Péréquation: combien de divisions ?
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28 juillet 2015 / no 3048
Service d'information Publication hebdomadaire Rédacteur responsable : P.-G. Bieri, Centre Patronal
28 juillet 2015 / N° 3048
Péréquation: combien de divisions? En matière de «potentiel de ressources», tous les cantons atteignent désormais 85% de la moyenne suisse: l’objectif principal de la péréquation financière fédérale est atteint, voire dépassé, ce qui doit conduire logiquement à diminuer l’ampleur du fonds prévu à cet effet. Mais cette diminution suscite des querelles et le compromis entre contributeurs et récipiendaires est aujourd’hui attaqué par voie de référendum.
La dotation 2016-2019 attaquée par référendum La péréquation financière fédérale a été conçue pour atténuer les disparités de richesse entre les cantons, mais on constate qu’elle alimente aussi de nombreuses querelles entre eux. Dernier épisode en date: la dotation financière fixée par les Chambres fédérales pour la période 2016-2019 va être contestée par voie de référendum populaire. Ce référendum, lancé par un comité interpartis emmené par les sections UDC des cantons de Nidwald et de Schwyz, doit récolter 50'000 signatures d’ici au 8 octobre prochain. Il peut aussi aboutir si huit cantons au moins en font officiellement la demande, mais cette possibilité semble compromise car les cantons contributeurs, susceptibles de soutenir cette démarche, ne seront plus que sept en 2016 et certains d’entre eux se satisfont du compromis trouvé au Parlement.
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La péréquation fédérale, rappelons-le, repose principalement sur deux instruments. Le premier, qui est aussi le plus important, est la péréquation des ressources: les cantons dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne suisse reçoivent de l’argent d’un fonds alimenté, d’une part, par la Confédération («péréquation verticale», environ 2,2 milliards de francs) et, d’autre part, par les cantons dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne («péréquation horizontale», environ 1,5 mil-
liard). Le second instrument est la péréquation des charges: la Confédération seule alimente deux «petits» fonds égaux (363 millions de francs chacun) destinés à compenser certains coûts particuliers liés aux régions de montagne ou isolées d’une part, aux centres urbains d’autre part. Jusqu’à maintenant, c’est surtout ce second instrument qui avait suscité des dissensions, les cantons à dominante urbaine s’estimant lésés en ne recevant pas davantage que les régions rurales et alpines. Mais cette opposition ville-campagne semble provisoirement reléguée au second plan; le Conseil fédéral et les Chambres n’ont rien changé à la péréquation des charges pour les quatre années à venir. Réduire ou ne pas réduire, ou réduire à moitié? La querelle, aujourd’hui, porte sur la péréquation des ressources. L’objectif de ce fonds principal de quelque 3,8 milliards de francs était que tous les cantons atteignent un «potentiel» d’au minimum 85% de la moyenne helvétique. Cet objectif étant désormais atteint et même dépassé, le Conseil fédéral a proposé de «brasser» un peu moins d’argent en réduisant de 330 millions la dotation du fonds – soit un rabais de 196 millions pour la Confédération et de 134 millions pour les cantons «riches». Cette proposition a soulevé un Suite au verso
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tollé chez les cantons récipiendaires; selon eux, l’objectif de «85%», inscrit dans la loi fédérale sur la péréquation financière (art. 6 al. 3), n’est qu’un minimum et ne justifie pas qu’on diminue les montants qui leur ont été alloués depuis huit ans.
L’effort de solidarité considérable que représente la péréquation ne devrait pas aller au-delà des objectifs minimaux qui lui sont fixés; la loi mériterait d’être plus précise sur cette question.
L’affaire apparaissait non négociable. Elle a finalement été négociée, en «coupant la poire en deux»: la dotation du fonds ne sera réduite que de 165 millions (-98 pour la Confédération, -67 pour les cantons contributeurs). C’est ce compromis des parlementaires fédéraux qui est attaqué aujourd’hui par certains cantons contributeurs, qui tiennent à la réduction de 330 millions initialement prévue. Des attentes excessives qui risquent d’enrayer la machine Sur le fond, ils ont raison. L’effort de solidarité considérable que représente la péréquation ne devrait pas aller au-delà des objectifs minimaux qui lui sont fixés; la loi mériterait d’ailleurs d’être plus précise sur cette question. On évitera en revanche de se prononcer ici sur les chances politiques du référendum, dans une situation où les citoyens ne sont affectés que de manière indirecte et où les cantons qui reçoivent de l’argent sont plus nombreux que
ceux qui en versent. Dans tous les cas, l’attente d’une votation retardera l’application des nouveaux montants – et donc de la «demi réduction» accordée aux cantons financièrement forts. La péréquation, fondamentalement, n’est pas un mauvais système, notamment parce qu’elle s’appuie sur la richesse objective de chaque canton, indépendamment du poids de la fiscalité. Mais on constate que la recherche chimérique de l’équité parfaite conduit, d’une part, à concevoir une machine d’une complexité extrême et difficilement maîtrisable, et d’autre part à susciter des attentes parfois excessives. Si les efforts – assez légitimes – des plus prospères pour limiter leurs contributions n’ont d’égal que l’âpreté des récipiendaires à ne rien céder sur ce qu’ils estiment leur être dû, la machine risque de s’enrayer. Pierre-Gabriel Bieri