Le marketing alimentaire et son encadrement juridique Colloque Chaire Unesco- 31 janvier 2014 Marine Friant-Perrot FacultĂŠ de droit et de sciences politiques de Nantes marine.friant-perrot@univ-nantes.fr
Sď “
Présentation issue d’une collaboration scientifique avec Pr Amandine Garde (Université de Liverpool)
S
Friant-Perrot et A. Garde, La publicité alimentaire et la lutte contre l’obésité infantile en droit français et en droit anglais, in Actualités de droit économique : aspects de droit de la concurrence et de la consommation et de droit de l’agroalimentaire, co-organised by the Lascaux Programme and the UMR-Droit et changement social, Faculty of Law and political science, Nantes, 17 September 2010, Petites Affiches, Numéro spécial – Actes de colloque, 6 Octobre 2011, 199, 27-39.
S
M. Friant-Perrot and A. Garde, ‘From BSE to Obesity ? EFSA’s Growing Role in the EU’s Nutrition Policy’, in A. Alemanno and S. Gabbi (eds), Foundations of EU Food Law and Policy: Ten Years of the European Food Safety Authority (London: Ashgate Publishing, 2014)
S
A. Alemanno and A. Garde. ed(s) (2014) Regulating Lifestyle Risks in Europe: Tobacco, Alcohol and Unhealhty Diets. Cambridge University Press, Cambridge
Pourquoi encadrer?
S
Débat relatif à l’impact négatif du marketing sur les modes de consommation alimentaire
S
Les termes du débat:
S
-Tenants d’une limitation du marketing (associations de consommateurs, ministère de la santé…)=> influence du marketing sur les choix alimentaires, notamment des enfants, et prépondérance des publicités pour les aliments gars, sucrés et salés=> environnement obésogène dans un contexte de pandémie
S
-Opposants à la limitation du marketing (IAA…)
S
*liberté d’expression publicitaire (Art 10 CEDH)
S
*Difficultés de définir le champ de l’intervention (qu’est ce qu’un enfant? Quel type de pratiques marketing seraient visées? Comment distinguer les « les bons » et les « mauvais aliments?)
Marketing et impact sur les choix alimentaires S Tendance: penser
que la publicité informe le consommateur
S PROMOUVOIR
n’est pas informer
La publicitĂŠ influence les choix alimentaires
Reconnu par l’industrie ellemême S Charte française (2009-2013) S World Federation of
advertisers (2006) « Industry now recognises the existence of an effect of food advertising at category level not only at brand level »
S => effet sur l’attractivité de
certaines catégories de produits
Reconnu par l’OMS
« 12. Les résultats d’études systématiques sur l’étendue, la nature et les effets de la commercialisation des aliments auprès des enfants montrent que la publicité et d’autres techniques de commercialisation des aliments sont très répandues à travers le monde et concernent principalement des aliments à haute teneur en graisses, en sucres ou en sel. Les données factuelles montrent aussi que la publicité télévisée influe sur les préférences alimentaires des enfants et sur leurs demandes d’achat et leurs modes de consommation. » (Recommandations de l’OMS) à Existence d’un lien direct qui ne peut toutefois pas être quantifié en raison du caractère multi-factoriel de l’obésite
Surpoids et obĂŠsitĂŠ 1,46 milliard de personnes
Obésité et pays en développement
Mexique: plus d’obésité qu’aux USA
Rôle du droit S
Constitue un des outils majeurs pour modifier nos modes de consommation alimentaire par la limitation de l’impact négatif du marketing => pas le seul (éducation alimentaire…)=> besoin d’une approche systémique et contextualisée
S
MAIS- AVANTAGES- porteur de valeurs
S
-d’application générale
S
-obligatoire
S
-assorti de sanctions
S
-soumis au contrôle du juge
S
=> contrairement à l’autorégulation
Les voies juridiques de l’encadrement du marketing S Quoi encadrer? S A quel niveau encadrer? S Comment encadrer?
Quoi encadrer? DiffĂŠrents types de pratiques du marketing alimentaire
Types de pratiques marketing: définition large S
Recommandations de l’OMS (WHA 63.14): S on entend par « commercialisation » toute forme de communication commerciale ou de message commercial conçu dans le but ou ayant pour effet d’accroître la reconnaissance, l’attrait et/ou la consommation de produits ou de services particuliers. La commercialisation comprend toutes les méthodes de publicité ou de promotion en faveur d’un produit ou d’un service.
S
Article 2(a) de la directive 2006/114: S on entend par «publicité», toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations S
=> publicité qu’elle soit télévisée ou diffusées via d’autres media (internet, téléphones portables, jeux vidéo)
A quel niveau?
