Paris/EXPOSITION
TURNER, LE PEINTRE POUR QUI DIEU éTAIT LE SOLEIL LE GRAND MAÎTRE DE L’AQUARELLE, QUI A HiSSé LA PEINTURE DE PAYSAGE AU NIVEAU DE LA PEINTURE D’HISTOIRE, EST à L’HONNEUR à PARIS.
pagne de ce solitaire résolu. Il fut pourtant invité et fêté, tout au long de son parcours, par des membres de la haute aristocratie qui l’admiraient et lui passaient commande. Tout, chez Turner, relève du paradoxe. Il n’est pas né coiffé. Fils d’une mère devenue folle et d’un barbier-perruquier qu’il chérira sa vie durant et dont il fera son fidèle assistant, Turner est irrémédiablement laid. « Quand je me regarde dans le miroir, dira-t-il, je vois une gargouille. »
Sa précocité flagrante de dessinateur est reconnue
Scarborough (vers 1825), aquarelle et graphite sur papier, 15,7 × 22,5 cm.
Prêtées par la Tate Britain de Londres, une soixantaine d’aquarelles et quelque dix peintures de Joseph Mallord William Turner (1775-1851) sont exposées au musée Jacquemart-André. C’est l’opportunité rêvée de contempler de près quelques échantillons de l’œuvre de cet artiste au génie infiniment singulier, communément nommé « le peintre de la lumière » et qui déclara, peu avant sa mort : « Dieu est le soleil. » En 2014, lors du ● JUSQU’AU 11 JANVIER, AU MUSéE JACQUEMART-ANDRé, 158, BOULEVARD HAUSSMANN, Paris 8e. www.musee-jacquemart-andre.com
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67e Festival de Cannes, le prix d’interprétation masculine était décerné à l’acteur britannique Timothy Spall qui, dans le film écrit et réalisé par Mike Leigh, campait magistralement Turner dans le dernier quart de siècle de son existence. Les spectateurs de ce biopic, comme on dit, n’ont sûrement pas oublié le portrait sans fard de l’artiste en misanthrope bourru, quasi invivable, excentrique, volontiers repoussant, pilier de bordels. Sur le tard, il se cachait sous l’identité de Mr Booth, du nom de la veuve, propriétaire d’une pension de famille à Margate (comté de Kent), qui fut la dernière com-
Il dessine depuis le plus jeune âge, encouragé en cela par ses parents. Il rapporte déjà, de ses errances dans la campagne, des cahiers remplis d’esquisses. En 1789, à 14 ans, il entre comme élève à la Royal Academy, où l’on prodigue la formation classique. Au bout d’un an, sa précocité flagrante de dessinateur est reconnue. Il travaille pour des architectes, et pour celui en qui il verra son « vrai maître », le topographe et graveur Thomas Malton le jeune (1748-1804). Turner dessine des bâtiments en perspective, replacés dans un paysage puis coloriés. L’utilisation en est multiple. Le marché de l’archéologie et de la topographie est alors fructueux. Un exemple du beau tour de main du jeune Turner en ce domaine, est visible dans Cathédrale de Durham : intérieur, vue vers l’est le long de l’aile sud (1797-1798). Assez rapidement, le jeune autodidacte, apprécié pour sa technique parfaite, tourne le dos à « la pierre et à la brique », OPTIONS N° 660 / OCTOBRE 2020