Pour une conception architecturale écoresponsable, Acteurs et enjeux - Mémoire M2 - ENSAL

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Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon

Pour une conception architecturale écoresponsable Acteurs et enjeux

Fatma CHERIF

Directrice de mémoire : Marie-Kenza BOUHADDOU Mémoire de recherche, Master 2 - Février 2021



Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont aidé à ce que ce mémoire puisse voir le jour malgré les conditions difficiles de travail. Je voudrais tout d’abord adresser toute ma reconnaissance à ma directrice de mémoire MarieKenza Bouhaddou pour ses encouragements, son aide, ses nombreuses relectures et ses conseils avisés. J’ai beaucoup appris de sa rigueur et sa prudence. Je remercie tous les professeurs de l’ENSAL avec qui j’ai pris contact pour des échanges dans le cadre du mémoire, Olivier Balaÿ qui a encadré la première phase de ce mémoire et Boris Roueff pour ses conseils au cours des séances du séminaire. Je tiens à remercier toute l’équipe d’enseignants et en particulier Sidonie Joly et Estelle Morlé qui m’ont suivie en Master 1 et ont contribuer à changer ma vision sur le travail collectif.

Je tiens à remercier les personnes qui ont accepté de répondre à mes enquêtes : Thierry Roche de l’agence Thierry Roche et Gautier Baur de l’agence AAFA, ainsi que le personnel des agences Archi.Time et JSA.

Je remercie infiniment Céline Maucourant pour sa relecture et sa bienveillance. Un grand merci à tous mes amis pour m’avoir soutenue durant l’élaboration de ce mémoire. Je tiens à remercier Rida Souali, l’étudiant ingénieur avec qui j’ai eu le plaisir d‘échanger. Je remercie spécialement mon ami Mootaz Kolsi qui a participé à ce travail, phase par phase. Merci pour les retours critiques, pour les heures d’échanges et pour leur soutien moral.

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à ma chère famille qui a cru en moi, mes très chers parents, ma source d’espoir, mes deux frères et ma sœur, pour leurs encouragements.

II


Résumé

Au temps de la transition écologique, les missions de l’architecte sont de plus en plus fragmentées par l’intervention de nouveaux experts et rendues plus complexes par l’implication de nouvelles contraintes réglementaires, économiques et environnementales. En observant ces adaptations, ce mémoire s’intéresse à la manière dont la conception architecturale s’articule au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Il cherche à dévoiler les pratiques collectives écoresponsables. Il a pour ambition de montrer que la conception collective interdisciplinaire se joue généralement par une collaboration au sein d’une agence d’architecture et par une coopération avec des partenaires externes. Pour chacune des stratégies, un travail de coordination et de communication entre les intervenants et leurs différentes tâches est nécessaire. Cela met en lumière la place centrale d’un l’architecte chef d’orchestre au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Ce mémoire s’intéresse aussi à l’identité professionnelle de l’architecte et questionne ses pratiques à la fois en termes d’autonomie et de dépendance vis-à-vis d’autres intervenants et met en lumière les facteurs qui permettent ou empêchent de remplir un engagement en matière de durabilité. En l’absence d’un cadre professionnel d’organisation et de connaissances bien définis, la recherche conduit à de nouvelles interrogations sur les savoirs et les compétences de l’architecte et propose des pistes de réflexion autour de nouveaux outils pour la conception des projets durables.

Mots clés Conception architecturale durable – pluridisciplinarité – qualité – projet – acteurs

III


Abstract

At the times of ecological transition, the architect's missions are more and more fragmented by the intervention of new experts and made more complicated by the implication of new regulatory, economical and environmental constraints. By observing such adaptations, this memoir focuses on the way in which architectural design is articulated within a multidisciplinary team. It seeks to unveil collective eco-responsible practice. The research shows that interdisciplinary collective design is generally achieved through collaboration within an architectural agency and through cooperation with external partners. For each of these strategies, coordination and communication between the actors and their different tasks is necessary. This highlights the central place of the lead architect in a multidisciplinary team. This memoir also looks at the professional identity of the architect and questions his practices in terms of autonomy and dependence on different players and highlights the factors that enable or hinder him to fulfill his commitment to sustainability. In the absence of a welldefined professional framework of organization and knowledge, the research leads to new questions about the architect's knowledge and skills as well as the tools to design at a time of ecological transition and to orchestrate multidisciplinary work.

Keywords

Sustainable architectural design – multidisciplinarity – quality – project – players

IV



Sommaire

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Avant-propos

Pour une génération éduquée durant la transition écologique, il semble que la majorité des étudiants en architecture, à l’issue de leurs études, entrent dans le monde « postenseignement » avec un minimum de connaissance sur les expertises de l’architecte et les limites de ses compétences face aux exigences environnementales, sociales ou économiques. Ces limites soulignent le besoin des architectes de collaborer avec d’autres experts pour bien étudier l’impact des bâtiments sur l’environnement et améliorer le secteur de la construction tout en prenant en compte la finitude des ressources naturelles, le dérèglement climatique et la dégradation environnementale. La conscience d’une nécessaire pluridisciplinarité, déjà présente durant la scolarité des étudiants en architecture, est mise à l’épreuve dans le cadre de certains ateliers de projet, comme ce projet de Master à l’ENSAL, réalisé en partenariat avec le Département de Génie civil et d’urbanisme de l’INSA Lyon, cet autre, mené en collaboration avec la Métropole de Lyon et un groupe d’usagers et ce dernier, ayant fait collaborer un groupe d’étudiantsarchitectes et des étudiants-urbanistes autour d’un projet urbain. Cela signifie, qu’au cours du cursus scolaire ainsi durant les stages, les étudiants côtoient d’autres compétences que celles des architectes et sont sensibilisés au travail collectif interdisciplinaire, à l’échange et au partage. Cependant, cela met aussi en lumière les difficultés et les tensions que peuvent entraîner ces collaborations. Le constat de ces tensions nous a amenés à nous interroger sur la manière de concevoir à plusieurs, dans une visée professionnelle écoresponsable, alors même que la formation, la vision des choses et les méthodologies diffèrent.

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Introduction

Dans le contexte de la crise actuelle, la responsabilité des concepteurs d'assurer la qualité architecturale

et

de

prendre

en

compte

certaines

contraintes

environnementales

et économiques s'affirme et se complexifie de plus en plus. De ce fait, la question écologique est devenue centrale et source de débat1. Certains architectes et chercheurs parlent d’une « architecture durable », d’autres choisissent de la nommer « architecture verte », tandis que d’autres préfèrent le terme « écologique » ce qui peut susciter une controverse, car la notion d’écologie reste floue et polysémique. De plus, à l’origine, l’écologie est une science2 qui étudie les relations entre les êtres vivants et leur environnement. Aujourd’hui, quels que soient les termes employés, l’objectif est de pouvoir partager tout en préservant l’environnement, en réduisant la pollution et la consommation d’énergie et en prenant en compte la finitude des ressources. Pour le secteur du bâtiment, la recherche de la qualité architecturale et de la durabilité est souvent liée à des questions techniques et à une logique gestionnaire. En effet, la question de la qualité dans les opérations de l’architecture et l’urbanisme était l’une des thématiques développés au sein du réseau Ramau3 dans son cinquième cahier La qualité architecturale ; acteurs et enjeux. Ce recueil s’attache à clarifier et à comprendre ce que c’est qu’une qualité architecturale sous un aspect éthique, esthétique, culturel, technique et gestionnaire. Par ailleurs, il comprend des positions qui critiquent le manque de prise de position des architectes dans le débat sur la qualité au profit d’une maîtrise organisationnelle commune (Bignon, Halin, Kubicki, 2009 : 127).

1

Site internet de BATIMAT : https://blog.batimat.com/architecture-ecologique/ Le terme d’écologie a été forgé en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel. 3 RAMAU : Réseau activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme. 2

4


Ce mémoire a pour ambition d’apporter une réponse à ce qui fait qu’une architecture, au-delà de la pensée technique, est durable, tant par le choix des matériaux, des systèmes constructifs, que de la logique gestionnaire qui porte sur un souci économique, fonctionnel et social. Autrement dit, il s’agit de comprendre l’articulation entre ces aspects et les aspects organisationnels, humains et cognitifs. En effet, le projet architectural est le fruit d’une réflexion interdisciplinaire imbriquée dans une dimension urbanistique, économique, environnementale et sociale qui dépend de la mise en commun de plusieurs savoirs. Notre objectif est de mettre en lumière la mise en commun des différentes connaissances et compétences pluridisciplinaires. Le périmètre de notre étude se limite à la phase d’une conception architecturale collective entre architectes et les différents acteurs du secteur du bâtiment, puisqu’elle est un processus ouvert, non défini, changeant suivant les projets, les acteurs et les temporalités, ce que Boudon appelle « une activité complexe » (Boudon, 2009), de plus en plus contraignante. L’évolution de la qualité architecturale, au regard de la gestion de la pluralité des points de vue des intervenants du projet, représente le fond de notre questionnement. Notre propos est de comprendre, tout d’abord, comment la transition écologique impacte le processus de la conception architecturale. Comment le processus de conception architecturale s'adapte-il aux différents paramètres exigés par la politique de la transition écologique ? Comment l’architecte assume-il une conception écoresponsable de plus en plus partagée ? Comment mutualiser les expertises afin de mener à bien un projet ? De quelles manières la pluridisciplinarité des intervenants affectet-elle la qualité architecturale ?

Comment le projet architectural circule-t-il entre les

intervenants ?

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Pour faire face aux différentes crises, des contraintes et des normes sont mises en place et de nouveaux métiers et spécialités apparaissent et interviennent désormais dès la phase de la conception. Si ces derniers représentent un indice de progression et d’évolution, alors il est indispensable de dire qu’ils sont en parallèle responsables de l’apparition de nouveaux problèmes dus à la complexification d’une conception partagée. Pour répondre à ce questionnement, notre propos s’articule suivant deux hypothèses :

-

La première veut que la logique de mutualisation et de coopération entre les acteurs du projet ainsi que la garantie de la qualité architecturale se traduisent par une évolution des stratégies organisationnelles du processus de la conception collective écoresponsable. Nous nous intéresserons à deux types d’organisations : l’organisation opérationnelle coopérative4 et l’organisation relationnelle collaborative5 ;

-

La seconde veut que cette logique se traduise par une évolution du rôle de l’architecte comme « concepteur » et « chef d’orchestre » et par l’acquisition de compétences pour la coordination et la conduite de l’organisation.

Pour vérifier ces hypothèses, nous sommes appuyés sur deux types d’études. En premier lieu, une étude à l’échelle de la Métropole de Lyon à travers l’analyse du fonctionnement de quatre agences d’architecture lyonnaises de taille différentes6. Les agences d’architecture JSA et Archi.Time ont répondu à un questionnaire transmis par mail7. La première est une agence comprenant six salariés. Son engagement autour de la transition écologique n’apparait pas de prime abord sur son site internet8. Cependant, au cours de l’enquête, nous avons remarqué que l’agence travaillait sur l’évolution de son engagement écologique. La seconde est une agence crée en 2019 par un jeune architecte. Il décrit son ambition de proposer une architecture durable, de bon sens, faite par et pour l’homme et prend en compte l’environnement, la technique et l’économie. Son agence s’inscrit dans un réseau de partenaires environnementaux important. 4

La coopération est une stratégie de travail fondée sur des échanges non conflictuels et non concurrentiels. Il s’agit d’un travail d’équipe. 5 La collaboration est une stratégie de travail collectif dont la visée est d’atteindre un objectif commun. Contrairement à la coopération, la collaboration est un travail en équipe. 6 Il est important de noter que ce mémoire a été rédigé dans un contexte de crise sanitaire qui a rendu difficile la prise de contact en direct et nous a conduit à réorienter notre méthode d’enquête. 7 Cf. annexe 1. 8 Site internet de l’agence JSA : https://www.jsarchitectes.com/agence

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En outre, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs téléphoniques avec deux autres agences : les agences Thierry Roche et AFAA. L’agence Thierry Roche est une agence composée de vingt salariés. Elle montre un engagement important dans la question écologique. La seconde est composée de vingt-cinq architectes, d’un bureau d’étude environnement intégré ainsi que d’un bureau de maîtrise d’œuvre d’exécution.9 Ces collaborations forment un terrain favorable pour notre enquête afin de questionner l’interdisciplinarité et en comprendre les enjeux, les avantages et les limites. À une échelle nationale, notre recherche se nourrit de deux études réalisées par deux organismes publics français de recherche et de sondage : l’IFOP10

et le Céreq11 qui

interrogent un grand nombre d’architectes praticiens et engagés dans la démarche écologique. Elles nous ont permis de comparer les résultats observés à l’échelle de Lyon à une échelle plus importante et de construire notre propre analyse critique. L’étude IFOP en 2013 a analysé l’évolution du métier d’architecte à l’horizon 2030. L’étude du Céreq, en 2015, a analysé la formation des architectes en termes de développement durable. Ces études traitent d’une part, de la collaboration interdisciplinaire entre les acteurs du secteur du bâtiment et son impact sur l’élaboration d’un projet architectural et d’autre part, s’interrogent sur le rôle de l’architecte au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Le mémoire est organisé en trois chapitres. Tout d’abord, nous commencerons par contextualiser ce qu’apporte la transition écologique à la conception architecturale. Pour ce faire, nous dresserons en premier temps l’historique pour souligner la responsabilité anthropique à la dégradation environnementale et en rappeler des premières prises en considération de l’environnement. Jusqu’en arrivant à cerner la responsabilité du secteur de la construction et la place de l’architecture dans le débat écologique, nous orientons la recherche sur la compréhension des principaux changements et des oscillations qui ont impacté la profession.

Site internet de l’agence AFAA : http://www.afaaland.com/agence/afaa IFOP : Institut Français d’Opinion Public. L’étude « les architectes et l’évolution du métier à l’horizon 2030 » a été réalisée à la demande de l’Ordre National des architectes et interroge 1000 professionnels. 11 Céreq : centre d’étude et de recherche sur les qualifications. L’étude « les architectes et leur formation au temps du développement durable » interroge 400 professionnels engagés dans des démarches écoresponsables dans leur pratique en agence. 9

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Pour répondre à cela, nous nous appuyons sur les visions portées par plusieurs architectes sur l’exercice du métier au prisme de la transition écologique et sur la mise en place des réglementations, des certificats et des labels. Puis, nous chercherons à comprendre d’une part, comment la soumission à des contraintes règlementaires et au contrôle ont une incidence sur la conception architecturale et d’autre part, quel est l’impact de la croissance de nombres d’intervenants multidisciplinaires. Notre deuxième chapitre est dédié à analyser la première hypothèse qui traite de jeu d’acteurs pour une conception écoresponsable en questionnant les stratégies organisationnelles mises en place par les agences d’architecture. Le dernier chapitre, enfin, interrogera le rôle de l’architecte au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Nous questionnerons dans un premier temps ses compétences en nous appuyant sur le Référentiel des compétences attendues d’un architecte, relatives à la performance énergétique et la qualité environnementale du cadre bâti, proposé par l’ADEME, ce qui nous permet de positionner les retours des architectes interrogés sur leurs compétences par rapport à l’ensemble des savoirs, savoir-faire et des activités. Puis, nous questionnerons les compétences de l’architecte pour la conduite et la coordination du projet, en termes d’outils de coordination et de communication.

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9


Chapitre I. La conception architecturale face aux poids des contraintes

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1.

De

la

préoccupation

environnementale

à

la

responsabilité architecturale 1.1.

