La résistance du modèle coopératif: Comment les coopératives de travail associé, les coopératives...

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La Confédération européenne des Coopératives de Production et de Travail Associé, des Coopératives Sociales et des Entreprises Sociales et Participatives

la résistance du modèle coopératif Comment les coopératives de travail associé, les coopératives sociales et les autres entreprises propriété de leurs travailleurs réagissent à la crise et à ses conséquences Par Bruno Roelants, Diana Dovgan, Hyungsik Eum et Elisa Terrasi

Juin 2012


Cette publication est cofinancée par le Programme de l’Union européenne pour l’emploi et la solidarité sociale - PROGRESS (2007-2013). Ce programme est mis en œuvre par la Commission européenne. Il a été instauré pour soutenir financièrement les objectifs de l’Union européenne en matière d’emploi, d’affaires sociales et d’égalité des chances et contribue ainsi à atteindre les buts de la Stratégie européenne 2020 dans ces domaines. Le Programme, qui s'étale sur sept ans, s'adresse à toutes les parties prenantes suscpetibles de contribuer à façonner l'évolution d'une législation et de politiques sociales et de l'emploi appropriées et efficaces dans l'ensemble de l'UE-27, des pays de l'AELE-EEE ainsi que des pays candidats et potentiellement candidats à l'adhésion à l'UE. Les informations contenues dans cette publication ne reflètent pas forcément la position ou l’opinion de la Commission européenne. Ni la Commission européenne ni aucune personne agissant en son nom ne peut être tenue responsable de l'utilisation éventuelle des informations contenues dans la présente publication. Pour de plus amples informations, veuillez consulter: http://ec.europa.eu/progress

Cofinancé par

© CECOP-CICOPA Europe 2012

Crédit photos: Lydia Nesvadba Conception graphique: Marie Crosset Traduction française: Guy Boucquiaux


la résistance du modèle coopératif - remerciements

remerciements Les auteurs, membres du personnel de CECOP-CICOPA Europe, l'organisation qui a coordonné le projet « Cooperate » sur la base duquel ce rapport a été écrit, tiennent à remercier tous les membres de CECOP-CICOPA Europe pour leur précieuse collaboration et pour les informations fournies au cours de ces dernières années, qui ont rendu possible la mise en œuvre de cette étude. Ils tiennent à remercier en particulier COCETA et CG Scop pour la communication des données statistiques et quantitatives. En outre, ils souhaitent exprimer leur gratitude à la Confédération européenne des syndicats (CES), partenaire dans ce projet, et en particulier à Claudia Menne, Secrétaire confédérale, pour son intérêt constant pour le sujet et pour la rédaction de l’avantpropos de ce rapport. Les auteurs souhaitent remercier plus spécifiquement pour leur importante contribution: Guy Boucquiaux pour la traduction du texte, Olivier Biron pour ses conseils sur le design du rapport et Leire Luengo pour son soutien et aide dans la collecte des informations. Enfin, CECOP-CICOPA Europe tient à remercier les coopératives et les groupes/ consortia coopératifs qui ont permis la réalisation et la mise en œuvre de ce projet grâce à leur participation aux interviews organisées à l’occasion du tournage du film documentaire « Ensemble » - produit également dans le cadre du projet « Cooperate » - à savoir: la coopérative de travail associé Fonderie de l'Aisne (France), la coopérative de travail associé Muszynianka (Pologne), la coopérative sociale Spazio Aperto Servizi (Italie); la coopérative sociale Adelante Dolmen (Italie); la coopérative sociale Simone de Beauvoir Onlus (Italie), le Consorzio SIS (Italie); le groupe CGM (Italie); le centre médical Welfare Italia Solari6 (Italie); la coopérative sociale La Cordata (Italie); le groupe MONDRAGON et ses coopératives constituantes (Espagne).


la résistance du modèle coopératif - table des matières

table des matières à propos de ce rapport par Bruno Roelants

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Avant-propos par Claudia Menne

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Sommaire by Bruno Roelants

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chapitre 1. les conséquences de la crise mondiale et la résistance des coopératives

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par Hyungsik Eum, Diana Dovgan et Elisa Terrasi

1. Un aperçu général de la crise et de ses conséquences

p.6

2. Un aperçu de la situation générale des coopératives

p.10

3. La résistance des coopératives en temps de crise

p.11

3.1. La situation économique des entreprises

p.11

3.2. Solvabilité du crédit, liquidités, problèmes de la dette

p.12

3.3. Attentes futures

p.13

3.4. Mesures mises en place pour surmonter la crise

p.13

4. Coopératives: principales caractéristiques

p.14

5. Hypothèses concernant les effets spécifiques des coopératives

p.16

chapitre 2. analyse quantitative par Hyungsik Eum

p.19

1. Introduction

p.19

2. Méthodologie et sources des données

p.19

3. Les coopératives de travail associé en Espagne

p.20

4. Coopératives de travail associé en France

p.23

5. Comparaison entre les coopératives de travail associé et les entreprises en général au milieu de la crise économique

p.26

5.1. Espagne

p.26

5.2. France

p.28

Conclusion

p.31

chapitre 3. Analyse qualitative par Elisa Terrasi

p.32

1. Introduction

p.32

2. niveau micro. Mesures internes mises en place par les coopératives

p.32

2.1. Contrôle démocratique

p.32

2.2. Participation financière et accumulation de capital

p.36

3. Niveau meso. Le rôle de l’inter-coopération dans la résistance à la crise et la croissance des coopératives

p.41

3.1. La création et le développement des institutions d’assistance aux entreprises

p.41

3.2. Regroupement et mise en réseau entre les coopératives

p.46

4. Niveau macro. Comment un contexte favorable peut promouvoir les coopératives

p.53

Conclusion

p.56


chapitre 4. conclusions et recommandations politiques par Bruno Roelants et Diana Dovgan

p.57

1. Conclusions des chapitres 2 et 3

p.57

2. Recommandations politiques

p.61

2.1. Restructuration socialement responsable et adaptation au changement

p.61

2.1.1. Sauver des emplois et des activités économiques par le biais de transferts d'entreprises

p.62

2.1.2. Regroupement des entreprises: plus fortes et plus durables ensemble

p.64

2.2. Emploi durable dans des entreprises durables

p.65

2.3.Accès au financement

p.66

2.3.1. Mécanismes financiers au niveau communautaire

p.67

2.3.2. Participation des travailleurs au capital de l'entreprise

p.67

2.3.3. Promotion des réserves des entreprises

p.68

2.3.4. Fonds communs pour le développement des entreprises

p.69

2.3.5. Le rôle des investisseurs

p.70

Conclusion

p.71

Acronymes et abréviations

p.72

Bibliographie

p.73


la résistance du modèle coopératif - à propos de ce rapport

à propos de ce rapport Par Bruno Roelants, Secrétaire général de CECOP-CICOPA Europe

Ce rapport a été rédigé dans le cadre du projet « Cooperate » coordonné par CECOP-CICOPA Europe et cofinancé par la Commission européenne dans le cadre du programme « Restructurations industrielles, bien-être au travail et participation financière ». Il est aussi l’une des contributions de CECOP-CICOPA Europe à l’Année internationale des coopératives 2012 des Nations Unies. Il a été élaboré en parallèle avec le documentaire « TOGETHER-Comment les coopératives résistent à la crise », produit dans le cadre du même projet. Ces deux réalisations, à savoir le film documentaire et le présent rapport, sont complémentaires. Le documentaire illustre quatre cas emblématiques de résistance des coopératives à la crise: la transformation en coopérative d'une fonderie en crise dans le nord de la France (Fonderie de l'Aisne), une coopérative de travail associé productrice d’eau minérale dans le sud de la Pologne (Muszinianka), un consortium de coopératives sociales impliquées dans les services sociaux et dans l'intégration par le travail à Milan (Consorzio SIS) et le groupe coopératif Mondragon dans le pays Basque, l'un des plus grands groupes d'entreprises en Espagne. De son côté, ce rapport analyse en détail les facteurs auxquels est due cette résistance. Il se fonde sur quatre enquêtes annuelles successives menées depuis le début de la crise par CECOP-CICOPA Europe parmi ses organisations nationales membres. Il reprend les statistiques nationales de certains pays, ainsi que des exemples concrets, et notamment les quatre exemples cités ci-dessus (ils sont illustrés dans des boîtes de texte spécifiques). Après avoir successivement procédé à une analyse quantitative puis qualitative, le rapport propose des recommandations politiques visant à promouvoir non seulement les coopératives, mais aussi l'emploi et l'entrepreneuriat à travers l'Europe; ceci parce que l'expérience concrète des coopératives en matière de résistance face aux crises peut être une source importante d'inspiration pour les autres types d'entreprises. Il est à noter que, pour des facilités d’écriture, le terme « coopérative » souvent utilisé dans le présent rapport regroupe les coopératives de travail associé, les coopératives sociales ainsi que d'autres types d'entreprises propriété de leurs travailleurs tels que les « Sociedades Laborales » espagnoles qui font partie du réseau européen d'entreprises représenté par CECOP-CICOPA Europe. La définition de ces types particuliers d'entreprises figure également dans le rapport.

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la résistance du modèle coopératif - avant-propos

avant-propos Par Claudia Menne, Secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats

L'Europe doit surmonter les effets d’une des plus grandes crises financière, économique et de l'emploi de toute l'histoire de l'intégration européenne et prouver qu’une mondialisation équitable et une Europe sociale sont les lignes directrices du vingtet-unième siècle. Une réforme culturelle, suivant des lignes directrices intelligentes et inclusives, apparaît nécessaire pour relever les défis principaux: la croissance et le développement économique d'une part et de la durabilité sociale et environnementale de l'autre. La crise financière et économique est une conséquence directe de la politique débridée de libéralisation et de déréglementation de ces dernières décennies. Alors que le marché intérieur prend forme, la prise en compte des risques liés à la dimension sociale est à la traîne, avec des libertés économiques fondamentales telles que la libre prestation des services et d'établissement qui prennent le pas sur les droits sociaux fondamentaux des travailleurs en Europe. L'Europe doit montrer qu'elle est attachée à ses citoyens et à sa population active. L'objectif de l'intégration européenne doit être l’amélioration des conditions de travail et de niveau de vie. L'emploi et la politique environnementale, orientée vers une croissance quantitative et durable, doivent aller de pair avec des réponses innovantes de notre modèle de production et le respect des principes et des droits fondamentaux au travail. Un travail décent doit être protégé de la concurrence déloyale dans le marché intérieur par le biais du relèvement des normes minimales sur le temps de travail, les conditions de travail et les salaires. L’offre et la demande en Europe doivent être régulées, afin de permettre le développement environnemental durable, avec des niveaux élevés de croissance et d'emplois et moins d'inégalités. Les petites et moyennes entreprises sont structurellement liées à la durabilité. Elles reposent souvent sur la valeur réelle par opposition à la valeur actionnariale. Pour maintenir la valeur réelle, les PME doivent souvent opérer des changements rapides de direction et faire participer activement leur personnel. Un changement stratégique de la propre image d’une entreprise dans la direction du développement durable exige une large participation du personnel. C'est ce dernier qui a le plus grand intérêt pour la durabilité. La croissance sociale devient ainsi possible. En ce sens, l'expérience coopérative, plus dynamique que jamais, offre des contributions originales. Comme acteurs-clés de « l’économie sociale », les coopératives ont prouvé qu'il est possible de valider des questions relatives à la croissance inclusive, socialement équitable et écologiquement durable, tout en restant économiquement prospères. Les exemples donnés dans cette publication et les expériences du projet sur le succès des coopératives en temps de crise, sont d'importantes contributions qui ouvrent la voie à de nouvelles orientations. La CES (ETUC) défend ce travail avec force et espère continuer à coopérer avec CECOPCICOPA Europe à l'avenir.

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la résistance du modèle coopératif - sommaire

sommaire Par Bruno Roelants, Secretaire général de CECOP-CICOPA Europe

Le Chapitre 1 de ce rapport examine jusqu’à quel point la crise économique mondiale qui a éclaté en 2008 a eu des conséquences extrêmement douloureuses sur la production de richesses et sur l’emploi, en Europe notamment, ainsi que le décrivent les rapports successifs publiés par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Il montre comment la crise mondiale a été à la fois doublée et relayée par la crise de la dette souveraine en Europe, avec ses mesures d'austérité qui ont eu un fort impact déflationniste, menaçant la croissance, l'emploi et le remboursement de la dette elle-même. Au premier plan, le chômage, et plus particulièrement le chômage des jeunes, a empiré; d’autres conséquences de la crise, telles que l'augmentation de la pauvreté, de l'exclusion sociale et même du nombre des suicides, doivent aussi être prises en considération. Les coopératives, qui, si l’on ne tient compte que des 10 plus grandes économies mondiales, génèrent un chiffre d’affaires consolidé légèrement inférieur au PIB de l'Italie, et auxquelles adhèrent près de 15% de la population adulte mondiale, auraient été remarquablement résistantes à la crise dans les différentes parties du monde, selon plusieurs rapports. Cela est probablement lié à leurs caractéristiques communes consacrées par des standards internationalement reconnus. C'est aussi ce qui résulte des quatre enquêtes annuelles successives menées par CECOP-CICOPA Europe depuis 2009 au sein de son réseau, qui réunit environ 50.000 coopératives de travail associé, coopératives sociales et autres entreprises détenues par leurs travailleurs actives dans l'industrie et les services dans 17 pays différents de l'Union européenne. Cependant, les réponses à ces enquêtes montrent aussi des différences nationales importantes qui doivent être prises en considération. Dans le Chapitre 2, une analyse quantitative qui met l'accent sur la France et l'Espagne (les deux pays européens où les statistiques sur les coopératives offrent le plus haut niveau de fiabilité) suggère que, bien que n’ayant pas été épargnées par la crise, ces entreprises ont connu un nombre moins élevé de fermetures et de pertes d’emplois que la moyenne des entreprises; dans certains cas elles ont même recouvré leur statut de créateurs d'emplois nets et montré leur tendance à différer l'impact de la crise. Le Chapitre 3 propose une analyse qualitative, au travers de plusieurs exemples concrets de résistance des coopératives à la crise, en examinant les facteurs qui pourraient être à l'origine de celle-ci. Au niveau micro (de l’entreprise), un certain nombre de mesures à court terme pour faire face aux effets immédiats de la crise (visant en particulier à réduire temporairement les coûts) ont été prises rapidement par des coopératives avec un haut niveau de légitimité grâce au régime de contrôle démocratique qui les caractérise. De nombreuses coopératives ont été capables de prendre des mesures à plus long terme comme des investissements dans des produits, des services ou des projets novateurs grâce à leur système de prise de décision démocratique mais aussi grâce au système d'accumulation du capital qui les caractérise. Nous observons également que le niveau méso (inter-entreprises) renforce considérablement la capacité des coopératives individuelles à prendre à la fois des mesures à court terme (en particulier en ce qui concerne le maintien de l’emploi) et à plus long terme (en particulier dans les domaines de la formation et de l'éducation, de la recherche, de l'innovation et de l'internationalisation). Les groupes coopératifs, en particulier, ont prouvé leur capacité à maintenir et même dans un certain nombre de cas d'augmenter le niveau de l’emploi et de leurs chiffres d'affaires et d'afficher ainsi une résistance particulièrement forte à la crise.Au niveau macro (législation et politiques publiques), il apparaît clairement que la résistance des coopératives est plus forte dans les pays qui ont le meilleur cadre juridique concernant la protection et de promotion des entreprises coopératives, les réserves impartageables, les instruments financiers mutualisés, les groupes et les consortia, tels que l'Italie, l'Espagne et la France.

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la résistance du modèle coopératif - sommaire

Tous ces résultats nous permettent de formuler au Chapitre 4 une série de recommandations portant sur les piliers suivants:   Comment étendre de manière substantielle la pratique du transfert des entreprises aux travailleurs sous une forme coopérative qui, s’il est correctement géré, conduit au maintien des activités économiques, à la sauvegarde des emplois et à un gain net dans les dépenses publiques à moyen et à long terme   Comment encourager fortement les coopératives et les autres entreprises à organiser et à développer entre elles des réseaux et des groupes horizontaux: bien qu’elles aient tendance à le faire, les coopératives sont souvent confrontées à une législation qui n'est pas très bien adaptée, tant au niveau national qu’européen   Comment mettre davantage l'accent sur le maintien de l'emploi et pas seulement sur la création d'emplois; sur la création d'emplois au sein des entreprises existantes et pas seulement dans les start-ups   Comment améliorer de façon décisive l'accès au financement sans modifier les modèles spécifiques de contrôle et de gouvernance dans les entreprises   Comment encourager l'anticipation et la préparation des processus de restructuration avec l’implication de toutes les parties intervenantes. Dans tous ces domaines, les coopératives ont fait la preuve de leurs forces pendant des décennies et l’ont démontré une fois de plus depuis la fin de 2008. Leur expérience devrait constituer une forte source d'inspiration pour les politiques publiques non seulement pour les coopératives mais aussi pour le monde de l'entreprise en général. Mais nous soutenons également qu'aucune de ces forces coopératives ne sera utile en termes de politiques d’emplois et entrepreneuriales si l'Europe ne s’embarque pas résolument dans un programme fort de croissance pour renforcer les PME, qui constituent le fondement de l’entrepreneuriat et de l'emploi en Europe. Un tel programme devrait faire le point sur des éléments-clés tirés de l'expérience des coopératives en matière de résistance à la crise et de développement des entreprises, tels que la dynamique de restructuration interne, le maintien et le développement des emplois et des compétences dans les entreprises, la mutualisation des organismes de développement des entreprises et des instruments financiers communs et le regroupement en groupes horizontaux d’entreprises.

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

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chapitre i les conséquences de la crise mondiale et la résistance des coopératives Par Hyungsik Eum, Diana Dovgan et Elisa Terrasi

1.

un aperçu général de la crise et de ses conséquences

La crise économique globale a commencé en 2008 par un krach financier aux États-Unis pour se propager ensuite et provoquer une forte instabilité économique dans le monde entier. « Catastrophe financière à l’origine, la crise s’est ensuite transformée en catastrophe économique »1, son effet le plus direct sur l'économie étant une sévère contraction du crédit au secteur privé, ce qui a provoqué une profonde récession. Les faillites des entreprises et les pertes d’emplois ont frappé durement les familles et les particuliers qui ont réduit drastiquement leur consommation, aggravant davantage encore l’effondrement de la production et du commerce. Les conséquences sur l’emploi ont été particulièrement destructrices: selon un récent rapport de l’OIT, « au bout de trois années de conditions de crise permanentes sur les marchés du travail mondiaux et face à la perspective d’une dégradation supplémentaire de l’activité économique, le chômage accumulé au niveau mondial s’élève à 200 millions d’individus - une augmentation de 27 millions depuis le début de la crise »2. Le chômage a principalement affecté les économies développées et en particulier l'Union européenne qui « a connu la plus forte augmentation régionale du taux de chômage entre 2007 et 2009 »3. Pire, depuis le printemps 2011, le nombre de chômeurs a progressivement augmenté: en janvier 2012, le taux de chômage a atteint un pic de 10,1% si l’on tient compte des 24,3 millions de chômeurs de l'Union européenne (16,9 millions dans la zone euro) alors qu'il avait été de 9,8% en novembre 2011 et de 7% en mai 2007 avant que la crise n’éclate4. Les jeunes ont été parmi les plus durement touchés. En 2011, 74,8 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient au chômage, soit une augmentation de plus de 4 millions depuis 2007. « Le taux de chômage mondial des jeunes, établi à 12,7 pour cent, demeure supérieur d’un bon point de pourcentage au niveau d’avant la crise »5.

1

laudia Sanchez Bajo et Bruno Roelants (2011), Capital and the Debt Trap. Learning from cooperatives C in the global crisis, Basinstoke: Palgrave Macmillan, p. 5

2

rganisation Internationale du Travail (2012): Global Employment Trends 2012: Preventing a deeper jobs O crisis, Genève: OIT, p. 10

3

rganisation Internationale du Travail (2011): Global Employment Trends 2011: The challenge of a jobs O recovery, Genève: OIT, pp. 12-13

4

Eurostat (2007), Euro Area and EU27 unemployment down to 7.0%, 93/2007, disponible sur www.epp. eurostat.ec.europa.eu

5

rganisation Internationale du Travail (2012): Global Employment Trends 2012: Preventing a deeper jobs O crisis, Genève: OIT, p. 10

« La durabilité de l'emploi se reflète également dans la gestion de l'entreprise qui le produit » Isabelle Durant, Vice-présidente du Parlement européen et membre du Parlement européen (les Verts)


la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

Dans l'Union européenne, le taux de chômage des jeunes, globalement stable autour de 21% entre la mi-2010 et 2011, a commencé à augmenter en mai 2011 pour atteindre un nouveau record à 22,4% en janvier 2012, touchant quelques 5,5 millions de jeunes. à titre de comparaison, en mai 2007, le taux de chômage pour les moins de 25 ans était de 15,9% dans les 27 pays de l'Union européenne6. Alors que la première phase de la crise mondiale a fortement touché le secteur financier et l'économie réelle en général, la récente aggravation économique en Europe a été provoquée pour une part substantielle par les mesures de réduction du déficit public avec l'imposition de politiques d'austérité dans toute l'Union européenne. L'OIT a mis en garde que les mesures d'austérité ont un effet néfaste sur le marché du travail et a prédit un chômage mondial de 202 millions de personnes pour 2012: une augmentation de 6,1% du taux de chômage dans la même année7. Le rapport 2012 de l'OIT sur les tendances mondiales du travail a constaté que l’austérité fiscale et les réformes du marché du travail ont eu des conséquences désastreuses alors qu’une approche alternative existait: « il est grand temps d’opter pour une stratégie tournée vers la croissance et l’emploi (…) ce qui implique de considérer que les politiques favorables au travail ont un effet positif sur l'économie et que la voie financière ne devrait pas inspirer les décisions politiques »8. De même, la Commission syndicale consultative (TUAC) auprès de l'OCDE a indiqué, par le biais de son président Richard Trumka, qu': « au cours de l'été 2011, l'économie mondiale est entrée dans une nouvelle phase dangereuse: la croissance s’est ralentie dans presque tous les pays, la reprise est au point mort dans les pays avancés et de nouveaux risques financiers ont émergé, notamment en Europe. (…) La crise actuelle menace aujourd’hui de pousser près de 84 millions de travailleurs dans une pauvreté extrême. (…) Avec la crise de la dette européenne, le chômage représente aujourd'hui la plus grande menace à la reprise. (…) Non seulement une croissance plus forte est nécessaire pour la création d'emplois, mais une expansion de l'emploi est à présent nécessaire pour soutenir la reprise et renforcer la croissance à long terme »9. En effet, pour Richard Trumka, le chômage, l’augmentation de la pauvreté et les inégalités menacent non seulement la reprise mais aussi la stabilité sociale et politique. Dans son analyse de la crise, le Réseau européen anti-pauvreté (EAPN) soutient aussi que les inégalités de revenus doivent être considérées comme des causes sous-jacentes de la crise économique actuelle: « Le dixième le plus riche de la population mondiale détient 83% de la richesse »10. Selon une étude transnationale qui couvre 21 pays riches, la pauvreté absolue a augmenté en Europe en raison de la récession de 2008-2009, touchant particulièrement les travailleurs peu qualifiés qui sont plus vulnérables au chômage11. Dans une telle conjoncture les États-nations, après être fortement intervenus pour relancer l'économie mondiale, se sont retrouvés criblés de dettes. Le déclassement de la note de crédit de plusieurs pays de l'Union européenne par les principales agences de notation mondiales, augmentant le coût du remboursement de la dette souveraine de ces pays, conduit à une réduction supplémentaire des dépenses publiques et aggrave

6

Eurostat (2007), Euro Area and EU27 unemployment down to 7.0%, 93/2007, disponible sur www.epp. eurostat.ec.europa.eu

7

Organisation Internationale du Travail (2012), World of Work Report 2012, disponible sur www.ilo.org, p.2

8

Ibidem, p. X

9

ichard L. Trumka (2012), Occupational risk: the global jobs emergency, Observer OECD, disponible sur R www.oecdobserver.org

10

EAPN (2012), Re-engaging hope and expectations - Getting Out of the Crisis Together - Alternative approaches for an inclusive recovery, disponible sur www.eapn.eu, p. 13. Voir aussi Sanchez Bajo et Roelants (2011) Chapitre 1, section « Destruction de richesses »

