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Cartographie des tiers-lieux
à une installation définitive des salariés et de leur famille. Dans tous les cas, les mouvements de populations sont observés de près par ceux qui s’interrogent sur la possibilité d’une «nouvelle géographique du travail» portée par une généralisation annoncée de ce mode d’organisation. Mais la réalité des attentes des salariés doit être nuancée et questionnée: «Elle prend corps dans le cadre d’une situation sociale très dégradée, contrainte par les mesures sanitaires, avec l’impossibilité d’avoir des loisirs, notamment culturels. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de se projeter sur “l’après” et les consultations faites à un instant T comportent obligatoirement des biais. Rien ne dit que les attentes qui s’expriment aujourd’hui dans ces consultations n’évolueront pas», souligne Franck Bonnot. C’est que le bureau n’a pas dit son dernier mot. Dans une étude sur le bureau post-confinement réalisée par la chaire Workplace management de l’Essec Business School 2, c’est bien là que 57% des salariés interrogés continuent à vouloir occuper leur temps de travail, quand 37% veulent être à domicile et seulement 6% dans un tiers-lieu. Si ces moyennes diffèrent selon le statut professionnel, le type d’espace habituel de travail ou la catégorie socioprofessionnelle, «le bureau sera toujours essentiel pour les organisations et les salariés», soulignent les auteurs de l’étude, soucieux notamment de maintenir un lien social avec les collègues. Pour l’heure les salariés sont surtout à la recherche de stratégies d’adaptation aux contraintes imposées à l’exercice de leur travail et à leurs déplacements. Partout, c’est le cas. Exemple aux États-Unis, où la ville de San Francisco a vu partir plus de 80 000 familles entre mars 2020 et novembre 2021, un chiffre en augmentation de 77 % en un an. Mais le récit supposé selon lequel elles quitteraient la ville pour le soleil de la Floride ou du Texas ne s’est pas vérifié, prévient un article du San Francisco Chronicle 3 s’appuyant sur les données des services postaux: c’est à proximité qu’elles sont parties s’installer, dans l’un des six contés voisins. Prêtes à revenir au bureau? ▼
Christine Labbe
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1. Insee Analyses n°54, juillet 2020, d’après les informations provenant des opérateurs de téléphonie Orange, Bouygues Télécoms et Sfr.
2. Enquête réalisée du 7 au 20 septembre 2020 auprès de 2 643 personnes, salariés d’entreprises (70 %), fonctionnaires (20 %), travailleurs indépendants (2 %) et autres catégories de travailleurs (2 %). 3. « People are leaving San Francisco but not for Austin or Miami », San Francisco Chronicle, 18 février 2021.
encore aujourd’hui, ces espaces de travail constituent un phénoMène essentielleMent urbain. jusqu’à quand?
M axppp i / LL e S M a a ntoine t o
Il y a un paradoxe : alors que les tiers-lieux, comme les espaces de coworking, pourraient être des outils d’aménagement du territoire, ils ont longtemps peiné à décoller et apparaissent encore aujourd’hui comme un phénomène essentiellement urbain. La seule étude d’envergure a été réalisée en 2018 par la fondation Travailler autrement, avec l’appui du Commissariat général à l’égalité des territoires (Cget) * : elle montre qu’il existait, à cette date, 1463 tiers-lieux sur tout le territoire, dont plus de la moitié situés au cœur des 22 grandes métropoles françaises couvrant un tiers de la population. Et au sein de la métropole lyonnaise par exemple, 80 % de ces lieux se concentrent dans le centre de Lyon. La crise sanitaire peut-elle être une opportunité de «rééquilibrage territorial»? Parce que le télétravail peut inciter des populations à s’installer dans des zones périurbaines ou plus rurales, les Régions y croient et y travaillent, même si les obstacles au développement de ces lieux, comme l’hétérogénéité de la couverture numérique des territoires, sont réels. Comme en Nouvelle-Aquitaine, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) sont à pied d’œuvre. Dans cette région, 714000 actifs auraient télétravaillé pendant le premier confinement; selon une consultation, 91% souhaitent poursuivre, majoritairement deux jours par semaine. Tiers-lieux mobiles – comme les Protobus présents en région parisienne – ou fixes dans des gares désaffectées ou sous-utilisées… toutes les pistes sont aujourd’hui à l’étude. À moyen terme, l’objectif est que chaque habitant puisse accéder, en voiture, à un espace de proximité en moins de vingt minutes. C. L. ▼