Les premières prises de conscience environnementales

La crise environnementale fait émerger une conscience que la nature n’est pas indépendante des hommes. En effet, comme le souligne Philippe Madec en 2019, elle est « le vivant, le mouvement, le complexe », tandis que l’homme est « un être de nature qui s’est dénaturé » depuis plus que deux siècles, il « a porté atteinte à la nature et à sa propre nature »12. L’humanité a progressivement pris conscience de l’impact des interventions humaines telles que la déforestation, l’étalement urbain, l’érosion des sols, l’exploitation des énergies non renouvelables, l’exploitation de la faune et de la flore ou encore la pollution sur la planète. En sus de cette conscience, l’humanité est responsable du déclin de la biodiversité et du changement de la composante atmosphérique terrestre. Le réchauffement climatique devient alors un impératif transformateur qui bouscule les repères, la qualité de vie mais aussi les normes et les conditions de produire et de consommer. Cette prise de conscience et cette responsabilité ont conduit les états à tenter de limiter l’aggravation de la situation environnementale dans une optique de survie, car comme l’affirme Philippe Madec13, « si nous cherchons aujourd’hui à sauver la terre c’est pour nous sauver nous-mêmes ». Les premières prises en compte ont commencé avec l’ère des précurseurs, une période durant laquelle les sociétés ont commencé à planifier des changements de stratégie suite aux premières crises pétrolières. De nouveaux modèles économiques et sociaux ont alors commencé à se mettre en place.

Philippe Madec lors d’un entretien avec Catherine Larrère qui ont été recueillis par Michel Eltchaninoff. Sous le nom De la nature en ville : conversation entre une philosophe et un architecte, 24 janvier 2019. 12

13

Philippe Madec (2007), « L’alterarchitecture, vers une architecture éco-responsable », Conférence Erasme à Mulhouse. file:///C:/Users/USER/Downloads/lalterarchitecture-vers-une-architecture-eco-responsable.pdf

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En 1980, est apparue la notion de développement durable sous le sceau des ONG environnementales. Elle a été popularisée par le rapport Brundtland en 1987, puis officialisée en 1992, lors du Sommet de la Terre à Rio. Cette période a coïncidé avec l’entrée dans l’ère de la qualité environnementale qui vise le développement de la durabilité des « 3E » (Kalck, 2015 : 22) : économie, égalité et environnement. Il s’agit d’une période de recherches, d’essais et de remises en question de la consommation dans une optique de changement progressif. Comme l’indique le Premier ministre norvégien, lors de remise du rapport Bruntland, le développement durable vise une production adaptée qui « permet de répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». L’ère de la transition écologique suggère, elle, une nouvelle manière de consommer et de vivre ensemble, en produisant de façon moins énergivore et en réduisant la consommation d’énergies non renouvelables. Jusqu’à aujourd'hui, les expressions de « transition écologique » ou de « développement durable » posent encore des problèmes de définition. La transition écologique est une transformation lente et progressive14 des modes de vie, des manières de consommer et de produire. Le développement durable, lui, est un concept paradoxal car si la durabilité s’inscrit dans le respect de l’écologie, cette dernière limite le développement et insiste à produire moins en remplaçant les énergies d’origine fossile par des énergies renouvelables.

1.2.

Vers une pratique écoresponsable en architecture

Le secteur de la construction étant l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, est particulièrement concerné par ce changement de paradigme économique et social. L’architecture a donc un rôle important à jouer et une responsabilité dans la dégradation environnementale. En effet, les villes représentent une source importante de pollution avec une consommation d’énergie comprise entre 60 % et 80 % et une production de gaz à effet de

14

https://dictionnaire.lerobert.com/definition/transition

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serre allant jusqu’à 70%15. Le secteur de la construction est d’ailleurs le premier secteur émetteur de CO2 avec 25% des émissions de gaz à effet de serre et avec 46% des consommations énergétiques16. Outre le volet des constructions conçues sans architecte qui participe de ce résultat, nous nous intéressons à questionner, ici, la pratique architecturale et son évolution. Dans une optique de croissance économique infinie, l’architecture perd tout bon sens. Des architectes comme Philippe Madec ou Yona Friedman critiquent alors l'infléchissement actuel de la profession. Friedman affirme même que « toute architecture a été autrefois […] une architecture de survie, mais [qu’] elle a perdu son rôle d’outil en devenant une discipline » (Friedman, 2003 :16). Philippe Madec décrit, lui, le modernisme architectural, au XXe siècle comme « une terrible bombe à retardement ». Il s’interroge sur ces « structure(s) en béton armé, habillée(s) de verre et climatisée(s) »17 qui rompent avec l’environnement et l’impactent. Il critique « la monoculture du béton » et son incidence sur l’épuisement des ressources naturelles. Le sable est en cours d’épuisement, dans le monde 40 milliards de tonnes de sable sont utilisés par an dont 30 milliards de tonnes servent à fabriquer du béton18. Il est, après l’eau la ressource la plus consommée au monde19. Ainsi, ce modèle symbole de « modernité » nous met sous la dépendance de l’utilisation massive des régulateurs de température. Une étude commandée par le Ministère de la transition écologique affirme que l’air respiré à l’intérieur de ces bâtiments est plus pollué qu’à l’extérieur20. Outre les matériaux et les dispositifs qui contribuent au réchauffement climatique, Philipe Madec critique le caractère standardisé et rationnalisé de l’architecture et n’hésite pas à affirmer que « cet objet-modèle […] ce bâtiment générique, reproduit indéfiniment, a détruit l’environnement. »21.

Dernier rapport de UN-Habitat Cities and climate change, l’agence des Nations Unies pour le développement urbain. 16 Site Internet de Institut NegaWatt : Bâtiments performants - Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique en France. Philippe Bovet - Olivier Sidler.2013 https://www.institut-negawatt.com/page.php?id=18 17 Philippe Madec lors d’un entretien avec Catherine Larrère qui ont été recueillis par Michel Eltchaninoff. Sous le nom De la nature en ville : conversation entre une philosophe et un architecte, 24 janvier 2019 18 Site internet de ConsoGlobe : https://www.consoglobe.com/le-sable-une-ressource-en-voie-de-disparition-cg 19 Id. 20 Ministère de la transition écologique, Qualité de l’intérieur, 15 décembre 2020 https://www.ecologie.gouv.fr/qualite-lair-interieur 21 Id. 15

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Selon Le Moniteur22 en 2002, la notion de ressources porte sur une dimension matérielle et aussi symbolique et esthétique, alors « l’architecture est aussi une ressource » qui permet des solutions uniques, « sur mesure » et adaptées au site, au climat, aux habitants, à l’histoire, aux cultures et traditions, aux techniques et technologies, aux savoir-faire et aux moyens23. Les mouvements du moderne au post-moderne puis expressionniste, High Tech, déconstructiviste font progressivement emboiter le monde dans un marché standard et uniforme en effaçant les identités et les spécificités. Ils ont ainsi transformé le corps de la profession architecturale en plaçant l’architecte face à l’évolution de ses missions et ses approches. Avec l’aggravation de la crise, le secteur du bâtiment s’est progressivement engagé dans une démarche de réduction de consommation d’énergie et de préservation de l’environnement et des ressources naturelles. Par conséquent, la construction est désormais conditionnée par des délais d’élaboration de plus en plus courts, des contraintes financières ainsi que par la mise en place de nouvelles normes et exigences réglementaires (Cf figure1).

Figure 1 : Quelques facteurs de mutation de la conception architecturale Illustration de l'auteure

Site internet Le Moniteur : L’architecture, ressource de la planète, le 09/08/2002 https://www.lemoniteur.fr/article/l-architecture-ressource-de-la-planete.246294 23 Id. 22

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2.

Les exigences réglementaires : entre besoin et contrainte

Suite à la succession des crises environnementales et économiques, plusieurs mesures et contraintes réglementaires mises par l’Etat concernaient le secteur du bâtiment. A l’échelle internationale, l’organisation des COP24 fixe comme objectif la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux changements climatiques. Ces COP se déroulent chaque année et prennent des décisions pour assurer un suivi de l’application des règles opératoires et des engagements, ce qui a une incidence directe sur le secteur du bâtiment. L’accord de Paris, en 2015, adopté par 195 états, est un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques25 qui vise une limitation contre le réchauffement planétaire de 2 à 1,5°C par rapport au niveau préindustriel26. Depuis son entrée en vigueur, le 4 novembre 2016, plusieurs solutions à faible intensité de carbone ont été mises en place. Les pays et institutions s’engagent désormais pour répondre aux objectifs des Accords de Paris et du Plan Climat, adopté en 2017 qui, lui, vise une neutralité carbone à l’horizon 205027. A l’échelle internationale, plusieurs contributions volontaristes ont été menées dans l’optique de sensibiliser et de faire évoluer l’engagement de la profession de l’architecte vers le développement durable tels que les travaux du Congrès de l’Union Internationale des Architectes (UIA) à Berlin en 2002 sous le thème « Ressource-architecture ». Ce congrès regroupe architectes, urbanistes et ingénieurs pour proposer des solutions entre les différentes domaines d’intervention. L’objectif est de souligner la nécessité de l’engagement de tous les acteurs du secteur de la construction pour réfléchir aux stratégies du développement durable, 24

Conférences des Parties. United Nations climate change : https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris 26 « À l’échelle mondiale, le climat préindustriel se fonde sur la température moyenne mesurée pendant la période de 1850 à 1900. Au cours de cette période, aucune influence déterminante de l’activité humaine n’a été observée sur le climat et la température moyenne n’a pas été particulièrement influencée par des facteurs externes tels que l’activité solaire ou le volcanisme » Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) 27 La rédaction, 6 mars 2019 : https://www.vie-publique.fr/eclairage/19383-la-politique-de-la-france-face-auchangement-climatique-le-plan-climat 25

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dès la première esquisse et pour affirmer que « toutes les nouvelles techniques et l'ingénierie doivent se prêter au jeu pour créer une architecture où écologie et économie ont un lien étymologique et esthétique ».28 Nous allons maintenant chercher à comprendre comment l’Ordre des architectes a pu participer à faire évoluer la profession vers plus d’engagement.

2.1.

Participation de l’Ordre des architectes

En 2003, le Conseil national de l’Ordre des architectes a organisé une commission chargée d’assurer et de favoriser l’engagement des architectes dans la politique de développement durable. Sur le plan de la mise en œuvre d’actions, l’Ordre a d’abord présenté une série de propositions dans un livre vert intitulé Les architectes et le développement durable paru en 2004. L’année suivante, la commission a publié une charte d’engagement des architectes en faveur d’un développement durable qui définit l’engagement par des valeurs et des pratiques29. Les valeurs de développement durable sont représentées en quatre points : -

L’ancrage culturel et le développement durable,

-

L’intégration sociale et solidarités,

-

La protection de l’environnement et l’éco-efficience,

-

L’économie et performance collective30.

Cette charte s’appuie sur des nouvelles politiques qui fixent de nouvelles limites. « Le rythme d’utilisation des ressources naturelles renouvelables ne doit pas être supérieur à celui de leur régénération, le rythme d’épuisement des ressources non renouvelables ne doit pas dépasser le rythme de développement des substituts renouvelables » ainsi que « la qualité d’éléments polluants et de déchets doit être inférieure à celle que l’environnement naturel peut physiquement absorber »31

Site internet Le Moniteur : L’architecture, ressource de la planète, le 09/08/2002 https://www.lemoniteur.fr/article/l-architecture-ressource-de-la-planete.246294 29 Cf. annexe 2. 30 Idem 31 Idem 28

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2.2.

L’apport des associations d’écoconstruction

- L’apport de l’association Effinergie Cette association rassemble depuis 2006, des acteurs multidisciplinaires pour favoriser un nouveau niveau d'efficacité énergétique dans les bâtiments neufs ou rénovés. Elle intervient dans le développement du secteur du bâtiment en apportant des aides financières via la création de labels, et de référentiels de performance énergétique32. En mars 2017, trois nouveaux labels sont apparus : « BBC33 Effinergie 2017 », « BEPOS34 Effinergie 2017 » et « BEPOS+ Effinergie 2017 »35. « BEPOS+ Effinergie 2017 » exige la sobriété et l’efficacité énergétique en mettant l’accent sur « la conception bioclimatique et la consommation énergétique », mais aussi « la qualité et le confort en termes de qualification et de certifications des bureaux d’études » et finalement « l’appropriation du bien et la sensibilisation des futurs usagers »36 sur les solutions proposées pour éviter toute sorte de « contre-performance » et de perte d’investissement par exemple en présentant des guides. L’association joue un rôle important dans le contrôle et la veille technique et réglementaire. Ainsi, elle anime une plateforme d’échange et de partage et des groupes de travail regroupant les acteurs du bâtiment. Son rôle s’étend à la création et la diffusion d’outils pédagogiques qui permettent d’accompagner et de former les acteurs. Ce faisant, en octobre 2009, avec le concours du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et l'ADEME37, elle a participé au lancement d’un observatoire des Bâtiments Basse Consommation (BBC). Il s’agit d’un outil de partage d'expériences sur les opérations de bâtiments à basse consommation. Son utilisation permet d'affiner et de guider les choix dès les premières esquisses conceptuelles38. Son efficacité nous a été confirmée par un chef de projet : « l’Observatoire est un véritable plus pour les programmistes dans la contextualisation du prix

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Site internet : Effinergie : https://www.effinergie.org/web/presentation BBC : Bâtiments à basse consommation 34 BEPOS : bâtiments à énergie positive 35 Site internet d’Effinergie : https://www.effinergie.org/web/les-labels-effinergie/le-label-bepos-beposeffinergie-2017 36 Id 37 ADEME : Agence de la transition écologique 38 https://www.observatoirebbc.org/accueil/presentation 33

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d’un projet », en effet, « trop souvent les projets demandent une exigence environnementale sans forcément ajuster le délai de conception ou le prix »39.

- L’apport de l’association Négawatt Créée en 2001, Négawatt est une association qui regroupe une vingtaine d’experts dans des domaines liés à l’énergie. Pour décrire leur approche et leur philosophie, son fondateur, Thierry Salomon, affirme que la transition est avant tout une démarche qui s’appuie sur des « expérimentations locales, qui arrivent à se bâtir […] dans les interstices de ce que permet l’institution, qui se reproduisent lorsqu’elles fonctionnent et, si elles ont fait leurs preuves, on crée une norme pour aller dans ce sens » (Dion, 2015 : 99). L’association a pu identifier des domaines d’action pour réduire la consommation énergétique par une analyse de l’utilisation de l’énergie en France. Par exemple, pour le secteur du bâtiment, elle propose une division par trois de la consommation de chauffage en améliorant l’isolation thermique. Négawatt a élaboré un scénario de transition énergétique (2017-2050) fondé sur une utilisation raisonnée de l’énergie. Sa démarche se décline en trois étapes. La première est celle de la sobriété. Il s’agit ici de « donner la priorité aux besoins énergétiques essentiels pour les usages individuels et collectifs de l’énergie ». La deuxième étape est celle de l’efficacité. Il s’agit de « réduire la quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction d’un même besoin ». La dernière étape consiste à « privilégier les énergies renouvelables qui, grâce à un développement ambitieux mais réaliste, peut remplacer progressivement les énergies fossiles et nucléaire »40. Cette démarche a été inscrite dans le code de l’énergie par la loi votée en juillet 2015. Ainsi, les travaux de Négawatt ont accompagné toutes les étapes de la progression du Grenelle de l’environnement en 2007 au Débat national sur la transition énergétique de 201341.

Site internet d’Effinergie >> Retour d’expérience : L’observatoire un outil collectif, pour une transition énergétique réussie, 2020 : https://www.effinergie.org/web/actualite/2768-retour-d-experience-l-observatoire-unoutil-collectif-pour-une-transition-energetique-reussie-2768 39

40

Scénario Négawatt 2017-2050, Dossier de synthèse, juin 2017 https://www.negawatt.org/IMG/pdf/synthese_scenario-negawatt_2017-2050.pdf 41 Idem

18


2.3.

