Mémoire HMONP, Céline Coderch, ENSAP-Bordeaux

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Architecte des risques majeurs Un profil spécialisé à l’épreuve d’une structure professionnelle d’architecture

A.D.E. : Céline Coderch Mémoire HMONP 2017 - 2018 MSP du 02.10.2017 au 31.05.2018 Structure d’accueil de MSP : LLTR Architectes Urbanistes Nom du tuteur d’agence : Philippe Loth Nom du directeur d’études : Stéphane Hirschberger

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux 740, Cours de la Libération - CS 70109 - 33405 Talence Cedex T +33(0)5.57.35.11.00 - F +33(0)5.56.37.03.23 ensapbx@bordeaux.archi.fr - www.bordeaux.archi.fr





Architecte des risques majeurs Un profil spécialisé à l’épreuve d’une structure professionnelle d’architecture


Sommaire Lexique

p. 4

Avant-propos

p. 9

Introduction

p. 11

I – L’architecte maître d’œuvre

p. 17

Les difficultés pour définir les limites de cette pratique généraliste

p. 19 1. Des compétences multiples et transdisciplinaires a. Des compétences classiques de gérant d’entreprise i. Le management d’équipe et de production : une gestion minutieuse du temps ii. Gestion financière et stratégie de fonctionnement et d’évolution iii. Prospecter pour assurer la pérennité de sa structure et son évolution ٥ Maintenir une activité en flux tendu : entre équilibre et prise de risque ٥ Minimiser les risques grâce à une diversité de marchés ٥ Une communication adaptée b. Les compétences supplémentaires acquises par l’expérience i. L’économie de la construction ii. La gestion de chantier iii. La réglementation p. 32 2. Les limites de la pratique généraliste a. Des limites floues et évolutives b. Incompatibilité avec l’accès à la commande i. L’accès aux concours ii. Réussir à se démarquer

II - Le profil d’architecte spécialisé

Forger une identité propre sans restreindre l'accès à la commande

p. 35

1. Les multiples spécialités en architecture p. 37 p. 39 2. Spécialiser sa pratique pour l’optimiser et multiplier ses marchés a. Automatismes et méthodologie de conception b. Temporalité, méthodologie et coûts maîtrisés 3. Une pratique à assumer et encadrer p. 45 a. Créer des collaborations pertinentes et pérenne grâce aux spécialités b. Un risque élevé en cas de crise dans le domaine de spécialisation c. Les domaines d’exercice spécialisés : un risque pour le devoir de conseil d. Le regard négatif porté sur l’architecte spécialisé : une vision interne à la profession


III - Les risques majeurs

Une approche transversale pour un exercice pérenne

p. 51

1. Le périmètre d’action de la profession des architectes dans le domaine des risques majeurs p. 53 a. Un large champ d’action i. Les territoires d’intervention ii. Les échelles d'intervention iii. Les phases d’intervention b. Place respective des secteurs associatif et privé i. L’objet de l’humanitaire ii. La place des entreprises privées 2. Création de l’association des Architectes des Risques Majeurs pour gagner en visibilité p. 65 a. Le statut d’architecte des risques majeurs en quête de reconnaissance b. Renforcement d’un réseau pluridisciplinaire i. Equipes de travail transdisciplinaires ii. Le projet collaboratif c. Développement d’outils pour faciliter la transmission des connaissances 3. Vers la création d’une structure en architecture adaptée à la problématique des risques majeurs p. 76

Aspirations professionnelles

p. 78

Références bibliographiques

p. 80

Remerciements

p. 83

Annexes

p. 84 p. 85 p. 87 p. 88 p. 89 p. 91 p. 92 p. 95

L'application Kaliti : un outil précieux pour le suivi de chantier Réalisation de faisabilités : tentative d'élaboration d'une fiche méthodologique Note de synthèse personnelle Fiche d'appréciation générale : Philippe Loth, Tuteur d'agence Fiche d'appréciation générale : Stéphane Hirschberger, Directeur d'étude Curriculum Vitae Compétences expérimentées


Lexique Action humanitaire d’urgence : « Elle vise à assurer l’assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit. Elle complète l’aide apportée par les autorités du pays affecté par une crise et s’inscrit dans l’ensemble plus vaste de l’assistance fournie par la communauté internationale avec en premier lieux les organisations internationales. »1 Activité économique : « L’activité économique d’une unité de production est le processus qui conduit à la fabrication d’un produit ou à la mise à disposition d’un service. »2 Aide humanitaire : « Est une façon d’aider par le biais de la solidarité (en donnant du temps) ou de la charité (en donnant de l’argent), au bénéfice de populations précaires du globe. »3 Architecte : «Le titre d'agréé en architecture est réservé aux seules personnes physiques inscrites à un tableau régional de l'Ordre des architectes ; le titre de société d'architecture aux seules personnes morales inscrites au tableau de l'Ordre.»4 Dans ce mémoire, nous utiliserons le terme "architecte" par simplification, sans oublier que seuls les architectes DPLG ou HMONP inscrits à l'Ordre peuvent peuvent précisément porter ce titre. Association : « L’association est une convention entre deux ou plusieurs personnes par laquelle celles-ci mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités. Le but de ce contrat ne doit pas résider dans le partage de bénéfices entre les parties. »5 Concurrence : « En économie, la concurrence est la compétition entre entreprises pour vendre des produits ou services identiques ou substituables. Schématique, la concurrence s’exerce soit par les prix, soit par le produit. »6 Concurrence déloyale : « La concurrence déloyale désigne l’ensemble des procédés concurrentiels dont la nature est contraire à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute causant un préjudice à un ou plusieurs concurrents. 1. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-humanitaire-d-urgence/ 2. https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1632 3. http://www.aidehumanitaire.org 4. https://www.architectes.org/la-protection-du-titre 5. https://droit-finances.commentcamarche.com/contents/1371-association-loi-de-1901-definition 6. https://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_concurrence.html

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Elle peut être constituée par de nombreux procédés, tels que le parasitisme, le dénigrement, le débauchage du personnel d’une entreprise concurrente afin d’entraîner sa désorganisation, la confusion, etc. Autre cas fréquents en pratique : le détournement de la clientèle d’une entreprise par ses anciens salariés ou le détournement du fichier client par le vendeur d’un fonds de commerce. »7 Economie de marché : « Expression désignant un système dans lequel la valeur des échanges de biens et services provient de l’offre et de la demande. Selon les tenants de l’économie de marché, ce système serait générateur de croissance économique. L’économie de marché prône l’initiative individuelle, la propriété privée et le profit comme source de motivation pour la production de richesse. L’économie de marché s’oppose par conséquent à l’économie planifiée où l’Etat intervient au détriment du libre jeu de l’offre et de la demande. »8 Etat de catastrophe naturelle : « Pour pouvoir être indemnisé en cas de catastrophe naturelle, il faut cumuler deux conditions : avoir souscrit une garantie catastrophes naturelles, et que l’état de catastrophe naturelle soit reconnu par la publication d’un arrêté au Journal Officiel. Le maire formule une demande auprès des services préfectoraux. Une commission interministérielle, pilotée par le ministère de l’Intérieur, est ensuite chargée d’émettre un avis sur le caractère de l’événement qui s’est produit. »9 Financement participatif (ou crowdfundig) : « Mécanisme qui permet de collecter les apports financiers d’un grand nombre de particuliers au moyen d’une plateforme sur internet – en vue de financer un projet. Plusieurs modalités de financement existent : le don (avec ou sans contrepartie), le prêt (avec ou sans intérêts) et l’investissement en capital. »10 « Cette forme de financement s’ouvre de plus en plus aux startups mais aussi à tout entrepreneur à la recherche de financement et/ou d’ambassadeurs de sa marque ou de son produit. Le financement participatif est désormais régi par l’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif. »11 Humanitaire : « Qui s’intéresse au bien de l’humanité, qui cherche à améliorer la condition de l’homme. »12 Intérêt général : « Dans la conception française, l’intérêt général ne résulte pas de la somme des intérêts particuliers. Au contraire, l’existence et la manifestation 7. https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/25508-concurrence-deloyale-definition 8. https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/23770-economie-de-marche-definition 9. https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Dossiers/Etat-de-catastrophe-naturelle-mode-d-emploi 10. https://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux/financement-participatif-ou-crowdfunding 11. http://www.portail-des-pme.fr/financer-son-entreprise/plateformes-de-crowdfunding 12. http://www.larousse.fr

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des intérêts particuliers ne peuvent que nuire à l’intérêt général qui, dépassant chaque individu, est en quelque sorte l’émanation de la volonté de la collectivité des citoyens en tant que telle. […] Si la loi est l’expression de la volonté générale, il ne peut être admis que des groupes d’intérêts puissent tenter d’influencer son auteur, à savoir les parlementaires. […] Cependant, l’évolution récente liée à la montée des réflexes communautaristes tend à infléchir cette conception. Enfin, il faut signaler que l’Union européenne met plus volontiers en œuvre la conception anglo-saxonne que la conception française. En effet, les lobbies sont officiellement reconnus et inscrits auprès des institutions. »13 Organisation Non Gouvernementale : Il s’avère très difficile de trouver une définition officielle. On retient qu’il s’agit d’une structure qui ne relève pas structurellement de l’Etat, ni d’institutions internationales. Elle fait preuve d’une autonomie d’action, financière et politique. SCIC : « Fonctionnement très proche de celui des SCOP. L’entreprise appartient là aussi aux salariés, mais seulement, puisque le capital peut être détenu également par les bénéficiaires de l’activité (les clients, les usagers, les fournisseurs) et par une troisième catégorie d’actionnaires regroupant des collectivités locales, des bénévoles, des financeurs, etc. Aucune de ces parties prenantes ne peut avoir la majorité, ce qui implique intrinsèquement un partage des pouvoirs. »14 « Fin 2011, on comptait 2046 coopératives adhérentes en France (dont 1910 SCOP et 136 SCIC), plus de 42 200 salariés et 3.7 milliards de chiffres d’affaires cumulés ».15 SCOP : « Dans les Sociétés Coopératives Participatives, les salariés possèdent au minimum 51% du capital, ils sont associés majoritaires. Les salariés élisent leur dirigeant en assemblée générale et sur un principe bien particulier : « une personne = une voix », quel que soit le nombre de parts de chacune. Les SCOP sont exonérées de taxe professionnelle afin d’encourager l’entrepreneuriat des salariés et bénéficient d’une assiette réduite pour l’impôt sur les sociétés. »16 SIVOM : « Un Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple est un établissement public de coopération intercommunale français. Il exerce des responsabilités variées qui lui ont été transférées par les différentes communes, souvent du même canton. […] Il a tendance aujourd’hui à être remplacé par la communauté de communes. »17 13. http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/approfondissements/interet-general-interets-particuliers.html 14. https://www.economie.gouv.fr/ess/scop-scic-cest-quoi 15. http://www.les-scop.coop/sites/fr/ 16. https://www.economie.gouv.fr/ess/scop-scic-cest-quoi 17. https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndicat_intercommunal_%C3%A0_vocation_multiple

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Société : « Une société est une entité dotée de la personnalité juridique. Elle est créée dans un but marchand, à savoir, produire des biens ou des services pour le marché, qui peut être une source de profit ou d’autres gains financiers pour son ou ses propriétaires : elle est la propriété collective de ses actionnaires, qui ont le pouvoir de désigner les administrateurs responsables de sa direction générale. »18 Spécialité : « Ensemble de connaissances approfondies dans une branche déterminée. Activité à laquelle on s’adonne d’une façon particulière et dans laquelle on réussit très bien. »19

18. https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1798 19. http://www.larousse.fr

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Avant-propos

T

itulaire du diplôme d’architecte depuis juin 2015, en ayant suivi le master Transition(s) à l’ENSA-Paris Malaquais, j’ai poursuivi mon parcours universitaire avec la formation DSA ARM (Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement en Architecture et Risques Majeurs) à l’ENSA-Paris Belleville (ENSA-PB). Je recherchais un domaine dans lequel je pourrai atteindre un épanouissement professionnel, un domaine où l’« altruisme rationnel »1 serait le moteur principal des actions individuelles et collectives. Conjointement à cette dernière formation, je me suis fortement impliquée à la fondation de l’Association2 des Architectes des Risques Majeurs (ARM). J’en assure la première et actuelle présidence. Lors de mes recherches de mise en situation professionnelle, nécessaire à l’obtention du diplôme dans cette spécialisation, j’ai réalisé que le profil d’architecte était peu attendu sur les marchés du diagnostic, de la conception et de la réalisation dans les contextes exposés aux risques majeurs3 ou du moins que les architectes avaient des difficultés à intégrer les équipes professionnelles travaillant sur ces sujets, en France et à l’étranger. Malgré de nombreuses initiatives citoyennes, municipales et ministérielles, notamment dans la prévention, l’implication et l’innovation des architectes dans ce domaine n’a pas encore fait ses preuves. Durant ses deux premières années d’existence, l’association des Architectes des Risques Majeurs s’est avérée être très efficace pour développer un réseau professionnel et pluridisciplinaire ainsi que pour donner de la visibilité aux compétences des architectes dans ce domaine. Cependant, la prise en compte de cette problématique dans la gestion des structures professionnelles s’avère également nécessaire pour porter des actions de conseil ou de maîtrise d’œuvre (MOE) et répondre aux sollicitations qui ont déjà été adressées à l’association. Je travaille actuellement en tant que collaboratrice au sein de l’agence LLTR Architectes Urbanistes4. Créée en 1987 à Paris, elle rassemble les compétences de ses trois associés architectes actuels. Ces derniers ont chacun acquis une 1. Notion développée par le biologiste Philippe Kourilshy qui définit une composante rationnelle de l'altruisme de la manière suivante : «l'obligation pour chacun de s'attacher à préserver et à renforcer les libertés individuelles des autres". 2. Cf lexique page 3 3. Cf Chapitre III pour approfondir la notion de "risque majeur" 4. Nous l'appellerons désormais "Agence LLTR"

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compétence supplémentaire : ingénieur ESTP, architecte-conseil et urbaniste. Cette richesse de compétences a permis à l’agence de développer deux échelles d’exercice. L’une en urbanisme, l’autre en architecture. Cette seconde échelle s’est peu à peu centrée sur un type d’intervention spécifique : la construction de logements collectifs neufs. L’agence LLTR est également composée de neuf collaborateurs et a la particularité de rassembler des personnes de cultures très diverses. Durant quatorze mois, en contrat CDD puis en contrat de formation, j’ai été en charge de réaliser des faisabilités, de suivre un chantier, de déposer des permis de construire et de participer à l’ensemble des phases de conception. Après ce premier CDD qui m’a paru positif, j’ai souhaité, avec l’accord des associés, y réaliser la mise en situation professionnelle propre à la formation HMONP afin d’explorer l’ensemble des compétences nécessaires pour gérer une structure professionnelle de MOE. Au cours de cette expérience, j’ai pu formuler plus précisément les problématiques liées à mes objectifs professionnels : intégrer pleinement la notion de risques majeurs à l’urbanisme et à l’architecture. Ce questionnement se réfère d’une part au développement d’une stratégie d’évolution personnelle et à celui d’une structure d’exercice professionnel, et d’autre part à la mise en place d’une méthodologie de projet. Il questionne également les limites d’exercice de l’architecte et l’évolution de son rôle dans le domaine spécifique des risques majeurs. Peut-il participer aux missions de diagnostic, de concertation et de prévention en plus de celles de MOE ? Les premières semblent essentielles pour que les secondes soient abouties, mais une répartition des tâches semble nécessaire. La conjonction de mes objectifs d’évolution professionnelle et les réflexions des responsables de l’agence LLTR sur leur éventuelle évolution m’ont ainsi amenée à réfléchir sur les modalités d’exercice. En particulier, il m’importait d’étudier comment la spécialisation en risques majeurs pouvait s’inscrire dans une structure d’exercice professionnel en architecture et quelles étaient les problématiques propres au profil d’architecte généraliste et d’architecte spécialisé.

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Introduction

L

a profession des architectes est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis. Les nouvelles réglementations concernant les normes incendies, environnementales et les personnes à mobilité réduite notamment demandent des connaissances techniques très précises. D’autres attentes comme les approches participatives ou de conception 3D à travers le Building Information Modeling par exemple sont exprimées par certaines maîtrises d’ouvrage. Les architectes doivent ainsi faire preuve de compétences de plus en plus larges. D’autre part, la pression démographique de la profession depuis les années 70, renforcée sous l’impact des crises économiques, sociales puis environnementales, a entraîné des « logiques de différenciation »1 des métiers de la construction. Une partie de ces métiers est assurée par les architectes.

Actuellement, les diplômés en architecture ont des activités très diversifiées, au-delà de la définition donnée par l’article 2 du Code de déontologie des architectes2. D’après le rapport de 2001-2002 du centre de ressources du Réseau Activités et Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (Ramau), « Dans les 10 ans qui suivent leur diplôme, 64% [des nouveaux diplômés en architecture] occupent une activité dans le domaine de la MOE, 23% exercent une autre activité. »3 Il existe donc une diversité d’autres métiers avec une formation initiale commune. Isabelle Chesneau, responsable pédagogique de l’HMONP à l’ENSA-PM, note dans l’ouvrage Profession architecte4 que « Cette logique de spécialisation/ diversification questionne d’autant plus qu’elle semble, en outre, incompatible avec l’article 2 du Code de déontologie des architectes, définissant les « Missions de l’architecte. […] Selon cet article, la pluriactivité des architectes correspond à un principe de cumul des activités autour de la fonction de MOE et non de substitution. » Depuis 1985, la loi relative à la Maîtrise d’Ouvrage Publique et à ses rapports avec la Maîtrise d’Ouvrage Privée, dite loi MOP, a défini les termes de la mission d’un architecte, en différenciant une mission de base et des missions complémentaires. Depuis cette date, les limites et les rémunérations qui 1. JOFFROY, Pascale, Trente ans de mutations, Dossier “Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ? », D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 2. «La vocation de l'architecte est de participer à tout ce qui concerne l'acte de bâtir et l'aménagement de l'espace ; d'une manière générale, il exerce la fonction de maître d'œuvre.» 3. Concernant les 13% restants : 2% en formation, 7% en recherche d'emploi, 2% autre situation, 2% non renseigné. 4. CHESNEAU, Isabelle, Profession architecte, Ed. Eyrolles, Paris, ENSAPM, 2018, 554 pages

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accompagnent les missions de l’architecte n’ont pas été révisées pour lui permettre de répondre correctement aux attentes évolutives évoquées précédemment. Attendus sur une diversification de leurs compétences, les architectes peuvent être amenés à composer des groupements de travail avec un nombre grandissant de bureaux d’études et d’assistants à maîtrise d’ouvrage (AMO), souvent sous la recommandation des maîtrises d'ouvrage. D’après le dossier Les architectes et l’évolution du métier à l’horizon 2030, publié par le Conseil National des Ordres des Architectes en 2013, les architectes pensent qu’il est nécessaire d’intégrer les professions suivantes pour que les agences d’architecture puissent répondre aux attentes de la société : économistes de la construction, ingénieurs, spécialistes en qualité environnementale, juristes, urbanistes, paysagistes et programmistes. Dans cette même étude, on apprend que 78% des architectes pensent que pour assurer l’adaptation de leur agence aux nouvelles exigences, il leur est nécessaire de diversifier leur pratique en architecture et d’avoir une agence généraliste. Face à cette nécessité de combiner des compétences diversifiées et complémentaires, nous questionnerons la pertinence d’une éventuelle évolution du profil des agences d’architecture. En effet, « La complexification de la construction, qui a favorisé l’apparition de nouvelles professions de la MOE, a contribué à recentrer les interventions des architectes sur les seules missions de conception, voire, dans certains cas, à les cantonner dans l’élaboration des permis de construire au service de projets prédéfinis. »5 Dans le dossier Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?6 , dirigé par l’architecte Pascale Joffroy, les sociologues Guy Tapie et Thérèse Evette, ont observé une fragmentation de la profession des architectes en réaction à ce phénomène. D’après Pascale Joffroy, les architectes ont pu s’emparer de nouveaux domaines de compétences par le biais de spécialisations dans des domaines techniques, la participation à des phases en amont de la conception pour la programmation et le montage d’opération, et en aval à travers la gestion de projet. Pascale Joffroy propose ainsi de créer « un diplôme à part entière sur l’architecture du développement durable par exemple, alors que l’on manque d’architectes experts sur le sujet. Ou sur d’autres questions transversales comme l’accessibilité, la norme, l’économie constructive. ».

