CIERNIAK Thibaut - Les espaces ouverts dans les territoires périurbains

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LES ESPACES OUVERTS DANS LES TERRITOIRES PÉRIURBAINS

QUELLE INTÉGRATION DANS LES STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT ?

Étudiant : CIERNIAK, Thibaut ENSAPLV - DSA Architecture et Projet Urbain

Directeur de mémoire : HILAIRE, Philippe Janvier 2018 1



LES ESPACES OUVERTS DANS LES TERRITOIRES PÉRIURBAINS

QUELLE INTÉGRATION DANS LES STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT ?

Étudiant : CIERNIAK, Thibaut ENSAPLV - DSA Architecture et Projet Urbain

Directeur de mémoire : HILAIRE, Philippe Janvier 2018


TABLE DES ILLUSTRATIONS

P4

AVANT-PROPOS P7 DEFINITIONS P10 INTRODUCTION P14

I.

CARACTÉRISTIQUES ET ENJEUX DES ESPACES OUVERTS 1) Les espaces ouverts : évolution et pensées urbanistiques

P15 P15

2) L es espaces ouverts : éléments structurants du territoire et lieux de pratiques variées P19

es espaces ouverts : une logique d'acteurs et des enjeux multiples 3) L

II.

P23

ÉTUDE DE CAS : LA PLAINE DE MONTESSON

P29

1) Caractéristiques et enjeux de la plaine de Montesson

P29

2) I ntégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement de la plaine de Montesson P42

3) Limites et questionnements

P61

2


III.

INTÉGRATION DES ESPACES OUVERTS DANS LES STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT P65

1) Les espaces ouverts : le support d'une urbanisation

P65

2) Les espaces ouverts : des démarches de sauvegarde et de préservation

P69

3) Les espaces ouverts : au coeur de la protection des activités de production P71

4) Les espaces ouverts : support du développement d'une offre de loisirs

P73

CONCLUSION P76 BIBLIOGRAPHIE P80

3


TABLE DES ILLUSTRATIONS

-- Fig.1: Couverture / Photo personnelle prise le 29.02.2016 -- Fig. 2-3-4-6-11-13-14-15-16-17-18-25-26-37-39 : Photos personnelles prises les 30.04.2016, 29.02.2016 et 30.04.2016

-- Fig. 5: Photo issue du site de l'agence "Fabriques" consulté le 2 Novembre 2014 : http://www.fabriques-ap.net/?page_id=340

-- Fig. 7-8-12a-20 : source Géoportail. -- Fig. 9: Photo issue de l'Atlas des paysages des Yvelines réalisé par l'agence B.

Folléa - C. Gautier paysagistes urbanistes, pour le conseil général des Yvelines. Disponible sur le site consulté le 11 Novembre 2016 : http://www.atlas-paysagesyvelines.fr/16-La-boucle-de-Montesson.html

-- Fig.10-31-32-33-34-35-36: Documents issus de l'étude stratégique et de cohérence des mutabilités foncières des franges de la plaine de Montesson. Atelier MARNIQUET / Namo / Folléa-Gautier: "Les Franges de la Plaine de Montesson en perspective(s)."Maîtrise d'ouvrage DDT78 et CCBS. Novembre 2011. -- Fig. 12b: source IAU -- Fig. 19-21-28: Documents issus du Schéma de Cohérence Territoriale de la Boucle de la Seine, établi en 2010

-- Fig. 22: Document issu du dossier de réalisation de la ZAC de la Borde, établi en Août 2010

-- Fig. 23: Document issu du Plan de Mobilisation pour le Logement, établi le 17 Février 2015

-- Fig. 24: Document issu de l'État d’avancement des Contrats d’intérêt national (CIN) en Île-de-France, publié le 20 Avril 2017

-- Fig. 27: Affiches des différents évènements proposés par l'association Plaine d'Avenir 78, disponibles sur le site internet consulté le 23 Mai 2017 : http://www. plainedavenir78.org/

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-- Fig. 29: Document issu de l'Agence des Espaces Verts, disponible sur le site

internet consulté le 12 Août 2016 : http://www.aev-iledefrance.fr/les-missions/ amenager-le-territoire/les-perimetres-regionaux-d-intervention-fonciere/prif-plainede-montesson

-- Fig. 30: Document établi à partir des différentes délibérations et publications du Conseil Général des Yvelines

-- Fig. 38: Documents issus du site internet de l'agence Atelier de l'Île, consulté le 23 Mai 2016 : http://www.atile.fr/index_.html

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Fig. 2 : Exemple d'un espace ouvert en coeur de lotissement Ă Montesson.

