Université Paul-Valéry Montpellier III UFR 3 – Département Géographie et Aménagement
Master Mention Développement durable et aménagement Spécialité à finalité professionnelle « Urbanisme et projets de territoire »
LES SYSTEMES ALIMENTAIRES URBAINS PARTICIPENT A LA DURABILITE DE LA VILLE ETUDE DES PRATIQUES D’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE DES CITADINS MONTPELLIERAINS Alice DOYEN Master 1 DDA-UPT
Marc DEDEIRE Université Montpellier 3 - CNRS site Saint-Charles Acteurs, Ressources et Territoires dans le Développement
Fatiha FORT Montpellier-SupAgro-IRC UMR MOISA et Martine PADILLA IAMM
07/06/2013
SOMMAIRE Remerciements ……………………………………………………….……………………………………….4 Préambule ………………………………………..…………………………………………………………….5 INTRODUCTION………………………………………………………….………………………….……...7
1.
LE CONTEXTE URBAIN PERMET UNE ETUDE PRECISE DES PRATIQUES D’APPROVISIONNEMENT …………….10 1.1. LA VILLE, UNE ECHELLE PERTINENTE POUR ANALYSER LES SYSTEMES ALIMENTAIRES ....................................... ………………10
1.1.1. 1.1.2. 1.1.3. 1.1.4.
Un monde essentiellement urbain...................................................................................................10 La structure urbaine entrave l’approvisionnement et la distribution alimentaire ..........................11 Les interactions spatiales placent les villes au cœur du système territorial ........................... ……...12 Le développement durable est une composante essentielle du champ de l’aménagement ...........14
1.2. LES PRATIQUES D’APPROVISIONNEMENT COMME DETERMINANT DE LA MISE EN PLACE D’UNE VILLE DURABLE .....................15
1.2.1. 1.2.2. 1.2.3.
Ville durable ou ville résiliente, deux termes pour un même objectif ? ..........................................15 Les principaux critères de durabilité d’une ville sont difficiles à mettre en évidence ......................17 Les principaux objectifs de la ville de demain orientent les aménagements actuels ......................20
1.3. LA VILLE DISPOSE D’OUTILS URBANISTIQUES CONTRIBUANT A UNE GESTION PLUS DURABLE DES SYSTEMES ALIMENTAIRES ......22
1.3.1. 1.3.2.
2.
La ville peut gérer un domaine plus vaste que le strict territoire urbain… ......................................22 L‘exemple du SCOT et de l’agglomération de Montpellier ..............................................................25
L’ETUDE DE LA STRATEGIE DE POSITIONNEMENT DES ENSEIGNES ALIMENTAIRES COMME AMORCE DE LA MISE EN ŒUVRE DE SYSTEMES D’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRES PLUS DURABLES.......................27 2.1. LA STRATEGIE DE POSITIONNEMENT DES POINTS DE VENTE ALIMENTAIRE DANS LE MAILLAGE URBAIN ................................27
2.1.1. 2.1.2. 2.1.3.
Les espaces publics sont le support des interactions commerciales ................................................27 Le modèle de Converse : un exemple de méthode utilisé pour l’implantation des commerces ......28 A Montpellier, l’implantation de grands centres commerciaux en périphérie, modifie les comportements d’achats alimentaires ............................................................................................31
2
2.2. LES PRATIQUES D’APPROVISIONNEMENT ET DE DISTRIBUTION ALIMENTAIRES PARTICIPENT A LA DURABILITE D’UNE VILLE .......35
2.2.1. 2.2.2.
3.
La localisation et le transport des produits alimentaires peuvent être des sources d’externalités négatives .........................................................................................................................................35 Les citadins changent leurs pratiques alimentaires ........................................................................37
LES COMPORTEMENTS D’ACHAT DES MONTPELLIERAINS SONT DEPENDANTS DE LEURS HABITUDES CITADINES .......................................................................................................................................................40
3.1. LES TYPES DE COMMERCES ALIMENTAIRES UTILISES EN PRIORITE PAR LES CONSOMMATEURS METTENT EN EVIDENCE UN FRACTIONNEMENT DE LA POPULATION ................................................................................................................. 40
3.1.1. 3.1.2.
Le comportement d’achat alimentaire est spécifique à chaque catégorie de population ..............40 Les critères de choix des points de vente reflètent les attentes des consommateurs .....................42
3.2. LES PRATIQUES D’APPROVISIONNEMENT CHANGENT LA PRATIQUE DE LA VILLE ET LA PERCEPTION QUE L’ON PEUT EN AVOIR …46
3.2.1. 3.2.2.
Les circuits courts induisent des pratiques urbaines particulières ...................................................46 Les pratiques d’approvisionnement des foyers permettent de découvrir de nouveaux quartiers de la ville ..............................................................................................................................................48
3.3. LE DEVELOPPEMENT DURABLE N’EST PAS UN CRITERE DE CHOIX DE POINT DE VENTE OU DE PRODUITS ...............................49
4.
ANALYSE DES QUESTIONNAIRES REALISES AUPRES DES MONTPELLIERAINS .............................................52
CONCLUSION……………………………………………………………………………………………....
Bibliographie………………………………………………………………………………………………………….…………………………….... Table des sigles ………………………………………..……………………………………………………………………………..……………..… Table des illustrations ………………………………………………………………………………………………………………………….…
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Monsieur Marc DEDEIRE, mon tuteur académique pour sa contribution à l’élaboration de ce mémoire et ses conseils avisés.
Je remercie Madame Martine PADILLA pour son accueil et sa disponibilité au sein de l’IAMM, ainsi que Madame Fathia FORT, mon maître de stage, pour son encadrement durant la rédaction de ce mémoire et durant ces six mois de stage.
J'adresse également mes remerciements à l’équipe des stagiaires du projet Surfood pour leur contribution bibliographique et leur collaboration.
Enfin, je remercie Bérengère, Jacques, Marielle et Raphaël pour leur soutien et leurs précieux conseils tout au long de la rédaction de ce mémoire.
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PREAMBULE L’alimentation est aujourd’hui l’une des préoccupations principales des sociétés. En effet, la croissance démographique prévue par les chercheurs posera de nouveaux enjeux pour les politiques d’aménagement du territoire : d’abord, comment loger ces nouvelles populations, mais également comment les nourrir en respectant les valeurs du développement durable mises en avant depuis de nombreuses années. Dans le cadre du Master 1 « Développement durable et Aménagement, spécialité Urbanisme et Projet de territoire », j’effectue un stage de 6 mois auprès de deux structures l’IAMM (L’institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier) et SupAgro qui travaillent en collaboration sur le projet Surfood auquel je participe. Le projet Surfood est un projet de grande envergure, fédérateur de la Chaire UNESCO « Alimentation du Monde ». Il regroupe de nombreux chercheurs de Montpellier intéressés par le sujet de l’alimentation durable. Le projet porte plus particulièrement sur la durabilité des systèmes alimentaires urbains, puisqu’à de nombreuses reprises leur « non durabilité » a été constatée : insécurité alimentaire, précarité, pollutions, surconsommation et accumulations de ressources limitées, accumulation de main d’œuvre sans emploi, etc. Dans le cadre de ce projet, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs travaillent sur la reconfiguration des modes d’approvisionnement en lien avec les enjeux de développement durable. C’est dans ce contexte que je suis amenée à travailler en étroite collaboration avec les nombreux autres stagiaires du projet. En effet, le sujet étant très vaste, les organisateurs de cette recherche ont jugé qu’il serait plus efficace de diviser le travail en plusieurs équipes qui se spécialiseraient ainsi dans sept domaines différents : -
Cycle et métabolisme urbain : étudier l’impact environnemental de l’alimentation des villes. Etablir quelles sont les innovations et propositions d’innovations techniques et institutionnelles pour gérer ces impacts.
-
La précarité : La précarité alimentaire n’est pas seulement une situation économique ou nutritionnelle, mais c’est une trajectoire, une dynamique (c’est le parti-pris des chercheurs travaillant sur le projet).
-
L’alimentation durable et mode d’habitation en ville : volonté d’intégrer à cette équipe des architectes et des urbanistes, qui travaillent sur les formes de l’habitat. 5
-
Rôle alimentaire des agricultures urbaines et relations ville-campagnes : Aborde la question des multiples usages des terres agricoles périurbaines.
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Diversité et durabilité : Etablir un lien entre l’agro-biodiversité, la diversité nutritionnelle et la santé.
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L’approvisionnement et la distribution : Tenter de relier la reconfiguration des systèmes d’approvisionnement et de distribution avec les modes de développement urbains. Mettre également en évidence les problématiques de durabilité que posent ces reconfigurations : impact du développement des supermarchés sur la qualité nutritionnelle, sur la santé, etc.
-
La gouvernance : Proposition de projet de recherche sur la pertinence des régions urbaines comme échelle de gouvernance de systèmes alimentaires plus durables.
Sous la direction de Madame Fathia Fort et Madame Martine Padilla, j’ai été conduite à participer aux recherches concernant l’approvisionnement et la distribution. Cet axe de recherche, particulièrement dense fut réparti entre deux équipes. La première travaillant sur les flux d’approvisionnement et la seconde sur les lieux d’approvisionnement des foyers et les points de vente. Ainsi, les enjeux principaux de mon stage sont d’identifier les points d’approvisionnement des foyers de Montpellier, de décrire et comprendre les choix de ces points de vente et de tenter de tracer les principales évolutions du comportement d’achat des foyers de Montpellier.
Ce stage ne finissant que fin Août, je souhaite informer les lecteurs de ce mémoire, qu’il sera principalement rédigé sur la base d’une large bibliographie consacrée aux sujets de l’agriculture périurbaine, de l’agriculture durable, de la ville durable, des stratégies urbaines, de l’analyse spatiale, Etc.
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INTRODUCTION Alors que l’accroissement démographique atteint son apogée, l’accessibilité à une alimentation saine et en quantité suffisante devient un enjeu majeur pour les grandes agglomérations. Le choix de privilégier une problématique urbaine, pour l’étude de la durabilité des systèmes alimentaire, s’explique par le poids croissant des villes dans le monde. En effet, aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale est localisée dans une ville. Ainsi, même si l’on prend une définition stricte de la ville, on constate que près de 40% de la population mondiale vit dans une agglomération de plus d’un million d’habitants. De Plus, dans les pays riches,
le taux d’urbanisation est élevé et stagne, une nouvelle forme
d’urbanisation se développe : l’étalement des villes qui s’effectue au détriment des terres agricoles. Aujourd’hui, l’alimentation durable fait l’objet de multiples définitions. La plus récente est celle proposée par la FAO à l’issue d’une conférence sur la biodiversité : une alimentation durable protège la biodiversité et les écosystèmes, est acceptable culturellement, accessible, économiquement loyale et réaliste, sûre, nutritionnellement adéquate et bonne pour la santé, optimise l’usage des ressources naturelles et humaines (FAO, 2010). Les politiques alimentaires des villes sont conduites aujourd’hui à se réinterroger sur les dynamiques des systèmes alimentaires puisque selon le rapport de la ville de Londres, plus de 40% de l’empreinte carbone de la ville serait imputable à son système alimentaire (London Developpement Agency, 2006). Ainsi, la prise en compte de la durabilité des systèmes alimentaires inviterait à repenser le système actuel et les relations qui existent entre les villes et les industriels de l’alimentation, ou à en développer de nouvelles. Ces perspectives poussent alors les politiques d’aménagement à discuter non seulement des systèmes productifs et de commercialisation plus courts et plus diversifiés, de leurs liens avec le territoire, mais aussi à étudier les modes de gouvernance mis en œuvre à l’échelle régionale, nationale et internationale. La ville de Montpellier est l’une des villes novatrices de l’Hérault et se veut dans bien des domaines être le modèle de la région. Son territoire concentre ainsi de nombreux centres de recherches, qui en s’appuyant sur l’étude de la commune, tentent de développer des projets 7
qui participeraient à l’affirmation de la ville comme puissance régionale. C’est pourquoi, appliquer ces recherches sur cette agglomération présente un enjeu de taille et un intérêt particulier. Le projet Surfood, cherche à étudier les systèmes alimentaires de Montpellier mais également de villes des pays dits du Sud telles que Dakar ou Hanoï ; dans le but de mettre en évidence leurs possibles dysfonctionnements et les rendre plus conformes aux valeurs du développement durable. Ce projet de recherche pose donc de nombreuses problématiques à l’échelle de la ville et incite les chercheurs qui y participent à identifier plusieurs axes d’études. L’approche privilégiée dans ce mémoire est celle de l’approvisionnement et de la distribution alimentaires. Sujet, qui vise à mettre en évidence les pratiques d’approvisionnement alimentaires des foyers montpelliérains et les problématiques de durabilités qu’elles soulèvent. Cette mission, nous poussent à étudier précisément les comportements des consommateurs et en comprendre les enjeux. L’approvisionnement alimentaire des foyers s’effectue généralement dans les milieux urbains et on peut donc supposer qu’il existe une corrélation entre les pratiques habituelles de l’espace urbain des citadins, et celles consacrées à l’approvisionnement alimentaire. On cherchera tout au long de ce mémoire, à mettre ce lien en évidence en posant plusieurs hypothèses. La première est de savoir si la ville est une échelle judicieuse pour l’étude des systèmes alimentaires et si elle permet de dégager tous les enjeux qu’ils suscitent. Cette partie, introductive, nous permettra de nous questionner sur la notion de durabilité de la ville et son pouvoir de gouvernance. La seconde partie, placent les enseignes alimentaires au cœur de la problématique. Nous tenterons d’exposer que leurs stratégies commerciales ont un impact sur la durabilité de la ville puisqu’elles influencent les déplacements des consommateurs. Enfin, une étude des pratiques des consommateurs permettra de mettre en évidence leurs critères de choix de magasins alimentaires et d’évaluer ainsi, leur impact environnemental lors de leur approvisionnement (alimentaire). Nous essayerons également de prouver que leurs pratiques tendent à changer et que les citadins sont de plus en plus concernés par les problématiques du développement durable. 8
Même si ce mémoire est rédigé grâce à une importante recherche bibliographique, et qu’il est appuyé sur des enquêtes déjà effectuées auparavant dans la région et dans la ville, je chercherai durant les derniers mois de ce stage à mettre en place un questionnaire afin de réaliser des enquêtes auprès des consommateurs. De plus, des travaux de cartographie semblent essentiels afin de mieux comprendre les stratégies d’implantation des multiples points de vente dans la ville et de mettre en évidence les interactions qui existent entre les magasins et les consommateurs : déplacements des consommateurs, aires d’attraction des entreprises alimentaires, lieux de productions, etc. Les résultats obtenus au terme de ce stage me permettront ainsi de valider , ou non, l’idée que les citadins s’approvisionnent en fonction de leurs déplacements habituels dans la ville ou si des trajectoires d’approvisionnement se distinguent dans les comportements des citadins.