5. La profession d’architecte : la crise d’une profession réglementée, URL : https://www.senat.fr/rap/ r04-064/r04-0643.html 6. JOFFROY, Pascale, Trente ans de mutations, Dossier “Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ? », D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009

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Revendiquer un profil d’architecte spécialisé présente-t-il des avantages et des perspectives pour s’assurer un avenir prospère dans la profession ? L’architecte entrepreneur doit-il développer une stratégie de diversification de ses compétences, autrement nommée polyactivité, et/ou une spécialisation ? Sur un marché où la concurrence est forte du fait de la démultiplication de petites structures, on peut effectivement penser qu’affirmer une identité propre peut être bénéfique aux agences d’architecture. Nous verrons a contrario que le fait de se spécialiser peut présenter plusieurs inconvénients. D’après l’architecte Marie Aquilino, « trois contextes humanitaires7 constituent le grand défi pour l’avenir : l’urgence des catastrophes naturelles, le quotidien urbain dans les mégalopoles, et le déplacement et les migrations des populations confrontées aux guerres et aux catastrophes climatiques. […] L’accélération des catastrophes climatiques est maintenant criante : les risques naturels aujourd’hui de plus en plus fréquents sont une conséquence du dérèglement écologique et climatique. »8 C’est dans ce contexte complexe du point de vue environnemental et humain que l’on tentera de développer notre stratégie d’évolution et/ou de création d’une structure professionnelle. Après avoir exploré le profil d’architecte maître d’œuvre – le profil généraliste, une analyse sera ainsi menée sur le thème de la spécialisation en architecture. Dans un troisième temps, nous étudierons le cas particulier de la spécialisation dans le domaine des risques majeurs qui semble constituer une opportunité et que je souhaite mettre en œuvre dans le cadre de mon projet professionnel. Pour répondre aux besoins des zones à risques, une partie des architectes intègre peu à peu de grandes ONG internationales, mais très peu de structures économiques classiques exercent dans ce contexte particulier. Au fil du développement, nous agrémenterons le propos grâce à différentes expériences professionnelles et associatives et à l’analyse du fonctionnement de l’agence LLTR en particulier.

7. Cf lexique page 4 8. AQUILINO, Marie Jeannine, Beyond Shelter: Architecture and Human Dignity, Ed. Metropolis Press, New York, 2011, 303 pages

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Organigramme L'agence LLTR Architectes Urbanistes

Gérants Philippe Loth

Olivier Le Boursicot

Associé

Associé

Guillaume Testas Associé

Permanents Karolina Fidor

CDI - 3/5 Conception et chantier

Dounia Hamdouch

Tetsuya Kawano

CDI - 4/5 Conception et chantier

Bongsoo Soon

Auto-entrepreneur PRO

CDI Conception et 3D

Salariés temporaires Céline Coderch

CDD - Formation HMONP Conception

Yvon Arramounet/Alex Salini

CDD - Formation HMONP Conception et chantier

Youh-Seong

Relja Kocovic

Auto-entrepreneur Conception

Auto-entrepreneur Conception

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Clémentine Lebeau

CDD - Formation HMONP Conception


« A travers ses 30 années d’exercice, l’agence LLTR a développé des compétences solides. Coordinations opérationnelles, études de faisabilités, cahiers des charges et fiches de lots, suivis des consultations des différents MOE, réunions et ateliers de concertations font partie des missions qui lui ont été confiées par différents Maîtres d’Ouvrage (MOA) publics et privés, aménageurs ou collectivités territoriales. Cette expérience a été efficacement affinée et renforcée par ses activités parallèles puisque l’agence a réalisé de nombreuses opérations de logements en accession ou locatifs sociaux, aussi bien en secteur maîtrisé que dans le diffus. L’agence connaît donc précisément tous les mécanismes opérationnels mais aussi les préoccupations de tous les différents intervenants qui initient et animent une opération d’aménagement ou un projet de construction de logements. Cette complémentarité de compétences lui permet de garantir avec plus d’efficacité et de réalisme la fiabilité de ses études de faisabilité ainsi que la maîtrise des chantiers »9.

9. Texte descriptif de l’agence LLTR utilisé pour les candidatures

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N.B. : Ce travail s’appuie sur plusieurs références et cas d’étude afin d’explorer une thématique précise et des questionnements personnels. Il ne remet en aucun cas en question la qualité du travail produit par les différentes structures professionnelles analysées.

N.B. : Les illustrations pour lesquelles aucun copyright n'est mentionné sont des documents personnels. 16


I. Architecte maître d’œuvre Les difficultés pour définir les limites de cette pratique généraliste

D

’après la sociologue Thérèse Evette, « le modèle dominant est toujours le modèle ‘canonique’ de l’architecte maître d’œuvre, celui qui construit. »1 On peut ainsi considérer que l’architecte maître d’œuvre est le profil de l’architecte généraliste.

L’ouvrage Etre architecte, présent et avenir d’une profession fournit une définition de la mission de l’architecte maître d’œuvre. « [L’architecte] accomplit des prestations de conseil et d’assistance, de conception, de création, de direction et de contrôle en vue de la réalisation d’un ouvrage qui est construit au moyen d’autres marchés conclus avec les entrepreneurs. Cette mission se décompose principalement en trois phases : la conception-création de l’ouvrage à réaliser, l’assistance au maître d’ouvrage (AMO) et la direction et le contrôle de l’exécution des marchés de travaux. »2 En marché public, ce modèle correspond à la définition des missions imposées à l’architecte par la loi MOP, décomposées en « mission de base » et en « missions complémentaires ». La mission de base se décompose en plusieurs phases, de l’étude à l’exécution des travaux. Les missions complémentaires sont difficilement définissables puisqu’elles varient selon les impératifs des projets. En marché privé, l’architecte peut prendre davantage de libertés dans son exercice, en accord avec les maîtrises d’ouvrage. L’exercice et les compétences de l’agence LLTR seront analysés afin de tenter de définir le rôle d’un architecte généraliste.

1. JOFFROY, Pascale, Trente ans de mutations, Dossier “Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ? », D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 2. BARRE, François, CONTENAY, Florence, MARQUES, Ruth, HACQUIN, Raphaël, CHASSEL, Francis, Etre architecte, présent et avenir d’une profession, Editions du patrimoine, Paris, « Centre des monuments nationaux », 2001, 294 pages

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Plan masse, Permis de Construire © LLTR, le 13.04.2017

Elévation sud, Permis de Construire ©LLTR, le 13.04.2017

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1. Des compétences multiples et transdisciplinaires L’architecte MOE peut assurer des « missions complètes », c’est-à-dire assurer l’ensemble des tâches de la « mission de base ». De nombreuses compétences sont requises pour assurer de telles missions au sein d’une structure d’architecture. Pour gérer une société3 et un projet de son obtention jusqu’à sa réalisation, les compétences nécessaires s’acquièrent au cours des études et de la formation HMONP mais surtout sur le terrain et au cours des expériences professionnelles. a. Des compétences classiques de gérant d’entreprise

i. Le management d’équipe et de production : une gestion minutieuse du temps

Selon les agences, la production des documents graphiques et écrits peut être répartie de différentes manières. Les gérants peuvent assurer l’ensemble de cette production ou en superviser une partie ou la totalité, tout en répartissant les tâches dans le temps. Souvent, une équipe peut assurer soit la réalisation d’un projet en entier soit être dédiée à un type de tâche ou de phase pour différents projets. Selon les structures, l’organisation du planning peut également varier. Schématiquement, au sein de l’agence LLTR, les associés assurent principalement la prospection et le suivi de chantier. Ils produisent également les notices architecturales et synthètisent les pièces écrites des projets en cours produites par les BET. La production des pièces graphiques et une partie des autres tâches sont confiées aux collaborateurs. Ce mode de fonctionnement est particulièrement formateur pour les différents collaborateurs car il permet l’implication de chacun sur une diversité de typologie de projets. De plus, chacun expérimente l’ensemble des phases de conception et de réalisation, quelle que soit son expérience. Dès l'arrivée au sein de l’agence LLTR, il m'a été possible de participer au montage d’un dossier de Demande de Permis de Construire pour vingt-six logements collectifs et deux maisons individuelles à Clamart. En parallèle, plusieurs faisabilités pour des maîtrises d’ouvrage privées devaient être réalisées. Sans expérience préalable dans ce type de tâches et d’opérations, l'encadrement par l’un des associés et par des collaborateurs expérimentés m'ont permis d'acquérir une multitude de connaissances sur les normes concernant l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et la sécurité incendie et la méthodologie pour 3. Cf lexique page 6

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Axonométrie, Concours Le Perreux-sur-Marne © LLTR, le 28.04.2017

Façade nord, Concours Le Perreux-sur-Marne © LLTR, le 28.04.2017

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concevoir un projet cohérent. Appréhender la gestion d’un chantier pour un promoteur privé (vingt-quatre logements en accession pour le Groupe Accueil) et d’un autre pour un bailleur social (six maisons individuelles en accession et quinze logements collectifs pour Immobilière 3F) a également été particulièrement enrichissant. Cette organisation peut en revanche présenter un risque concernant le suivi et la cohérence globale des projets. Un collaborateur n’assurant pas systématiquement le suivi de chantier du projet qu’il a conçu, seuls les gérants peuvent assurer les relations avec les différents acteurs extérieurs, soient la Maîtrise d’Ouvrage (MOA), le Coordonnateur Ordonnancement, Pilotage et Coordination (OPC) et les entreprises. Il peut sembler judicieux de créer une certaine hiérarchie opérationnelle parmi les collaborateurs pour que les chefs de projets consacrent davantage de temps dans la gestion des projets quand d’autres collaborateurs assurent la production des différents documents. Cette hiérarchie peut être amenée à évoluer projet après projet pour que chaque collaborateur puisse développer une pratique diversifiée et stimulante selon sa progression. Concernant la gestion du temps, le travail au sein de l’agence LLTR est exécuté selon l’urgence de la tâche à réaliser et peut être réparti selon la disponibilité des collaborateurs. Pourtant, d’après plusieurs échanges, des estimations pourraient être communiquées grâce à l’expérience accumulée de ses gérants et permettre de gérer un planning collectif. En effet, les deux domaines spécifiques d’exercice de l’agence permettent de réaliser des moyennes de temps nécessaire pour la réalisation des tâches mais également pour une projection sur un terme relativement long des projets en cours et à venir. Par exemple, l’expérience accumulée dans la construction de logements collectifs neufs d’une certaine ampleur permet d’estimer qu’une fois le permis de construire obtenu, le chantier va durer au minimum 18 mois. Cela permet d’évaluer la durée pendant laquelle le projet en question va mobiliser un ou plusieurs collaborateurs et à quel moment un nouveau marché devra entrer dans l’entreprise pour assurer sa pérennité. De même, les faisabilités pour l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France4, doivent systématiquement être produites en deux semaines selon le contrattype signé par les deux parties, avec un rendu intermédiaire. Rassembler ce type d’informations permettrait à chaque membre de l’équipe d’acquérir une visibilité sur les échéances et d’organiser son travail en conséquence. Les gérants gagneraient également en clarté dans la transmission d’informations auprès de leurs collaborateurs. 4. Nous développerons les modalités de ce type de mission en II.1.a

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ii. Gestion financière et stratégie de fonctionnement et d’évolution Initialement reliés par une Société Civile de Moyens (SCM), les associés de l’agence LLTR ont décidé d’évoluer vers une SARL en 2008 après 21 ans d’exercice, sous le conseil de l’Ordre des architectes afin de limiter la responsabilité de chaque associé. Effectivement, au-delà du plafond de prise en charge par la MAF, les architectes en statut libéral doivent acquitter le reste du dédommagement en cas de responsabilité avérée. En SARL, la responsabilité engage la société et non pas directement les personnes physiques. Ce statut assure également une égalité entre les différents gérants. Depuis le changement de statut de l’agence, ces derniers sont Travailleurs Non Salariés. Ils cotisent pour la retraite et l’assurance maladie mais ne possèdent pas de mutuelle propre à leur structure. Ils y cotisent en parallèle. Une gestion précise de la comptabilité est assurée par l’un des trois associés. Il établit les prévisions financières selon un tableau intitulé « Simulations » qui intègre le passé ainsi qu’un prévisionnel sur trois ans environ. Un deuxième tableau est renseigné dont les différentes entrées sont les suivantes : l’affaire, l’année de sa réalisation et l’associé responsable de celle-ci. Cet outil permet d’évaluer la rentabilité par type de projet réalisé. Chaque affaire est listée avec le montant d’honoraires correspondant, mois par mois avec son statut : « encaissé », « à encaisser » ou « facturé ». Un troisième tableau correspond à l’ensemble des dépenses et indique, mois par mois, les charges sociales, les honoraires, le montant de la cotisation à la MAF, les frais d’agence, les crédits et les salaires. Les gérants ont choisi de baser la rémunération des salariés selon une classification établie avec la comptable extérieure à l’agence et non pas uniquement selon la convention collective. Un équilibre est ainsi assuré selon l’ancienneté des salariés et l’évolution de leurs compétences. Par ailleurs, lors de l’élaboration des contrats de MOE, il est nécessaire d’évaluer finement quelles seront les tâches et le temps passé afin de répartir justement les honoraires de chaque intervenant. Pour le projet à Issy-Les-Moulineaux par exemple, les honoraires de MOE s’élevaient à 7.2% du montant des travaux. D’après l’un des gérants, il restait alors peu de marge pour rémunérer les Bureaux d’Etudes Techniques. Les BET étaient en sous-traitance et devait être rémunéré à hauteur de 20%. 7.2x20% = 1.4% des honoraires de MOE étaient alors pour ce BET. Il restait un taux d’honoraire de 5.8% pour l’architecte après cette déduction. Afin d’assurer une flexibilité dans le recrutement et la forme d’exercice, les associés acceptent le profil de chacun de leur collaborateur : formation HMONP, congé maternité, télétravail, statut d’auto-entrepreneur, horaires flexibles pour 22


Réunion de chantier (MOA, MOE, OPC, GO, tailleur de pierre) Issy-Les-Moulineaux, le 07.09.2018

participer à des concours en parallèle de l’agence par exemple, 2/3 ou 4/5 temps, etc. Selon les projets, la gestion financière est plus ou moins aisée. Effectivement, chaque MOA rémunère à des temps différents de l’avancée du projet, selon les modalités du contrat signé. Par exemple, durant les phases de conception, le Groupe Accueil rémunère l’architecte au dépôt du PC, une autre partie à l’obtention du PC et le solde à la fin de la période de recours des tiers. Le Groupe des Nouveaux Constructeurs, quant à lui, rémunère à l’achat du terrain. Ces aléas rendent le prévisionnel financier difficile à définir. Depuis quelques années, le chiffre d’affaires de l’agence augmente régulièrement et permet de générer des embauches. Cette croissance financière peut permettre de définir une stratégie d’évolution et de réaliser des choix d’investissements. Les associés expriment effectivement plusieurs souhaits d’évolution. En trois ans, la structure est passée de 7 à 12 membres, en comprenant les trois associés. De même, au cours de l’année 2017, l’agence a pu louer un nouveau local afin d’accueillir trois nouveaux collaborateurs, procurer les licences d’un logiciel BIM à ses collaborateurs et les former, dégager du temps pour quelques 23


candidatures ciblées et réaliser de nombreuses faisabilités. La direction de la société souhaiterait également embaucher une assistante de direction pour soulager la part administrative qu’ils assurent eux-mêmes actuellement. Cette personne pourrait de plus réaliser des candidatures, nécessaires pour l’accès à la commande publique et ainsi obtenir davantage de marchés de logements sociaux. Il s’agit d’un souhait d'augmentation du nombre d’affaires ainsi que d’une démarche de différenciation, l’agence ayant réalisé une majorité de marchés privés au cours de son existence. L’analyse du fonctionnement de l’agence LLTR nous permet de comprendre que la croissance d’une structure implique des modifications de la gestion du travail d’une part et des ressources humaines d’autre part. Elle engendre également la stimulation de l’ensemble de l’équipe en place. Il est toutefois justifié de réviser l’organisation générale pour que chaque membre puisse définir son rôle au cours de cette évolution. C’est ce type de fonctionnement, organisé autour d’une communication fréquente et collective, qui semble pouvoir assurer une longévité au fonctionnement d’une structure ainsi qu’une éventuelle passation de responsabilités voire de société dans les meilleures conditions. iii. Prospecter pour assurer la pérennité et l’évolution de sa structure

٥ Maintenir une activité en flux tendu :

entre équilibre et prise de risque

A titre d’exemple, l’agence LLTR a été créée par quatre amis dont trois avaient réalisé leur projet de fin d’études collectivement. Ce projet leur a permis d’être lauréats et d’être publiés dans les Albums des Jeunes Architectes5 de 1986. Une première opportunité pour la construction d’une opération de logements collectifs a occupé les trois premières années d’existence de leur société, ils se sont tous les trois consacrés à cet unique projet. A la livraison de ce bâtiment, il a été difficile de trouver de nouveaux marchés car les gérants n’avaient pas réalisé de prospection précédemment. Depuis, ils savent que leur société doit être en flux tendu pour pouvoir assurer sa prospérité et son développement. Les associés de l’agence LLTR sont abonnés à de nombreuses revues d’architecture et consultent fréquemment le magazine Le Moniteur, notamment pour repérer les annonces intéressantes pour des candidatures aux concours. Si leur candidature est retenue pour un concours, ils n’hésitent pas à recruter des free-lance voire des salariées en CDD plutôt que de devoir refuser le concours. Une opportunité pour la construction de logements collectifs s’est par la suite transformée en une spécialité. La réalisation de faisabilités pour l’Etablissement Public Foncier et l’accès à des 5. Devenus AJAP en 2006

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concours restreints grâce à leurs références et aux relations qu’ils entretiennent avec le bailleur social I3F y participent. Par ailleurs, l’agence refuse rarement de réaliser des faisabilités, parfois à titre gracieux pour des maîtrises d’ouvrage pour lesquelles elle a l’habitude de travailler. L’objectif est de poursuivre ces projets. Un échange fréquent et des relations sur le long terme s’instaurent ainsi avec plusieurs maîtrises d’ouvrage qui assurent des missions régulières à l’agence. L’exemple ci-dessus montre qu’il est nécessaire de prospecter et de travailler simultanément sur plusieurs marchés pour assurer le bon fonctionnement d’une structure généraliste. ٥ Minimiser les risques grâce à une diversité de marchés

Les associés de l’agence LLTR ont développé une stratégie pour créer un réseau et accéder à des marchés. Ils ont tous été architecte-conseil de l’Etat, d'une ville ou d'un CAUE après plusieurs années d’exercice. On peut aujourd’hui observer plusieurs géographies d’intervention de l’agence. Certaines ont découlé des missions d’architecte-conseil des associés6. De même, des marchés d’urbanisme dans le passé ont laissé davantage de place aux projets d’architecture aujourd’hui. Les premiers ont peut-être permis d’obtenir les seconds. Ces expériences permettent en effet d’interagir avec d’autres professions et d’être à même de monter des opérations à grande échelle. Le sociologue Guy Tapie souligne ainsi que « L’implication des architectes dans les études et les projets d’urbanisme n’incite pas seulement à se réjouir de leur capacité de pénétration dans un secteur qui leur a longtemps échappé. Elle amène aussi à observer comment les logiques de ce domaine d’activité interagissent avec la vision du métier, au-delà même de la MOE. »7 Orienter la prospection vers plusieurs territoires semble également constituer une partie de la stratégie de l’agence LLTR. A travers la mission d’architecteconseil de la ville de Boulogne, l’agence a obtenu et obtient règulièrement des projets en Ile-de-France. Elles prespecte également dans d'autres régions françaises. 6. Olivier Le Bourcicot est architecte-conseil de l'Etat dans le département du Nord et architectecoordonnateur de la Porte des Lilas depuis 2002. Philippe Loth est architecte-conseil de la ville de Boulogne et architecte-coordonnateur de la ZAC Beaujon depuis 2003. Guillaume Testat est architecte-conseil au CAUE 78 et architecte-coordonnateur du quartier Beaugrenelle depuis 2009. 7. JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009