La mise en place des réglementations, des certifications et des labels

Le secteur du bâtiment représente 43% des consommations énergétiques nationales « soit 660 TWh, et près de 25% des émissions de CO2. Cela correspond à une tonne d’équivalent pétrole consommée, à une demi-tonne de carbone et à près de 2 tonnes de CO2 émises dans l’atmosphère par an et par habitant »42. Dans l’optique d’une réduction de la consommation énergétique de ce secteur, il fallait imposer par la loi, des normes énergétiques strictes et des réglementations dans plusieurs champs telles que la thermique, l’acoustique, la ventilation et autres. Pour ce faire, par exemple, la règlementation thermique de 1974 a été mise en place pour une division de la consommation énergétique par deux. En 2012, la réglementation thermique RT2012 visait une division de la consommation énergétique par trois. Il s’agit d’un impératif réglementaire mis en œuvre depuis le 1er janvier 2013 qui exige 50kWhep/(m2.an) comme valeur moyenne du label « bâtiments BBC ». Depuis lors, elle est obligatoire pour la validation de tout permis de construire pour tous les projets nécessitant le dépôt d’un permis de construire43. En 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) met en place la réglementation environnementale RE2020 qui a pour but d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La RE2020 vise une transformation progressive des techniques de constructions et de l’emploie des matériaux biosourcés. Ses objectifs en termes d’amélioration énergétique et diminution de la consommation des bâtiments dépassent celles de la RT2012 en mettant spécifiquement l’accent sur la performance de l’isolation des bâtiments ainsi que la prise en considération de l’ensemble de ses émissions sur le cycle de vie ; en cours de constructions jusqu’à l’exploitation, et finalement il s’agit d’assurer la résistance des bâtiments aux épisodes de canicule de plus en plus intenses44.

42

Site internet du Ministère de la transition écologique, Exigences réglementaires pour la construction des bâtiments 2020. https://www.ecologie.gouv.fr/exigences-reglementaires-construction-des-batiments 43 Id. 44

Site internet du Ministère de la transition écologique Réglementation environnementale RE2020, 2020. https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020

19


Il existait déjà de nombreux labels pour les bâtiments neufs ou les rénovations tels que la Haute Qualité Environnementale (HQE), Qualibat, Reconnu Garant de l’Environnement (RGE), Bâtiment Bas Carbone BBCA45, Très Haute Performance énergétique THPE et plusieurs certifications telles que Acermi pour la certification des matériaux isolants, NF habitat pour la certification de la performance technique, environnementale et économique du logement46. Ces labels et certifications s’inscrivent dans un cadre volontaire. Néanmoins, il existe une différence entre label et certification puisque la certification est encadrée par la loi et représente « un signe de qualité supérieure par rapport à la réglementation »47 qui oblige les professionnels à respecter un cahier de charges à travers un contrôle effectué par « un organisme certificateur accrédité, indépendant et impartial » 48. L’agence Archi.Time souligne le caractère parfois antagoniste de la réponse aux différentes certifications : « Certaines certifications sont imposées dans les cahiers de charges. Parfois nous sommes moteurs de leur intégration ou non dans une opération. Parfois même nous les subissons. Il y a plusieurs réalités : économique, constructive, environnementale qui s'entremêlent et parfois ne sont pas compatibles ensemble. Il faut l'accepter et composer avec »49. Tandis que le label n’est pas encadré par la loi, il peut être émis par un organisme privé ou public. C’est un repère fort de la performance énergétique et la qualité de matériaux pour un bâtiment. Selon une étude réalisée sur la satisfaction moyenne émise par les Français vis-à-vis de leur logement, « 54% des Français accordent de l’importance au fait qu’un logement bénéficie d’un label de qualité. »50. De ce fait, les labels correspondent plutôt à une vision marketing de visibilisation du projet.

Le label BBCA qualifié la réduction de l’empreinte carbone. Il peut être demandé dès la phase de conception et il s’applique pour les bâtiments neufs qui entrent dans le champs d’application de la règlementation Thermique 2012 : https://www.certivea.fr/offres/label-bbca-batiment-bas-carbone 46 Site internet QuelleEnergie.fr : https://www.quelleenergie.fr/magazine/labels-qualite/les-labels-certificationsdubatiment/#:~:text=Un%20label%20certifie%20les%20performances,un%20mat%C3%A9riau%2C%20artisan%2 0ou%20b%C3%A2timent.&text=Contrairement%20au%20label%2C%20la%20certification,que%20la%20r%C 3%A9glementation%20en%20vigueur. 47 Publié par sur le site de l’association Qualitel : https://www.qualitel.org/particuliers/conseils/labelscertifications-reglementations-quelles-sont-les-differences/ 48 Publié par sur le site de l’association Qualitel : https://www.qualitel.org/particuliers/conseils/labelscertifications-reglementations-quelles-sont-les-differences/ 49 Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence Archi.Time, le 11 janvier 2021 50 Selon une étude Ipsos réalisée pour Qualitel : https://www.ipsos.com/fr-fr/logement-des-francais-satisfaits 45

20


Travaillant spécifiquement sur des bâtiments de logements et des bureaux sur Lyon, l’agence AFAA évolue dans un marché fortement concurrentiel. Le représentant de cette agence souligne l’importance de la mise en place des labels pour assurer la satisfaction du maître d’ouvrage mais dans le cas où ils ne sont pas pris en compte dès le début, leur intégration peut engendrer des problèmes tels qu’une perte de temps et des coûts supplémentaires. L’agence JSA, quant à elle, affirme qu’elle essaye « au maximum d’obtenir des labels pour les maîtres d’ouvrage » et souligne que même si l’obtention de ces labels a un impact financier, du fait qu’« ils apportent des subventions mais qu’ils ont également leurs limites »51. Nous constatons ainsi que certains architectes considèrent les contraintes réglementaires, techniques et administratives qui s’exercent sur leurs champs d’activités comme des limites et des freins à la créativité architecturale. Cela a été mentionné par le gérant de l’agence JSA : « Ces contraintes sont devenues totalement asphyxiantes, elles bloquent la créativité des projets et enferment les architectes. Nous sommes aux limites d’un système trop procédurier et extrêmement coûteux pour tous dans son fonctionnement »52. Ce témoignage est d’ailleurs confirmé par l’étude IFOP qui montre que les architectes placent la gestion des questions règlementaires et administratives au sommet de la liste de leurs insatisfactions professionnelles (71% des enquêtés)53. En revanche, nous constatons qu’il existe une minorité d’architectes qui croit en l’importance des réglementations. En effet, le gérant de l’agence Archi.Time souligne qu’« heureusement que des réglementations sont là pour "cadrer" la construction […] [qu’] elles évoluent avec le temps » 54.

Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence JSA, le 15 décembre 2020 Id. 53 CNOA, Les architectes et l'évolution du métier à l'horizon 2030, 2013, page 11. https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/observatoire_evolution-du-metier-2030_0.pdf 54 Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence Archi.Time, le 11 janvier 2021. 51 52

21


2.4.

La prise en compte de la durabilité par les agences d’architecture

Maintenant que nous savons qu’il existe des difficultés, nous voulons savoir l’impact que représente la prise en compte de la durabilité sur la pratique architecturale notamment en phase de conception, afin de savoir comment les architectes gèrent cette complexité supplémentaire. Comment, dans un tel cadre, satisfaire les exigences réglementaires et s’inscrire dans des processus de labellisation ? Lors de notre entretien, le co-gérant de l’agence Thierry Roche nous a expliqué que la stratégie de son équipe consistait à faire appel, selon la nature et le type de projet, à des spécialistes pour s’assurer, dès les premières phases de la bonne orientation du travail. En plus des nombreuses réglementations qui se croisent (sécurité, l’urbanisme, référentiels et certifications environnementales), avec la transition écologique plusieurs problématiques et thématiques deviennent de plus en plus criantes car « tout ce qui est énergétique c’est une chose mais après il y a un travail de carbone, tout ce qui est recyclage, tout ce qui est santé, une multitude d’enjeux variés qui fait intervenir énormément de spécialistes »55. Nous constatons alors, que la conception architecturale ainsi que l’exécution, nécessitent l’intervention d’experts et relèvent de plusieurs champs disciplinaires. Mais vu que nous ne nous intéressons dans ce mémoire qu’à la conception architecturale, ce niveau d’interrogation nous conduit à chercher les spécialistes nécessaires pour une conception écoresponsable.

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Thierry Roche, gérant de l’agence Thierry Roche, le 17 décembre 2020. 55

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Figure 2 : L'intervention de nouveaux experts à la conception architecturale Illustration de l'auteure

3. Regard sur la nécessaire pluridisciplinarité au sein des agences d’architecture

La conception d’un projet architectural doit désormais s’appuyer sur un jeu de collaborations ; entre architectes mais aussi avec d'autres experts (ingénieurs, économistes, paysagistes etc.) et notamment avec les usagers, véritables acteurs de la conception désormais placés au cœur de la conception. Dans ce mémoire, nous concentrons notre recherche sur le travail collectif interdisciplinaire entre experts. Dans un premier temps, nous aborderons l’interdisciplinarité au sein d’une agence d’architecture en nous appuyant sur trois sources : les études de l’IFOP et du Céreq d’une part et les entretiens que nous avons menés auprès des quatre agences d’architecture, d’autre part.

23


Le Céreq a interrogé des professionnels travaillant dans des agences d’architecture impliquées dans des démarches de développement durable sur la nature des collaborations et la composition des agences. Les résultats placent au premier rang la présence des dessinateursprojeteurs BTP, puis des économistes construction, après ils identifient l’encadrement de chantier et les urbanistes étant moyennement présents au sein d’une agence. En derniers rangs viennent respectivement les ingénieurs en bâtiment, les techniciens d’études énergie et les paysagistes (Cf. figure 3).

Nb

%cit.

Dessinateur-projeteur BTP

16

15,7%

Economiste construction

14

13,7%

Encadrement de chantier

13

12,7%

Urbaniste

13

12,7%

Architecte d’intérieur ‘décorateur’

13

12,7%

Ingénieur en bâtiment

9

8,8%

Technicien d’études énergie

8

7,8%

Paysagiste

7

6,9%

Professionnel métier

5

4,9%

Autres

4

3,9%

Total

102

100,0%

Figure 3 : Tableau des professionnels du bâtiment travaillent au sein de l’agence Source : Céreq

L’étude l’IFOP a, elle, montré que 78% des professionnels trouvent l’intégration de différentes compétences au sein de l’agence nécessaire et 22% la trouvent non-nécessaire (Cf. figure 4). Cette étude diffère de la précédente, puisqu’elle interroge des architectes dans le cadre de la projection dans l’avenir à l’horizon 2030. Par exemple, le métier de juriste n’était pas cité précédemment. 50% des architectes estiment aujourd'hui qu’ils auront besoin de juriste dans le futur. Ainsi, l’étude met en lumière un besoin en économistes de la construction, en ingénieurs et en spécialistes de la qualité environnementale.

24


Figure 4 : Tableau des performances à intégrer dans les agences d’ici 2030 Source : CNOA, Les architectes et l'évolution du métier à l'horizon 2030, 2013, page 13

Quant à l’interdisciplinarité, les agences que nous avons rencontrées nous ont montré qu’elle existait, puisque l’agence JSA avec ses six salariés, comprend une assistance administrative, cinq architectes de formation initiale dont plusieurs possèdent une double-casquette architecte-urbaniste ou chef de chantier. L’agence Thierry Roche, elle, comprend vingt salariés : un co-gérant, une assistante, dix-sept architectes possédant la double casquette architecte-ingénieur

en

environnement,

un

dessinateur-projeteur et

un

chargé

de

communication. L’agence AFAA comprend vingt-cinq architectes salariés dont plusieurs avec une double formation architecte-ingénieur. En vue de la complexité des cahiers de charges en matière environnementale pour les bâtiments neufs ainsi pour l’éco-rénovation et pour renforcer ses compétences, l’agence a intégré un bureau d’étude environnement « société C+POS » dirigé par un ingénieur HQE ainsi qu’un bureau de maîtrise d’œuvre d’exécution géré par des ingénieurs expérimentés. L’intégration des bureaux spécialistes aux agences d’architecture fait de ces dernières des exceptions. En revanche, ce qui est commun entre l’ensemble des agences interrogées est la double casquette de l’architecte, ce qui nous questionne à plusieurs titres. L’intégration de spécialités ne se fait-elle actuellement que par le biais d’un double cursus de l’architecte ? La stratégie des agences d’architectes consisterait-elle à embaucher des architectes multicompétents plutôt que d’embaucher des experts ? Si tel est le cas, est-ce dû aux contraintes financières ou au fait que l’intervention des spécialistes reste dépendante de la nature du projet qu’ils ne peuvent pas faire partie d’une agence d’une manière permanente ? 25


En interrogeant Thierry Roche sur les acteurs au sein de l’agence et les intervenants auxquels il fait appel pour gérer les contraintes réglementaires, techniques, administratives nous avons appris que cela dépendait de la nature du projet. Ainsi, l’agence a recours à des juristes spécialisés dans le droit urbain pour certains projets de réaménagement de la ZAC56, à des bureaux d’études HQE pour l’approche environnementale, à des bureaux de contrôle pour d’autres réglementations. Mais au sein de l’agence, leur besoin réside principalement dans des architectes ayant des formations multidisciplinaires. Un tel choix permet alors non pas d’être hyper-experts mais de pouvoir communiquer avec les experts extérieurs dans un langage qu’ils puissent comprendre. La figure 5 montre quelques-uns des partenaires externes intervenant durant la conception architecturale.

Figure 5 : Certains des intervenants de la conception architecturale Source : Cours de Thierry Roche, IAE institue d’administration des entreprises de Lyon, 2019

56

Zone d’Aménagement Concertée.

26


4.

Synthèse et questionnements

Nous avons évoqué lors de ce chapitre quelques-unes des contraintes induites par la transition écologique au moment de la conception architecturale. Nous avons constaté que l’augmentation des enjeux contribuait à la nécessité de l’intervention de plusieurs compétences ce qui a engendré la naissance de plusieurs métiers et intervenants lors de la conception architecturale et ce, afin d’assurer des réponses plus performantes. Nous clôturons ce chapitre avec un nouveau questionnement en lien avec l’organisation des plusieurs intervenants pour l’élaboration d’un projet. Un plus grand nombre d’acteurs signifie-t-il plus de relations et avec plusieurs spécialités ? Comment ces interactions sontelles gérées?

Figure 6 : Connexions et interactions entre les différents intervenants Illustration de l’auteure

27


Chapitre II. Conception collective écoresponsable sous la pluridisciplinarité des intervenants

28


1.

La conception architecturale : Entre processus et projet

Le dictionnaire Larousse définit une conception comme l’« action d'élaborer quelque chose dans son esprit, de le concevoir »57, nous pouvons le traduire comme une manipulation mentale et virtuelle des données, des concepts, des normes et d’autres, qui se concrétise par une action réelle. Ainsi, nous adossons notre définition du terme de conception, aux définitions données dans l’étude sur la conduite de la conception architecturale d’Ahmed Laaroussi. Pour lui, la conception est une activité à la fois « contrainte et créative, cognitive et productive, individuelle et collective » (Laaroussi, 2007 : 16). Lors de la phase de conception, les point initiaux et finaux d’un problème ne peuvent être complétement définis. En effet, la conception implique que les phases d’identification, de construction, de résolution se fassent de façon concomitante. Le processus de conception contribue in fine, à un résultat « improbable et non voulu d'une lente dérive à laquelle ont contribué de manière imprévisible un grand nombre d'acteurs » (Callon, 1996 : 26-29). Dans ce cadre, la conception est décrite par Françoise Darses et Pierre Falzon58 comme une activité interactive et d’échange. Elle peut être manipulée par plusieurs concepteurs et se développe toujours dans l’incertitude et en l’absence de stabilisation des choix. En plus, ce qui complexifie encore cette activité c’est que les concepteurs portent toujours la responsabilité principale et font face aux jugements financiers, esthétiques, techniques, fonctionnels et environnementaux et risquent souvent d’être « incompris voire trahis par leur client, les entreprises et les utilisateurs eux-mêmes » (Gilles Debizet et Eric Henry, 2009 : 143).