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AVANT-PROPOS

Le périurbain est aujourd'hui au cœur d'enjeux majeurs pour le développement des territoires. Après s'être focalisé sur les centres urbains des grandes agglomérations, il est primordial de se tourner vers les territoires périphériques quelque peu oubliés depuis les dernières décennies. C'est en effet dans ces territoires périphériques que le développement urbain, rapide, expansif et souvent incontrôlé est le plus important.

Caractérisés par une faible densité du bâti, par la prédominance des

maisons individuelles, par un strict zonage des fonctions et par une mobilité basée sur l'automobile individuelle, les territoires périurbains ont tout pour être considérés comme une antithèse du développement durable. Pourtant, ils accueillent aujourd'hui 14 millions de Français et sont de plus en plus plébiscités notamment pour la qualité de vie qu'on y trouve et pour les prix du foncier qui s'y appliquent. Le développement majeur de ces territoires nous pousse à questionner les enjeux et les potentialités d'aménagement du périurbain. De plus en plus d'études s'intéressent à cette thématique en étudiant l'architecture pavillonnaire, la structure des réseaux de mobilités ou encore le polycentrisme des polarités. Cependant, l'une des caractéristiques majeures des territoires périurbains reste en marge de ces réflexions : les espaces ouverts qui représentent aujourd'hui 80% de l'espace périurbain. De par leur importance, les espaces ouverts peuvent être un des moteurs de la transformation des territoires périurbains pour répondre aux enjeux contemporains de développement durable.

Ces espaces ouverts peuvent être perçus comme une résultante de

l'évolution du rapport ville-campagne. Ainsi, «la ville contemporaine étendue

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et fragmentée donne une existence physique à l’espace ouvert»1. Bien qu'ils soient une conséquence de l'assouplissement du tissu urbain et de l'étalement des zones urbanisées, ils participent aujourd'hui pleinement au système urbain de la ville diffuse.

La volonté de changer l'angle de vue sur ces territoires et d'avoir une

approche à partir de la thématique précise des espaces ouverts permettra d'apporter un nouveau regard et de mieux comprendre le phénomène de périurbanisation ainsi que son évolution. On dessine souvent la ville à partir de ses pleins, mais dans ces territoires périurbains, les espaces ouverts prennent une telle importance qu'ils peuvent devenir le point de départ de la réflexion. «L’espace ouvert nous éloigne d’une conception en négatif de l’urbain».2 Et si l'approche des territoires périurbains par la thématique des espaces ouverts permettait d'apporter de nouvelles réponses aux enjeux d'aménagement et d'urbanisation ? Pour mettre en œuvre ce changement de vision, il s'agit d'interroger "l'importance nouvelle de ces espaces ouverts dans la construction des territoires périurbains"3. C’est sur ces bases de réflexions que prend appui ce mémoire. La ville ne peut plus s'étaler à l'infini et urbaniser les espaces ouverts sans une profonde réflexion sur leurs interactions, L'intégration des espaces ouverts 1 BANZO, Mayté. "L'espace ouvert pour recomposer avec la matérialité de l'espace urbain". [en ligne]. Journal of Urban Research. 3 Mai 2016 [15 Octobre 2016]. Disponible sur Internet : < http://articulo.revues.org/2708 > p34 2 BANZO, Mayté. L'espace ouvert pour une nouvelle urbanité. Bordeaux : Université Michel de Montaigne, 2009. p106. 3 POULOT, Monique. "Du vert dans le périurbain. Les espaces ouverts, une hybridation de l'espace public". [en ligne]. Espaces Temps 2013 [14 Avril 2017]. Disponible sur Internet : < http://www.espacestemps.net/articles/du-vert-dans-le-periurbain-les-espaces-ouverts-unehybridation. > p42. 8


est alors un enjeu majeur de leur développement urbain qu’il faut continuer d’expérimenter. Il est temps d’intégrer cette dynamique dans l'aménagement des territoires périurbains pour qu’il réponde aux problématiques actuelles.