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ComplexitÊ de planning du fait de l'alternance pierre et bardage bois en façade Issy-Les-Moulineaux, le 05.10.2017

Panneau publicitaire sur rue pour la commercialisation des logements du chantier en cours Issy-Les-Moulineaux, le 06.10.2017

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Plusieurs agences dans lesquelles j'ai travaillé semblent avoir adopté la même stratégie. L’agence XLGD construit à la Martinique et en Autriche, l’agence Mu architecture a installé son équipe à Paris mais détient un local à Tours où se trouvent une partie de leurs contacts personnels, l’agence Zoomfactor construit en Ile-de-France et a développé un partenariat avec une filière bois à Roanne. On constate que pour assurer le bon fonctionnement d'une agence, il est pertinent de diversifier sa pratique pour être capable de rebondir en cas de crise sur l’un ou l'autre des types de programme et des territoires d’intervention. ٥ Une communication adaptée

Le code des devoirs professionnels des architectes autorise à communiquer sur les projets réalisés par les agences mais règlemente la publication8. Dans ce périmètre, chaque agence peut établir une communication adaptée à ses objectifs de développement. Dans le cas de l’agence LLTR, cette démarche semble maîtrisée. Contrairement à des agences créées plus récemment, l’agence LLTR n’utilise pas les moyens de communication directs tels que Facebook et Instagram. Plutôt que de diffuser largement, les associés réalisent une sélection parmi la multitude de projets réalisés en trente ans et les mettent en avant sur le site internet ou pour les candidatures. Leur stratégie est de fidéliser les maîtrises d’ouvrage avec lesquelles ils travaillent. Elle permet de palier à des situations parfois complexes. Cette démarche est cohérente avec la politique de recrutement de l’agence qui s’appuie exclusivement sur le bouche à oreille. De même, la participation des gérants à des jurys de concours permet d’enrichir ce réseau, tant pour trouver de nouveaux marchés que pour constituer des collaborations à plus ou moins long terme avec d’autres acteurs de la MOE. L’agence a par ailleurs été publiée dans des magazines spécialisés reconnus par la profession : le magazine AMC en 2014 pour un immeuble label BBC de 87 logements sociaux construit dans un écoquartier à Bègles (33) et Le Moniteur pour le quartier de la Villa des Suisses ; 40 maisons de ville situées à Nanterre (92), dont 16 sociales et 24 en accession. Par le biais de cet exemple, nous comprenons donc qu’il est intéressant de développer une communication adaptée aux objectifs et moyens de l’agence. Bien entendu, pour des agences ayant d’autres objectifs, d’autres types de communication devront être mis en place et devront faire preuve de créativité. 8. Article 10 bis, Décret 80-217 du 20 mars 1980 modifié

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Opérations Préalables à la Réception Issy-Les-Moulineaux, le 12.02.2018

Intégration du projet dans le quartier de L'Ile-Saint-Germain © David Foessel, Issy-Les-Moulineaux, le 12.12.2017

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b. Les compétences supplémentaires acquises par l’expérience Le cursus de formation en architecture est généraliste. Il ne permet pas d’appréhender toutes les connaissances techniques nécessaires à la pratique opérationnelle. Selon ses affinités et ses objectifs professionnels, c’est par l’expérience et la pratique que l’architecte les acquerra. i. L’économie de la construction Les associés de l’agence LLTR ont développé une expérience commune au cours de trente ans de pratique. Ils connaissent les prix et le fonctionnement du marché et ont surtout créé les contacts qui leur apportent des réponses qualitatives aux questions qui peuvent se poser dans le cadre de certains projets. Ils connaissent également les coefficients qui leur permettent de réaliser des premières estimations dès les prémices du projet. Ils connaissent aussi le prix des matériaux au mètre carré et des gammes correspondant aux attentes de chaque type de MOA, notamment au niveau des façades. Cet exemple souligne l’importance de l’expérience et de la capacité à la capitaliser. ii. La gestion de chantier Au cours des réunions de chantier, le rôle de l’architecte est parfois difficile à définir, entre celui du Coordonnateur Ordonnancement, Pilotage et Coordination (OPC) et ce lui du MOA. Par exemple, lors du suivi des chantiers à Issy-Les-Moulineaux et à Stains, réalisés avec des corps d’état séparés, l’OPC dirige les réunions de chantier, diffuse le planning et vérifie le partage des plans entre les différents acteurs. Il supervise la bonne réalisation des tâches de chaque entreprise en temps et en heure. La mission de l’architecte est plus ciblée sur des choix architecturaux ponctuels. L’architecte est l’intermédiaire entre la MOA et les entreprises, comme l’OPC. Pour un autre chantier à Nanterre, la MOA a proposé à l’agence LLTR d’assurer un suivi architectural avec une visite mensuelle. Dans le cadre de ce type de contrat, le rôle de l’architecte est très succinct. Le chantier est le lieu propice à l’apprentissage des notions techniques pour l’architecte. C’est à l’occasion de ces visites et des échanges avec les différents acteurs de la construction qu’il va approfondir les détails de ses projets. Ces acquis sont essentiels pour pouvoir rédiger des CCTP adéquats et dessiner précisément les phases avancées de conception. Ils permettent également d’anticiper l’économie du projet. 29


RĂŠunion de chantier Stains, le 12.02.2018

RĂŠunion de chantier Stains, le 19.03.2018

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C’est dans cet esprit que Patrick Colombier, président du Syndicat de l’architecture exprime la richesse et la nécessité que constitue la mission de chantier assurée par les architectes dans le dossier Les enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ?9 « La mémoire du projet repose bien sur la permanence d’un interlocuteur unique ; l’architecte, qui a la maîtrise des informations à transmettre en tant qu’auteur du projet. C’est ce qui explique la forte implication de nombreux architectes sur leurs chantiers, sachant que l’importance du travail sur le terrain est d’autant plus essentielle que c’est là qu’ils acquièrent une véritable expérience de la construction […]. Dans beaucoup d’agences, la division du travail va d’ailleurs dans le sens d’une spécialisation des collaborateurs, avec des concepteurs pour les concours, des metteurs au point pour les APD et les DCE et des spécialistes du chantier ». Dans ce même esprit, Philippe Loth, co-associé de l’agence LLTR énonce que « l’architecte est un rassembleur de données, un généraliste. Il réalise des dessins de conception, moins techniques que ceux fournis par les bureaux d’études ou les entreprises. Sur le chantier, il a un rôle d’intermédiaire. Ni conducteur de travaux, ni artiste, il n’a plus non plus la figure autoritaire d’autrefois. Il a une approche globale. » La toute récente création d’un double diplôme Architecte-manager entre l’école d’architecture de Versailles et l’ESSEC10 semble pertinente pour créer une structure d’architecture et détenir de telles compétences managériales. iii. La réglementation Au cours des études en architecture, l'approche réglementaire n'est pas systématique. On constate que c'est avec l'expérience et au contact de BET techniques et spécialisés que l'architecte peut s'assurer une formation continue pour être au fait de l'évolution des règlementations. De même, ce n'est souvent qu'à travers des stages et d'autres expériences professionnelles que les étudiants en architecture acquièrent les compétences indispensables à l'exercice de leur métier.

9. DESMOULINS, Christine, Les enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ?, Compétences nécessaires sur le chantier pour assurer sa mission de MOE, D’architectures, n° 189, mars 2010, p. 37-51 10. Article : Création d’un double diplôme Architecte-manager, www.batiactu.fr, 20/04/2018 à 15h00

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2. Les limites de la pratique généraliste a. Des limites floues et évolutives Il est difficile de détenir les compétences nécessaires à la réalisation de tout type de construction du fait notamment de la complexification des réglementations et des spécificités pointues de chaque technique de construction. Le rôle premier de l’architecte est de porter un regard, d'assurer une gestion globale du projet et de savoir travailler avec les professionnels détenant les compétences nécessaires sur les différents aspects techniques. Dans les faits, chaque agence d’architecture développe certaines compétences et en délaisse d’autres, selon les affinités de ses gérants et le cours des événements. La pratique individuelle et collective de l’architecture s'adapte à chaque situation. b. Incompatibilité avec l’accès à la commande i. L’accès aux concours Juridiquement, tout architecte inscrit à l’Ordre a accès à toutes les commandes publiques. Cependant, il est demandé de présenter des références récentes et en adéquation avec le sujet du concours. Ce critère de sélection implique dans une certaine mesure d’être spécialisé et de cibler le type de projets à réaliser. Les grandes agences peuvent déployer les moyens nécessaires pour réaliser une grande diversité de projets. Les petites et moyennes agences peuvent quant à elles rencontrer des difficultés pour réaliser trois à cinq projets de plusieurs types de programme ou fourchette de budget tous les trois ans. Il existe donc une incompatibilité entre la diversification de l’exercice et l’accès à la commande publique pour les petites et moyennes agences. Nous avons vu les démarches mises en place par les associés de l’agence LLTR pour faire évoluer leur agence. Au vu des compétences internes, une augmentation de la part des études urbaines dans l’activité de l’agence pourrait constituer une bonne opportunité. Les associés ont compris que sans références, ils ne pourront pas obtenir d’autres types de marchés. Leur exercice s’est ainsi essentiellement développé dans des opérations de logements collectifs neufs. ii. Réussir à se démarquer L’agence LLTR s’avère être une structure professionnelle généraliste du point de vue de la diversité des phases au cours desquelles elle intervient et de sa maîtrise globale de l’exercice de la MOE. Au fil des années, elle s’est forgé un profil qui 32


peut lui conférer des domaines de compétences particuliers. Elle réunit des compétences dans les phases de conception auxquelles s’ajoutent les savoirfaire propres au suivi de chantier : préparation de chantier (administration et relationnel), gros œuvre et second œuvre (précision, autorité, patience, suivi attentif et coordination des différents acteurs du chantier). Tout en étant une agence généraliste, l’agence LLTR a réalisé un grand nombre de projets dans un même domaine programmatique. Elle a ainsi développé une identité visible pour laquelle on la sollicite. Les maîtrises d’ouvrage sollicitent souvent les grandes agences d’architecture pour leur savoir-faire spécifique et pour leur forte identité. Citons pour exemple Lacaton & Vassal pour la flexibilité de leurs bâtiments, Rudy Ricciotti pour le travail du béton, Patrick Bouchain pour ses innovations programmatiques, ou encore Frédéric Bonnet pour l’intégration de l’agriculture et des milieux naturels à l’aménagement urbain. Ces architectes ont su se créer une notoriété grâce à de bons outils de communication. On voit donc que la capacité à développer de nouveaux marchés est largement impactée par la visibilité des compétences et par le caractère remarquable des réalisations d’une agence.

∞∞∞

Les associés de l’agence LLTR ont réalisé trois équipements dont une caserne de pompiers, des annexes pour la mairie du Mont Valérien et une crèche. Mais ces projets n’ont pas permis de créer une réelle diversification. Sa reconnaissance vient toutefois de la mise en lumière de ses compétences approfondies dans un secteur particulier. Une expérience diversifiée s’est développée concernant les types de MOA (publiques et privées) et les types de marchés : accord-cadre avec I3F, des réponses à de multiples appels d'offre pour des faisabilités, conceptionréalisation, concours restreints, missions complètes, missions de conception avec suivi architectural uniquement. Nous avons vu comment fonctionnait une agence d’architecture généraliste. L’exemple de l’agence LLTR montre que derrière une agence généraliste, une spécialisation s’opère souvent naturellement de par la pratique et les réseaux formés. Nous pouvons noter qu’il est très important de rassembler des références très diversifiées dès le début d’exercice si l’on souhaite maintenir une ouverture programmatique sur tout le temps d’existence d’une société. « L’hybridation des compétences est signe à mes yeux d’une capacité d’adaptation professionnelle aux techniques, à la demande, aux procédures, qui améliore la place de l’architecture dans la société. »11 Etudions à présent la problématique liée à l’affirmation d’une pratique spécialisée en architecture. 11. JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 33


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II. Le profil d’architecte spécialisé Forger une identité propre sans restreindre l'accès à la commande

F

ace à la pratique des architectes généralistes, il existe une diversité de pratiques différentes, pouvant impliquer une spécialité. Cette spécialité peut commencer à se dessiner durant les années de formation, à travers les choix réalisés pour le suivi des cours. Elle semble se forger plus précisément durant les premières années d’exercice post-diplôme puis de manière plus ou moins volontaire au cours de la pratique. Selon les spécialités, un profil peut révéler un caractère plus ou moins unique, qui peut être intéressant pour se différencier de la concurrence. D’après Dave Lüthi, « le phénomène de l’architecte-spécialiste, expert dans un domaine spécifique, est moins connu car sans doute moins fréquent. Il est lié à l’apparition de nouvelles pratiques ou de nouveaux programmes architecturaux où interviennent des connaissances pointues, soit d’une technique (on peut penser à la construction métallique ou en bois) – parfois d’ailleurs en association avec un ingénieur, d’une méthode (restauration de monuments) ou de l’application d’une science à l’architecture (hygiène en particulier).»1

Un architecte se spécialise lorsqu’il fait le choix individuel d’ajouter une compétence à sa formation initiale, ou d’en écarter une partie. Pour Guy Tapie, cette « variable individuelle est particulièrement effective dans les domaines où des problèmes nouveaux suscitent un appel à des compétences non encore formalisées. C’est le cas du développement durable, du développement économique local ou de la concertation-animation. »2 Ce profil semble donc se développer en parallèle de recherches et d’une volonté d’innovation en accord avec la société dans laquelle l’architecte souhaite exercer. « Une position purement défensive amène progressivement à fixer l’architecte dans une figure professionnelle de spécialiste au sein d’un processus de projet de plus en plus complexe et divisé. Cela a l’avantage de la clarté, mais tend à restreindre le périmètre d’intervention. Pourtant, les architectes ont traditionnellement revendiqué le caractère généraliste de leur activité. Compte tenu du développement des spécialités dans les projets urbains et architecturaux, l’affirmation d’une diversité des compétences et des activités pourrait peut-être favoriser à la fois l’intervention des architectes et l’essor de la culture architecturale auprès des commanditaires comme du grand public »3. Il est en effet primoridial de se rapprocher des besoins et des préoccupations du public. 1. LÜTHI, Dave, «L’architecte-spécialiste. Modalités et enjeux d’un phénomène professionnel et historique», La profession d’architecte en Suisse romande (XVIe-XXe siècle), Université de Lausanne, 2009, p. 145-162 URL : https://journals.openedition.org/edl/531 2. JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 3. JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 35


Aperçu des diverses spécialités en architecture Les experts techniques

Spécialistes dans : - l’acoustique - le space planning - l’expertise judiciaire - l’Hygème Sécurité Environnement - le Développement Durable - l’ergonomie - l’éclairage - la signalétique - la décoration d’intérieure - la coordination sécurité-santé

Les services

- infographistes - perspecteurs - maquettistes

Les missions d’administration et de mise en oeuvre des politiques publiques

- à l’échelon central - dans des collectivités locales

Les fonctions de communication, diffusion de la culture architecturale

- médias - réseau des maisons de l’architecture - CAUE - Drac - ABF - médiation auprès des habitants - publicité

Les spécialistes d’un programme

Les fonctionnements d’accompagnement pour la moe

- ingénierie hospitalière - hôtellerie - architecture commerciale - ...

- suivi et conduite d’opérations - pilotage - mission de synthèse - MOE d’exécution - OPC - ingénierie grands travaux

Les architectes de moa, en amont des projets

- choix immobiliers et fonciers - montages d’opérations - programmation - faisabilité - assistance à MOA - médiation auprès des futurs usagers - établissement de cahiers des charges - appels d’offres - études de marchés en aval des projets : optimisation des travaux d’intervention, facilities management

Les fonctions d’instruction

- instruction de permis - architectes voyers

Les fonctions de contrôle

- sur l’urbanisme, la patrimoine, la construction - les contrôles techniques - ...

Les fonctions de conseil

- architecte conseil dans les départements et les Drac - conseils auprès des élus locaux conseils aux particuliers

Les fonctions «design»

- conception de produits pour l’industrie Les fonctions d’études et de recherches

- chercheurs - doctorants - études prospectives - analyses et diagnostics

Les gestionnaires d’immobilier

- gestion de patrimoine - planification et direction technique et financière d’un patrimoine existant - gestion d’immeuble

Les fonctions de la transmission

- enseignants - médiateurs Les créateurs hors champ

- cinéma - design - graphisme - peinture - composition musicale

L’urbanisme et les études urbaines, paysage

L’aide au tiers-monde

- logistique - montages d’opérations - construction de projets sur site

Les fonctions d’organisation

- gestion des transferts - expert en logistique

Les fonctions managériales hors de l’environnement bâti

- responsable de projet - directeur du développement - responsable technique - responsable des implantations

Diagramme réalisé d’après le Répertoire non exhaustif et non savant des activités d’architecte, Dossier « Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?», Pascal Joffroy, D’Architecture, n°181, avril 2009 36


1. Les multiples spécialités en architecture Selon les compétences acquises au cours de la pratique du métier, plusieurs types de spécialités semblent se dessiner. Seuls les architectes maîtres d’œuvre ou exerçant une activité de conseil ont l’obligation de s’inscrire à l’Ordre des architectes. Il existe de nombreuses autres activités, liées à l'aménagement du territoire et à la construction, pour lesquelles cette inscription n’est pas obligatoire. On peut citer à titre d’exemple l'activité des programmistes, des personnes qui assurent l’animation d’ateliers collaboratifs, celles qui travaillent au sein de bureaux d’études, de collectivités territoriales, etc. Le diagramme ci-contre résume la diversité des activités que peuvent exercer les architectes, d’après le Répertoire non exhaustif et non savant des activités d’architecte4 développé par Pascale Joffroy. L’éventail de ces activités se retrouve dans les différentes spécialités qui existent dans l’exercice professionnel. Si l’on souhaite classifier les différentes spécialités en grandes catégories, on peut évoquer : - le programme - le climat ou le contexte géographique - le type d’intervention : construction neuve ou rénovation énergétique / réaménagement / réhabilitation d’un site existant - la méthodologie avec des outils adaptés : BIM, architecture paramétrée, approche environnementale, approche participative ou collaborative,approche ergonomiste, vidéos publicitaires - la technique constructive (exemple : spécialiste de la construction en bois ou en terre) - le type de MOA (public/privé) - le type de mission (mission partielle ou mission complète, place que l’on accorde aux DPC, faisabilités ou au chantier, etc.) La comparaison des exercices en France et en Angleterre dans le rapport de recherche Stratégies et organisations des agences d’architecture à l’exportation5 permet également de distinguer deux types d’agences spécialisées dans le cadre de la pratique à l’international : celles qui ont des compétences spécifiques dans un certain type de bâtiment et celles qui annoncent plutôt un domaine de compétences suffisamment transversal pour couvrir à peu près tous les types de programmes : environnement, reconversion et réhabilitation. 4. Diagramme réalisé à partir du Répertoire non exhaustif et non savant des activités d’architecte, JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 5. CARR, Brid, GREZES, Denis, WINCH, GRAHAM, Stratégies et organisations des agences d’architecture à l’exportation : une comparaison franco-anglaise, Euroconception, Plan Construction et Architecture, 1998, 31 pages

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Axonométrie Faisabilité pour l'EPF-IF, Beauchamp, le 15.03.2018

T4 82.5 m²

T5 98.8 m²

T3 65.5 m² T1 34.1 m²

T5 95.5 m²

T2 47.1 m²

Cage D

T2 48.1 m²

T1 34.0 m²

T1+ 40.9 m²

T1 38.4 m² T4 85.0 m²

T2 40.9 m²

Cage C 6,0

T5 104.1 m²

T2 48.0 m²

T2 42.7 m²

T3 68.0 m² T2 49.0 m²

T2 40.7 m²

T2 40.5 m²

T4 82.2 m²

T4 86.9 m²

T1+ 47.7

T2 49.8 m²

6,0

Cage E

R+1 T5+ 51.9 m²

T3 63.3 m²

B

R+1 T5+ 59.6 m²

T5 100.9 m²

T2 44.3 m² m² T3 71.0 6,0

R+1 T5+ 59.6 m² T2 41.3 m²

T5 98.9 m²

R+1 T5+ 51.9 m²

3,5

T3 64.4 m²

T5 98.9 m² T2 48.3 m² m²

T2 35.2 m²

T2 44.8 m²

T2 41.3 m²

T3 60.0 m² T3 70.6 m² T3 60.3 m²

Plan d'étage courant et plan de R-1 Faisabilité pour l'EPF-IF, Beauchamp, le 15.03.2018

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Un architecte est spécialisé lorsqu’il consacre la majorité de sa pratique à quelques-uns des domaines évoqués ci-dessus, en écartant les autres. Au vu de cette définition, on peut considérer que l’agence LLTR, bien que se définissant comme une structure généraliste, est « spécialisée » du point de vue programmatique (logements collectifs et urbanisme) et de type d’intervention (construction neuve).

