Une histoire des Chrétiens en Tarentaise VI

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Quelques rappels : En Tarentaise •

En 794, l’évêque de Tarentaise, au concile carolingien de Francfort, reçoit le titre d’archevêque que le pape confirme.

En 996, le roi de Bourgogne Rodolphe III concède le « comitatus » à l’archevêque de Tarentaise

1186, par un acte avec bulle d’or, l’empereur Frédéric Barberousse (SERM) confirme la charte de Rodolphe ; les archevêques-comtes de Tarentaise sont princes (non électeurs) du Saint Empire.

> l’archevêque de Tarentaise a donc la double souveraineté, spirituelle et temporelle sur son territoire et il dépend directement de l’empereur.

En Savoie •

1032 : avec la mort sans descendance de Rodolphe III, les territoires du royaume de Bourgogne Transjurane deviennent des terres d’empire. Une famille commence à asseoir son pouvoir, celle d’Humbert qui sera dit, plus tard, « aux Blanches Mains ». Ce=e famille acquiert rapidement des territoires importants : Savoie propre, Chablais, Abbaye d’Agaune et Bas-Valais, possessions dans la Bresse et le Bugey, Val d’Aoste, Maurienne puis Val de Suse par le mariage d’Odon de Savoie et Adélaïde de Suse.

1416 : le 19 février, la Savoie devient un Duché avec un territoire homogène allant du Léman à la Méditerranée et de la Saône à la plaine du Po.


Essai de chronologie : •

Avril 1297 - 9 mai 1334 : Bertrand Ier de Bertrand

Mai 1334 - mars 1341, Jacques II de Salins

7 octobre 1341, Bertrand II de Novo Domno

1341 - 1343 : Bernard (abbé)

3 décembre 1343 - mars 1365, Jean III de Bertrand fils de Jean de Bertrand, seigneur de Brussol. Ancien évêque de Lausanne (1341)

1347 : Peste noire •

1er mai 1365 - 1368, Jean IV de/du Be-on

1368 - 30 novembre 1378, Jean V de Rotariis

1378 - 1417 : Grand Schisme d’Occident •

1378 - 1381, Humbert II de Ville-e. Né à une date inconnue et mort en 1380 ou 1381, est un ecclésiastique issu de la famille de Chevron Ville=e. Il est prieur de Tarentaise avant dʹêtre élu le 21 décembre 1378 archevêque

1381 - 1385, Rodolphe II de Chissey (Chissé)

1386 - 1395, Édouard de Piémont ou de Savoie. Ancien évêque de Belley et futur prince-évêque de Sion

26 avril 1395 - 1396, Pierre IV de Collomb. Fils de Claude Colomb vivant à Baugé, en Bresse, vers 1350, seigneur de La Sale-Manziat. Avant son entrée dans les ordres, il est conseiller ordinaire dʹAmédée de Savoie, en 1372. En 1391, il est prieur de lʹéglise Saint-Pierre de Mâcon. Deux ans plus tard, il devient conseiller de Bonne de Bourbon, régente du comté de Savoie à la suite de la mort de son époux, le comte Amédée VI. Le 26 avril 1395, il est nommé archevêque de Tarentaise. Le nouveau prélat est considéré comme un agent du duc de Bourgogne.

1397 - 1404, administrateur Aymon Séchal ou Aymon IV. Patriarche de Jérusalem à partir de 1385, administrateur du diocèse de Lausanne à partir de 1394, puis celui de Belley la même année et en 1398 celui de Sion.


1405 - 1418, Antoine de Challant, cardinal de Sainte-Cécile ;

1416 : Duché de Savoie •

1418 - 1432, Jean V de Bertrand, ancien évêque de Genève (1408-1418) ;

1433 - 1438, Laurent Marc de Condolmeris

1438 - 1454, cardinal Jean VI de l’Arces ou d’Arces (dʹArcy) ;

1454 - 1456/58, Pierre de Savoie, 7e enfant du duc Louis Ier de Savoie et dʹAnne de Lusignan ; par ailleurs évêque de Genève. Archevêque à l’âge d’environ 10 / 14 ans. Thomas de Sur, archevêque de Tarse, administre le diocèse du fait du jeune âge de Pierre ;

1456/58 - 1459, Jean-Louis de Savoie, 13e enfant du duc Louis Ier de Savoie et dʹAnne de Lusignan ; par ailleurs évêque de Genève. Archevêque vers l’âge de 10 ans. Archevêque commendataire donc non prêtre. Thomas de Sur, archevêque de Tarse, poursuit son administration du diocèse ;