11

S . Jenkins, A. Brandolini, J. Micklewright, B. Nolan (2011), The Great Recession and the Distribution of Household Income?, XIII conférence européenne de la Fondation Rodolfo Debenedetti, Palerme

p. 7


la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

la récession économique. Les restrictions immédiates et sévères sur les services publics et sociaux ont mené à la récession économique et réduit les possibilités de reprise. Une telle situation pourrait conduire à une « destruction plan étaire de la richesse nette et à la perte de la cohésion socio-économique »12 avec des coûts humains et sociaux indûment élevés. Au cours d'une manifestation aux bougies appelée « Silencieusement », organisée le 18 avril 2012 par plusieurs organisations italiennes, dont des associations d'entrepreneurs et d'artisans, les principaux syndicats et la Confédération coopérative Legacoop, les données suivantes ont été présentées au public concernant l’Italie: « En 2011, 12.000 entreprises ont fait faillite, 7,4% en plus qu'en 2010. Au cours des trois dernières années le phénomène a dépassé le nombre de 33.000 faillites, qui ont principalement touché les PME puisque, pendant la même période, les faillites parmi les grandes entreprises ont diminué de 5 à 4%. De 2009 à 2011, on compte plus de 1.000 suicides de travailleurs et d’entrepreneurs. On estime que l’endettement pour un montant de 60 milliards d'euros est la cause d’un tiers des faillites »13. Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, plaide pour un changement urgent de paradigme: « la récession ne fera qu’empirer une situation sociale déjà mauvaise. L'inégalité est en croissance. Des mouvements sociaux apparaissent pour protester contre l'injustice et l'insécurité. La justice sociale doit être la première priorité dans tous les programmes politiques au niveau national et européen. Si les dirigeants européens laissent tomber cette priorité pour ne mettre l'accent que sur les mesures d'austérité, particulièrement dans les pays qui sont déjà en difficulté, nous ne devrions pas être surpris si l'augmentation des niveaux de pauvreté et d’inégalités conduit à l'instabilité politique et sociale »14. Il est cependant à noter que l'impact de la crise sur l'économie européenne a été différent selon les pays et les secteurs d'activités. Bien que tous les pays de l'Union européenne soient touchés, selon le rapport annuel 2010/2011 sur les PME de l'Union européenne publié par la Commission européenne, un groupe de pays comme la Grèce, l’Irlande, la Roumanie, la Lettonie, le Portugal et l'Espagne pouvaient être qualifiés de « pays en crise » par une combinaison d'indicateurs économiques15. Au contraire, dans le même rapport et en ce qui concerne les PME, l’Autriche, l’Allemagne, le Luxembourg, Malte, la Suède et le Royaume-Uni sont classés comme pays montrant une reprise positive en 2010, tant en termes de taux de croissance de la valeur ajoutée brute (VAB) que de l'emploi dans les PME16 . En termes de croissance de l'emploi, il a été signalé que d’une année à l'autre « la baisse dépassait 0,75% en Bulgarie, en Espagne17, en Roumanie18 et en Slovénie, ainsi qu’en Irlande, en Grèce et au Portugal19 ». En dépit des variations sous-sectorielles et

12

Ibidem, p. 20

13

Roma, Fiaccolata contro i suicidi di imprenditori. Il promotore Flammini: « Proposta in 8 punti per salvare le imprese » (2012), disponible sur http://www.lettera43.it

14

ernadette Ségol (2012), The crisis: The response of the European trade unions, Social Europe Journal, B disponible sur www.social-europe.eu

15

Ecorys (2011), Are EU SMEs recovering? Rapport annuel sur les PME de l’UE, 2010/2011, disponible sur www.ec.europa.eu, p.25

16

Ibidem, p. 27

17

OCETA, membre de CECOP, indique que selon une étude réalisée en Espagne par Sage-España sur C les PME et les travailleurs indépendants à la fin de 2011, il est constaté que « si nous devions mettre en évidence certaines conclusions, ce serait une situation générale de pessimisme, ce qui est de plus en plus évident que l'année dernière. En 2011, La principale priorité pour plus de 80% des PME était de survivre ». Voir Sage (2011), Radiografía de la pyme en España, p. 5

18

CECOM, membre de CECOP indique que la Roumanie a enregistré une période de croissance U soutenue, à partir du quatrième trimestre de 2010 et que les statistiques prévoient une croissance économique de 2,5% pour 2011. Dans les neuf premiers mois de 2011, le PIB de la Roumanie a augmenté de 2,7%

19

C ommission européenne (2011), Employment and Social Developments in Europe, disponible sur www. ec.europa.eu, p. 18

p. 8


la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

nationales, on peut affirmer que dans la première période de la crise les secteurs les plus touchés ont été ceux de la construction et de l’industrie avec une perte de plus de 10% de l’emploi d’avant crise entre le deuxième trimestre de 2008 et le deuxième trimestre de 2010. Pendant la même période cependant, dans le secteur des services, l’emploi dans les structures financées par l'état est resté stable ou a même augmenté alors que dans les structures de services privées, l'emploi a été fortement touché (en particulier dans les services moins axés sur la connaissance tels que le commerce de détail, le stockage, le transport et les services aux personnes, excepté la fourniture d’aliments et de boissons)20. Aujourd’hui, compte tenu de l'étendue des politiques d'austérité en conjonction avec les contraintes de la dette publique adoptées dans la seconde phase de la crise, les structures financées par l'état pourraient être gravement touchées. Quoi qu'il en soit, la crise et ses effets ramènent au centre des débats les questions qui revêtent une importance capitale comme la génération de richesse, la croissance de l'économie réelle, la création et le maintien de l’emploi et le développement local et régional. Ces questions appellent à un modèle plus durable de l'économie « réelle » (création de richesse combinée aux intérêts économiques et à des préoccupations sociales et environnementales à long terme). En conséquence, les politiques générant de la richesse à plus long terme entraînent une redistribution plus équitable puisque cette dernière rend, à son tour, durable la re-génération de la richesse (comme le font les coopératives ainsi que les groupes et les réseaux coopératifs) et devraient être sérieusement considérées pour résoudre la crise actuelle et en prévenir d’autres21. La crise économique mondiale appelle en effet des changements dans les modèles de développement et les valeurs qui doivent être traduites en politiques et en pratiques institutionnelles efficaces. En temps de crise prolongée, il y a un besoin urgent d'éviter les mesures prises avec une vision à court terme qui finissent par aggraver les causes qui l’ont déclenchée. Il est nécessaire de promouvoir des stratégies novatrices et socialement responsables de changement et de transition, transformant la vision « conjoncturelle » de la restructuration en une vision plus « structurelle », dans laquelle les coûts sont équitablement partagés par tous, débattus et compris sur la base d’informations disponibles au préalable, afin de créer les conditions de sauvegarde et de création d’une activité économique locale et d’emplois, d’une manière durable, légitime et à long terme.

20

Ibidem, pp. 43-46

21

C laudia Sanchez Bajo et Bruno Roelants (2011), Capital and the Debt Trap. Learning from cooperatives in the global crisis, Basinstoke: Palgrave Macmillan, Chapitre 9 « The mother of all warnings »

p. 9


la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

2.

un aperçu de la situation générale des coopératives

Selon l'Alliance Coopérative Internationale, on compte près d’un milliard de membres de coopératives dans 96 pays. Même avec une estimation très prudente qui prend en considération un double comptage (beaucoup de personnes sont membres de plus d'une coopérative), on peut estimer en toute sécurité qu’au moins 650 millions de personnes dans le monde sont membres d'une ou de plusieurs coopératives, soit environ 15% de la population adulte mondiale22. Les coopératives dans les 10 plus grandes économies du monde comptent pour presque 5% du PIB dans ce groupe de pays, ce qui correspond à un peu moins que le PIB de l’Italie, la 7ème économie mondiale23. En Europe, les coopératives emploient directement 4,7 millions de personnes. En France, 21.000 coopératives offrent plus d’1 million d'emplois représentant 3,5% de la population active au travail24. En Italie25, selon l’Alliance coopérative italienne (Confcooperative, Legacoop et AGCI), on compte 43.000 coopératives (de tous types), employant 1,2 million de travailleurs, copropriété de 12 millions de membres et générant un chiffre d'affaires total de 127 milliards d'euros26. En Espagne, les coopératives et les sociétés propriété de leurs travailleurs (« Sociedades Laborales ») avaient 335.000 emplois au premier trimestre de 201227. Les coopératives (principalement des coopératives de travail associé et des coopératives sociales), ainsi que les « Sociedades Laborales », actives dans les secteurs de l'industrie et des services représentent environ 50.000 entreprises au niveau européen parmi les membres de CECOP-CICOPA Europe et emploient environ 1,3 million de travailleurs, la plupart étant des travailleurs-membres.

22

laudia Sanchez Bajo et Bruno Roelants (2011), Capital and the Debt Trap. Learning from cooperatives in C the global crisis, Basinstoke: Palgrave Macmillan, p. 108

23

Ibidem, p. 106

24

Coop FR, Top 100 des entreprises coopératives et panorama sectoriel. Edition 2010, disponible sur www. entreprises.coop

25

E n Italie, malgré l'importance du mouvement coopératif, on constate toujours un manque d'informations statistiques officielles. Néanmoins, au-delà des données élaborées à l'intérieur du mouvement coopératif national, il existe diverses sources de nature administrative: parmi celles-ci, le Registre ministériel des sociétés coopératives (créé en 2004) et les données publiées par Unioncamere (qui remontent jusqu'en 2005). Unioncamere ne fait pas expressément référence aux coopératives mais plutôt à « d’autres formes d’entreprises »; cependant, puisqu'on dénombre dans cette catégorie plus de coopératives et de consortia coopératifs l’estimation globale donnée par Unioncamere paraît bonne. Voir Zevi A. et a.l., (2011) Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Finance - Création de richesse dans la durée, Bruxelles: CECOP Publications, p. 31

26

oir www.vita.it. Selon le récent rapport d’Euricse, en 2008 il avait 71.578 coopératives actives (enV viron 7,5% des entreprises) avec un chiffre d'affaires total de plus de 108 milliards d'euros, ce qui représente 3,5% de la valeur de la production des entreprises italiennes privées (sans compter les banques coopératives et y compris les consortia coopératifs). Voir Euricse (2011), La cooperazione in Italia -1er Rapporto Euricse

27

inistère de l’Emploi et de la Sécurité Sociale (2012) Avance - Resumen Situación empresas de economía M social y sus trabajadores en situación de alta en la seguridad social, disponible sur www.empleo.gob.es, p.1

p. 10


la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

3.

p. 11

la résistance des coopératives en temps de crise

Des articles et des études récentes ont fait valoir que les coopératives, quels que soient leurs secteurs respectifs et leur typologie, semblent montrer une plus forte résistance en temps de crise que les entreprises classiques. Par exemple, dans le secteur bancaire dans l'Union européenne (où les banques coopératives représentent environ 20% de la part du marché des dépôts), aucune banque coopérative n’a fait faillite jusqu'ici, alors qu’elles continuent de financer environ 29% des PME28. Selon l'OIT, même dans le contexte actuel de récession, on a constaté une augmentation de la création d'entreprises coopératives: en fait, de nombreuses personnes qui s'intéressent à la création d'une entreprise choisissent le modèle coopératif afin de répondre aux nouvelles réalités économiques29.

« Les coopératives ont été novatrices en temps de crise » Laszlo Andor, Commission européenne DG Emploi, affaires sociales et inclusion

Depuis 2009, CECOP-CICOPA Europe analyse chaque année l'impact de la crise sur les entreprises coopératives (industrielles et de services) affiliées à ses organisations membres. Les principaux éléments examinés à cette occasion concernent la situation économique et l'emploi (l'impact de la crise sur la production, l'emploi et les fermetures d’entreprises), les conditions financières (problèmes de solvabilité, de liquidité et de crédit), les mesures adoptées par les coopératives ou les fédérations coopératives afin de s’adapter à la situation et à leurs attentes en matière de mesures gouvernementales et européennes qui pourraient les aider à surmonter la crise économique. Il ressort de ces enquêtes annuelles successives que, malgré les importantes difficultés provoquées par la crise économique et ses conséquences pour les membres de CECOP-CICOPA Europe, les coopératives de travail associé et les coopératives sociales semblent être plus résistantes que les entreprises classiques de taille semblable, actives dans les mêmes secteurs et présentes dans les mêmes régions et les mêmes collectivités.

3.1. La situation économique des entreprises Les quatre enquêtes successives réalisées par CECOP-CICOPA Europe sur la période 2008-2011 indiquent un ralentissement général de la production et des ventes parmi les coopératives affiliées affectant principalement la construction, la fabrication, les transports et la logistique. Dans la deuxième vague de la crise (depuis la fin 2011), les problèmes les plus persistants affectent sur le secteur de la construction, comme le rapportent l’Italie (ANCPL)30, la République tchèque, la France et la Slovaquie. Les retards de paiement des autorités publiques, rapportés principalement par les membres italiens et espagnols, sont aussi un des plus gros problèmes touchant les coopératives qui entretiennent des partenariats réguliers avec les autorités publiques. Dans les pays nordiques, tels que la Suède et la Finlande, la crise ne touche pas les coopératives si fortement, tandis que le nombre de coopératives augmente progressivement et, qu’en général, le taux de création d'entreprises parmi les coopératives est plus élevé que les autres types de start-ups. Certains signes de reprise ont été enregistrés entre fin 2010 et début 2011 en France31, en Espagne et en République tchèque32. CG Scop (France) rapporte des signes de reprise en 2010 dans l'industrie (+7%), dans les services et les transports (+2%) et le commerce

28

E ACB (2010), European Cooperative banks in the financial and economic turmoil - first assessment, disponible sur www.eurocoopbanks.coop, p.8

29

Ibidem, p. 2

30

NCPL (Italie) signale une aggravation de la situation des coopératives industrielles en 2011. Cependant A les coopératives industrielles qui ont présenté des signes de reprise en 2010 se sont encore améliorées en 2011. La situation pour les coopératives du BTP est pire qu'en 2011

31

L a CG Scop (France) signale des signes de reprise dans certains secteurs au cours de l’année 2010 (industrie +7%; les services et les transports +2%, le commerce +4%) alors que le secteur de la construction enregistre une baisse du chiffre d'affaires de 3%

32

l'exception du secteur de la construction dans le cas de la République tchèque. La Pologne a À enregistré une tendance inverse, rapportant que la pire période a été de 2010 à début 2011

« Alors que les créations d'entreprises, auto-entreprises incluses, ont chuté de 11,6% en 2011 selon l'Insee, les coopératives affichent une santé quasi insolente au regard de la dégradation du contexte économique observée depuis l'automne 2008 » La Tribune (17/01/2012)


la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

(+4%). COCETA (Espagne) a signalé une lente diminution du nombre de coopératives de travail associé, mais encore plus faible comparativement aux entreprises classiques33. D'une manière générale, la plupart des membres se plaignent de la persistance des effets de la crise et de l'affaiblissement progressif conséquent des coopératives. Ces dernières souffrent également des conséquences de la crise telles que l’augmentation des coûts des matières premières, une diminution de la demande intérieure de biens et de services (Italie) et les faillites des grands entrepreneurs (Danemark). En ce qui concerne les coopératives sociales, l'emploi a augmenté de 4,5% en 2010 dans les coopératives sociales affiliés à Federsolidarietà (Italie) par rapport à l'année précédente. Cependant, la situation devrait s’aggraver en 2012 en raison des réductions du système de protection, des revenus familiaux et des salaires, et l’accroissement des impôts34. En règle générale, les enquêtes annuelles de CECOP-CIOPA Europe soulignent que, par rapport aux entreprises classiques, les coopératives de travail associé et les coopératives sociales sont plus résistantes dans les pays avec un fort niveau d'implantation et d'expérience coopératives tels que l'Espagne, la France et dans certains secteurs en Italie. Quelques pertes d'emplois et quelques faillites ont été enregistrées en Bulgarie et en Slovaquie en 2011, mais, en dépit de la crise en cours et des difficultés croissantes qui en résultent et que vivent les membres, la plupart d'entre eux ont confirmé une stabilité générale en termes du taux de l’emploi et de la viabilité des entreprises avec même des améliorations dans certains pays. En France, les fermetures d’entreprises et les pertes d'emplois ont diminué en 2010. Selon Federlavoro (Italie), en 2011, 68,3% des coopératives ont conservé le même niveau d'emploi et 18% rapportent une croissance de l'emploi, alors que 12,9% des coopératives font face à la contraction de l'emploi. COCETA (Espagne) mentionne 13.336 nouveaux emplois dans le secteur des services en 2011.

3.2. Solvabilité du crédit, liquidités, problèmes de la dette Les membres rapportent une attitude générale défavorable des établissements bancaires, qui n'est pas très différente par rapport à d'autres types d'entreprises: les PME souffrent généralement d'un accès très limité au crédit35. Les membres italiens et espagnols ont signalé une aggravation de la situation en ce qui concerne les retards de paiement des pouvoirs publics. De plus, aucun consensus n’a été observé parmi les membres de CECOP-CICOPA Europe en ce qui concerne le niveau de l’endettement bien que la tendance couramment signalée semble être que les coopératives sont moins endettées que la moyenne des entreprises. Il a cependant été observé que les institutions et les instruments financiers coopératifs développés par les mouvements des coopératives de travail associé et des coopératives sociales apportent un soutien et des solutions pour le développement des coopératives, qui n'ont pas été trouvés autrement.

33

OCETA (Espagne) indique une diminution de 2,5% du nombre de coopératives de travail associé C en 2011, significativement inférieure aux 14,73% de diminution des entreprises classiques (surtout des PME)

34

onnées du Centre d’études coopératives Elabora, disponibles sur www.federsolidarieta. D confcooperative.it

35

6 6,7% des coopératives affiliées à Federlavoro se plaignent d’une hausse des taux d'intérêt en 2011; 11,5% des coopératives qui ont demandé un prêt ne l’ont pas obtenu

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

3.3. Attentes futures Lors de la première consultation sur la crise réalisée par CECOP-CICOPA Europe en 2009, presque tous les membres prévoyaient une aggravation de la situation économique. En 2010, cette perception s’est encore renforcée. Cependant, au cours de l’enquête de 2011, la situation entre les membres semble être devenue plus hétérogène: en Italie, en Espagne et en France, les membres s'attendaient à une situation identique ou en légère amélioration par rapport à 2010, tandis que les membres des pays de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est prévoyaient généralement une aggravation de la situation. Même s'ils ont joui d’une stabilité générale de l'emploi et du chiffre d'affaires (avec quelques cas de reprise, surtout en France), les membres de CECOP-CICOPA Europe s’attendent généralement à ce que la situation s’aggrave à l'avenir à cause des récents programmes d'austérité.

3.4. Mesures mises en place pour surmonter la crise Afin de résister à la crise et de mieux s'adapter à ses effets, deux niveaux de mesures complémentaires ont été mis en place par les coopératives de travail associé et sociales36: des mesures « d'urgence » à court terme (comme des réductions des coûts et des heures de travail/salaires, utilisation des réserves, sous-traitance, changements de production, formation, etc.) d'un côté et des mesures à long terme (investissement dans la formation des travailleurs, innovation technologique, changement de produits, etc.) de l’autre. Le modèle de gouvernance spécifique à ces entreprises a permis de prendre des décisions adéquates, parfois très rapidement, afin de sauver des emplois ou l'activité de l'entreprise (p. ex. réduction des heures de travail, changement et modernisation des produits). Dans l’enquête de 2012, les membres ont partagé leurs préoccupations que ces mesures pourraient s’affaiblir et avoir des effets moins bénéfiques si la crise persistait et si elles n’étaient pas accompagnées par des politiques institutionnelles efficaces. Les enquêtes ont également mis en évidence les autres types de mesures planifiées et mises en œuvre par des membres de CECOP-CICOPA Europe pour limiter les pertes d'emplois et les fermetures d'entreprises: promotion du partenariat et amélioration des réseaux commerciaux pour une plus grande compétitivité sur le marché, création et développement d'instruments financiers, amélioration de la formation et construction de compétences; accès aux programmes gouvernementaux et de l'Union européenne.

36

ifférentes mesures éventuellement prises par les membres ne doivent ne pas être considérées D comme immuables et peuvent raisonnablement varier selon les différents contextes

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

4.

coopératives: principales caractéristiques

Afin de comprendre les hypothèses que nous formulerons dans la section suivante concernant les possibles facteurs de la résistance aux crises qui seraient spécifiques aux coopératives, il convient tout d'abord de rappeler certaines caractéristiques fondamentales des coopératives en général, et des coopératives sociales et de travail associé en particulier. Celles-ci seront analysées plus en détail au Chapitre 3, en rapport avec l’analyse qualitative d’exemples de résistance coopérative. Selon la définition et les principes opérationnels internationaux approuvés par le mouvement coopératif au niveau mondial dans la « Déclaration sur l’identité coopérative » et consacrés par la Recommandation 193 de l’OIT sur la « Promotion des coopératives » (adoptée par un vote de la majorité des gouvernements du monde entier dont tous les gouvernements des états membres actuels de l’Union européenne, ainsi que par les organisations syndicales et les organisations d'employeurs du monde entier), deux concepts-clés sont la propriété conjointe et le contrôle démocratique : dans toutes les coopératives, le contrôle démocratique interne est basé sur le principe « un membre, une voix », indépendamment du montant de capital social détenu par les membres37. Un autre concept central est celui de partie prenante (stakeholder): étant des parties prenantes-clés dans une communauté donnée (producteurs, consommateurs, utilisateurs, travailleurs, etc.), les membres des coopératives tendent logiquement à opter pour des stratégies entrepreneuriales qui répondent aux besoins de la communauté locale et que les coopératives veulent satisfaire (maintenir et créer des emplois, développer la production, trouver une maison, obtenir du crédit, etc.)38. De plus, les coopératives ont des règles financières qui font qu’elles ont une forte tendance à accumuler du capital, tant sous la forme de parts d’associés nominales et non transférables, que dans des fonds de réserve communs. Deux autres concepts, qui sont complémentaires entre eux, sont la coopération entre les coopératives et l’engagement envers la communauté environnante, reflétant une dimension qui va au-delà de la création et du développement d’entreprises individuelles et qui transcendent ainsi la dimension micro vers une dimension méso qui trouve sa mise en œuvre notamment dans l'établissement d'alliances, de réseaux, d’organisations de promotion, de fédérations, de groupes, de consortia, etc., que nous examinerons plus en détail au Chapitre 3. Parmi les différentes typologies de coopératives, les coopératives sociales et de travail associé sont caractérisées par la propriété des travailleurs, à savoir le fait que ces coopératives sont détenues et contrôlées par leurs travailleurs. D’autres types d'entreprises, telles que les « Sociedades Laborales » (sociétés de travailleurs) espagnoles partagent la même caractéristique.

37

Voir www.ilo.org Parmi celles-ci sont dignes d’être mentionnées: les coopératives de consommateurs, de production, de travail associé, les coopératives sociales, financières (banques coopératives, coopératives d'assurance et caisses de crédit), les coopératives de logement et de services publics (eau, électricité, téléphone). Dans les coopératives sociales et de travail associé la participation active de leur personnel à la stratégie de l'entreprise et à sa gestion influe considérablement sur les relations de travail et, indirectement, sur le développement territorial

38

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

  La mission-clé des coopératives de travail associé est la création et le maintien d’emplois viables et la création de richesse, dans une claire perspective de développement local et de génération de richesse39. Leurs travailleurs constituent la majorité des membres et vice versa. Leurs membres sont les travailleurs de l’entreprise qui prennent ainsi conjointement les grandes décisions dans l’entreprise, et nomment leurs dirigeants (conseils d'administration, gestionnaires, etc.). Ils se prononcent également sur la façon de partager les excédents avec un double objectif: a) fournir une juste rémunération, sous la forme de déclarations fondées sur le travail effectué (en fait un ajustement du prix de la rémunération) et b) consolider l'entreprise et ses emplois à long terme par la constitution de réserves. Enfin, l'esprit de coopération favorise l'information et la formation des travailleurs, une condition pré-requise au développement de l'autonomie, de la motivation et de la responsabilisation nécessaires dans un monde économique devenu de plus en plus précaire.   Les coopératives sociales ont une mission d’intérêt général primaire et directe. Elles se spécialisent dans la fourniture de services sociaux, de santé, éducatifs ou environnementaux ou dans la réinsertion de travailleurs désavantagés et marginalisés (handicapés, chômeurs de longue durée, anciens détenus, toxicodépendants, etc.), ou les deux. Elles s’efforcent donc de créer des emplois durables, au même titre que les coopératives de travail associé40. Les coopératives sociales sont d'abord apparues en Italie mais on les retrouve aujourd'hui dans différents pays de l'Union européenne, souvent réglementées par des lois nationales41. La plupart d’entre elles sont détenues en totalité ou du moins en partie par leurs travailleurs tout en permettant ou rendant même obligatoire (selon les lois nationales) la possibilité d'impliquer d'autres types de membres (utilisateurs des services, pouvoirs publics, bénévoles, etc.).   Les autres types d'entreprises propriété de leurs travailleurs, comme les « Sociedades Laborales » espagnoles partagent avec les coopératives de travail associé et les coopératives sociales la caractéristique centrale d’être constituées de travailleursmembres, et donc de mettre également l’accent de façon prépondérante sur la génération d’emploi durable.