2. Spécialiser sa pratique pour l’optimiser et multiplier les marchés a. Automatismes et méthodologie de conception Développer des projets dans un domaine particulier permet de mettre en place une méthodologie qui sera enrichie par chacun des projets et rendra la pratique de chaque collaborateur plus efficace. L’agence LLTR a développé une pratique spécialisée à plusieurs égards. Après avoir commencé par travailler sur plusieurs projets d’aménagement urbain, l’agence s’est plutôt axée sur des projets à l’échelle architecturale. L’essentiel des projets a mené à la réalisation d’opérations de plusieurs dizaines de logements collectifs neufs en mettant en œuvre des matériaux pérennes, et en assurant une sobriété esthétique ainsi qu'une qualité aux logements pouvant s’intégrer aisément dans leur contexte. Les études de faisabilité réalisées au sein de l’agence LLTR sont récurrentes. Depuis avril 2017, on peut comptabiliser plus d’une cinquantaine de faisabilités. Ces tâches récurrentes permettent d’acquérir des automatismes d’organisation, d’estimer les densités, la rentabilité potentielle d’un terrain, les combinaisons de typologies intéressantes selon les promoteurs, les différentes normes, etc. Cette phase de travail ne constitue pas forcément une spécialité car elle s’inscrit dans une démarche et un exercice plus large mais sa récurrence induit le développement d’une compétence particulière, car elle ne concerne qu’un type de programme, d’échelle relativement homogène. Plus que le développement d’une méthodologie, ce sont peut-être plutôt des automatismes qui s’installent. Après plusieurs faisabilités réalisées pour l’Etablissement Public Foncier d’Ilede-France et pour des promoteurs privés, j'ai en effet commencé à relever que des automatismes d'exécution se mettaient en place dans mon travail. L’objectif d’une faisabilité est que l’architecte se prononce sur le nombre de mètres carré de Surface de Plancher pouvant être réalisé sur la parcelle projetée par la MOA, afin de savoir si l’acquisition puis la construction de ce terrain peut être rentable pour la MOA. Pour ce faire, l’architecte est amené à étudier le Plan 39


Axonométrie ©Tetsuya Kawano Faisabilité pour les Nouveaux Constructeurs, Carrière-sous-Poissy, le 20.04.2018

Perspective © Vincent Maillot Faisabilité pour les Nouveaux Constructeurs, Carrière-sous-Poissy, le 20.04.2018

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Local d’Urbanisme de la commune. Après plusieurs faisabilités, on sait quels sont les articles du PLU qui vont être déterminants et quelle méthodologie devra être suivie pour assurer une certaine efficacité6. L'architecte doit toujours veiller à préserver une qualité architecturale et à apporter une plue-value au contexte d'intervention. D’autres expériences professionnelles reflètent une stratégie commune à plusieurs agences. L’agence Xlgd et associés travaille à la fois sur des constructions en bois en Autriche et sur des projets bioclimatiques plus expérimentaux. Les associés de cette agence ont choisi une double orientation autour d’une démarche et d’un matériau. L’agence Zoomfactor Architectes, construit en Ile-de-France et en région lyonnaise. Elle a développé une filière appelée Upfactor en son sein, après plusieurs années de recherche et quelques réalisations. Elle met en avant des compétences pour la surélévation et affiche être spécialisée dans un type d’intervention. L’objectif est d’accéder à un type de marché et de développer un réseau spécifique. L’agence Creactiv Architecture assume pleinement de son côté une spécialité dans la conception et la réalisation de bâtiments commerciaux, une spécialité programmatique donc. Elle exprime sur son site internet son expérience dans ce programme et l’efficacité de réalisation qu’elle permet aujourd’hui. b. Temporalité, méthodologie et coûts maîtrisés On peut supposer qu’orienter ses marchés dans un domaine particulier facilite la gestion comptable d’une société. La santé financière de l’agence LLTR est certainement liée à l’organisation mise en place dans leur marché principal. En tout cas, elle permet une efficacité dans le ciblage des marchés et d’assurer des commandes régulières. Même si l’architecture est un domaine où l’on doit sans cesse réadapter ses acquis, l’expérience accumulée et les tâches réalisées de manière récurrente permet de mettre en place des méthodologies. Certains outils sont instaurés au sein de l’agence LLTR : des tableaux pour la gestion de la comptabilité, la réception et l’approbation de documents pour le suivi de chantier. Travailler en se spécialisant doit permettre de développer des outils parfaitement adaptés et réellement performants. Par exemple, l’agence LLTR a accumulé de nombreux échantillons de matériaux 6. Cf annexe page 86 « Tentative d’élaboration d’une fiche méthodologique pour la réalisation de faisabilités »

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Perspective © Alex Salini Faisabilité pour l'EPF-IF, Margency, le 24.04.2018

Plan masse Faisabilité pour l'EPF-IF, Margency, le 24.04.2018

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au fil des années. Une matériauthèque avec les prix au mètre carré pourrait être organisée à partir de cette matière pour mieux transmettre les connaissances acquises à l’ensemble des collaborateurs. D’autres outils semblent nécessaires, selon les domaines d’exercice. Lorsque le type de projet est récurrent, il est plus aisé de modéliser l’activité et donc de mettre en place des outils adaptés pour l'optimiser. Ces outils peuvent aussi faciliter la passation de dossiers en interne et avec les acteurs extérieurs à la société. On peut citer des outils expérimentés ou ceux qui font défaut lors de l’accomplissement de certaines tâches : - planning de l’ensemble de l’équipe avec répartition des projets - planning individuel avec répartition des tâches et proposition de réunions pour valider les différentes phases avant communication extérieure - charte graphique et documents types pour les échanges avec les différents types d’interlocuteurs - liste-type de documents et pièces à réaliser selon les phases - fiche d’heures - tableau de suivi pour la levée de réserves (expérimentation de l’application Kaliti de la phase pré-OPR à la levée de réserves post-livraison) - tableau de réception de pièces des différents interlocuteurs - tableau de suivi des situations de travaux - tableau pour la réalisation de diagnostics urbains, structurels, etc. - des chartes graphiques pour les différentes phases - une organisation-type des dossiers d’agence (numériques et papier), nomenclatures, etc. Je souhaiterais développer ce type d'outils dans une prochaine structure professoinnelle.

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Plan masse Concours, Villepinte, le 10.04.2017

Descriptif des matĂŠrialitĂŠs Concours, Villepinte, le 10.04.2017

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3. Une pratique à assumer et encadrer Nous avons vu qu’il était intéressant que la démarche d’une agence communication, méthodologie, réseau - se développe sur quelques points particuliers. Cela lui confère une identité et des compétences propres. Elle devient donc visible depuis l’extérieur et peut accéder plus facilement aux marchés qui l’intéressent. Toutefois, il est actuellement difficile d’établir des prévisions fiables à long terme. Il est donc nécessaire de faire des tentatives sur différents marchés, d’être capable de capter les opportunités qui peuvent se présenter et de capitaliser pour transformer éventuellement ces opportunités en spécialité. On peut se demander, à travers les différents exemples cités, quelle est la part de stratégie managériale et celle de l'opportunité. a. Créer des collaborations pertinentes et pérennes, grâce aux spécialités L’agence LLTR vient d’être sélectionnée pour un concours restreint grâce à son expérience. Elle a récemment été retenue pour un concours de logements collectifs en ossature bois, sans avoir de référence sur ce type de matériau de construction. C’est la collaboration avec un autre architecte lauréat des AJAP 2016, particulièrement axé développement durable qui lui a permis d’y accéder. L’agence LLTR a apporté ses références et son expérience dans la typologie de construction. Chacune des spécialités a visiblement joué un rôle essentiel dans cette sélection. « Les pratiques marginales de la MOE semblent assurer un volant d’affaires confortable. […] L’intégration de ces métiers pourrait constituer une incitation au regroupement des plus petites agences, tant il paraît difficile à une personne seule de faire face à la complexité du métier. »7 L’architecte Christine Desmoulins évoque cependant les difficultés que peuvent rencontrer les architectes français pour créer ce type de collaborations et pour faire des bénéfices dans ce contexte. « Il faudrait revoir les aspects contre-performants du système français. Notre profession étant réglementée et contrôlée, les sociétés d’architecture ne sont pas des entreprises comme les autres. La majorité d’architectes imposée dans leur capital limite les alliances avec des investisseurs, des BET et des personnes morales. Nous intéressons donc peu les investisseurs, ce qui fait perdre du terrain aux architectes français. Si mon département d'architecture d’intérieure 7. NAMIAS, Olivier, L’agence d’architecture : grandir ou périr ?, D’architecture, n° 214, 2012, URL : http://www.darchitectures.com/agence-architecture-grandir-ou-perir-a990.html

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et mon économiste étaient des filiales et non des associés, nous gagnerions en dynamique. Ces règles étaient censées protéger les agences de l’intrusion d’entreprises de BTP dans leur capital, mais on a paradoxalement créé les PPP8 dont l’effet est plus insidieux car l’entreprise devient le client de l’architecte. »9 Malgré ces difficultés, l’exemple de l’agence LLTR montre que l’on peut accéder à des marchés grâce à des collaborations. De même, il est possible de créer des équipes pluridisciplinaires avec des bureaux d’études spécialisés, des entreprises d’exécution, ou d’autres professionnels spécialisés afin d'atteindre une visibilité maximale. Mettre en avant des compétences pointues et les rassembler en groupements accroît ainsi la visibilité des sociétés. b. Un risque élevé en cas de crise dans le domaine de spécialisation Etre trop spécialisé peut également présenter des inconvénients : routine, lassitude de la part des collaborateurs et des associés, manque de créativité et d’innovation, etc. Le principal danger est lorsqu’une agence exerce sur un seul type de marché. En cas de crise sur celui-ci, la société pourrait faire face à de graves difficultés et avoir du mal à rebondir. On comprend qu’il est nécessaire de développer un domaine de spécialisation pertinent par rapport à la géographie d’intervention et qu’une certaine part de diversification est obligatoire afin d’assurer une sécurité à une société. Le fait de se spécialiser rend difficile la possibilité de trouver des marchés sur d’autres programmes. A force de se spécialiser, on peut devenir une référence dans un domaine particulier et le risque est alors que les clients potentiels considèrent cette spécialité comme la compétence exclusive de l’architecte et de sa structure. L’ensemble des autres compétences, pourtant réelles, peuvent perdre en visibilité derrière la spécialité. Dans Trente ans de mutations¸ Thérèse Evette explique ainsi que les architectes mesurent cette part de risque. « Avec réactivité, les architectes chercheraient dans l’extension de leur type d’activité des moyens de survie, mais reviendraient vers la MOE dans les conjonctures favorables »10.

8. Partenariats Public-Privé 9. DESMOULINS, Christine, Les enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ?, Compétences nécessaires sur le chantier pour assurer sa mission de MOE, D’architectures, n° 189, mars 2010, p. 37-51 10. JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009

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c. Les domaines d’exercice spécialisés ; un risque pour le devoir de conseil Un architecte hyperspécialisé peut être tenté de préconniser son unique savoirfaire même si cette réponse n'est pas la meilleure pour le MOA ou le contexte du projet. Cette situation peut donc présenter un risque pour la bonne application du devoir de conseil imposé par la loi sur l’architecture11 et le Code des devoirs professionnels12 des architectes dans ce cas. A contrario, Olivier Chadoin, docteur en sociologie explique, dans Être architecte : les vertus de l’indétermination13, qu’ « une définition non limitative des compétences dans le discours des architectes peut être un facteur d’adaptation plus souple aux demandes des clients et des marchés. » d. Le regard négatif porté sur l’architecte spécialisé : une vision interne à la profession C’est probablement la difficulté rencontrée pour définir les limites de la pratique de l’architecte qui pousse la profession à valoriser le profil d’architecte généraliste. La spécialisation est parfois perçue comme une faiblesse quand l’architecte généraliste a une posture plus noble. En France, la profession porte ainsi un regard négatif sur les architectes spécialisés. Le rapport de recherche Stratégies et organisations des agences d’architecture à l’exportation présente les différences de stratégie entre les agences françaises et anglaises : « On note une certaine réticence des agences françaises à affirmer leur expérience forte, parfois contre toute évidence, comme si leurs dirigeants pensaient que l’affirmation de cette image stratégique exclut les idées fortes. Cette réticence à affirmer une spécialisation traduit sans doute la volonté des français à l’universalité. Au contraire, les anglais, plus pragmatiques, n’hésitent pas à exprimer clairement cette spécialisation. »14 11. Loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, version consolidée au 01 mai 2018, URL : https:// www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000522423 12. Code des devoirs professionnels des architectes, Journal officiel du 25 mars 1980 et rectificatif J.O. du 21 juin 1980, URL : https://www.architectes.org/code-de-deontologie-des-architectes 13. CHADOIN, Olivier, Être architecte : Les vertus de l’indétermination. Une sociologie du travail professionnel, Presses universitaires de Limoge, coll. « Sociologie et sciences sociales », 2007, 383 pages 14. CARR, Brid, GREZES, Denis, WINCH, GRAHAM, Stratégies et organisations des agences d’architecture à l’exportation : une comparaison franco-anglaise, Euroconception, Plan Construction et Architecture, 1998, 31 pages

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Il n’est pas évident que les maîtrises d’ouvrage partagent ce point de vue. Certaines d’entre-elles pourraient rechercher des architectes ayant démontré leurs compétences dans des domaines spécifiques dans le cadre d'un besoin particulier.

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De par sa formation, l’architecte n’est pas expert dans un domaine particulier. Il propose un service global mais doit savoir s’adapter à des contextes très divers. Toutefois, au cours de leur pratique, les architectes opèrent un grand nombre de choix qui dessinent un profil unique à leur société. D’autres caractéristiques se déterminent plus librement, de manière moins maîtrisée. L’enjeu est donc d’être conscient de l’impact des différents événements et de déterminer au préalable une ligne directrice à atteindre et ce, à un terme défini. Ces compétences supplémentaires peuvent être mises en valeur afin de se différencier de ses confrères et élargir la visibilité de la société. Elles peuvent également faciliter l’approfondissement d’une méthodologie pour le management de projet et d’agence. La direction choisie doit être consciente et le domaine de compétence pertinent vis-à-vis du contexte d’exercice. Il semble également nécessaire de maintenir un spectre d’exercice suffisamment large pour éviter de restreindre les possibilités d’évolution et de réaction de l’entreprise. Nous proposerons donc d’utiliser le terme « compétence » plutôt que « spécialité ». Ainsi, nous allons à présent étudier la pertinence d’intégrer des compétences liées au domaine des risques majeurs en particulier dans une structure d’architecture.

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Source : IRSN ; ISN ; Institut Physique du Globe ; EDF Plan sĂŠisme (Nouveau zonage sismique de la France), Infographie Le Monde

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III. Les risques majeurs Une approche transversale pour un exercice pérenne

U

n risque majeur correspond à la probabilité qu’un événement d’origine naturelle ou anthropique affecte un grand nombre de personnes, occasionne des dommages importants et dépasse les capacités de réaction des populations et des institutions. Les risques majeurs sont caractérisés par une faible fréquence de récurrence – d’où une méconnaissance des phénomènes et une nécessité de multiplier les actions de prévention, ainsi qu’une énorme gravité en terme de victimes et de dommages1. « Un événement potentiellement dangereux aléa n’est un risque majeur que s’il s’applique à une zone où des enjeux humains, économiques ou environnementaux sont en présence, avec une intensité importante.»2 Or, l’amplitude croissante des désastres va de pair avec les dérèglements climatiques et les catastrophes naturelles face à l’urbanisation grandissante et le développement technologique. L’aménagement du territoire doit être maîtrisé afin de réduire les dommages des catastrophes. Pour ce faire, nous devons veiller à éviter d’augmenter les enjeux dans les zones à risque et à réduire la vulnérabilité des zones déjà urbanisées. On parle de ville résiliente. C’est en ce sens que les questions humaines et environnementales occupent une part importante des préoccupations de l’architecte des risques majeurs. Les risques majeurs concernent une multitude de territoires. Avec l’intérêt évoqué précédemment d’assurer une diversité de marchés au sein d’une même société, il semble pertinent d’axer un exercice sur plusieurs territoires et de ne pas se spécialiser dans un type de risque particulier.

Echelle de classification des événements naturels dommageables MATE, 2002

1. Définition extraite des textes rédigés à l’occasion de l’exposition Bienvenue en zone à risque montée par l’association des Architectes des Risques Majeurs 2. http://www.georisques.gouv.fr/articles/definition-generale-du-risque-majeur

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Porte étanche entre le parking et les caves ©Philippe Loth, Issy-Les-Moulineaux, 12.2017

Event dans le parking de l'immeuble ©Bongsoo Sohn Issy-Les-Moulineaux, 12.2017

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1. Le périmètre d’action de l’architecte dans le domaine des risques majeurs La solution à une catastrophe de grande ampleur passe souvent par la prise en compte préalable de la gestion de risques de moins grande ampleur, au niveau individuel. Il est bien sûr nécessaire d’être capable d’intervenir a posteriori – rôle de l’humanitaire, en situation de crise – mais il semble primordial d’intégrer ces facteurs au quotidien sur des territoires qui sont a priori moins exposés. Nous comprenons donc, qu’au-delà de la définition des risques majeurs, les architectes doivent mobiliser des compétences spécifiques sur de nombreux territoires. C’est ainsi que la formation du DSA ARM promeut une approche globale de l’aménagement du territoire d’une part, de techniques de construction d’autre part. Elle forme les architectes sur des techniques de résilience face au risque d’inondation, de construction parasismique et anticyclonique et de réaménagement de cadres de vie précaires. Ces techniques s’appuient sur une analyse fine des territoires, des techniques de construction vernaculaires et des diagnostics des enjeux urbains, structurels et humains. Des cas d’étude très diversifiés tel que l’impact de la crue de la Seine, la reconstruction post-séisme au Népal, le réaménagement de berges postinondation dans les Hautes-Pyrénées, la construction de zones de refuge et de tours d’évacuation en cas de séisme au Japon, l’amélioration du cadre de vie dans la Jungle de Calais, etc. montrent que le domaine d’intervention des architectes peut être multiple et source d’innovation. Quel est le rôle de l’architecte dans ce type de contexte ? A quel moment doit-il intervenir, sous quelle forme et avec quelle méthodologie ? Les risques majeurs constituent-ils un marché prometteur pour les architectes ? Peut-on pratiquer exclusivement dans ce domaine ? Les exemples que nous étudierons dans cette partie permettront de déceler les opportunités potentielles sur lesquelles un architecte peut rebondir. a. Un large champ d’action i. Les territoires d’intervention Lorsque l’on pense aux risques majeurs, on a souvent l’automatisme de penser aux catastrophes les plus dévastatrices dans des pays étrangers (séisme et tsunami au Japon en 2011, le séisme au Népal en 2015, celui en Haïti en 2010, Californie, inondations au Vietnam…). Mais la plupart des territoires sont concernés. Sur le territoire français par exemple, les Pyrénées, les Alpes, la Haute-Savoie et le territoire de Belfort sont exposés à un risque sismique moyen 53