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1- Le contexte urbain permet une étude précise des pratiques d’approvisionnement alimentaire 1.1- La ville, une échelle d’étude pertinente pour analyser les systèmes alimentaires
1.1-1. Un monde essentiellement urbain
Le monde a connu au XX siècle une importante augmentation de son taux
de
croissance urbaine. La moitié de l’humanité est désormais citadine. En 1900, le taux d’urbanisation se situait entre 10% et 15%, et entre 28% et 30% en 1950. Le nombre de citadins a doublé en 25 ans : de 1.5 milliard il est passé à plus de 3 milliards aujourd’hui. La population urbaine mondiale pourrait dépasser les 5 milliards d’habitants en 2025.
Deux facteurs peuvent expliquer cette croissance. La ville est un lieu d’accroissement naturel fort car les grandes infrastructures sanitaires y étant concentrées, les citadins sont mieux protégés et mieux soignés. De plus, concentrant les activités industrielles et tertiaires, elle est un véritable pôle d’attraction, susceptible d’offrir suffisamment d’emplois. De ce fait, les jeunes citadins y sont particulièrement nombreux, ce qui accentue le dynamisme démographique de la ville.
Dans les pays dits du Nord, les taux d’urbanisation sont élevés mais, désormais, ils plafonnent, puisque 70% à 80% de la population résident déjà en ville. La périurbanisation permet l’extension du phénomène urbain, mais toutefois un minimum de population rurale se maintient. La croissance urbaine est donc aujourd’hui surtout une croissance spatiale.
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Source : voir-autrement.com
L’Europe du Nord la nuit vu par un satellite de la NASA
Cette photo satellite permet de mettre en évidence les agglomérations urbaines et l’importance de leur nombre. Elles recouvrent une grande partie des territoires et structurent ainsi l’espace. On constate alors la difficulté de mettre en place un réseau qui assurerait une connexion efficace entre ces villes afin non seulement, que les habitants puissent circuler librement et aisément sur les territoires, mais également que les communes soient facilement approvisionnées. Les villes regroupent donc une importante population qu’il faut non seulement loger, mais également nourrir. C’est pourquoi se sont des espaces qui concentrent la demande alimentaire et qui, de ce fait, nécessitent une étude approfondie des logistiques d’approvisionnement alimentaire mises en place afin de les améliorer, de les adapter, aux nouvelles problématiques actuelles.
1.1.2- La structure urbaine entrave l’approvisionnement et la distribution alimentaires La structure urbaine est un agencement complexe qui n’est pas forcément adapté aux modes d’approvisionnement et de distribution alimentaires mis en place actuellement : rues trop étroites pour permettre l’arrêt des camions de livraison, centres-ville inaccessibles aux automobiles, etc. 11
Pour y remédier, il s’est développé de nombreux systèmes de distribution alternatifs qui prennent ainsi mieux en compte les attentes des consommateurs mais également les contraintes physiques liées à l’aménagement urbain : réaménagement de voiries par exemple mais aussi remise en cause du système de distribution actuel. De plus, par l’étalement urbain, les systèmes mis en place autrefois ne sont plus appropriés. En effet, l’organisation de la ville est modifiée par le décuplement de la surface occupée par les citadins. Ainsi, par exemple, les zones industrielles précédemment situées en périphérie des villes se retrouvent cernées d’habitations et se voient alors placées au cœur du système urbain. Ces zones peuvent donc être perçues comme des ruptures urbaines dans un milieu qui se veut aujourd’hui, plus unifié et cohérent. En effet, depuis quelques années, les politiques urbaines cherchent à recréer à travers le processus de projet urbain, une cohérence territoriale grâce à laquelle, la ville serait une entité plus durable : économiquement, socialement, politiquement et environnementalement. Ainsi, la ville, en pleine mutation semble propice à l’expérimentation de nouveaux modes de fonctionnement
pour
les
activités
qu’elle
regroupe
et
notamment
le
système
d’approvisionnement alimentaire urbain.
La ville permet une intervention locale des politiques d’aménagement pour résoudre un problème global ; ce qui la place donc en position stratégique pour l’application des enjeux du développement durable.
1.1.3- Les interactions spatiales placent les villes au cœur du système territorial
Les villes sont des pôles d’activité et sont donc à la base d’interactions économiques, sociales entre les territoires. Ainsi, les échanges commerciaux, sur le territoire national, s’effectuent principalement dans ces zones urbaines, ou tout au moins dans leurs périphéries. On peut donc définir autour des villes, comme autour des régions ou des pays, des zones d’influences.
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Ces zones sont des surfaces fictives déterminées généralement de façon circulaire autour des points attractifs étudiés. Elles définissent la distance jusqu’à laquelle un pôle d’intérêt peut avoir des interactions avec son environnement. Interactions, qui peuvent être économiques, sociales, culturelles, etc. Par exemple, une ville propose des emplois non seulement à ces habitants mais aussi à ceux de sa périphérie, voire périphérie lointaine selon le degré d’attractivité de cette ville (Paris accueille des travailleurs venant quotidiennement de Rouen ou Lille, par exemple). L’attractivité d’une ville peut donc également tenir à son accessibilité pour les populations extérieures et intérieures selon sa taille et ses objectifs.
La ville, par sa capacité d’attraction des populations et des activités offre un certain nombre de biens et de services. Elle possède alors, une aire de marché, une zone de chalandise. Cette aire est définie dans le Dictionnaire de la ville et de l’urbain
1
comme une « Zone dans
laquelle se recrutent les consommateurs des biens ou des services offerts par une ville. […] elle s’applique essentiellement aux commerces et aux services urbains destinés à la population résidente, pour lesquels la fréquentation est fonction de la proximité. » Grâce à cette définition on comprend que cette aire de chalandise est applicable à différentes échelles : celle du pays, de la région, de la ville, du quartier, mais également celle de la parcelle. Ainsi, la problématique des systèmes alimentaires peut se poser à ces différentes échelles et peut donc être abordée de multiples façons. On peut par exemple penser que les interactions commerciales commencent à partir du foyer, qui abrite les consommateurs et qui, par leurs besoins, régissent les tactiques d’implantations des points de vente dans leur quartier. On peut également émettre l’hypothèse que ce sont les entreprises de vente alimentaire qui, aidées, incitées par les politiques de la ville pourront amorcer un changement dans le système alimentaire actuel et le faire évoluer dans le but d’en faire un système pérenne.
1
Dictionnaire de la ville et de l’Urbain, Denise Pumain, Thierry Paquot et Richard Kleinschmager, Anthropos-Economica, 2006 13
1.1.4- Le développement durable est une composante essentielle du champ de l’aménagement La durabilité des territoires est une notion apparue en même temps que celle du développement durable dans les préoccupations des politiques territoriales. Ainsi, dès la loi Voynet de 1999, on comprend que les villes et les agglomérations sont placées au cœur du système. Les villes permettent en effet, de faire appliquer efficacement les actions concernant le territoire puisqu’elles sont nombreuses : on décompte au 1 er Janvier 2012, 367 000 communes en métropole. Elles deviennent donc les piliers du développement du territoire national. Lorsque l’on parle de développement durable, on pense d’abord à l’environnement et aux espaces paysagers. Toutefois, cette notion s’applique à de nombreux domaines, voire à tous dans la mesure du possible. Ainsi, l’adjectif durable doit décrire des systèmes d’aménagement, d’adaptation, qui permettent de laisser aux générations futures, un territoire utilisable, dont les ressources ne sont pas épuisées.
Cependant, on peut penser que l’adjectif « durable » ne peut pas être associé à la ville ou au développement urbain, puisque par définition, les villes sont des lieux artificiels qui se sont construits, développés, étalés, en négligeant le territoire, et la préservation de l’environnement.
La ville concentre donc de multiples activités : sociales, économiques et politiques. Les institutions politiques situées également en milieu urbain, font des villes, les foyers de décisions et le meilleur territoire d’application des nouvelles directives mises en place. A l’heure où l’expression de « développement durable » fait fureur, les politiques d’aménagement se voient dans l’obligation d’adapter leurs projets aux attentes et parfois aux contraintes que présente cette nouvelle préoccupation. La notion de durabilité fait donc son entrée dans le vocabulaire urbain et on peut ainsi se demander ce qu’est une ville durable et quels sont les critères de durabilité établis à l’heure actuelle.
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1.2- Les pratiques d’approvisionnement comme déterminant de la mise en place d’une ville durable 1.2.1- Ville durable ou ville résiliente, deux termes pour un même objectif ?
Dans sa définition, le développement durable fait référence, à la notion de temps qui implique une idée de continuité, de cohérence, de perspective à long terme, de prospective. L’acceptation mondiale du terme a été obtenue lors du Sommet de la Terre à Rio, en 1992. Cette conférence, a été l’amorce de la mise en place des Agendas 21 qui permettent pour un Etat, une collectivité, une ville de se fixer une liste d’actions fortes pour appliquer au mieux les valeurs du développement durable et de rédiger un calendrier pour suivre les étapes de leur réalisation. Une ville durable peut être définie comme une ville qui lie développement économique, justice sociale et respect de l’environnement tout en incitant la participation et l’implication de ses habitants. La ville durable doit être considérée comme un milieu, un écosystème qui doit s’intégrer à son environnement et être économe de ses ressources naturelles. Ainsi, le développement urbain des dernières années est remis en question : l’étalement urbain, l’accroissement du transport routier source de gaspillage énergétique, la spatialisation fonctionnelle, etc. En effet, cette avancée du milieu urbain sur le territoire s’est faite au détriment des terres agricoles situées en périphérie des aires urbaines. Ainsi, la ville durable doit donc tenter de retrouver l’équilibre perdu entre urbanisation et terres arables. Le but de la ville durable est également d’apporter aux habitants une meilleure qualité de vie : accession aux logements, à l’emploi, aux services. La ville durable doit donc répondre aux problématiques habituelles sans négliger les nouvelles attentes environnementales et en construisant progressivement en fonction des besoins les plus urgents. La ville durable a donc des objectifs précis : la maîtrise de l’étalement urbain, et des coûts du foncier, la promotion d’une relation différente avec l’environnement, la recherche de nouvelles formes urbaines, moins consommatrices d’espace et économes en énergie. A l’heure actuelle, la notion de « ville durable » est controversée. Dans un premier temps, on peut penser que cette expression est un oxymore : la ville par définition ne peut pas être durable puisque c’est une construction anthropique, qui a été ajoutée au milieu naturel, au 15
départ, sans se soucier des conséquences que cela pouvait avoir sur les milieux naturels alentours. Dans Avec ce raisonnement, on peut conclure que la ville ne peut être un édifice aux valeurs durables puisqu’elle a définitivement changé l’espace. Dans ce cas, la préoccupation de laisser aux générations futures un espace non détérioré et qui possède encore des ressources, n’a plus cours. Dans un second temps, on peut penser que la ville est une structure durable puisque les cités ont traversé les âges. En effet, la durabilité au sens propre du terme renvoie à la notion de temps et on peut donc supposer qu’une ville est durable tant qu’elle ne disparait pas, quelquesoient les moyens qu’elle emploie pour perdurer. Les villes sont donc des édifices durables dans le temps, que l’on cherche à rendre « durables » du point de vue environnemental : en réduisant l’impact urbain sur les territoires périphériques, en économisant les ressources et surtout en sensibilisant les populations à ces actions. En effet, la durabilité est une notion subjective qui induit un jugement de valeur morale de la part des populations. Pour que la durabilité puisse être appliquée, il faut que les individus aient conscience que leurs actions ont un impact sur le monde futur ; et il faut également que l’idée de laisser derrière eux un monde vivable aux générations futures, leur importe. Au-delà de l’aspect législatif, la durabilité fait donc appel aux sentiments humains pour être appliquée et effective. Les actions d’aménagements durables sont souvent accompagnées de réunions de concertation afin non seulement, de comprendre les pratiques, les habitudes, les préférences des populations, mais également de les informer sur les nouveautés que la pratique du développement durable induit : par exemple, à Montpellier, le réseau de transport en commun et en particulier le réseau de Tram est très développé afin de limiter la circulation automobile dans la commune. C’est une volonté de la ville qui permet aux populations de se déplacer aisément sans créer de pollutions ni de gaspillage énergétique.
La notion de « ville durable » peut être rapprochée de celle de « ville résiliente ». Notion toute aussi subjective, la résilience est d’abord utilisée dans le domaine de la physique des matériaux. En géographie physique, la résilience est le phénomène qui décrit la capacité d’un milieu, à revenir à son état antérieur, suite à une crise. La « ville résiliente » par rapport à la « ville durable » ajoute sa capacité à prendre en compte la gestion des perturbations : à les absorber et à s’en remettre. La résilience a pour objectif, le maintien ou l’adaptation de la
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trajectoire d’un système urbain dont les composantes et le fonctionnement seraient basés sur les principes du développement durable. Pour certains chercheurs, la résilience est considérée comme un refus du changement et de l’évolution des systèmes. En effet, on peut penser qu’après des crises d’ordre naturel par exemple, un territoire peut être amené à évoluer, à être modifié, et non à être conduit à retrouver son état antérieur à cette crise. Ainsi, la résilience peut être considérée comme un frein au développement des populations, des territoires et donc incompatible avec la mise en pratique du développement durable qui induit des changements dans les pratiques actuelles, des aménagements. Toutefois, la résilience peut être nécessaire à l’application du développement durable puisqu’elle permet tout de même une certaine conservation de l’espace. Même si l’état antérieur ne permet pas une réelle évolution, il a le mérite d’exister et donc, grâce au phénomène de résilience, de perdurer. La résilience apparait donc comme un moyen de réaliser la durabilité.
Ces deux concepts sont donc à la fois très proches et très différents. Ils font l’objet de nombreuses discussions concernant leur articulation et leurs interactions. Pour certains, la résilience est une condition nécessaire à la durabilité, elle y contribue. Pour d’autres, la résilience n’est pas suffisante pour garantir la durabilité, elle n’est même parfois pas nécessaire puisqu’elle évite l’amélioration, l’évolution. La ville durable apparait donc comme une finalité à atteindre, mais afin d’y parvenir, il faudrait avoir une idée précise des critères qui permettraient d’évaluer la durabilité d’une commune.
1.2.2- Les principaux critères de durabilité d’une ville sont difficiles à mettre en évidence
En France et dans le monde, la recherche d’indicateurs du développement durable a mobilisé de nombreux chercheurs. Sur le plan des principes, les premières interrogations des 17
économistes portent sur la catégorisation des indicateurs en degrés de durabilité, faible, ou forte (VIVIEN, 2005). Définir des indicateurs pertinents sur tous les plans que recouvre le développement durable (social, économique, environnemental, voire éthique) posent des problèmes d’équilibres et de complémentarité.