39

CICOPA (2005) Déclaration mondiale sur les coopératives de travail associé, disponible sur www.cicopa. coop CICOPA (2005) Déclaration mondiale sur les coopératives de travail associé, disponible sur www.cicopa. coop

40

Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) en France; Coopératives d’initiative sociale en Espagne; Coopératives de solidarité sociale au Portugal

41

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

5.

h ypothèses concernant les effets spécifiques des coopératives

Selon les réponses obtenues dans les enquêtes annuelles successives menées par CECOP-CICOPA Europe, les membres de CECOP-CICOPA Europe attribuent généralement la résistance des coopératives à la crise aux éléments suivants qui sont liés aux caractéristiques des coopératives que nous avons brièvement décrites dans la section précédente: participation des membres à la gestion de la coopérative, la création de fonds de réserves impartageables, lien avec les besoins territoriaux et participation de la communauté, capacité d’organiser et de mener à bien la reprise d’entreprises par leurs travailleurs, entraide et groupes horizontaux et consortia entre coopératives. La mise en place de groupes horizontaux et de consortia, notamment, est considérée par les membres comme un instrument important d’appui à l'innovation et à la compétitivité des coopératives de travail associé et des coopératives sociales de petite et de moyenne taille. Une longue tradition en ce sens existe déjà dans des pays comme l'Italie et l'Espagne. Cependant, une analyse plus approfondie des réponses aux quatre enquêtes annuelles successives est nécessaire pour comprendre les situations et les contextes différents à travers l'Europe. Si l’on synthétise les réponses des membres en recoupant les influences possibles des différences sectorielles et nationales, cinq tendances semblent émerger.   Une première tendance se caractérise par des types des coopératives qui ont moins souffert pendant les premières années de la crise que les coopératives actives dans d'autres secteurs économiques. C'est la tendance rapportée par Federsolidarietà (Italie), la plus grande fédération européenne de coopératives sociales avec plus de 5.500 entreprises. On pourrait penser que le facteur sectoriel est important puisque les coopératives sociales fournissent principalement des services sociaux très souvent financés par les pouvoirs publics au niveau local; la situation générale dans ce secteur s’est cependant aggravée progressivement en 2011 et 2012 avec des coupes plus nombreuses dans les budgets publics. En fait les coopératives sociales ont dû consentir d’importants efforts pour sauvegarder les emplois et poursuivre la fourniture des services sociaux d'intérêt général malgré ces réductions. D'autre part, les coopératives sociales qui mettent l'accent sur l’insertion professionnelle des personnes défavorisées ne dépendent généralement pas des financements publics puisqu’elles sont impliquées, comme les coopératives de travail associé, dans la production de toute une série de biens et de services.   Deuxième tendance - certains membres ont signalé une situation relativement moins grave pour leurs coopératives affiliées que la récession économique générale de leur pays: COCETA (Espagne), Legacoop Servizi (Italie), SCMVD (République tchèque)42. Ces membres rapportent également peu de pertes d'emplois et peu de fermetures d’entreprises.   Troisième tendance - certains membres ont fait part d’un niveau important de résistance en termes de maintien de l'emploi tout en signalant également un ralentissement économique général dans leurs coopératives affiliées; c'est le cas de la CG Scop (France), d’ANCPL et d’AGCI (Italie), de NAUWC (Pologne) et de COOP FINLAND (Finlande).

SCMVD fait même observer que dans certains secteurs (industrie automobile, notamment) les coopératives ont augmenté leur production de 8% en 2011 et que l’on s’attendait à une petite augmentation dans ces secteurs en 2012; selon elle la crise aurait été causée par « des raisons générationnelles »

42

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

  Quatrième tendance - certains membres ont signalé soit des tendances à la reprise depuis trois ans, comme Federlavoro e Servizi (Italie), soit une amélioration de la situation générale, comparé aux autres types d'entreprises, comme Kooperationen (Danemark) et Coompanion (Suède).   Cinquième tendance - certains membres des pays d'Europe centrale et orientale ont signalé un ralentissement général, y compris des pertes d'emplois et des fermetures d'entreprises dans leurs coopératives affiliées: UCECOM (Roumanie)43, NUWPC (Bulgarie), Estcoop (Estonie), CPS (Slovaquie). Bien qu'elles doivent être examinées plus en profondeur, ces difficultés semblent être liées à des facteurs nationaux et sectoriels ainsi qu’à la présence relativement plus faible des coopératives et à des politiques publiques moins vigoureuses pour les coopératives dans ces pays. En examinant ces cinq tendances, on pourrait formuler l’hypothèse que certaines caractéristiques propres aux coopératives leur permettent d’être plus résistantes aux crises économiques au-delà des facteurs nationaux et sectoriels, même si les première, quatrième et cinquième tendances mentionnées ci-dessus semblent être fortement influencées par ceux-ci. Dès lors, quel genre d'effets spécifiques aux coopératives a-t-on pu identifier pour expliquer leur résistance à la crise ? Avant de procéder à une analyse plus empirique, nous pourrions émettre l'hypothèse que certaines caractéristiques particulières au modèle coopératif d'entreprise - que nous pourrions résumer comme suit - pourraient jouer un rôle44.

43

appelons qu’UCECOM a signalé que seules des pertes d'emplois ont été enregistrées en 2011: il n’y R a eu aucune fermeture d'entreprises

44

our plus d’informations et une analyse plus détaillée, Voir Zevi A. et a.l., (2011), Au-delà de la crise: P Coopératives, Travail, Finance - Création de richesse dans la durée, Bruxelles : CECOP Publications; et la discussion sur la « Stratégie de développement coopératif », disponible sur www.cicopa.coop

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 1

Effets spécifiques des coopératives identifiés comme avantages en ce qui a trait à la crise économique 1. Niveau micro (entreprises individuelles)   La capacité de mobiliser la participation des membres, principalement le personnel de l’entreprise   La capacité de mobiliser la participation de la communauté (dans le cas des coopératives sociales en particulier) 2. Niveau méso (mobilisation de l'aide mutuelle entre les coopératives)   Existence de structures de soutien aux entreprises (en matière de formation, de consultation et de financement) détenues et contrôlées par le mouvement coopératif national   Développement de groupes horizontaux, consortia/réseaux entre les coopératives 3. Niveau macro (environnement favorable)   Présence dans une partie substantielle de l'économie   Existence d'un cadre juridique propice: réserves impartageables obligatoires, création d'instruments financiers non bancaires, régulation des coopératives de travail associé, des coopératives sociales et autres entreprises détenues par leurs travailleurs (comme les « Sociedades Laborales » espagnoles) et définition des politiques publiques favorisant de telles formes d'entreprises

Toutefois, étant donné que toutes les coopératives individuelles affiliées à des organisations membres de CECOP-CICOPA Europe sont fondées sur les mêmes valeurs coopératives et les mêmes principes opérationnels et que, selon les résultats des enquêtes annuelles successives de CECOP-CICOPA Europe, elles ne résistent pas toutes à la crise de la même façon, nous pouvons émettre l'hypothèse que les caractéristiques propres aux coopératives sont particulièrement efficaces lorsque les caractéristiques des niveaux micro, méso et macro sont combinées, et que les avantages intrinsèques du modèle coopératif au niveau micro ne suffisent pas à surmonter la récession économique à grande échelle: des mesures aux niveaux méso et macro semblent donc être importantes afin de renforcer les avantages du modèle coopératif au niveau micro. Dans les deux chapitres suivants, nous procéderons à une analyse empirique de la résistance à la crise des coopératives par rapport aux entreprises classiques sur la base de données quantitatives et qualitatives plus détaillées; nous essayerons ainsi de mettre à l'épreuve nos précédentes hypothèses et de vérifier si elles s’avèrent exactes ou non.

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

chapitre 2 analyse quantitative Par Hyungsik Eum

1.

introduction

Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, de nombreux membres de CECOP-CICOPA Europe ont rapporté que les coopératives de travail associé et les coopératives sociales ont mieux résisté à la crise économique. Pouvons-nous valider cette déclaration avec des preuves empiriques? Dans ce chapitre nous examinerons des données quantitatives afin de mettre ainsi à l’épreuve les estimations des membres de CECOP-CICOPA Europe au regard de données empiriques. Certaines données statistiques fournies par les membres de CECOP-CICOPA Europe reflètent des situations différentes selon les pays et les secteurs. Ainsi Co-operatives UK rapporte que le nombre total des coopératives de travail associé au Royaume-Uni est passé, au milieu de la crise économique, de 373 coopératives et 1.649 travailleurs en 2007 à 541 coopératives et 1.940 travailleurs en 2011: dans le même temps les coopératives de travail associé des pays de l'Europe de l'Est et de l’Europe centrale, plus dépendants dans les secteurs industriels, ont souffert de la crise et connu une augmentation de la perte de coopératives et de travailleurs de 20 à 30%. Une autre situation est donnée en exemple par Legacoop Servizi, une des fédérations italiennes des coopératives de travail associé du secteur des services, qui rapporte un nombre significatif de fermetures d'entreprises, particulièrement au début de la crise; le nombre total des travailleurs est resté stable et des signes récents de reprise peuvent être observés. Cependant, parce que le nombre des coopératives de travail associé et des coopératives sociales est très faible dans de nombreux pays en comparaison de celui de l’ensemble des entreprises du même pays, il est difficile de généraliser des conclusions qui ne résultent que des données des membres de CECOP-CICOPA Europe. Pour une comparaison plus pertinente au niveau macro nous n’examinerons dans ce chapitre que les cas espagnol et français où le nombre des coopératives de travail associé et des coopératives sociales est relativement significatif comparé au nombre de toutes les entreprises45. Bien que l'Italie ait le plus important secteur de coopératives de travail associé et de coopératives sociales en Europe, nous n'avons pas pu travailler sur son cas parce que nous ne pouvons pas obtenir des données totalement incontestables au niveau national pour la période de la crise économique.

2.

méthodologie et sources des données

Considérant les données disponibles, nous n’avons utilisé comme indicateurs que celles qui concernent le nombre des entreprises et des emplois, et cela bien que l'information qu'elles puissent offrir soit limitée. Étant donné que nous nous intéressons plus à la dynamique des entreprises et de l'emploi pendant la crise économique qu’à la situation

45

E n Espagne, le nombre des coopératives de travail associé était de 16.813 en 2011, le 1,11% de l’ensemble des entreprises qui emploient plus d’un travailleur. En France, leurs membres étaient de 1.803 en 2009, le 0,15% de l’ensemble des entreprises qui emploient plus d’un travailleur

p. 19


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

ponctuelle de chaque pays, nous avons essayé de montrer l’importance du changement en calculant le taux de croissance. Pour établir une comparaison entre le nombre total des coopératives avec le nombre total des entreprises de tous types, nous ne retenons que le taux de croissance46. En effet, en raison des grandes différences en nombres absolus, comparer les nombres bruts ne fournit aucune information significative alors qu'une comparaison entre les changements des taux de croissance peut montrer les différences dans les profils d'évolution. Il convient toutefois de noter qu’en comparant les coopératives de travail associé avec l’ensemble des entreprises, seules deux types de données, à savoir a) la dynamique du mouvement illustrée par les changements des courbes dans les graphiques et b) l’information sur la diminution des nombres absolus représentée dans les graphiques dans la zone située sous la barre du zéro, devraient être considérées comme des informations significatives. Et ceci parce que, même en Espagne et en France où les coopératives de travail associé sont très nombreuses, leur nombre est encore trop modeste pour être comparé à celui de l’ensemble des entreprises et qu’une variation, même minime, peut provoquer une différence surreprésentée dans le taux de croissance. Les données sur les coopératives de travail associé nous ont été fournies par leurs confédérations nationales respectives, à savoir COCETA pour l’Espagne et la CG Scop pour la France. Puisque COCETA reçoit régulièrement des données officielles du Ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale et des gouvernements régionaux et que la CG Scop est chargée de collecter l’information des coopératives de travail associé à travers l’inscription obligatoire sur la liste du ministère, les données transmises par ces deux confédérations nationales sont donc officielles et dignes de confiance. En ce qui concerne les données sur l’ensemble des entreprises, nous avons utilisé celles des instituts statistiques nationaux des deux pays, à savoir l’INE (pour le nombre d'entreprises) et le Ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale (pour les chiffres sur l'emploi) en Espagne et l'INSEE en France. Pour une comparaison plus pertinente, nous n’avons utilisé que les données sur les entreprises qui emploient plus d'un travailleur parce que les indépendants et les entreprises sans travailleurs ne peuvent être comparés avec les coopératives. En effet, vu que ce rapport se concentre en grande partie sur l’emploi, les données provenant des entreprises sans employés ne sont pas pertinentes pour notre discussion.

3.

les coopératives de travail associé en espagne

Les coopératives de travail associé (« cooperativas de trabajo associado », en espagnol) sont une composante très importante de l’ensemble du mouvement coopératif en Espagne. Elles sont régies au niveau national par une loi coopérative de 1999 et par des législations régionales bien adaptées aux contextes locaux dans chaque communauté autonome. COCETA, membre espagnol de CECOP-CICOPA Europe, représente officiellement toutes les coopératives de travail associé et comprend 16 Unions et Fédérations régionales de coopératives de travail associé couvrant presque toutes les communautés autonomes espagnoles. Comme le montre le tableau 1, le nombre des coopératives de travail associé en Espagne, en augmentation en 2007, a diminué de manière significative en 2009. Cependant, bien que leur nombre absolu ait continué de diminuer, le rythme de cette diminution s’est ralenti et l’on observe ainsi depuis 2010 une tendance à la reprise. En 2011, on comptait 16.813 coopératives de travail associé en Espagne.

46

L e taux de croissance a été calculé en divisant les chiffres de la croissance - décroissance par ceux de l’année précédente

p. 20


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 21

Le secteur des services représente une part très importante des coopératives de travail associé espagnoles. Son poids est devenu de plus en plus important au cours de la crise économique en raison d’une baisse relativement plus rapide dans les secteurs de la construction et de l'industrie. Le développement des coopératives de travail associé dans le secteur des services sociaux semble aussi avoir contribué à cette hausse continue (sauf en 2010) même pendant la crise économique.

tableau 1. nombre de coopératives de travail associé espagnoles et leur taux de croissance

total taux de croissance

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

18.000

18.250

18.961

18.625

17.414

16.979

16,813

+1,39%

+3,90%

-1,77%

-6,50%

-2,50%

-0,98%

source: Coceta

graphique 1. pourcentage des coopératives de travail associé espagnoles par secteurs

100% 80% 60%

services 40%

construction industrie

20%

agriculture 0% 2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

sur la base du tableau 2

tableau 2. nombre de coopératives de travail associé espagnoles par secteurs 2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

services

10.782 (59,90%)

10.548 (57,80%)

10.902 (57,50%)

12.013 (64,50%)

12.381 (71,10%)

11.749 (69,20%)

12.206 (72,60%)

construction

3.438 (19,10%)

3.851 (21,10%)

5.158 (27,20%)

3.427 (18,40%)

2.281 (13,10%)

2.191 (12,90%)

2.152 (12,80%)

industrie

3.258 (18,10%)

3.285 (18%)

2.237 (11,80%)

2.570 (13,80%)

2.299 (13,20%)

2.411 (14,20%)

1.782 (10,60%)

agriculture

522 (2,90%)

566 (3,10%)

664 (3,50%)

615 (3,30%)

453 (2,60%)

628 (3,70%)

673 (4%)

total

18.000

18.250

18.961

18.625

17.414

16.979

16.813

source: Coceta


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 22

Il est difficile de récolter des données précises sur le nombre des travailleurs occupés dans les coopératives de travail associé espagnoles en raison des différents règlements appliqués dans les différentes communautés autonomes. Par conséquent, dans les données officielles fournies par COCETA, nous ne pouvons trouver que le nombre des travailleurs-membres, à l’exclusion du nombre des travailleurs non-membres. COCETA estime que le nombre total des travailleurs, travailleurs-membres et non-membres compris, devrait être de 10 à 25% supérieur à celui des données fournies. Le nombre des travailleurs des coopératives de travail associé espagnoles a diminué de manière significative en 2008-2009. Il est cependant reparti à la hausse à partir de 2010, même si le nombre des entreprises a légèrement diminué en 2010-2011.

tableau 3. n ombre de travailleurs-membres dans les coopératives de travail associé espagnoles et leur taux de croissance

total taux de croissance

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

219.780

222.464

222.279

212.106

193.708

194.034

203.208

+1,22%

-0,08%

-4,58%

-8,67%

+0,17%

+4,73%

source: Coceta

graphique 2. pourcentage par secteurs des travailleurs-membres dans les coopératives de travail associé espagnoles services

100% 80% 60% 40%

construction industrie agriculture

20% 0% 2005

2006

2007

sur la base du tableau 4

Le pourcentage des travailleurs-membres par secteurs montre des caractères légèrement différents de celui du nombre des entreprises. Le graphique 2 et le tableau 4 nous apprennent que les secteurs industriels et agricoles constituent une partie plus importante du nombre de travailleurs-membres que celui des coopératives. À l'inverse, un nombre relativement modeste de travailleurs-membres dans le secteur de la construction indique qu’on se trouve souvent en présence de petites entreprises.

2008

2009

2010

2011


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 23

tableau 4. n ombre de travailleurs-membres par secteurs dans les coopératives de travail associé espagnoles 2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

services

123.078 (56%)

126.805 (57%)

129.769 (58,38%)

127.445 (60,09%)

122.125 (62,56%)

121.566 (62,56%)

128.788 (63,38%)

construction

17.582 (8%)

15.572 (7%)

15.636 (7,03%)

11.140 (5,25%)

9.140 (4,38%)

8.502 (4,38%)

7,874 (3,87%)

industrie

50.549 (23%)

48.492 (22%)

49,780 (22,40%)

45,797 (21,59%)

40.977 (21,15%)

41.548 (21,38%)

44.248 (21,77%)

agriculture

28.571 (13%)

31.145 (14%)

27.094 (12,19%)

27.724 (13,07%)

21.466 (11,08%)

22.418 (11,54%)

22.297 (10,97%)

219.780

222.464

222.279

212.106

193.708

194.304

203.208

total source: Coceta

4.

coopératives de travail associé en france

Constituant le troisième plus grand mouvement de coopératives de travail associé en Europe après l'Italie et l'Espagne, le mouvement français des coopératives de travail associé (sociétés coopératives et participatives ou Scop) a une très longue tradition historique et des réseaux bien organisés. Elles sont régies depuis 1947 par une loi coopérative générale et en particulier par une loi de 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production47. La CG Scop, membre français de CECOPCICOPA Europe, représente la plupart des coopératives de travail associé (Scop) et des sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic), un type relativement nouveau et spécifique de coopérative sociale basé sur le modèle de gouvernance en multisociétariat. La CG Scop est composée de 13 Unions régionales et de 3 Fédérations de métiers représentant 3 grandes secteurs d'activités (BTP, communication, industrie). Depuis 2005, le nombre des coopératives de travail associé françaises a augmenté de manière continue. Bien que les chiffres aient stagné en 2008-2009, nous pouvons observer des signes de reprise accélérée au cours de ces dernières années. Cette tendance se retrouve aussi dans le nombre de travailleurs. En 2011, on dénombrait en France 1.902 coopératives de travail associé.

tableau 5. nombre de coopératives de travail associé françaises et leur taux de croissance

total taux de croissance

2005

200648

2007

2008

2009

2010

2011

1.612

1.661

1.744

1.804

1.803

1.822

1.902

+4,68%

+3,04%

+5%

+3,44%

-0,06%

+1,05%

+4,39%

source: CG Scop

47

Loi n°78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production

48

our des raisons techniques à la CG Scop, nous avons dû ajuster les données de 2006 en établissant P la moyenne des données originales de 2006 et 2007. Ce faisant, même si le nombre n'est pas correct en soi, il montre une trajectoire plus réaliste du taux d'augmentation, ce qui est le plus


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 24

important pour notre future comparaison avec les données de l’ensemble des entreprises. C’est le même problème dans le cas du nombre d'emplois au tableau 7. Toutefois, dans le cas du pourcentage par secteurs, où la trajectoire n'est pas importante, nous n’avons pas modifié les chiffres.

Comme dans le cas espagnol, mais dans une moindre mesure, le secteur des services est le plus important parmi les coopératives de travail associé françaises. Comme le montrent le graphique 3 et le tableau 6, l'importance du secteur des services n’a cessé de croître au cours de la crise économique. Étant donné que le nombre de coopératives dans les secteurs de l'industrie et de la construction est resté relativement stable, nous pouvons remarquer que l'augmentation constante résulte du développement du secteur des services.

graphique 3. pourcentage des coopératives de travail associé françaises par secteurs

100% 80% 60%

services 40%

construction industrie

20%

agriculture 0% 2005

2006

2007

2008

2009

2010

sur la base du tableau 6

tableau 6. nombre des coopératives de travail associé françaises par secteurs

source: CG Scop

2005

2006

2007

2008

2009

2010

services

818 (50,74%)

814 (51,58%)

926 (53,10%)

988 (54,77%)

1.008 (55,91%)

1.048 (57,52%)

construction

430 (26,67%)

418 (26,49%)

443 (25,40%)

442 (24,50%)

422 (23,41%)

420 (23,05%)

industrie

347 (21,53%)

335 (21,23%)

360 (20,64%)

358 (19,84%)

355 (19,69%)

338 (18,55%)

agriculture

8 (0,50%)

7 (0,44%)

13 (0,75%)

16 (0,89%)

18 (1%)

16 (0,88%)

total

1.612

1.578

1.744

1.804

1.803

1.822


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 25

Dans le cas de la France, le nombre de travailleurs indiqué ici les reprend tous, tant les travailleurs-membres que les travailleurs non-membres. L'augmentation du nombre des travailleurs des coopératives de travail associé françaises avait été constante jusqu'en 2008, et, après une baisse en 2009, elle s’est stabilisée autour des 40.000 unités avec une légère augmentation chaque année. Leur pourcentage est presque le même que celui du nombre des coopératives.

tableau 7. n ombre de travailleurs dans les coopératives de travail associé françaises et leur taux de croissance

total taux de croissance

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

36.485

38.196

39.772

41.448

40.064

40.138

40.494

+3,44%

+4,69%

+4,13%

+4,21%

-3,34%

+0,18%

+0,89%

source: CG Scop

graphique 4. pourcentage des travailleurs dans les coopératives de travail associé françaises par secteurs

100% 80% 60%

services

40%

construction 20%

industrie agriculture

0% 2005

2006

2007

2008

2009

2010

sur la base du tableau 8

tableau 8. n ombre de travailleurs dans les coopératives de travail associé françaises par secteurs

source: CG Scop

2005

2006

2007

2008

2009

2010

services

16.400 (45,03%)

16.822 (45,96%)

18.418 (46,32%)

19.775 (47,71%)

18.975 (47,36%)

20.130 (50,15%)

construction

10.855 (29,81%)

10.849 (29,64%)

11.588 (29,14%)

11.770 (28,40%)

11.848 (29,57%)

11.179 (27,85%)

industrie

9.091 (24,96%)

8.861 (24,21%)

9.659 (24,29%)

9.677 (23,35%)

9.116 (22,75%)

8.720 (21,73%)

agriculture

72 (0,20%)

67 (0,18%)

99 (0,25%)

226 (0,55%)

125 (0,31%)

109 (0,27%)

total

36.418

36.599

39.764

41.448

40.064

40.138


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

5.

p. 26

c omparaison entre les coopératives de travail associé et les entreprises en général au milieu de la crise économique

5.1. Espagne En Espagne, les changements dans le nombre des entreprises et des emplois à la fois dans les coopératives de travail associé et dans les entreprises en général présentent des profils similaires. En termes de nombre d'entreprises, après la chute de 2008, les coopératives de travail associé et les entreprises en général sont toujours en diminution. En termes d'emplois, la chute a commencé en 2007 et l’on observe une profonde dépression en 2008-2009. On note cependant des différences importantes dans le rythme de reprise des coopératives de travail associé comme en 2010. Bien que le nombre des coopératives diminue encore, le rythme de la baisse s’est ralenti de manière significative par rapport à celui de l’ensemble des entreprises. Le même schéma peut être observé encore plus clairement dans le changement du nombre des emplois. En regard d’une nouvelle diminution des emplois dans les entreprises en général, en 2011, les coopératives de travail associé montrent même une augmentation du nombre des travailleurs-membres à partir de 2010. D'après ces observations, nous pouvons affirmer, avec toutes les réserves qui s’imposent, que des signes de reprise peuvent être constatés dans les coopératives de travail associé, en dépit de la stagnation actuelle des entreprises en général.

graphique 5. comparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre d’entreprises en espagne

-2

coopératives de travail associé

-4

entreprises

-6

6 4 2 0

-8 2006

2007

sur la base du tableau 9

2008

2009

2010

2011


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 27

tableau 9. c omparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre d’entreprises en espagne

coop/travail associé entreprises*

2006

2007

2008

2009

2010

2011

+1,39%

+3,90%

-1,77%

-6,50%

-2,50%

-0,98%

+4,53%

+4,69%

+2,29%

-4,77%

-4,48%

-4,09%

* Secteur agricole exclu. Entreprises qui emploient au moins plus d'un travailleur. Calculé en fonction des données de COCETA pour les coopératives de travail associé, de l'INE pour l'ensemble des entreprises.

graphique 6. comparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre de travailleurs en espagne

-2

coopératives de travail associé

-4

entreprises

-6

6 4 2 0

-8 -10 2006

2007

2008

2009

2010

2011

sur la base du tableau 10

tableau 10. c omparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre de travailleurs en espagne

coop/travail associé entreprises*

2006

2007

2008

2009

2010

2011

+1,22%

-0,08%

-4,58%

-8,67%

+0,17%

+4,73%

+4,81%

+3,49%

-6,84%

-5,18%

-0,64%

-2,70%

* Secteur agricole exclu. Entreprises qui emploient au moins plus d'un travailleur. Calculé en fonction des données de COCETA pour les coopératives de travail associé, du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale pour l'ensemble des entreprises


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 28

5.2. France En comparant les coopératives de travail associé françaises et les entreprises en général en France, nous pouvons observer que les changements reflètent des tendances similaires, en dépit de l'absence de données récentes sur les entreprises en général. Contrairement au cas espagnol, des signes de reprise sont aussi observés de la même manière dans les deux types d'entreprises. De façon générale, nous pouvons affirmer que l'économie française a été moins affectée par la crise économique que l’économie espagnole, et que, comme une partie significative de l'économie française, les coopératives de travail associé françaises ont suivi un rythme similaire. Ceci étant dit, il est intéressant à relever que le rythme de la décroissance du nombre de coopératives de travail associé françaises était relativement plus lent que celui des entreprises en général. Comme nous pouvons le voir dans les graphiques 7 et 8, alors que les coopératives de travail associé françaises ont souffert d’une diminution du nombre d'entreprises et d'emplois en 2009, cette baisse a eu lieu un an après la diminution du nombre des entreprises en général et des emplois. Nous pouvons supposer que cet effet d'amortissement est dû à une plus saine gouvernance et aux structures financières des coopératives de travail associé. Par exemple, dans les coopératives de travail associé françaises, 40,7% de l'excédent annuel en 2010 ont été affectés aux réserves impartageables imposées par la loi. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, les réserves impartageables et l'existence d'un fonds de solidarité entre les coopératives de travail associé françaises, SOCODEN - placé sous l’égide de la CG Scop - peuvent être considérées comme des instruments importants pour protéger les coopératives des contraintes financières. Cet argument semble être corroboré par le tableau 13 qui montre que les coopératives de travail associé sont moins endettées que les entreprises classiques de tailles similaires et des mêmes secteurs.

graphique 7. comparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre d’entreprises en france

6 5 4 2 3 2

coopératives de travail associé entreprises

1 0 -1 -2 2006

2007

sur la base du tableau 11

2008

2009

2010

2011


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 29

tableau 11. c omparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre d’entreprises en france

coop/travail associé entreprises*

2006

2007

2008

2009

2010

2011

+3,04%

+5%

+3,44%

-0,06%

+1,05%

+4,39%

+3,28%

+1,64%

-0,24%

-1,03%

n.d.

n.d.

