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interview de Stéphane Corréard
Comment avez-vous abordé la mise en espace des 10 ans de la galerie christian berst art brut ? Je suis parti d'un constat simple. L'ensemble des galeristes que je connais sont perçus comme des marchands. Quand ils s'enthousiasment pour une pièce, on leur renvoie que leurs choix sont orientés, qu'ils sont forcément intéressés financièrement. Jamais vous n'entendez ce genre de reproche concernant un éditeur ou un producteur de cinéma. Pourtant, les fonctions sont similaires. Un artiste et un galeriste doivent fonctionner en couple, tout comme un producteur et un réalisateur, un éditeur et un écrivain. Il y a une nécessité de ce rapport à l'intime si l'on veut sortir d'un marché « industrie » de l'art.
Quel impact sur les galeries ? Elles se ressemblent toutes, dans une sorte de fantasme mimétique. Il faut se souvenir d'Ambroise Vollard, de ce côté haut en couleurs que pouvaient avoir les marchands d'art. D'ailleurs, c'est une autre réalité : tous ceux qui ont la chance d'accéder au bureau du galeriste vous diront que c'est, en opposition à l'espace d'exposition, au white cube, un espace chaleureux, où on aime prendre son temps, parler d'art. Il y a cependant quelque chose de particulier à la galerie christian berst... Grâce à l'art brut, on est immédiatement dans quelque chose d'essentiel. Il n'y a pas de filtre avec les auteurs. Quelque chose de l'ordre de l'émotionnel en émane. Ça m'a paru important de montrer cette particularité car c'est ce qui caractérise la galerie.
Quelle a été votre démarche ? L'idée est donc de montrer les caractéristiques du lieu qui viennent pour une large part du galeriste lui-même. Concrètement, j'ai retenu les différents endroits dans leur singularité : le bureau, donc, et l'espace d'exposition, mais aussi l'espace tableronde et livres. Ces deux derniers espaces sont des lieux d'ouverture, notamment vers l'art contemporain. Le jour où j'ai vu Christian Boltanski à une table ronde chez Christian Berst, j'ai compris qu'il y avait là une volonté de transgression. C'est une particularité de l'endroit – et du galeriste. J'ai donc tenu à souligner l'existence de ces espaces en les chamboulant, et en les montrant différemment. Le bureau prend la place principale, il faut le traverser pour accéder à l'espace d'exposition – en un sens, je force Christian Berst, dans un choc de l'inversion, à accueillir chacun comme son meilleur client.
Vous inversez les pièces, vous les montrez aussi... Le soir venu, et la galerie fermée, les espaces sont laissés en lumière. Cela donne un effet Fenêtre sur cour. Nous en sommes les voyeurs – comme dans l'installation de Marcel Duchamp Etant donné qui m'a inspiré le titre « Soit 10 ans ». C'est une mise en fiction en trois tableaux correspondant aux trois ouvertures de la galerie.
stéphane corréard
préface
critique, journaliste, commissaire d’expositions et collectionneur, Stéphane Corréard s’attache particulièrement depuis vingt ans à faire découvrir de nouveaux artistes en France.