La question principale qui se pose est de savoir s’il est opportun de
déterminer un grand nombre d’indices précis qui permettrait une analyse exhaustive du développement durable ; peut-être est-il préférable d’envisager de construire des indices synthétiques qui permettraient de réunir les informations et ainsi d’avoir un nombre d’indices moins important à prendre en compte. La recherche d’indicateurs peut être associée à l’évolution du cadre institutionnel en matière de développement durable. En effet, en France par exemple, le contexte législatif et réglementaire ainsi que les mécanismes de financements du développement local ont évolué en faveur des principes du développement durable. Ainsi, la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT) du 25 juin 1999, incitant les agglomérations à se munir d’Agenda 21 pour élaborer des projets respectant les valeurs du développement durable, a encourager cette démarche de recherche en modifiant les priorités des politiques publiques territoriales.
Depuis cette loi, les principes du développement durable sont mis en évidence dans de nombreux textes législatifs. On le constate notamment avec la mise en place de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) du 13 décembre 2000 qui instaure deux outils de planification : les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), qui visent à renforcer la durabilité des territoires. La loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002 qui renforce la participation de la population aux décisions est également un exemple de ce nouvel intérêt pour le développement durable des territoires. Aujourd’hui, on constate qu’il y a une absence d’une méthode de référence pour construire les systèmes d’indicateurs et les indicateurs. BOULANGER (2004) précise que la construction de systèmes d’indicateurs doit satisfaire à trois exigences parfois difficilement compatibles : la rigueur scientifique (qualité de la méthodologie), l’efficacité politique (utilité pour la prise de 18
décision) et la légitimité démocratique (constitution d’un public adapté via une enquête sociale). Plusieurs enjeux se dessinent autour des indicateurs du développement durable. D’abord, ils donnent aux politiques publiques la possibilité de faire un état des lieux de la situation d’un territoire dans toutes ses dimensions : environnementales, économiques, sociales, qualité de vie... Ils seront donc par la suite utilisés pour guider les choix d’aménagements des décideurs, dans une perspective de développement durable. La recherche d’indicateurs pour mesurer le développement durable met en évidence l’existence d’une hétérogénéité des conceptions du développement durable et l’absence de récurrence dans l’architecture des systèmes d’indicateurs proposés. De plus, on constate que la mise en place de ces indicateurs nécessite une association entre les chercheurs et les acteurs locaux qui connaissent mieux que quiconque leur territoire. Toutefois, si ces démarches de collaboration entre acteurs, facilitent la concertation sur un même territoire, elles ne doivent pas négliger les relations à établir avec les autres échelles.
La prise en compte du développement durable à cette échelle pose la question de la cohérence territoriale entre, « territoires durables » et « territoires non durables » (LAZZERI et PLANQUE, 2006). Ainsi, comme le dit AYONG LE KAMA (AYONG LE KAMA et al., 2004, p. 71), « une attention particulière [doit donc] être portée sur la qualité des interactions entre territoires : certaines stratégies opportunistes peuvent, en effet, consister à exporter vers d’autres territoires les risques de non-durabilité et permettre ainsi un développement en apparence durable au regard d’indicateurs trop limités ».
A travers la recherche d’indicateurs de développement durable, on constate qu’il est difficile d’en établir qui seraient communs entre tous les territoires. En effet, même si on parvenait à déterminer pour un territoire les meilleurs indicateurs, il ne serait probablement pas possible d’en déduire une règle d’action unique pour l’ensemble des territoires. A l’heure actuelle, on constate que la littérature sur les indicateurs territorialisés du développement durable est récente et que les applications restent encore peu nombreuses. Les
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recherches évoluent plutôt vers le développement d’outils adaptés à chaque territoire, qu’ils soient généralisables ou non. Enfin, comme le souligne Ch.Brodhag, des progrès doivent être réalisés pour que les systèmes d’indicateurs répondent mieux aux problématiques des territoires et aux objectifs des acteurs locaux. La mesure du développement durable à cette échelle doit donc associer des points de vues divergents, face à une problématique qui, par nature, réfute l’existence de solutions prêtes à l’usage (BRODHAG et al., 2004). La recherche d’indicateurs de mesure du développement durable, permet de mettre en évidence les lacunes actuelles en termes d’application du développement durable et donc également de mieux visualiser les principaux objectifs à atteindre aujourd’hui, pour un grand nombre de communes.
1.2.3- Les principaux objectifs pour la ville de demain orientent les aménagements actuels
Maitriser l’étalement urbain
La dimension d’une ville est une donnée essentielle tout comme sa place dans un réseau : l’aménagement doit s’adapter à un contexte régional. L’Europe de la communauté, avec 5000 agglomérations de plus de 10 000 habitants, à raison d’une ville tous les 13 kilomètres en moyenne, exige un aménagement spécifique. Aux Etats-Unis, on ne compte qu’une ville tous les 48 kilomètres. Cette organisation demande certainement moins d’aménagements intermédiaires. Il est toutefois nécessaire de créer un réseau cohérent qui aura un impact régional, voire national. Les modèles de développement urbain sont soumis à de nouvelles conditions. Dans de nombreux domaines (législation, architecture, gestion du foncier, etc.) les problèmes sont nouveaux et nécessitent des techniques et des stratégies innovantes. La croissance rapide de certaines villes a posé la question de la morphologie urbaine, de sa forme spatiale, de sa population. G.Bertolini pense que « la résolution des problèmes appelle un point de vue unifiant, englobant » (BERTOLINI, 1994).
20
La problématique de l’étalement urbain remet en question la notion de ville durable puisque l’on peut se demander quelle taille doit avoir une agglomération dans la ville durable? Quelle forme d’habitat est la plus pertinente : est-ce qu’une ville compacte est une ville plus durable ? On peut donc penser que la densification de l’habitat permet de freiner la périurbanisation et de conserver les activités agricoles. Cela permettrait également de limiter la disparition des zones naturelles et de réduire les émissions polluantes : « d’autres effets positifs connus apparaissent : coût minimisé des infrastructures de transport, de la consommation de carburant, concentration des équipements, etc. » (O.Godard, 1994). Enfin, l’accès aux espaces verts est une problématique récurrente dans les aménagements urbains. On peut alors concevoir la « ville compacte » comme une solution aux problèmes écologiques. A Munich par exemple, l’aménagement a reposé sur une croissance des sols afin de diminuer les déplacements et la consommation d’énergie : les transports doivent donc être développés afin de réaliser cette stratégie spatiale. Restreindre la mobilité individuelle polluante est donc également une priorité afin de diminuer l’impact environnemental de la dispersion de l’habitat.
La recherche du modèle idéal
Il existe différentes relations entre la ville et ses périphéries et différentes façons de gérer la répartition des populations. Un premier modèle consiste à densifier la population autour des gares et des nœuds de communication menant vers le centre et à accélérer le rythme des liaisons. C’est ce qui a été envisagé à Nanterre (92), avec la création d’un pôle multimodal au niveau de la gare Nanterre-Université qui accueille aujourd’hui le RER A, les trains reliant Paris à ses banlieues, et qui a terme, devrait accueillir le dernier arrêt du métro 1. Ainsi, on comprend que le réseau de transport, sa structure, sa qualité, définissent l’étalement ou la concentration d’une ville. Les transports doivent donc être accessibles à toutes les populations de la commune afin de créer des liens et non des ruptures entre les quartiers. Le développement durable part du principe
que la majorité de la population doit pouvoir
bénéficier des avantages d’un bon réseau.
21
Le modèle de la ville compacte gère donc essentiellement les déplacements vers un centre. Le modèle polycentrique en réseau repose sur des pôles complémentaires dont le centre principal est le plus accessible (sorte de distribution en étoile). L’étalement spatial de l’habitat ne doit plus se faire spontanément. Il est en effet dépendant de l’accessibilité, de la spécialisation et de la valorisation des sites. Des recherches sur l’étalement spatial des zones urbaines sont donc nécessaires afin de prévoir les corrections. Les enjeux pour la ville idéale du futur sont nombreux et parmi eux, se dégage une forte volonté de respecter les valeurs du développement durable et notamment de limiter les pollutions environnementales produites par les activités urbaines.
Toutefois, l’étalement
urbain est un modèle urbanistique qui change l’échelle d’action des communes et l’étend audelà du domaine strictement urbain. La ville peut donc gérer, grâce aux outils d’urbanisme mis à sa disposition, un espace plus vaste, qui comprend son aire urbaine mais également le territoire qui l’entoure.
1.3- La ville dispose d’outils urbanistiques qui contribuent à une gestion plus durable des systèmes alimentaires Le caractère imprécis et discuté de la notion de développement durable conduit à s’interroger sur les liens qui peuvent exister entre les injonctions institutionnelles et leur traduction sur le terrain.
1.3.1- La ville peut gérer un domaine plus vaste que le strict urbain En France, la question du développement durable dans le champ de l’aménagement urbain apparaît dans le débat public, au cours des années 1990. Cette notion est associée aux réflexions sur l’étalement urbain, les notions de ville émergente ou ville éclatée.
Elle revêt un caractère d’injonction institutionnelle au travers de trois textes législatifs : -
la loi Chevènement, en 1999 pour favoriser la coopération intercommunale.
-
la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), loi Voynet, instaure des contrats d’agglomérations permettant à celles-ci 22
d’articuler et de consolider leurs projets de développement en liaison avec l’Etat et les Régions. -
la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU), loi Gayssot-Besson (2000), définit à l’échelle de l’air un Schéma de cohérence territoriale (SCOT).
L’objectif essentiel de ces trois lois est de favoriser la mixité socio-spatiale et de maîtriser l’étalement urbain. La région Languedoc-Roussillon est un bon exemple pour analyser les différents enjeux posés par cette volonté d’intégrer la durabilité aux aménagements. Marquée par une croissance démographique continue depuis les années 1960-1970 et une accélération à la fin des années 1990, la région enregistre un taux de 1,4% par an, qui est bien supérieur à la moyenne des régions françaises. Accueillant 33000 nouveaux résidents chaque année depuis une décennie, elle compte aujourd’hui 2 600 000 habitants. C’est la seule région française à entretenir un solde migratoire positif, toutes tranches d’âge confondues. Elle tire son attractivité d’une qualité de vie appréciée par les nouveaux venus comme par les résidents actuels. Pour répondre aux attentes à venir, l’Assemblée régionale a opté pour la mise en place d’un Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) qui s’inscrirait dans l’exigence du développement durable. Ce dernier repose sur un double processus de métropolisation et de périurbanisation actuellement à l’œuvre autour de Montpellier et de Nîmes. Dans cette aire urbaine, l’axe Montpellier-Nîmes se consolide et les communes qui la composent ont tendance à se rejoindre (Abrantes, Soulard, Jarrige et Laurens, 2010). Depuis 1999, près de la moitié des nouveaux arrivants se sont installés dans l’espace métropolitain qui relie Sète à Alès, en passant par Montpellier et Nîmes. Ainsi, les deux tiers de la population vivent dans des aires urbaines qui tendent à se souder du fait du développement des zones résidentielles et périphériques. A l’intérieur de cet espace, les principes du développement durable ont été définis à toutes les échelles (région, départements, SCOT, agglomérations, intercommunalités,…) dans les documents d’orientation et d’aménagement. On peut toutefois avancer l’idée qu’il existe un décalage. D’une part, entre les discours des acteurs prônant le développement durable et les perceptions et /ou les pratiques sur les territoires localisés. Et d’autre part, entre la conception du développement durable dans les communes-centre et celle des communes périphériques. 23
On peut penser que le développement durable peut constituer un moyen de légitimer les orientations de la politique urbaine. Les documents d’orientation, de planification et/ou d’aménagement traduisent un accord assez général sur les objectifs en matière de gestion durable des territoires. On retrouve, quelle que soit la nature, la taille de la collectivité ou les appartenances politiques, une même adhésion aux valeurs promues par le développement urbain durable : maîtrise de l’étalement et des coûts du foncier, promotion d’une relation différente avec l’environnement, recherche de nouvelles formes urbaines, moins consommatrices d’espace et économes en énergie. L’utilisation de la notion de « ville durable » vient parfois en appui d’orientations préexistantes. Ainsi, depuis la fin des années 1970, la ville de Montpellier a intégré dans ses politiques publiques une meilleure maîtrise de l’eau, de l’énergie, du foncier ; elle a également créé une Charte de l’environnement en 1994…etc. Mais l’application de ces orientations dans le SCOT, le PDU, le PLH et les PLU à l’échelle de l’agglomération à la fin des années 1990 donne à ces pratiques une visibilité nouvelle (Volle, Négrier, Viala et BerniéBoissard, 2010). « Garantes d’une gestion responsable des risques et des ressources du territoire, vecteurs d’attractivité de Montpellier à l’égard du monde économique et composantes de l’épanouissement de chacun au sein de la cité, la protection et la mise en valeur de l’environnement constituent deux des axes essentiels de la politique mise en œuvre par la Ville. Cette politique privilégie six objectifs : valoriser la présence de la nature dans la ville, assurer une alimentation abondante en eau de qualité, maîtriser les écoulements pluviaux, traiter les eaux usées, traiter et valoriser les ordures ménagères, limiter les nuisances et les pollutions. »
PLU de Montpellier. Projet d’aménagement et de développement durable,
Juillet 2007, p 28. Dans les entretiens, l’agglomération révèle une réalité de voisinage qui est d’ailleurs souvent présentée comme « allant de soi » : celle-ci repose fréquemment sur une antériorité et une expérience de pratiques communes. Cette échelle de proximité apparaît comme une nécessité pour l’appropriation d’un territoire plus complexe. Les SCOT ne sont pas contraignants d’un point de vue juridique, et dépendent donc de la négociation de nouvelles modalités d’aménagement à l’échelle métropolitaine.