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DÉFINITIONS

La notion d'espace ouvert est à définir clairement pour bien comprendre la démarche dans laquelle s'inscrit cette réflexion. En parcourant les travaux réalisés par les chercheurs, les pouvoirs publics ou d'autres organismes sur les espaces ouverts, on remarque que tous n'utilisent pas le même terme.

Pour certains, comme l'urbaniste Sabatier, il s'agira d'« espaces non-

bâtis»4, se concentrant sur la dualité et l'opposition avec les espaces bâtis. On s'intéresse dans ce cas à ce qui reste quand on s'affranchit des constructions. Cette approche en « négatif » du bâti est pour moi imprécise du fait qu'elle considère les espaces ouverts uniquement dans leur dépendance au bâti, comme une simple conséquence de ce qui a été construit. Il faut à l'inverse étudier les espaces ouverts comme une entité propre, avec ses caractéristiques spécifiques.

Pour d'autres, on préférera les termes « espaces verts » ou « espaces

naturels et agricoles ». Même si les espaces ouverts sont à dominante végétale, naturelle et agricole, on ne peut pas simplement les limiter à ces notions. « Un espace ouvert correspond à une portion de territoire située à l’intérieur d’une région urbaine ou d’une agglomération où dominent les éléments naturels. Par extension les espaces minéraux non bâtis tels que les rues piétonnières, cheminements, chemins de halage sont également pris en compte.»5 Les espaces ouverts peuvent être aménagés et pas forcément naturels, ils peuvent accueillir d'autres fonctions que l'agriculture.

4 SABATIER, Bruno. De l'impossible absolu de l'espace public à la publicisation des espaces. Toulouse : Presses universitaires du Mirail. 2007. p149. 5

LAPOIX. Espaces ouverts. Marly-le-roi : Ministère de l'équipement. 1975. p120. 10


Certains, comme le géographe Vanier, utiliseront même le terme

d'« espace libre »

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pour insister sur l'absence d'activité ou de construction

qui permet l'accès libre des usagers à ces espaces. Cette idée de l'espace libre introduit la notion des pratiques urbaines nouvelles qu'on peut trouver dans les espaces ouverts du périurbain. Cependant, le terme paraît éloigné de la réalité tant ces espaces ouverts sont contraints dans leur accessibilité. La plupart des terrains concernés sont privés, et même s'ils restent ouverts au public comme c'est le cas pour l'agriculture, la concurrence des usages entre les différentes fonctions présentes sur ces espaces ne permet pas une utilisation aussi facile et autorisée que le terme « espace libre » l'entend.

Enfin, on trouve aussi des auteurs, comme Morgado qui parlent de

« vides », en opposition au plein de bâti7, ou alors d'« espaces en creux », comme le définit Thiberge8. Dans ces deux notions, on comprend bien la référence aux espaces interstitiels qui révèlent, dans leur contraste avec le plein, une composition complémentaire entre l'espace ouvert et les éléments bâtis ou les masses végétales. Pourtant, ces deux termes ne permettent pas une bonne compréhension de ces territoires car ils négligent les fonctions qu'on peut y trouver. Les espaces ouverts ne sont pas des espaces vides, ils accueillent une grande diversité de pratiques pour de nombreux usagers. Ils ont des caractéristiques spatiales propres qui ne méritent pas de les traiter comme du vide, sans définition réelle.

Dans cette étude, nous préférerons alors le terme « espace ouvert »,

notamment pour l'importance et pour la pluralité de sens de la notion d'ouverture dans ces espaces. 6

VANIER, Martin. Le pouvoir des territoires. Paris : Anthropos. 2008. p16.

