévêché de Mâcon, droit étendu à toutes les abbayes clunisienne en 1024 par le pape Jean XIX. Ces concessions papales donnent naissance à lʹecclesia cluniacensis (église clunisienne). La politique de Cluny en faveur de lʹassociation et la création de grands établissements diminue et de petits couvents se développent. Ceux-ci sont strictement contrôlés par Odilon, directement ou par lʹintermédiaire des grandes abbayes. À la mort dʹOdilon, on compte 70 couvents, et Cluny sʹassocie avec de puissantes abbayes, qui gardent parfois une grande autonomie. En 1049, Hugues de Semur devient abbé. Il poursuit la montée en puissance de Cluny dans la lignée dʹOdilon. Cʹest un Bourguignon, issu de Semur-en-Brionnais. Il possède une grande éloquence, et un sens politique à lʹimage de son prédécesseur. Il finit lʹintégration de Cluny au Féodalisme qui vient de naître. Beaucoup de petits couvents sont encore créés. Le principe hiérarchique sʹassouplit quelque peu vers 1075, quand Cluny accepte dans lʹordre de véritables abbayes, afin de faire sa part à lʹancien système du monachisme bénédictin et de ne pas devoir renoncer à intégrer nombre dʹétablissements prêts, comme Vézelay, à passer dans lʹordre de Cluny pour bénéficier de lʹexemption mais désireux de ne pas tomber au rang dʹun simple prieuré. Durant son abbatiat, de grandes abbayes sont incorporées : Moissac (Sud-Ouest), Lézat (A riège), Figeac (Quercy) et Saint-Martin-des-Champs à Paris (1079). L’ordre est étendu à l’Espagne, à l’Italie et à l’Angleterre, fort de 10 000 moines. En 1109, après lʹabbatiat dʹHugues II, qui ne dure que quelques semaines, Pons de Melgueil est élu. Cʹest un méridional, habile en négociation, mais intransigeant. Il joue un rôle très actif dans la fin de la Querelle des Investitures, et poursuit la politique de grandeur de lʹOrdre. À ce sujet, il entame la construction de Cluny III, une abbatiale gigantesque qui engloutit tous les dons, y compris celui important venant de Castille.



« Cluny III » est lʹexpression employée pour désigner le troisième chantier de lʹabbatiale de Cluny, construite entre 1088 et 1130, sous lʹabbatiat dʹHugues de Semur. Cluny III était un bâtiment roman dʹune grandeur exceptionnelle, avec ses 187 m de longueur pour une largeur de 90 m au niveau du transept. La hauteur de la voute de la nef centrale était de de 30 m et la coupole sur transept, surmontée d’une tour, s’élevait à 40 m. Ce bâtiment était, à son époque, le plus grand de la chrétienté, titre qui lui sera ravi, cinq siècles plus tard, par la basilique Saint-Pierre de Rome. Lʹabbaye de Cluny fut presque intégralement détruite à la Révolution.


CLUNY II (963-981)

CLUNY III (10881130)


Édifice à 5 nefs

Le roman c’est petit, le gothique c’est grand et haut

es d n atio s i l s a é n r a e 6 f: ps d e n m e a T el d s e voût



Le prieuré Notre-Dame de La Charité-sur-Loire, est un prieuré bénédictin situé dans le département de la (Nièvre), dont la charte de fondation remonte à 1059. Il a subi des modifications au XIIe siècle, notamment la construction dʹun déambulatoire à chapelles rayonnantes. Lʹéglise est surtout réputée pour son chevet à chapelles rayonnantes et sa façade (Ouest) timbrée de deux tympans. Elle appartenait à un important prieuré dépendant de la puissante abbaye de Cluny, en Bourgogne dont il était une des cinq filles aînées. Cʹest pourquoi elle était, au Moyen Âge, la seconde plus grande église de France, après celle de Cluny III.


s: e t i s tits e p éen s ou p d o n r eu Gra u a e és un r

Prieuré clunisien de SaintHonoré-les-Bains (Nièvre)

Prieuré clunisien Sainte Marie de Moirax (Lot et Garonne)

Prieuré clunisien de Contamine-sur-Arve … la seule église gothique dʹarchitecture XIIIème siècle - type anglaisgallois - en Savoie !


CITEAUX

. 350 monastères à la mort de saint Bernard.


Les abbayes cisterciennes se distinguent initialement par la simplicité et la sobriété de lʹarchitecture et des ornements. En 1134, le Chapitre général prescrit une série de mesure concernant lʹart sacré, les lieux saints ne devant recevoir aucun décor sculpté ou orné. La couleur doit être réservée aux enluminures. Les abbayes cisterciennes connaissent lʹévolution de lʹarchitecture romane vers le gothique (arc brisé) et se caractérisent par un grand dépouillement des lignes et de la décoration. Les oculi des abbatiales reçoivent des vitres blanches sans croix et sans couleurs. Aux tympans des portails et aux chapiteaux des églises, pas de sculptures car rien ne doit détourner la pensée de lʹidée de Dieu. Le Chapitre général de 1135, sous lʹinfluence de Bernard de Clairvaux est très directif sur les contraintes architecturales: il sʹagit de traduire la Règle bénédictine dans lʹespace. On doit respecter le carré monastique (le cloître issu de la Villa romaine). Les architectes cisterciens bâtissent leur plan sur des considérations fonctionnelles liées aux aménagements hydrauliques, la lumière ou les matériaux disponibles dans la région, mais en respectant les recommandations de Bernard de Clairvaux qui a défini les bâtiments nécessaires pour servir Dieu selon la Règle : lʹoratoire, le réfectoire, le dortoir, lʹhôtellerie et la porterie