24
1.3.2- L’exemple du SCOT et de l’agglomération de Montpellier La communauté d’agglomération de Montpellier a été créée le 1er août 2001 par transformation du District. Les élus ont donc tenté d’articuler, dans une démarche commune et sur un périmètre identique,
un
projet
urbain
d’agglomération et un schéma de cohérence territoriale. Montpellier agglomération compte désormais trente et une communes, soit, en 2010, 412 070 habitants. Le SCOT Source : montpellier-agglo.com
montpelliérain se démarque des
autres par son périmètre qui est réglé sur celui de la Communauté d’agglomération. Il parait sous-dimensionné par rapport à l’aire urbaine qui regroupe quatre-vingt-treize communes. Selon les prévisions, la communauté d’agglomération de Montpellier accueillera près de 100 000 nouveaux habitants dans les quinze années à venir. Ainsi, la réflexion communautaire fixe dans le SCOT un objectif de consommation d’espace réduit de moitié par rapport aux quinze années précédentes. Le projet d’aménagement et de développement durable affiche les limites posées à l’urbanisation à travers deux principes : – les espaces naturels et agricoles s’imposent comme des limites naturelles, des espaces à préserver et valoriser et non comme des réservoirs potentiels de l’étalement urbain ; – l’identification des limites de l’espace agricole et naturel pour permettre les conditions favorables à l’investissement agricole. Les espaces agricoles et naturels ne sont donc plus des variables d’ajustement de l’extension urbaine. Le SCOT détermine également les conditions de mise en œuvre d’une politique de l’habitat, à plus long terme, visant à renouveler et à diversifier l’offre résidentielle : réalisation de logements locatifs sociaux et de logements en accession abordable. Pour de nombreux maires des communes périurbaines des agglomérations de Montpellier et Nîmes, la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire a souvent représenté un 25
questionnement innovant : le développement de la périphérie s’était jusque-là calé sur les opportunités foncières. Les diagnostics territoriaux préalables à la réalisation des SCOT, révélant la trop grande consommation d’espaces « naturels », leur ont permis d’acquérir une vision collective du territoire intercommunal en construction et d’en identifier les enjeux communs – en termes de démographie, d’économie, de marché immobilier, de consommation d’espace et d’agriculture. A Montpellier, le principe de l’agglomération parait effectif et accepté par les populations. L’agglomération permet également d’instaurer une circulation facilitée pour les marchandises et les usagers. Les problématiques du transport sont ainsi abordées avec attention dans les projets d’aménagement, puisque l’on encourage de plus en plus aujourd’hui des modes de transport doux qui limiteraient les pollutions automobiles dans les villes. Les transports peuvent donc être envisagés d’une nouvelle façon, qui serait plus durable et respectueuse de l’environnement à Montpellier. L’insertion du TRAM sur l’ensemble de l’agglomération en est l’exemple. Les différentes lignes permettent de desservir non seulement la ville de Montpellier mais également les communes périphériques appartenant à l’agglomération. Elles créent ainsi, une unité entre Montpellier et ses communes périphériques qui sont aujourd’hui perçues, comme appartenant à la ville-centre. A travers ce développement, on comprend que la ville est placée au cœur du système de gestion des territoires et donc que c’est l’échelle qui s’impose naturellement pour l’étude des pratiques d’approvisionnement alimentaire et plus généralement pour celle des systèmes alimentaires. En effet, on suppose que les dynamiques des systèmes alimentaires sont régies par les consommateurs, qui sont principalement regroupés en milieu urbain. L’analyse des pratiques alimentaires des citadins permet de visualiser l’ensemble des systèmes alimentaires actuellement mis en place et de prendre en compte toutes les interactions : de la production à la consommation en passant par le transport, le stockage, etc. Ainsi, on peut supposer que c’est en agissant d’abord sur les consommateurs, que l’on pourra rendre un système alimentaire plus durable ; en sensibilisant davantage les acteurs principaux de l’alimentation aux valeurs du développement durable. Toutefois, l’action peut aussi s’effectuer sur les enseignes alimentaires, qui jouent également un rôle primordial dans les systèmes alimentaires et qui, en agissant sur l’offre de distribution alimentaire, peuvent influencer les pratiques d’approvisionnement des citadins et donc sur leur impact environnemental durant cette activité. 26
2- L’étude des stratégies de positionnement des enseignes alimentaires comme amorce de la mise en œuvre de systèmes d’approvisionnement plus durables. 2.1- La stratégie de positionnement des points de vente alimentaires dans le maillage urbain. 2.1.1- Les espaces publics sont le support des interactions commerciales
En sociologie urbaine, les espaces publics sont des espaces de rencontres socialement organisés par des interactions de rencontre ou d’évitement. Le terme désigne alors un espace d’expériences et renvoie aux interactions s’exerçant dans la ville. L’espace physique est intégré dans cette définition : il offre plus ou moins de prises sur cet espace, aux citadins qui sont généralement déterminées par les producteurs et les gestionnaires de cet espace. Ainsi, l’espace public se définit plus par ses pratiques que par son aspect physique et son statut juridique. En géographie, architecture et urbanisme, on emploie ce terme pour désigner un espace physique regroupant tous les lieux qui appartiennent au domaine public, qui sont librement et gratuitement accessibles à tous les individus, et qui sont aménagés et entretenus dans ce but. A la fin des années 1970, on accorde aux rues, aux places ou encore aux parcs des valeurs communes qui leur sont propres : ce sont des espaces vides, générateurs de tensions entre les éléments du bâti. Ce sont des lieux de médiation permettant la vie sociale : ils sont porteurs des valeurs et des caractéristiques de la culture urbaine. L’expression d’espace public, est actuellement utilisée par des intellectuels, des professionnels et des décideurs, qui reconnaissent aux lieux que recouvre ce terme une fonction mais aussi des qualités, une valeur d’usage et un sens (Plan Urbain, 1988).
A l’heure actuelle, la plupart des villes se sont engagées dans la requalification de leurs espaces publics. Ils deviennent donc le centre d’intérêt principal de l’aménagement urbain. Le travail sur les espaces publics par les communes peut relever de différents objectifs, comme par exemple : améliorer l’attractivité d’un centre-ville, promouvoir les 27
circulations douces, ou encore amorcer des opérations plus localisées destinées à revaloriser le cadre de vie dans les quartiers résidentiels, dans le centre comme en périphérie (Fleury, 2007). Dans un premier temps, la définition des espaces publics était réduite à l’opposition de ceuxci avec les lieux appartenant au domaine privé. Aujourd’hui, le terme d’espace public désigne les lieux que le public fréquente, indépendamment de leur statut. Ainsi, les lieux privés ouverts au public, comme un centre commercial ou une galerie marchande, sont souvent qualifiés d’espaces publics.
La ville est structurée par les espaces publics qui permettent de lier les différents quartiers des communes entre eux. Les artères principales sont donc le symbole de ces liens entre les quartiers. Elles représentent donc un élément structurant important dans le mail urbain et sont intensément pratiquées par les populations. On constate grâce à l’étude de l’histoire des villes que les voies les plus anciennes sont souvent celles qui deviennent les rues commerçantes. Aujourd’hui, ces voies commerciales sont obligées de s’adapter au nouveau mode de transport privilégié par la plupart des consommateurs : l’automobile. Il faut donc prévoir des avenues suffisamment larges pour accueillir les voitures, les piétons ou les cyclistes de façon sécurisée.
2.1.2- Le modèle de Converse : un exemple de méthode utilisée pour l’implantation des commerces.
Les espaces publics permettent une circulation des individus, normalement aisée, à travers la ville. Le tissu urbain offre, non seulement aux automobiles mais également aux cyclistes et aux piétons, la possibilité de se déplacer dans la ville et ainsi de profiter de chaque espace selon l’activité qu’ils souhaitent y effectuer. Les commerces, alimentaires ou autres, doivent donc trouver les emplacements les plus stratégiques afin d’attirer un maximum de clients motorisés ou non. Ainsi, on retrouve de nombreuses enseignes le long des artères 28
principales des villes qui permettent aux magasins d’être vus, non seulement par les populations locales mais aussi passagères qui apportent de nouveaux clients potentiels en traversant la ville par ces avenues principales. Cette situation offre aux commerces une position stratégique puisqu’ils sont ainsi facilement accessibles par les voies routières mais également par les transports en commun, qui ont tendance à se multiplier sur les allées principales des communes.
La question de l’accessibilité est importante lors de l’implantation d’un nouveau commerce et particulièrement un point de vente alimentaire. En effet, il est prouvé que les consommateurs privilégient la proximité dans leur choix de lieux d’approvisionnement (INEPS, Baromètre santé nutrition, 2008). On peut donc penser que l’implantation d’un espace d’approvisionnement alimentaire se fait en fonction des besoins de la population d’un quartier. Mais les commerces ne peuvent pas survivre uniquement avec une clientèle régulière et de proximité. Ils ont souvent besoin d’une clientèle occasionnelle, attirée par la localisation du magasin : au bord d’une route passante afin d’attirer un maximum de nouveaux consommateurs et non au milieu d’un espace résidentiel qui ne canaliserait que des populations environnantes et seulement pour des besoins de première nécessité. Ainsi, pour s’implanter, les commerces alimentaires, comme les autres, peuvent suivre une méthode de positionnement qui se base sur l’aire d’attraction du local commercial. C’est une méthode appelée modèle gravitaire, développée à partir des années 1900 par l’économiste W.Reilly qui aide les établissements de commerces et de services, à estimer leur aire d’attraction, et donc la clientèle potentielle qu’ils peuvent espérer. Afin de mettre au point ce modèle, W.Reilly a émis quatre hypothèses : •
Les consommateurs fréquentent en général l’établissement dont ils sont le plus
proches •
Leur demande faiblit au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre, parce que le coût
de transport s’ajoute à celui des biens ou des services offerts par le centre •
L’attraction d’un centre est proportionnelle à son importance…
29
•
…Et inversement proportionnelle au carré de la distance qui le sépare du
consommateur. Schématisation des aires de marché
des
centres-ville
tirée de l’ouvrage « Analyse spatiale, Les Interactions, de D.PUMAIN et T. SAINTJULIEN, 2010 Cette modélisation des aires de marché sont adaptée à des centres-ville représentation,
dans mais
cette elles
sont également applicables aux enseignes alimentaires. On suppose donc que les magasins d’approvisionnement
de
Montpellier ont tous une aire de chalandise et que si on les cartographie, on remarquerait des carences dans certain quartier. C’est une hypothèse que j’essayerais de démontrer durant la fin de mon stage qui mettra en évidence les quartiers qui ont un accès limité aux commerces alimentaire et dont les trajets d’alimentation seront donc plus importants. C’est un modèle toujours utilisé aujourd’hui pour les études d’implantation des établissements de commerce et de services : il est appelé modèle de Converse. Il sert aussi de référence pour étudier l’implantation d’établissements de services publics, que leur fréquentation soit librement choisie (bureau de poste) ou imposée par une carte (carte scolaire, carte hospitalière). De ce modèle on déduit que les aires d’attraction des commerces alimentaires se chevauchent notamment en centre-ville. En effet, c’est surtout dans les centres que l’on trouve des lieux d’approvisionnement alimentaire de proximité de petite taille et donc nombreux pour répondre à toute la demande. 30
En revanche, ces aires d’attraction, se recoupent moins en périphérie puisqu’elles sont de manière générale, moins équipées, le centre-ville devant être le point de convergence d’une commune. Toutefois, à l’heure où la densification se fait de plus en plus sentir et où l’étalement urbain est de plus en plus limité, la demande en commerce alimentaire en périphérie a tendance à s’intensifier et n’est pas totalement satisfaite. Ainsi, la localisation de grandes et moyennes surfaces en périphérie semble stratégique afin de pallier le manque de points d’approvisionnement alimentaire dans ces zones.
2.1.3- A Montpellier, l’implantation de grands centres commerciaux en périphérie comme Odysseum, modifie les comportements d’achats alimentaires.
Il a été prouvé, par des études réalisées auprès des consommateurs, que les habitants préfèrent avoir une concentration des services notamment commerciaux. C’est pourquoi de grands centres commerciaux se sont développés autour des établissements alimentaires : ils permettent aux consommateurs d’avoir un choix de produits important, proposés par différentes marques. Ils peuvent donc ainsi profiter de leur libre- arbitre pour consommer les produits qu’ils souhaitent.
31
En 2010, des cartes des zones de chalandise du centre-ville et d’Odysseum ont été réalisées par la CCI de Montpellier dans le cadre d’une étude d’impact de l’implantation de ce centre commercial en périphérie de Montpellier.
N 32
Sur la première carte, on constate bien que la zone marchande du centre-ville ne recouvre pas la totalité de l’aire urbaine de Montpellier. Ceci met donc en évidence le fait que le centreville ne polarise pas toutes les activités commerciales de la ville et en particulier celles des périphéries. Le centre n’est donc utilisé que par ces habitants, ou les individus qui y travaillent mais n’y résident pas, les touristes, etc. Cette carte montre donc la nécessité de Montpellier de posséder des structures commerciales en périphérie, qui pourraient répondre à la demande de la totalité de la population de la commune.
La seconde carte nous montre la répercussion de l’implantation du centre commercial Odysseum sur la région montpelliéraine. On observe que l’aire de chalandise de la structure recouvre non seulement toute l’aire urbaine de Montpellier mais s’étend également au-delà jusqu’à Nîmes, ou Bézier. C’est en effet, un vaste espace commercial de 50 000 m² de surface. Il représente 7% des surfaces commerciales du Grand Montpellier. Il permet non seulement d’effectuer des achats alimentaires mais également de loisir.
Odysseum, comme les autres grands centres commerciaux modernes, est attrayant pour les entreprises puisqu’en effet, ainsi regroupées, les différentes enseignes peuvent attirer de nouveaux clients. Même si au départ, les individus ne venaient que pour des produits non alimentaires, ils ne sont pas « à l’abri de la tentation ». Ces espaces sont donc aménagés de façon à encourager la flânerie des passants : mobilier urbain moderne, espaces de détente, de restauration, de divertissements. Odysseum propose de multiples activités (restaurants, cinéma, aquarium, patinoire, centre d’escalade, de nombreuses enseignes de vêtements, de supermarchés, etc.) qui attirent donc des personnes venant de toute l’agglomération pour diverses raisons. Les regroupements commerciaux permettent ainsi de tirer profit du temps libre des citadins pour les inciter à consommer.
Ces nouveaux centres commerciaux, font donc concurrence aux commerces de proximité encore présents dans les centres-ville. Ces grandes structures se situent généralement en périphérie des communes et bénéficient alors d’une aire de chalandise plus 33
importante. Cette situation extérieure donne l’opportunité à la ville, de créer un nouveau centre attractif qui se différencie du centre historique, parce qu’il est plus moderne, et qu’il attire ainsi la curiosité des consommateurs, tout en tentant de répondre à leurs attentes.
Toutefois, la durabilité de ces nouvelles installations peut être remise en cause. En effet, situés en périphérie, ces établissements répondent aux demandes et aux attentes des populations excentrées. Cependant, dans le cas d’Odysseum, la pratique de cet espace engendre de nombreuses circulations routières. Suite à une étude menée par la CCI de Montpellier, auprès des clients, 69% d’entre eux déclarent venir à Odysseum en voiture et seulement 29% en tram, le pourcentage restant venant majoritairement en bus. Ainsi, malgré la présence d’un arrêt de Tram de la ligne 1 pour les habitants de Montpellier, l’accès routier est privilégié par les populations extérieures à la ville et suscite ainsi une augmentation de la pollution due aux déplacements. Enfin, même si les aires de chalandise de ces grands centres commerciaux démontrent qu’ils captent une grande partie des populations alentours, ils ne peuvent pas remplacer en totalité les commerces de proximité qui, dans l’esprit des habitants, restent plus abordables : moins de tentations, moins de déplacements, moins de marche à pied notamment pour les personnes âgées, etc.