57

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conception/17878 Françoise DARSES et Pierre FALZON (1994), « La conception collective : Une approche d’Ergonomie cognitive », Séminaire du GDR CNRS FROG "Coopération et Conception" Toulouse, 1er, 2 décembre 1994. https://www.minnd.fr/wp-content/uploads/2015/03/concep_collect_96-Darses-Falzon.pdf 58

29


En effet, concevoir et construire un projet architectural n’est jamais évident à expliciter. Selon Jean-Pierre Chupin, le projet « consiste à rapprocher des réalités hétérogènes, sans rapport logique préalable entre elles : un programme social, des structures porteuses, des réseaux de fluides, des formes urbaines, des règlements, des couleurs, des matériaux, etc., à découvrir ou bien à établir des rapports entre ces réalités » (Chupin, 1998 : 43). Il s’agit donc bien d’une interaction, d’une relation et d’un ordre qui émergent de ces réalités pour assurer une certaine harmonie et rendre l’espace habitable. A la fin, l’objectif principal de tout type de projet architectural reste commun : construire pour un usage tant fonctionnel que symbolique. Mais ensuite, chaque projet s’inscrit dans une situation et un contexte spécifiques. En fonction de cette spécificité, des compétences complémentaires peuvent être identifiées. Cependant, au niveau du processus d’élaboration, l’unicité d’un projet n’empêche en rien de suive un déroulement typique commun. Le respect du découpage des phases tel que décrit par la Loi MOP n’est pas obligatoire pour les petits projets, il l’est, en revanche, pour les projets de plus grande envergure et les commandes publiques. Nous pouvons identifier deux parties dans l’élaboration d’un projet architectural. La première partie est celle de la programmation et la conception et la seconde est celle de la phase de la réalisation du chantier et la livraison. Et comme notre recherche est orientée sur le processus de conception architecturale nous nous limiterons à la présentation des principales phases qui cohérentes dans le cadre de notre étude.

30


1.1.

De la programmation à la conception

1.1.1

La

programmation au

service

d’une

conception

éco-

responsable

Les études de programmation permettent au maître d’ouvrage de cerner et de traduire ses objectifs en un programme. Cette mission est généralement confiée à une assistance à la maitrise d’ouvrage ou à des programmistes, suivant deux modalités d’études. La première est celle des études pré opérationnelles qui préparent la première version du programme : le préprogramme. Il s’agit d’un document qui étudie les enjeux et contraintes juridiques du projet, les éléments nécessaires en termes de service, d’équipements techniques et identifie le besoin en intervenants et en spécialistes. A la suite de la validation du préprogramme, la seconde est celle des études opérationnelles pour la mise du programme. Il s’agit, pour Nejda Othmani-Marabout, d’un cahier des charges concernant le bâtiment, les équipements et la gestion. Elle indique que le programme représente, « une pièce maîtresse » (OthmaniMarabout, 2010 : 23) du projet architectural, c’est une base contractuelle du marché de maîtrise d’œuvre, un outil de communication qui se complète au cours de chaque réunion de travail par les précisions des attentes du maître d’ouvrage et l’explication des choix architecturaux et techniques de l’équipe du maîtrise d’œuvre. Le programme est le fruit d’un travail de coordination, d’écoute et de discussion entre les intervenants et les spécialistes qui résume les analyses, les enjeux approuvés et les décisions. Il devient en quelque sorte « la mémoire du projet » ((Othmani-Marabout, 2010 : 15) qu’elle passe par trois niveaux de précision « programme d’esquisse », « programme APS » et « programme APD ». Il est à noter que la phase de programmation n’est pas considérée un élément fondamental. D’après l’enquête, certains maîtres d’ouvrage pour certain type de projet, se limitent à contacter l’architecte directement pour définir leurs besoins et leurs attentes et en identifiant les contraintes (budgétaires par exemple). Pourtant, aujourd’hui les courts délais, les contraintes budgétaires et la recherche de la qualité font de cette phase un élément primordial qui vient au service de la conception éco-responsable.

31


1.1.2

Les phases de la conception architecturale

Selon le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, les missions de maîtrise d’œuvre se déclinent suivant plusieurs études. (Cf. figure 7)

Figure 7 : Les étapes d’une conception d’un projet architectural en France Source : OTHMANI MARABOUT Nejda, 2009, page 15

32


La première est celle des études d’esquisse. Il s’agit des premières études de traduction spatiale du programme qui permettent de proposer des solutions aux problèmes et qui peuvent faire appel à des spécialistes pour vérifier la faisabilité et d’estimer le coût prévisionnel et les délais de réalisations. Le second est celui des études d’avants projet (AVP). Après validation de l’esquisse par le maître d’ouvrage, les études d’avant-projet sommaire (APS) commencent à redéfinir la proposition en plan et en volume, à imaginer les espaces intérieurs et à suggérer des dispositions techniques possibles. Ainsi une précision du calendrier de réalisation et du coût prévisionnel des travaux (Othmani-Marabout, 2010). Les études d’avant-projet définitive APD s’enchainent à la suite de la confirmation de l’APS par le maître d’ouvrage. Elles permettent de détailler les différents espaces en surfaces, en dimensions, en plans, en élévations et d’établir le choix de matériaux, de préciser les différentes dispositions techniques et l’ensemble des travaux, de vérifier leur conformité avec la Réglementation Thermique 2012 – RT 201259, de finaliser le chiffrage du coût prévisionnel des travaux et d’arrêter l’élaboration du programme. Ces études permettent de préparer tous les éléments nécessaires pour former le dossier du permis de construire ainsi qu’une étude d’approvisionnement énergétique et un bilan thermique60. Après l’approbation du permis de construire, les études de projet permettent de détailler les plans, coupes et élévations afin d’assurer la bonne compréhension de l’ensemble du projet, de caractériser les matériaux et planifier leur mise en œuvre, d’identifier des tracés des alimentations et évacuations des fluides, ainsi de préciser des éléments structurels et les équipements techniques. Ces études nécessitent l’intervention des bureaux d’études techniques selon le type et la nature du projet, elles seront donc menées en parallèle, en collaboration entre les intervenants, pour réussir l’interaction entre la conception architecturale et la conception technique.61

Site officiel ‘Architecte de bâtiments’, les 6 étapes de conception et de construction d’un bâtiment, mise à jour le 24 octobre 2019 : https://www.architecte-batiments.fr/etapes-de-conception-et-construction-de-batiment/ 60 Site internet du Ministère de la transition écologique : https://www.ecologie.gouv.fr/exigences-reglementairesconstruction-des-batiments-rt-2012 61 Site officiel ‘Architecte de bâtiments’, les 6 étapes de conception et de construction d’un bâtiment, mise à jour le 24 octobre 2019 : https://www.architecte-batiments.fr/etapes-de-conception-et-construction-de-batiment/ 59

33


Finalement, ces études permettent de définir le projet en identifiant tous les éléments graphiques aux échelles normalisées, d’arrêter le coût prévisionnel des travaux et le délai global de la réalisation de l’ouvrage pour passer à la consultation des entreprises de la construction. Pour conclure, la qualité architecturale commence à se définir, se décider et se construire dès les premières phases d’élaboration d’un projet. Selon Bignon, Halin et Kubicki, de même que le projet est jugé sur sa qualité finale, technique ou environnementale, pour eux, le concept de qualité « décrit aussi les processus attachés à la production de cet objet … on parlera alors de la qualité de la programmation, de qualité de la conception, de qualité de la construction ou de qualité de la maintenance » (Bignon, Halin et Kubicki, 2009 : 127).

2.

La conception architecturale : Gestion collective

Comme l’affirmé le co-gérant de l’agence Thierry Roche dans le cadre de l’enquête, l’intervention des spécialistes contribuait à une réorganisation du processus de la conception architecturale. Il a souligné ainsi que cela conduisait à un véritable changement et mettait en place de nombreux points d’interrogations sans pouvoir nier la richesse que cela apportait.

Ce chapitre a pour objet de répondre à nos questionnements en termes de stratégies organisationnelles entre les acteurs au sein des agences d’architecture et ainsi avec les partenaires externes. Pour ce faire, il nous a semblé essentiel de rappeler les principes inhérents aux modèles séquentiel et concourant et critiquer leur efficacité.

34


 Critique du modèle séquentiel Ce modèle de l’ingénierie issue de l’industrie a été formalisé dans le domaine de la construction en Europe et aux états Unis dans les années 1980 (Debizet, Henry, 2009 : 145). Un projet architectural est alors caractérisé par une succession de séquences définissant ses différentes phases. Ce modèle repose sur la juxtaposition des résultats de chacune des phases organisées dans un cadre contractuel. Il s’agit d’un modèle plutôt réussi en termes de partage de responsabilité et de définition des tâches entre maître d’ouvrage, maître d’œuvre et entreprise mais il présente plusieurs limites en termes de qualité architecturale. Élaborer la conception par séquence en limitant le périmètre d’intervention des autres acteurs représente le souci majeur de ce modèle. Cela empêche ces derniers d’être impliqués et d’avoir des moments d’échange et de négociation lors de l’élaboration de chaque phase, mais ils ne sont envisagés que lors du passage d’une phase à une autre.

 Critique du modèle concourant L’ingénierie concourante est née à l’issue du besoin d’améliorer la qualité et diminuer le délai et le coût. Ce modèle dit simultané s’inscrit aussi dans la stratégie de décomposition des phases mais se différencie du précédent modèle par leur déroulement en parallèle (Laaroussi, 2007 : 78). Ceci permet de gagner du temps et d’assurer la qualité en intégrant dès le début de chaque phase les contraintes définies par chaque acteur, les différents points de vue et les connaissances pluridisciplinaires. Cela n’empêche que ce modèle admet des limites liées à l’organisation et la mise en commun des différentes interventions en absence d’un cadre défini. Ici, nous proposons deux types d’organisations qui reposent toujours sur la participation simultanée de différents acteurs à la même phase de projet. Un premier type d’organisation opérationnelle qui s’inspire du modèle séquentiel par rapport au partage cadré des opérations. Il s’agit donc d’une démarche coopérative en développant séparément la meilleure réponse pour chaque opération. Un second type est une organisation relationnelle qui se croise avec le modèle concourant en terme d’obtention des compromis entre les acteurs, il consiste à adopter une démarche collaborative en développant conjointement des réponses les plus cohérentes vers une seule finalité fixée dès le début de la conception.

35


Au cours de notre recherche, nous nous sommes documentés sur les différentes stratégies de travail collectif. Darses et Falzon62 affirment qu’une activité collective s’exprime par des interactions qui ont pour objectifs complémentaires de se synchroniser sur le plan cognitif et se synchroniser sur le plan de l’action. Ils font la distinction entre une co-conception et une conception distribuée, du fait que la coconception provoque une activité de synchronisation cognitive et communicationnelle alors que la conception distribuée est toujours dominée par la synchronisation opératoire et coordination. Ils indiquent que la synchronisation cognitive vise « à établir un contexte de connaissances mutuelles »63 alors que la synchronisation opératoire « vise à assurer la répartition des tâches entre les partenaires de l'activité collective ainsi qu'à régler le séquencement des actions à réaliser »64. D’après notre enquête, nous constatons qu’il existe les deux types d’organisations : l’organisation opérationnelle qui croise « la conception distribuée » en s’appuyant sur une synchronisation opératoire et coordination, tandis que l’organisation relationnelle croise « la co-conception » et s’appuie sur une synchronisation cognitive et communicationnelle. Certes, les deux stratégies comprennent des qualités et des limites que nous dégagerons au fur et à mesure. Nous chercherons ainsi à comprendre, dans ce chapitre, la différence entre les deux organisations d’un point de vue théorique d’une part, et d’autre part, d’un point de vue de la pratique professionnelle.

Françoise DARSES et Pierre FALZON (1994), « La conception collective : Une approche d’Ergonomie cognitive », Séminaire du GDR CNRS FROG "Coopération et Conception" Toulouse, 1er, 2 décembre 1994. https://www.minnd.fr/wp-content/uploads/2015/03/concep_collect_96-Darses-Falzon.pdf 63 https://www.minnd.fr/wp-content/uploads/2015/03/concep_collect_96-Darses-Falzon.pdf 64 Id. 62

36


3. Organisation

opérationnelle

coopérative :

Entre

distribution et coordination

Comme nous l’avons identifié, une organisation opérationnelle porte sur une démarche coopérative. A cet égard, nous mettons en lumière la différence entre les deux termes coopération et collaboration qui sont souvent associés au travail collectif65 sans souligner leurs points de divergence. Coopérer c’est travailler et échanger ensemble sur des tâches distribuées où chacun des intervenants vise une finalité et un objectif à atteindre afin d’amener la réponse la plus performante dans son domaine d’expertise au profit du résultat final du travail collectif. Nous avons cherché à schématiser cette organisation dans le schéma suivant.

Figure 8 : Travail coopératif Illustration de l’auteure 65

Selon le dictionnaire Larousse : collaborer est une politique de coopération. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/collaboration/17137

37


Pour ce type d’organisation, chaque acteur traite sa tâche séparément des autres mais simultanément. Après une mise en commun des réponses individuelles entraîne un premier traitement pour juxtaposer les résultats, les fusionner et vérifier la compatibilité et la cohérence de l’ensemble par rapport aux attentes du maître d’ouvrage. Lors du travail coopératif, des allers-retours sont possibles entre les acteurs mais chacun est limité par les frontières de la tâche qu’on lui a confiée et par son objectif tracé. Alors que collaborer correspond à une autre stratégie d’organisation. En effet, la collaboration consiste à travailler ensemble en fixant une seule finalité dès le début du travail collectif, après ce sont des moments de travail individuel et collectif tout en étant associés les uns aux autres pour réaliser un travail suivants un objectif commun. Pour rebondir, nous avons évoqué précédemment que concevoir à plusieurs en s’inscrivant dans une démarche coopérative est une organisation que Darses et Falzon66 l’ont définie comme « conception distribuée » et qui s’appuie sur une synchronisation opératoire et une coordination.

3.1. Ce qu’est qu’une « conception distribuée »

La « conception distribuée » est une activité qui engage des acteurs simultanément, mais non conjointement « sur le même processus de coopération » en effectuant des missions bien définies, « celles-ci ayant été allouées préalablement, et poursuivent donc des buts (ou du moins des sous-buts) qui leur sont propres tout en ayant pour objectif de participer le plus efficacement possible à la résolution collective du problème »67.

Françoise DARSES et Pierre FALZON (1994), « La conception collective : Une approche d’Ergonomie cognitive », Séminaire du GDR CNRS FROG "Coopération et Conception" Toulouse, 1er, 2 décembre 1994. https://www.minnd.fr/wp-content/uploads/2015/03/concep_collect_96-Darses-Falzon.pdf 67 Id. 66

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Durant notre entretien avec le gérant de l’agence Thierry Roche, il est apparu que les premiers pas vers la transition écologique avaient débuté vers la fin des années 1990 lors de la rencontre avec des ingénieurs appartenant à l’association Négawatt, très engagés dans les enjeux environnementaux. Les premiers travaux collectifs s’inscrivaient dans une démarche de coopération. La suite de cette organisation a commencé à impacter le travail de l’architecte, alors qu’une démarche collaborative n’était pas encore initiée, ce qui a engendré quelques difficultés comme conséquence, au démarrage, car « les premiers travaux collectifs n’ont pas été très réussis »68. Pour clarifier la complexité, le gérant de l’agence nous a expliqué que pour concevoir un bâtiment performant, l’agence faisait appel à des spécialistes de chaque domaine, afin que chaque acteur puisse cibler un problème. C’est sans compter sur le fait que l’expertise est généralement associée à des problématiques d’ego, comme il l’a indiqué : « comme ce sont des experts il y a une espèce d’ego pour chacun »69, ce qui peut créer non seulement des tensions, mais des demandes de légitimité et de reconnaissance. Enfin, à ces problématiques viennent s’ajouter des différences de visions qui donnent parfois lieu à des solutions contradictoires et des problèmes de prise de décisions. Thierry Roche précise alors : « si on a un acousticien ou un thermicien, il va mettre des petites fenêtres et des gros isolants et met un truc qui ne ressemble plus à rien, si vous travaillez avec un médecin sur la santé il va mettre des grands ouvertures »70. C’est donc la mise en commun du travail qui semble poser des problèmes de coordination. Nous constatons à ce niveau que la divergence des points de vue, des préoccupations et des finalités est exacerbée par les problématiques d’ego. La compréhension des dysfonctionnements qui peuvent exister dans le cadre d’une stratégie opérationnelle distribuée, nous amène à concentrer notre recherche sur la mise en commun d’une conception architecturale et une conception technique. Nous interrogerons pour ce faire, la relation architecte /ingénieur.