Crue de la Seine en juin 2016

Crue de la Seine en juin 2016

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et les Antilles à un aléa fort3. Concernant les inondations, entre 20 et 47.4%4 de la population sont exposés dans plus de neuf régions. Certaines communes, comme nous le verrons avec le cas de Luz-Saint-Sauveur5, sont exposées à de nombreux autres risques. L’inondation est le premier des risques de catastrophes naturelles en France. Elle concerne deux communes sur trois d’après l’Institut Français de l’Environnement. La tempête Xynthia en 2010 causant de lourds dégâts matériels (1.5 milliard d’euros à couvrir par les assurances françaises) dans plusieurs pays d’Europe de l’ouest ainsi qu’une cinquantaine de victimes du à « un développement de l’urbanisation sans véritable régulation […] et à une absence criante de culture du risque »6 Un important travail de sensibilisation est donc nécessaire. Le suivi d'un chantier de l'agence LLTR à partir de la fin de la réalisation du grosœuvre jusqu’à la livraison des 21 logements en accession à Issy-Les-Moulineaux sur l’Île Saint-Germain a questionné le type d'intervention des architectes en zone inondable. Le projet se trouve en zone inondable avec un niveau de sous-sol situé à 2,50m sous le repère des PHEC7. En conformité avec les demandes du PPRI, une porte étanche anti-crue a été installée au sous-sol entre le parking et les caves, afin de protéger ces dernières en cas de montée du niveau des eaux de la Seine. Dans la même idée, les caves et l’ensemble des circulations en sous-sol ont été cuvelées par imprégnation d’une cristallisation dans le béton, sur un mètre de hauteur. Dans le parking, des évents permettent de contrôler la présence d’eau au niveau de la dalle basse du parking et de laisser les surpressions sur la dalle s’échapper en cas de montée des eaux. Au cours de la dernière semaine de janvier 2018, des inondations ont eu lieu, quelques semaines après la livraison des logements. Les propriétaires, tout récemment installés, ont eu le bon réflexe de fermer la porte étanche pour épargner les des inondations. Malgré la mise en place de ces dispositifs coûteux, les caves côté rue ont été inondées, depuis le trottoir. L’agence LLTR s’est alors demandé si le cuvelage avait des défauts de réalisation. Cet événement aurait pu être grave si l’eau avait atteint le niveau de la chaufferie. Le retour d'expérience sur cette situation a permis de comprendre les difficultés pour concevoir des circulations à la fois accessibles aux PMR et non inondables. 3. Carte « aléa sismique de la France » du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable 4. SOeS d’après Medde, Cartorisque, 2013, Dreal et DDTM, 2013, INSEE, RFL 2009 et RP 2009 5. Cf III.2.c 6. CHAUVEAU, Etienne, CHADENAS, Céline, COMENTALE, Bruno, POTTIER, Patrick, BLANLOEIL, Amandine, FEUILLET, Thierry, MERCIER, Denis, POURINET, Laurent, ROLLO, Nicolas, TILLIER Ion, TROUILLET, Brice, Xynthia : leçons d’une catastrophe, Cybergeo : Revue européenne de géographie, document 538, 2011, URL : https://journals.openedition.org/cybergeo/23763 7. Plus Hautes Eaux Connues

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Effectivement, les ascenseurs devraient systématiquement être surélevés par rapport au niveau de la rue et accessibles par une rampe par exemple. Dans le cas de ce projet, une noue assurant une bande perméable entre le bâtiment et le trottoir aurait préservé les caves des inondations. Finalement, c'est une approche à l'échelle de la parcelle et de la zone inondable qui s'avère la plus efficace. Face au risque inondation, trois stratégies sont possibles : résister (porte étanche), céder (parking inondable) et éviter. On comprend qu’éviter de construire sur une zone déjà urbanisée n’est pas envisageable. On comprend aussi aisément que sans une réflexion globale, aux échelles du bâtiment, de la parcelle, du quartier et de l’île-Saint-Germain, les interventions isolées, même high-tech, ne peuvent malheureusement pas être efficientes. Cela soulève également la difficulté d’agir sur l’existant. Des échanges que j'ai eu avec Jacques Faye, architecte et urbaniste en chef de l’Etat au Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable permettent de comprendre l’impact que pourrait causer une inondation de la Seine sur la région Ile-de-France en dépit des infrastructures réalisées en amont de l’enjeu principal que constitue Paris, et le caractère reproductible de ce phénomène. Jacques Faye explique également l’exposition de la France au risque sismique et la nécessité d’innover dans le secteur de la construction : « La France est directement concernée aux Antilles mais aussi en métropole […]. Depuis 1995, des règles de construction parasismique nommées PS 92, bientôt Eurocode 88, sont obligatoires pour les constructions neuves. Les plans de prévention des risques naturels ou technologiques […] n’identifient que très rarement les biens culturels à sauvegarder et ne définissent pas les précautions à entreprendre à ce titre. La valeur du patrimoine par définition inestimable car irremplaçable, doit permettre à nos sociétés de faire des progrès très rapides en ce domaine.»9 Les risques technologiques et anthropiques font également partie des risques majeurs. Les architectes doivent également s'impliquer dans la réduction des conséquences des mouvements de migration qui impliquent souvent des conditions de vie précaires - lieux de vie sous abris non ventilés, exposés aux incendies et au manque d’hygiène.

8. Les Eurocodes ont été instaurés en 1998 et ont été mis à jour en janvier 2011 9. AQUILINO, Marie Jeannine, Beyond Shelter: Architecture and Human Dignity, Ed. Metropolis Press, New York, 2011, 303 pages

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ii. Les échelles d’intervention Il est nécessaire de mettre en place une approche plus globale dans ce type de contextes. De fait, des efforts ponctuels ne sont pas suffisants face aux catastrophes naturelles. Comme l'a démontré le cas du chantier d'Issy-LesMoulineaux cité précédemment, lorsque l’on intervient en zone inondable par exemple, le simple respect du PPRI n’est pas en soi une réponse suffisante à la problématique d’exposition aux risques. D’autres documents expriment les contraintes pour l’aménagement du territoire en zone à risque et la gestion de crise : le Plan de Prévention des Risques Naturels – loi Barnier du 02.02.1995, le Plan de Prévention des Risques Technologiques – loi Bachelot 30.07.2003, la législation sur les Installations Classées et le Plan Communal de Sauvegarde – outil opérationnel obligatoire pour les communes dotées d’un PPRN. Une démarche de prise en compte de manière plus durable et plus globale est en construction. Le 5 mars dernier, le Préfet de la région Ile-de-France, le CROIAIF et des acteurs majeurs du développement du territoire francilien ont signé une charte d’engagement intitulée « Concevoir des quartiers résilients ». Elle fait l’état des lieux concernant le risque d’inondation à l’échelle du bassin concerné par ce risque et énonce l’enjeu : « Face au risque, la meilleure réponse serait sans doute d’éviter de construire ou de reconstruire en zone inondable, cependant la situation est bien plus complexe. La pénurie de foncier disponible en Ile-deFrance, la forte exposition aux inondations de la Métropole francilienne et la limitation de l’étalement urbain pour préserver les espaces naturels et agricoles nous contraignent à procéder au renouvellement urbain par densification des zones déjà urbanisées. » Cette charte déclare de plus le rôle que les architectes doivent jouer dans ce processus. « Prévenir le risque inondation et concevoir des quartiers capables d’y faire face appellent l’expertise des architectes. |…] Acteurs de cette mutation, il est essentiel que les architectes contribuent au travers de leurs projets à améliorer la résilience des territoires au risque inondation. » Une bivalence d’échelles est ici évoquée. L’architecte doit intégrer le risque dans l’aménagement du territoire et dans les constructions architecturales. iii. Les phases d’intervention Aujourd’hui, la plupart des ONG interviennent en phase d’urgence. Certains architectes participent à la conception d’abris, mais le plus souvent, ils interviennent après cette phase d’urgence, pour des constructions plus

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pérennes au sein de grandes ONG comme Médecins Sans Frontière10, CroixRouge internationale, Médecins du Monde, ou de structures plus modestes telles que la Fondation des Architectes de l’Urgence ou l’association Rock n’ Wood. Comme nous l’avons vu précédemment, des associations, comme le Gret et Architecture & Développement, se sont spécialisées dans le développement, c’est-à-dire la planification et la médiation pour des stratégies plus globales de reconstruction et d’amélioration des zones sinistrées. Les interventions des architectes sont donc de plusieurs ordres : l’analyse et la stratégie urbaine, le diagnostic architectural, la sensibilisation et la construction. Lors d’une rencontre avec Simon Deprez, co-fondateur de l’agence ETC – Etudes Territoriales Curieuses et Concrètes, j'ai découvert un nouveau profil d’architecte, celui qui réalise, au nom de son agence d'architecture, des diagnostics en zones à risques en phase de post-catastrophe naturelle ou de conflit. Créé en 2010 par Simon Deprez et Eléonore Labattut après des partenariats avec l’ONG Architecture & Développement et la Fondation des Architectes de l’Urgence, l’agence «collabore avec des ONG, collectivités territoriales, institutions gouvernementales, bureaux d’études, parcs nationaux, laboratoires de recherche, etc. pour mettre en place des processus participatifs ou consultatifs, définir des stratégies d’intervention ou conduire des évaluations de projet.»11 Ils tentent ainsi de mesurer l’impact des crises sur les territoires avec pour objectif final de « dégager des perspectives d’actions pour une plus grande justice sociale ». Suite à leurs missions, des architectes peuvent intervenir. Basés au Portugal, ces architectes français réalisent des missions à l’étranger et s’écartent de la MOE. Il est en effet complexe de s’inscrire systématiquement à l’Ordre des architectes des pays d’intervention et de ce fait, d’y être assurés. On constate donc une grande diversité de types et de temps d’intervention de l’architecte dans le domaine des risques : diagnostic, étude urbaine, sensibilisation, médiation, construction, en phases d’urgence et de développement. La prévention est une phase où les associations interviennent peu, elle constitue une nouvelle problématique pour les agences d’architecture. Effectivement, en intégrant ces notions dans chaque construction, plutôt qu'en intervenant en phase de post-catastrophe, on prévient le risque. Il semblerait pertinent qu'elles soient acquises en cours de formation classique en architecture.

10. Dans les ONG, les architectes intègrent souvent le département « logistique » pour participer aux projets de construction d’hôpitaux par exemple. 11. http://www.etc-projects.eu

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b. Place respective des secteurs associatif et privé Comme nous l’avons vu, lors des grandes catastrophes, on pense principalement aux interventions d'ONG largement médiatisées qui agissent en phase d’urgence pour venir en aide aux populations sinistrées. Cependant, la prise en compte des risques au sens large implique également des entreprises privées à différents niveaux. Nous allons étudier le rôle respectif de ces deux types de structures. i. L’objet de l’humanitaire Les organismes humanitaires sont indispensables pour agir en phase d’urgence et se substituer éventuellement aux carences des Etats. Dans le domaine de l’architecture, les ONG interviennent à différents niveaux. Soit en faisant une demande de dons pour financer leur intervention soit en répondant à des appels d’offres de bailleurs de fonds tels que la Fondation de France, la Fondation Abbé Pierre ou l’Agence Française de Développement. Ils peuvent également contribuer au lancement d’activités économiques locales grâce à des financements étrangers. Les grandes ONG, présentant de nombreuses références et des budgets importants peuvent faire preuve d’une force de frappe et d’une grande rapidité d’exécution. Les organismes de plus petite taille peuvent créer des consortiums pour avoir plus de poids. Lorsqu’elles mènent un projet, elles peuvent alors obtenir des subventions et constituer des fonds propres plus importants. Ludovic Jonard, directeur de l’association Architecture & Développement, écarte délibérément l’activité de MOE et préfère rendre lisibles ses actions d’aide au développement : l’accompagnement, le conseil et l’expertise sont privilégiés auprès de bailleurs de fonds publics 12. Le Gret, en tant qu’association, répond exclusivement à des appels à projet pour accéder à des missions. Ses fonds propres étant relativement faibles, ses employés sont rémunérés par le biais des budgets alloués à chaque projet. Les chefs de projets expatriés doivent obtenir de nouveaux projets pour assurer le renouvellement de leur contrat après chaque fin de mission. Du fait de ses faibles fonds propres, l’association a peu de moyens lorsqu’elle répond à un appel à projet et qu’elle doit co-financer un projet. Finalement, on retrouve les mêmes problématiques que pour l’obtention de marchés dans une société. 12. « En général, c’est des associations qui viennent nous voir, et on les aide à monter leurs dossiers de subventions, on les aide à monter l’argumentaire, y compris la pré-programmation, donc on fait de la MOA, de l’assistance à la maitrise d’ouvrage pour des gens qui ne savent pas ce que ça veut dire tout ça, et qui doivent trouver de l’argent pour monter un projet », extrait de la thèse de Laura Rosenbaum

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Centre de soin pĂŠdiatrique, TAMassociati Port Soudan, Soudan, 2012

Centre de chirurgie cardiaque, TAMassociati Khatoum, Soudan, 2007

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Au sein de cette association, deux types d'audits sont systématiquement réalisés à la livraison des projets, avec des temps d’évaluation allant jusqu’à plus de dix ans. En externe, les bailleurs de fonds analysent le résultat des projets, un échantillon des comptes et des rapports réalisés. En interne, l'association réalise également des audits financiers précis et des retours d'expérience. Un projet de qualité, tant structurelle, fonctionnelle qu’esthétique, assurera la pérennité de la construction, des usages appropriés par les habitants et constituera une fierté pour les bénéficiaires, qui s’approprieront et entretiendront la construction. De plus en plus, les bailleurs recherchent ce type de réalisations phares. La concurrence est encore faible dans ce domaine. « La pérennité des postes est couramment questionnée dans de petites et moyennes associations et Fondations qui n’ont pas les moyens financiers de fidéliser leurs salariés. […] En conséquence, [Patrick Coulombel] le Président de la Fondation des Architectes de l’Urgence a réfléchi aux problématiques de l’emploi humanitaire dans son ensemble. Non seulement à la pérennité des postes, mais aussi à l’emploi de personnel compétent. »13 Il existe plusieurs exemples d’architectes ayant travaillé dans l’humanitaire sous différents types de statuts (bénévoles, volontaires, expatriés) qui ont choisi de devenir consultants auto-entrepreneurs pour des évaluations de projets menés par ces organismes. D’autres anciens volontaires ont créé leur propre agence d’architecture en profitant de cette expérience. ii. La place des entreprises privées Lorsqu’une association ne possède pas certaines compétences, elle a la possibilité de sous-traiter pour certaines tâches. Les entreprises privées présentent certains avantages, comme celui de posséder des fonds propres et de faire preuve d’autonomie face aux institutions. Cela implique une moindre quantité de tâches administratives. Les associations passent une part importante de leur temps dans la rédaction de rapports pour justifier des fonds qui leur sont confiés. Ce qui crée parfois des lourdeurs administratives. Les entreprises, parce qu’elles obéissent à une logique différente, en terme de management, de rémunération des collaborateurs, des dirigeants et des actionnaires et de mode d’imposition, ont des structures de coût souvent plus chères que les associations à but non lucratif. Mais parce qu’elles ont des compétences spécifiques et qu’elles sont rares en zone à risque, elles sont de plus en plus recherchées par les bailleurs d’après 13. ROSENBAUM, Laura, La condition internationale des architectes : le monde en référence : représentations, pratique et parcours, Université de Bordeaux, 2017

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plusieurs interlocuteurs en mission de Volontariat de Solidarité Internationale. L’agence d’architecture italienne TAMassociati est un exemple d’entreprise privée qui construit en contextes de guerre notamment. L’agence a instauré depuis treize années de nombreuses collaborations avec des ONG, des financements privés et des sponsors privés pour réaliser ses projets14. « Implantée à Venise, Trieste et Bologne ainsi qu’à Paris, l’agence est engagée dans une démarche architecturale résolument tournée vers la prise en compte des droits humains fondamentaux, comme celui de l’accès aux soins et à la santé partout dans le monde et dans toutes les situations de conflits. Elle œuvre pour une architecture éthique qui participe à la réhabilitation de la dignité de patients meurtris. Elle inscrit aussi son architecture dans un effort de modernisation en utilisant notamment toutes les technologies contemporaines en matière d’énergie alternative et de construction durable. Ouvrir le débat sur la coopération sur le continent [africain], en faveur d’échanges équitables, est aussi l’un des objectifs que Raul Pantaleo [l’un des fondateurs] s’est fixés. La pratique architecturale de TAMassociati en est le témoin et leur faisabilité financière. »15 Andrea Panizzo, fondateur de l’agence d’architecture EVA16, a travaillé pendant trois ans en Haïti pour des ONG. En parallèle, il a pu tisser des liens avec un bailleur qui ont abouti à la réalisation d’un projet conséquent : l’aménagement de la place « Tapis rouge » à Port-au-Prince. Ce projet, dont les qualités fonctionnelles et esthétiques sont rares dans ce type de contexte, a été largement publié. Cette référence a permis au fondateur d’EVA de remporter d’autres concours par la suite. Aujourd’hui basée à Londres, l’agence répond à des appels d’offres lancés par différents bailleurs. Un employé est quant à lui basé à Haïti et suit les chantiers de l’agence. Comme pour la démarche de l’association Rock n’ Wood au Népal, on comprend qu’un investissement important est nécessaire de la part des associés pour connaître un site et développer un réseau stable avec des partenaires locaux, critère obligatoire pour la réalisation de projets à l’étranger. Si elle a des coûts de structure plus élevés qu’une association et qu’elle n’a pas la possibilité de bénéficier de dons, l’échelle d’une agence d’architecture peut permettre plus de souplesse et d’efficacité dans la gestion opérationnelle. Par 14. Par exemple : Autodesk Foundation, l’ONG Emergency, Foundation E35, le Ministère du patrimoine culturel et des activités et du tourisme du Sénégal, German Archaeological Institute, Maisha foundation, Makerere Institute of Social Research, Uganda, Cooperativa Cohousing Mura San Carlo, Banca Popolare Etica 15. AQUILINO, Marie Jeannine, Beyond Shelter: Architecture and Human Dignity, Ed. Metropolis Press, New York, 2011, 303 pages 16. http://www.evastudio.co.uk/

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ailleurs, elle peut avoir des compétences techniques pointues correspondant à une problématique spécifique. L’architecte Julien Beller du collectif Les Saprophytes, également co-fondateur de l’association AOA et du 6b, un lieu d’expérimentation à Saint-Denis, exprime qu’il faut « Placer l’architecte là où la commande souvent n’existe pas.»17 Diplômé en 2005, il a commencé par « défricher le terrain ». C’est après 8 ans d’efforts qu’il commence à travailler pour des commandes qu’on lui passe et qu’il peut être rémunéré. Il cherche à pérenniser le modèle de société coopérative d’intérêt collectif18, qu’il a mis en place avec un Partenariat Public Privé.

∞∞∞ Nous avons vu dans cette partie que plusieurs types de MOA peuvent être concernés par les risques majeurs et donc ciblés par les architectes. Entre l’échelle urbaine et architecturale, le diagnostic et la réalisation de constructions, et des territoires aux caractéristiques très diverses, une large diversité de marchés se dessine et peut conforter le désir de développer une structure professionnelle orientée dans le domaine du risque. L’enjeu réside dans la mise en place d’une méthodologie de travail rigoureuse, à partir des outils explorés lors des expériences passées et dans une définition claire de l’objet et des compétences de cette éventuelle structure, qui lui génèrent sa valeur ajoutée. Il serait intéressant de développer ce type de structures sur le territoire français et intervenir aux échelles précédemment évoquées. Nous avons vu que la phase de prévention peut constituer un marché potentiel de spécialisation pour les agences d’architecture. Nous retenons également que les deux types de structures – organismes humanitaires et entreprises privées - sont complémentaires car leur rôle diffère dans les zones d’intervention humanitaires. La structure associative a vocation à être mouvante, à venir en appui, lorsque la société est plus sédentaire, d’avantage inscrite dans un territoire et une compétence particulière.