1460 - 1472, Thomas de Sur ;

1472 - 1479, cardinal Christophe de La Rovère ;

1479 - 1482, cardinal Dominique de La Rovère, frère du précédent ;

1483, Urbain I de Chevron Ville-e († 1483), fils de Rodolphe de Ville=e, seigneur de Chevron ;

1484 - 1492, Jean de Compey (Compeys) († 1492) ;

Entrée symbolique dans les Temps modernes •

1492 - 1497, Corin de Plosasque (Piosasque), fils du comte de Plosasque. Il fut conseiller de Blanche de Montferrat, épouse du duc Charles Ier de Savoie, puis précepteur du futur duc Charles III. Nommé en 1492, il nʹarrive dans la ville métropolitaine quʹen 14961 ;

1497 - 1516, Claude de Châteauvieux. Il appartient à la famille de Chateauvieux en Bresse. Protonotaire apostolique, prieur de Coligny


Les temps changent … les archevêques aussi •

Moins de religieux

Une proximité avec d’autres ordres (franciscains)

Le temps des cardinaux : 4 en 77 ans pendant 37 ans

Des nobles,

Des membres ou des proches de la Maison de Savoie,

Ayant eu des postes diplomatiques.

Des carrières avec changement de diocèses.

L’arrivée des auxiliaires et administrateurs.

Le temps des dérives : - des partisans d’antipapes - des cumuls de diocèses ou de titres - des archevêques enfants - des archevêques non prêtres



Comte, Duc, Pape, cardinal et évêque Sous le nom de Félix V, Amédée VIII de Savoie fut antipape au temps du concile de Bâle. L’élection de Félix V résulte d’une lu=e d’influence entre le pape Eugène IV et les membres du concile de Bâle. Après une série de conflits, Eugène IV décide de transférer le concile de Bâle à Ferrare en 1438. Seule une minorité accepte d’abord ce=e décision et le concile décide de continuer à siéger à Bâle. Le 30 octobre 1439 le ʺconcileʺ resté à Bâle prétend déposer Eugène IV et élit à sa place Amédée VIII de Savoie, alors âgé de 56 ans, sous le nom de Félix V. L’antipape Félix V est intronisé le 23 juillet 1440 dans la cathédrale de Lausanne. Félix V se soumet en 1449 au successeur d’Eugène IV, le pape Nicolas V. Il renonce le 7 avril 1449 à la tiare. Il est créé cardinal-évêque lors du consistoire du 23 avril 1449. Il est nommé évêque de Genève et du siège suburbicaire de Sabine, Légat du Pape et vicaire apostolique en Savoie et de la partie du territoire bernois inclus dans le diocèse de Lausanne. Doyen du Sacré Collège, il se retire dans le prieuré créé par lui à Ripaille, où il meurt en 1451. Il est le dernier antipape officiellement reconnu comme tel par l’Église catholique.

Félix V faisant allégeance à Nicolas V


La Société médiévale La féodalité peut être conçue comme un système politique caractérisé par de forts liens de dépendance dʹhomme à homme, avec une forte hiérarchisation dʹinstances autonomes, lʹautorité centrale, le pouvoir souverain, la puissance publique étant partagée dans les faits avec des principautés ou des seigneuries, et un important morcellement du droit de propriété sʹappuyant sur la détention de fiefs.

L’hommage : « je suis ton homme »


La rupture d’équilibre des 3 ordres


Les points importants pour comprendre la suite de l’histoire : •

Notre société est pyramidale avec un pouvoir central fort ayant des relais sur tout le territoire / La société médiévale a un pouvoir central quasi inexistant ( « lʹautorité centrale, le pouvoir souverain, la puissance publique étant partagée dans les faits avec des principautés ou des seigneuries »), la sortie du moyen-âge étant justement l’assomption de ce pouvoir central,

Notre société repose sur des États qui ont une cohérence territoriale / La société médiévale ignore ce-e cohérence(« un important morcellement du droit de propriété »), la sortie du moyen-âge étant justement la création d’États avec des territoires vastes et cohérents.

Notre société repose sur la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et sur un principe de laïcité de l’État / La société médiévale repose sur la réunion des pouvoirs sous le même chef, elle a une religion d’État (chrétienne) et elle pratique largement la confusion entre les pouvoirs spirituels et temporels (princes-évêques ou commende : Dans le régime de la commende, un abbé (ou un prieur) commendataire est un ecclésiastique, ou quelquefois un laïc, qui tient une abbaye (ou un prieuré) in commendam, cʹest-à-dire qui en perçoit personnellement les revenus, et qui, sʹil sʹagit dʹun ecclésiastique, peut aussi exercer une certaine juridiction sans toutefois exercer la moindre autorité sur la discipline intérieure des moines).