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Thierry Roche, gérant de l’agence Thierry Roche, le 17 décembre 2020. 69 Id. 68

70

Id.

39


3.2.

Interaction entre conception architecturale et conception technique

En France et à partir de 1973, un décret pour la séparation entre les missions de conception architecturale et de conception technique entre en vigueur par la confirmation de la loi de maîtrise d’ouvrage publique de 1985 et des décrets sur la maîtrise d’œuvre en 1993. Une conception architecturale commence par une contextualisation et détermination du besoin et des attentes, et développe dans un second temps, des propositions en prenant en compte certaines contraintes (site, culture, société etc.) en consultant d’autres spécialistes qui font partie de la maîtrise d’œuvre comme les ingénieurs généraux ou spécialisés, les spécialistes en qualité environnementale et autres afin d’aboutir à une réponse performante. Pour un ingénieur, en revanche, il s’agit de partir d’un ou des problème(s) pour arriver à une ou des solution(s) puis mettre en place des certifications. Tout est bien déterminé, cadré, raisonné et calculé. Ainsi, tout est tourné vers la technique (structure porteuse, ventilation, chauffage, extraction d’air, isolation etc.) sans nécessairement tenir compte des autres éléments du projet architectural. Par conséquent, la rencontre entre deux modes de conception assez différents rend les choses plus complexes. Ce qui illustre la difficulté d’organiser la rencontre d’idées et de solutions, ce sont les clichés qui collent à la peau des architectes et des ingénieurs. Selon Le Corbusier, « les œuvres industrieuses de l’époque qui nous commotionnent si fortement aujourd’hui sont faites par des gens placides, modestes, aux pensées limitées, positives,

des

ingénieurs

qui

font

des

additions

sur

du

papier

réglé,

qui

représentent les puissances de la nature par des alpha et des epsilon, les tortillant en équations, qui tirent placidement le curseur de leur règle à calcul et y lisent les chiffres banals de la plus fatale détermination, qui vont, eux, nous porter, nous qui avons un poète en nous, aux confins de l’enthousiasme, et nous émotionner » (Le Corbusier, architecte, 1931)71.

71

http://academie-architecture.fr/archive/discours-dinstallation-a-lacademie-darchitecture/

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Il existerait donc une sorte de dichotomie entre architectes et ingénieurs, les premiers seraient les poètes, tandis que les seconds seraient de sinistres calculateurs. Cette vision perdure encore parfois mais tend à être contredite. En effet, le gérant de l’agence Archi.Time parle de sa conviction que le travail avec les ingénieurs ne doit pas engendrer des problèmes de compétition parce que chacun est spécialiste dans son domaine. Tous types de difficultés peuvent être surmontés à condition que les acteurs soient convaincus que bien que les « deux métiers [soient] différents […] chacun reste à sa place »72. Cette dichotomie n’est pas seulement présente dans le milieu professionnel, mais est déjà présente durant la scolarité. En effet, lors d’un travail en atelier, nous en avons fait l’expérience. Nous étions un groupe de quatre étudiants en architecture de l’ENSAL, Maxime Valcarce, Emma Leroy, Isabelle Chauvie et moi, en collaboration avec un groupe composé de quatre étudiants ingénieurs de l’INSA sur un projet d’extension d’un collège sur Lyon pendant un semestre. Vers la fin de cette expérience et pour clôturer cet enseignement, chaque groupe a su tirer les points forts et les points de dysfonctionnement du travail et les décrire sous forme d’un retour critique.

72

Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence Archi.Time, le 11 janvier 2021

41


Retour critique étudiants architectes

Le groupe a su instaurer une bonne rigueur de travail, un véritable engagement dans la conception. Tout un système de partage entre les deux disciplines a été mis en place, les négociations menées en atelier étaient complétées par des chaînes de discussions sur Slack (application dédiée aux échanges professionnels), et les documents supports de discussions étaient hebdomadairement mis à jour sur un Drive partagés à date fixe. Ce système de travail a permis de préparer nos séances de travail ainsi que nos rendus. Opportunités de projet Malgré le clivage classique qui semble exister entre architectes et ingénieurs, on s’aperçoit que la négociation, ou la discussion est génératrice de plus d’opportunités de projet que de contraintes. En tant qu’architecte l’exercice de co-conception avec les ingénieurs nous rappelle notre rôle de chef d’orchestre, à savoir saisir les intérêts, les solutions techniques de chacun, les synthétiser dans un système plus global pour conserver une cohérence du projet d’architecture. La négociation est au cœur de la conception du projet d’architecture, le groupe a su néanmoins ne jamais se fermer au dialogue, et un certain enthousiasme de groupe a su porter les séances au service d’une bonne conception du projet. Décalage pédagogiques et envies personnelles Chaque membre de l’équipe, avec des engagements divers avait l’envie de proposer un projet dépassant les simples attentes pédagogiques, en amenant une vision personnelle, éthique, et préprofessionnelle à la conception du projet. Les questions environnementales nous ont particulièrement intéressées et des compromis ont dû être trouvés entre chaque groupe afin de pouvoir approfondir des matériaux peu connus. Le décalage des attentes pédagogiques entre ingénieurs en dernière année “projet métier” et architectes “projet Master 1 a été délicat. N’ayant pas les mêmes attentes pédagogiques, il était difficile de pouvoir prendre des risques trop importants et par conséquence de ne pas pouvoir répondre à certaines consignes. En tant qu’architectes notre rôle a été d’engager des solutions de projet non-conventionnelles, tandis que les ingénieurs ont pu temporiser nos envies afin de bien maîtriser le bon dimensionnement de chaque élément. Tout le semestre s’est articulé autour de ces négociations, pour proposer un projet audacieux où le risque est maîtrisé pour fournir une réponse architecturale cohérente. Avec le recul critique en fin de semestre, nous avons le sentiment d’avoir su respecter tant les envies que les attentes pédagogiques de chacun. Ni une discipline ni l’autre n’a pris le dessus dans l’élaboration du projet. Cette spécificité a permis la bonne entente et la motivation au sein du groupe tout au long du semestre, dépassant le cadre scolaire. Le travail aux côtés des étudiants ingénieurs nous a permis de nous sensibiliser à la considération des contraintes relatives au fonctionnement du bâtiment simultanément à la création des espaces.

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Retour critique étudiants ingénieurs

Déroulement du travail : En travaux de groupe, la première réunion sert à répartir les tâches, puis chacun produit sa partie et par la suite le tout est rassemblé, souvent la veille de la présentation. Simple. Efficace. Rapide. En architecture, les projets prennent une place bien plus conséquente et la différence est de taille : il n’y a pas de bonne réponse, ni encore de projet parfait. Ainsi, la vie de projet est cyclique, les réunions s’enchaînent et chacun donne son point de vue, expose ses inspirations. Les retours des professeurs relancent le cycle et ce dernier peut durer indéfiniment, d’où la fameuse “charrette” (période de travail intense précédent les rendus, souvent synonyme de nuit blanche) qui précède la date butoir. En résumé, ingénieur équivaut à la répartition des tâches et à l’efficacité, tandis qu’architecte rime avec itération et réel travail de groupe. Résultat : Côté ingénieur, plusieurs domaines ont été étudiés par les élèves qui ont dû faire preuve de polyvalence : structure, éclairage, acoustique, thermique, CVC, fondations, économie de projet et management. L’accent a été mis sur la collaboration entre architectes et ingénieurs, ces derniers devant se fonder sur les plans des premiers, qui eux doivent intégrer les contraintes techniques définies par les ingénieurs. Une crise majeure à laquelle nous avons dû faire face a été le choix des matériaux : les architectes voulaient s’orienter vers du béton de terre coulé pour des raisons environnementales et de matérialité, tandis que les ingénieurs ont voulu en rester au béton classique car plus simple à mettre en place et mieux connu de tous. Nous avons donc échangé longuement en présentiel et chacun a su comprendre les contraintes de l’autre. Nous sommes arrivés à un arrangement qui a pu être bénéfique à tout le monde. Communication : Un bon niveau de communication a pu être atteint grâce à l’application Slack et des instants de team-building en dehors des cours qui ont donné lieu à de réels liens d’amitié. Avis d’un ingénieur : Il est impossible de nier que l’un des partis ne nourrit pas de stéréotypes à l’égard de l’autre. Pour certains, les architectes sont des artistes incompris, déconnectés de la réalité et demandeurs d’impossible. Les ingénieurs ? Des briseurs de rêves, psychorigides sans goût, des calculatrices vivantes en résumé. Ces clichés naissent en école supérieure, et l’un ne sachant rien de l’autre, ils s’auto-génèrent. Ce qu’on peut en conclure, pour en revenir à l’analyse faite plus tôt, trois choses sont sûres dans le cas de mon groupe : les stéréotypes existaient réellement avant ce projet (même si nous en rions tous ensemble aujourd’hui avec les architectes), les méthodes de travail sont différentes et les priorités divergent. Malgré cela, nous avons su -tous, sans exception nous accorder et travailler ensemble. Je me considère fortement chanceux d’avoir pu vivre cela. Mais mon expérience est-elle réellement représentative ?

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Ce retour d’expérience d’étudiants ingénieurs et architectes donne un aperçu sur le travail pluridisciplinaire hors du cadre professionnel conditionné par certaines contraintes et exigences. Pourtant, ceci nous permet d’identifier quelques problèmes envisagés en abordant le sujet du point de vue de chaque acteur. A titre personnel, faisant partie du groupe des étudiants en architecture, j’ai pu noter qu’en termes de stratégie organisationnelle, il s’agissait à la fois d’une coopération entre architectes et ingénieurs et d’une collaboration au sein du groupe d’architectes, ce qui veut dire que les architectes s’attelaient à trouver, chacun, une solution pour un problème mis en exergue collectivement en début de séance, lorsque les ingénieurs, eux, travaillaient, à partir des problématisations individuelles. Les solutions étaient donc variables et supposaient un consensus sur la définition préalable des enjeux. Même s’il y avait des concertations et des échanges, les ingénieurs adoptaient le plus souvent des solutions qui leur convenaient mieux sans toujours concerter les architectes. Ce genre de façon de faire nous a été confirmé par le gérant de l’agence Thierry Roche qui souligne qu’« à la fin de chaque réunion en générale il y a que 20% de compréhension commune […] [tout] le reste [n’est qu’] interprétation »73. Pour résumer, outre les divergences des points de vue et les stéréotypes sur l’une ou l’autre des professions, les méthodes de travail entre les acteurs sont bel et bien différentes. Des problèmes de communication existent et font naitre un besoin de mise en place d’une organisation adaptée et de synchronisation. Dans les cas courants d’une organisation opérationnelle, la répartition des tâches ne nécessite par une vraie mission de coordination, chaque acteur connait la marge de son intervention. Selon Darses et Falzon, pour une conception distribuée, une synchronisation opératoire est nécessaire pour répartir les tâches entre les intervenants et fixer les axes fondamentaux de l’organisation (le temps, le déclenchement, l’arrêt, le rythme de actions à réalisées, la simultanéité et le séquencement), cette synchronisation dépend d’une coordination qui peut être verbale ou non verbale74.

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Thierry Roche, gérant de l’agence Thierry Roche, le 17 décembre 2020. 73

74

Françoise DARSES et Pierre FALZON (1994), « La conception collective : Une approche d’Ergonomie cognitive », Séminaire du GDR CNRS FROG "Coopération et Conception" Toulouse, 1er, 2 décembre 1994. https://www.minnd.fr/wp-content/uploads/2015/03/concep_collect_96-Darses-Falzon.pdf

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Le gérant de l’agence Thierry Roche affirme que l’apparition de dysfonctionnements revient également à des problèmes de coordination et de synchronisation, ainsi, les difficultés pour coordonner une conception opérationnelle ont poussé l’agence à revoir sa stratégie organisationnelle pour éliminer les frontières des interventions des acteurs. Il souligne que ce type de problèmes existent depuis toujours au sein des équipes pluridisciplinaires dans le cadre d’une coopération mais l’exigence environnementaux, les courts délais et la multiplication des intervenants ont fait compétemment presser et complexifier le processus de conception. Pour cette agence, il est désormais nécessaire de trouver un moyen pour mutualiser les compétences interdisciplinaires, sinon une coopération sans coordination s’intègre dans un mode vertical qui rend difficile l’avancement du travail et l’épanouissement des acteurs. Il était donc indispensable que l’agence revoie sa stratégie de travail avec ses partenaires externes, mais aussi en interne, c’est-à-dire de « se donner une finalité de projet ; en quoi le projet dans lequel on va travailler doit contribuer, on annonce un horizon ; on met en place des éléments »75. Pour l’agence AFAA, il s’agit toujours d’une coopération avec les partenaires externes. De plus, l’agence veille au suivi de l’avancement de la conception de chaque domaine et acteur, en organisant des réunions de mise en commun des résultats une à deux fois par semaine et ce afin d’assurer la bonne direction de la conception et d’éliminer tout malentendu. Pour conclure, nous constatons donc qu’une conception distribuée pose des vrais problèmes de coordination entre les acteurs mais elle représente une stratégie de travail collectif avec les partenaires externes. Nous constatons ainsi que la résolution de tels problèmes sont traités différemment au sein des agences d’architecture, chacune cherche à mettre en place une stratégie adaptée et performante. Nous chercherons maintenant à savoir comment parvenir à une stratégie d’organisation plus humaines et interactive ? Quelles sont les limites d’une telle stratégie ?

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Thierry Roche, gérant de l’agence Thierry Roche, le 17 décembre 2020. 75

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4. Organisation

relationnelle

collaborative :

Entre

mutualisation et communication

Nous admettons dans cette partie, qu’une organisation relationnelle porte sur une démarche de travail collaboratif en fixant une seule finalité pour tous les intervenants et toutes les activités, et ce dès les premières phases de conception. Cette stratégie s’appuie sur la communication et l’échange pour parvenir à une seule finalité au sein de l’équipe pluridisciplinaire. Ainsi, en général, le but d’un travail collectif est essentiellement l’interaction et le partage entre les acteurs et d’autant plus, en période de crise environnementale car « le développement durable ne peut se réduire à une simple question d’arbitrage technique ni même à un débat de normes. Il implique donc une démarche de progrès continu, fondée sur les retours d’expériences, l’échange entre toutes les parties prenantes et nourrie par l’innovation et la créativité »76. C’est ce que Darses et Falzon appellent « co-conception » : une conception partagée qui s’appuie sur une synchronisation cognitive et une communication de qualité.

4.1. Ce qu’est une co-conception

Au cours d’une collaboration, le développement de la solution entre les intervenants s’effectue conjointement. Il s’agit de fixer un objectif partagé et contribuer à son atteinte chacun à son échelle et grâce à ses expertises. Nous cherchons à schématiser cette organisation comme le montre le schéma suivant.

76

Patrice GENET, Président de la commission développement durable de l’ordre des architectes

https://issuu.com/ordre-national-des-architectes/docs/developpementdurableetarchitecturer

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Figure 9 : Travail collaboratif Illustration de l’auteure

Selon Darses et Falzon, « dans la co-conception, les buts (ou les sous-buts) ne sont pas préalablement distribués : ce sont les étapes du raisonnement qui doivent être réparties entre les partenaires (et la question est de savoir comment) ». Ils mettent ensuite en lumière l’importance de certains processus communicatifs tels que l’« apport d'explications et de justifications, [de] modélisation de l'interlocuteur, [de] construction et [de] maintien du contexte partagé »77.