* Secteur agricole exclu. Entreprises qui emploient au moins plus d'un travailleur. Calculé en fonction des données de la CG Scop pour les coopératives de travail associé, de l'INSEE pour l'ensemble des entreprises

graphique 8. comparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre de travailleurs en france

6

coopératives de travail associé

1

entreprises

5 4 3 2

0 -1 -2 -3 -4 2006

2007

2008

2009

2010

2011

sur la base du tableau 12

tableau 12. c omparaison du changement année par année pour le taux de croissance du nombre de travailleurs en france

coop/travail associé entreprises*

2006

2007

2008

2009

2010

2011

+4,69%

+4,13%

+4,21%

-3,34%

+0,18%

+0,89%

+1,24%

+1,41%

-0,68%

0,93%

+0,48%

n.d.

* Secteur agricole inclus. Entreprises qui emploient au moins plus d'un travailleur. Calculé en fonction des données de la CG Scop pour les coopératives de travail associé, de l'INSEE pour l'ensemble des entreprises.


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

p. 30

tableau 13. r atio d’endettement des coopératives de travail associé françaises et des entreprises françaises non financières entre 2007 and 2010 (dette sur fonds propres)

général PME

secteur industriel

2007

2008

2009

2010

coop / travail associé

41,15%

42,53%

44,30%

46,55%

entreprises non financières

71,30%

78,80%

79,90%

74,40%

PME / coop travail associé

41,84%

42,25%

43,65%

43,45%

PME entreprises non financières

86,80%

89,30%

89,60%

83,70%

28,18%

30,55%

29,30%

30,75%

58,50%

64,40%

64,70%

58,30%

coop travail associé / secteur industriel entreprises non financières / secteur industriel

Source : CG Scop

Dans le cas français, les différentes modalités de création des coopératives de travail associé constituent un autre indicateur intéressant. Comme nous pouvons le voir dans le tableau 14, de 2008 à 2011, 20% des coopératives de travail associé résultent de la transformation en coopératives d’entreprises classiques qui autrement auraient été fermées, ce qui aurait entraîné une destruction importante des emplois si les travailleurs n'avaient pas décidé de transformer leur entreprise en coopérative. Dans le cas de la transmission d'entreprises saines, la plupart des entreprises ont été vendues aux travailleurs par leurs propriétaires qui n'ont pas trouvé de successeurs.

tableau 14. création de coopératives (affiliées) entre 2008 et 2011 Pourcentage des créations (2008-2011)

source: CG Scop

Créations ex nihilo

68,2%

Transmissions d’entreprises saines

12,7%

Rachats d’entreprises en difficulté par les travailleurs

7,3%

Transformations d’associations

10,4%

Transformations de coopératives

0,9%

Origines inconnues Total des créations de coopératives de travail associé et de sociétés coopératives d’intérêt collectif

0,4% 100%


la résistance du modèle coopératif - chapitre 2

CONCLUSION Bien que cette analyse ait été fondamentalement limitée parce qu’elle ne pouvait pas couvrir toutes les organisations membres de CECOP-CICOPA Europe, ni même le cas de l’Italie (premier pays en Europe en termes de nombre de coopératives de travail associé et de coopératives sociales), nous avons pu faire des observations intéressantes à partir des coopératives de travail associé espagnoles et françaises. Tout d'abord, la crise économique n'a pas épargné les coopératives de travail associé. Prises ensemble, elles ont connu des difficultés presque au même degré que les autres entreprises. Nous avons observé un changement dans la distribution des coopératives de travail associé par secteurs et nous pouvons donc conclure que la crise économique a entraîné ou a accéléré des changements structurels parmi ceux-ci. En général, les secteurs de la construction et de l'industrie ont connu une décroissance mais une augmentation dans le secteur des services a compensé cette perte. Cependant, nous pouvons aussi conclure que les coopératives de travail associé ont montré au cours de la crise économique des modèles légèrement différents des entreprises en général. En Espagne, les variations du nombre des coopératives de travail associé et des entreprises en général étaient semblables jusqu'en 2009 avec une baisse rapide du nombre d'entreprises et d'emplois. Mais depuis 2010, les coopératives de travail associé ont montré un ralentissement de la baisse dans les deux indicateurs et même une augmentation nette de l'emploi. En France, où les effets de la crise économique semblent être moins sévères qu'en Espagne, après une stagnation entre 2007 et 2009, tant les coopératives de travail associé que les entreprises en général ont montré une tendance à la reprise. On doit cependant noter deux choses. Tout d'abord, malgré leur bas taux de croissance, les coopératives de travail associé n’ont jamais diminué en termes de nombre d'entreprises et d'emplois (si ce n’est une légère diminution de l'emploi en 2009 seulement). Ensuite, le ralentissement de la croissance, ou le statu quo au pire des cas, s’est produit une année plus tard que dans les autres types d’entreprises. Ces observations tirées de l’expérience espagnole et française semblent nous permettre d'affirmer que les coopératives de travail associé ont été plus résistantes à la crise économique que les entreprises classiques. Quels sont les facteurs caractérisant les coopératives de travail associé qui leur ont permis de mettre en évidence ces dynamiques différentes? Nous examinerons les différents cas et les facteurs de résistance à la crise dans le chapitre suivant.

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

chapitre 3 analyse qualitative Par Elisa Terrasi

1.

introduction

Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, depuis la crise mondiale qui a éclaté en 2008, les membres nationaux affiliés à CECOP-CICOPA Europe ont généralement affiché un niveau plus élevé de résistance et d’adaptation au changement que les autres types d'entreprises de même taille et de mêmes secteurs. Dans le Chapitre 2, nous nous sommes concentrés sur l’analyse quantitative dans deux pays (la France et l’Espagne) où les données statistiques nationales sont suffisamment complètes et incontestables. Dans ce chapitre, nous procédons à une analyse qualitative en examinant des cas spécifiques de résistance à la crise, et nous essayons d’expliquer une telle résistance à travers différentes caractéristiques des coopératives, ayant à voir tant avec leur système de fonctionnement interne (prise de décision démocratique, contrôle économique par les membres, réserves coopératives, etc.) qu’avec les différentes modalités de coopération entre elles. Nous allons essayer d’approfondir les facteurs expliquant cette résistance par une analyse croisée des principes opérationnels qui sont au cœur de l'identité coopérative avec des constatations empiriques. Pour des raisons de méthodologie, nous regrouperons ces facteurs en trois niveaux différents d'analyse:   Niveau micro: les mesures mises en place à l'intérieur des entreprises coopératives dans les domaines de la gouvernance, de l’éducation, de la formation, de la gestion du capital, etc.   Niveau méso: la coopération entre les coopératives au niveau local, régional et national grâce à la création d'institutions de soutien aux entreprises : groupes, consortia, fédérations, etc.   Niveau macro: les politiques publiques et le cadre législatif permettant le développement des coopératives, la coopération internationale entre les coopératives et les fédérations coopératives. Il s’agit là de simples catégories analytiques. Dans la réalité, les niveaux micro, méso et macro sont étroitement liés.

2.

n iveau micro mesures internes mises en place par les coopératives

2.1. Contrôle démocratique L'identité et la rationalité des coopératives sont contenues dans leur définition et dans les principes opérationnels qui les mettent en œuvre qui, comme nous l'avons vu au Chapitre 1, font partie des standards mondiaux des coopératives approuvés par les organisations coopératives du monde entier dans le cadre de l'Alliance Coopérative Internationale (ACI), qui ont été ensuite internationalement reconnus par les gouvernements, les syndicats et les organisations d'employeurs par le biais de l'adoption de la Recommandation 193 de l'OIT sur la Promotion des coopératives.

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

La définition internationale stipule qu’une coopérative est « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement »49. De la définition ci-dessus, il s'ensuit que les coopératives sont des entreprises privées à part entière dans lesquelles la composante axée sur les membres (« association de personnes ») l'emporte sur celle de l’entreprise qui n’est qu’un instrument (« au moyen d’une entreprise »). Dans le même temps, ces deux composantes sont complémentaires: être une association de personnes (et non de capitaux) garantit que la satisfaction des besoins et des aspirations économiques, sociaux et culturels des membres de la coopérative est réalisée par le contrôle démocratique des membres eux-mêmes qui participent activement à la gouvernance et à la gestion de l’entreprise par le biais de droits de vote égaux (deuxième principe coopératif). Il convient également de souligner que les membres de la coopérative sont habituellement des parties prenantes-clés dans les collectivités locales, telles que les travailleurs, les producteurs, les consommateurs, les utilisateurs des services, les habitants, etc., et que les coopératives sont engagées à contribuer explicitement au développement durable de la communauté (septième principe coopératif)50. Dans le cas des travailleurs-membres (que l’on retrouve à la fois dans les coopératives de travail associé et sociales), la pratique du contrôle démocratique et de la propriété commune revêt une signification particulière en termes de participation des membres: le contrôle démocratique par le personnel de l'entreprise, exprimé par des droits de vote égaux (un membre-une voix, et non une part-une voix), implique que les négociations sur les stratégies de l'entreprise aient lieu au sein du personnel de celle-ci, ce qui a inévitablement une incidence considérable sur sa gestion, sa production, son développement et sur sa capacité d’anticiper les changements. En période de crise, cette caractéristique entraîne des décisions très rapides, tant conjoncturelles (telles qu’une réduction des coûts) que structurelles. Au mieux les travailleurs-membres sont informés et formés à la prise de décisions communes, au mieux ils pourront relever les défis d'une crise par la prise de décisions rapides, appropriées, et légitimes, et par leur mise en œuvre immédiate dans les processus de l'entreprise puisque les décideurs sont les mêmes que les exécutants. Le modèle de gouvernance coopérative appliqué aux travailleurs-membres est bien illustré par la coopérative de travail associé française Alma, une des entreprises leaders dans le domaine de l’informatique avec la conception de logiciels de découpe de la tôle. Basée à Saint-Martin d'Hères, proche de la ville de Grenoble, la coopérative a été fondée en 1979 par des chercheurs de l'université et est détenue à 100 % par ses 78 employés. Les activités d’Alma sont divisées en différents départements qui bénéficient d’une forte autonomie opérationnelle, à savoir des petites équipes dynamiques dirigées par un manager désigné par une décision du comité exécutif validée par les deux tiers des employés du département. Les membres de la coopérative ont identifié ce système démocratique d’organisation comme étant l’un des principaux piliers de la compétitivité de l’entreprise pendant la crise51. Et de fait, la croissance de l’entreprise a été continue tout au long de la crise, avec un chiffre d’affaires consolidé annuel de 10,4 millions d’euros, et un excédent croissant à plus de 15% en moyenne ces dernières années.

49

ACI, voir www.ica.coop

50

L a dimension sociale des coopératives, qui a été reconnue par la Constitution italienne et portugaise, est particulièrement évidente dans le cas des coopératives sociales et des coopératives de travail associé: les coopératives de travail associé créent et maintiennent des emplois; tandis que la caractéristique la plus distinctive des coopératives sociales est qu'elles définissent explicitement une mission d'intérêt général comme étant leur objectif principal et qu’elles mettent en œuvre cette mission dans la production directe de biens et de services d'intérêt général ainsi que dans l’insertion par le travail pour les groupes vulnérables.

51

GESCOP Poitou-Charentes, Quand les SCOP partagent leurs pratiques, disponible sur www.les-scop.coop

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« Si nous devions exprimer en un seul mot la contribution la plus positive des entreprises coopératives au développement global dans notre conjoncture historique actuelle, nous dirions, sans la moindre hésitation: le peuple » José María Arizmendiarrieta, fondateur de MONDRAGON


la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

Au cours de ces dernières années, CECOP-CICOPA Europe a enregistré parmi ses membres plusieurs exemples de dynamisme en termes d’élaboration et d’approbation démocratiques de solutions spécifiquement conçues pour survivre à la crise, se caractérisant généralement par des mesures à court et à long terme visant à la stabilité de l'entreprise au sein de sa communauté, ce qui signifie limiter les pertes d'emplois et les fermetures d'entreprises. À titre d’exemple de mesures d'économie financière à court terme, on peut citer celui de la coopérative roumaine Colin Daily Bucarest (industrie alimentaire) dont les membres, fin 2011, ont convenu, pour une période de temps limitée, d'opérer une réduction volontaire de leurs salaires, un gel des rémunérations et des indemnités du personnel administratif, et l’abandon des chèques repas qui avaient été accordés à tout le personnel. Ce choix fut le résultat d'une analyse commune visant à maintenir le cash-flow nécessaire à la viabilité de l'entreprise: « Dans leur double rôle, de membres copropriétaires du capital d’abord, de salariés de leur propre entreprise ensuite, les membres de la coopératives ont appliqué toutes les mesures possibles et nécessaires pour surmonter la crise »53. Des mesures comme la réduction temporaire des salaires ont été largement signalées par les membres de CECOP-CICOPA Europe depuis le début de la crise: ainsi, NAUWC, membre polonais de CECOP-CICOPA Europe, indique qu'un certain nombre de coopératives ont réduit temporairement les salaires de 10 à 25% et que, dans certains cas, le nombre de jours de travail a été réduit de cinq à quatre. Dans tous les cas, ces mesures approuvées démocratiquement ne sont que temporaires et exceptionnelles. Elles sont normalement prises lorsque la seule autre option serait de licencier une partie des travailleurs ou de fermer l'entreprise. En dehors de leur effet de maintien de l’emploi, de telles mesures sont particulièrement significatives en termes d'adaptation d'une activité économique à des périodes de crise et de maintien du savoir-faire de l'entreprise en dépit de la crise. Elles permettent en effet à l'entreprise de reprendre la production après son effondrement dès que sa situation se débloque et que les commandes reviennent. Vu qu’elles sont décidées démocratiquement, elles comportent un haut niveau de légitimité, et dès lors d’efficacité, puisqu’elles sont normalement mises en œuvre sans controverse.

52

UCECOM (Roumanie): extrait de la consultation 2012 de CECOP

53

S elon NAUWC, les coopératives de travail associé polonaises ont décidé de 1) réduire en 2010 leur production pour éviter des stocks de produits; 2) diminuer dans le même temps et temporairement de 10 à 25% les salaires des employés; 3) d’augmenter la fourniture de services. Les coopératives de services (comme les coopératives médicales) ont accru leurs prestations de services. Elles ont décidé de ne pas en augmenter les prix quand les autres l’ont fait de telle sorte que davantage de personnes en sont devenues les usagers.

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

 Un exemple issu du documentaire « Ensemble »

 Pologne La coopérative Muszynianka Une évolution coopérative réussie Muszynianka est une coopérative de travail associé située à Krynica-Zdrój, dans la région de Muszyna, proche de la frontière polonaise avec la Slovaquie, riche en eau minérale et vivant principalement de l’industrie du tourisme et de l’offre des soins de santé. Cette région, comme d'autres régions d'Europe centrale et orientale, a connu un énorme processus de restructuration en raison du passage d’une économie planifiée à une économie de marché et de l'adaptation économique profonde quia été nécessaire à son entrée dans l'Union européenne. Les coopératives qui avaient été établies avant ou pendant la période communiste ont été fortement touchées par ce changement, outre d’avoir été marquées à tort de « vestige du communisme ». La coopérative a été créée en 1951 pendant la période communiste comme coopérative de services à l'initiative de 10 membres et grâce à l'appui des autorités locales. Au début, elle fournissait des services (comme la coiffure, l’impression, la fabrication de chaussures et de vêtements) après quoi elle a commencé à produire des bonbons, de la viande, de l'eau et d'autres produits. Aujourd'hui, l’eau minérale représente 96% de sa production principalement destinée au marché national. L'exportation est secondaire (0,6% de la production totale). La coopérative compte 66 travailleurs dont 52 sont membres. Après 1989, avec la chute du régime d’économie planifiée, le conseil d’administration et le conseil de surveillance ont décidé de changer le type de production de la coopérative. « L'année 1989 ne fut pas favorable au mouvement coopératif parce que la transformation de l’économie a généré pour les coopératives des problèmes d’adaptation aux nouvelles conditions du marché. Les coopératives étaient généralement de petite taille, en mauvaise situation financière, en manque de travailleurs qualifiés et endettées en raison de taux d’intérêt élevés. Malheureusement, certaines coopératives ne parvinrent pas à s'adapter à l'évolution du marché et durent être fermées ou vendues », se souvient Maria Janas, la présidente de la coopérative. Par contre, Muszynianka a parcouru cette période difficile en s’adaptant aux changements énormes qui ont eu lieu dans le pays, et s’est restructurée complètement selon les principes opérationnels coopératifs, en particuliers ceux concernant la démocratie et l’autonomie. La coopérative est fortement ancrée dans son environnement territorial et notamment dans la région de Muszyna d’où proviennent les matières premières qu’elle utilise pour produire de l'eau minérale. « Nous ne pouvons produire notre eau nulle part ailleurs. Donc (…) nous nous occupons de l'environnement, nous avons investi dans sa protection et dans le développement de systèmes d'épuration pour sauvegarder la qualité de l’eau (…) Nous avons coopéré avec l'administration locale, des fondations et des associations qui travaillent depuis le début pour cette communauté. Nous soutenons l'hôpital, les écoles, les clubs de sport et les organisations de jeunesse. Tout ce qui se passe ici est pris en charge par notre coopérative », dit Maria Janas.

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Au cours des 5 dernières années, le nombre de travailleurs est resté stable de 60 à 70 personnes environ. Selon Maria Janas, la crise économique a été plus une opportunité qu'une menace pour eux: « Notre coopérative n'a pas ressenti les effets de la crise, bien au contraire, les niveaux de production et de vente ont augmenté de façon constante, indépendamment des conditions météorologiques estivales qui constituent un facteur déterminant pour la vente d'eau minérale. À mon avis, la crise ne nous a pas nuit, loin de là, nous avons eu l'occasion de nous positionner sur le marché de la meilleure façon possible pour gagner de nouveaux clients et nous avons également consolidé notre position en tant que marque et entreprise ». En fait, le chiffre d'affaires est passé de 20,9 millions d'euros en 2008 à 27,6 millions d'euros en 2011 (une augmentation de 32% en 3 ans, au milieu de la crise). Comme l’explique Maria Janas, conformément à la loi coopérative nationale, les membres doivent participer activement à la gestion de l'entreprise: « Trois quarts des membres doivent participer à l'assemblée générale annuelle, autrement il n’est pas possible de prendre une résolution (…) ils savent quoi faire, ils sont responsables du produit et s'identifient à leur coopérative. Ils sont conscients du fait que la coopérative est notre bien commun, personne de l'extérieur ne peut nous venir en aide ni nous nuire. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour nous-mêmes ».

2.2. Participation financière et accumulation de capital Selon le troisième principe coopératif, les membres d’une coopérative contribuent équitablement au capital de l'entreprise par une participation financière qui peut être symbolique ou plus substantielle, mais qui leur confère toujours une participation égale dans la propriété sans enfreindre le principe démocratique susmentionné. Le fait que chaque membre détienne une portion du capital social rend chaque membre responsable de son entreprise (ce qui, pour des travailleurs-membres, signifie leur propre avenir et la soutenabilité de leurs emplois), aussi les membres sont-ils enclins à assumer des risques pour sa croissance et son rétablissement. Un autre aspect de ce principe est qu'une partie limitée de l'excédent annuel est redistribuée aux membres non pas comme un retour sur investissement mais comme un rajustement de fin d'année du prix des transactions entre la coopérative et ses membres: dans le cas des coopératives de travail associé et des coopératives sociales, il s’agit d’une adaptation des rémunérations des travailleurs-membres; une autre partie de l'excédent annuel est généralement affectée à un fonds de réserve qui est la propriété commune de la coopérative (voir cadre dans la page suivante).

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

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Les réserves Selon le troisième principe coopératif, « … Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants: le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable… »54 : les réserves sont une pratique générale dans toutes les coopératives du monde entier, indépendamment de leurs activités et de leurs objectifs. Ces réserves sont une mesure essentielle pour assurer la viabilité financière de l'entreprise: elles compensent la limitation structurelle du capital social des coopératives et les protègent contre la volatilité de la dette et des marchés: il existe des coopératives ayant connu une forte croissance au fil du temps qui ont constitué des réserves financières dépassant de loin leur capital social55. Le principe ci-dessus mentionne la possibilité pour les réserves d’être impartageables: dans certains pays de l'Union européenne (la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal), l'indivisibilité des réserves est légalement obligatoire même après la liquidation de l'entreprise. Dans ces pays, en cas de liquidation d'une coopérative, les réserves sont transférées à une institution de promotion des coopératives telle qu’un fonds de développement coopératif. L’impartageabilité des réserves est un moyen clé d'exprimer le caractère transgénérationel des entreprises, ce qui explique à son tour la pérennité de leurs emplois. Elles peuvent en outre agir comme moyen de dissuasion contre une prise de contrôle par un acquéreur externe, qui ne pourra ainsi jamais prétendre au contrôle sur ces fonds.

La forte tendance qu’ont les coopératives d’accumuler le capital se révèle utile en temps de crise. Les réserves financières qui ont été constituées avant la crise permettent aux coopératives d’aller au-delà des mesures d’urgence à court terme mentionnées ci-dessus (comme les réductions temporaires de salaire) quand une crise arrive, et d’adopter des mesures orientées vers le long terme telles que les investissements technologiques ou d’apporter d'autres changements structurels dans le processus de production. À titre d'exemple, SCMVD, le membre tchèque de CECOP-CICOPA Europe, rapporte que: « même en temps de crise, nos coopérativesmembres ont obtenu des résultats remarquables: utilisation des nouvelles technologies (nanotechnologies par exemple); production de produits lustrant pour voiture à base de Téflon et de nanoparticules (exempts de silicone) pour les clients exigeants; pénétration des marchés asiatiques (parmi lesquels les marchés chinois et indonésiens) avec différents types de produits pour l'industrie automobile, etc. »56. CPS, membre slovaque, rapporte des innovations dans leurs produits et leur mise en vente en ligne57.

54

Voir www.ica.coop et www.ilo.org

55

oir Claudia Sanchez Bajo et Bruno Roelants (2011), Capital and the Debt Trap. Learning from cooperatives V in the global crisis, Basinstoke: Palgrave Macmillan, p. 125

56

Extrait de la consultation 2012 de CECOP-CICOPA Europe sur la crise

57

Extrait de la consultation 2012 de CECOP-CICOPA Europe sur la crise

« La clé de la prospérité mondiale: la propriété du travailleur. La propriété partagée aide à diversifier plutôt qu’à concentrer les richesses et enracine la valeur qu'elle génère dans les collectivités » The Guardian (4/01/2012).


la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

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Le membre roumain UCECOM a enregistré en 2009 plus de 180 produits et services liés à l'utilisation des nouvelles technologies ou de nouvelles activités, dans le domaine de la production d'énergie renouvelable par exemple. En Espagne, la coopérative de travail associé La Veloz a diversifié ses activités afin de surmonter la crise économique. Elle a commencé en 1993 comme un service de vélo éco-messager à Saragosse dans le but de fournir des emplois stables avec de bonnes conditions de travail, en travaillant de façon coopérative pour le bien social et écologique. Pour réduire l'impact de la crise, La Veloz a récemment lancé de nouvelles activités: un magasin de vente et de réparation de bicyclettes d'une part, et un service de conseils et de gestion proposé aux autres coopératives (juridique, comptable, relations de travail, etc.) d’autre part. Comme le déclare la coopérative, « aujourd’hui, notre section transport souffre plus que les autres activités. La coopérative a cependant réussi à réduire considérablement l’impact de la crise grâce à des progrès dans d'autres activités »58. Afin d’être en mesure d’engendrer de tels changements, les excédents économiques générés par la société n’ont pas été distribués aux travailleurs-membres mais affectés principalement aux fonds de réserve obligatoire et volontaire. Cela leur permet d'avoir une certaine latitude pour compenser le déclin de certaines activités. Malgré la crise, La Veloz a augmenté son chiffre d'affaires au cours des dernières années59.

 Un exemple issu du documentaire « Ensemble »

 ITALIE Les coopératives sociales Spazio Aperto Servizi, Simone de Beauvoir et La Cordata Quand l'innovation sociale est une stratégie à long terme pour la croissance même en temps de crise Depuis 2008 et la mise en œuvre conséquente des mesures gouvernementales d'austérité, les coopératives sociales italiennes doivent composer avec les effets économiques des coupes dans les budgets publics d'une part, et l'émergence de nouvelles formes de pauvreté et de marginalisation de l'autre. Cela signifie qu'elles doivent devenir moins dépendantes économiquement des autorités locales et renforcer leur position sur le marché. Les exemples suivants proviennent de l'expérience de trois coopératives sociales appartenant au Consorzio SIS de Milan (que nous présenterons plus avant dans ce chapitre). Ils montrent comment l’innovation sociale promue par les coopératives peut être une stratégie efficace d'anticiper les changements socio-économiques et les nouveaux besoins émergents tout en étant concurrentiel sur le marché.