Brianรงon


Briançon : Du gaulois « briga » : hauteur, rocher, hauteur fortifiée.

Briançon - HautesAlpes, un toponyme explicite !

Le désamour entre les Seigneurs de Briançon et les archevêques de Tarentaise. Il faut un arbitre ! Les Briançon portent le titre de vicomte de Tarentaise. En 1082, vit Aymon ou Emeric, sire de Briançon. Son histoire est controversé ; selon certaines sources, il aurait abusé de ses droits sur le péage du pont enjambant lʹIsère, ce qui aurait amené lʹarchevêque de Moûtiers, Héraclius, en 1097, à faire appel au comte Humbert II de Savoie. Lʹarchevêque aurait alors mis son diocèse sous la protection du comte, afin quʹil le délivre des tyrannies dʹAymon. Humbert II aurait mis le siège devant le château. Aymon reconnaîtra Humbert II comme son suzerain et lui rendra hommage. En remerciement du service rendu, l’archevêque aurait donné aux comtes de Savoie le château de Melphe à Salins.


Un pont stratégique : on passe de la rive droite à la rive gauche pour accéder à Moûtiers donc à la Haute-Tarentaise (= Petit-Saint-Bernard) et au Val Bozel ainsi qu’à la vallée des Belleville. Un autre pont stratégique : on arrive

à

Moû-

tiers, non par le Siboulet, mais en rive gauche du défilé de Pontserrand.

On

franchit alors de Doron grâce à un pont qui est sur le territoire de Salins. Il faut passer à Salins pour arriver à Moûtiers.


Le jeu se complique : un ménage à trois ou plus ! •

l’archevêque est comte de Tarentaise

Les Briançon sont vicomtes de Tarentaise et vassaux des comtes de Savoie

Les comtes de Savoie n’ont pas à exercer un pouvoir en Tarentaise mais ils ont un pied-à-terre (le château de Melphe et ses dépendances- Salins), un vassal dans le jardin de la Tarentaise et (?) d’autres en HauteTarentaise.

Quel est le territoire temporel des archevêques-comtes ? (le territoire de l’archevêque est le diocèse) : •

au départ, sans doute de Conflans au château Saint-Jacques, c’est-à-dire le Siaix + les vallées de Bozel et des Belleville.

Puis du château de Chantemerle (La Bâthie) à celui de Saint-Jacques avec des maisons-fortes (Villaret des Allues, Bozel) et bien sûr le Palais (domus) moûtiérain.


Les Savoie s’installent Le don du château de Melphe a été la fausse bonne idée pour les archevêques de Tarentaise : •

outre une résidence « secondaire », le château va devenir le siège d’une châtellenie donc une ramification administrative du comté de Savoie,

Donner Melphe, c’était donner Salins donc compliquer l’accès à Moûtiers.

Des zones de grande complexité Les exemples de Conflans et de Saint Jean de Belleville

1335 Le contexte : Un certain Geneveys, résidant à N.D du Pré est arrêté, suite à un méfait, par le châtelain de Saint-Jacquemoz (donc de l’archevêque). Geneveys réside à N.D du Pré mais n’est pas savoyard, il est donc « étranger ». L’enjeu : qui a le droit d’arrêter des étrangers en Tarentaise ? Empereur

Comte de Savoie

Un territoire

Comte de Tarentaise Comte de ….

Un territoire

Un territoire

Schéma tradi onnel : chaque comte est souverain

Empereur

Comte de Savoie Comte de Tarentaise territoire local territoire global

Comte de … territoire local

Schéma Maison Savoie : une suzeraineté sur toute la Savoie


L’arbitrage de Pierre de la Ravoire, châtelain du Comte de Savoie, le 24 octobre 1335 : l’archevêque de Tarentaise est souverain en Tarentaise MAIS lorsqu’il s’agit de traiter une affaire concernant un étranger à la Tarentaise, il y a une juridiction plus haute : celle du comte de Savoie. > Un prisonnier à transférer : selon ce=e jurisprudence, Geneveys ne devrait pas être incarcéré à Moûtiers mais à Melphe. Œil pour œil … : à l’archevêché, on refuse le transfert, le châtelain de Melphe fait arrêter à Moûtiers Jean Domicel, homme de l’archevêque. 25 octobre 1335 : Des gens d’armes de l’archevêque réussissent à libérer Jean Domicel de Melphe. 26 octobre 1335 : Les soldats du comte de Savoie viennent à Moûtiers, arrêtent Hugonnet Silvestre qui était intervenu la veille à Melphe et essaient de le conduire à ce château. Réplique des soldats de l’archevêque et des moûtiérains qui prêtent main forte avec des pierres : un mort et plusieurs blessés. Le comte de Savoie, Aymon le Pacifique, ne pouvant accepter ce=e action des moûtiérain, décide de me-re le siège autour des remparts de la ville. L’archevêque est, paradoxalement, Jacques de Salins. Les citoyens de Moûtiers font le serment que l’on n’arrêtera personne dans leur cité. Siège d’une quinzaine de jours. En novembre la ville doit se rendre. •