77

Françoise DARSES et Pierre FALZON (1994), « La conception collective : Une approche d’Ergonomie cognitive », Séminaire du GDR CNRS FROG "Coopération et Conception" Toulouse, 1er, 2 décembre 1994. https://www.minnd.fr/wp-content/uploads/2015/03/concep_collect_96-Darses-Falzon.pdf

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Pour l’agence Thierry Roche, suite aux difficultés constatées durant la coordination de son équipe, le gérant a affirmé l’orientation de son agence dans la recherche d’un nouveau mode de gouvernance, qu’il appelle « sociocratie » et qu’il définit comme « une prise de décision collective à zéro objection.»78, il nous a expliqué le déroulement du travail où chaque acteur cherche dans son domaine à aller vers la réponse la plus performante en prenant en compte les besoins et les objectifs des autres. Pour ce faire, il est indispensable de s’entraîner à s’entendre les uns les autres, de se parler et d’éprouver de l’empathie pour les autres. Ainsi, pour qu’un travail soit exécuté en interaction permanente deux éléments clefs sont alors en jeu : la synchronisation et la communication.

4.2. Communication et partage lors d’une collaboration

Une synchronisation cognitive et la communication représentent les principaux piliers sur lesquels repose une conception relationnelle collaborative. Tout d’abord, l’objectif est de pouvoir déterminer une finalité commune, il s’agit ensuite de s’assurer, lors des échanges, que les idées et les informations soient bien reçues pour garantir l’avancement du projet et « établir un contexte de connaissances mutuelles, de construire un référentiel opératif commun » (Darses, Falzon, 1994). Par ailleurs, l’objectif du travail collectif et de la mutualisation des compétences s’appuient sur le besoin de partager des connaissances culturelles, techniques et environnementales, mais aussi de confronter des approches différentes, de négocier, convaincre et sensibiliser. Ce partage fait changer l’autorité de camp selon Philipe Madec, « le sens de l’autorité change. Dans la conception équitable des établissements humains, nous cherchons moins à savoir “qui a l’autorité” qu’à trouver ce qui fait “autorité” ». En effet, nous constatons que le but d’employer le terme d’autorité, qui renvoie à la verticalité des relations, est de de renforcer la puissance qui naît du partage. Philippe Madec veut souligner l’intérêt de l’échange, de la

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Thierry Roche, gérant de l’agence Thierry Roche, le 17 décembre 2020. 78

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remise en jeu des décisions, des arguments et des allers retours pour conclure que « le projet fait autorité parce qu’il représente aux yeux de tous, l’expression d’un accord »79. Cela étant dit, l’accord partagé fait naître, par la polyvalence des avis et des expériences, quelque chose de plus fiable, de plus puissant et de plus mature. Aujourd’hui, comprendre ce qui fait autorité et mettre en œuvre des nouvelles méthodologies de travail et de raisonnement partagées et mises en accord par tout le monde semble primordial. Mais la question centrale reste comment assurer, en pratique, la synchronisation, l’échange, le partage et la communication entre des acteurs ayant des méthodes et de points de vue différents ? Deux des agences interrogées soulignent que la communication représente l’un des principaux problèmes qui rendent complexe le travail collaboratif. En effet, le gérant de l’agence Thierry Roche confirme qu’outre le volet de la communication verbale qui, généralement, n’est pas évident parce que « les intervenants entendent ce qu’ils veulent bien entendre »80, la différence de la maîtrise des outils de représentation ou de communication entre les acteurs ayant des formations, des âges et des capacités différents, peut mener à des difficultés chronophages. L’agence JSA, quant à elle, souligne le fait que le travail multidisciplinaire « est une chimère », car il induit « trop de lenteurs »81. Concernant la différence de visions, Stéphane Hanrot propose un modèle d’évaluation des projets architecturaux et de comparaison des points de vue (Hanrot, 2009). Il s’agit de mettre en place une grille d’analyse qui permet d’établir en premier temps une description de l’objet architectural en forme, espace, parties et aspects, de décrire, dans un second temps, la perception de l’acteur et finalement d’évaluer de zéro à six les aspects du projet (morphologie, spatialité, usages, dimensions économique et constructive) en expliquant et en commentant la note. Cette comparaison s’appuie ainsi sur le chronographe pour établir un cadre temporel de ces points de vue par rapport aux phases d’avancement du projet et son état, sur le degré de positivité et de négativité des points de vue, sur leur divergence ou convergence et sur la cohérence ou incohérence architecturale qui résulte de cette évaluation. (Hanrot, 2009 : 125126).

79

Philippe Madec (2007), « L’alterarchitecture, vers une architecture éco-responsable », Conférence Erasme à Mulhouse. file:///C:/Users/USER/Downloads/lalterarchitecture-vers-une-architecture-eco-responsable.pdf 80 Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Thierry Roche, gérant de l’agence Thierry Roche, le 17 décembre 2020. 81 Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence JSA, le 15 décembre 2020

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Ce modèle s’appuie sur la coopération entre les acteurs (architecte, usager et/ou maitre d’ouvrage). Bien que ce mémoire mette en lumière le travail collectif et interdisciplinaire lors de la conception architecturale en se limitant à l’analyse des relations entre les acteurs du secteur du bâtiment et il ne s’attache pas à analyser la participation des usagers ou de la maîtrise d’ouvrage. Mais nous nous demandons si ce type de modèle est applicable pour organiser le travail entre les experts ayant des points de vue plus profonds par rapport à celle de l’usager ou certain maître d’ouvrage, en termes de connaissances (les siennes et celles des autres acteurs). Sinon existe-t-il un modèle ou une pour faciliter le travail et l’échange entre les acteurs ? D’après notre enquête, nous avons pu constater qu’aucun modèle n’est mis en place pour une collaboration ou coopération interdisciplinaire. Selon le nature du projet et le type d’intervention des acteurs, l’architecte prend la responsabilité de gérer la différence des points de vue et des approches et leur mise en commun, et de faire recours à des moyens qui facilite le travail. Cette gestion dépend essentiellement de certains outils cognitifs et d’autres outils d’organisation que nous allons les aborder dans le chapitre suivant.

50


5.

Synthèse et questionnements

Nous constatons que le processus de création et d’échange autour d’un projet architectural dépend de la nature de ce dernier et du réseau des partenaires. Les deux stratégies organisationnelles proposées peuvent être rencontrées au cours d’un même processus de conception comme le souligne le retour critique des étudiants ingénieurs et architectes et comme l’affirme l’agence AFAA « généralement il s’agit d’une collaboration au sein de l’agence et d’une coopération avec les partenaires »82 mais pour chacune de ces stratégies chaque agence définit un rythme et une organisation adaptée. Finalement, chaque stratégie possède ses qualités et ses limites. Mais la question centrale reste toujours liée à la résolution des problèmes de coordination, de communication et de synchronisation. Comment gérer la multiplicité des compétences et des méthodes de travail ? Comment se redéfinit le rôle de l’architecte dans une équipe pluridisciplinaire dans le cadre d’une conception éco-responsable ? Pour quels outils et quelles compétences ? Enfin, du fait qu’il s’agit d’une collaboration entre les acteurs de l’agence et d’une coopération avec les partenaires externes, le rapprochement ou l’éloignement physique des acteurs ainsi que le partage d’un même espace de travail jouent-ils un rôle ?

82

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Gautier Baur de l’agence AFAA, le 13 janvier 2021.

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Chapitre III. Conception collective éco-responsable sous la multipositionnalité de l’architecte

« Même un très bon concepteur avec une très bonne qualité, s’il est invivable au sens relationnel, s’il n’écoute pas, s’il ne maîtrise pas certains aspects des phases de production soit techniques, soit économiques, soit relationnelles, il n’est pas fréquentable au sens où ce n’est pas un professionnel. Or pour nous un bon architecte c’est d’abord un bon professionnel ». (Michel Bonord,2009 : 48)

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Dans le chapitre précèdent, nous avons analysé deux stratégies organisationnelles pour une conception architecturale plus engagée et performante. Nous avons commencé à remettre en question le rôle de l’architecte comme chef d’orchestre en s’appuyant sur le retour critique des étudiants ingénieurs-architectes sur le travail en équipe pluridisciplinaire et en questionnant la responsabilité lors de la coordination et de la conduite de projet au sein de ces organisations. L’architecte joue un rôle central dans la conception d’un projet répondant aux enjeux du développement durable grâce à son expertise, son savoir-faire et ses connaissances mais aussi grâce à ses capacités d’orchestrer le travail d’équipe. Pour ces raisons, nous chercherons à comprendre la position de cet acteur qui, pour nous, s’affirme entre deux temps : un temps de travail en autonomie et un temps qui marque une forme de dépendance vis-à-vis d’un tiers expert complémentaire. Les réponses apportées par les architectes dans le cadre de l’étude du Céreq par rapport à leurs compétences, proposent un classement en deux grandes thématiques sur la base desquelles nous avons structuré notre recherche. Tout d’abord, nous cherchons à comprendre les savoirs et savoir-faire techniques qui redéfinissent le champ de connaissances et de compétences de l’architecte. Ensuite, en lien avec ses savoir-faire relationnels, nous dégageons quelles sont les compétences nécessaires à la gestion d’une équipe multidisciplinaire et quelles sont les limites d’une telle gestion. Quels sont les outils de conduite, de coordination et de communication entre les différents intervenants et dans quelle mesure ces outils permettent-ils de résoudre les problèmes cernés au cours du précédent chapitre ?

53


1.

Les compétences attendues de l’architecte pour concevoir au temps de la transition écologique

Dans le cadre d’une description des principales compétences à mobiliser par l’architecte pour son engagement à la question énergétique et environnementale, l’ADEME et le CAFOC83 de Nantes proposent un document référentiel, réalisé en collaboration avec les représentants du CNOA84, de l’UNSFA85 et de la FNCAUE86. Ce référentiel regroupe les compétences de l’architecte en savoirs et connaissances, savoir-faire techniques et savoir-faire relationnels.87 Dans le cadre d’une écoconstruction, le référentiel fixe trois missions pour l’architecte. La première est d’« intégrer la performance énergétique et environnementale dans un diagnostic global ». La deuxième est de « conseiller le client pour l’amener à construire ou faire évoluer son bâti vers des solutions énergétiques et de confort optimales ». La dernière, enfin est de « s’assurer de la bonne coordination des différents intervenants à l’exécution dans un objectif de performance énergétique »88. Dans le cadre de notre recherche, nous avons dégagé les principaux points du référentiel pour la phase de conception. Ces derniers s’intègrent dans la mission de diagnostic ; en termes de savoirs et de savoir-faire techniques, l’architecte doit identifier les caractéristiques environnementales et thermiques pour une construction neuve ou rénovée et en étudier les risques possibles. Il s’agit donc pour lui de pouvoir définir les atouts et les limites thermiques et structurels, d’estimer les besoins énergétiques et leurs consommations (chauffage, climatisation, éclairage, ventilation, électricité, pompe etc.) et d’évaluer les rendements et de savoir calculer les pertes énergétiques d’une enveloppe ou d’un bâtiment89. Pour ce faire, il s’agit d’avoir un minimum de connaissance sur les systèmes de diffusion de la chaleur, sur la ventilation (comme l’impact des ponts thermiques et de la température de parois, le déséquilibre entre les parois, l’homogénéité de la température dans la pièce et entre 83

CAFOC : Centres académique de formation continue CNOA : Conseil national de l’Ordre des architectes 85 UNSFA : Union Nationale des Syndicats Français d'Architectes 86 FNCAUE : Fédération Nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement 87 Site Internet de l’Ordre des architectes : https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/referentiel_de_competences.pdf 88 Id. 89 Id. 84

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les pièces)90, ainsi qu’une connaissance sur les réglementations thermiques, les différentes études et leurs limites. Cela nécessite ainsi de pouvoir lire, comprendre et interpréter les bilans des calculs de consommation énergétique et de maîtriser des outils informatiques et des logiciels d’aide diagnostic. Par ailleurs selon le référentiel, l’architecte comme il est interrogé sur l’usage, doit garder à l’esprit une optimisation des espaces et leurs usages au regard de la performance énergétique et environnementale (ventilation, température de confort, usages spécifiques d’été, usages spécifiques d’hiver)91 y compris, par exemple, une réflexion sur l’intérêt de « regrouper des pièces humides pour réduire les longueurs de réseaux »92. Dans la même veine, il doit adopter une réflexion économique et étudier le coût des éléments proposés. En termes de savoir-faire relationnel, il est du ressort de l’architecte d’identifier les experts nécessaires pour les études énergétiques et environnementales, de prendre en compte la complémentarité des idées et les objectifs divergents et de mettre en place une approche collaborative en adaptant son vocabulaire et son attitude non seulement aux intervenants mais aussi au maître d’ouvrage qui sera en quelque sorte « l’époux du projet architectural » comme le dit Yona Friedman (Friedman, 1978). Ce référentiel propose plusieurs missions qui naissent et évoluent perpétuellement. Partant de ce principe, nous avons cherché à nous projeter dans la pratique réelle à travers les études réalisées auprès des architectes sur leurs domaines de compétences. Nous avons cherché à comprendre les compétences des architectes considérés « très engagés » par rapport aux compétences attendues et proposées par le référentiel. En nous limitant sur la phase de conception, l’étude du Céreq montre que les compétences de l’architecte s’appuient sur une forte connaissance du territoire allant jusqu’aux petits détails de la construction. Il s’agit de connaitre les caractéristiques des matériaux biosourcés locaux et les limites de leurs pratiques (tels que la terre crue, le bois, la paille etc.), les techniques de construction et les différents systèmes de productions d’énergie renouvelables93.

Site Internet de l’Ordre des architectes : https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/referentiel_de_competences.pdf 91 Id. 92 Id. 93 Etude du Céreq, p. 33 90

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Ainsi, l’étude souligne la nécessité de la connaissance des outils et les démarches des bureaux d’études (thermiques, conseil environnemental) ce qui favorise l’échange et le travail collaboratif94. Dans le cadre de notre étude auprès des agences d’architecture, nous avons proposé une liste de compétences regroupées en deux parties, la première intègre les savoir-faire techniques et la deuxième, les savoir-faire relationnels. Les quatre agences interrogées confirment que l’architecte doit avoir des connaissances techniques pour ces pratiques écoresponsables. Et pour certaines tâches et selon le type de projet, l’architecte n’est pas tenu d’être compétent et de savoir les maîtriser. Ainsi, certaines compétences sont considérées comme fondamentales pour l’architecte, c’est le cas de l’intégration au site et de la prise en compte de l’héritage des territoires ou encore la connaissance des matériaux. La maîtrise des outils informatiques (comme la maquette numérique BIM, ou les logiciels de conception assistée) était considérée comme une compétence nécessaire par trois des agences interrogées. Pour les choix économiques et financiers, les techniques et performances énergétiques ainsi que les réponses normatives et réglementaires, sont en revanche, considérées comme des savoirs et des connaissances sous traitées à des bureaux d’études ou à des économistes selon le type du projet. Par exemple, dans la pratique réelle, nous avons pu constater que, la réglementation thermique RT2012, est une certification obligatoire pour le dépôt du permis de construire, or, la majorité des architectes délègue cette tâche à un ingénieur thermique. Pourtant, elle était identifiée dans le référentiel comme un « savoir-faire »95 et non pas un « simple savoir »96. Nous constatons donc que les architectes considèrent que certaines missions évoquées dans le référentiel ne sont pas de leur ressort. Mais nous nous demandons si c’est un choix ou si cela est dû à un manque de temps ou de formation. L’architecte ne devrait-il pas être formé pour accomplir ces missions plutôt que de les sous-traiter ? A

ce

propos,

Philippe

Madec97

affirme

que

le

recours

aux

ingénieurs,

aux

environnementalistes et aux ingénieurs du bâtiment pour réagir plus rapidement, ne suffit pas.