58

Voir Autogéstion cooperativa: Algunas claves para minimizar el impacto de las crisis, disponible sur www. economiasolidaria.org Voir La Veloz se centra en la diversificación y la autogestión para superar la crisis, disponible sur www. empresaytrabajo.coop

59

« Les coopératives rappellent à la communauté internationale qu’il est possible d’allier la viabilité économique à la responsabilité sociale » Ban Ki-moon, Secrétaire-général de l'ONU


la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

Spazio Aperto Servizi (SAS) est une coopérative sociale italienne active depuis 1993 dans la zone métropolitaine de Milan. Elle propose des services sociaux, éducatifs et de santé; elle compte 350 membres dont 256 sont des travailleurs-membres. SAS travaille en portant un intérêt particulier aux besoins et à la participation active des citoyens, ce qui est considéré comme l'élémentclé pour définir une nouvelle stratégie novatrice et axée sur la communauté des citoyens. En effet, SAS est une coopérative à parties prenantes multiples, c’est-à-dire détenue et contrôlée par plusieurs types de membres (travailleurs, bénévoles, fournisseurs, organismes juridiques et familles des personnes handicapées impliquées dans la coopérative). Un exemple d’innovation générée par la coopérative est « Casoretto », un centre semi résidentiel qui propose depuis 1999 des services sociaux et de santé pour les personnes handicapées. Ce centre, né d’une initiative conjointe des familles de personnes handicapées et des travailleurs de SAS, veut offrir aux familles un service répondant aux besoins spécifiques des personnes âgées de 18 à 65 ans souffrant d’un grave handicap physique ou mental. La coopérative doit aujourd’hui accomplir sa mission sociale de réponses aux besoins émergents dans un nouveau contexte urbain caractérisé par des facteurs critiques comme la rareté des ressources économiques provenant des institutions publiques et l’augmentation simultanée des difficultés socio-économiques qui ont empiré depuis la crise. L'établissement de nouveaux partenariats à l'intérieur du secteur privé est une des stratégies mises en place par la coopérative afin de réduire sa dépendance à l'égard des fonds publics et de renforcer sa capacité d'investissements. De 2008 à 2010, la coopérative a enregistré une augmentation de 16% du nombre de ses travailleurs et de 18% de son chiffre d'affaires. La coopérative Simone de Beauvoir (SDB) est une coopérative sociale fondée en 1993 par 15 membres grâce à une spin-off d’une autre coopérative. Elle propose dans la région métropolitaine de Milan et dans l'arrière-pays des services de soins à domicile aux personnes âgées et aux adultes souffrant d’un handicap. En 2003, elle a créé le centre intégré de jour pour personnes âgées touchées par la maladie d'Alzheimer, sans doute la forme de démence la plus courante chez celles-ci. Ce centre est le fruit de l'expérience acquise au fil des années dans les services de soins à domicile: il était de plus en plus évident qu'il y avait un besoin de traitement spécifique pour les personnes souffrant de diverses formes de démence et pour lesquelles les soins à domicile ne pourraient pas représenter une réponse adéquate. Dans le même temps, une analyse des données sociales et de santé sur les personnes âgées, ainsi qu’une évaluation ciblée de la situation sur le territoire de Milan, ont confirmé la nécessité de fournir ce service spécifique. En 2004, la coopérative a été reconnue par le système régional d'accréditation et est donc formellement intégrée dans le système de santé régional. De 2008 à 2009, le chiffre d'affaires de la coopérative est passé de 1,2 à 1,5 million d'euros (une augmentation de 27% en un an). La Cordata est une coopérative sociale qui propose à Milan depuis 1989 à la fois des services de logement social et d'hébergement/tourisme à différentes catégories de personnes: touristes, étudiants, travailleurs, familles, étrangers, enfants, mères seules avec enfants, personnes handicapées. Elle offre l'accueil, le soutien social, l'éducation, le logement ou l’hébergement pour des périodes de court - moyen - long terme. La principale mission de la coopérative est de fournir, à l'échelle de la métropole milanaise, des solutions de logement temporaires pouvant accueillir tant des catégories vulnérables (mineurs d'âge, personnes handicapées, familles monoparentales, etc.) que les flux de personnes qui traversent Milan pour différentes raisons (travail, études, tourisme) et ont besoin

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

de logement à des prix compétitifs. Cette coopérative est un bon exemple de prise de risque entrepreneurial et de gestion de l’innovation. Silvia Bartellini, viceprésidente de la coopérative, fait remarquer: « notre entreprise montre comment les coopératives peuvent faire de l’innovation entrepreneuriale et de gestion (…). Depuis les années 80 et 90, d’importantes évolutions se sont produites à Milan, au sein des coopératives sociales: d’être à l’origine principalement des organisations proposant des services sociaux au nom des autorités locales, plusieurs coopératives commencent aujourd’hui à jouer le rôle de protagonistes dans le secteur des services concevant leurs propres interventions et investissant des capitaux dans de nouveaux projets ». Les coopératives sociales ont en effet développé des compétences spécifiques dans la conception de services grâce à leur connaissance de longue durée de la collectivité locale et des besoins de la population. Pour toutes ces raisons, la fourniture des services conçus par les pouvoirs publics n'est plus suffisante. De nos jours, les coopératives sociales se sentent prêtes à lancer leurs propres projets en partenariat avec les autorités locales. Cela a été possible aussi grâce aux compétences entrepreneuriales développées au cours des 30 dernières années et à la capacité de générer des excédents et de les réinvestir60. La coopérative est propriétaire de 5 logements sociaux et de structures d’hébergement à Milan: Zumbini Sei, une construction de 4500 m2, est le projet le plus important dans l'histoire de La Cordata. Il représente un gros investissement; la construction qui a coûté 4,5 millions d'euros a été financée par un prêt bancaire. Les services de logement social et de tourisme sont fournis tous les deux dans le même complexe: Zumbini Rooms, un hôtel à bas prix; Tandem, une auberge pour les étudiants vivant avec des jeunes personnes à risque de marginalisation (avec l'aide d’éducateurs); Erin qui comprend 4 appartements pour l'hébergement des mères avec enfants; un centre familial qui offre un soutien psychologique et éducatif pour les parents; et Jobox, un incubateur de soutien aux jeunes entreprises. Zumbini Sei est situé dans le Village Barona (appartenant à la Fondation Cassoni), une des premières et des plus importantes expériences dans le domaine du logement social à Milan: une zone abandonnée de 40.000 m2 où la nouvelle pauvreté va grandissant, dont l’objectif est de créer des possibilités de développement communautaire. La Cordata a augmenté son chiffre d'affaires qui est passé de 2.584.284 euros en 2008 à 2.932.578 euros en 2010 (soit une augmentation de 13% en deux ans, en dépit du ralentissement économique).

60

ar exemple, La Cordata a mis au point un système interne de gestion de la performance: tous les trois P mois le personnel administratif rend un rapport économique et financier détaillé de tous les services afin de planifier rapidement les interventions de gestion nécessaires. Cet instrument, avec le plan d'activités annuel qui est vérifié tous les trois mois par le biais du rapport financier et économique, a beaucoup augmenté la fiabilité de la coopérative, ce qui facilite les relations avec les banques.

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

3.

n iveau meso le rôle de l’inter-coopération dans la résistance à la crise et la croissance des coopératives

Le fonctionnement coopératif est construit sur un autre important principe opérationnel (le sixième) relatif au mouvement coopératif dans son ensemble auquel les coopératives appartiennent et contribuent. Ce principe d'inter-coopération est mis en œuvre à travers la création et le développement de différentes entités telles que les institutions d'appui, les consortia et les fédérations et joue un rôle essentiel dans le développement à long terme des coopératives. À son tour, la pratique de l'inter-coopération renforce le quatrième principe coopératif (autonomie et indépendance des coopératives) puisque les institutions de soutien appartiennent aux coopératives qui ont contribué activement à leur création. Même si les coopératives collaborent souvent avec les pouvoirs publics dans le cadre des marchés publics, des concessions, etc., les institutions qui soutiennent les coopératives constituent la principale source du développement coopératif parce qu'elles ont été conçues pour satisfaire les besoins développementaux spécifiques des coopératives. Ce sixième principe opérationnel des coopératives est également lié au septième et dernier, qui stipule que les coopératives devraient avoir un engagement particulier envers la collectivité qui les entoure. Les deux principes fournissent une vision qui transcende clairement l’entreprise individuelle.

3.1. L a création et le développement des institutions d’assistance aux entreprises   Le financement Les enquêtes annuelles menées sur la crise par CECOP-CICOPA Europe depuis 200961 montrent que l'accès au financement a nettement empiré pour les coopératives de travail associé et sociales et les autres entreprises détenues par leurs travailleurs, dans la conjoncture économique actuelle en raison surtout des difficultés dans l'obtention des prêts bancaires, de l’augmentation des taux d'intérêt et des retards de paiement des autorités publiques: ce qui pourrait constituer un énorme obstacle pour les investissements et la croissance des entreprises et pourrait même menacer leur survie, surtout pour les plus petites. Pour lutter contre de telles tendances négatives, dans certains pays européens, une partie de l'excédent de fin d'année est utilisée pour le développement des coopératives au niveau national: ainsi en Italie une loi oblige toutes les coopératives qui dégagent des résultats positifs à transférer 3% de leurs excédents sur un fonds de solidarité. Le rôle joué par ces fonds est plus que jamais essentiel en ces temps de crise: certains sont entièrement consacrés au secteur coopératif (Coopfond et Fondosviluppo en Italie ou SOCODEN en France), d'autres le sont à l'économie sociale au sens large (ESFIN-IDES en France, Soficatra et CoopEst au niveau européen). Ces fonds ne sont pas « purement » financiers, ce sont de véritables organisations de développement qui proposent des services d’avis et de suivi dans différents domaines tels que la transmission des entreprises en crise, le démarrage d'entreprises, le développement et la modernisation de l'entreprise et utilisent différents instruments financiers, tels que les prêts subordonnés, le capital-risque, les certificats participatifs ou les fonds de garantie62.

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Disponible sur le site web de CECOP-CICOPA Europe, www.cecop.coop

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evi A. et al. (2011), Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Finance, Création de richesse dans la durée, Z Bruxelles: CECOP Publications

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La création de SOCODEN en France est un exemple intéressant de soutien financier dédié au développement des coopératives. SOCODEN est le principal instrument de financement interne créé en 1965 par le mouvement des coopératives de travail associé français, financé par une partie du chiffre d'affaires de toutes les coopératives de travail associé affiliées qui enregistrent un résultat positif. Les fonds sont ensuite affectés par SOCODEN à des projets spécifiques destinés à répondre aux besoins des coopératives de travail associé à tous les stades de la vie de l'entreprise, du démarrage et des rachats, aux opérations de croissance externe et de développement, généralement sous forme de prêts ou de titres participatifs. 150 projets de développement d’entreprises sont mis en œuvre chaque année avec SOCODEN et ses filiales. Les démarrages et les rachats par les travailleurs d'entreprises en crise représentent 35% du total, les opérations de développement 37%, l’octroi de garanties 19% et la transmission d'entreprises saines à leurs travailleurs 10%.   Consultation, renforcement des capacités et formation Les instruments financiers sont généralement accompagnés par d'autres institutions actives dans les domaines du renforcement des réseaux, de la formation, etc. Le Centre coopératif du Pays de Galles (Royaume-Uni) est le premier organisme qui propose des conseils d’experts aux coopératives du Pays de Galles. Le Centre a accumulé près de 30 années d'expérience dans l’aide à la planification du transfert des entreprises aux travailleurs et au développement des coopératives de travail associé dans différents secteurs, dont l’exploitation minière, l’industrie, l’édition et la formation. L’équipe spécialisée dans la reprise d’entreprises donne des conseils sur les modèles appropriés d’entreprises propriété de leurs travailleurs, examine la manière dont différents mécanismes financiers (« Employee Benefit Trusts » et « Share Incentive Plans ») peuvent être utilisés pour aider au processus de transfert, à trouver des financements, à établir un plan d’affaires et répond aux problèmes de gestion et de gouvernance63. Ainsi, PrimePac Solutions Ltd est une coopérative de travail associé qui a été créée grâce à l'appui du Centre coopératif du Pays de Galles. Elle exerce des activités de mise en bouteille, d’ensachage et de mise en tubes de produits pour ses clients au nombre desquels on compte des marques de premier plan du secteur de la santé et des soins à la personne. La coopérative a été créée lorsque son ancien propriétaire, la Budelpack Rumney, a décidé de quitter le Pays de Galles. Lorsque la nouvelle a éclaté que la compagnie n’allait pas réinvestir dans la région, un groupe de travailleurs a envisagé un plan de succession et, grâce au soutien du Centre coopératif du Pays de Galles, ils ont décidé d'investir leurs indemnités de licenciement dans la mise en place d'une nouvelle société

En termes d'impact sur la collectivité, le rôle joué par le Centre coopératif du Pays de Galles est énorme: l'économie du Pays de Galles repose en grande partie sur les PME, avec plus de la moitié de l’emploi du secteur privé dans les entreprises de moins de 250 personnes, dont 33% sont des micro-entreprises, des entreprises de moins de 10 personnes. Ces entreprises sont généralement la propriété de leurs bailleurs de fonds qui quittent l'entreprise, le plus souvent à la retraite ou parce qu'ils ont perdu tout intérêt, ou encore parce qu’ils veulent retirer leurs investissements pour les placer ailleurs. Beaucoup d'entre elles disparaissent chaque année parce que la succession est mal gérée. Les entreprises propriété des travailleurs représentent déjà une valeur d’un milliard de £ dans l'économie du Pays de Galles et emploient 7.000 personnes. Une étude menée par la Cass Business School sur ces entreprises à travers la Grande-Bretagne a montré que les entreprises propriété des travailleurs étaient plus résistantes à la récente récession que leurs concurrentes et qu’elles en sont sorties plus rapidement. Au Pays de Galles aujourd'hui, 47% des PME s’attendent à une croissance au cours des 12 prochains mois contre 57% pour les coopératives. Voir William Davies et Jonathan Michie (2012), Employee Ownership: Defusing the business succession time bomb in Wales, University of Oxford: Wales Co-operative Centre, disponible sur www.walescooperative.org, p.12

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dont ils seraient propriétaires. Le Centre coopératif du Pays de Galles leur a surtout prodigué des conseils juridiques et à la planification des activités et a aidé la société à avoir accès aux financements auprès de « Co-operative and Community Finance, Finance Wales » et du gouvernement du Pays de Galles. 19 travailleurs étaient nécessaires pour démarrer la nouvelle société. Après de longues négociations, les travailleurs ont réussi à racheter à Budelpack l'équipement nécessaire et ont commencé à produire en octobre 2005. L'entreprise emploie aujourd’hui 22 travailleurs permanents et entre 10 et 20 agents temporaires. Depuis 2008, la coopérative a augmenté son chiffre d'affaires et ses bénéfices: en 201264, elle a enregistré environ 1,9 million de £ en chiffre affaires (au lieu de 1,1 million de £ en 2008) et emploie 26 travailleurs (contre 16 en 2008). Un autre cas intéressant en Europe, comme il l'a été souligné dans un rapport de l'OIT de 2009, se réfère à Coompanion, le membre suédois de CECOP-CICOPA Europe: « la Suède dispose d’un réseau de 25 agences de développement coopératif qui font la promotion des coopératives de travail associé depuis 1985 promouvant la création d'emplois même quand une grave crise financière a affecté le pays à la fin des années 1980 (italique ajoutée). Ensemble, elles soutiennent chaque année le démarrage de 200 à 400 nouvelles coopératives. 500 coopératives environ sont membres de leur association, dont la plupart sont des coopératives de travail associé. Cependant, elles ne se limitent pas aux coopératives de travail associé mais promeuvent d'autres types de coopératives: de consommateurs, de producteurs ou de multi-parties prenantes »65. Les Unions régionales de coopératives de travail en France sont des agents essentiels dans la promotion de start-ups et de développement de coopératives et dans les transmissions d’entreprises aux travailleurs, en coordination étroite avec SOCODEN (voir ci-dessus) et d’autres institutions financières du mouvement coopératif telles que ESFIN-IDES ainsi que la banque coopérative Crédit Coopératif. Les consultants des Unions régionales visitent les nouvelles coopératives au moins deux fois par an au cours de la première année, ensuite au moins une fois par an, assurant ainsi un suivi effectif et diminuant substantiellement le risque d’échec66. Dans les transmissions d’entreprises aux travailleurs, le rythme des visites peut même atteindre une ou deux fois par semaine au début, comme nous allons le voir dans l’exemple suivant.

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Données de mars 2012

65

J . Birchall and L.H. Ketilson (2009), Resilience of the Cooperative Business Model in Times of Crisis, Genève: ILO p.32

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Voir le site web de CG Scop, www.les-scop.coop.

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 Un exemple issu du documentaire « Ensemble »

 FRANCE Fonderie de l'Aisne Un cas réussi de rachat d’une entreprise par les travailleurs La Fonderie de l'Aisne, une fonderie située dans le nord-est de la France dans la région Picardie, est un bel exemple d'une entreprise en faillite transformée en coopérative florissante. Elle produit des pièces en aluminium, principalement pour les poids lourds, les bateaux, les chaudières, les signaux de signalisation pour les aéroports, etc. Elle est la seule en France à proposer ce type de produits. La Fonderie de l'Aisne est née après la liquidation judiciaire de la Fonderie Denis, créée en 1930 par la famille Denis. En 2006, la Fonderie Denis a considérablement réduit le nombre de ses travailleurs qui passent de 220 à 89, à cause de la défaillance d’un de ses principaux clients dans l’industrie automobile, dont l’entreprise était alors hautement dépendante. Entre septembre et octobre 2008, les commandes dans l'industrie automobile se sont effondrées, emportées par les vagues de la faillite de Lehman Brothers: le chiffre d'affaires mensuel a chuté de 750.000 euros en septembre 2008 à 200.000 euros en octobre de la même année. Aussi, en mai 2009, l'entreprise a été mise en liquidation. Cependant, en mars 2009, Pascal Foire, directeur de production de l’entreprise depuis 2005 et Catherine Maurice, comptable, envisagèrent un nouvel avenir pour la société. Ils avaient entendu parler d'autres fonderies transformées en coopératives en France: ils décidèrent donc de leur rendre visite pour savoir comment elles l'avaient fait. Ils visitèrent la fonderie Mécanique Lensoise et la fonderie de la Bruche où ils eurent l'occasion d'en apprendre davantage sur les coopératives. Pascal Foire et Catherine Maurice demandèrent ensuite à 26 travailleurs de l'ancienne Fonderie Denis de se joindre à eux pour créer une coopérative qui leur permettrait de sauver leurs emplois. 22 d'entre eux acceptèrent. « Nous avons pris la décision d'investir dans le capital afin que l'entreprise puisse redémarrer et que nous puissions garder notre travail … Et du travail, aujourd’hui, il n'y en a pas beaucoup … » fait remarquer Bruno Coet, un travailleur de la coopérative. Ce résultat ne fut pas facile à atteindre: en mars 2009, le plan de création d’une nouvelle coopérative qu’ils présentèrent au juge ne fut pas approuvé. Ils ne renoncèrent pourtant pas. Dès le tout début, le système coopératif français a joué un rôle important dans le soutien de leur initiative. Olivier Vangrimberghe qui a suivi cette entreprise à l'Union régionale des coopératives de travail associé raconte: « Ils avaient besoin de beaucoup d'informations, nous avons donc essayé de les maintenir en contact avec différents chefs d'entreprise, des institutions et des partenaires pour les aider à démarrer le projet ». Ils se sont rencontrés deux fois par semaine pendant les deux premiers mois pour travailler ensemble sur le projet de rachat. Et il ajoute: « Le dossier présenté par l'Union régionale a été préparé et évalué par des consultants et des experts qui ont donné leur avis sur la question de savoir si le mouvement coopératif pourrait le financer ».

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Après un mois seulement d'interruption de la production, la coopérative redémarrait le 9 juin 2009. Les travailleurs ont non seulement pris le risque d'investir dans la société, mais ils ont aussi cédé 50% de leurs indemnités de chômage. En tout, ils ont apporté 399.720 euros pour le capital nécessaire à l’établissement de la coopérative, ce qui représente la majeure partie du capital de démarrage. Ils ont décidé que chaque travailleur devait contribuer à concurrence de 23.100 euros, une décision qu’ils ont prise démocratiquement entre eux. Étant donné que tous ne disposaient pas de ce montant, la coopérative retient aujourd’hui 3% du salaire net des travailleurs qui n'ont pas réussi à réunir les 23.100 euros. Les autres contributeurs au capital de démarrage sont des structures de gouvernement local, la Banque coopérative Crédit Coopératif, SOCODEN et la Fondation France Active67. Le chiffre d'affaires est passé de 1,3 million d'euros en 2009 à 3,3 millions d'euros en 2011. La coopérative affecte les deux-tiers du bénéfice annuel aux réserves, comme approuvé par l'assemblée générale; le reste est distribué à tous les travailleurs. « Aujourd'hui nous savons que nous travaillons pour nous. Nous savons que nous ne travaillons pas pour un groupe financier qui pourrait piller l’entreprise pendant plusieurs années et puis la fermer ou la délocaliser », dit Pascal Foire, directeur de la Fonderie de l'Aisne.

La promotion de l'information, de l'éducation et de la formation inscrite dans le cinquième principe coopératif n’est pas seulement un instrument, mais une condition préalable pour un déploiement efficace de la rationalité et de l'identité coopérative à tous les niveaux du processus entrepreneurial: dans les coopératives, on voit clairement à quel point l’information est un facteur-clé pour parvenir à un partage participatif des responsabilités et d'éviter les asymétries d'informations au sein de l'entreprise68. La formation est aussi l'une des missions principales des institutions d’appui aux entreprises au niveau méso puisqu’elles sont au cœur du développement coopératif lui-même: les travailleurs-membres peuvent difficilement prendre les décisions d'entreprise appropriées s’ils ne sont pas correctement formés.Toutes ces caractéristiques sont particulièrement pertinentes en période de crise; en affaires, sagacité et décisions rapides sont des facteurs-clés de la survie et du développement d'une entreprise. À titre d’exemple, le conseil d’administration de NUWPC - membre bulgare de CECOP-CICOPA Europe - a chargé l'Université de l’économie nationale et mondiale de mener une étude pour développer un projet pilote de développement d'un réseau de vente au détail pour le système coopératif. L'étude, qui a débuté fin 2010, a montré la nécessité de développer le réseau de vente au détail afin de faciliter la vente des produits des coopératives. Suite à ce projet, le Centre de formation professionnelle de NUWPC a initié en mai 2012 un programme de formation spécifique pour les directeurs de vente de toutes les coopératives de l'Union. Ce programme de formation mettra l'accent sur

Le capital de départ de la coopérative a été souscrit par: SOCODEN (60.000 euros), le Conseil régional et le Conseil général (150.000 euros), la Fondation France Active (60.000 euros), la banque coopérative Crédit Coopératif (84.000 euros) et les travailleurs (399.720 euros)

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laudia Sanchez Bajo et Bruno Roelants (2011), Capital and the Debt Trap. Learning from cooperatives in C the global crisis, Basinstoke: Palgrave Macmillan, p. 122

« On a dit que les coopératives sont un mouvement économique qui utilise l'action éducative, mais la définition peut ainsi être renversée et dire qu'elles sont un mouvement éducatif qui utilise l'action économique » José María Arizmendiarrieta, fondateur de MONDRAGON


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le système de gestion des activités commerciales, l’ouverture de nouveaux magasins, le développement d’une marque spécifique, etc. Complètement financé par NUWPC, il répond à une stratégie entrepreneuriale spécifique visant à renforcer la présence des coopératives sur le marché69 et à amorcer un processus d'intégration horizontale pour les coopératives à l'intérieur de l'Union. La politique de marché de NUWPC est également orientée vers la création d'une production conjointe avec d'autres coopératives dans toute l'Europe. En Espagne, où selon Eurostat le taux de chômage des jeunes était le plus élevé d’Europe en février 2012 (50,5%)70, COCETA - membre espagnol de CECOP-CICOPA Europe met au point un programme appelé « Aulacoop » qui est un espace virtuel adressé aux jeunes qui veulent savoir ce qu’est une coopérative de travail associé et connaître son mode de gestion71. Actuellement, la « classe virtuelle » propose les cours suivants: introduction aux coopératives, gestion de l'entreprise coopérative, être membre d'une coopérative de travail associé, systèmes de gestion de la qualité, comptabilité coopérative, responsabilité entrepreneuriale dans les coopératives. En outre, dans chaque région, des cours et d’autres activités de formation sont également organisés, principalement dans les universités et les collèges. Certaines universités ont des centres coopératifs tels que le Centre de recherche coopérative (Cecoop) à l'Université de Santiago de Compostela, l'Université de Valence et l'Université Complutense de Madrid72. Les fédérations jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des programmes spécifiques de recherche et développement: ainsi, CONFESAL, un membre espagnol de CECOPCICOPA Europe, a signé une entente avec l'Université de MONDRAGON pour étudier la participation financière des travailleurs et envisage également de créer un groupe de travail sur la participation financière des travailleurs avec les deux principaux syndicats espagnols (CCOO et UGT). La CG Scop, membre français, mène une recherche approfondie parmi ses membres pour mieux comprendre les stratégies et les pratiques dans les rachats d’entreprises sous la forme de coopératives de travail associé et les attentes du mouvement coopératif sur ces questions. Cette recherche renforcera l’intérêt croissant et la formation des gestionnaires à la fois aux aspects juridiques et financiers. Cela aidera les Unions régionales de la CG Scop dans leurs rôles importants d'accompagnement de groupes de personnes à la création de coopératives, de soutien dans les domaines économiques, juridiques et financiers et de conseils aux coopératives nouvellement créées dans l'établissement et la mise en place d'outils de surveillance appropriés et de formation à la gestion coopérative.