L’archevêque Jacques de Salins doit se rendre auprès du comte à Annecy. « Qu’ils subissent le siège ou laissent arrêter les étrangers chez eux ! »

L’archevêque doit se plier. Fin théorique du burgus.

Les archevêques resteront comtes de Tarentaise jusqu’en 1769 mais c’est un comitatus presque honorifique et le châtelain des comtes de Savoie (qui prendra le titre de Juge Mage pour la province de Tarentaise) va s’installer à Moûtiers intra muros puisque les remparts ont subsisté pour des raisons sanitaires et de police.


Ils s’appelaient tous Jean !

1418 - 1432, Jean V de Bertrand, ancien évêque de Genève (1408-1418) Gisant en sa cathédrale … en a endant les archéologues ?

Dans le transept sud de la cathédrale, transfert de la chapelle N.D de Bertrandis par l’archevêque Jean de Bertrand (chapelle familiale) et fondation par le même archevêque, dans le même transept sud, d’une seconde chapelle dédiée aux saints Jacques et Pierre de Tarentaise.

Lors des travaux de réfection des peintures intérieures (2009 - 2011), suite au repiquage des murs, découverte

de

deux arcs dans le mur sud du transept traduisant des ouvertures bouchées. Un rapide sondage semble montrer un tombeau avec gisant (à confirmer) derrière ce mur. •

Hypothèse actuelle de travail : il pourrait s’agir du tombeau de l’archevêque Jean de Bertrand enterré dans la chapelle de sa famille, chapelle qu’il a faite installer en ce=e partie de la cathédrale. Chantier archéologique en simple phase de protection pour l’instant.


1438 - 1454, cardinal Jean VI de l’Arces ou d’Arces (dʹArcy)

Archevêque-comte et deux fois cardinal ! Il est un des électeurs de lʹantipape Félix V en 1439. Lʹantipape Félix V le crée cardinal de SaintÉtienne le Rond lors du consistoire du 6 avril 1444. Il se soumet au pape Nicolas V, qui le crée cardinal des Saints Nérée et Achillée lors du consistoire du 19 décembre 1449. Il fut aussi prévôt du Grand Saint-Bernard.

Par testament : •

Fondation de la Maîtrise des Innocents avec deux maîtres pour la grammaire et la musique et logement dans le quartier canonial.

Un legs important qui ont permis, en 1461, les travaux de la cathédrale gothique (cathédrale V ?) qui ont essentiellement touchés la façade occidentale.


François Cirgat maçon & Jacqueme-e son épouse


1484 - 1492, Jean de Compey - Un ami et un père des franciscains

La cathèdre est le siège épiscopal. Cʹest ce siège placé dans lʹéglise de lʹévêque qui a donné son nom à ce=e église : la cathédrale. Le siège est non seulement fonctionnel, mais aussi chargé dʹune valeur symbolique : il dit la présence de lʹévêque ou de lʹarchevêque, même en son absence. Quel est lʹarchevêque qui a fait construire et installer ce=e cathèdre ? Lʹarchevêque Jean de Compeys a été un protecteur insigne de lʹordre franciscain. Nommé à la tête de lʹarchidiocèse de Tarentaise, il eut naturellement à cœur de prendre le couvent des Cordeliers sous sa protection et il lui fit don, en particulier, dʹune grande vigne que lʹarchevêché possédait le long du chemin menant à Aime, au-dessous du couvent. Il est donc logique de penser que cet archevêque, si a=aché à lʹordre franciscain, ait souhaité représenter son saint patron (Jean) et le fondateur de lʹordre des franciscains sur sa cathèdre. Un autre élément vient renforcer ce=e hypothèse : la cathédrale que Jean de Compeys a connue avait été transformée par les travaux de François Cirgat. Il est donc cohérent que lʹon ait voulu une cathèdre qui soit accordée, par son style, au nouveau décor gothique de la façade principale.


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