94

Etude du Céreq, page 33 Un savoir-faire permet de mettre en œuvre une connaissance par une réalisation pratique dans une activité. Ces savoir-faire sont décrits sous forme de capacités professionnelles observables. Source : https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/referentiel_de_competences.pdf 96 Les savoirs sont des connaissances qui permettent la compréhension des objectifs généraux, des procédures, du contexte et des particularités des situations rencontrées. Source : https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/referentiel_de_competences.pdf 97 Philippe Madec (2007), « L’alterarchitecture, vers une architecture éco-responsable », Conférence Erasme à Mulhouse. file:///C:/Users/USER/Downloads/lalterarchitecture-vers-une-architecture-eco-responsable.pdf 95

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Il explique, en effet, que certains architectes considèrent les apports des ingénieurs comme un guide à suivre sans le discuter et que cette pratique devrait changer, selon lui. Dans ce cadre, l’agence Thierry Roche comme nous l’avons évoqué, est un groupe d’architectes qui, au vu des exigences environnementales ou économiques a été orientée vers des formations complémentaire en matière de qualité environnementale ou d’urbanisme. Son gérant nous a confirmé, que d’une part, ils avaient besoin d’un minimum de connaissances multidisciplinaires et de compétences techniques pour pouvoir élaborer des projets en profondeur, et ce dès les premiers phases d’esquisse, notamment pour les concours, et d’autre part, le but n’était pas d’être spécialiste, mais de pouvoir dialoguer avec les experts. En revanche, l’agence AFAA a insisté sur le fait que l’architecte n’avait pas besoin d’acquérir certaines compétences mais il avait besoin de collaborer avec des experts. Pour eux, l’intégration d’un bureau d’étude en leur sein, leur a permis de lui confier l’ensemble des tâches techniques, énergétiques et environnementales. Gautier Baur, de l’agence AFAA, nous a raconté son expérience au sein d’une autre agence plus engagée sur la question écologique et impliquée dans la participation aux différentes missions telle que l’étude et le diagnostic thermique. Cette agence proposait à ces salariés de suivre des formations comme la formation HQE. Pour lui, cette formation n’a rien changé dans ses pratiques architecturales, mais lui a néanmoins permis d’acquérir un minimum de connaissances pour pouvoir négocier avec les experts et ne pas suivre aveuglément leurs propositions. Nous constatons que la majorité des architectes rencontrés sont conscients de l’évolution de leurs missions. Certains d’entre eux choisissent de dépendre d’un tiers expert mais tout en conservant un certain niveau de connaissances. D’autres, choisissent, au contraire, de se former et de développer leurs propres compétences, afin de répondre à leur engagement. Mais d’après notre étude, aucune des agences interrogées n’a le niveau de compétences attendues par le référentiel, ce qui reflète l’inadéquation de ce dernier par rapport à la pratique réelle. Il est à noter que ceci est moins flagrant dans l’étude du Céreq qui évoque plusieurs points cités par le référentiel. Nous allons désormais nous intéresser aux compétences de l’architecte pour la conduite et la coordination, au sein d’une équipe pluridisciplinaire.

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2. Compétence de l’architecte pour la conduite et la coordination

Dans le cadre de l’enquête, le co-gérant de l’agence Thierry Roche a suggéré que l’intervention des spécialistes contribuait à une réorganisation du processus de la conception architecturale, à une fragmentation des missions de l’architecte et une redéfinition de sa responsabilité. Dans un travail collectif et dans une visée d’autonomie, chaque acteur prend la direction de sa mission séparément. Il revient à l’architecte de gérer le croisement des acteurs et des missions et d’ajuster ces directions. Selon l’étude du Céreq, dans un premier temps, le rôle de l’architecte est d’animer une réflexion collective, de synthétiser dans une perspective de développement durable et d’assurer un travail d’explicitation du projet au fur et à mesure de son avancement. Dans un deuxième temps, il est de décrypter les contre-vérités, dépasser les intérêts particuliers, neutraliser les points de vue partisans, d’imaginer et de faire des propositions et d’apporter des connaissances complémentaires. Dans un troisième temps, il est d’arbitrer avec un apport personnel. Dans un quatrième temps, il est de participer à la définition de l’équipe, de stimuler, de mobiliser les participants et de les engager dans une démarche interactive afin de garantir un travail collaboratif. Enfin, dans un dernier temps, il est de partager l’expérience acquise grâce aux retours d’expérimentation98. En termes de savoir-faire relationnels, l’agence Thierry Roche affirme qu’elle a très vite compris que pour bien gérer une méthode collaborative, il est important de bien se former. Elle a ainsi incité toute l’équipe à suivre une formation de communication non violente, afin de faciliter la coopération et la négociation entre partenaires. Le gérant souligne l’importance de cette formation et la nécessité de l’introduire à l’école. Ceci nous mène à nous interroger si seule la formation peut permettre de bien appréhender les savoir-faire relationnels.

98

Etude du Céreq, p. 32

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En outre, comme nous l’avons évoqué lors du chapitre précédent, une conception à plusieurs s’appuie sur une communication d’idées, une synchronisation opérationnelle et même cognitive. L’idée n’est pas d’uniformiser les systèmes et les méthodes de travail et c’est ce que nous avons pu remarquer en soulignant que les acteurs possèdent des rythmes, des outils et des méthodes de travail spécifiques qui ne peuvent pas être homogénéisés. La communication non violente propose, pour arriver à un consensus avec l’autre, quelles que soient ses approches, son âge, ses croyances, ou sa culture, pour communiquer, il s’agit alors de doser ses interventions lors des interactions, en termes d’informations communiquées et ainsi en termes de tolérance et de patience. C’est-à-dire que si l’autre ne possède pas les mêmes compétences que l’architecte, ou les mêmes approches, il est probable que son intervention traduise un désaccord, une mésentente et parfois une intransigeance. L’architecte, face à telle situation, analyse alors le retour de l’acteur par rapport au contexte de la discussion et tente d’adapter son vocabulaire et ses approches à ceux de l’autre. Isabelle Padovani99 explique que le vrai travail dans une équipe porte, dans un premier temps, sur le travail en soi. Il s’agit de comprendre comment faire face aux difficultés et aux désaccords en faisant preuve d'empathie, puis en deuxième temps c’est un travail de mise en place des éléments de communication et de négociation raisonnés et adaptés aux situations envisagées et à la spécificité des acteurs. Cela se pose moins en dehors d’une négociation, par exemple dans le cadre d’une simple communication d’informations. Le terme de négociation était défini par Dominique Raynaud comme une activité sociale qui, partant d'un conflit d'intérêts entre deux ou plusieurs acteurs, tente de parvenir à un accord acceptable par tous. La forme courante de l'accord est le « compromis » (Dominique Raynaud, 2001 : 6). Dans certain cas, il n’existe pas de champ de négociation, d’interaction et de partage des décisions parce que certains spécialistes n’ont pas « le pouvoir de faire évoluer les décisions de l'architecte » (Raynaud, 2001). Il s’agit d’un échange d’informations non négociable, délimité par la contrainte et le risque de la non-conformité de la réponse architecturale aux contraintes et réglementations.

99

Isa Padovani (2015), « Communication Non-violente : l’intention, 1ère étape du processus », conférence en ligne, https://www.youtube.com/watch?v=-jBCKMWDBTU&t=1463s

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Au-delàs des problèmes liés aux différences des points de vue, nous avons évoqué lors du chapitre précédent la nécessité de la synchronisation temporelle. Nous constatons que la communication entre les différents acteurs engendre beaucoup de problèmes en termes chronologique, comme nous l’avons compris avec le terme de « lenteur » employé par l’agence JSA. L’agence AFAA explique qu’au moment de l’envoi du travail de l’architecte aux ingénieurs, il se trouve parfois que leur retour, faute de temps, vient en retard et que les architectes continuent à l’avancement sur des propositions qui ne tiennent pas, ce qui fait que « dans ce cas tout le travail est à refaire »100. L’agence Archi.Time quant à elle, essaye de maintenir une certaine organisation et la développer malgré les contraintes et les difficultés envisagées, en effet, « le planning est toujours défini en amont pour que chacun sache quoi faire et à quel moment. Et aujourd'hui les outils informatiques sont suffisamment performants pour permettre les échanges entre chacun des membres de l'équipe de maîtrise d'œuvre »101. Par ailleurs, le retour de l’agence Thierry Roche aborde la contrainte du temps d’une autre manière. Pour l’agence, l’architecte, loin de l’intervention des bureaux d’études techniques et des autres intervenants, joue plusieurs rôles. Il est en double lien avec le maître d’ouvrage et les concepteurs de spécialités diverses, il a un rôle principal d’analyste, mais a aussi en charge d’esquisse, de la conception, de la gestion des documents administratifs, de communication et de coordination au sein de son équipe de maîtrise d’œuvre. Contraints par le temps, les architectes font des « charrettes » pour pouvoir achever leurs missions ce qui peut engendrer des problèmes de rentabilité. Thierry Roche s’est plaint de la difficulté d’échanges d’informations et aussi du temps consacré à coordonner et communiquer avec les acteurs. Il nous a ainsi expliqué la complexité de la communication des comptes rendus de réunions en termes d’énergie et de temps passés. Il a raconté son quotidien en indiquant que l’acte d’envoyer et de répondre aux mails prenait des heures et que, par conséquent, il lui restait moins de temps à consacrer à la conception. Pour autant, l’envoi des mails ne garantit toujours pas la diffusion de l’information, en général, les acteurs n’accordent pas beaucoup de temps à lire et à répondre aux mails, ce qui dans des cas de dysfonctionnement extrêmes, conduit l’architecte à mettre des règles pour que tous les intervenants s’y soumettent.

100 101

Entretien semi-directif téléphonique réalisé avec Gautier Baur de l’agence AFAA, le 13 janvier 2021. Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence Archi.Time, le 11 janvier 2021.

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Outre la communication des comptes rendus, nous avons pu soulever précédemment plusieurs problèmes liés au moyen de communication des idées et des résultats au cours du travail en équipe. A la lumière de ces retours, nous avons constaté que la communication ainsi les outils d’échange ont des qualités et des limites qui peuvent être définis différemment dépendamment des intervenants et des projets. Il est important de souligner que l’analyse des outils et des méthodes mis à la disposition de la conception ne peut être envisagée sans effectuer une analyse approfondie, ce qui n’est pas notre propos. Dans cette partie, nous nous sommes intéressés à l’étude de quelques situations plus qu’une étude des outils, d’après le retour des architectes interrogés pour comprendre dans quelle mesure l’outil informatique est au service de la conception collective.

3.

L’informatique au service de la conception collective

La conception architecturale a depuis toujours été une activité complexe. Aujourd'hui, elle l’est encore davantage et met en jeu différents enjeux et données tels que la performance énergétique. D’une manière plus rapide et plus efficace, l’outil informatique donne la possibilité aujourd’hui, de développer le processus de la conception architecturale en intégrant plusieurs données contraignantes et complexes. Par ailleurs, par sa flexibilité, cet outil donne accès à des réseaux de communication électroniques, à des plateformes de diffusion d’information et des plateformes de communication virtuelle entre les personnes en éliminant les contraintes de l’éloignement physique. La complexification de la conception architecturale par l’intervention de spécialistes porte essentiellement sur des problèmes de communication d’informations, de données et de résultats. Les agences interrogées ont exprimé différemment leurs positions vis-à-vis de l’outil informatique. Mais leurs points de vue convergent sur sa nécessité. L’outil informatique est-il un outil de conception et de modélisation, ou de représentation et de communication ?

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3.1. L’outil informatique : un outil de modélisation au service de la conception collective

Le métier d’architecte s’appuie depuis longtemps sur sa sensibilité à transcrire ses idées et sa pensée par des éléments graphiques. Naturellement, la phase de recherche et d’expérimentation se déroule par une transcription d’un dialogue entre l’imaginaire de l’architecte et le réel du projet avec des dessins ou des maquettes à la main et de manière plus ou moins artistique. Outre le développement des questions énergétiques, le progrès technologique avance dans la création des logiciels et des applications qui permettent de réaliser tous les souhaits de l’utilisateur d’une manière plus rapide, efficace et exacte. Mais bien que cet outil rende service à l’architecte par une qualité d’éléments graphiques plus raffinée, utile pour les plans d’exécution, il ne peut cependant pas assurer la qualité sensible de l’expression graphique de l’esquisse. L’idée et la pensée de l’architecte pourraient être limitées par l’usage exclusif de l’outil informatique au détriment du dessin manuel ou de la manipulation de maquette. De plus, bien que l’outil informatique réponde parfaitement aux besoins des architectes, en simplifiant le travail et sa représentation, il supprime, en quelque sorte, l’identité sensible des projets architecturaux. A la recherche des avantages et inconvénients, l’agence Archi.Time pense que l’idée qu’un outil informatique sans limite, représente un inconvénient. Parfois un simple dessin à la main levée est plus efficace que plusieurs représentations informatiques qui ne transmettent pas la même sensibilité 102. En revanche, cet outil a malgré tout permis de traiter des données techniques complexes et de les assembler afin de mieux prendre en compte l’ensoleillement, les principes structurels ou encore les performances énergétiques.

102

Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence Archi.Time, le 11 janvier 2021

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Nous nous appuyons pour clôturer cette partie sur le retour de l’agence Archi.Time dans ce propos, « il s’agit de réfléchir toujours, pour qui on s'adresse, quel est le but de son usage »103 et pour quelle mission l’architecte a recours à l’outil informatique, sans doute parce que ce dernier ne peut pas être le meilleur outil de recherche, d’expérimentation et de conception.

3.2. L’outil informatique : un outil de communication au service de la conception collective

Nous avons appris que la performance énergétique est une question généralement soustraitée aux bureaux d’étude qui sort du domaine d’expertise de l’architecte, étant donné qu’il n’est pas formé pour la maîtriser. Le processus de conception s’il s’appuie sur un travail séquentiel, où l’architecte représente sa première esquisse d’idées et de concept, puis il l’envoie au bureau d’étude pour l’analyse et l’étude énergétique, avec des allersretours ce processus engendre une perte de temps et d’efficacité. En revanche, dans le cas où le travail s’élabore simultanément, l’outil informatique permet d’échanger les données et les résultats et de les discuter. Dans ce cas, il semble important que l’ensemble des intervenants puisse maîtriser l’outil informatique. L’entretien avec l’agence AFAA nous a éclairé plusieurs problèmes liés à la maîtrise de l’outil numérique. Au sein de l’agence, ces problèmes sont moins envisagés parce que l’équipe travaille généralement sur les mêmes logiciels, ce qui fait qu’avec l’expérience et les échanges, tous les salariés peuvent acquérir le même niveau de compétences et de maîtrise. Il n’en va pas toujours de même avec les partenaires externes qui peuvent avoir leurs propres outils et logiciels. Cela pose des problèmes de superposition de proposition entre l’architecte et l’ingénieur.

103

Questionnaire en ligne réalisé auprès de l’agence Archi.Time, le 11 janvier 2021

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Gautier Baur de l’agence AFAA souligne que ces problèmes ne se posent pas en présence d’un BIM manager104 et d’une charte qui oblige tous les intervenants à respecter des conditions de travail bien déterminées. Les retours des autres agences interrogées portent aussi sur la place de la maquette BIM comme un outil de communication entre les différents intervenants.

Figure 10 : Processus de construction traditionnel Source : CSTC.be

Figure 11 : Approche BIM Source : CSTC.be

La maquette BIM est un outil de modélisation en 3D qui permet d’éviter et détecter les problèmes qui peuvent être envisagés lors de la réalisation. Elle représente une nouvelle manière de travailler et de s’organiser entre les différents intervenants, car « ce n’est pas un logiciel, c’est un process qui s’appuie sur des logiciels » (Bachelot, 2016).