Les centres commerciaux périphériques permettent donc, en un sens, de désengorger les centres-villes parfois surpeuplés. On peut également penser que ce sont des modèles urbanistiques qui participent à l’homogénéisation des pratiques commerciales des foyers puisqu’ils se multiplient sur le territoire national, voire européen, et se ressemblent tous. L’enjeu est donc aujourd’hui de réduire les pollutions qui les entourent en les réintégrant à la « ville centre » de façon plus effective.
Parallèlement à ces nouvelles structures, il se développe de nouveaux modes d’approvisionnement : le drive et le E-commerce par exemple. Ces innovations sont des moyens que les entreprises ont trouvés pour rivaliser avec la suprématie des grands centres commerciaux. Le Drive permet de faire préparer ces achats par l’entreprise et de n’avoir qu’à 34
les récupérer dans un lieu prévu à cet effet. Le E-commerce permet quant à lui de choisir ses produits sur internet et de se faire livrer à domicile, ce qui permet de limiter les déplacements personnels. Ces nouveaux modes d’achat remettent totalement en question le fonctionnement du système d’approvisionnement qui n’est plus basé sur la proximité, l’attractivité, ou encore l’enseigne du lieu de vente, mais uniquement sur le gain de temps obtenu si l’on utilise cette méthode. Dans ces exemples, le jeu d’attractivité par la flânerie (comme dans les centres commerciaux) n’a plus cours et remet donc en cause les stratégies des entreprises pour attirer des consommateurs.
2.2- Les pratiques d’approvisionnement et de distribution alimentaire participent à la durabilité d’une ville. 2.2.1- La localisation et le transport des produits alimentaires peuvent être des sources d’externalités négatives.
•
Le transport des marchandises est source de nuisances environnementales. On sait que l’activité de production est l’une des principales sources d’émission de
gaz à effet de serre. Or le transport de ces productions contribue également à l’augmentation de ces émissions. En effet, le transport des marchandises agricoles et alimentaires génère également des nuisances environnementales et consomme beaucoup d’énergie. Le secteur agricole constitue le second plus grand demandeur de transport. De plus, on assiste aujourd’hui à une augmentation des distances moyennes parcourues par les marchandises. Selon Gaigné (Gaigné et al., 2011), la croissance et l’évolution de la démographie ainsi que la baisse des prix de transport, l’amélioration des infrastructures de transport et l’accroissement de la vitesse de déplacement des marchandises au XX siècle, a participé à l’augmentation du transport des produits agricoles et alimentaires, comme pour l’ensemble des produits manufacturés. Selon Savin (Savin, 2000), le transport routier a connu une forte augmentation en terme de distance moyenne parcourue par les marchandises : de 50 à 85 Km entre 1975 et 1995, soit
35
plus de 70%. Cette augmentation des distances de transport peut s’expliquer par la spécialisation des territoires, ou encore par l’évolution des stratégies industrielles.
•
La spatialisation des territoires Selon P. Krugman (Krugman, 1995), le regroupement des activités et la spécialisation
des territoires sont le résultat non seulement des économies d’échelle : c’est-à-dire que plus on produit, moins cela coûte par unité produite ; mais aussi, de la baisse des coûts de transport et de la mobilité des travailleurs, du capital et des fournisseurs. Dans cette logique, les fournisseurs sont amenés à se localiser près de leurs clients potentiels pour diminuer leurs prix, grâce à de moindres coûts de transport des marchandises. Ainsi, ils pourront produire plus tout en réduisant les coûts de production, ce qui permettra de réduire les prix. Parallèlement, les transformateurs sont invités à se rapprocher géographiquement des fournisseurs. Ainsi, leur regroupement géographique permet de réduire le prix des biens intermédiaires, les délais de livraison du bien ou du service, et d’obtenir plus facilement les caractéristiques précises du produit souhaité. En raison de ce système, les distances parcourues par les produits ont augmenté. Cet accroissement est dû, d’une part à la baisse des prix du transport au XX° siècle, et d’autre part aux gains liés aux économies d’échelle et à la proximité géographique, ainsi qu’à la division spatiale du travail.
•
L’évolution des stratégies industrielles Depuis quelques années, la structuration du domaine alimentaire, a évolué : les
logistiques des problématiques de stockage, d’entreposage et de transport, changent. On peut penser que ces évolutions sont liées essentiellement à l’organisation de la grande distribution puisque plus de 75% des produits alimentaires transitent par la grande distribution. En effet, le maillage de la distribution sous forme d’entrepôts et de plates-formes a réellement modifié la géographie des flux des produits alimentaires. De plus, le mode de gestion en flux tendus s’est fortement imposé, induisant plus de transport de marchandises. L’idée qu’il faut 36
éviter les pertes de produits entreposés trop longtemps, a modifié les stratégies de gestion des stocks. On cherche donc à les limiter mais cela sous-entend la nécessité de livraisons, plus fréquentes et donc, une augmentation des transports de marchandises. Afin de réduire l’impact de cet accroissement, de nombreux chercheurs mettent en avant l’optimisation du chargement : en 2005, le transport à vide représentait plus de 25% en moyenne du trafic poids lourds.
Enfin, la gestion des tournées urbaines a évoluée avec la prise en compte de nouveaux moyens de transport. Les marchandises sont amenées en périphérie des grandes villes, à partir desquelles, elles sont redistribuées. A Montpellier par exemple, le tram est utilisé pour approvisionner les périphéries et les magasins situés à proximité des lignes, aux premières heures de la journée. Des camions électriques permettent également de livrer les marchandises dans les points de ventes du centre, inaccessibles en Tram. L’approvisionnement des enseignes est donc fréquent mais les pollutions et les gaspillages énergétiques dus aux déplacements automobiles sont, autant que possible, limitées dans l’agglomération montpelliéraine.
2.2.2- Les citadins changent leurs pratiques alimentaires
•
La consommation de produits variés demande des distances de transport plus longues. L’augmentation des distances de transport peut s’expliquer également par la
modification des pratiques alimentaires. La demande en biens agricoles s’est à la fois intensifiée et diversifiée. De ce fait, il parait logique que les flux ainsi que leurs longueurs aient augmentés. Comme on l’a expliqué précédemment, du fait de l’urbanisation, on assiste à une concentration spatiale des populations. Ainsi, plus de nourriture doit être transportée pour satisfaire les besoins des ménages urbains, générant alors, plus de pollution liée au transport des marchandises. 37
De plus, l’urbanisation augmente car les villes proposent d’avantage d’emplois et donc on assiste à une élévation des revenus pour une part importante de la population urbaine. Ce phénomène peut alors entrainer une hausse de la demande alimentaire et une modification de la nature des biens alimentaires souhaités. Avec l’effet de la mondialisation, combiné à l’augmentation des salaires, les populations urbaines aspirent à consommer de nouveaux produits, plus exotiques, et consomment d’avantages de plats, et d’aliments d’origine étrangère. De nouveaux produits sont donc attendus par les populations, ce qui créé un accroissement des importations de produits en provenance de régions de plus en plus éloignées ; et donc plus de transport.
•
Les citadins se déplacent de plus en plus au sein des villes. On a exposé précédemment que le rapport à l’espace des activités de production et de
distribution a évolué au fil des années. On constate qu’il en va de même pour les ménages. En effet, aujourd’hui, on assiste à une dissociation des lieux pratiqués dans la ville : les lieux de résidence, de travail, de consommations, d’approvisionnement, etc., sont tous éparpillés dans la commune, voire sur plusieurs communes. Ainsi, les consommateurs sont amenés à fréquenter plus encore la ville, ils sont incités à se déplacer d’avantage. En 20 ans, on a assisté à une hausse de 20% de la distance moyenne parcourue par les ménages dans l’ensemble des régions françaises. On constate également que la vitesse de déplacement influence la distance de déplacement. On pouvait penser que l’augmentation de la vitesse permettrait de réduire les temps de déplacement et donc de limiter leur impact environnemental. Or, on s’aperçoit que cette augmentation de vitesse permet aux consommateurs de se déplacer plus loin, ce qui a pour effet, d’intensifier les nuisances environnementales. Selon des études réalisées auprès des consommateurs, les temps de déplacement consacrés à l’approvisionnement du foyer représentent environ 10 minutes, ce temps étant plus long pour les personnes sans activité professionnelle (environ 15 minutes). Pour réaliser ces achats, la voiture est le moyen de transport privilégié : elle est utilisée dans 65% des déplacements locaux. On observe également que la hausse de la distance moyenne parcourue par les ménages est localisée dans les petites villes et les moyennes, plutôt que dans les grandes agglomérations : on constate une hausse de plus de 26% entre 1994 et 2008 dans ces villes.
38
Enfin, la localisation des commerces est également un facteur important à prendre en compte lorsque l’on analyse le rôle de l’organisation spatiale d’une grande agglomération. Un maillage commercial, notamment alimentaire, équilibré à l’échelle des bassins de vie serait à privilégier, en intégrant les objectifs d’aménagement durable du territoire (localisation dans le tissu urbain, limitation du développement continu le long des axes…) et, plus respectueux de l’environnement, y compris en terme de rationalisation de la chaîne logistique (Anderson et al., 2005).
L’étude du positionnement des enseignes alimentaires permet de mettre évidence les pollutions, notamment liées au transport des marchandises et des consommateurs, créées par un système alimentaire qui n’est pas encore optimal. On constate que les déplacements des consommateurs sont étroitement liés aux stratégies d’attraction des magasins alimentaires (pratiques de fidélisation, positionnements stratégiques, etc.). On remarque également que les enseignes alimentaires dépendent des pratiques des consommateurs et doivent répondre à leurs demandes, s’adapter, même si cela requiert des importations qui ne seraient pas conformes aux valeurs du développement durable. Ainsi, les comportements d’achats des citadins sont au cœur de la dynamique d’approvisionnement des stocks alimentaires et doivent donc être analysés afin de mieux cibler leurs attentes et d’y répondre efficacement. .
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3- Les comportements d’achats alimentaires des montpelliérains sont dépendants de leurs habitudes citadines.
Les achats alimentaires occasionnent de nombreux déplacements individuels dans la ville. On peut se demander si ces comportements d’achat créent de nouvelles trajectoires ou s’ils s’intègrent dans les déplacements habituels des populations. Les achats alimentaires différent selon les foyers et dépendent de multiples facteurs : la situation matrimoniale, l’âge, le sexe, les revenus, etc. Les stratégies d’approvisionnement permettent donc de catégoriser les populations en fonction de leurs choix de magasins alimentaires. Afin d’améliorer la durabilité des systèmes alimentaires, les aménageurs doivent tenir compte de ces paramètres puisque les acheteurs sont au cœur même de ce processus.
3.1- Les types de commerces alimentaires utilisés en priorité par les consommateurs mettent en évidence un fractionnement de la population.
3.1.1- Le comportement d’achat alimentaire est spécifique à chaque catégorie de population.
Les comportements alimentaires sont dépendants de différents facteurs propres aux consommateurs : leur âge, leur sexe, leur situation matrimoniale, leur emploi, leur niveau d’étude, etc. De nombreuses études montrent que l’on ne s’approvisionne pas de la même façon selon que l’on est une femme ou un homme. Les hommes auront tendance à privilégier les produits demandant peu de préparation tels que les surgelés ou les plats cuisinés. Les femmes en revanche, préfèreront utiliser des produits frais, les fruits et légumes et iront ainsi plus facilement sur les marchés, ou chez les magasins de primeurs, par exemple.
40
On remarque également que les pratiques d’approvisionnement alimentaire changent selon l’âge. Par exemple, les jeunes en dessous de 30 ans, iront d’abord dans une grande ou moyenne surface avant de fréquenter les marchés. Les prix proposés sont plus abordables et la diversité des produits est telle qu’ils n’ont pas besoin d’aller dans un autre lieu d’approvisionnement. A l’inverse, une personne dont l’âge est supérieur à 60 ans, ira en priorité au marché, où elle trouvera des produits frais pour un prix plus élevé. Les chercheurs ont constaté que plus l’âge des consommateurs augmente, moins le prix est un critère de choix de lieux d’approvisionnement ou de choix de produits : c’est la qualité du produit qui prime. De la même façon, on observe qu’il existe également une différence de consommation selon la situation matrimoniale des individus. Par exemple, les femmes vivant seules achètent davantage de fruits et légumes que les hommes dans la même situation, qui eux, achètent davantage de viande et d’alcools. De plus, les hommes vivant seuls, dépensent plus d’argent pour l’alimentation hors du domicile. Les couples, qui la plupart du temps cumulent deux revenus peuvent se permettre de privilégier une alimentation plus saine avec des produit frais, sur les marchés par exemple, ou des produits bio, souvent considérés comme plus coûteux.
Enfin, la catégorie socio-professionnelle joue également un rôle puisqu’elle détermine le revenu des consommateurs et donc leur pouvoir d’achat. Elle influence, en particulier, la fréquentation des magasins de hard-discount qui proposent de nombreux produits à des prix inférieurs aux autres enseignes de grande et moyenne surface.
On constate que les comportements alimentaires des populations sont influencés par leurs caractéristiques sociales. Les pratiques d’approvisionnement tendent à accentuer cette ségrégation sociale puisqu’elles divisent les consommateurs socialement et spatialement. Ces pratiques induisent de nombreux déplacements des usagers qui cherchent le magasin qui leur correspond.
41
3.1.2- Les critères de choix des points de vente reflètent les attentes des consommateurs.
Les lieux d’achat sont choisis selon différents critères par les individus. En général, ils recherchent un commerce alimentaire proche de chez eux qui propose des prix avantageux et des produits de qualité. L’enseigne du magasin et ses horaires d’ouverture peuvent aussi être des critères pris en compte. Taux de fréquentation des GMS durant les 15 jours précédants l'enquête
Selon une étude réalisée par l’INEPS en 2008 dans le
Jamais dans les 15 jours
1 fois dans les 15 jours
Languedoc-Roussillon, il a
1 fois par semaine
2 fois par semaine ou plus
été démontré que les grandes
29%
et
13% 14%
moyennes
surfaces
(GMS) sont les lieux d’achat les plus fréquentés par les
44%
populations :
87.1%
des
personnes interrogées s’y Source: Données de l'enquête Baromètre santé 2008 ; INEPS
sont rendu au moins une fois
durant les 15 jours précédant l’enquête. Les GMS sont des espaces qui proposent une variété de produits assez large avec un bon rapport qualité/prix. Ils regroupent également tous les typ es d’achats : les consommateurs ne sont pas obligés de se rendre dans plusieurs magasins alimentaires pour faire tous leurs achats puisque boulangerie, boucherie, poissonnerie, etc. se côtoient sous la même enseigne. De plus, comme exposé précédemment, les grandes surfaces, souvent accompagnées de galeries marchandes sont des lieux attractifs pour les populations, qui y voient un espace de détente les invitant à user de leur liberté de choix. Les enseignes peuvent aussi recourir aux cartes de fidélité pour influencer les choix de magasins. Une enseigne proposant régulièrement des offres avantageuses pour les consommateurs, fidélise sa clientèle qui, même si un autre établissement est plus proche, préfèrera celui où il y a des promotions.