3.2. Regroupement et mise en réseau entre les coopératives Même s’il fonctionne de façons différentes et à des degrés divers selon les contextes nationaux, le sixième principe coopératif susmentionné (coopération entre les coopératives) est un instrument irremplaçable aux mains des coopératives. Il leur permet de capitaliser leurs activités économiques et leurs ressources humaines et de devenir plus concurrentielles sur le marché. Le regroupement entre coopératives peut être réalisé de différentes manières: de simples réseaux il peut évoluer vers des consortia (coopératives de coopératives) et des groupes plus grands et plus intégrés. Ces structures ont les

69

ela se fera grâce à la mise en œuvre d'un certain nombre d'actions: 1) une recherche de marketing C basée sur des petites séries, qui devraient être multipliées par la suite; 2) une plus grande efficacité dans la vente puisque les prix seront déterminés par le fabricant ; 3) la création de bureaux de design pour certaines des coopératives qui veulent créer leurs propres modèles novateurs

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Eurostat, Statistiques sur le chômage, données en février 2012, disponible sur le site web de Eurostat, www.epp.eurostat.ec.europa.eu

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Voir le site web, www.aula.coop

72

oir l’article de CICOPA: M. Vilnitzk, Les coopératives: une autre manière de sortir de la crise pour les V jeunes, Travailler Ensemble, (octobre 2011- Numéro 5), disponible sur www.cicopa.coop

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caractéristiques communes d’être horizontales et de refléter la gouvernance démocratique des coopératives individuelles. La plupart des membres de CECOP-CICOPA Europe s'accordent sur la valeur ajoutée que représentent les stratégies de regroupement et de mise en réseau et, dès le début de la crise, un certain nombre d'initiatives dans ce sens ont été lancées. Quelques exemples: NAUWC (Pologne) a signalé la création récente de trois groupes dans le secteur de l'industrie (métallurgie, médical et pêche)73; en juin 2011, le Consorzio Cooperative Costruzioni (CCC) basé à Bologne et le Consorzio Ravennate (les deux plus grands consortia coopératifs italiens) ont fusionné, augmentant ainsi la compétitivité de leurs coopératives en matière de marchés publics; en effet, le consortium ainsi créé agissant comme entrepreneur général dans le cadre des appels d'offres publics peut proposer à ses coopératives membres une offre de services encore meilleure; son chiffre d'affaires combiné est de 6 milliards d'euros avec plus de 300 coopératives-membres sur tout le territoire national et plus de 20.000 personnes employées74. En Espagne, COCETA a signalé la création récente de groupes, sous la forme de coopératives de deuxième degré, pour fournir davantage de services aux coopératives individuelles grâce à la réduction des coûts et à la promotion de la création de réseaux sectoriels d'entreprises75. La publication espagnole « Empresa y Trabajo » sur les coopératives de travail associé rapporte qu' « une stratégie mise en place par les coopératives pour faire face aux périodes difficiles consiste à constituer des groupements, des réseaux; grâce à l'instrument de l’inter-coopération ou d’autres formes juridiques d'association elles peuvent réduire les coûts (partage de l’administration, des installations, etc.) et accéder aux appels d'offres à une plus grande échelle »76. Un autre exemple est donné par Federlavoro, un membre italien de CECOP-CICOPA Europe, qui a mis au point des mesures de soutien stratégique pour le développement du rendement énergétique des bâtiments et des initiatives intégrées pour la production d'énergies renouvelables. Dans ce cadre, Federlavoro a favorisé la naissance du « Réseau coopératif CONESCo » parmi les « ESCo », à savoir les sociétés de services énergétiques affiliées à Confcooperative (l'organisation italienne de coopération intersectorielle dont fait partie Federlavoro) opérant dans les régions méridionales des Pouilles, de la Calabre, de la Campanie et de la Sicile. La naissance de ce réseau a été facilitée par le cadre réglementaire national qui a rendu disponible un nouvel outil juridique appelé le « contrat de réseau » et par les politiques nationales et régionales concernant le développement énergétique durable. Les réseaux d'entreprises réglementés en vertu de cette nouvelle loi sont, du point de vue économique, une association libre d'entreprises dans le but d'augmenter leur compétitivité et l'innovation. Le contrat de réseau est une nouvelle forme juridique créée en 2009 pour permettre aux entreprises de développer des réseaux entre elles tout en maintenant leur autonomie individuelle, régissant leurs relations juridiques sur la base d'une collaboration permanente sur les objectifs stratégiques.

73

CECOP-CICOPA Europe 2011: consultation sur la crise, voir www.cecop.coop

74

ECOP-CICOPA Europe 2011: consultation sur la crise et communiqué de presse Fusione fra CCC C Bologna e Consorzio Ravennate: Puntiamo al vertice delle costruzioni in Italia, disponible sur http://www. consrav.net; voir aussi www.ccc-acam.it

75

ECOP-CICOPA Europe 2011: consultation sur la crise, disponible sur le site web de C CECOP-CICOPA Europe: www.cecop.coop

76

e esta crisis tenemos que salir reforzados. Buenos ejemplos de cooperativas que están logrando capear el D temporal, (juillet - septembre 2010), disponible sur www.empresaytrabajo.coop

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 Un exemple issu du documentaire « Ensemble »

 ITALIE GROUPE CGM (CONSORZIO GINO MATTARELLI) Un réseau d'excellence dans la production de services de protection sociale Créé en 1987 (avant l'introduction en 1991 de la loi 381 sur les coopératives sociales), CGM est le plus grand groupe italien de coopératives sociales, comprenant 969 coopératives et 80 consortia coopératifs dans toutes les régions de l'Italie avec un effectif total de 45.000 travailleurs (dont environ 10% sont des personnes défavorisées) et un chiffre d'affaires global de 1,1 milliard d'euros qui, en dépit de la crise, a augmenté de 15% entre 2008 et 2010. 700.000 familles italiennes profitent des différents services offerts par les coopératives du groupe, principalement dans les domaines de la protection sociale, des soins de santé et de l’éducation. CGM fournit à ses coopératives-membres une plateforme nationale pour l'échange d'informations, de savoir-faire et de formations. Claudia Fiaschi, présidente de CGM, affirme que le consortium a vu « une croissance et non pas une diminution du capital social des membres ces dernières années, avec une augmentation de l'actif net. Les instruments de coopération sont non seulement un élément de la résistance, mais aussi du renouveau de l'entreprise ». Les instruments mis en place par CGM au cours de ces dernières années sont un très bon exemple de stratégie pour la croissance et l’anticipation du changement (y compris pendant les crises): en 2006, CGM se reconfigure en groupe paritaire (« gruppo paritetico »), une nouvelle figure juridique en Italie et établit huit filiales, contrôlées par ses consortia locaux et spécialisées dans des domaines différents: Accordi (environnement et placement au travail); Comunità solidali (services sociaux); Luoghi per crescere (éducation); Mestieri (orientation professionnelle et formation); CGM Finance (financement); Solidarete (internationalisation); Connecting people (inclusion sociale des migrants) et Welfare Italia (services de santé). Selon Claudia Fiaschi, Welfare Italia « ce ne sont pas des soins de santé à bas prix. C'est une offre de cliniques spécialisées distribuées à travers le pays, dont le but est de générer une offre de soins de santé d'excellente qualité et à des coûts abordables pour les collectivités locales ». Alors que le système CGM a grandi progressivement du niveau local au niveau national dans une dynamique « du bas vers le haut », ce système complexe de services avec des filiales a été développé de l'échelle nationale au niveau local, par l'application de ses enseignes et de ses services dans des initiatives locales qui sont directement prises en charge dans leurs propres communautés par les consortia de coopératives du groupe. « Ce cadre est le point de départ pour la création d'un système de protection sociale basée sur les nouveaux besoins exprimés par les collectivités » - ajoute Claudia Fiaschi - « Nous sommes très désireux de combiner tous les processus qui créent de l'emploi, du développement économique et de la redistribution de richesse dans les communautés, avec un engagement pour l'environnement ».

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 Un exemple issu du documentaire « Ensemble »

 ITALIE CONSORZIO SIS (SISTEMA IMPRESE SOCIALI) Une excellence dans le domaine de l'innovation sociale et de la stratégie entrepreneuriale Consorzio SIS est un des 80 consortia de coopératives du groupe CGM (voir ci-dessus). Consorzio SIS est né en 1995 à Milan de la fusion de deux anciens consortia de coopératives actives dans la région milanaise depuis 1988. Consorzio SIS regroupe aujourd'hui 30 coopératives dans la zone métropolitaine de Milan et fournit des services sociaux tels que les soins aux enfants, aux personnes âgées et handicapées, l'insertion dans le marché du travail de groupes cibles et le logement social. Consorzio SIS fournit un bon exemple de comment le système de consortia/ groupes de coopératives fonctionne au niveau local. Il propose différents services à ses coopératives-membres comme la mise en place de nouvelles coopératives par spin-off et le soutien dans les différentes étapes de développement de l'entreprise, les conseils financiers et comptables, la formation, le soutien à la conception de systèmes de gestion de la qualité, la recherche des moyens de financement, la gestion de projet, l’entrepreneuriat général pour les marchés publics, etc. Le consortium s'étend très rapidement entre 1999 et 2003, quand il établit aussi de nombreux partenariats et relations avec des associations locales et les pouvoirs publics. Au cours des quatre dernières années, en réponse aux nouveaux défis, notamment la réduction des budgets publics, Consorzio SIS a changé d’orientation, d'être « principalement un incubateur d'entreprises (…) à une fonction plus stratégique de l'orientation de la production des coopératives selon les besoins des nouveaux marchés », comme l'affirme Stefano Granata, président de Consorzio SIS. A titre d’exemple, Consorzio SIS a décidé de créer le centre médical Welfare Italia Solari6. La clinique a été créée en juin 2011 après l’acquisition et la rénovation de l’ancien centre médical Solari, grâce à un investissement d’environ 1,8 million d’euros fourni par les coopératives sociales affiliées à Consorzio SIS. Welfare Italia Solari6 adhère à la marque nationale Welfare Italia Servizi de CGM (voir ci-dessus), et propose un système de santé avancé fournissant ce qui est classifié comme des services de « médecine légère », comme la dentisterie, la gynécologie, la physiothérapie, etc. L'objectif principal de ce projet est de répondre aux nouveaux besoins des populations pauvres de la zone métropolitaine de Milan; comme le dit Stefano Granata: « la crise économique a accentué les besoins fondamentaux des individus (…) ils ont plus de difficulté à accéder aux services de santé (…) Nous voulons permettre aux citoyens un accès abordable aux soins de santé de haute qualité ».

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Ce centre médical est un projet important lancé par Consorzio SIS en termes de stratégie et d’innovation sociale et d’entrepreneuriat: « cette expérience est une réussite - ajoute Stefano Granata - et je dirais que son importance réside non seulement dans ce que nous pouvons offrir aux utilisateurs, mais aussi dans l'agrégation que nous avons été en mesure d'atteindre entre les coopératives en termes d'investissements, mais aussi avec d'autres entreprises et les membres de la collectivité ». La stratégie mise en place par le consortium semble être payante: selon le rapport de responsabilité sociale 2010 de Consorzio SIS, le chiffre d'affaires consolidé du consortium est passé de 29 millions d'euros en 2008 à 44 millions d'euros en 2010 (une augmentation de 33%); en outre, si nous comparons les données sur l'emploi, nous observons que la main d’œuvre au sein du Consorzio SIS est passé de 1.741 à 1.861 personnes durant la même période (une augmentation de 7%), tout en maintenant à environ 10% la proportion de travailleurs désavantagés.

tableau 15. c hiffre d’affaires consolidé et emploi dans le consorzio sis (en ce compris les travailleurs défavorisés)

chiffre d’affaires consolidé nombre de travailleurs nombre de travailleurs défavorisés Source: Consorzio SIS

2008

2009

2010

29.555.272

37.951.330

44.280.864

1.741

1.760

1.861

199

150

182


la résistance du modèle coopératif - chapitre 3

 Un exemple issu du documentaire « Ensemble »

 ESPAGNE Le Groupe MONDRAGON Un exemple emblématique d’un groupe horizontal d’entreprises MONDRAGON est un groupe de plus de 110 coopératives situé dans la communauté autonome basque de l'Espagne autour de la petite ville de Mondragón/Arrasate. Le groupe est principalement actif dans l'industrie, mais aussi dans le commerce de détail, les services bancaires, l'agriculture, les services, l'éducation et la recherche. Le groupe MONDRAGON trouve son origine en 1943, quand un prêtre catholique, Jose Maria Arizmendiarrieta, qui serait l'un des principaux inspirateurs de cette expérience coopérative, a créé une école de formation professionnelle dans la ville de Mondragón. En 1956, une poignée d'étudiants de l'école ont créé une première coopérative industrielle sur la base du modèle des coopératives de travail associé bientôt suivie par quelques autres: ces coopératives ont d’abord formé entre elles un premier regroupement, une banque coopérative (Caja Laboral) est venue s’y adjoindre en 1959 comprenant une division entrepreneuriale qui a servi à son tour d’incubateur à de nombreuses autres coopératives et groupements coopératifs. Plusieurs services communs ont été progressivement établis entre les coopératives ainsi créées, en particulier dans l'enseignement, la recherche (dès 1974, avec Ikerlan) et la sécurité sociale (en 1978 avec Lagun Aro). Dans les années 1980 l’expérience de MONDRAGON a été soumise à un premier grand test de résistance: le Pays basque a été frappé par une crise économique grave, mais le groupe n’a subi pratiquement aucune fermeture d'entreprises ni connu de chômage. En s’adaptant à l'entrée dans l'Union européenne et à la mondialisation, les coopératives de MONDRAGON ont démocratiquement établi une corporation en 1991, avec des nouveaux instruments financiers, en particulier en matière d’investissements, et une stratégie dynamique d'internationalisation, de rapprochement avec ses clients et ses partenaires de production dans les chaînes mondiales de production et de distribution. Les différents centres éducatifs se sont regroupés pour constituer une université en 1997 (elle accueille aujourd’hui plus de 9.000 étudiants). Le groupe s’est considérablement développé dans les années 1990 et jusqu'à la crise en 2008. Aujourd'hui, le groupe MONDRAGON est le dixième plus grand groupe d'entreprises en Espagne et le plus important groupe dans la région basque, avec un effectif de plus de 83.000 personnes. Il s’est de plus en plus internationalisé et compte 94 usines et bureaux de représentation dans 41 autres pays et régions du monde. Le groupe MONDRAGON est un excellent exemple de groupe horizontal et démocratique d’entreprises, légitimant toutes les décisions impliquant plus de cent entreprises et des dizaines de milliers de travailleurs-membres par le biais de procédures démocratiques. Il fournit à la fois une complète autonomie à chacune des coopératives et la parole à chacun de leurs membres dans toutes les décisions stratégiques pour l'ensemble du groupe, un processus qui trouve son

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point culminant au Congrès de MONDRAGON. MONDRAGON considère qu’il a une mission spécifique vis-à-vis de la communauté locale. Au-delà des sept principes coopératifs, le groupe en a créé un huitième, « la transformation sociale », ce qui signifie que ce qu'il fait, il le fait au bout du compte pour la transformation sociale de la communauté et pour la production et la distribution de la richesse en son sein, ce qui est en fait une façon d’exprimer le septième principe coopératif (engagement envers la collectivité). Avec l'extension de ses sites de production dans le monde entier, le groupe s'efforce également d'appliquer progressivement le principe de la transformation sociale à ses unités de production à l'étranger et pas seulement dans sa région d'origine. La crise économique a affecté très profondément le groupe MONDRAGON et, en particulier les secteurs industriels dans lesquels le groupe est fortement actif (p. ex. composants de voiture). Comme nous pouvons le voir dans le tableau 16, le groupe a subi une baisse tangible, entre 2008 et 2009, à la fois du chiffre d'affaires (-11%) et de l'emploi (-7%). Néanmoins, le tableau montre aussi que 2007 correspond à un pic, suivi d'une diminution modérée de l'emploi en 2008 (causée par les effets de la crise mondiale sur le dernier trimestre), et que les niveaux du chiffre d'affaires et de l'emploi atteint en 2006 ont été regagnés en 201077. Plus important encore, la baisse de l'emploi enregistrée en 2009-2010 s'est déroulée sans aucun licenciement. La coopérative d'assurances de protection sociale Lagun Aro est l'acteur-clé de la durabilité de l'emploi au sein du groupe; il l’est bien entendu encore plus en ces temps de crise. En plus d’offrir aux travailleurs-membres des coopératives de MONDRAGON une gamme complète de produits d'assurance, y compris l'assurance-santé et un système de retraite complémentaire, elle prévoit également une protection contre le chômage. En réponse à la crise mondiale de 2008, Lagun Aro propose des régimes de préretraite aux travailleurs de plus de 58 ans et gère le redéploiement de centaines de travailleurs-membres entre les coopératives du groupe. Les frais de formation et de transport suite au changement de coopérative sont couverts en fonction de la différence entre les deux coopératives. Si la rémunération du salarié est plus élevée dans la coopérative de destination, Lagun Aro verse la différence; dans le cas contraire, c'est à la coopérative d'origine de payer. Lorsque les travailleurs ne peuvent pas être transférés ni partir en retraite anticipée, Lagun Aro et la coopérative payent des indemnités de licenciement pendant une période de 2 ans. Mikel Zabala, directeur de la gestion du personnel de la Corporation MONDRAGON, estime que « c'est un avantage concurrentiel parce qu'il garantit aux travailleurs de la coopérative la sécurité d'emploi, ce qui est un élément très important de motivation ». En dépit de sa mission sociale difficile et malgré la crise, Lagun Aro a enregistré un taux de croissance de plus de 6% en 200978.

77

78

L es données sur l’évolution de l’emploi sont disponibles sur le site web de MONDRAGON: www.mondragon-corporation.com. Selon le MONDRAGON Corporate Profile 2011 l’emploi a connu une légère diminution, passant de 85.066 unités en 2009 à 83.859 en 2010 (-1,4%) Données disponibles sur le site web de MONDRAGON: www.mondragon-corporation.com

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tableau 16. c hiffre d’affaires consolidé et emploi dans le groupe mondragon pour ces dernières années

chiffre d’affaires consolidé pour l’industrie et la distribution

2006

2007

2008

2009

2010

2011

13.390

15.056

15.584

13.819

13.989

13.969

83.601

93.841

92.773

85.066

83.859

83.569

(en milliards d'euros)

emploi

Source : rapport annuel 2006-2011 (voir www.mondragon-corporation.com)

4.

n iveau macro comment un contexte favorable peut promouvoir les coopératives

Un système cohérent de représentation et de mise en réseau ainsi qu’un cadre juridique coopératif peuvent être des éléments déterminants pour la réalisation complète du modèle coopératif tant au niveau national qu’international. La définition et les 7 principes opérationnels, qui ont été reconnus à l'échelle mondiale, au sein du mouvement coopératif et par la communauté internationale par la Recommandation 193/2002 de l’OIT sur la « Promotion des coopératives » adoptée en 2002, ont servi de base à la définition des législations coopératives nationales existant dans la plupart des pays de l’Union européenne et du monde comme nous l'avons mentionné au Chapitre 1. CICOPA, l'organisation mondiale des coopératives de travail associé et des coopératives sociales, a successivement élaboré et approuvé les standards mondiaux spécifiques pour les coopératives de travail associé d’abord, pour les coopératives sociales ensuite79, qui contribuent aujourd’hui à la définition de législations coopératives spécifiques concernant les coopératives de travail associé et sociales. Ce rapport n'a pas pour objectif d’approfondir cette analyse: il suffit de souligner ici qu'un cadre juridique adéquat peut promouvoir un environnement favorable pour le développement des coopératives, leur fournissant non seulement une reconnaissance mais aussi des politiques de promotion particulièrement importantes en période de crise car elles aident les coopératives à poursuivre leur mission au milieu des difficultés. Ainsi VDP, membre allemand de CECOP-CICOPA Europe, a rapporté que la dernière réforme de 200680 de la loi nationale coopérative qui s’est adaptée aux besoins des nouvelles et petites coopératives en réduisant le nombre minimum de membres et en établissant l'admissibilité des membres investisseurs81, a apporté des avantages indubitables à la fois en termes de simplification et de réduction des coûts, comme l’a prouvé « une tendance dynamique de création de coopératives au cours de ces 2-3 dernières années » en dépit de la crise économique mondiale82.

79

80 81

82

V oir les standards mondiaux des coopératives sociales et les standards mondiaux des coopératives de travail associé sur le site web de CICOPA: www.cicopa.coop Amendement 2006 à la loi nationale coopérative (GenG) de 1889 C ette amendement à la loi coopérative générale a été fait pour la rendre aussi attrayant que le règlement de la SEC Extrait de la consultation 2012 de CECOP-CICOPA Europe


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Dans certains pays, comme en Espagne et en France, un statut juridique spécifique a été reconnu aux coopératives de travail associé83. En ce qui concerne les coopératives sociales84, un statut juridique a été établi en Pologne, en Italie, en Grèce, au Portugal, en France et en Espagne85, ainsi qu’en Hongrie. Il convient de prendre en considération que les pays où le développement coopératif est le plus important en termes de nombre de membres de coopératives sont ceux dont les lois nationales prévoient des directives plus spécifiques (par exemple sur la création de consortia, de groupes horizontaux, d’instruments financiers, de réserves impartageables, etc.). Les dispositions protégeant l'impartageabilité des réserves coopératives même en cas de liquidation (voir ci-dessus) dans certains pays comme l'Italie, l’Espagne et la France expliquent le développement et la stabilité relative de leurs coopératives de travail associé et de leurs coopératives sociales86. En ce qui concerne les instruments financiers, la CFI, organisation membre de CECOP, a été créée en 1986 par les trois confédérations coopératives italiennes (Confcooperative, Legacoop et AGCI) grâce à la Loi 49 (loi Marcora) et a pour objectif de fournir une aide aux coopératives créées par le biais d’un rachat par les travailleurs. Au cours de sa première période d'activité (de 1986 à 1997), la CFI a investi environ 80 millions d'euros dans le capital social de 160 coopératives de travail associé mises en place par les travailleurs des entreprises en situation de crise et a assuré au total un emploi stable à près de 6.000 travailleurs. CFI a dû alors arrêter de mener de nouvelles actions pendant quelques années en raison d'un différend juridique entre la Communauté européenne et l'état italien en ce qui concerne l'application de la réglementation relative aux aides d’état dans le cadre de la loi Marcora, qui a été modifiée en conséquence. Avec ce changement juridique et dans un scénario économique industriel changé, depuis 2003, CFI a redéfini et élargi sa propre stratégie d'investissement: elle a commencé en effet à financer également des projets de démarrage, développement, consolidation et repositionnement dans des coopératives existantes. Depuis le début de cette nouvelle phase opérationnelle jusqu'en 2009, CFI a effectué 41 interventions. 51% de celles-ci ont consisté en une participation au capital, 6% en une souscription à des obligations convertibles et 43% ont pris la forme de prêts. Les capitaux propres de CFI ont aujourd'hui atteint 83,7 millions d'euros et son actif total est d’environ 106,8 millions d'euros87. Depuis le début de la crise, CFI a commencé à travailler sur une nouvelle vague de transformations en coopératives d'entreprises en situation de crise: depuis 2008, 13 nouveaux rachats par les travailleurs ont été mis en œuvre, 324 emplois ont été sauvés et 8 rachats d’entreprises supplémentaires par les travailleurs sont actuellement à l’étude88. Dans le même temps, CFI finance et suit des projets de développement dans des coopératives existantes.