Droit français
Droit international
Droit de l’Union européenne
Question de l’articulation des droits
Les engagements internationaux de la France Les Recommandations de l’OMS (2010 et 2013)
S Adoptées à l’unanimité (résolution 63.14) S ‘L’objectif global des politiques devrait être de réduire
à la fois l’exposition des enfants et la force des messages commerciaux en faveur des aliments [peu sains]’
S Lorsqu’ils fixent le cadre de la politique nationale, les
gouvernements peuvent choisir d’attribuer des rôles bien définis à d’autres acteurs tout en protégeant l’intérêt public et en évitant les conflits d’intérêts’
S Réitération: Plan d’action pour les MNT pour
2013-2020- Adopté à l’unanimité par 194 parties
le 27 mai 2013 (résolution 66.1)
S But: stopper l’augmentation de l’obésité pour
2025
Action limitée de l’Union européenne
Possibilités de restreindre la liberté d’expression commerciale
S La liberté d’expression n’est pas absolue S Article 10(2) CEDH: S « L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités
peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, […] à la protection de la santé […] » Les limites apportées à la liberté d’expression sont soumises à un test de proportionnalité: S Toute restriction doit être légitime S Toute restriction doit être nécessaire (proportionnalite stricto sensu)
Union européenne: une marge de manœuvre étroite
Union européenne: une occasion manquée S Directive 2010/13- Services médias audiovisuels - Article 9(2)
«Les États membres et la Commission encouragent les fournisseurs de services de médias à élaborer des codes déontologiques relatifs à la communication commerciale audiovisuelle inappropriée, accompagnant les programmes pour enfants ou incluse dans ces programmes, et concernant des denrées alimentaires ou des boissons (peu saines)
S => préférence pour une démarche volontaire/ auto-régulation S => pas de définition (quels programmes? Quels enfants? Quels
aliments?)
S Conforme au Livre blanc sur l’obésité (2007) =>Plateforme de
l’UE (par ex« EU Pledge »)
Action des Etats S L’approche doit être multisectorielle et
reconnaitre le caractère plurifactoriel de l’obésité. S Les restrictions éventuelles en matière
de marketing alimentaire ne doivent pas entraver la libre circulation des marchandises et des services S Sauf si elles sont justifiées notamment
par l’objectif de protection de la santé publique (Proportionnalité)
S => Royaume Uni, Irlande, Norvège
France
S Pas de restrictions particulières concernant le marketing alimentaire (seule
sanction des pratiques commerciales déloyales)
S Choix de l’autorégulation (Charte alimentaire-2009 et 2013: Justification
avancée « les expériences de pays ayant interdit cette publicité n'étaient pas totalement probantes, sachant que surpoids et obésité ont des causes multifactorielles »
S Rapport du Pr Serge Hercberg du 15 novembre 2013: Propositions pour un
nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la Stratégie Nationale de Sante=> préconise une régulation de la publicité en fonction de la qualité nutritionnelle des aliments
S Interdiction de la publicité TV (7H-22H) pour les aliments au score
nutritionnel défavorable/aussi sur internet- Cible: personnes vulnérables
Evolution des supports
Royaume Uni S Interdiction de la publicité à partir de 2007 pour des produits alimentaires
peu sains pendant les programmes pour enfants (during children’s airtime) et les programmes vus par un nombre disproportionné d’enfants (around programmes with a disproportionately high child audience) de moins de 16 ans/ score nutritionnel global
S Interdiction d’utiliser certaines techniques de publicité afin de promouvoir
des produits alimentaires peu sains auprès des enfants (célébrités, personnages soumis à des accords de licences, offres promotionnelles et les allégations nutritionnelles et de santé)
S Réglementation qui se fonde sur: S plusieurs études indépendantes (FSA, Ofcom) S une très large consultation publique S une analyse d’impact détaillée
Source A. Garde (2013)
Royaume Uni Rapport d’évaluation d’Ofcom (2010): Les règles remplissent en partie leur objectif: les enfants sont nettement moins exposés à la publicité télévisée S Toutefois, les enfants voient encore de nombreuses publicités télévisées pour
des produits alimentaires peu sains: S
67,2 % des programmes vus par les enfants britanniques n’entrent pas dans la définition des programmes pour enfants
S Autres lacunes des règles britanniques en vigueur: S Exposition: réglementation s’appliquant à la télévision seulement S Force de persuasion: certaines techniques restées hors-champ d’application (‘equity brand characters’, ‘advergames’) S Que dire du parrainage par les grandes marques agro-alimentaires?
Source A. Garde (2013)
Jeux promotionnels et parrainage
Le Québec S
Interdiction de toute publicité télévisée aux enfants de moins de 13 ans depuis 1989
S
Echec de la remise en question de cette règle devant la Cour Suprême du Canada (affaire Irwin Toys) S liberté d’expression (commerciale) S protection de l’enfant S proportionnalité de la mesure adoptée
S
Evaluation: S réduction de 11% dans la probabilité d’acheter des produits ‘fast food’ S réduction de US$88 million par an de la consommation de produits ‘fast food’ (K. Baylis and T. Dhar, ‘Fast Food Consumption and the Ban on Advertising to Children: The Quebec Experience’, Journal of Marketing Research, 2011)
Agir plus largement sur les choix? S L’idée est de
contrebalancer l’effet du marketing S Information nutritionnelle S => limites cognitives S Nudges « action d’aider une personne à faire des choix qui peuvent améliorer sa santé et son bien-être »
Nudges
S Paternalisme libertaire S Nutrition: agir sur la taille des
portions, sur la hiérarchie des choix… S PB- reste négligeable par rapport
aux moyens financiers consacrés au marketing alimentaire/ évaluation des effets à long terme
Nudges
Stockholm
CONCLUSION- De Schutter « La publicité alimentaire s’est révélée avoir un impact retentissant sur les enfants et doit être strictement réglementée pour éviter le développement de mauvaises habitudes alimentaires dès le plus jeune âge » (2011)
Merci pour votre attention