Les trois soeurs provençales

Abbaye Notre-Dame de Sénanque


Abbaye de Silvacane


Abbaye du Thoronet


Les Chemins

L’exemple du Val d’Aran


VĂŠzelay


L’invention du tympan : le catéchisme sur le seuil En architecture, le tympan (du grec ancien τύµπανον, tumpanon « tambour ») est la surface verticale dʹun fronton remplissant le carré délimité, ou la partie verticale dʹun portail, comprise entre le linteau et un arc plein-cintre ou une voûte dʹogive. Il est surmonté par des archivoltes. Il est souvent utilisé pour présenter un bas-relief en façade des églises d’architecture romane ou gothique. Étymologiquement, le terme (en latin tympanum, en grec tumpanum) désigne un tambour, soit une membrane tendue au travers dʹune ouverture (en anatomie à la manière du tympan, la membrane fibreuse séparant lʹoreille externe et lʹoreille moyenne). Ici la membrane est en pierre, tendue en travers de lʹarche. Beaucoup dʹautres langues utilisent le terme de luneXe, ce qui est impropre en français même si lʹon considère la forme (demi-lune) car aucune ouverture nʹy est percée.

Arc en plein-cintre

Piédroit


Le tympan du portail central, ou grand tympan du narthex, est un des plus grands chefs-dʹœuvre de lʹart sculptural roman en France. Lʹensemble du tympan, linteau et voussures compris, se compose de cinquante-huit blocs de tailles très variables. Il mesure un peu plus de neuf mètres de large sur cinq mètres vingt-cinq de haut.


Il représente la création historique de lʹÉglise, avec le Christ bénissant les apôtres et leur assignant la mission de convertir les nations. CeXe thématique est tout à fait unique dans lʹart roman. Toute la scène est organisée autour du Christ en gloire. Ce dernier domine les autres personnages par sa taille. Celleci est en effet proportionnelle à lʹimportance des personnages représentés. Le visage impassible du Christ contraste avec sa position en forme dʹéclair et le mouvement tourbillonnant de ses vêtements. Des rayons partent latéralement de ses mains, en direction des apôtres. Cela symbolise la transmission de lʹesprit du Christ ainsi que lʹaXribution dʹune mission à ces derniers : « Allez et enseignez toutes les Nations ». Les douze apôtres tiennent à la main le livre Sacré et sont prêts à partir aux quatre coins du monde. Et ce monde est représenté dans toute sa diversité : dans huit caissons, disposés en demi-cercle en bordure supérieure du tympan, on peut reconnaître de gauche à droite, dʹabord deux apôtres en train dʹécrire, puis les Juifs, les Cappadociens, les Arabes semble-t-il, les Cynocéphales censés habiter aux Indes, les Phrygiens, les Byzantins et les Arméniens. Dans la première voussure entourant ce tympan, les signes du zodiaque alternent avec les travaux des mois. Au linteau, on a représenté les peuples connus (à gauche) et inconnus (à droite) marchant vers le centre, cʹest-à-dire lʹÉglise du Christ, symbole de leur conversion. Peuples connus et inconnus se dirigent ainsi vers deux personnages de haute taille placés aux pieds du Christ et qui doivent amener ces peuples à ce dernier ; il sʹagit de saint Pierre, reconnaissable grâce à sa clé, et saint Paul, les deux piliers principaux de lʹÉglise. Au trumeau de ce portail central se dresse la statue de Jean le Baptiste, Précurseur du Christ. Il tient de la main droite son traditionnel plateau, portant lʹagneau mystique surmonté de la croix.



Conques

La « majesté » de sainte Foy d’Agen D’Agen aux Amériques (Santa Fe) en passant par Conques


Ce tympan est considéré comme « lʹune des œuvres fondamentales de la sculpture romane par ses qualités artistiques, son originalité et par ses dimensions ». Il représente le Jugement dernier, dʹaprès lʹÉvangile selon MaXhieu. Il comporte 124 personnages, lʹensemble est divisé en trois niveaux. Tout en haut dans les angles on peut voir deux anges sonneurs de cor, au centre trône le Christ en majesté, avec les élus à sa droite, au Paradis, et les damnés à sa gauche, en Enfer. Derrière lui les anges portent la Croix et le fer de lance évoquant la Passion. Au niveau médian, le cortège des élus est en marche vers le Christ, on peut reconnaître la Vierge Marie et Saint-Pierre (personnages nimbés), qui sont suivis par les personnages ayant marqué lʹhistoire de lʹabbaye : lʹabbé Dadon (son fondateur), Charlemagne (son bienfaiteur). Dessous, Sainte-Foy sous la main de Dieu, à côté des menoXes des prisonniers quʹelle a libérés. De lʹautre côté des anges-chevaliers repoussent les damnés essayant dʹéchapper à lʹEnfer. On peut y voir de mauvais moines, un ivrogne pendu par les pieds.


Le troisième niveau est divisé en deux parties. À droite se trouve le Paradis présidé au centre par Abraham, à sa porte un ange fait entrer les élus. La partie gauche est consacrée à lʹenfer où préside Satan, et où sont châtiés les péchés capitaux : lʹOrgueil, désarçonné dʹun cheval, lʹAvarice pendue haute et courte avec sa bourse, la Médisance dont la langue est arrachée par un démon, lʹAdultère représenté par une femme, poitrine dénudée, liée par le cou avec son amant. Sur le linteau on peut lire la phrase suivante : « Pécheurs, si vous ne réformez pas vos mœurs, sachez que vous subirez un jugement redoutable ».


Ă€ droite du Christ En ordre Personnages droits


Ă€ gauche du Christ En dĂŠsordre Personnages tordus


Sainte Foy sous la main de Dieu


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