83

84

85

86

F rance: Loi 78-763 du 19.07.1978 sur les coopératives de travail associé (SCOP);. Dans le cas de l’Espagne, les communautés autonomes ont compétence exclusive dans le domaine des coopératives et la loi coopérative générale 27/1999 au niveau de l’état contient certaines règles spécifiques concernant certaines catégories particulières de coopératives B runo Roelants (2009), Cooperatives and Social Enterprises. Governance and normative framework, Bruxelles: CECOP Publications 2 001-624 Loi sur la Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) (France); Loi 27/1999, Art. 106 sur la coopérative d’initiative sociale (Espagne); Loi 22/12/1998 sur la coopérative de solidarité sociale (Portugal); Loi 27/04/2006 sur la coopérative sociale (Pologne); Loi 2716/99 sur la coopérative sociale à responsabilité limitée (Grèce); Loi 381/91 sur la coopérative sociale (Italie) L a même observation peut être faite pour d'autres parties du monde que l'Europe. Par exemple, au Québec, qui a une législation coopérative avec des dispositions sur les réserves impartageables, on a assisté à un développement des coopératives de travail associé et des coopératives sociales beaucoup plus élevé que dans le reste du Canada où on ne trouve pas de telles dispositions

87

V oir www.cfi.it

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Voir www.cfi.it

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Un exemple de transmission d’entreprise aux travailleurs lié à la Loi Marcora et à CFI est Industria Plastica Toscana (IPT), une coopérative de travail associé italienne établie près de Florence et créée en 1994 à l'initiative de quelques travailleurs de l’ancienne entreprise Italian Plastics qui l’ont reprise et transformée en coopérative suite à sa faillite. Ils ont lancé la production de sacs à provisions et de sacs pour le marché du détail et de la distribution. Elle représente une expérience réussie dans le domaine des politiques actives du travail pour promouvoir l'emploi (en particulier par le biais de la loi Marcora susmentionnée) et l’aide financière au sein du système coopératif. En fait, la CFI a apporté une aide financière à la coopérative à deux époques différentes: en 1996 elle a apporté 2 millions d'euros dans le cadre de la loi Marcora; en 2009, après la modification de la législation italienne qui établit l'interdiction progressive des sacs à provisions en plastique sur le marché, la coopérative a décidé de produire des sacs biodégradables. Ce changement a entraîné l'adoption de nouvelles technologies nécessitant un investissement de 2 millions d'euros, qui a été apporté par la CFI, conjointement avec d'autres organismes de financement du mouvement coopératif et deux banques. Grâce à cette aide financière, le chiffre d'affaires de la coopérative a augmenté de 230% entre 2007 et 201089.

tableau 17. c hiffre d’affaires et emploi dans le groupe, industria plastica toscana (ipt) ces dernières années

chiffre d'affaires (euros) travailleurs-membres travailleurs non-membres

2009

2010

2011

11.411.506

14.624.845

26.493.648

34

31

35

4

8

6

Source: Industria Plastica Toscana (IPT)

En ce qui concerne la promotion des coopératives au niveau européen, CECOP-CICOPA Europe a coordonné le projet Anticipate90, qui a élaboré une réflexion à l'intérieur de son réseau en matière de la restructuration et l'anticipation des changements en période de crise économique. Dans le cadre de ce projet, elle a publié en 2011 une étude intitulée Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Finance - Création de richesse dans la durée, en se fondant sur l'expérience française, espagnole et italienne. L'étude présente les conclusions scientifiques à tirer de l’expérience des coopératives dans la restructuration et l’anticipation du changement qui peuvent utilement être diffusées dans toute l'Europe et propose des politiques publiques pour la promotion de la restructuration et de l'anticipation du changement dans les coopératives et dans les entreprises en général. Approuvées par le conseil d'administration de CECOP-CICOPA Europe, ces recommandations politiques (qui seront en partie reformulées dans le Chapitre 4 du présent rapport) s’adressent à la fois aux institutions de l'Union européenne et aux gouvernements nationaux, en relation avec « la création et au maintien d'emplois économiquement durables, ce qui fait partie de la mission fondamentale de notre réseau d'entreprises, et qui s'avère - notre

89

90

Z evi, A. et al. (2011), Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Création de richesse dans la durée, Bruxelles: CECOP Publications, p. 95 « Restructuration des entreprises et anticipation du changement dans les coopératives de travail associé, des coopératives sociales et des autres entreprises propriété de leurs travailleurs », sur la ligne budgétaire 2009 d’appel à propositions de la Commission européenne « Bien-être au travail et participation financière »

« Le mouvement coopératif offre des avantages considérables: les intervenants sont également copropriétaires de leurs entreprises. ils ont donc des possibilités beaucoup plus larges de décider de leurs propres activités. Je crois que la discussion qui a lieu au niveau européen afin de renforcer le rôle du mouvement coopératif est un bon moyen de stimuler les gens à se prendre personnellement en charge dans leur propre vie » Jaromír Drábek, Ministre tchèque du Travail et des Affaires sociales


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expérience le prouve - être un élément essentiel de la durabilité des entreprises »91. Ce travail représente certainement un pas de plus dans la promotion du modèle coopératif et pour proposer des législations et des politiques publiques appropriées au niveau macro, pendant et au-delà de la crise.

Conclusion Dans ce chapitre nous avons essayé d'analyser au travers d’exemples concrets les différentes stratégies mises en place par les coopératives de travail associé et les coopératives sociales pour faire face à la crise économique en nous référant aux principes opérationnels sur lesquels elles reposent. Au niveau micro, nous avons vu que les travailleurs-membres définissent des stratégies commerciales qui donnent la priorité à la sauvegarde de leurs emplois et des activités économiques de leurs coopératives. Avec des dispositions temporaires d'urgence (telles que des réductions de salaires, etc.) légitimées par une prise de décision démocratique, les coopératives s'efforcent souvent d'adopter des mesures orientées vers le long terme, tels que des investissements technologiques ou des modifications structurelles dans le processus de production (en utilisant la plupart du temps leurs réserves financières qui sont le résultat d'une discipline systématique d’accumulation du capital insérée dans leurs principes opérationnels). Nous avons vu également comment la mobilisation de la participation de la communauté tout entière (surtout dans le cas de coopératives sociales) rend les coopératives particulièrement aptes à l'innovation sociale en combinant la réponse aux nouveaux besoins émergents et la compétitivité sur le marché. Au niveau méso, nous avons vu - au travers de différentes entités telles que les instruments financiers du mouvement coopératif, les institutions de soutien aux entreprises, les consortia et les fédérations - comment le principe de l'intercoopération joue un rôle essentiel dans le développement durable des coopératives. Au niveau macro enfin, nous avons remarqué que les pays où les coopératives de travail associé, les coopératives sociales et les autres entreprises détenues par leurs travailleurs se sont le plus développées en nombres et en termes de résistance à la crise des entreprises et des emplois sont aussi ceux où l’on trouve un système juridique national efficace doté de dispositions spécifiques particulièrement propices à leur développement (exemples: réserves impartageables, création d'instruments financiers non bancaires et de groupes horizontaux, régulation des coopératives de travail associé, des coopératives sociales et des entreprises détenues par leurs travailleurs).

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evi A. et al. (2011), Au-delà de la crise: Coopératives, travail, Création de richesse dans la durée, Bruxelles: Z CECOP Publications, p.211

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chapitre 4 conclusions et recommandations politiques Par Bruno Roelants et Diana Dovgan

1.

conclusions des chapitres 2 et 3

Les données sur la résistance des coopératives à la crise dans l'Union européenne que nous avons examinées dans les Chapitres 2 et 3 restent partielles: les données quantitatives proviennent de deux pays - la France et l’Espagne - il s’agit de statistiques suffisamment fiables et systématiques (puisqu’elles concernent heureusement deux des trois pays européens les plus importants en ce qui concerne les coopératives de travail associé et les coopératives sociales) alors que les données qualitatives, sur les bonnes pratiques, basées sur des cas concrets, nécessitent une recherche plus large. A présent nous devons croiser les informations apportées par les membres durant les quatre enquêtes annuelles successives (Chapitre 1) avec les données quantitatives (Chapitre 2) et qualitatives (Chapitre 3) afin de prouver de manière significative que les coopératives ont montré un certain degré de résistance face à la crise. Le cas échéant, nous allons identifier les facteurs qui pourraient accroître ou réduire cette résistance et en particulier confirmer l’hypothèse que nous avons formulée dans le Chapitre 1 selon laquelle un niveau élevé de résistance coopérative exige une combinaison de facteurs aux niveaux micro, méso et macro. Les données quantitatives sur la France et l'Espagne examinées dans le Chapitre 2 suggèrent que, depuis le début de la crise, les fermetures d’entreprises ont été moins nombreuses parmi les coopératives que dans toutes les autres entreprises (sauf en 2009). L'impact des effets négatifs de la crise tend à être retardé par rapport aux entreprises en général, et plus important encore, les coopératives de travail associé semblent être plus à même de préserver les emplois que la moyenne des entreprises. En outre, la reprise semble être plus rapide dans les coopératives que dans les autres entreprises. Ces constatations convergent vers la tendance générale (bien qu’elle n’ait pas un caractère absolu) relevée dans les quatre enquêtes successives menées auprès des membres de CECOP-CICOPA Europe dans 16 pays européens et résumées dans le Chapitre 1. Ces données quantitatives présentent cependant des limites autres que le fait de ne provenir que de deux pays.Ainsi, elles ne montrent pas les caractéristiques des coopératives telles que la longévité moyenne des entreprises ni de leurs emplois. Une autre limite des données quantitatives est qu'elles ne font pas de distinction entre les coopératives bénéficiant de l'avis et des conseils fournis par le système coopératif (fédérations régionales et nationales, groupements, institutions de soutien aux entreprises, etc.) et celles qui n’en tirent pas avantage. Dans le cas de la France, cette distinction n'est pas si importante, puisque presque toutes les coopératives de travail associé en bénéficient une fois affiliées à la confédération coopérative nationale CG Scop, au contraire de l'Espagne même si COCETA, la confédération espagnole des coopératives de travail associé, les représente toutes. À cet égard, certaines données complémentaires obtenues par la FCTC, la fédération catalane des coopératives de travail associé, et analysées dans cette étude, méritent d’être considérées. En Catalogne, près de 400 coopératives de travail associé, sur un total


la résistance du modèle coopératif - chapitre 4

de 1.400 environ, bénéficient de l'appui de la FCTC. Dans toute la région, 81 nouvelles coopératives de travail associé ont été créées et 28 ont été fermées en 2011; parmi les coopératives prises en charge et suivies par la FCTC, les chiffres étaient respectivement de 47 nouvelles coopératives et de 11 coopératives fermées92. Selon ces données, le rapport entre les taux de mortalité et de natalité des entreprises était de 34% pour toutes les coopératives de travail associé de la région, mais de 23% seulement pour celles qui pouvaient compter sur l'aide de la fédération. Dans le même temps, les créations de coopératives de travail associé catalanes en 2011 représentaient 5,8% du total des coopératives de travail associé de la région, tandis que les 47 coopératives assistées dans leur incubation par la fédération représentaient un taux de croissance de 11,7%. Cette observation suggère qu'un système organisé pour le suivi et le développement des coopératives est plus résistant et peut produire un taux de natalité élevé et un rapport plus faible de décès par rapport aux coopératives qui ne bénéficient pas de cette assistance. Que nous apprennent les données qualitatives tirées des cas cités dans le Chapitre 3 si on les compare aux données quantitatives au niveau national de l’Espagne et de la France? Tout d'abord, les données concernant les emplois sauvés ou maintenus grâce aux transferts d'entreprises aux travailleurs (p. ex. 1.279 emplois en France pour 2010 et 2011), comme l’illustre le cas de la Fonderie de l'Aisne dans le Chapitre 3, devraient être considérées comme un gain net d'emplois, car si elles n’avaient pas été transmises, ces entreprises auraient connu la fermeture et leurs emplois auraient été perdus. En effet, l'expérience du transfert d’une entreprise aux travailleurs devrait être clairement reconnue comme particulièrement utile au sauvetage des emplois et de l'activité économique locale, généralement à un faible coût. Ce que nous savons avec certitude sur les transmissions d'entreprises aux travailleurs (par le biais des dossiers détaillés sur des centaines de projets), c'est l’incontestable différence en termes de réduction des risques et d’augmentation de chances de succès qu’apportent un appui et un suivi du système coopératif par rapport aux entreprises qui n'ont pas accès à ce type d'aide. C'est la raison pour laquelle les projets de transmission d’entreprises ont atteint un niveau particulièrement élevé de réussite et d'efficacité en Italie, en France et au Pays de Galles, comme illustré dans le Chapitre 3, où un système cohérent de soutien aux entreprises a été mis en place pour gérer ce genre de projets. Mis à part les transferts d'entreprises aux travailleurs, quels sont les autres exemples dans le Chapitre 3 qui nous montrent des niveaux plus élevés de résistance des coopératives? Alors que l’on pourrait argumenter que les coopératives individuelles montrant plus de résistance à la crise par rapport à la moyenne des entreprises sont statistiquement négligeables pour en tirer des conclusions, par contre la résistance des groupes coopératifs, quantitativement plus pertinents, ne peut pas être mise en doute: plus de 110 entreprises dans le groupe MONDRAGON et près de 1.000 dans le groupe CGM. Considérons d'abord le niveau de pertes d’entreprises. Depuis le début de la crise, le groupe MONDRAGON n’a connu qu’une seule fermeture d'entreprise en 2009 (le dixième échec coopératif de toute l'histoire du groupe depuis 1956). Ainsi, la variation nette du nombre d'entreprises au sein du groupe MONDRAGON était inférieure à -1% en 2009 contre -6.5% pour l’ensemble des coopératives de travail associé espagnoles. Ceci signifie que les groupes coopératifs comme MONDRAGON maintiennent en vie plus de coopératives de travail associé que la moyenne des coopératives de travail associé en Espagne.

92

D onnées communiquées par la FCTC

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Considérons à présent la dimension emploi, une donnée-clé puisque l'emploi durable est une préoccupation majeure pour les coopératives sociales et de travail associé. Le Consorzio SIS (qui, comme nous l'avons vu, regroupe 30 coopératives sociales dans la région de Milan avec 1.861 travailleurs) a connu une augmentation de 1% de l'emploi en 2009 et de 5,7% en 2010. Pour en revenir à MONDRAGON, la diminution du niveau de l'emploi fut plus faible que pour les coopératives de travail associé espagnoles en général en 2008 (-1,28% contre -4,58%) et même en 2009, la pire année depuis le début de la crise (-8,4% contre -8,67%). En 2010, cependant, la situation de l'emploi à MONDRAGON était pire que celle des coopératives de travail associé espagnoles en général (-1,4 contre +0,17%). Il convient de souligner qu’un nombre important d'emplois à MONDRAGON se retrouvent dans l'industrie et que les chiffres nationaux pour l'emploi dans les coopératives de travail associé dans l'industrie en 2010 étaient pires que la moyenne nationale. On doit également tenir compte du fait que l’année 2007 a représenté un pic record en ce qui concerne le niveau d'emplois du groupe, et que le niveau de 2006 a été récupéré en 2010. Comme pour les coopératives de travail associé espagnoles en général, les chiffres de l'emploi de MONDRAGON sont également plus élevés que pour les entreprises espagnoles en général, sauf pour 2009 (-8,4% contre -5,18%). Néanmoins, les chiffres ci-dessus sur la diminution de l'emploi à MONDRAGON dissimulent le fait que le groupe n’a pratiquement pas licencié de travailleurs depuis le début de la crise. La lutte contre les licenciements, comme dans les précédentes périodes difficiles, s’est concrétisée par des licenciements temporaires, régimes de préretraite et de transferts temporaires et permanents d'une coopérative à l'autre au sein du groupe, toutes ces mesures étant financées par le système de protection sociale du groupe. De même les travailleurs de la seule coopérative de MONDRAGON qui a fermé pendant la crise (comme mentionné ci-dessus) ont été transférés à d’autres coopératives au sein du groupe. C'est ici que la force de la coopération entre totalement en jeu, surtout si on tient compte que MONDRAGON est majoritairement actif dans l’industrie, le commerce de détail et les activités bancaires et donc très exposé à la crise mondiale actuelle. Une autre caractéristique à souligner est l'augmentation substantielle du chiffre d'affaires pendant la crise pour les coopératives sociales et de travail associé qui font partie de groupes coopératifs. Pour MONDRAGON, après une diminution substantielle du chiffre d'affaires en 2009 (11,4%), la tendance repart à la hausse en 2010 avec +2%. Quoi qu'il en soit, ni le groupe dans son ensemble, ni ses composants-clés tels que la banque, le système de protection sociale ou les centres de recherche, n’ont jamais été dans le rouge. Pour le groupe italien des coopératives sociales CGM, l'augmentation du chiffre d'affaires entre 2008 et 2010 fut de 15%. Dans le consortium SIS, le consortium local milanais de CGM, la progression pour la même période a atteint 33%. Plus important encore est le fait que, grâce à cette bonne santé économique et le niveau d'accumulation du capital d'avant la crise, tant dans les coopératives individuelles constituant les groupes qu’au niveau de ceux-ci, CGM et MONDRAGON - et leurs coopératives constituantes - ont pu en pleine crise investir de manière substantielle dans des projets innovants (dans des domaines comme la santé, l'environnement, ou des projets industriels comme la voiture électrique) et initier ainsi de nouvelles activités économiques, créer de nouveaux emplois et générer un cercle vertueux de croissance et d’emplois. Comme nous pouvons le voir, l'importance des outils du système coopératif au niveau méso (fédérations nationales et régionales, instruments financiers, institutions de formation et de recherche, groupes d'entreprises et réseaux, etc.) en vue de renforcer la résistance à la crise des coopératives peut difficilement être exagérée. Ces outils soutiennent fondamentalement les coopératives individuelles pour leur permettre de faire face à la fois aux premiers impacts de la crise et de fournir des réponses à long terme à celle-ci. Ainsi, un mixe des dimensions micro et méso procure clairement aux coopératives un niveau beaucoup plus élevé de résistance par rapport à celui qu’elles pourraient atteindre par elles-mêmes.

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En ce qui concerne la contribution de la dimension macro (législation et politiques publiques, voir Chapitre 3) à la résistance des coopératives face à la crise, celle-ci est moins perceptible immédiatement que la dimension méso, parce qu’elles se déroulent sur une échelle de temps totalement différente. En effet, plusieurs règles de droit national qui ont joué un rôle crucial en aidant les coopératives à maintenir un fort niveau de résistance à la crise par le renforcement des dimensions micro et méso ont été approuvées et testées bien avant le début de la crise. Des exemples comprennent: 1) la loi générale des coopératives établie au cours de plusieurs décennies en France, depuis les années 1940 en Italie et en Espagne, établissant, entre autres, le régime des réserves impartageables examiné dans le Chapitre 3 2) les lois sur les coopératives de travail associé approuvées en Espagne et en France entre les années 1970 et les années 1990 3) les lois sur les coopératives sociales établies dans 7 États membres de l'Union européenne entre 1991 et 2006 4) la loi sur les « titres participatifs » en France dans les années 1980 5) la législation sur les autres outils financiers dédiés au développement coopératif en Italie dans les années 1980 et 1990 6) les lois sur les groupes coopératifs établies en Italie et en Espagne au cours de la dernière décennie. Comme nous pouvons le voir, une combinaison appropriée des dimensions micro, méso et macro est essentielle pour expliquer le haut niveau de résistance des coopératives à la crise. Cela valide l’hypothèse que nous avons formulée à la fin du Chapitre 1. Puisqu'il est nécessaire de s’intéresser non seulement à la crise mais aussi à l’aprèscrise, il est à présent essentiel d’examiner soigneusement comment les autorités publiques nationales et européennes peuvent promouvoir les coopératives et leur rôle socio-économique central dans la société européenne par le biais de mesures macro appropriées. Un des principaux enseignements à tirer de la crise et de la période qui l’a précédée est qu'il est nécessaire de combiner les dimensions micro, méso et macro pour donner aux coopératives de travail associé et aux coopératives sociales le plus haut niveau possible de résistance en temps de crise et d'offrir le meilleur développement socio-économique possible entre les crises. Sur cette base, elles peuvent accomplir leur mission avec succès (créer des emplois durables et offrir des produits et des services d'intérêt général) tout en étant une source d'inspiration pour les autres entreprises et pour l'élaboration des politiques publiques.

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2.

recommandations politiques

Confrontons à présent ces facteurs de résistance des coopératives ainsi décrits avec les politiques européennes et voyons dans quelle mesure celles-ci sont suffisantes pour aider les coopératives et les autres entreprises propriété de leurs travailleurs dans leur effort de résistance. Dans la mesure où, selon notre analyse, les politiques publiques ne répondent pas entièrement aux besoins de ces entreprises pour faire face à la crise, nous formulerons ci-après des recommandations issues des orientations politiques approuvées au sein de CECOP-CICOPA Europe. Nous invitons le lecteur à réfléchir sur le fait que ce qui est en jeu ici n'est pas seulement l'élaboration des politiques favorisant le développement des coopératives mais aussi, en prenant en considération la capacité de résistance de celles-ci, l’élaboration des politiques européennes et nationales de réponse à la crise favorables au développement de l'entrepreneuriat et à l'économie européenne toute entière.

2.1. R estructuration socialement responsable et adaptation au changement Selon la Commission européenne, la restructuration doit être considérée dans son sens le plus large et comprend les différents processus de transformations d'entreprises comme « réorganisation d’une entreprise, fermeture, fusion et acquisition, réduction d' effectifs, externalisation, relocalisation, etc. »93. Dans le Livre vert Restructurations et anticipation du changement: quelles leçons tirer de l'expérience récente? publié en janvier 2012, la Commission reconnaît que « la restructuration est un facteur crucial pour l'emploi et la compétitivité de l'Europe (…) et que le processus de restructuration pourrait avoir également des conséquences sociales importantes »94. Diverses expériences décrites dans le présent rapport illustrent les façons par lesquelles les coopératives de travail associé et sociales adoptent des procédés de restructuration: restructuration interne, spin-off, transferts d’entreprises aux travailleurs, création de consortia et de groupes horizontaux. Grâce à leur modèle de propriété spécifique, leur modèle de gouvernance et de capitalisation, les coopératives sociales et de travail associé ont une capacité spécifique d’adaptation aux changements et de maintien des emplois et des activités économiques lorsqu’elles sont en situation de risques, tout en poursuivant leur mission sociale (création d'emplois durables pour les coopératives de travail associé; insertion au travail pour une partie des coopératives sociales ou fourniture de services sociaux, de santé, d’éducation, environnementaux à la communauté pour les autres coopératives sociales). Leur modèle de gouvernance contribue à l’anticipation et à la préparation en temps utile aux processus de restructuration en collaboration avec les travailleurs et les différents acteurs concernés. Ceci garantit des solutions de restructuration durables et adéquates et réduit au minimum leurs impacts sociaux négatifs. L’avis d'initiative récemment adopté par le Comité économique et social européen (CESE) Coopératives et restructuration reconnaît que les coopératives gèrent la restructuration d'une manière socialement responsable et souligne que « leur modèle de gouvernance spécifique, basé sur la propriété collective, la participation démocratique et le contrôle par les membres, ainsi que leur capacité à se reposer sur leurs propres ressources financières et réseaux de soutien expliquent pourquoi elles sont plus flexibles et innovantes dans la gestion des restructurations sur la durée et pour la création de nouvelles entreprises »95.

93

Commission européenne, DG Emploi, affaires sociales et inclusion: voir site web http://ec.europa.eu/social

94

COM(2012) 7 final

95

A vis d’initiative de la Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) sur le thème « Coopératives et restructuration », CCMI/093; rapporteur Maria Zvolska, co-rapporteur Jan Olsson; avril 2012

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Parmi d’autres sources, le CESE a examiné une étude menée en 2010 par CECOPCICOPA Europe, avec le soutien de la Commission européenne, et mettant l'accent sur les processus de restructuration des coopératives en Italie, en Espagne et en France96 publiée sous la forme d’un livre en 201197.

2.1.1. S auver des emplois et des activités économiques par le biais de transferts d'entreprises Lorsque l’on parle des restructurations, un des défis majeurs est la transmission des entreprises en situation de fermeture. De manière très surprenante, le Livre vert sur les restructurations et l'anticipation du changement ne consacre que quelques lignes à cette question, n’y répond que sous l'angle de « l'entrepreneur ayant fait faillite » et ne mentionne que les mesures en faveur d'une deuxième chance pour celui-ci. Les transferts d'entreprises réussis sauvent des emplois préservant ainsi les travailleurs des risques du chômage et de l'exclusion sociale. Ils créent aussi un environnement favorable à de nouveaux emplois: en fait, la Communication de 2008 A Small Business Act pour l'Europe98 indique que des nouveaux emplois sont davantage créés dans les entreprises transférées avec succès que dans les start-ups. Pour cette raison, les transmissions d’entreprises ne doivent pas être uniquement considérées comme une perspective de carrière pour une seule personne, l'entrepreneur ayant fait faillite, mais davantage comme une solution sociale et en faveur de l’emploi pour l’ensemble des citoyens et des régions européennes, ce qui est particulièrement pertinent dans le contexte actuel des fermetures d'entreprises et des pertes massives d'emplois, comme illustré au Chapitre1. En effet, empêcher les fermetures d’entreprises est une préoccupation essentielle pour les régions: afin que l’exclusion sociale soit évitée, les richesses et les compétences préservées. En outre, lorsqu’il aborde les transmissions d'entreprises, le Livre vert ne mentionne pas les transmissions d'entreprises aux travailleurs. Comme le montre ce présent rapport, le système coopératif est très riche en expériences et possède une expertise de haut niveau dans ce domaine, avec un taux élevé de réussites, des faibles coûts et une signification politique forte pour l'industrie européenne. Les transmissions d'entreprises aux travailleurs sont en augmentation avec la crise actuelle, notamment en France, en Italie et en Espagne. Ainsi la CG Scop, membre français de CECOP-CICOPA Europe, a accompagné avec succès 128 transferts d'entreprises aux travailleurs en 2010 et 2011. 1.279 emplois ont été sauvés dans ces entreprises, sans oublier toutes les activités économiques locales en amont et en aval et leurs emplois qui sont également menacés lorsqu'une entreprise ferme ces portes.

