Sacrifiés ? Jeux de dupes

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Télétravail

Au révélateur des consultations d’entreprises Une écrasante majorité de salariés souhaite poursuivre le télétravail, indépendamment de la crise sanitaire. Pourquoi et comment ? Proposées par les syndicats les consultations apportent des réponses éclairantes.

I

l n’y a désormais plus de doute. Ba n q u e d e Fra n c e, Mi c ro s o f t , Banque publique d’investissement (Bpi France)… consultation après consultation, les salariés font part d’une aspiration forte pour le télétravail. Presque partout, ils sont plus des trois quarts – en moyenne – à le dire, un taux qui peut atteindre 90 % dans certaines entreprises. Une proportion d’autant plus remarquable que, partout également, les syndicats notent le succès des questionnaires transmis aux salariés : plus de 1 750 retours à Bpi France, ce qui correspond à 60 % de l’effectif ; plus de 500 réponses reçues en vingt-quatre heures chez Microsoft, sur 1 700 salariés. « C’est trois fois plus qu’une consultation “habituelle” », note Matthieu Trubert, délégué syndical Cgt. Dans les entreprises, personne n’est surpris. À la Banque de France, moins de 10 % des salariés ne veulent pas télétravailler, a montré la consultation de la Cgt qui s’est appuyée sur celle proposée par l’UgictCgt. Du jour au lendemain, le confinement a en effet propulsé à leur domicile des milliers de salariés qui n’avaient, pour beaucoup, jamais expérimenté ce mode d’organisation du travail : près de 5 000, 28

sur un effectif de 7 000, ont été dans ce cas. Et l’expérimentation a donné des idées : « L’aspiration à télétravailler est désormais transgénérationnelle. De plus, la crise sanitaire a montré que de nombreux postes antérieurement non éligibles au télétravail l’étaient en réalité », souligne Fabienne Rouchy, secrétaire générale du syndicat Cgt Banque de France. Chez Bpi France, ce sont 97 % des répondants qui disent vouloir poursuivre la démarche, sur la base du volontariat et sans limitation à certaines catégories de personnel.

La crainte d’un certain isolement… Cela ne veut pas dire que le télétravail a toujours été bien vécu. C’est ce qui explique aussi le succès des consultations : les salariés ont des choses à dire sur leurs conditions de travail, une part non négligeable d’entre eux ayant dû travailler en mode dégradé : un quart l’affirme, par exemple, à la Banque de France. Ils tiennent à s’exprimer sur les frais (internet, électricité, eau…), insuffisamment ou pas du tout pris en charge ; sur les équipements informatiques ou ergonomiques, a minima ; sur le temps de travail

et la difficulté à concilier vies professionnelle et personnelle. Partout, les salariés témoignent ainsi d’un essor des heures travaillées, c’est le cas de 60 % des répondants de Renault Trucks Sa. « Parce que la Banque de France met en œuvre la politique monétaire et assure notamment une activité de médiation du crédit, l’activité a été multipliée par dix durant la période. Les agents ont donc été fortement sollicités, alors que l’accord télétravail de 2019 ne prévoit pas la prise en compte des heures supplémentaires », explique pour sa part Fabienne Rouchy. Le droit effectif à la déconnexion, partout, fait défaut. Les salariés, enfin, expriment très majoritairement la crainte d’un éloignement du collectif de travail : cette crainte est massive chez Renault Trucks. Voilà pourquoi la plupart optent pour du télétravail limité à deux ou trois jours maximum dans la semaine. « Mais les situations ne sont pas toujours homogènes », souligne Nayla Glaise, déléguée syndicale centrale Cgt d’Accenture et membre du groupe Télétravail de l’UgictCgt. Dans son entreprise, nombre de consultants ne souhaitent pas revenir sur site ; ils peuvent aussi aspirer à pratiquer OPTIONS N° 660 / octobre 2020


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