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Par ailleurs, les grandes et moyennes surfaces intègrent les magasins hard-discount. Comme le prix est l’un des premiers critères de choix de ces lieux d’approvisionnement, on peut penser que leur fréquentation augmente en même proportion que le pouvoir d’achat des consommateurs diminue. On peut également émettre l’hypothèse qu’à Montpellier, la fréquentation de ces magasins est plus importante qu’ailleurs puisque ville universitaire, elle accueille chaque année de nombreux étudiants à la situation précaire. Ce sont donc des espaces de vente qui proposent un choix de produits suffisant à des prix avantageux pour attirer les populations les plus modestes. Ils sont également suffisamment petits pour s’insérer dans la ville sans trop de contraintes, foncières notamment. En effet, le manque d’espaces fonciers à Montpellier pose problème à l’installation de vastes espaces de vente alimentaire. Ainsi, lorsque des parcelles sont disponibles, on préfère y installer des logements puisque la ville, actuellement en lutte contre l’étalement urbain, en manque également. Les GMS sont suivies de près par les boulangeries qui sont également très fréquentées en Languedoc-Roussillon : 80.6% des personnes interrogées s’y sont rendu aux moins une fois dans les 15 jours précédant l’enquête et 77% au moins deux fois. Les points de vente d’alimentation au détail sont privilégiés par certains habitants. Pour ces consommateurs, la vente au détail est synonyme de qualité. Les denrées ne sont pas produites à la chaine ce qui pousse les acheteurs à avoir davantage confiance en ces produits : ils sont souvent plus sains que ceux achetés en grande surface, traités pour la conservation par exemple. Dans la même perspective, la qualité des produits étant un des critères principaux de choix des points de vente alimentaires, les producteurs locaux sont également beaucoup sollicités dans la région. A Montpellier, l’agriculture périurbaine permet d’avoir des productions de fruits et légumes notamment, à proximité. Productions qui peuvent ainsi trouver localement une partie de leurs débouchés.
Enfin, le dernier critère de choix du lieu d’achat des produits alimentaires est la proximité du point de vente. Il a été démontré que les acheteurs ont tendance à choisir le magasin le plus proche de leur domicile. Cela leur permet non seulement de ne pas avoir à transporter leurs achats sur une trop longue distance, mais également de réduire leur temps libre consacré aux achats alimentaires. Dans les années 1950, le temps libre et notamment la possibilité de consacrer celui-ci aux achats alimentaires (facilités notamment par l’inflation) était considéré comme un privilège. Aujourd’hui, les populations préfèrent utiliser leur temps libre pour 43
d’autres activités, en particulier de loisir, et tentent donc de réduire le temps consacré à l’approvisionnement de leur foyer. Réduire la distance entre le foyer et le lieu d’achat parait être une bonne solution, mais pas la seule. A l’heure où les innovations technologiques modifient les pratiques de consommation, se développe le E-commerce ou le système de Drive. Ces deux nouveaux systèmes d’approvisionnement permettent de réduire le temps passé par les consommateurs à faire leurs achats. Avec le E-commerce, les acheteurs ne se déplacent plus dans les magasins et se font livrer. Ils ont donc plus de temps libre à consacrer à d’autres activités. Cette méthode d’approvisionnement réduit également la tentation d’acheter d’autres produits que ceux qui sont strictement nécessaires puisque l’on ne circule plus dans les allées des magasins. Cela permet donc aux foyers de limiter le budget consacré aux achats alimentaires. De plus, on peut supposer que ce système d’approvisionnement est plus durable puisqu’il réduit les déplacements individuels : un camion livre plusieurs foyers, ce qui peut tendre à réduire la pollution produite sur l’environnement. Cette hypothèse reste à vérifier puisque l’on peut également penser que les petits trajets individuels des individus pour aller d’approvisionner sont moins polluants qu’une tournée d’un livreur, qui peut être amené à effectuer un grand parcours ; puisque les rayons de livraison s’étendent de plus en plus à l’heure actuelle. Le Drive redéfinit les trajets d’approvisionnement des foyers puisque les individus sont obligés de se rendre dans des points de distribution fixes. Ces points, situés principalement sur les grandes artères de circulation, s’intègrent dans les flux habituels de circulation dans la ville et permettent aux individus de les inclure dans leurs trajets réguliers. Toutefois, on peut penser que les Drive suscitent de nouveaux déplacements : les personnes font des détours pour se rendre dans ces points de distribution. Ils peuvent susciter de nouveaux flux et encouragent les déplacements individuels, nocifs à la durabilité de la ville.
On observe que les populations peuvent être catégorisées selon leurs méthodes d’approvisionnement alimentaire. Les aménagements urbains doivent tenir compte des stratégies d’approvisionnement existantes des foyers afin de ne pas modifier leurs pratiques de l’espace et ainsi risquer de créer davantage de pollutions en augmentant les déplacements individuels. Les aménageurs doivent donc prendre en compte dans leurs projets les trois 44
critères principaux du choix du lieu d’approvisionnement des consommateurs : le prix des produits proposés, la diversité et la qualité des produits et enfin la distance qui les séparent de leur point d’approvisionnement.
Le prix et la diversité sont les critères de choix des grandes surfaces comme point d’approvisionnement. Elles se répartissent dans la ville de façon stratégique afin de drainer un maximum de clients. La distance est un critère qui est fortement remis en question à l’heure actuelle avec les nouveaux modes d’approvisionnement que sont le E-commerce et le Drive par exemple. Les producteurs et la vente au détail répondent plus particulièrement au critère de la qualité des produits. La provenance des produits est sûre : ils sont les garants d’une alimentation plus saine puisque ce ne sont pas des produits transformés. Ces points de vente permettent aux utilisateurs d’avoir confiance dans les aliments qu’ils consomment. La qualité des produits est un critère de choix dans la fréquentation des marchés par les populations.
Il n’existe que peu d’endroits où ces populations peuvent se retrouver dans un même lieu d’approvisionnement. Avec l’avènement de la notion de développement durable et de production biologique, on pourrait penser que de plus en plus de consommateurs se dirigent vers les marchés qui proposent des produits frais et permettent une consommation locale. Ainsi, la perception des marchés comme étant des lieux d’approvisionnement trop expansifs, pourrait être remise en cause.
Les marchés sont des lieux d’approvisionnement particuliers puisque même s’ils sont ponctuels, ils sont fréquemment utilisés par les individus qui cherchent à consommer des produits locaux, bio, et de qualité. Toutefois, ce ne sont pas les seuls représentants des circuits courts qui sont de plus en plus utilisés par les citadins et déterminent de nouvelles trajectoires urbaines.
45
3.2- Les pratiques d’approvisionnement changent la pratique de la ville et la perception que l’on peut en avoir.
3.2.1- Les circuits courts induisent des pratiques urbaines particulières Selon des études réalisées sur Montpellier pour le projet COXINEL sur les circuits courts de commercialisation en Languedoc-Roussillon et par l’INEPS dans le cadre de l’établissement du Baromètre Santé nutrition ; la majorité des habitants de la région privilégie les produits locaux. Plus des deux tiers des habitants de la région (70,3%) déclarent privilégier l’achat de produits de la région. Pour les individus interrogés, il ressort que le marché est le lieu d’achat le plus connu pour les produits locaux. Comme énoncé précédemment, il a été confirmé que cette pratique augmente avec l’âge. En revanche, les étudiants utilisent moins souvent l’approvisionnement régional que les personnes ayant une activité professionnelle (39,2% contre 72,0%), peut être en raison des prix et des horaires pratiqués sur les marchés ou les magasins de primeurs. La majorité des individus qui utilisent les marchés habitent soit en centre-ville de Montpellier, soit dans des villages ou villes hors agglomération de Montpellier. Cette étude révèle que la CSP n’est pas un facteur déterminant dans la fréquentation des marchés tout comme dans la fréquentation des magasins bio ou l’achat chez les producteurs. Ainsi, on peut supposer que le prix n’est pas le premier critère d’utilisation ou non des marchés ; mais que la qualité des produits, et leur fraicheur, sont la priorité des consommateurs. Cette hypothèse se confirme dans cette étude : non seulement le marché est le premier point de vente associé à des fruits et légumes de qualité mais également les produits des producteurs sont associés à 43% à des fruits et légumes de qualité. L’étude cherche à classer la population selon leurs pratiques alimentaires : les consommateurs « plutôt circuit courts », sont distingués des consommateurs « plutôt circuits longs ». On cherche à savoir où les consommateurs utilisant les circuits courts vont s’approvisionner en priorité. Les données indiquent que les marchés de plein vent à dominante de producteurs, les marchés de producteurs (ex : Les Arceaux, ou celui d’Antigone), les producteurs, les halles, les primeurs, sont souvent fréquentés par les consommateurs « plutôt circuits courts ». 46
Même si le prix n’est pas le premier critère de choix de ces points de vente, on observe que les fruits et légumes de l’épicerie, du magasin de primeurs et des GMS sont perçus comme plus chers qu’au marché ou chez le producteur. De plus, le marché apparait comme le lieu le plus agréable pour aller faire ses courses avec plus de 60% des citations. On peut supposer que le marché « réconcilie » les consommateurs avec les courses alimentaires. De corvées, celles-ci deviennent un moment détente où l’on profite du cadre offert par les marchés souvent situés en centre-ville, au cœur de l’animation citadine. La flânerie est alors encouragée et les consommateurs ont un large choix d’étalages afin d’exprimer leur libre arbitre et acquérir les ingrédients qui leur conviennent. « Faire le marché » peut donc être considéré comme une nouvelle activité de détente appréciée des consommateurs qui seront alors plus enclin à se déplacer d’avantage dans la ville pour se rendre sur différents marchés. Par exemple, le marché des Arceaux, important, regroupe et canalise une grande partie de la population montpelliéraine provenant de tous les quartiers de la commune. En revanche, la répartition des marchés sur le territoire, et le fait qu’ils soient des points de vente ponctuels, n’en font pas les lieux d’approvisionnement les plus pratiques pour les populations. En effet, les GMS sont jugées par 50% de la population de l’enquête comme les lieux les plus pratiques et proches pour l’achat des fruits et légumes. Le marché arrive en seconde position avec 40%. Les circuits courts sont associés par les consommateurs à différents critères : par exemple, le marché est considéré comme un circuit court puisqu’il permet d’acheter des produits régionaux. De même, ils sont associés, comme les achats chez le producteur, à la diminution des intermédiaires entre les lieux de production et de commercialisation. Le marché apparait comme le circuit court le plus connu (24% des individus sachant définir les circuits courts l’ont donné en exemple) peut être en raison du manque d’information sur les autres modes d’approvisionnement tels que l’achat chez le producteur ou les AMAP. Les enquêtes réalisées confirment que les circuits courts sont avant tout liés à l’idée d’un minimum d’intermédiaires : à la question « Qu’évoque pour vous un circuit court ?», 61% des personnes interrogées ont répondu « peu d’intermédiaires ». 10% ont cité le « local » et 8%
la « qualité ». Les circuits courts sont donc perçus comme des systèmes
d’approvisionnement plus sains, et peut être implicitement plus économiques pour les
47
populations ; puisque généralement, lorsqu’on entend parler d’intermédiaire, on suppose que le coût final du produit vendu, augmente avec la chaîne de distribution. Les circuits courts contraignent les populations à se déplacer dans la ville et ses alentours (vente chez le producteurs en périphérie) et ainsi, à différencier les pratiques habituelles de la ville comme les déplacements pendulaires lieu de travail/ domicile, ou encore domicile/lieux de loisirs. L’utilisation de ces points de vente peut alors développer chez leurs utilisateurs, une nouvelle perception de la ville.
3.2.2- Les pratiques d’approvisionnement des foyers permettent de découvrir de nouveaux quartiers de la ville.
On constate que généralement les achats alimentaires s’effectuent à proximité du domicile ou du lieu de travail des consommateurs. Le temps de déplacement est réduit au minimum par les populations qui préfèrent consacrer leur temps libre à d’autres activités. Ainsi, les pratiques de la ville se limitent aux espaces déjà connus par les citadins qui privilégient les points de ventes qu’ils croisent régulièrement au cours de leurs déplacements quotidiens. Toutefois, on constate que certains critères entrent également en compte dans le choix d’un lieu d’approvisionnement. Ainsi, lorsque la proximité n’est pas le facteur principal, il est possible que les individus changent leurs habitudes pour aller s’approvisionner selon leur mode de consommation alimentaire. Par exemple, une personne qui fait passer la qualité des produits en priorité se dirigera préférentiellement vers les marchés de producteurs. Ces marchés, bien que nombreux sur le territoire montpelliérain se situent à des endroits fixes qui obligent les consommateurs à changer leurs habitudes, à se déplacer et ainsi, à percevoir différemment leur espace de vie. Ainsi, on peut penser que les pratiques d’approvisionnement alimentaire sont un moyen de connaitre la ville pour les citadins et également une activité qui créée du lien social. En effet, si chaque foyer utilisait les systèmes de livraison, on peut supposer que les interactions qui 48
existent actuellement, dans les supermarchés, sur les marchés, dans les points de vente au détail type boulangerie, boucherie, etc. disparaitraient et la cohésion sociale, aujourd’hui prônée dans les projets urbains, ne serait plus assurée. Par ailleurs, la perception des distances peut également être modifiée. En effet, lors de rencontres avec des habitants du quartier de la Pompignane à Montpellier, nous avons constaté que les activités d’approvisionnement peuvent être considérées comme des loisirs et qu’ainsi la distance n’est plus un frein à l’utilisation de certains points de vente alimentaires comme les marchés, par exemple. Durant ces rencontres, certains résidents de la Pompignane, nous ont en effet affirmé que leur quartier n’était « pas aussi éloigné du marché des Arceaux, que l’on ne se l’imagine ». Ils vont y faire leurs achats tous les mardis à pied et considèrent cela à la fois comme un moment de détente et un moyen de maintenir leur forme physique. Sur le parcours, ils déclarent découvrir de nouveaux espaces de la ville, en cherchant par exemple, des raccourcis à travers les espaces résidentiels, dans lesquels il est plus agréable de marcher, que le long des grandes artères. A travers cet exemple, les pratiques d’approvisionnement apparaissent comme un moyen de mieux connaitre la ville dans laquelle on réside et ainsi, de mieux se l’approprier. Toutefois, les personnes rencontrées ne sont pas nécessairement représentatives puisque peu d’individus prennent le temps de faire leurs courses à pied (excepté certainement les habitants du centre-ville). La voiture est en fait encore fréquemment utilisée pour se déplacer d’un bout à l’autre de la ville, pour se rendre sur les points de vente peu accessibles par les transports en commun (comme les marchés, ou les producteurs). Ainsi, on peut supposer que les valeurs du développement durable, ne sont pas toujours prises en compte dans les pratiques d’approvisionnement des citadins, même les plus sensibles à ce processus.