96

97

98

A vec le soutien de la Commission européenne dans le cadre du même programme que celui qui soutient la présente étude. Z evi A. et al (2011), Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Finance, Création de richesse dans la durée, Bruxelles: CECOP Publications COM(2008) 394 final

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Nous formulons en conséquence les recommandations suivantes:   Les transferts d’entreprises doivent rester une priorité dans les politiques futures de l’Union européenne et les initiatives en matière de restructuration   Il est plus que jamais essentiel de promouvoir tous les types de transmissions d’entreprises, y compris les transmissions d’entreprises aux travailleurs : dans la situation actuelle, l’Union européenne ne peut se permettre d’ignorer les expériences réussies de sauvetage d’emplois   Très souvent, les problèmes rencontrés lors d’une transmission d’entreprise aux travailleurs en cas de faillite sont non seulement liés aux lourdeurs administratives comme le mentionne le Livre vert lorsqu’il évoque « les entrepreneurs ayant fait faillite » mais aussi et surtout au manque de connaissances des professionnels concernés (avocats, comptables, etc.) et du système judiciaire sur le sujet. Une formation adéquate devrait donc leur être dispensée. Une meilleure connaissance des coopératives devrait être promue au sein des syndicats et parmi les personnes/structures dont la mission est d’informer sur la création ou le transfert des entreprises   La transformation des entreprises en situation de crise en coopératives économiquement durables nécessite un diagnostic précis. Et plus tôt celui-ci sera posé, plus réussie et plus durable sera la restructuration. Les autorités à tous les niveaux devraient coopérer avec le système coopératif pour faciliter un diagnostic précoce des entreprises en difficulté et l’étude de la faisabilité de leur transformation en coopératives   Des droits préférentiels devraient être accordés aux travailleurs pour leur donner les meilleures conditions dans le cas d’une offre publique de rachat d’une entreprise en passe de fermeture   Des possibilités de formation et des nouvelles expériences entrepreneuriales devraient être proposées après le processus de restructuration aux travailleurs licenciés. En ce sens, le modèle français des coopératives d’activités et d’emploi est un exemple intéressant d’aide à la création de nouvelles entreprises durables. Dans ces coopératives, les membres trouvent un environnement d’entraide tout en développant leurs propres activités économiques   Des dispositions spécifiques en matière d’aides d’état, en cohérence avec la politique fiscale, devraient être prises au niveau des États membres en faveur de la sauvegarde et du développement des activités économiquement viables mais menacées de fermeture, en particulier par le biais de transmission d’entreprises aux travailleurs.

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2.1.2. Regroupement des entreprises: plus fortes et plus durables ensemble La mise en place de réseaux, de consortia ou de groupes horizontaux d’entreprises constitue un instrument important pour les coopératives de petite et de moyenne taille actives dans l'industrie et les services pour renforcer l'innovation, la compétitivité et l’adaptation aux nouveaux défis du marché. Les groupes coopératifs permettent des économies d'échelle, donnent plus d’envergure aux entreprises membres en permettant aux PME coopératives de s’associer pour répondre à des appels d'offres spécifiques, d’élaborer une stratégie commune au niveau international, de partager des instruments communs (en matière d’investissement, d'éducation et de R&D par exemple). Ils proposent plusieurs autres services entrepreneuriaux communs et donc de réduire les coûts et de parvenir à un niveau beaucoup plus élevé d'anticipation et d'adaptation au changement, tant au niveau conjoncturel à court terme qu’au niveau structurel à long terme, ce qu'une PME seule n’est pas en mesure de faire. De tels groupes permettent également aux coopératives de valoriser leur production par le biais de la coopération entre les entreprises du groupe sur des produits, des services ou des projets spécifiques. Les réponses conjoncturelles et structurelles sont fortement complémentaires: pour engager les mesures structurelles à plus long terme, les entreprises doivent d'abord survivre à très court terme sous peine de voir leurs efforts sur le long terme ineffectifs. En ce sens, certaines mesures spécifiques liées au maintien de l'emploi pendant les périodes de crise dans les groupes horizontaux, consortia ou réseaux méritent une attention particulière, telles que le transfert de travailleurs d'une coopérative à une autre du même groupe, comme nous l'avons vu au Chapitre 3 dans le cas de MONDRAGON où des centaines de travailleurs de coopératives actives dans un secteur industriel qui subit le choc de la crise (p. ex. l'industrie automobile) ont été temporairement transférés dans des coopératives actives dans d'autres secteurs qui étaient moins touchés au même moment avant de revenir à leur coopérative d'origine une fois la situation économique de celle-ci améliorée. Ce type de restructuration d' emplois est aussi une façon de mieux répondre aux secteurs en évolution rapide, aux transformations économiques et du marché, tout en garantissant la sécurité de l'emploi pour les travailleurs et le maintien du savoir industriel dans l'entreprise et dans la région dans laquelle elle est intégrée. L'expérience des groupes coopératifs devrait être hautement encouragée parmi les PME en général. Ce processus de regroupement donne aux PME la possibilité de mettre en commun leurs ressources pour occuper une plus grande partie des chaînes de production, de distribution et de financement mondiaux de plus en plus dominantes dans le système industriel, au lieu de rester dépendantes de la sous-traitance pour quelques clients. Les groupes et les clusters de PME peuvent créer à leur tour les échelles entrepreneutiales nécessaires pour faire de la R&D et de l'innovation.

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Par conséquent, nous formulons les recommandations suivantes:   Une législation concernant les groupes coopératifs horizontaux et des politiques de promotion de ceux-ci devraient être encouragées dans l'Europe toute entière, en ce compris une meilleure adaptation du règlement sur la société coopérative européenne (SEC) aux besoins spécifiques et à la structure de gouvernance des groupes coopératifs   Des réseaux de collaboration entre les PME tels que nous l’avons en Europe sous la forme coopérative (coopératives d’artisans, coopératives de PME, coopératives d’activités et d’emploi, etc.) devraient être encouragés parce qu’ils renforcent considérablement la durabilité des micro et petites entreprises grâce au partage du marketing, des achats et d’autres services. Ces réseaux sont aussi pratiquement le seul moyen d’être une source d’innovation pour les micro et petites entreprises.

2.2. Emploi durable dans des entreprises durables La crise économique actuelle a eu - et a toujours - un impact profond sur la destruction des emplois, de la richesse et des entreprises - les PME en particulier. Le « Paquet emploi »99 publié par la Commission en avril 2012 se veut être une réponse au niveau élevé du chômage en Europe. La Communication identifie les domaines avec d’importants potentiels d’emplois et propose un programme à moyen terme pour l'action de l'Union européenne et des États membres en faveur de la reprise de l’emploi. Des résultats immédiatement tangibles en termes de création d'emplois sont devenus l’une des préoccupations les plus pressantes de la Commission, à tel point que les textes récemment adoptés pour aider l'Union européenne à réduire le taux de chômage ne reprennent que des mesures en faveur de la création de nouveaux emplois. Le « Paquet emploi » 2012 suit cette tendance: on n’y trouve aucune référence ni encouragement aux efforts visant à maintenir les emplois existants même si, au moment de la rédaction du présent rapport, des millions d'emplois sont menacés dans l’ensemble de l'Union européenne et qu’un même nombre de personnes sont en risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Dans le réseau de CECOP-CICOPA Europe, un nombre considérable d'entreprises dans différents secteurs industriels et de services qui étaient condamnées à disparaître ont été sauvées par leurs transmissions aux travailleurs et ont ensuite réalisé un chiffre d'affaires plus important et atteint un niveau d'emploi plus élevé (redevenant des employeurs nets). Le « Paquet emploi » néglige aussi de souligner le fait qu’audelà même du maintien de l'emploi, la création d'emplois est plus efficace dans les entreprises existantes que dans des entreprises nouvellement créées. Cela participe aussi de l'expérience concrète des coopératives industrielles et de services et des autres entreprises propriété de leurs travailleurs membres du réseau de CECOP-CICOPA Europe.

99

C OM(2012) 173 final

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Nous formulons donc les recommandations politiques suivantes:   Les politiques européennes ne devraient pas concentrer tous leurs efforts sur la seule création de nouveaux emplois mais aussi sur le maintien des emplois existants et sur leur sauvegarde dans les entreprises en danger de fermeture   En matière de création d’emplois des efforts plus importants devraient être consentis pour en promouvoir la création dans les entreprises déjà existantes et pas seulement dans les start-ups   Les politiques de promotion de l’emploi durable incluant la mobilité interne, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie devraient être encouragées et pas seulement les mesures en faveur de la mobilité et de la flexicurité des travailleurs   L’Union européenne a fixé l’objectif suivant: en 2020, 75% de la population en âge de travailler (de 20 à 64 ans) devrait avoir un emploi. La Commission s’est engagée à évaluer ce taux d’emploi chaque année. Le risque existe que la Commission ne prenne en compte que des éléments quantitatifs simples comme le nombre d’emplois créés. Elle devrait aussi prendre en compte des caractéristiques qualitatives telles que la durée de ces emplois, le type de contrat, etc.

2.3. Accès au financement Les coopératives industrielles et de services souffrent de l’attitude défavorable des institutions bancaires, des exigences et des conditions d'accès très élevées en ce qui concerne l'octroi de prêts et crédits. Lorsqu’il s'agit de coopératives de petite et de moyenne taille, la situation n'est pas très différente des PME classiques. Au-delà du fait que le secteur bancaire ou assimilé est réticent à accorder des crédits aux coopératives industrielles et de services, leurs difficultés à accéder au capital-risque sont également liées à: •   Leur système de distribution des bénéfices qui donne la priorité dans leur répartition à l'octroi des ristournes aux membres (calculées sur la base du type de relation entre les membres et la coopérative et non pas sur la rémunération du capital) et aux réserves impartageables100 •   Leur système de contrôle qui accorde un pouvoir très limité, lorsqu’il existe, aux actionnaires externes (seules quelques législations nationales donnent la possibilité à des investisseurs externes classiques d’exercer un pouvoir limité à 33% du pouvoir total, pour autant que l'assemblée générale de la coopérative ait approuvé une telle structure, ce qui est rarement le cas). Ces difficultés ont encouragé les coopératives de travail associé et leurs fédérations à mettre en place des instruments financiers spécifiques pour leur développement. Certains d'entre eux sont entièrement dédiés au secteur coopératif (comme la CFI, Coopfond et Fondosviluppo en Italie ou SOCODEN en France), ou à d’autres secteurs de l'économie sociale (comme ESFIN-IDES en France, Soficatra et CoopEst au niveau européen).

100

Z ANOTTI Antonio in Zevi A. et al. (2011), Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Finance - Création de richesse dans la durée, Bruxelles: CECOP Publications, p.79

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2.3.1. Mécanismes financiers au niveau communautaire Les institutions européennes pourraient aussi s'attaquer aux obstacles qui entravent l'accès au financement pour les coopératives sociales et de travail associé101:

Nous formulons donc les recommandations politiques suivantes:   La banque européenne d’investissement et le fonds européen d’investissement devraient être impliqués dans la création et le renforcement des institutions financières non bancaires pour le développement des coopératives sociales et de travail associé. Ces institutions devraient: › agir comme intermédiaires entre les réseaux d'entreprises d’une part et les marchés financiers, les banques et les investisseurs institutionnels d’autre part, avec l'émission d'instruments financiers sans droit de vote, remboursables (tels que les obligations classiques) et non remboursables (tels que les titres participatifs qui peuvent rester inscrits pour une durée indéterminée au capital des entreprises et accroître ainsi la capacité de celles-ci à obtenir des prêts bancaires à des fins productives notamment dans le cadre des accords de Bâle III). Par ailleurs, l'environnement politique devrait favoriser l'interaction avec les banques et les investisseurs institutionnels dans le but d'encourager la souscription de ces nouveaux instruments financiers. Ces mécanismes devraient respecter le système de gouvernance du contrôle en commun par les membres sur leurs entreprises et de ces dernières sur leurs institutions financières communes puisque l'expérience de plusieurs décennies a montré que c'était le moyen le plus sûr de préserver les atouts spécifiques de ces entreprises et d'assurer l'effet à long terme des investissements qui y sont effectués. L'expérience depuis la crise qui a éclaté en 2008 confirme ce fait › favoriser les mécanismes de garantie conjointe › gérer des fonds communs entre les entreprises.

2.3.2. Participation des travailleurs au capital de l'entreprise Comme nous pouvons le voir dans le présent rapport, les travailleurs-membres des coopératives de travail associé et sociales pourvoient au capital de leurs coopératives. Dans de nombreux cas, leur apport en capital est relativement substantiel (correspondant à un an de salaire ou davantage). Cet important effort financier du personnel de l'entreprise devrait être apprécié à sa juste valeur, surtout en temps de crise.

101

D ans cette section, les recommandations politiques spécifiques sont tirées d'un ensemble de recommandations adressées aux institutions de l'Union européenne et au niveau national pour faciliter le développement et l'anticipation du changement pour les coopératives industrielles et de services et les autres entreprises propriété de leurs travailleurs (certaines de ces recommandations concernant les entreprises au sens large) et peuvent être lues dans Zevi A. et al. (2011), (op. cit.)

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Sur cette base, les propositions politiques suivantes devraient être prises en considération:   Étant donné que leurs participations financières ne sont pas la plupart du temps immédiatement remboursables, les travailleurs-membres des coopératives industrielles et de services devraient bénéficier d’une détaxation complète de celles-ci et pouvoir emprunter pour ce faire avec des mécanismes de garantie limités   Des mécanismes financiers directs visant à aider les travailleurs à investir dans les entreprises en situation de crise ou sans successeurs ou pour opérer des transferts d’entreprises aux travailleurs, en particulier sous la forme coopérative, sont instamment souhaités   Des politiques semblables encourageant les travailleurs à participer au capital et aux résultats de leurs entreprises devraient être encouragées - dans tous les types d’entreprises - par le biais de mécanismes fiscaux concrets avec la protection juridique nécessaire et le ratio correspondant pour la participation à la gouvernance, la surveillance, la prise de décisions et la responsabilité dans l’entreprise   Des mécanismes d’accompagnement tels que la non-redistribution ou la redistribution différée des ristournes coopératives, la réévaluation des parts des membres (selon des mécanismes définis et indépendants du cours des valeurs mobilières) devraient être encouragés et protégés par la loi pour les coopératives et autres entreprises propriété de leurs travailleurs actives dans l’industrie et les services.

2.3.3. Promotion des réserves des entreprises Comme indiqué au Chapitre 3, les réserves impartageables des coopératives, même en cas de liquidation, ont prouvé qu’elles étaient un instrument puissant pour la durabilité et le développement à long terme des entreprises dans les régions où elles sont implantées et pour les emplois qu’elles y créent. Elles sont aussi une composante majeure des systèmes de solidarité transgénérationnelle. Dans le cas des coopératives sociales qui proposent à la communauté des services sociaux, de santé, d’éducation ou environnementaux, elles constituent une garantie importante pour la pérennité de leur mission d'intérêt général.

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Sur la base de ce qui précède, les propositions de politiques suivantes devraient être prises en compte:   Des dispositions légales instituant des réserves impartageables pour les coopératives entièrement exemptés de taxes dans tous les États membres où ces réserves indivisibles ne sont pas encore inscrites dans les textes légaux ainsi que l’exemption de taxes pour les réserves impartageables là où elles existent déjà sont fortement préconisées   Des pistes pour d’autres formes d’accumulation de capital non remboursable à effet de levier pour aider les entreprises à réduire leur niveau d’endettement tout en s’engageant dans des programmes d’investissements productifs pour anticiper le changement devraient être explorées et encouragées dans tous les types d’entreprises.

2.3.4. Fonds communs pour le développement des entreprises Comme nous l'avons vu au Chapitre 3, dans plusieurs pays de l'Union européenne des coopératives ont créé un fonds commun pour le développement de nouvelles coopératives ou pour des projets de développement dans les coopératives existantes. En Italie, ces fonds ont été créés par la loi: 3% des bénéfices de toutes les coopératives sont ainsi collectés. Des milliers d'emplois durables dans des centaines d'entreprises ont été créés grâce à ces fonds entièrement financés par les entreprises coopératives elles-mêmes. Particulièrement en cette période de crise et de coupes budgétaires, cette façon de mettre en commun des ressources financières devrait être très sérieusement considérée par les décideurs politiques.

Nous formulons donc la recommandation suivante:   Une législation nationale faisant obligation à toutes les coopératives de consacrer un pourcentage de leur chiffre d’affaires ou de leurs résultats afin de contribuer à la création de nouvelles coopératives, renforcer les coopératives existantes et restructurer en coopératives les entreprises en risque de fermeture devrait être encouragée. La gestion de ces fonds de solidarité devrait être supervisée par les organisations coopératives ellesmêmes au bénéfice de leurs coopératives affiliées. Véritables instruments de politique économique, ces fonds de solidarité devraient être utilisés pour investir dans certains secteurs stratégiques.

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2.3.5. Le rôle des investisseurs Un des principaux défis pour les coopératives a toujours été, et est toujours, d’avoir un accès suffisant aux crédits bancaires. Cependant, plus récemment et en particulier avec les contraintes des institutions financières résultant de la crise financière, l'accès aux marchés des capitaux afin d'attirer du capital et des ressources patrimoniales a été mis en place dans certains cas qu’il convient de considérer: IDES en France ou l'apport en capital sans droit de vote lancé par les coopératives Eroski et Fagor electrodomesticos, qui font partie du groupe MONDRAGON en Espagne102. L’apport en capital sans droit de vote garantit que le contrôle de la coopérative appartient exclusivement à ses membres et assure ainsi la poursuite de la mission sociale de la coopérative. Dans le même temps, c'est une source très intéressante de financement.

Nous formulons donc les recommandations politiques suivantes:   Les fonds susceptibles d’investir dans les coopératives, comme les fonds d’investissement social, devraient être ouverts aux investisseurs extérieurs mais avec un système d’interdiction ou de limitation du droit de vote. En cas de limitation des droits de vote, les investisseurs extérieurs devraient rester minoritaires pour garantir la dimension de contrôle par les membres comme c’est le cas dans les coopératives   Une période minimale d’immobilisation de ce genre d’investissement devrait être obligatoire pour préserver la viabilité de l’entreprise   Autant que possible, ces fonds ne devraient pas investir directement dans les coopératives, mais dans les instruments financiers du système coopératif.

102

ZELAIA Adrian in Zevi A. et al. (2011) Au-delà de la crise: Coopératives, Travail, Finance - Création de richesse dans la durée, Bruxelles: CECOP Publications, p.147-153

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la résistance du modèle coopératif - chapitre 4

Conclusion Les recommandations formulées ci-dessus seraient propices au renforcement de la résistance des coopératives qui s'est déjà manifestée pendant les trois années de la crise actuelle. Ce faisant, elles permettraient aussi aux coopératives d’être une source d’inspiration pour l’ensemble des entreprises et aux décideurs politiques de faire face à la crise en cours. En plus, étant donné le niveau élevé d'autofinancement, d’ accumulation du capital et de mutualisation des ressources entre entreprises, comme le pratiquent les coopératives, ces politiques se traduiraient, du moins à moyen terme, par une baisse des coûts pour les budgets publics et seraient source d’espoir pour les trop nombreux citoyens européens en situation de chômage et d’exclusion. Néanmoins, aucune de ces politiques ne peut être vraiment efficace sans s'attaquer, tout d'abord et sans délai, aux sources des problèmes économiques de l'Europe, et en particulier au cercle vicieux généré par des politiques d’austérité et déflationnistes. Nous voyons ainsi qu’il y a un besoin urgent de politiques économiques, financières et monétaires coordonnées visant à relancer la croissance économique de l'Europe, ce qui nous donnera la certitude que les recommandations spécifiques proposées ci-dessus produiront les résultats escomptés. À cet égard, il est important de souligner qu’à l’occasion des enquêtes successives sur la crise qu’elle a menées auprès des membres, notre équipe a également recueilli les données d'organisations non européennes (dans le cadre de CICOPA, l'organisation mondiale représentant les coopératives de travail associé et les coopératives sociales). Les informations que nous avons obtenues de celles-ci (y compris des économies importantes, comme les États-Unis, le Canada, le Japon, la Chine et le Brésil) montrent que, malgré la persistance des difficultés économiques, les coopératives dans ces pays ont un niveau de confiance en l'avenir beaucoup plus élevé que les membres européens. Enfin, les éléments repris dans le présent rapport devraient rappeler aux décideurs politiques qu'une clé pour l'avenir de l'Europe réside dans des PME compétitives qui, comme nous le savons tous, fournissent la majorité des emplois. Pour qu’il en soit ainsi, des politiques sont nécessaires pour aider les PME à s’agrandir (comme l’ont fait certains états-membres de l'Union européenne, l’Allemagne par exemple), à créer des clusters et des groupes horizontaux entre elles (comme les coopératives l’ont fait ainsi qu’on a pu le voir avec les exemples concrets du présent rapport) et à développer des compétences et de la main-d'œuvre hautement compétente (un domaine où les coopératives ont, une fois encore, une expérience importante à partager).

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la résistance du modèle coopératif - acronymes et abréviations

acronymes et abréviations ACI

// Alliance Coopérative Internationale

AGCI

// Associazione Generale delle Cooperative Italiane

ANCPL

// Associazione Nazionale delle Cooperative di Produzione e Lavoro

CCOO

// Syndicat Espagnol Comisiones Obreras

CE

// Comission européenne

CECOP

// Conféderation européenne des coopératives de travail associé, des coopératives sociales et des entreprises participatives

CES

// Condéferation européenne des syndicats

CESE

// Comité économique et Social Européen

CFI

// Cooperazione Finanza Impresa

CG Scop

// Confédération Générale des sociétés coopératives et participatives

COCETA

// Confederación Española de Cooperativas de Trabajo Asociado

CONFESAL

// Confederación Empresarial de Sociedades Laborales de España

CPS

// Coop Product Slovakia

EFA

// European Free Alliance

ESFIN-IDES

// Institut de Développement de l'économie Sociale

ESCo

// Energy Service Companies

Estcoop

// Estonian Union of Worker Co-operatives, Participative Enterprises and Social Economy Organisations

FCTC

// Federació de Cooperatives de Treball de Catalunya

INE

// Instituto National de Estatistica

INSEE

// Institut National de la Statistique et des études économiques

MPE

// Membre du Parlement européen

NAUWC

// National Auditing Union of Workers' Co-operatives

NUWPC

// National Union of Worker Producers' Co-operatives

OCDE

// Organisation de Coopération et de Développement Économiques

OIT

// Organisation internationale du travail

PIB

// Produit Intérieur Brut

PME

// Petite Moyenne Entreprise

R&D

// Recherche et Développement

SCIC

// Société Coopérative d’Intérêt Collectif

SCMVD

// U nion des coopératives de production de la République tchèque et de Moravie

SCOP

// Société Coopérative et Participative

SOCODEN

// Société Coopérative de Développement et d'Entraide

UCECOM

// Union Nationale de la coopération artisanale et de production de Roumanie

UE

// Union européenne

UGT

// Unión General de Trabajadores

VDP

// Mitunternehmen- und Genossenschaftsverband E.V.

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la résistance du modèle coopératif - bibliographie

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rapports et documents de travail Coop FR (2012), Panorama sectoriel et Top 100 des entreprises coopératives, Coop FR EAPN (2012), Re-engaging hope and expectations - Getting Out of the Crisis Together Alternative approaches for an inclusive recovery, Bruxelles: EAPN Commission européenne (2012), Employment and Social Developments in Europe 2011, Luxembourg: L'Office des publications de l'Union européenne Ecorys (2011) Are EU SMEs recovering from the crisis? Annual Report on EU Small and Medium sized Enterprises 2010/2011, Rotterdam: Cambridge Euricse (2011), La cooperazione in Italia - 1st Rapporto Cambridge Euricse, Trente: Euricse GESCOP Poitou-Charentes (2011), Quand les Scop partagent leurs pratiques, Niort: GESCOP Poitou-Charentes Organisation Internationale du Travail (2012), Global Employment Trends 2012: Preventing a deeper jobs crisis, Genève: OIT Organisation Internationale du Travail (2011), Global Employment Trends 2011: The cha lenge of a jobs recovery, Genève: OIT Sage (2011), Radiografía de la pyme en España, Sage

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la résistance du modèle coopératif - bibliographie

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websites www.aula.coop // Aula de Formación Virtual online www.coceta.coop // COCETA www.cecop.coop // CECOP www.cicopa.coop // CICOPA www.consrav.net // Consorzio Ravennate www.ccc-acam.it // Consorzio Cooperative Costruzioni www.entreprises.coop // Coop FR www.cfi.it // Cooperazione Finanza Impresa www.les-scop.coop // CG Scop www.economiasolidaria.org // Economia Solidaria www.empresaytrabajo.coop // Empresa y trabajo.coop www.etuc.org // CES www.eurocoopbanks.coop // Association Européenne des Banques Coopératives ec.europa.eu/employment_social // Commission européenne : DG Emploi, affaires sociales et Inclusion www.epp.eurostat.ec.europa.eu // Eurostat www.federsolidarieta.confcooperative.it // Federsolidarietà www.ica.coop // ACI www.ine.es // INE www.insee.fr // INSEE www.vita.it // La voce dell’Italia responsabile www.lettera43.it // Lettera43 Quotidiano Online Indipendente www.empleo.gob.es // Ministerio de Empleo y Seguridad Social www.mondragon-corporation.com // M ONDRAGON Corporation blog.sage.es // Sage www.walescooperative.org // Wales Co-operative Centre

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La Confédération européenne des Coopératives de Production et de Travail Associé, des Coopératives Sociales et des Entreprises Sociales et Participatives

à propos de CECOP CECOP-CICOPA Europe est la confédération européenne des coopératives et des autres entreprises propriété de leurs travailleurs, actives dans le secteur de l’industrie et des services. Elle regroupe les fédérations nationales de 17 pays de l’UE, qui affilient à leur tour près de 50.000 entreprises de ces secteurs employant 1,4 million de travailleurs. 9.000 sont des coopératives sociales qui emploient près de 270.000 travailleurs.

CECOP-CICOPA Europe Maison Européenne des Coopératives Avenue Milcamps 105 1030 Bruxelles, Belgique Tél: +32 2 543 10 33 Fax: +32 2 543 10 37 E-mail: cecop@cecop.coop www.cecop.coop

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