17. BELLER, Julien, Alter-architecture, Conférence à L’ENSA Strasbourg, Laboratoire AMUP, 12 janvier 2017, 1h53, URL : http://www.strasbourg.archi.fr/events/alter-architecture-julien-beller-architecte-engag%C3%A9 18. Cf lexique page 3

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Exposition "Bienvenue en zone à risque" Association des Architecture des Risques Majeurs, ENSA-PB, 03.2017

Conférence-exposition " Népal, l'après-séisme " pour l'inauguration de la "303 Library" Association des Architectes des Risques Majeurs, Hanoi, Vietnam, 29.10.2017

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2. Création de l’association des Architectes des Risques Majeurs pour gagner en visibilité L’association des ARM présente un intérêt général pour la collectivité des architectes. Effectivement, son rôle est d’élargir la visibilité de la profession en communiquant sur les compétences diversifiées des architectes. En retour, de nouveaux marchés peuvent s’ouvrir. Après le passage des ouragans Irma et Maria dans les Antilles Françaises, de nombreux médias ont demandé à l’association de s’exprimer sur le rôle que les architectes pouvaient jouer dans la reconstruction post-catastrophe. Suite à ses interventions, l’association a également été sollicitée par des particuliers pour du conseil pour la reconstruction de leur habitation. C’est dans ce cadre que des structures de MOE doivent intervenir. Mais, comme nous l’avons vu précédemment, elles sont encore rares. a. Le statut d’architecte des risques majeurs en quête de reconnaissance En ayant déposé en préfecture les statuts de l’association des Architectes des Risques Majeurs en mars 2016, les fondateurs, issus de la formation intitulée « Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement en Architecture et Risques Majeurs », ont souhaité faire reconnaître leur domaine de compétences par leur pairs et par l’ensemble des métiers du BTP19. L’association met en place un réseau et réalise des actions de communication (films, expositions, site internet, page Facebook, voyages d’études, etc.). Elle propose un outil de travail collaboratif en s’adressant aux agences d’architecture et à tous les autres métiers de l’aménagement du territoire et de la construction. L’association propose également d’assurer la communication des projets des membres de l’association, sous le regard critique d’un conseil stratégique. Elle constituerait donc également une vitrine des compétences des architectes dans le domaine des risques. De par son objet, l’association des ARM est ouverte à toutes les personnes physiques ou morales spécialistes et intéressées par l’architecture et les risques majeurs, architectes ou non. On comprend donc qu’elle ne peut être reconnue par l’Ordre des architectes et assurée par la Mutuelle des Architectes Français par exemple. Son objet est de rassembler différents spécialistes autour d’une thématique et de promouvoir le rôle des architectes dans ce domaine. Le bureau de l'association souhaite, qu'à moyen terme, une majorité du Conseil d'Administration voire des adhérents soit composée d'architectes inscrits à l'Ordre.

19. Acronyme pour Bâtiment et Travaux Publics

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Fin du coulage des chaînages ©Elodie Berthe Ecole de Gairimundi, Népal, Rock n' Wood, février 2018

Chevronnage du bâtiment ©Elodie Berthe Ecole de Lamjung, Népal, Rock n' Wood, janvier 2018

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L’architecte n’est pas l’unique moteur de l’aménagement du territoire. L'association souhaite toutefois donner de la visibilité aux architectes, capables de superviser une mission globale avec un objectif précis et de porter une garantie d'un service public de qualité. Il semble donc judicieux que le rôle et les compétences des architectes travaillant en zone à risque soient reconnus, au même titre que les architectes du patrimoine par exemple. Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’architecte ne peut avoir des connaissances exhaustives dans ce domaine. Par contre, il peut orienter ses domaines de compétences et synthétiser les nécessités techniques liées aux problématiques d’un site exposé à un ou plusieurs risques. Les architectes des risques majeurs expriment une volonté de dépasser le strict respect des textes réglementaires. Notamment en faisant se croiser les urbanistes et les architectes, l’ensemble des professionnels spécialisés, les élus et les citoyens. Cette collaboration peut être le fruit de multiples innovations, à diverses échelles. b. Renforcement d’un réseau pluridisciplinaire pour une réflexion et des actions collaboratives i. Equipes de travail transdisciplinaires Selon le site et l’échelle, l’intervention en zone à risque nécessite de réunir les compétences d’une multitude de spécialistes. L’expérience des membres et des partenaires de l’association des ARM témoignent de cette nécessité. Les articles 10 et 12 de la loi sur l’architecture obligent que plus de la majorité du capital et des droits de vote soient détenus par un ou plusieurs architectes personnes physiques ou par des sociétés d’architecture20. L’agence peut recruter des profils avec des compétences diversifiées telles que économie de la construction, suivi de travaux, assistant de direction, ingénierie structure, commercial et graphiste, etc. La mise en place d’une conjonction de compétences techniques spécifiques et inhabituelles peut apporter à une agence une spécificité et un avantage concurrentiel par rapport à des agences de format classique. Notons toutefois que d’après l’article 18 de la loi de 1977 sur l’architecture, les agences doivent déclarer leurs liens d’intérêt avec les sociétés ou autres organismes avec lesquelles elles travaillent. Dans la revue Trente ans de mutations, le sociologue Guy Tapie précédemment cité dévoile le potentiel d’un travail entre professionnels aux profils hétéroclites : 20. Articles de la loi de 1997, règles communes aux sociétés d’architecture, sauf SCP et SCOP

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Atelier participatif animé par Lucie Biarnes pour le projet Areba ©Lucie Biarnes Association du Gret, Port-au-Prince, 2017

Atelier participatif animé par Lucie Biarnes pour le projet Areba ©Lucie Biarnes Association du Gret, Port-au-Prince, 2017

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« C’est dans les interfaces et les transversalités entre les disciplines [que la gestion ouverte des projets] reste potentiellement riche de nouveaux rôles à inventer, sous forme de conseils, d’expertises, de spécialités, autant que de maîtrises d’œuvre. » Marion Chapey, architecte D.E. et secrétaire de l’association des ARM a réalisé une mission d’un an au Népal avec l’association Rock n’ Wood. Des entretiens ponctuels ont permis de mettre en avant l’intérêt de travailler au quotidien avec un charpentier, un tailleur de pierre et un conducteur de travaux : « Ça apporte énormément d’avoir des gens de terrain dès la conception. On gagne beaucoup de temps et on développe des systèmes bien mieux appropriés au contexte d’intervention. Face à chaque problème, on tranche ensemble, en alliant technique, esthétique et cohésion d’ensemble. En tant qu’architecte et avec le conducteur de travaux, on fait le lien entre les différents corps de métier sur les chantiers. Dans notre fonctionnement à Rock n’ Wood, l’architecte conçoit et met à jour les différents plans selon l’avancement du chantier. Il prend les décisions d’ordre technique et esthétique suite aux échanges avec les charpentiers et tailleurs de pierre. Le conducteur de travaux gère davantage le planning et la comptabilité. Il rédige aussi les comptes-rendus. A nous deux, on se répartit les tâches administratives comme la paie des ouvriers locaux, les fiches de présence et leur répartition sur les différentes tâches, au jour le jour. Finalement, c’est comme en France, sauf qu’on travaille ensemble tous les jours. Je pense qu’intégrer des profils comme ingénieurs bois et béton peut être particulièrement pertinent aussi. Mais s’ils ont fait du terrain ! » Dans une agence d’architecture, il y aurait conflit d’intérêt si des professionnels tels que charpentier et tailleur de pierre y travaillaient. En revanche, on comprend la pertinence d’intégrer notamment des ingénieurs spécialisés. La plupart du temps, seules les agences de taille importante ont les capacités financières d'intégrer ces compétences au sein de leur structure. Pour des structures de taille plus restreinte, il est intéressant de composer des équipesprojet et de constituer des groupements avec d'autres structures spécialisées.

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Baillergeau : quartier d'intervention ŠLucie Biarnes Association du Gret, Port-au-Prince, 2017

Baillergeau : quartier d'intervention ŠLucie Biarnes Association du Gret, Port-au-Prince, 2017

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ii. Le projet collaboratif L’architecte et urbaniste Frédéric Bonnet explique dans l’ouvrage Atout risques. Des territoires exposés se réinventent21 la nécessité de participer à des réunions de travail pluridisciplinaires pour optimiser les projets : « Très concrètement, cela passe par des réunions plénières, conjointes, où chacun écoute les démonstrations et les propositions de l’autre. Ces échanges sont renforcés, entre deux ateliers, par des échanges directs entre techniciens et concepteurs urbains, pour affiner les solutions. […] L’atelier est l’occasion de tester une approche transversale, au croisement des compétences, et sortir d’une approche trop sectorielle. Cette transversalité des métiers est aussi une rencontre institutionnelle, entre les services de l’Etat – qui dépassent leur fonction régalienne pour apporter une expertise aiguisée – et les collectivités locales dont on stimule la capacité d’établir une vision partagée, une vision politique fédératrice. » Nous parlons ici d’urbanisme mais la méthodologie doit être la même à l’échelle de l’architecture puisque cette dernière est inhérente aux actions d’aménagement du territoire. Un tel travail d’équipe avec de multiples échanges met en lumière des compétences collectives et globales et non une spécialité individuelle. Lucie Biarnes, architecte D.E. et responsable projets à l’association des ARM, a quant à elle intégré le Gret22, une association française de professionnels de développement solidaire, constituée de multiples techniciens spécialisés. Pour sa mission de Volontariat de Solidarité Internationale, Lucie a participé à différents projets que l’association mène à Haïti, notamment dans le quartier de Baillergeau à Port-au-Prince (projet Areba23) sur un site fortement touché par le séisme de 2010 et à Jacmel (projet Acrobaties24) sur un site ayant subi de lourds dégâts suite à des inondations. Pour chaque projet de ce type, le Gret réalise une part importante d’ « ingénierie sociale ». La plus grande part du travail consiste généralement à instaurer un dialogue avec les notables locaux afin de générer une maintenance sur le long terme, une fois les projets réalisés. De même, des ateliers de co-conception sont instaurés pour que les futurs bénéficiaires soient pleinement impliqués dans les projets. En partenariat avec des associations locales, des cellules de quartier 21. BONNET, Frédéric, Atout risques. Des territoires exposés se réinventent, Ed. Parenthèses, Marseille, Collection « Projet urbain », 2016, 176 pages 22. Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques 23. Projet d’Aménagement et de Reconstruction de Baillergeau, http://www.gret.org/projet/amenagement-et-reconstruction-de-baillergeau-areba/ 24. Projet d’Aménagement Communautaire de la Rivière des Orangers et de ses Berges, d’Assistance Technique Institutionnelle et d’Expertise Sectorielles

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"Participez à l'aménagement du Bastan" : Animation d'un atelier par l'association des ARM lors de la Fête du Mouton Luz-Saint-Sauveur, 02.08.2016

Réhabilitation parasismique d'une école lors du DSA Architecture et Risques Majeurs à l'ENSA-PB Maina Pokhara, Népal, 09.11.2016

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sont mises en place pour élever au titre de responsables des personnes locales influentes. Un travail de sensibilisation doit être mené pour que les habitants, lorsqu’ils désirent retourner vivre sur des sites qui ont subi une catastrophe, puissent le faire dans les meilleures conditions. Lucie explique les difficultés auxquelles elle doit faire face : « Malgré les plans et les maquettes 3D que nous avons diffusés, les habitants refusent les projets d’habitation sur plusieurs niveaux. Un immeuble de logements intermédiaires réalisé en béton, s’il est réalisé correctement et selon les principes parasismiques basiques, résistera aux séismes. De même, les ateliers de co-conception doivent être combinés avec une sensibilisation à la culture du risque. Il est nécessaire d’éclairer les habitants sur les réels risques pour qu’ils puissent se réapproprier leur cadre de vie. Par exemple, dans certaines constructions parasismiques que nous avons réalisées, les critères de lumière et de ventilation sont parfois rejetés pour des raisons inappropriées. » Pour chaque intervention, une première phase consiste à réaliser une étude de Schéma d’Aménagement publique qui devra être validée par un Comité de Pilotage Institutionnel. Ensuite, l’association assure un appui technique et financier pour la reconstruction et le renforcement de maisons d’habitation. Dans le cas des deux projets nommés précédemment, la stratégie opérationnelle réside dans les Maîtrises d’Ouvrage Communautaires (MOC), c’est-à-dire le groupement d’associations et des groupes d’habitants qui construisent sous contrat avec le Gret. La réalisation se fait main dans la main entre l’architecte, les bénéficiaires, les ouvriers et les ingénieurs haïtiens. On comprend donc la nécessité de combiner des compétences liées à l’hydraulique, l’ingénierie de génie civil, la topographie, l’animation en ingénierie sociale et à l’architecture et que des allers-retours soient instaurés pour que les usages et la gestion du risque soient les plus efficients possible. c. Développement d’outils pour faciliter la transmission des connaissances Marie Aquilino souligne que « Les nouvelles technologies auxquelles les architectes et urbanistes peuvent faire appel jouent une part importante dans la reconstruction et la prévention. L’appréhension multidisciplinaire et scientifique du contexte offre également des possibilités larges d’action à la fois sur le plan humanitaire et architectural. »25 L’association des ARM travaille sur le développement de plusieurs outils pour faciliter le travail collaboratif et pluridisciplinaire. Ils sont d’ordre humain et 25. AQUILINO, Marie Jeannine, Beyond Shelter: Architecture and Human Dignity, Ed. Metropolis Press, New York, 2011, 303 pages

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numérique. En août 2016, trois ans après la dernière crue provoquée par des débordements de trois torrents de la région et après un premier workshop réalisé par le DSA Architecture et Risques Majeurs de l’ENSA-PB grâce à l'architecte Elodie Pierre, la mairie de Luz-Saint-Sauveur a rappelé l’association des ARM pour réaliser une résidence d’une semaine. L’association a alors participé à la rédaction du cahier des charges pour le réaménagement des berges qui avait subi de lourds dégâts. Dans un premier temps, après la déclaration de l’état de catastrophe naturelle26, le SIVOM27 d’énergie du Pays Toy a réalisé des travaux de rénovation au niveau des infrastructures de telle sorte que ces derniers puissent résister à une future crue centennale28. L’association a animé des ateliers d’échange à deux occasions grâce au support d’une carte du bassin versant et réalisé une enquête publique afin de connaître les usages des habitants le long de ces berges, avant et après la crue, et définir quels aménagements les habitants pourraient s’approprier après avoir vécu une telle catastrophe. Il a ici été question d’un travail de médiation, en endossant le rôle d’intermédiaire entre les élus et les habitants d’une part, entre la MOA et la future MOE, urbaine dans ce cas, d’autre part. Au cours de l’analyse des enjeux urbains qui ont révélé la présence de nombreux autres risques auxquels la commune est exposée (avalanches, glissements de terrain, chutes de blocs, aléa moyen en terme d’exposition au risque sismique, écoulements torrentiels et présence de nappes phréatiques affleurantes), les typologies et les systèmes de construction vernaculaires, ainsi que les organisations sociales ont été relevées. On comprend que ce travail, en amont de l’intervention de la MOE est essentiel et constitue un nouveau rôle pour les architectes. La communauté « Civic Wise » avec laquelle l’association collabore, parle ici de « Design Civique ». Un des enjeux des architectes est aujourd’hui d’« Assumer de nouvelles pratiques en assurant la protection du milieu naturel et la sécurité des usagers. »29 D’autres médiums sont utilisés par l’association comme des vidéos pédagogiques et des expositions présentant notamment les différents types de risques, des exemples de réponses architecturales et urbaines à différentes phases d'intervention, une gallerie de portraits de professionnels intervenant en zones 26. Cf lexique page 5 27. Cf lexique page 6 28. Notamment : stabilisation des berges par enrochement, barrages écrêteur de crues et élargissement du lit majeur pour qu’il retrouve son emprise naturelle 29. Association des Architectes des Risques Majeurs, Votre Bastan : protocole collaboratif et mémoire du risque pour l’aménagement de la berge luzéenne du Bastan, Document présenté à la mairie de LuzSaint-Sauveur, pour intégration au Cahier des charges des travaux communaux, 2016

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à risque, etc. Une autre expérience au Népal a permis à l’association de communiquer sur des outils numériques afin de développer une méthode de travail collaboratif. Dans le cadre d’une collaboration, motivée par l'architecte Cyrille Hanappe, entre l’ENSA-PB et l’association Architecture & Développement, le DSA Architecture et Risques Majeurs a réalisé une mission de diagnostic dans la région de Dolakha au Népal sur des maisons et des écoles touchées par le séisme dévastateur d’avril 2015. C’est dans ce cadre que l’utilisation de données en Système d’Informations Géographiques s’est avérée pertinente. Après la récupération des données d’organismes ayant déjà travaillé dans la région sur différents sites internet, les nouvelles informations récoltées lors de ces relevés in situ ont pu être ajoutées de manière géolocalisée sur une application gratuite appelée « Maps me ». Les bâtiments, les sources d’eau, et les réseaux électriques par exemple ont pu être géolocalisés et traités sur l’interface QGIS, également téléchargeable gratuitement. De retour en France, des projets urbains et architecturaux ont pu être développés grâce à l’utilisation de ces données accessibles en ligne et en libre-service. De nouvelles manières de travailler se dessinent avec l’apparition de technologies pointues qui ouvrent un champ des possibles pour l’exercice des architectes. Nous avons donc vu l’intérêt d’une action de mise en réseau et la nécessité de l’intégration d’architectes au sein de différents types de structures de MOA et de MOE.

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3. Vers la création d’une structure en architecture adaptée à la problématique des risques majeurs Nous avons vu qu’il existe un réel besoin d’architecture et d’architectes dans le domaine des risques majeurs. Nous avons également déterminé qu’il représente un marché potentiel important. La problématique consiste dorénavant à mettre en place un modèle économique qui permette à une agence d’architecture de se développer de façon pérenne lorsqu’elle se concentre sur cette activité. Pour certains projets, des moyens de financements « modernes »30 peuvent éventuellement mis en place mais il ne peut s’agir que de solutions ponctuelles dans le cadre d’une agence. Nous avons vu également que le fait de travailler en mode projet était également une bonne solution pour obtenir une efficacité importante à moindre coût, en complément d’une équipe pluridisciplinaire stable. L’ingénieur Dominique Lefaivre31, en s’appuyant sur ses années d’observation au sein du secteur de la construction, insiste pour que les entrepreneurs du BTP se forment sur les sciences de la gestion. A l’issue d’une thèse, il déclare également qu’ : « Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’innovation, tout le monde pense à la technologie. Mais celle-ci ne représente que 20% de l’innovation globale. L’innovation est aussi sociale et organisationnelle32. C’est lorsque les hommes changent de façon de fonctionner qu’ils aboutissent à de nouvelles idées. »33 Ces idées sont à réinvestir dans le cadre de la gestion d'une agence d'architecture.

30. Marie Aquilino évoque les nouvelles formes de financements à partir des financements participatifs (ou « crowdfundings) qui peuvent permettre aux architectes de se lancer dans ce domaine : « Avec l’invention de nouveaux systèmes financiers pour l’aide humanitaire et la reconstruction dans les pays émergents, l’Occident peut tirer beaucoup d’enseignement du savoir-faire mis en place en cas d’urgence : construire plus durable avec moins d’argent, développer avec peu de moyens des réponses adéquates et proposer un savoir empirique durable du point de vue environnemental. En outre, cette interrogation ouvre des perspectives internationales sur la migration à venir de milliers d’éco-réfugiés dans des pays plus protégés. » Beyond Shelter, Marie Aquilino 31. Intervenant lors de la formation HMONP à l’ENSAPBx le 24.04.2018, Responsable du module « Gestion du changement et innovation » à l’Ecole des Ponts et Chaussées et professeur agrégé de génie civil à l’ISA BTP, Dominique Lefaivre réalise une thèse à l’Ecole des Mines de Paris en Gestion des organisations innovantes, sur les actions collectives et groupements d’entreprises. 32. On retrouve ici l’importance que l’association Gret consacre à l’ingénierie sociale en Haïti. 33. LEFAIVRE, Dominique, Le BIM ne se limite pas à un outil de conception, URL : https://www. construction21.org/france/articles/fr/le-bim-ne-se-limite-pas-a-un-outil-de-conception.html

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∞∞∞ Nous avons donc vu que le fait de développer des compétences spécifiques, en particulier dans le domaine du risque, peut contribuer à faire connaître l’agence et lui apporter de nouvelles affaires. Intervenir sur des territoires exposés à des risques de différentes ampleurs peut lui assurer une activité pérenne, en France comme à l'étranger, par le biais d'associations humanitaires comme de collectivités territoriales ou encore d'opérations plus modestes. Notons que cette activité n'est pas dépendante des événements de crise. Comme elle s'appuie sur la nécessité d'une démarche préventive, son action porte sur une grande diversité de projets, en collaboration avec d'autres spécialistes.