3.3- Le respect du développement durable n’est pas un critère de choix des points de vente ou des produits.
Le développement durable est à l’heure actuelle dans tous les esprits. En effet, c’est la préoccupation principale des politiques d’aménagement du territoire : améliorer la pratique de l’espace en limitant l’impact des populations sur l’environnement. Les individus sont de plus
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en plus sensibilisés à cette problématique et ils sont mobilisés par les politiques pour y participer : le tri sélectif, par exemple. On pourrait donc penser que les personnes qui se sentent concernées par les problématiques du développement durable limitent leur impact environnemental
dans
toutes
leurs
activités
quotidiennes,
y
compris
celle
de
l’approvisionnement alimentaire. Cependant, lors des enquêtes réalisées par l’INEPS en 2008, auprès des populations, la durabilité de l’approvisionnement n’a jamais été citée comme un critère de choix de lieu d’achat. Ainsi, les consommateurs ne se rendent pas dans un magasin parce que celui-ci leur permet de développer une méthode d’approvisionnement plus durable. Par exemple, suite à la promotion du développement durable dans le domaine alimentaire, on constate que les acheteurs font plus attention aux produits qu’ils consomment : ils se dirigent plus volontiers vers des produits plus sains, en privilégiant par exemple des producteurs locaux. Toutefois, pour se rendre sur les lieux de production ou de distribution de ces produits, ils utilisent la voiture, moyen de transport individuel polluant. La durabilité des systèmes alimentaires ne passe pas uniquement par la durabilité des productions alimentaires mais également par les trajets des produits et des consommateurs. Souvent les consommateurs, par le critère « qualité du produit », sous-entendent que c’est un produit qui respecte les valeurs du développement durable tout au long de sa production et de son acheminement vers les points de vente. Pour eux, le consommer, c’est donc participer à la durabilité de la ville et des productions. Cependant, ils ne prennent pas forcément en compte leur propre impact environnemental : ils se déplacent en voiture pour aller les acheter. On constate que c’est la qualité du produit qui prime sur le développement durable dans les choix d’un point de vente. Peu de personnes choisissent un lieu d’approvisionnement uniquement sur le critère de l’approvisionnement durable, faute de trouver un espace répondant à toutes leurs attentes de consommateurs. On peut donc supposer, qu’afin d’améliorer les systèmes alimentaires urbains, il faut d’abord sensibiliser les populations à leurs utilisations de cet espace commun et à leurs pratiques alimentaires. En effet, ces pratiques alimentaires individuelles influencent le système alimentaire. Avec la mondialisation et l’ouverture des pays sur le monde, non seulement les cultures sont partagées mais également les alimentations. On recherche davantage de produits exotiques qu’auparavant : produits qu’il faut importer pour répondre à une demande accrue des consommateurs. La variété de produits demandée est telle, que l’importation est
50
nécessaire et peut difficilement être évitée. Il faut donc tenter d’avoir recours à l’importation la moins polluante possible. Ainsi, la durabilité sous-entend d’agir à la fois sur les pratiques d’approvisionnement des magasins, sur les entreprises importatrices, et sur les consommateurs.
Cette analyse des pratiques d’approvisionnement des citadins montre que l’approvisionnement alimentaire est étroitement lié aux activités et aux déplacements effectués dans la ville. Ces critères de choix de lieux d’approvisionnement, permettent d’établir une typologie des consommateurs qui met en évidence une forte ségrégation de la population que les aménageurs (concepteurs) devront prendre en compte dans leurs aménagements : la ville future doit être envisagée en tenant compte des raisons de ces trajectoires.
A travers les études déjà menées sur ce sujet, il a été démontré que
l’approvisionnement des foyers se fait en fonction des déplacements habituels des consommateurs dans la ville : sur le trajet domicile/ travail, par exemple. Toutefois, on remarque que ces pratiques d’approvisionnement peuvent différer selon certains critères qui pousseront alors les citadins à rechercher un magasin qui réponde mieux à leurs attentes. Selon les critères choisis par les consommateurs pour leur lieu d’approvisionnement (proximité, prix, qualité), ces déplacements et donc leurs impacts environnementaux peuvent être limités ou bien intensifiés. A l’heure où les valeurs de la mondialisation et du développement durable sont mises en avant dans tous les domaines, les mentalités des consommateurs tendent à changer. Ils cherchent davantage à limiter leur impact écologique en choisissant un approvisionnement en circuit court qui, dans les esprits, est fréquemment associé à un approvisionnement local même si celui-ci ne garantit pas la durabilité tout au long du processus de l’approvisionnement (déplacements des consommateurs souvent en voiture). Les trajets, en transports individuels ou collectifs, peuvent permettre aux individus de se déplacer dans des lieux qu’ils fréquentent peu habituellement. La représentation de la ville peut alors être modifiée, l’appréciation des distances est moins évidente et permet alors de découvrir la ville par une activité, souvent considérée comme une contrainte.
51
4- Analyse des questionnaires réalisés auprès des montpelliérains
Méthode
L’étude du Baromètre santé nutrition mené par l’INPES en 2008 avait tenté de déterminer quels étaient les comportements d’achats alimentaires en Languedoc-Roussillon en réalisant des enquêtes auprès des consommateurs de la région. Plusieurs constatations en avaient été dégagées : -
Les grandes et moyennes surfaces sont les lieux d’approvisionnement privilégiés par les consommateurs.
-
Les lieux d’approvisionnement varient en fonction de l’âge
-
La distance, le prix ainsi que la qualité et variété des produits sont les premiers critères de choix de lieu d’achat.
Par ces nouveaux questionnaires, on cherche à remettre en perspectives ces données 5 ans après, à les infirmer ou les confirmer à l’échelle de la ville de Montpellier. Nous avons également ajouté la dimension des trajectoires à ces questionnements afin de savoir si les consommateurs montpelliérains cherchaient à optimiser leurs déplacements. En effet, d’après l’étude de la bibliographie précédemment effectuée il s’est avéré que les consommateurs effectuent de plus en plus leurs achats alimentaires sur leurs trajets habituels dans la ville : en allant au travail, au sport, etc. Nous avons donc mené 407 questionnaires à la fois via internet et sur le terrain afin de récolter le plus grand nombre de réponses. Pour réaliser ces questionnaires, nous avons divisé la ville en sept quartiers : Croix d’argent, Port Marianne, Centre historique, Hôpitaux-Facultés, Mosson, Les Cévennes et Près d’Arène. Ils correspondent à la nouvelle découpe administrative de la ville mais ne reflète pas forcément le sentiment d’appartenance des populations à ces nouveaux secteurs ; ce qui sera l’une des limites de l’étude que nous aborderons à la fin de cette analyse.
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Répartition Hommes/Femmes en fonction de leur âge
Afin que les données
65 ans et +
récoltées 55 - 64 ans
durant
entretiens
ces soient
représentatives, 45 - 54 ans Femmes 35 - 44 ans
Hommes
nous
avons tenté d’équilibrer au
mieux
le
rapport
hommes/femmes 26 - 34 ans
rapport à leur âge, ainsi que
18 -25 ans
le
nombre
questionnaires 60
40
20
par
0
20
40
60 %
dans
Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
chaque
de
réalisé quartier
préalablement établis.
On constate cependant, la part importante de jeunes entre 18 et 25 ans. Ils ont été les plus nombreux à répondre au questionnaire sur internet ce qui explique également la grande part d’étudiants ayant répondus au questionnaire. En effet, sur l’ensemble des personnes interrogées, 24% font partit de la catégorie socio-professionnelle « Cadres, professions intellectuelles », 19% sont employés, et 19% sont étudiants. Cette répartition permet de suggérer le budget alloué aux approvisionnements alimentaire par les
personnes
questionnées. Il a en effet été prouvé que la CSP influence le budget alimentaire, et qu’ainsi, les personnes ayant des faibles revenus (comme les étudiants par exemple) ont tendance à privilégier le prix des produits alimentaire à leur qualité. C’est un facteur important qu’il faudra prendre en compte dans l’analyse de ces données. Les CSP des personnes enquêtées
Étudiants 19%
Agriculteurs exploitants Autre -1% 1%
Artisans, commerçants, chefs d'entreprises 11%
Sans activité professionnelle -1% Retraités 10%
Ouvriers 2%
Cadres, professions intellectuelles supérieures 24%
Employés 19%
Professions intermédiaires 14%
53 Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
Analyse des données Lieux d'approvisionnement
100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%
Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
Les premiers résultats de cette étude confirment les constatations du Baromètre santé nutrition : les grandes et moyennes surfaces sont les premiers lieux d’approvisionnement alimentaire des consommateurs. Ici, 92% des personnes interrogées se rendent dans les grandes surfaces pour leurs achats alimentaires. Comme plusieurs réponses étaient possibles on peut penser que soit les GMS sont le lieu d’approvisionnement unique pour certain individus, soit elles servent à compléter un autre approvisionnement pour d’autres. Elles sont principalement pratiquées pour les prix qu’elles proposent (81% des personnes interrogées ont cités ce critère de choix), les promotions qu’elles affichent (59% des individus ont cité ce critère) et enfin pour la rapidité d’achat qu’elles offrent (53% l’ont cité en critère de choix). La rapidité apparait dans les Critère de fréquentation des Grandes et moyennes surfaces
premiers critères de choix des GMS comme
90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%
lieux
d’approvisionnement.
Cela tend à confirmer l’hypothèse que les individus ne veulent plus consacrer autant de temps qu’au paravent, à leur approvisionnement. La réduction du temps d’achat, est donc un critère
54 Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
important à prendre en compte
Critères de fréquentation des Boulangeries
dans cette étude.
90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%
Les
seconds
d’approvisionnement
lieux les
plus
fréquentés sont les boulangeries : 56% des personnes interrogées s’y rendent. Les boulangeries sont des espaces de vente au détail de produits alimentaires particuliers. Elles sont très nombreuses sur le Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
territoire montpelliérain
(plus de
300) et ainsi, la proximité est l’un des premiers critères de choix de ce lieu d’approvisionnement : 81% des personnes allant à la boulangerie ont cités ce critère. Peut-être du fait de cette proximité, elles sont utilisées régulièrement : 46% les fréquentent tous les jours et 48% au moins une fois par semaine. Elles sont également utilisées pour la qualité des produits qu’elles proposent (64% des personnes ont cité ce critère de choix de lieu d’approvisionnement).
Critères de fréquentation des marchés
Les troisièmes lieux les plus fréquentés sont les marchés avec
46%
des
individus
interrogés qui y effectuent leurs achats alimentaire. Ils sont pratiqués régulièrement, le plus souvent au moins 1 fois par semaine
(par
62%
des
100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%
personnes interrogées) ou au moins une fois par mois (30%). Ils
sont
pratiqués
principalement pour la qualité
Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
des produits qu’ils proposent (92% des individus citent ce critère de choix de lieu d’approvisionnement). Les marchés sont perçus comme étant les lieux d’approvisionnement 55
alimentaire où les produits sont les plus frais et de qualité supérieure à ceux que l’on peut trouver en grande surface par exemple. Si l’on compare les critères de choix de lieux d’approvisionnement pour tous les types de commerces alimentaires, on constate que les premiers critères cités par les personnes interrogées sont : la proximité (22%), la qualité des produits (20%) et le prix(14%). Pourcentages des criètres de choix de lieu x d'approvisionnement
25%
20%
15%
10%
5%
0% Prix
Fidélité au magasin
Proximité Promotions Qualité des Variété des Rapidité des Horraires produits produits achats d'ouverture Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
Lorsque l’on compare les données de chaque lieu d’approvisionnement pour ces trois critères, on constate qu’ils correspondent avec trois premiers lieux d’approvisionnement ce qui n’était pas forcément évident puisque plusieurs réponses étaient possibles dans chaque question. Ainsi, les Grandes et moyennes surfaces sont principalement fréquentées pour les prix avantageux qu’elles proposent, les marchés pour les la qualité des produits que l’on y trouve et enfin les boulangeries pour leur proximité. Ces résultats font ressortir les principaux avantages que nous avions suggérés dans l’étude de la bibliographie et confirme ainsi les premières intuitions que nous avions dégagés. A travers cette étude nous nous sommes également posé la question des déplacements : -
Quels moyens de transport pour se rendre sur ces lieux d’approvisionnement
-
Fréquence de l’utilisation des lieux d’approvisionnement
-
Dans quels quartiers s’effectuent ces achats
-
Réalisation d’achats alimentaire sur les trajets habituels dans la ville 56
D’après l’étude de la bibliographie, les personnes possédant une voiture ont tendance à l’utiliser pour aller faire leurs courses alimentaires. En revanche, celles n’en possédant pas utilisent préférentiellement les transports en communs plutôt que d’y aller à pied ou utiliser un vélo. Moyen de transport utiliser pour se rendre sur les lieux d'approvisionnement
90% 80% 70% 60% 50%
GMS
40%
Marchés Boulangeries
30% 20% 10% 0% A pied
Vélo
Tramway
Voiture
Moto
Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
Les données récoltées le confirment. On constate que le moyen de transport le plus utilisé est la voiture notamment pour se rendre dans les grandes et moyennes surface (76%) et sur les marchés (42%). On peut expliquer ces résultats par le fait que lorsque l’on se rend dans une grande surface, c’est souvent pour faire non seulement des courses alimentaires, mais également des courses d’approvisionnement général (produits d’entretiens, papeterie, etc.) ; on peut donc facilement justifier la nécessité d’utiliser une voiture pour transporter plus aisément ces divers achats. Pour les marchés de Montpellier, on remarque qu’ils sont souvent difficilement inaccessibles en transport en commun. En s’appuyant sur les résultats du Baromètre santé nutrition de l’INPES, on peut penser que ce sont principalement des personnes âgées qui se rendent sur les marchés, ainsi, elles utiliseraient plus facilement la voiture pour effectuer leurs courses au marché. On peut alors penser que les autres moyens de transport utilisés pour se rendre sur les marchés sont pratiqués par des populations plus jeunes, qui recherchent une certaine qualité dans les produits qu’ils consomment. Enfin, les personnes interrogées qui se rendent dans les boulangeries y vont principalement à pied (74%). La boulangerie est un établissement pour un approvisionnement alimentaire
57
particulier. Sa pratique peut être ponctuelle ou régulière. Les boulangeries étant nombreuses sur le territoire montpelliérain, on peut facilement s’y rendre à pied à partir du domicile. Ces déplacements sont à relier avec la fréquence des pratiques de ces points d’approvisionnement. Fréquance de la pratique de ces lieux d'approvisionnement
70% 60% 50% 40%
GMS
30%
Marchés Boulangeries
20% 10% 0% Tous les jours
Au moins 1 fois / Au moins 1 fois / Au moins 2 fois / Semaine Mois mois Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
On remarque qu’en effet, la pratique des boulangeries peut être ponctuelle : 3% des personnes allant dans les boulangeries y vont au moins deux fois par mois ; mais aussi régulière : 46% y vont tous les jours et 47% au moins une fois par semaine. On constate cependant, que les boulangeries sont les points de vente pratiqués le plus fréquemment. La fréquentation des marchés correspond à leur fréquence « d’apparition » : en général les marchés ont lieu une à deux fois par semaine en un lieu précis, donc à moins que les consommateurs choisissent de fréquenter plusieurs marchés la même semaine, ils sont contraints de suivre ce rythme. L’approvisionnement alimentaire dans les grandes surfaces peut être considéré comme ponctuel, ou du moins il est certainement complété par un autre puisque 41% des personnes allant dans les GMS y vont au moins 2 fois par mois. On peut ainsi penser l’impact environnement de l’utilisation de la voiture es moindre par rapport à ce que nous supposions avant cette étude. En effet, la voiture est principalement utilisée pour se rendre dans les GMS, or celles-ci ne sont pas les lieux d’approvisionnement les plus fréquemment pratiquées.
