Sacrifiés ? Jeux de dupes

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HELENE DEPLANQUE/maxppp

Laboratoires

Première vague revendicative L’explosion des charges de travail a eu raison de la patience des salariés des laboratoires d’analyses de biologie médicale. Récit.

A

u tout début du mois d’octobre, ce sont les coursiers, les secrétaires et les techniciens préleveurs et d’analyse des laboratoires BiopathUnilabs d’Île-de-France qui se sont mis en grève. En bonne place dans leur cahier de revendication : 200 euros d’augmentation et l’obtention de trois primes : une prime d’ancienneté supplémentaire, une autre forfaitaire de 1 500 euros pour tous et une dernière de 1,25 euro pour chaque test Covid à destination de l’ensemble du personnel. Peu ou prou, ce sont les mêmes revendications que celles portées quinze jours plus tôt par leurs collègues d’Oxylab à Mende, de BioAllan dans le pays de Montbéliard et d’Astralab à Limoges ou encore de Biofusion où, au même moment, des dizaines de salariés de vingt des laboratoires du Lot, du Lot-et-Garonne et de Haute-Garonne cessaient le travail sur des bases similaires… OPTIONS N° 660 / octobre 2020

Ce secteur peu syndiqué et à très forte majorité de femmes, souvent seules avec leurs enfants, n’a jamais connu un tel mouvement. Bien sûr, la pandémie et l’explosion de la charge de travail sans renforcement des effectifs y sont pour beaucoup. Près de 5 000 tests par jour sans personnel supplémentaire, comme ça s’est fait à la fin de l’été, ça devient vite insupportable, racontait il y a peu une laborantine au micro de Bfm Tv… Reste que cela ne suffit pas à expliquer cette mobilisation hors du commun. « Le malaise couve depuis longtemps », explique Éric Sellini, secrétaire fédéral de la fédération Cgt de la Chimie, chargé des laboratoires de biologie médicale. « Malgré leurs qualifications et les responsabilités qui leur incombent, poursuit-il, les personnels des laboratoires d’analyses biologiques sont très mal protégés. Leur convention collective est l’une de celles qui

offrent le moins de droits et de garanties collectives. Les minima y sont souvent en dessous du Smic. Pour les techniciens et agents de maîtrise, entre le coefficient le plus faible et le plus élevé, n’existe qu’une différence de 2 euros, tandis qu’après quinze années d’ancienneté, aucune évolution de carrière n’est plus assurée. » À l’époque où les laboratoires étaient de petite taille, la gestion paternaliste du personnel permettait d’amoindrir les problèmes. Aujourd’hui aux mains de grands groupes, souvent propriétés de fonds de pension, les laboratoires ne s’embarrassent pas de négociations informelles. Ils ont une priorité : la rémunération de l’actionnaire. Toute considération sociale est considérée comme subalterne. Dans ce secteur où les prix sont fixés de façon unilatérale par la Sécurité sociale, les laboratoires n’ont qu’une solution pour assurer un chiffre d’affaires qui rassurera les financiers : accroître les volumes et/ou pressurer toujours davantage la rémunération des personnels. Sauf que voilà : la crise sanitaire a changé la donne. Désormais, le volume des actes réalisés dépasse toutes les espérances. Mi-septembre, en plus des examens habituels, les laboratoires avaient effectué, en un semestre, 10 millions de tests au coronavirus. À raison d’une marge de 30 à 40 euros par acte – assurée grâce à une rémunération de 70 euros versés par la sécurité sociale –, le bénéfice a été substantiel : « Au plus fort de la campagne 33


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