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Aspirations professionnelles

Le temps de la formation HMONP a été un moment fort en termes de recherches, de questionnements, de débats, de mises au point aussi. C’est une période de confrontation entre objectifs personnels, compétences acquises et aptitudes à conforter. Cette formation invite l’architecte D.E. à adopter le point de vue d’un gérant d’agence d’architecture. Elle permet de se préparer à saisir les opportunités qui peuvent se présenter, mais aussi de surmonter les diverses difficultés qui pourront être rencontrées. Le travail réalisé dans le cadre de ce mémoire me paraît démontrer la pertinence de la démarche visant à intégrer les risques majeurs dans la stratégie de création ou d’évolution d’une agence d’architecture. Il souligne les points essentiels à prendre en compte pour son succès. Dans un premier temps, l’analyse du fonctionnement de l’agence LLTR Architectes Urbanistes m’a permis de définir les compétences nécessaires à la création et à la gestion d’une structure d’architecture et de maîtrise d’œuvre. En collaborant à l’élaboration de plus de seize projets à différentes phases, mon expérience s’est considérablement enrichie, notamment grâce au dépôt de Permis de Construire, d’une livraison de 21 logements collectifs en accession et de négociations avec des maîtrises d’ouvrage lors de la réalisation de faisabilités. Dans un deuxième temps, j’ai mis en exergue la prudence dont une structure doit faire preuve lorsqu’elle souhaite mettre en avant des compétences spécialisées afin de ne pas limiter son champ d’action. Des choix opérés, concernant une stratégie de diversification ou de spécialisation, découleront des conséquences dans l’accès à la commande. Enfin, j’ai dessiné une stratégie pour accéder à des marchés dans le domaine des risques majeurs et évoqué la complémentarité que peuvent représenter des activités économiques et associatives. Effectivement, il s’agit d’une discipline qui réclame plusieurs niveaux de réflexion, implique des actions différenciées et nécessite un processus de travail collaboratif, car elle appelle la mobilisation de compétences multiples. L’association des Architectes des Risques Majeurs représente une opportunité pour intégrer un tel réseau pluridisciplinaire. Plusieurs expériences professionnelles, une partie de mes études à l’étranger et des projets étudiants m’ont permis de constituer une base de références et m’ont menée au projet professionnel développé dans ce mémoire. Au même titre que ma collaboration au sein de l’agence LLTR Architectes Urbanistes, mon implication dans la création de l’association des ARM s’avère aujourd’hui 78


en parfaite cohérence avec mes ambitions. Cette expérience associative m’a permis d’une part de vivre une première expérience de création de structure, de monter des projets, de les communiquer et de gérer des équipes de travail mais aussi d’accroître mes aptitudes pour échanger avec différents types d’acteurs (habitants, élus, directions d’écoles, associations, etc.). Elle m’a également amenée à porter des responsabilités financières et juridiques. Mon objectif est de réaliser une architecture qui intègre, à toutes les échelles, des réponses précises et pertinentes afin de réduire l’exposition aux risques majeurs. Je souhaite, à terme, intégrer une structure qui me donnera la responsabilité de développer cette approche. J’ai ainsi analysé dans ce mémoire plusieurs structures d’architecture qui opèrent de différentes manières pour parvenir à cette même fin. L’obtention de l’HMONP et l’inscription au Tableau de l’Ordre des architectes me permettront de mettre en œuvre ces objectifs et d’exercer en tant qu’architecte maître d’œuvre sur le territoire français, exposé à différents types de risques. Je n’exclue pas de travailler ponctuellement à l’étranger, en répondant à des appels d’offres lancés par les bailleurs de fonds. Dans ce cadre, il faut noter qu’une inscription à l’Ordre du pays d’intervention est également obligatoire dans la majorité des cas . J’ai conscience de la difficulté à rendre cette activité viable dans un premier temps. Elle me paraît pourtant s’inscrire pleinement dans les problématiques auxquelles devront répondre les architectes afin de prévenir les risques. Le territoire français n’est pas épargné par ces derniers. Il me semble important d’être capable d’apporter des réponses à ces problématiques, en particulier au vu de l’évolution de l’ampleur des conséquences des catastrophes naturelles liées aux changements climatiques. J’ai par ailleurs pu percevoir la sensibilisation de certains publics à ces sujets. A court terme, après avoir obtenu mon HMONP, et pendant une période de transition, je souhaite poursuivre ma collaboration au sein de l’agence LLTR en contrat salarié et réaliser dès à présent des missions de sous-traitance en nom propre auprès d’architectes sensibilisés aux problématiques qui m’animent et d’ores et déjà expérimentés dans ces domaines. Dans un second temps, je souhaite mettre en place des cotraitances avec plusieurs collègues du DSA Architecture et Risques Majeurs ainsi qu’avec d’autres spécialistes. Ce format d’équipe permettra de répondre collectivement à des appels d’offres sur des territoires exposés aux risques. Au terme de ma réflexion, je souhaite ouvrir mon exercice à une diversité de projets, tout en maintenant un objectif d’affirmation d’une identité forte dans le domaine des risques. Je pense que cette stratégie sera gage d’innovation et de longévité. 79


Références bibliographiques

L’architecture des risques majeurs : - AQUILINO, Marie Jeannine, Beyond Shelter: Architecture and Human Dignity, Ed. Metropolis Press, New York, 2011, 303 pages - Association des Architectes des Risques Majeurs, Votre Bastan : protocole collaboratif et mémoire du risque pour l’aménagement de la berge luzéenne du Bastan, Document présenté à la mairie de Luz-Saint-Sauveur, pour intégration au Cahier des charges des travaux communaux, 2016 - BONNET, Frédéric, Atout risques. Des territoires exposés se réinventent, Ed. Parenthèses, Marseille, Collection « Projet urbain », 2016, 176 pages - www.etc-projects.eu - www.evastudio.co.uk

La profession d’architecte : - CHESNEAU, Isabelle, Profession architecte, Ed. Eyrolles, Paris, ENSAPM, 2018, 554 pages - BARRE, François, CONTENAY, Florence, MARQUES, Ruth, HACQUIN, Raphaël, CHASSEL, Francis, Etre architecte, présent et avenir d’une profession, Editions du patrimoine, Paris, « Centre des monuments nationaux », 2001, 294 pages - CHADOIN, Olivier, Être architecte : Les vertus de l’indétermination. Une sociologie du travail professionnel, Presses universitaires de Limoge, coll. « Sociologie et sciences sociales », 2007, 383 pages - Code des devoirs professionnels des architectes, Journal officiel du 25 mars 1980 et rectificatif J.O. du 21 juin 1980, URL : https://www.architectes.org/code-de-deontologiedes-architectes - La profession d’architecte : la crise d’une profession réglementée, URL : https://www. senat.fr/rap/r04-064/r04-0643.html - DESMOULINS, Christine, Les enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ?, Compétences nécessaires sur le chantier pour assurer sa mission de MOE, D’architectures, n° 189, mars 2010, p. 37-51

80


- Loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, version consolidée au 01 mai 2018, URL : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000522423 - LÜTHI, Dave, L’architecte-spécialiste. Modalités et enjeux d’un phénomène professionnel et historique, La profession d’architecte en Suisse romande (XVIe-XXe siècle), Université de Lausanne, 2009, p. 145-162 URL : https://journals.openedition.org/edl/531 - ROSENBAUM, Laura, La condition internationale des architectes : le monde en référence : représentations, pratique et parcours, Université de Bordeaux, 2017 - CARR, Brid, GREZES, Denis, WINCH, GRAHAM, Stratégies et organisations des agences d’architecture à l’exportation : une comparaison franco-anglaise, Euroconception, Plan Construction et Architecture, 1998, 31 pages

L’innovation en architecture : - JOFFROY, Pascale, Diversité des pratiques : qu’est-ce que les architectes vont encore inventer ?, D’architectures, page 43-47, n°181, avril 2009 - LEFAIVRE, Dominique, Le BIM ne se limite pas à un outil de conception, URL : https:// www.construction21.org/france/articles/fr/le-bim-ne-se-limite-pas-a-un-outil-deconception.html - Création d’un double diplôme Architecte-manager, www.batiactu.fr, 20/04/2018 à 15h00 - NAMIAS, Olivier, L’agence d’architecture : grandir ou périr ?, D’architecture, n° 214, 2012, URL : http://www.darchitectures.com/agence-architecture-grandir-ou-perir-a990.html - BELLER, Julien, Alter-architecture, Conférence à L’ENSA Strasbourg, Laboratoire AMUP, 12 janvier 2017, 1h53, URL : http://www.strasbourg.archi.fr/events/alter-architecturejulien-beller-architecte-engag%C3%A9

Environnement et économie : - CHAUVEAU, Etienne, CHADENAS, Céline, COMENTALE, Bruno, POTTIER, Patrick, BLANLOEIL, Amandine, FEUILLET, Thierry, MERCIER, Denis, POURINET, Laurent, ROLLO, Nicolas, TILLIER Ion, TROUILLET, Brice, Xynthia : leçons d’une catastrophe, Cybergeo : Revue européenne de géographie, document 538, 2011, URL : https://journals.openedition.org/ cybergeo/23763

Documentation sur les risques majeurs : - Eurocode 8 - www.georisques.gouv.fr/articles/definition-generale-du-risque-majeur 81


L'ĂŠquipe de l'agence LLTR Architectes Urbanistes Paris, le 19.12.2017

82


Remerciements

Je tiens à exprimer ma grande reconnaissance à Olivier Le Bourcicot, Philippe Loth et Guillaume Testas, co-associés de l’agence LLTR, pour m’avoir donné cette opportunité professionnelle et permis de suivre la formation HMONP au sein de leur structure. Merci particulièrement à Philippe Loth pour m’avoir intégrée à ses différents projets et avoir partagé ses expériences. Je remercie très sincèrement Stéphane Hirschberger, mon directeur d’études, pour avoir soutenu mes convictions et m’avoir poussée à explorer mon questionnement autour de la création d’une structure d’architecture orientée vers les risques majeurs, pour ses critiques fines et sa disponibilité. Ce travail n’aurait pu être concluant sans le soutien de Pascal Chombart de Lauwe, directeur scientifique du DSA Architecture et Risques Majeurs de l’ENSA-PB. Merci à Sarra Kasri, pour ses débats passionnés et son soutien à l’association des Architectes des Risques Majeurs. Je souhaite également exprimer ma gratitude aux équipes administrative et enseignante de l’HMONP de l’ENSAPBx et du DSA Architecture et Risques Majeurs de l'ENSA-PB. Merci à Michel Possompès pour son soutien au cours de mes études. Merci à Yvon, Karolina, Bong Soo, Tetsuya, Clémentine, Alex et Dounia pour avoir répondu à mes innombrables questions durant les quatorze derniers mois et m’avoir accueillie dans leur quotidien professionnel. Merci à Lucie Biarnes et à Marion Chapey pour leur retour d’expérience suite à leur mission de volontariat respectivement à Haïti et au Népal. Merci à mes proches pour leurs relectures et leur soutien moral. Merci à Aurore, mon binôme de travail déterminé. Merci enfin à Caroline, Thibaut, Marion, Julie, Mélanie, Marine, Julie, Daphné et Célia pour leur accueil bordelais chaleureux.

83


Annexes

84


L'application Kaliti Un outil précieux pour le suivi de chantier EMPRISE DE SOUS-SOL L.L

PL

47

RJ

RJ

G.C

PC

280

105

Cuisine Dégagement

411

PL

V.R

Mir. L.V. 299

SEJOUR/ CUISINE

allège:50cm

319

6

PC

PC

Cave à vin

4x PC

167

571

571

15

PC

à l'hauteur de plinthe

RJ

Plan de localisation des réserves par appartement OPR, Issy-Les-Moulineaux, le 15.11.2017

LOTH

Chambre 1 Chambre 2 Chambre 3 Salle de bain/ WC Salle d'eau WC

SURFACES T

Groupe Accueil - ISSY EN L'ILE

Phase

N° unique

Entreprise

Date de visite

Libellé

Terrasse Jardin privatif

Statut

3- OPR

532

4

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Défaut de bande, enduit et peinture sur mur chambre

12/10/2017 Réserve non levée 06:27

3- OPR

543

6

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Enduit + peinture cloison placard

24/10/2017 Réserve non levée 09:18

3- OPR

1312

15

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Enduit et peinture à reprendre autour bouche

14/11/2017 Réserve non levée 13:44

3- OPR

1314

17

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Peindre plinthes

14/11/2017 Réserve non levée 13:45

3- OPR

1317

20

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Nettoyer plafond

14/11/2017 Réserve non levée 13:47

*A1 3- OPR

1321

24

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Peinture autour coffre du VR

14/11/2017 Réserve non levée 13:49

*A1 3- OPR

1322

25

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Peinture baies et coffre du VR

14/11/2017 Réserve non levée 13:49

*A2 3- OPR

1323

26

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Peinture porte

14/11/2017 Réserve non levée 13:52

*A3 3- OPR

1324

27

PEINTURE - 12 - P.S.R.

*A3 3- OPR

1326

29

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Peinture trappe

0

1

Peindre évacuation

2

3

14/11/2017 Réserve non levée 13:53

4

5M

14/11/2017 Réserve non levée 13:54 14/11/2017

1327 30 PEINTURE - 12 - P.S.R. Peinture après reprises enduit *A2 3- OPR Réserve non levée l'appartement. Les emplacements des radiateurs ou des convecteurs sont indiqués. Des modifications peutvent intervenir en fonction 14:22 des nécessités ires, tant en ce qui concerne les dimensions que les éléments d'équipement. Les canalisations ne sont pas mentionnées. Les retombées, 14/11/2017les soffites et 3- OPR 1333 36 PEINTURE - 12 - P.S.R. Peinture plinthes Réserve non levée 14:26 à la date d'établissement du présent plan. Liste des réserves par appartement et par lot 14/11/2017 Réserve non levée OPR, Issy-Les-Moulineaux, le 15.11.2017 14:27

*A4 3- OPR

1334

37

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Finition peinture huisserie

*A5 3- OPR

1336

39

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Peinture baies

14/11/2017 Réserve non levée 14:27

*A5 3- OPR

1338

41

PEINTURE - 12 - P.S.R.

Joint et peinture autour du coffre du VR

14/11/2017 Réserve non levée 14:28

A03 / Bat / R+0 / Appartement / Parties privatives / PV 15/11/2017

SU

Séjour

V.R

S.S

G.C

280

L.L

FA allège:50cm

PL

711

Radi.

L.V

PC

PC

PC

x2

L.V.

PC

PC

commandée

486

272

285

V.R

Hotte en hauteur

CH.1

17

Micro-ondes

Cuisinière

60

PC commandée jardin 20

260

Four

CUISINE

240

PC

SDB/WC

jardin

EP

Réfrigérateur Congélateur

L.V.

224

CUISINE

364

PC

60

FA allège:50cm

*A3 247

seuil:10cm PF

applique Béga

C

625

*A5

CH.3

SEJOUR

PC commandée

63

V.R Oscilo -battante

SDE

commandée

PC Etanche

PC

140

PC

*A4

PL

190

WC

S.S 140

110

PC

PC

x4 x2

PC

36

*A2

RP

Radi.

RJ

DGT

193

RJ CAM

PC

PC

PC

V.R

700

PC Etanche

PC commandée

*A1

G.C

307

PC

applique Béga

TERRASSE

JARDIN

45

PL

S.S

282

CH.2

4 PC commandée

PC

FA allège:50cm

soffite

CH.1

182

282

seuil:10cm PF

57

SDB/WC

V.R Oscilo -battante

PC

352

PC

60

L.L S.L

319

PC

V.R

PC

418

S.L

58

335

A03 / Bat / R+0 / Appartement / Parties privatives / PV

85

Page 21

SURFACES T

DATE

Mis à jou

LEGENDE GTL

GAINE E

APPLIQU RP

ROBINE

DESCEN FAUX-PL HAIE

N° App Type Niveau


LOTH

Groupe Accueil - ISSY EN L'ILE

Photos associées aux réserves

XX N° XXXX N° unique

4

532 Défaut de bande, enduit et peinture sur mur chambre

20 1317 Nettoyer plafond

15 1312 Enduit et peinture à reprendre autour bouche

17 1314 Peindre plinthes

24 1321 Peinture autour coffre du VR

26 1323 Peinture porte

Photo de détail des réserves par appartement 27 1324 Peinture trappe 29 1326 Peindre évacuation OPR, Issy-Les-Moulineaux, le 15.11.2017

30 1327 Peinture après reprises enduit

A03 / Bat / R+0 / Appartement / Parties privatives / PV

Page 23

+43.16

110

Groupe Accueil - ISSY EN L'ILE 4- Livraisons

LOTH

LIMITE DE LOT

15/11/2017

30

GARDE-CORPS DE SECURITE

190

PERGOLA Chéneau zinc

Couvertine zinc 30

PF D-160D

PF D-100G

PF D-160D

PF D-220D

PF D-160D

PF D-160D

+40.16

PF D-160D

30

PF D-160D

Det. iv-1 210

Det. M-4d

Det. M-1

Det. M-4c Det. M-3

Det. M-1

PF C-220G

PF C-160D

PF C-220D

PF C-160G

PF C-160G

PF C-160G

PF C-160D

PF C-100D

PF C-160D

PF C-220G

PF C-100D

PF C-220D

PF C-160G

PF C-160G

PF C-160G

FA 220G

FA 100D

FA 220D

FA 160G

210

PF C-160D

30

PF C-100D

10

PF C-160D

Av. du Bas du Meudon

Det. M-4b

Det. M-4a

Det. M-2

10

10

1

Det. M-2

7 FA 160D

4

11

FA 160D

NGF 30

Niv. Tro

5 35

2

3

Det. iv-2

30.63 Niv. Trottoir

Events

Cunette

COFFRET ERDF

COFFRET GRDF

50

9,20

6

70

40

30.63 Niv. Trottoir

50

9

8

70

50

FACADE Av. Bas du Meudon

GARDE-CORPS DE SECURITE

LIMITE DE LOT

Façade pour localisation des réserves Livraison, Issy-Les-Moulineaux, le 19.12.2017

COU

GARDE-CORPS DE SECURITE

+43.16

110

NGF 43.16 Niv. Acrotère

+43.16

PF B-330G

Page 6

Niv. Balcon

PF A-330G

Couvertine zinc

+40.16

PF A-160D

PF A-220D

PF A-160D

PF A-220D

PF A-330D

Par-vue

PF A-330G

Chéneau zinc

Trop plein

PF C-130D

PF A-330D

Par-vue

Par-vue

PF A-330G

Par-vue

278

PF A-330G

PF C-130D

NGF 40.06

PF C-130D

Det. v-1 210

78

PF A-330G

30

FA 160G

PF B-080D

86

Trop plein EP

FA 160G

PF B-160D

Niv. Terrasse

30

Trop plein

PF B-080D

Façade NordNGF / Bat / Façade / Nord / Parties communes / 0 40.16

Niv. Balcon

Par-vue

Par-vue

Par-vue

PF B-220 NGF 40.16

Niv. R+3 (Sol fini)

190

317

30

FA 160G

19/12/2017

NGF 39.99

NGF 37.21 10

Niv. R+2 (Sol fini)

Trop plein

on

EP

250


Réalisation de faisabilités Tentative d'élaboration d'une fiche méthodologique - Un plan de situation de la parcelle projetée pour l’acquisition par un promoteur. - Un rappel du contexte urbain et du contexte règlementaire avec les points particuliers du PLU, des PPRN et PPRT si existant sur la commune et si le projet est concerné par certains points. Avec l’expérience, on apprend à regarder en priorité certains des articles du PLU. (Des variations peuvent exister mais on peut observer une similitude de trame d’organisation des articles entre les PLU.) - Article 6 : implantation des constructions par rapport à l’emprise publique - Article 7 : implantation par rapport aux limites séparatives - Article 8 : implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur la même propriété - Article 9 : emprise au sol des constructions - Article 10 : hauteurs maximum des constructions - Article 12 : stationnement > on va tout de suite regarder le nombre de places requises par m² de surface de plancher (SDP) ou par typologie de logement - Article 13 : espaces verts > on va tout de suite regarder le pourcentage d’espace vert et de terre pleine minimum - A partir du cadastre et d’images Google Street, on va réaliser une rapide étude de l’environnement existant notamment concernant les hauteurs de constructions. - Dessin de l’emprise maximale des constructions. On peut dès lors réaliser une estimation de la SDP qui pourra être créée grâce à un ratio de 0.75 à 0.80 selon la taille du projet (Surface de l’emprise des bâtiments x 0.75 = SDP projetée. - Dessin de l’épaisseur des murs extérieurs (35cm) - Une coupe pour déterminer la hauteur de la construction, selon le prospect imposé par le PLU - On réalise plusieurs tests pour placer les circulations verticales dans un premier temps - On les projette dans les niveaux de sous-sol avec un escalier indépendant - Dès lors, on peut faire une seconde estimation avec un nouveau ratio. En déduisant la surface des circulations de la surface intérieure des murs extérieurs et en multipliant ce résultat par 0.90, on obtient également une approximation de la SDP qui sera créée. Souvent, la SDP réellement créée se trouvera entre ces deux résultats. - Enfin, selon les MOA, le document principal est le tableau récapitulatif des surfaces de plancher estimées, en précisant selon les attentes la répartition des typologies de logements à travers un plan d’étage courant. - Un travail de représentation et de graphisme peut ensuite être réalisé selon le temps disponible et la commande exprimée, avec un plan masse paysager, une axonométrie pour apprécier la volumétrie projetée, etc.