58
Toutefois, la fréquence de l’approvisionnement doit être mise en relation avec les quartiers dans lesquels s’effectuent les courses alimentaires et les temps de trajet. Pour les temps de trajet, l’étude montre que la plupart sont compris entre 10 et 20 minutes hormis pour les achats chez le producteur pour lesquels les déplacements sont plus de l’ordre de 20 à 30 minutes. On remarque également que pour les marchés et les grandes surfaces, les déplacements durent entre 10 et 20 minutes : 51% pour les personnes allant au marché et 67% pour celles allant dans les grandes et moyennes surfaces. On constate que ces temps de déplacement sont relativement courts compte tenu de l’étendue spatiale de la ville de Montpellier. On peut donc penser qu’une grande partie des achats alimentaires des foyers se font dans leur quartier. ; Secteur d'achats alimentaires
-
120% 100% 80%
Dans le quartier
60% 40% 20% 0%
Dans un autre quartier Dans l'agglomération de Montpellier Hors de l'agglomération
Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
Ces résultats confirment cette hypothèse. On constate que pour les neuf espaces de vente alimentaire choisis, les achats se font dans le quartier des consommateurs excepté pour le drive et les achats chez les producteurs, et les marchés. En effet, certains marchés de Montpellier sont spécifiques : certains sont exclusivement réservés la vente alimentaire et d’autres sont consacrés aux produits locaux, aux fleurs, etc. Ils sont également d’importance différente, ce qui peut expliquer que les consommateurs n’hésitent pas à se déplacer dans la ville pour se rendre sur les marchés et accéder à des produits qu’ils considèrent comme étant de plus grande qualité. On constate que la qualité des produits pousse les consommateurs à se déplacer : on le constate pour les marchés mais aussi pour les achats chez le producteur. Nous avons 59
également remarqué grâce à l’étude de la bibliographie que les lieux d’approvisionnement tendaient à se multiplier pour les consommateurs. C’est-à-dire, qu’ils ont un lieu d’approvisionnement privilégié, et qu’ils complètent leurs achats dans d’autres points de vente, parfois spécifiques, qui permettent de répondre aux besoins des foyers. La multiplication des points d’achats repose alors la problématique des déplacements. C’est pourquoi, nous nous étions posé la question de savoir si les consommateurs réalisaient leurs achats durant leurs trajets habituels dans la ville. L’étude bibliographique réalisée en première partie de ce mémoire à démontrée qu’en effet, les personnes effectuent de plus en plus leurs achats durant leurs déplacements. La perception de l’activité de faire ses courses a changée avec le temps. D’un privilège, elle est devenue une contrainte, et ainsi, les consommateurs cherchent à optimiser leur temps libre, et limiter celui consacré à leurs achats alimentaires. Faites-vous vos courses sur vos trajets?
50% 45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% Souvent
De temps en temps
Rarement
Jamais
Source : enquêtes réalisées par A.Doyen, 2013
Les résultats obtenus dans cette étude prouvent le contraire. En effet, 43% des personnes interrogées ne font pas leurs achats alimentaires durant leurs déplacements. Certaines personnes ont expliqué que c’est parce qu’elles préférèrent ressortir pour faire leur courses et leur consacrer un temps particulier plutôt que de cumuler leurs activités et donc le stresse des horaires de fermetures des points de vente. C’est un résultat plutôt surprenant, qui peut s’expliquer par le fait que la plupart des entretiens ont été réalisés en journée ou pendant les week-end donc, peu d’entre eux ont été fait aux heures des déplacements pendulaires par exemple (aux heures de pointe). D’autre part 60
l’échantillon sur lequel repose cette étude n’est peut-être pas suffisant pour être réellement représentatif à l’échelle de la ville.
Les limites des questionnaires
Les résultats de ces questionnaires sont à remettre en perspective puisqu’en effet,
le
découpage de la ville, bien qu’étant le nouveau découpage administratif, a empêché certaine personne à se localiser correctement dans la ville. Le sentiment d’appartenance à un quartier plutôt qu’à un autre pour des questions qui touchent au territoire se fait ressentir, notamment dans des questions telles que « faites-vous vos achats alimentaires dans votre quartier, dans un autre,… ».
De ce fait, les réponses sur les déplacements dans la ville sont légèrement
faussées, particulièrement pour les questionnaires réalisés sur internet (pour lesquels les personnes y répondant ne pouvaient poser aucune question). Par ailleurs, l’échantillon choisit peut être contesté : il est composé d’une grande part de jeunes et d’étudiants qui ont une pratique de l’approvisionnement alimentaire particulière. Des études montrent qu’ils ont tendance à multiplier leurs déplacements pour leurs achats alimentaires pour des raisons budgétaires : la perception des dépenses liées à l’approvisionnement alimentaire joue un rôle primordial. Les étudiants préfèrent effectuer plusieurs petites dépenses qu’effectuer une dépense importante en une seule fois. Au contraire, les personnes plus âgées, préfèrent moins se déplacer et effectuent tous leurs achats en une seule fois, hormis pour les achats effectués sur les marchés qui représentent une activité de détente. Plus précisément, sur la question des achats alimentaires sur les trajets domicile/travail, je pense avec le recule que la question était mal formulée puisque seuls les déplacements pendulaires ne sont pas à prendre en compte. La question était trop précise et ainsi, les personnes retraitées par exemple, ont eu tendance à répondre « Jamais » ce qui peut expliquer les résultats obtenus à cette question. De plus, la question sur les transports utilisés pour réaliser les achats alimentaires ne prenait pas en compte les bus ce qui a gêné un certain nombre de personnes et a donc pu également fausser les données.
61
CONCLUSION A travers ce travail de recherche, on constate que les pratiques d’approvisionnement alimentaire soulèvent de nombreuses problématiques.
Leurs choix dépendent de divers
facteurs tels que l’âge, le sexe, la situation matrimoniale, la situation professionnelle, etc. Ces critères permettent de faire une typologie des populations selon leurs pratiques d’approvisionnement et ainsi de mieux analyser les déplacements qu’elles impliquent. Cette classification peut être utile aux aménageurs qui cherchent à améliorer la durabilité de la ville, à laquelle les interactions alimentaires participent. Ainsi, l’accès à une alimentation de qualité, équilibrée et en quantité suffisante, est l’une des préoccupations principales des villes afin de garantir la bonne santé de leurs citoyens. Si aujourd’hui le concept de ville durable n’est pas clairement défini, de très nombreuses initiatives tentent de construire des modèles urbains innovants assurant la durabilité de tous les domaines de la ville, autant que possible. Les critères de durabilité ne sont pas facilement identifiables et peuvent varier selon les territoires étudiés. Il a été démontré que le secteur alimentaire est reconnu comme responsable de 15 à 25% des gaz à effet de serre, ce qui justifie la volonté de la ville de Montpellier d’engager un processus d’amélioration de son système alimentaire actuellement pollueur notamment aux alentours de la commune. En effet, des études montrent que la consommation finale, et en particulier les cinq derniers kilomètres, représentent une phase critique des filières en termes d’impacts environnementaux. Il est donc nécessaire de limiter ces impacts afin d’atteindre le but recherché : rendre le système alimentaire urbain actuel, plus durable. Toutefois, la recherche de solutions à cette problématique soulève la nécessité de travailler à une échelle plus large que le strict domaine urbain. En effet, même si la ville est au cœur des interactions spatiales, elle a besoin d’avoir une emprise plus large sur le territoire. A Montpellier, l’agglomération et la mise en place du SCOT permet une gestion plus importante à l’échelle de la région. L’organisation de la ville et de ses espaces publics, définit des trajectoires particulières pour chaque individu. Ainsi, les citadins ne perçoivent pas la ville de façon identique : ils n’apprécient pas les distances de la même façon, ne connaissent pas les mêmes quartiers de la ville, etc.
62
La mobilité croissante des ménages modifie le comportement spatial des consommateurs et tend peu à peu à associer la notion de « flux » de clientèle à celle de « stock » remettant ainsi en question les traditionnels modèles gravitaires. Les choix des lieux d’achat sont donc divers et orientés par les stratégies urbaines. On constate une multiplication des modes d’approvisionnement du consommateur citadin. Les achats en magasins évoluent vers des magasins de proximité : recours de plus en plus important aux circuits courts de marchés de plein vent ou à des achats directs au producteur, des implications dans les AMAAP, des communautés d’achat, etc. Par ailleurs, le développement des achats sur internet vient modifier la gestion du temps et de l’espace par les consommateurs et conduit les enseignes à prendre en compte davantage les flux de consommateurs extérieurs à leur zone de chalandise ce qui se traduit par des changements profonds dans la gestion des points de vente. De plus, l’émergence actuelle du E-commerce renforce ce phénomène en accompagnant le parcours du consommateur. Ces outils sont aujourd’hui indispensables pour renforcer l’attractivité des magasins à travers l’idée de « parcours d’achat » plutôt que de point d’achat mettant ainsi en avant les facteurs d’attraction « hors magasin ». A cette organisation spatiale, s’ajoute les stratégies de positionnement des enseignes alimentaires qui cherchent une localisation qui leur permettraient d’attirer un maximum de clients. Afin de rendre le système alimentaire actuel plus durable, il y a donc une nécessité d’agir non seulement sur les pratiques des consommateurs mais également sur la reconfiguration et les localisations des filières. Ainsi, même si la responsabilité des consommateurs sur l’impact environnemental de l’alimentation est indéniable (utilisation de transports individuels polluants pour les déplacements), les autres responsabilités ne doivent pas être écartées : les enseignes et les producteurs sont aussi responsables, et il est donc nécessaire de faire appliquer les valeurs du développement durable à cette large palette d’acteurs. Toutefois, on peut se demander si la prise en compte du développement durable dans les politiques d’aménagement ne serait pas utilisée à outrance, comme prétexte pour permettre l’élaboration de projets urbains de plus grande ampleur ? Le développement durable est-il réellement au cœur des problématiques et des préoccupations des aménageurs ?
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TABLE DES SIGLES AMAP: Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne GMS: Grandes et Moyennes Surfaces INEPS: Institut National d’Education et de Prévention pour la Santé LOADDT: Loi d'Orientation sur l'Aménagement et le Développement Durable du Territoire (1999) PDU: Plan de Déplacements Urbains PLH: Programme Local de l’Habitat PLU: Plan Local d’Urbanisme SCOT: Schéma de Cohérence Territoriale SRADDT : Schéma Régional d’Aménagement et Développement Durable du Territoire SRU : Loi Solidarité et Renouvellements Urbains (2000)
TABLE DES ILLUSTRATIONS CARTES Carte n° 1 : Les communes appartenant à l’Agglomération de Montpellier ……..........…p.25 Carte n°2 : Zone de chalandise du centre-ville……………………………………………..p.32 Carte n°3 : Zone de chalandise de Odysseum…………………..…………………………..p.32
MODELISATIONS Modélisation : Schématisation des aires de chalandise des centres-ville ………………….p.30
GRAPHIQUES Graphique n°1 : Taux de fréquentation des GMS en Languedoc- Roussillon……….……..p.42
68
07/06/2013
58
Master1
5
DOYEN Alice
Université Paul-Valéry Montpellier III UFR 3 – Département Géographie et Aménagement Mention Développement durable et aménagement Spécialité à finalité professionnelle « Urbanisme et projets de territoire »
LES SYSTEMES ALIMENTAIRES URBAINS PARTICIPENT A LA DURABILITE DE LA VILLE ETUDE DES PRATIQUES D’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE DES CITADINS MONTPELLIERAINS Mr Marc DEDEIRE
Mme Fathia FORT
Université Montpellier 3 Acteurs, Ressources et Territoires dans le Développement
Supagro Mail : fatiha.fort@supagro.inra.fr
Mail : marc.dedeire@univ-montp3.fr
6 mois
Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier
Résumé : L’alimentation est aujourd’hui l’une des préoccupations principales des sociétés. En effet, la croissance démographique prévue, posera de nouveaux enjeux pour les politiques d’aménagement: comment nourrir les populations en suivant les valeurs du développement durable mises en avant depuis de nombreuses années? La question de la durabilité des systèmes alimentaires urbains nous conduira à travers ce mémoire à mettre en évidence la corrélation entre les pratiques de l’espace urbain des citadins Montpelliérains et celles consacrées à l’approvisionnement alimentaire des foyers. Pour répondre à cette problématique, nous chercherons à définir la notion de ville durable, à exposer les stratégies des enseignes alimentaires et des consommateurs, et enfin, à évaluer leurs impacts environnementaux. Mots-clés: Alimentation – Ville Durable – Approvisionnements alimentaires - Stratégie urbaine – Circuits courts
Summary: Today, the food supply is one of the most important questions for societies. Indeed, the planned population growth is going to determine some of new concerns for the city constructers: how to feed populations in the respect of the values of the sustainable development? This thesis asks the question that, there is a link between the usual practices of the urban space and the food supply of the homes of Montpellier. To answer this problem, we are going to try to define the notion of sustainable city, to explain the strategies of the food signs and the consumers. And finally, try to estimate their environmental impacts. Key-words : Sustainable city - Urban strategy - food supply chain- food behavior - Local consumption-
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