104

Le BIM manager est considéré comme un nouveau métier vert, il veille au respect des exigences techniques et des normes environnementales sur un projet de construction, via des maquettes numériques. Site internet du Le parisien étudiant : http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/metiers/fiche-metier/bimmanager.html

64


Figure 12 : Evolution du processus de construction vers le BIM Source : CSTC.be

La maquette BIM permet de réduire les coûts de construction et donc de gagner en efficacité. C’est un outil de travail collaboratif et coopératif entre les différents corps de métier qui permet de les connecter et les regrouper sur les mêmes éléments. Il est aussi au service des projets de plus en plus performants énergétiquement. Cependant, le passage au BIM nécessite un changement de la manière de concevoir et de communiquer avec les autres. De ce fait, la maîtrise de cet outil est fondamentale pour tous les intervenants est c’est ce qui pose des problèmes.

65


4.

Synthèse et questionnements

Au cours de ce chapitre nous avons essayé de cerner le rôle de l’architecte comme concepteur et chef d’orchestre. Nous nous sommes appuyés sur un référentiel décrivant les principales compétences à mobiliser par l’architecte pour intégrer les questions de performance énergétique. Nous avons pu montrer d’après notre enquête son inadéquation par rapport à la pratique réelle. Dans un second temps, nous avons pu comprendre le rôle de l’architecte dans la conduite et la coordination entre les différents corps de métiers, ainsi, nous avons cerné quelques problèmes envisagés par les agences, tels que les problèmes de communication, de différence des rythmes de travail, de divergence d’approche et de points de vue sur la base de quoi nous avons souligné la place de l’outil informatique dans une conception collective écoresponsable, en identifiant quelques avantages et inconvénients

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67


Conclusion générale

Dans ce mémoire, nous avons cherché à comprendre comment le processus de conception architecturale s’adapte aux différents paramètres exigés par la politique de la transition écologique. Nous avons compris tout d’abord que l’accroissement des réglementations et des exigences environnementales afin de diminuer l’impact du secteur de bâtiment en termes de consommation énergétique et d’émission de gaz à effet de serre affecte le processus de conception architecturale de manières différentes. Nous avons montré après que la prise en compte de ces nouvelles contraintes et la résolution des problèmes environnementaux et économiques nécessitent l’intervention de plusieurs experts. Et donc de nouveaux métiers naissent et interviennent à la conception et la réalisation des projets afin de les mener à bien. Avec la complexité de la conception architecturale, la multiplication des intervenants commence à créer des problèmes. L’architecte se trouve donc responsable à assumer une conception écoresponsable complexe mais aussi de plus en plus partagée. Pour y répondre, nous avons émis l'hypothèse que l’évolution des stratégies organisationnelles du travail collectif pouvait être un moyen d’améliorer la mutualisation des experts et d’assurer la qualité architecturale. La réponse est construite à travers une analyse sur le processus de la conception et sur les différentes stratégies organisationnelles qui étudient les relations et des interactions entre les acteurs durant la phase de conception et qui différent selon le réseau des partenaires. Au départ, nous avons supposé deux stratégies organisationnelles différentes ; une stratégie opérationnelle coopérative pour une conception distribuée et une stratégie relationnelle collaborative pour une co-conception. Cependant, après enquête, nous avons constaté que les deux stratégies peuvent se rencontrer lors du même processus de conception : il s’agit en général d’une collaboration au sein de l’agence et d’une coopération avec les partenaires externes.

68


Nous avons montré que la raison de la mutation des stratégies de travail est la recherche de la qualité

architecturale

et

l’adaptation

aux

crises

environnementaux,

économiques

et sociales. Donc, l’objectif tourne toujours autour l’efficacité énergétique, fonctionnelle, technique et esthétique du bâtiment et aussi la rapidité de sa conception et sa réalisation. Nous avons pu montrer que la réponse architecturale finale n’est pas la seule finalité d’une démarche écoresponsable, mais que c’est plutôt c’est l’efficacité du processus organisationnel qui garantit la qualité architecturale et l’évolution à la fois à l’échelle de l’individu (intervenant) ou collectif (le travail final de l’équipe). En outre, l’analyse des différentes stratégies organisationnelles dévoile la complexité de la mise en commun, l’échange et la coordination entre les acteurs. Nous avons montré que certains problèmes ainsi que leur résolution différent d’une agence à une autre selon le réseau de partenaires et le type de projet. Cela nous a amené à nous questionner sur la responsabilité à la coordination et la conduite qui représente une mission clé dans le travail en équipe. Pour passer à la deuxième hypothèse qui traite l’évolution du rôle de l’architecte comme « concepteur » et « chef d’orchestre » nous supposons que pour une conception collective écoresponsable et pour la mutualisation des experts, ce dernier pourrait acquérir les compétences nécessaires pour concevoir au temps du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources non renouvelables et de la pollution intense et pour coordonner et gérer la pluridisciplinarité des experts. Tout d’abord, nous avons montré que la conception est une phase de réorganisation, d’incertitude, de partage et de négociation qui s’appuie sur la double casquette de l’architecte concepteur et chef d’orchestre et qui redéfinit ses compétences, ses savoirs et son identité. De ce fait nous pouvons retirer la polyvalence de l’architecte et sa capacité à s’adapter aux différentes situations, réseaux d’acteur et types de projet et constater que la position de l’architecte n’est pas figée. D’ailleurs, « être architecte » a été étudié par Olivier Chadoin qui souligne que la pratique est déterminée par « les vertus de l’indétermination ». Il traite l’indétermination des compétences de l’architecte et de « sa position dans la division sociale de l’acte de construire » face à sa multi-positionnalité (Chadoin, 2013). Par ailleurs, nous avons montré que l’Etat et les associations tentaient de définir les compétences et les connaissances nécessaires pour l’architecte pour répondre aux nouveaux

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enjeux écologiques. D’après notre enquête, nous avons souligné qu’il existait un décalage entre le cadre référentiel et la pratique professionnelle. Les architectes interrogés considèrent que certaines missions évoquées dans le référentiel des compétences attendues d’un architecte, relatives à la performance énergétique et la qualité environnementale du cadre bâti, proposé par l’ADEME, ne sont pas de leur ressort. Ainsi, nous avons montré que généralement plusieurs architectes délèguent certaines missions à d’autres, à la fois par manque de temps et/ou de compétences. Pour ce deuxième volet, nous avons constaté que la plupart des architectes ne considèrent pas que la formation pour acquérir plus de compétences est nécessaire, pour certains les rencontres professionnelles et pluridisciplinaires facilitent et permettent d'étendre les connaissances sur les sujets environnementaux. Il convient donc de s'entourer de personnes qualifiées. Il nous semble que ce discours prendra une autre direction si nous questionnons d’autres acteurs du domaine. Et donc, en raison de la portée limitée de l'enquête nous ne pouvons pas construire un constat et répondre à notre questionnement ; l’architecte doit se former pour acquérir plus de compétences ou c’est la pratique professionnelle qui lui fait apprendre la bonne gestion ? Nous avons pu constater que nos hypothèses mises au début se croisent et donnent lieu à d’autres pistes de recherche. Elles peuvent ainsi s’intégrer dans un contexte plus large à travers des perceptions autre que celle d’un architecte praticien. Cela permet de continuer à développer des recherches pourquoi pas des recherches sur terrain. Il est important de dire que les résultats de ce mémoire pourraient être vérifiés lors d’une expérience en agence d’architecture. Suite à notre analyse nous avons constaté qu’au sein de l’équipe, le rôle de l’architecte était fragmenté et étendu d’une part, et pas toujours bien défini, d’autre part. Aussi, une réflexion complémentaire pourrait être celle de la mutation de la position de l’architecte dans une équipe de travail et de ses missions, ses savoirs, ses compétences et son identité pour comprendre s’ils peuvent être définis dans un cadre professionnel ou non. De même, nous avons constaté que la résolution de certains problèmes de coordination et de synchronisation prenait différentes formes d’une agence à une autre en l’absence d’un modèle d’organisation ou d’un référentiel prédéfini. Ainsi, aujourd’hui en plus de ces missions qui constituent le corps de son métier, l’architecte prend la responsabilité de plusieurs autres dans

70


le cadre de la coordination et de la synchronisation qu’il les considère comme « moins nobles »105. Nous avons montré que certains architectes pensent alors que cela influe sur leur rendement et réduit le temps de conception. Pour cela nous interrogeons s’il s’agit de former l’architecte sur comment trouver l’équilibre entre ses différentes missions ou bien il s’agit de former l’ensemble des intervenants pour que la mission de la coordination sera moins compliquée, ou bien nous nous demandons si les stratégies organisationnelles peuvent être nourries par une structure professionnelle ou pédagogique qui oriente, guide et étudie cette coopération ou collaboration. C’est-à-dire avoir recours à un spécialiste externe pour guider et encadrer la coordination du travail ? Dans ce cas est ce que ne nous sommes pas en train de négocier l’identité de l’architecte en tant que chef d’orchestre ? Finalement, nous nous sommes posé la question sur l’infléchissement identitaire de la profession, ses missions qui d’après les retours des praticiens connaît un affaiblissement et une fragmentation engendrée par l’intervention de plusieurs autres métiers. Nous nous interrogeons donc sur la position de l’architecte comme acteur clef de la construction. Ainsi, de nos jours de nouveaux paramètres apparaissent, tant du point de vue des enjeux environnementaux que numérique. Nous avons tenté de montrer les liens qui existaient entre les nouveaux outils informatiques et la conception éco-responsable et de souligner que s’il améliorait parfois la réponse architecturale, en termes de performances énergétiques, il tendait, en contrepartie à gommer l’identité sensible des projets. De ce fait sur les nouveaux contours de la pratique architecturale, l’absence relative de normalisation de la profession permet-elle de préserver la spécificité du métier d’architecte ? Quels nouveaux ajustements pour faire et penser l’architecture aujourd'hui ?

105

Juliette Moreau, Mémoire M2 architecture, Architecte, désillusion innovatrice : quelles stratégies pour un renouveau durable de la profession ?, ENSAV 2014. Encadrants F. Duchene et G.Ebersolt, p 80

71


72


Ressources bibliographiques

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MOREAU Juliette Moreau (2014), Architecte, désillusion innovatrice : quelles stratégies pour un renouveau durable de la profession ? Mémoire Master 2 en architecture, ENSAV https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas01131456/file/Memoire%20architecture%202015_%20Juliette%20Moreau.pdf OTHMANI-MARABOUT Othmani Marabout (2010), La matérialisation du projet architectural : De l’idée à l’ouvrage, Mémoire pour l’obtention du magistère, http://thesis.univ-biskra.dz/2416/4/chapitre%201.pdf RAYNAUD Dominique Raynaud (2001), « Compétences et expertise professionnelle de l’architecte dans le travail de conception », Sociologie du Travail, Elsevier Masson, 43 (4), pp.45-469 Rapport CNOA (2013), Les architectes et l’évolution du métier à l’horizon 2030, Enquête d’opinion que le Conseil national a demandée à l’IFOP. Publication dans les cahiers de la profession

N°47

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2013

https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/observatoire_evolution-du-metier2030_0.pdf

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Table des illustrations

FIGURE 3 : TABLEAU DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT TRAVAILLENT AU SEIN DE L’AGENCE

FIGURE 6 : CONNEXIONS ET INTERACTIONS ENTRE LES DIFFERENTS INTERVENANTS

FIGURE 10 : PROCESSUS DE CONSTRUCTION TRADITIONNEL FIGURE 11 : APPROCHE BIM FIGURE 13 : EVOLUTION DU PROCESSUS DE CONSTRUCTION VERS LE BIM

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Annexe 1 : Questionnaire

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Annexe 2 : Charte d’engagement des architectes, CNOA

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Charte d’engagement des architectes « POUR UNE ARCHITECTURE RESPONSABLE» Cinq ans après la signature de leur charte d’engagement en faveur du développement durable, les architectes français ont acquis une place essentielle dans la chaine de construction pour la mise en œuvre de ces valeurs. Aujourd’hui, ils souhaitent mettre cet acquis au service de la collectivité pour exercer la triple responsabilité qu’ils revendiquent et qu’ils font partager à leurs confrères au sein de l’Union Internationale des Architectes : responsabilité d’innovation et de qualité à l’égard du maître d’ouvrage, responsabilité d’un « mieux vivre ensemble » à l’égard de leurs concitoyens, responsabilité de conservation du patrimoine écologique et notamment de la biodiversité à l’égard des générations futures.

Nos valeurs de développement durable 1.

Apport culturel et développement local, L’architecte : Considère que les formes architecturales et urbaines existantes, même les plus modestes, constituent des repères essentiels de notre histoire et de notre inconscient collectifs. Veille à tout instant aux exigences d’intégration du bâti sur son territoire et ses paysages. Contribue au développement économique et culturel en valorisant les matériaux et les savoirfaire locaux. Participe à l’épanouissement culturel des citoyens par la création d’ouvrages innovants répondant aux aspirations contemporaines, à l’évolution des styles de vie et des différentes formes d’organisation familiale. Contribue au dynamisme et au rayonnement de la Cité.

2.

Intégration sociale et solidarités L’architecte : Conduit la recherche du bien être et de la qualité d’usage, du « digne confort » et de l’accessibilité pour tous. Concourt, par des projets fédérateurs et par une réflexion sur les pratiques sociales, les modes de travail et l’habitat, à une mixité sociale et générationnelle enrichissante pour la collectivité.

3. Eco – efficience, protection de l’environnement et de la biodiversité L’architecte : Recherche une éco - efficience des constructions réduisant les consommations de ressources naturelles, la production de déchets et de rejets polluants et tout autre impact dommageable à l’homme et à la nature. Prend en compte les impératifs de sécurité ainsi que les exigences écologiques et sanitaires pour chaque projet afin de limiter leurs risques pour les usagers et pour l’environnement, facilitant ainsi le respect de recommandations concernant leur éco - comportement. Prescrit des matériaux performants sur le plan environnemental et énergétique ainsi et des énergies renouvelables, afin de lutter contre le réchauffement climatique. Place la biodiversité au cœur de tous ses projets d’aménagement urbain

4.

Economie et performance collective


L’architecte : Conçoit le projet en termes de coût global, de la programmation à la construction, en intégrant l’impact social. Privilégie les choix techniques réduisant les coûts d’exploitation et de maintenance. Prend en compte les coûts et bénéfices pour la collectivité.

Nos pratiques d’architecte responsable 5. Gouvernance, concertation et pédagogie L’architecte : Met son savoir et ses talents à la disposition des responsables de l’aménagement du territoire quelle que soit l’échelle du territoire concerné. Développe la pédagogie de l’architecture responsable et de l’acte architectural auprès de l’ensemble des usagers et acteurs participant à l’acte de bâtir et d’aménager. Intervient le plus en amont possible du projet en initiant des actions de concertation avec toutes les parties concernées Inscrit le projet avec tous ses acteurs publics et privés dans une continuité géographique et historique du territoire. Il favorise à cette occasion l’expression des identités 6. Qualité des projets, transparence des comportements L’architecte : Place les objectifs de protection sanitaire et de sécurité des usagers au centre de son projet au-delà des exigences réglementaires. Encourage toute proposition permettant de faire évoluer la réglementation et les systèmes normatifs en favorisant la stimulation de l’intelligence de conception. Lutte contre toutes les formes de corruption. 7.

Formation, Recherche et innovation

L’architecte : Accroît par la formation permanente et la recherche sa capacité à répondre aux défis culturels, sociaux, environnementaux et économiques auxquels il est confronté. Assure la transversalité des savoirs, pratiques et techniques, en facilitant leur diffusion auprès des partenaires de la maîtrise d’œuvre mais aussi en sensibilisant les maîtres d’ouvrage. 8. Vision du long terme et respect des générations futures L’architecte : Évalue, dès la phase de conception, les capacités de flexibilité et de modification d’usage de tout ouvrage projeté, ainsi que ses capacités d’adaptation aux exigences technico-économiques futures de la société, y compris leur déconstruction. Envisage le devenir de tout ouvrage à court terme et à plus long terme pour les générations futures au regard de son utilité sociale. Alerte le maître d’ouvrage, lors de la conception, sur les risques naturels, technologiques et sociaux du projet.

Conseil national de l’Ordre des architectes www.architectes.org




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