87


Note de synthèse Carnet de suivi A.D.E. La mise en situation professionnelle au sein de l’agence LLTR Architectes Urbanistes a succédé un premier contrat de 6 mois en CDD, dont l’objet était de remplacer une des salariées de l’agence pendant son congé maternité. Durant cette première période, j’ai réalisé des faisabilités, participé à un DPC, à deux concours et réalisé des panneaux de références de matériaux pour des halls d’immeubles en phase DCE. A partir de la fin du quatrième mois, j’ai également suivi un chantier. Ce fut une expérience extrêmement positive, pendant laquelle j’ai pu travailler sur une diversité de phases de projets. Les échanges avec Philippe Loth, qui deviendra mon tuteur de MSP, ont été particulièrement intéressants pour comprendre le fonctionnement de l’agence. J’ai réalisé que les conditions étaient réunies pour réaliser une mise en situation propre à la formation HMONP riche et fructueuse. Mon projet professionnel, décrit plus en détail dans le mémoire auquel ce document est attaché, m’a amenée à analyser ma structure d’accueil sous l’angle d’une thématique particulière : la spécialisation en architecture et les avantages et inconvénients qu’un tel profil peut apporter à une structure professionnelle d’architecture. Parallèlement et dans le prolongement de la formation de spécialisation (Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement - Architecture et Risques Majeurs) que j’ai suivie à l’ENSA-PB entre 2015 et 2017, je me suis interrogée sur la pertinence de créer une agence d’architecture spécialisée dans le domaine des risques majeurs. Au cours de la MSP, j’ai réalisé plusieurs types de faisabilités pour des promoteurs privés et pour des MOA publiques me permettant de comprendre le montage de projet dans ces deux contextes. Les échelles ont varié, allant de la parcelle à des opérations d'aménagement ou de réaménagement. Au fil des différents projets, j’ai pu approfondir les aspects réglementaires (PMR, incendie, PLU, PPRI) et de sécurité (suivi de chantier) concernant un type de programme particulier : le logement collectif. J’ai ainsi pu mesurer l’importance de trouver un point d’équilibre entre faisabilité - économique et réglementaire – et conception architecturale avec pour objectif majeur d’atteindre une sobriété, tant formelle que matérielle. Après un bilan de cette expérience de quatorze mois au total, j’ai renforcé ma méthodologie de travail individuel mais également en équipe, que ce soit dans la gestion de projet ou dans la production. C’est cette dynamique collective que je souhaite aujourd’hui créer au sein d’une structure qui orientera son activité vers le domaine polyvalent des risques majeurs.

88


Fiche d'appréciation générale Philippe Loth, tuteur d'agence

89


90


Fiche d'appréciation générale Stéphane Hirschberger, directeur d'étude Céline Coderch est ADE depuis 2015. Elle a passé son diplôme à l’ENSA de Paris Malaquais dans le département Transitions, puis a suivi le DSA « Architecture et Risques Majeurs » à l’ENSA de Paris Belleville, sous la direction de Pascal Chombart de Lauwe. Céline a Coderch est ADE depuis 2015. Elle a passé son diplôme(MSP) à l’ENSA de Paris Malaquais dans Céline choisi d'effectuer sa Mise en Situation Professionnelle et demandé son HMONP à le Transitions, puisplusieurs a suivi lemois DSApassés « Architecture et Risques Majeurs » à l’ENSA de la département suite de ses études et après en agence. Paris Belleville, sous la direction de Pascal Chombart de Lauwe. Céline est une personnalité entière, pleine d'énergie et de dynamisme. Passionnée par la discipline Céline d'effectuer sa Misecomme en Situation Professionnelle (MSP) etque demandé son HMONP à qu'elle a a choisi choisie, elle la considère une aventure humaine autant professionnelle. la suite desur sesles études et après mois agence. Elle porte choses et les plusieurs évènements unpassés regard en franc et direct, sans ambages et sans embarras. Cette énergie renouvelée de découverte et de curiosité ne l'empêche d'intégrer et de Céline est une personnalité entière,professionnelles pleine d'énergie lui et de dynamisme. Passionnée par la discipline sédimenter ce que les expériences apportent. qu'elle a choisie, elle la considère comme une aventure humaine autant que professionnelle. ElleMise porteen sur les choses et les évènements un regard franc et direct, sans et sans Sa Situation Professionnelle s'est déroulée dans l'agence LLTR oùambages elle a travaillé sur des embarras. Cette énergie renouvelée de découverte et de curiosité neElle l'empêche d'intégrer et de développements de projets de logements et des chantiers associés. en a suivi toutes les sédimenter ce que les expériences professionnelles lui apportent. étapes, échangé avec les interlocuteurs, profitant de cette année pour comprendre ce qu'était un projet construit. Sa Mise en Situation Professionnelle s'est déroulée dans l'agence LLTR où elle a travaillé sur des développements de projets dedeux logements et des chantiers associés. Elle en ades suivi toutes lesdes Céline Coderch anime depuis ans l'association des ARM, l'association Architectes étapes, lesainterlocuteurs, profitantdiplômés de cette du année comprendre ce qu'était Risqueséchangé Majeurs,avec qu'elle fondée avec d'autres DSApour éponyme. L'objectif de cetteun projet construit. structure est de créer un réseau ouvert et collaboratif de professionnels intéressés à la question des risques, thématique forte et pertinente, profondément actuelle, tant en termes de prévention Céline anime depuis deux ans l'association desmémoire ARM, l'association des Architectes des que de Coderch gestion des événements dramatiques. Dans son de HMO, Céline pose, avec Risques a fondée diplômés dudans DSA un éponyme. de cette acuité et Majeurs, maturité, qu'elle un regard sur la avec placed'autres de la spécialisation parcoursL'objectif professionnel structure est de créer un réseau ouvert et collaboratif de professionnels intéressés à la question d'architecte. des risques, thématique forte et pertinente, profondément actuelle, tant en termes de prévention que de Coderch gestion des événements son mémoire HMO, Céline pose, avec Céline souhaite pouvoirdramatiques. être habilitéeDans en son nom proprede à la Maîtrise d'Œuvre. acuité et le maturité, unde regard surdepuis la place dans un parcours professionnel J'ai suivi parcours Céline un de an la etspécialisation je l'ai accompagnée plus spécifiquement pendant d'architecte. cette année de HMO.

Céline souhaite pouvoir être en sonavec nom une propre à la Maîtrise Fidèle àCoderch ce qu'elle est, sans langue dehabilitée bois ni détour, grande capacitéd'Œuvre. de distance critique J'ai le talent parcours de Céline depuis et je prête l'ai accompagnée plus spécifiquement pendant et unsuivi beau d'observateur attentif,un jean la sais et capable d'exercer ce métier et cette cette année de HMO. pratique. Fidèle à ce qu'elle est, sans langue de bois ni détour, avec une grande capacité de distance critique et un beau talent d'observateur attentif, je la sais prête et capable d'exercer ce métier et cette pratique.

Stéphane HIRSCHBERGER Stéphane HIRSCHBERGER

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Céline Coderch D.E.A. 2015 ENSAP Malaquais Née le 12 janvier 1991 12, rue de la Fontaine du But 75018 Paris +33 7 87 03 32 22 celine-coderch@wanadoo.fr Formation

Septembre 2017 - mai 2018

+ HMONP à l’ENSAP-Bordeaux

2015 - 2017

+ Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement Architecture et Risques Majeurs à l’ENSA-Paris Belleville ° Projet de rétrofitting avec l’ONG Architecture&Développement au Népal ° Projet et résidence à Luz-Saint-Sauveur dans les Hautes-Pyrénées : Intégration du risque inondation au projet communal d’aménagement de berges ° Projet à Rhodes en Grèce “Un patrimoine à l’épreuve des risques majeurs”

2010 - 2015

+ Diplôme d’Etat d’Architecture à l’ENSA-Paris Malaquais ° Second prix du concours international “Outstanding village housing village” lancé par Wang Shu en Chine “Retour aux sources dans la vallée du Heyang” ° Félicitations du jury de Pau “Requalification du quartier du Hédas”

Septembre 2013 - Janvier 2014

+ Artesis Hogeschool à Anvers, Belgique

Septembre 2012 - Janvier 2013

+ Istanbul Technical University, Faculty of Architecture, Turquie

2010

Expériences professionnelles

+ Baccalauréat scientifique, option physique et musique, Lycée Racine, Paris

Mars 2016 - Aujourd’hui

+ Membre fondateur et Présidente de l’association des Architectes des Risques Majeurs

Septembre 2017 - Mai 2018

+ Mise en Situation Professionnelle chez LLTR Architectes Urbanistes - 75 : faisaibilités, PC, DCE et suivi de chantier pour opérations de logements collectifs neufs pour MOA privées et publiques

Avril - Septembre 2017

+ CDD chez LLTR architecture - 75 : concours, faisabilités, PC, APS pour logements collectifs neufs pour MOA privées et publiques 92


Juin - Septembre 2016

+ CDD chez Creactiv architecture - 78 : relevé, saisie, DP-DE et APS pour des magasins Franprix en Ile-de-France

Septembre 2013 - Avril 2014

+ Stage chez Zoomfactor - 75 : esquisse d’une surélévation en bois pour une MOA privée à Bagnolet et recherches pour “UpFactor”

Juin - Août 2013

+ Stage master chez Xlgd Architectures - 75 : recherche, conception et réalisation de documents graphiques pour un projet de pont en bois et béton en Autriche

Juillet 2012

+ Stage licence chez Mu Architecture - 75 : PC pour une maison individuelle, participation DCE pour une salle de sport de caserne de pompiers

Juillet 2011

Logiciels

Langues

Autres activités et compétences

+ Stage d’observation chez B2I, Bureau d’études techniques et pilotage de chantier, Tours + Autocad + Indesign, Illustrator, Photoshop, Premiere Pro + Rhinoceros, Archicad (notions) + QGIS + RDM6 + Word, Excel, Power Point, Outlook + Anglais : Niveau B2, deux semestres Erasmus avec cours en anglais + Allemand : Niveau A2, niveau baccalauréat + Néerlandais : Notions

+ Formation “L’Architecte et l’Urgence” à la Fondation des Architectes de l’Urgence - Amiens - mars 2017 + Exposition “Le Népal, l’après séisme” - Paris - février 2017 + Exposition “L’architecture et les professionnels des risques majeurs” - Paris - avril 2017 + Réalisation de courts-métrages - Turquie, Népal et Japon + Construction du Pavillon Terre & Paille au Festival Bellastock 2017 + Atelier avec Riken Yamamoto sur le thème du “Local community area” + Diplôme de Sauveteur Secouriste du Travail + Piano, solfège et danse modern jazz - Diplôme de fin de 3è cycle Conservatoire Municipal + Bénévolat au festival Solidays - Prévention contre le SIDA, Association Solidarité Sid + Permis B 93


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COMPÉTENCES COMPÉTENCES EXPÉRIMENTÉES EXPÉRIMENTÉES / À/ EXPLORER À EXPLORER Compétences expérimentées / à explorer

Compétences expérimentées / à explorer

LOILOI MOP MOP

AUTRES AUTRES COMPETENCES COMPETENCES

Mission Mission de base de base Missions Missions complémentaires complémentaires

PROJETS PROJETS Requalification Requalification du quartier du quartier du Hédas, du Hédas, Pau, France Pau, France Requalification Requalification urbaine, urbaine, Loches, Loches, France France Requalification Requalification urbaine urbaine et projet et projet d’éco-village, d’éco-village, ValléeVallée du Heyang, du Heyang, ChineChine Mémoire Mémoire de recherche de recherche Observation Observation de chantiers, de chantiers, Région Région Centre, Centre, France France Maison Maison individuelle, individuelle, France France Salle Salle de sport, de sport, caserne caserne de pompier, de pompier, France France Pont Pont bois/béton, bois/béton, Weissensee, Weissensee, Autriche Autriche Surélévation Surélévation en bois en d’une bois d’une maison maison individuelle, individuelle, France France Franchises Franchises Franprix, Franprix, France France Diagnostic Diagnostic et projet, et projet, Rhodes, Rhodes, GrèceGrèce Diagnostic Diagnostic et projet, et projet, Luz-Saint-Sauveur, Luz-Saint-Sauveur, Hautes-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, France France Diagnostic Diagnostic et projet, et projet, MainaMaina Pokhari, Pokhari, NépalNépal Cahier Cahier des charges des charges risquerisque inondation, inondation, Luz-Saint-Sauveur, Luz-Saint-Sauveur, Hautes-Pyrénées, Hautes-Pyrénées, France France Voyage Voyage au Japon au Japon sur lasur thématique la thématique de lade prévention la prévention du risque du risque sismique sismique Concours Concours pourpour la reconstruction la reconstruction de Mosoul, de Mosoul, Irak Irak Aménagement Aménagement du restaurant du restaurant «Charlies’s «Charlies’s café»,café», Paris,Paris, France France Restauration Restauration cheminée cheminée en pierre, en pierre, Manthelan, Manthelan, France France 24 logements 24 logements en accession en accession pourpour le Groupe le Groupe Accueil, Accueil, Ile Saint-Germain, Ile Saint-Germain, Issy-Les-Moulineaux, Issy-Les-Moulineaux, France France 6 maisons 6 maisons individuelles individuelles en accession en accession et 15etlogements 15 logements en locatif en locatif pourpour Immobilière Immobilière 3F, Stains, 3F, Stains, France France Démolition, Démolition, réaménagement réaménagement et surélébration et surélébration d’uned’une maison maison individuelle, individuelle, Issy-Les-Moulineaux, Issy-Les-Moulineaux, France France Boulogne Boulogne Rieux,Rieux, France France 32 logements 32 logements locatifs locatifs libres-AFL libres-AFL pourpour LNC, LNC, Petit Petit Nanterre, Nanterre, France France 30 logements 30 logements en accession en accession et 25etlogements 25 logements sociaux sociaux pourpour BNPPI-Vincinterre, BNPPI-Vincinterre, France France Mériel, Mériel, France France Clamart, Clamart, France France 40 logements 40 logements sociaux sociaux pourpour I3F, LeI3F, Perreux Le Perreux sur Marne, sur Marne, France France Logements Logements collectifs collectifs et maisons et maisons individuelles, individuelles, Villepinte, Villepinte, France France Requalification Requalification d’un d’un macro-lot, macro-lot, Beauchamp, Beauchamp, Chaussée Chaussée JulesJules César,César, France, France, EPG-IF EPG-IF Requalification Requalification d’un d’un macro-lot, macro-lot, Mantes-La-Jolie, Mantes-La-Jolie, rue des rueCrosnières, des Crosnières, France, France, EPF-IFEPF-IF ProjetProjet d’aménagement, d’aménagement, Saint-Fargeau-Ponthierry, Saint-Fargeau-Ponthierry, Lots Henkel Lots Henkel et Leroy, et Leroy, France, France, I3F I3F ProjetProjet d’aménagement, d’aménagement, Carrières-sous-Poissy, Carrières-sous-Poissy, France, France, Les Nouveaux Les Nouveaux Constructeurs Constructeurs

DATES DATES CLEF CLEF

STRUCTURES STRUCTURES

Echanges MOA

Echanges MOA Plans de vente

DCE Plans de vente

DCE Estimations

DP / DE Estimations

DP DE PC / PCM

Concours Expression écrite Expression PC / PCM écrite

Conf / Jury Concours

Réalisation Relevés de films Réalisation de films Montage d’expositions Montage d’expositions Conf / Jury

AMO Faisabilité Relevés AMO

AOR Diagnostic structurel Diagnostic structurel Diagnostic urbain Diagnostic urbain Faisabilité

ACT PRO VISA ACT / EXE DET / EXE VISA AOR DET

Esquisse APS/APD Esquisse PRO APS/APD

Conception ConceptionExécution Exécution

ENSAENSA PM PM

20102010

JUIN JUIN

Baccalauréat Baccalauréat scientifique, scientifique, optionoption physique physique et musique et musique

20112011

JUILLET JUILLET

StageStage chantier chantier chez B2I chez : bureau B2I : bureau d’études d’études techniques techniques et de et de pilotage pilotage de chantier de chantier

20122012

JUILLET JUILLET

StageStage licencelicence chez Mu chezarchitecture Mu architecture

20132013

Istanbul Technical Technical University, University, FacultyFaculty of of SEPTEMBRE SEPTEMBRE À JANVIER À JANVIER Istanbul Architecture, Architecture, Turquie Turquie JUILLET JUILLET - AOÛT- AOÛT StageStage mastermaster chez Xlgd chezArchitectures Xlgd Architectures

5 ans 5 ans

B21 B21

2 semaines 2 semaines

Mu Architectes Mu Architectes 1 mois 1 mois

Xlgd Xlgd 2 mois 2 mois

Zoomfactor Zoomfactor

8 mois, à8 raison mois, àd’une raisonjournée d’une journée par semaine par semaine

Creativ Creativ Architecture Architecture 2 mois 2 mois

À JANVIER À JANVIER ArtesisArtesis SEPTEMBRE SEPTEMBRE Hogeschool à Anvers, Belgique Hogeschool à Anvers, Belgique

DSA RM DSA- ENSAPB RM - ENSAPB

1,5 an, à1,5 raison an, àd’une raisonsemaine d’une semaine par moispar mois MSP à réaliser MSP à réaliser

Association Association des des Architectes Architectes des risques des risques majeurs majeurs 2 ans 2 ans

SEPTEMBRE SEPTEMBRE À AVRIL À AVRIL

Mission chez Zoomfactor Architectes Mission chez Zoomfactor Architectes

20142014

JUIN JUIN

Second Second prix pour prix lepour concours le concours «Outstanding «Outstanding village,village, housing housing village» village» lancé lancé par l’architecte par l’architecte WangWang Shu pour Shu lapour vallée la vallée du Heyang du Heyang en Chine en Chine

20152015

JUIN JUIN

Diplôme d’Architecture à l’ENSAPM Diplôme d’Etatd’Etat d’Architecture à l’ENSAPM Département Transitions Département Transitions

- SEPTEMBRE - SEPTEMBRE JUILLET JUILLET

CDDCreactiv chez Creactiv Architecture CDD chez Architecture

MARSMARS

Création de l’association des Architectes des des Création de l’association des Architectes Risques Majeurs (ARM)(ARM) et élection en tantenque Risques Majeurs et élection tant que présidente pour une de trois présidente pourdurée une durée deans trois ans

JUIN JUIN

Résidence à Luz-Saint-Sauveur avec l’association Résidence à Luz-Saint-Sauveur avec l’association des ARM des ARM

MAI MAI

Diplôme de Sauveteur Secouriste du Travail Diplôme de Sauveteur Secouriste du Travail

FÉVRIER FÉVRIER

Montage de l’exposition Le Népal, Montage de l’exposition Le Népal, l’aprèsl’après séismeséisme avec l’association des ARM avec l’association des ARM Formation à la Fondation des Architectes Formation à la Fondation des Architectes de de l’urgence l’urgence

DiversDivers

LLT Architectes LLT Architectes Urbanistes Urbanistes

Depuis 14 Depuis mois14 mois

20162016

20172017

MARSMARS AVRILAVRIL

SEPTEMBRE SEPTEMBRE

95

CDDLLTR chezArchitectes LLTR Architectes Urbanistes CDD chez Urbanistes Montage de l’exposition Bienvenue enàzone à Montage de l’exposition Bienvenue en zone avec l’association des ARM risquerisque avec l’association des ARM Formation HMONP à l’ENSAPBx Formation HMONP à l’ENSAPBx



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