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Acculturés, les jeunes de banlieue

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Paris/Exposition

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enfants ont à dire, leurs envies d’imaginer et de construire des récits émancipateurs. «Tamèrantong fait partie de ces troupes qui font vivre le combat pour les droits culturels, ce principe défendu par la Déclaration universelle de l’Unesco de 2001 sur la diversité culturelle», affirme un de ses ardents défenseurs, Philippe Mourrat, ancien directeur des Rencontres de la Villette et de la Maison des métallos (voir interview page suivante). Qu’en sera-t-il demain, alors que la jeunesse des banlieues est désormais doublement confinée – par la crise sanitaire, par la crise sécuritaire qui les assigne à résidence comme «forcément menaçante, forcément violente», ainsi que le dénonce Christine Pellicane? Pour l’instant, avec Gabriel Gau et toute son équipe, la fondatrice de la compagnie ne cache pas avoir quelques questions encore sans réponse. Après le deuxième confinement, la troupe pourra-t-elle reprendre ce qui était prévu : jouer les « dernières », organiser des « résidences » pour les enfants, poursuivre l’animation des ateliers et monter une nouvelle pièce? Nul ne le sait. Mais au printemps, l’histoire l’a encore montré: les tongs ne sont jamais à court d’imagination. Pendant le confinement, les adultes ne sont pas seulement allés aux nouvelles chaque jour, chaque semaine, pour savoir comment allaient les petits et leurs parents. Les soutenir et les aider, chaque fois que nécessaire, pour trouver les moyens de s’équiper ou tout simplement de se nourrir. Pour faire vivre ce lien artistique qui est leur raison d’être, les tongs ont produit un clip avec les quelque 150 vidéos envoyés par chacun d’eux, dans lesquelles ils exposaient leurs dessins, leurs photos, les mettant en scène en train de chanter et de danser. Ils ont aussi imaginé une émission sur la chaîne de télévision dont ils s’étaient dotés pour échapper à BfmTv, confie Gabriel Gau : «Tamèranconfinement TV»… Peut-être vont-ils réitérer. Mais il est déjà une certitude: Giulia de Vecchi, programmatrice du festival Villes des musiques du monde, a résolument inscrit aux représentations annoncées pour le mois d’avril 2021 celles du Rififi dans la galaxie. Ils y seront. Et l’équipe n’a rien abandonné de deux projets qu’elle avait avant le retour du virus : ouvrir à Saint-Denis sa troupe aux jeunes adultes et monter un atelier d’écriture pour faire, avec le groupe tsigane qui l’avait invitée en Slovaquie, peut-être même avec des enfants du Chiapas, un clip autour des rêves et aspirations de la jeunesse du monde… ▼

La cuLture popuLaire n’est pas un vain mot, défend phiLippe mourrat, ancien directeur de La maison des métaLLos.

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Ian Gavan/maxppp

– Vous avez été un des premiers soutiens de la compagnie Tamèrantong. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette aventure?

– J’ai rencontré la compagnie à ses débuts, en 1994. J’étais alors chargé du projet de ce qui deviendra les Rencontre urbaines de la Villette. Je travaillais sur la «frontière» et le renforcement des liens entre arts, culture et société. La dynamique éducative et créatrice portée par Tamèrantong avec les enfants des quartiers populaires de Belleville, de Mantes-laJolie puis de la Plaine-Saint-Denis, était l’une des expériences les plus exigeantes que nous avions découverte. Le travail que nous avons mené ensemble s’est poursuivi lorsque je suis devenu directeur de la Maison des métallos. Ce lieu symbolique, où se mêlent militantisme et éducation populaire, était l’endroit idéal pour démontrer la dynamique artistique qui peut émerger de cet ensemble. Sans hésiter, à mon arrivée, j’ai attribué à Tamèrantong le statut d’«artistes complices» de l’établissement.

– Que vous a permis ce choix?

– D’élargir notre audience. De faire se rencontrer les publics les plus divers de Belleville et de Ménilmontant par-delà leurs âges, leurs origines sociales et leurs croyances. Un brassage auquel nous tenions et qui a été très riche.

– Pourquoi la culture des quartiers populaires a-t-elle tant de mal à se faire entendre?

– La reconnaissance des droits culturels, revendiqués au même titre que les droits à l’éducation, à la justice ou à la santé, et affirmés dans la Déclaration des droits de l’homme de 1948, est un combat permanent. Si Tamèrantong a reçu de sérieux soutiens, comme celui de Jane Birkin, de la chorégraphe Maguy Marin et de la metteuse en scène Irina Brook, certains milieux continuent de nier la qualité de son travail et refusent de concevoir que des enfants de banlieue puissent jouer autre chose que des pièces «sympathiques»… La culture n’appartient pas aux gens d’en haut qui, dans leur grande bonté, peuvent accepter de la diffuser à leurs conditions vers le bas peuple. Avec les jeunes des quartiers, Tamèrantong fait du théâtre. Elle en fait, tout comme les compagnies de hip-hop font de la danse. Personne n’est acculturé. Toutes les cultures ont droit de cité. Même quand elles sont porteuses de la joie et du rire des enfants. ▼

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