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Fini, le secret médical

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régions, et au sein d’une même région. En Île-de-France par exemple, «le code postal est plus prédictif que le code génétique» : l’habitat, les revenus mais aussi l’accès aux soins déterminent un écart d’espérance de vie allant jusqu’à six ans selon qu’on vit à l’est ou à l’ouest de Paris. Les inégalités nationales face à certains risques se lisent également dans la cartographie des soins de proximité, en particulier les maternités ou les urgences vasculaires cérébrales. En France, dans de nombreux territoires, la première maternité ou l’unité de soins neurovasculaires en cas d’Avc sont à au moins trois quarts d’heure: «C’est le plus souvent dans les zones en difficulté socioéconomiques que l’offre est la moins dense [...] le parc hospitalier français est pourtant exceptionnellement riche.» Les chercheurs n’ont pas la naïveté de croire qu’il suffit de montrer pour convaincre, de voir pour prévoir et mieux faire. Mais dans un dernier chapitre, ils donnent l’alerte sur les défis et les menaces à venir, en rappelant que l’épidémie de Covid était prévisible, et que d’autres le sont tout autant. De nombreuses maladies infectieuses qui se développent dans les zones chaudes et humides (Zika, dengue, fièvre jaune, chikungunya, Ebola) n’en resteront pas là si la planète se réchauffe et si la mondialisation s’intensifie. On dispose également d’informations en nombre pour cartographier l’état de résistance aux antibiotiques dans la population animale, dans les élevages et chez les humains. L’Allemagne, L’Espagne, et l’Italie par exemple, abusent des antibiotiques dans leurs élevages au point de les exposer très dangereusement à de nouvelles maladies. Une carte montre par ailleurs à quel point l’accès aux médicaments et leur consommation sont inégalitaires : en 2018, les pays industrialisés représentaient 18,7 % de la population mondiale mais consommaient 87 % des médicaments – 38 % rien que pour les États-Unis! La plupart des États nient certaines de ces réalités, le modèle de développement ultralibéral qui les engendre, et n’envisagent pas de remettre en cause leurs politiques de recherche, de prévention, leur système de soins. Il suffirait pourtant d’ouvrir les yeux. ▼

Valérie Géraud

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La numérisation et La centraLisation des dossiers aiguisent curiosité sécuritaire et appétits commerciaux.

L’antiterrorisme a bon dos. Le 4 décembre, le gouvernement a publié au Journal officiel trois décrets modifiant le Code de sécurité intérieure, élargissant les champs d’ingérence des services de renseignement, de police et de gendarmerie dans la vie privée et les données personnelles des citoyens. Cela au moyen du fichier « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (Easp) : au prétexte d’accéder à d’éventuelles informations sur leurs troubles psychologiques ou psychiatriques, ils pourront accéder au dossier médical de personnes ayant déjà fait l’objet d’enquêtes, du fait de leur emploi dans la fonction publique. Ces dossiers pourraient désormais faire l’objet d’enquêtes documentant également les pratiques sportives, les comportements et habitudes de vie ou les déplacements des personnes visées… Les dossiers médicaux font par ailleurs l’objet de toutes les convoitises, notamment pour des raisons de stratégies de recherche médicale, pour identifier les pathologies, donc les marchés potentiellement lucratifs. En France, la plateforme Health data hub (Hdh) centralise depuis avril toutes nos données médicales enregistrées par la Sécurité sociale, à des fins de recherche et de prospective médicales et épidémiologiques. Mais la Cnil, ainsi que de nombreuses associations et syndicats, parmi lesquels l’Ugict et l’Ufmict-Cgt, se sont appuyés sur le règlement européen protégeant les données personnelles pour demander au Conseil d’État d’annuler le contrat passé – sans appel d’offres – entre le ministère de la Santé et Microsoft, choisi pour héberger le Hdh. Microsoft, opérateur privé, n’offre pas toutes les garanties de protection de ces données, qui pourraient être transférées hors Europe et consultées en particulier par l’administration américaine. Le Conseil d’État a décidé, fin octobre, que compte tenu de la crise sanitaire, le fonctionnement du Hdh resterait pour l’instant inchangé... V. G. ▼

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