7 MORGADO, Sofia. "Protagonisme de l'absence : interprétation urbanistique de la formation métropolitaine de Lisbonne à partir des espaces non bâtis." Note de recherche. Sud-Ouest européen, tome 24, 2007. p. 127 8

THIBERGE, Claude. La ville en creux, Condé-sur-Noireau, Éd. du Linteau,. 2002. p154. 11


Selon le dictionnaire Le Petit Robert9, l'adjectif "ouvert" définit ce qui

n'est pas fermé, ce qui est accueillant, accessible et ce qui est disposé à accueillir quelque chose. Rapporter aux territoires périurbains, la notion d'ouverture répond donc à différentes thématiques. La première est celle de l'ouverture paysagère, définissant les espaces ouverts comme des espaces offrant de vastes étendues et permettant de grandes perspectives dégagées. La seconde thématique est celle de l'ouverture en terme d'accessibilité, incluant la notion de publicisation et d'accès du public à ces espaces ouverts. Enfin, le terme « ouvert » peut aussi être considéré comme la capacité d'évolution et d'adaptation de ces espaces. Les potentialités sont en effet remarquables pour ces espaces qui ne sont que très peu normés.

OUVERTURE

PAYSAGÈRE

Fig. 3 : Ouverture paysagère sur le territoire

ACCESSIBILITÉ

Fig. 4 : Accessibilité des espaces ouverts

POTENTIALITÉS

Fig. 5 : Potentialités et adaptation des espaces ouverts

9 "Ouvert". In Le nouveau petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Nouv. éd. mise à jour. Dictionnaires le Robert, 2000. 12


Les espaces ouverts sont donc définis par les perspectives visuelles et les respirations dans le tissus qu'ils offrent, par une forte présence de la nature (soit en raison de l'état initial (agriculture) soit par une action d'aménagement (parcs), de protection (sites classés) ou d'abandon (infrastructure, friches)), par leur adaptabilité et leur capacité d'évolution, par leurs limites floues et souples, par leur accessibilité au public, par l'urbanisation qui les entoure et souvent leur caractère enclavé, mais aussi par la diversité des fonctions qu'ils accueillent.

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INTRODUCTION

Ce mémoire pose la question de l'intégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement des territoires périurbains. Il tentera d'y répondre en intégrant les dynamiques spatiales, sociétales et économiques qui y prennent place pour obtenir une étude qui prenne en compte tous les enjeux et tous les acteurs liés à l'aménagement du territoire. Pour ce faire, une étude approfondie des caractéristiques et des enjeux liés à ces espaces est menée. En s'appuyant sur les réflexions et les écrits d'autres auteurs, ainsi que sur des phénomènes déjà observés et étudiés, ce mémoire propose dans un premier temps de dresser un état des spécificités, de la place et de l'importance de ces espaces ouverts dans les pratiques et les usages des habitants mais aussi dans les logiques d'acteurs actuelles. Cette partie s'inscrit dans une démarche plus théorique de définition et d'état des lieux des espaces ouverts. Pour appuyer ces propos, l'étude se base ensuite sur l'étude de cas de la plaine de Montesson, représentative des enjeux et des problématiques liés aux espaces ouverts. Après avoir étudié les caractéristiques et les enjeux principaux liés à ce secteur de la métropole parisienne, nous pourrons nous concentrer sur les espaces ouverts, leur intégration dans les stratégies d'aménagement actuellement mises en place et les limites de cette démarche. L'étude de ce cas concret permet d'illustrer et de mieux comprendre les dynamiques constatées autour des espaces ouverts. Enfin, à partir de l'étude de cas, la dernière partie consistera à l'étude des différentes attitudes et approches possibles sur les espaces ouverts et des divers degrés d'intégration dans les stratégies d'aménagement. 14


I. CARACTÉRISTIQUES ET ENJEUX DES ESPACES OUVERTS

Pour comprendre les dynamiques et les prises en compte des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement des territoires périurbains, il convient tout d'abord de cerner les caractéristiques et les enjeux liés à ces espaces. A travers les courants de pensée et les écrits de divers auteurs, nous tenterons de faire un état des lieux des espaces ouverts aujourd'hui.

1) Les espaces ouverts : évolution et pensées urbanistiques Les espaces ouverts sont le fruit de l'évolution du dualisme entre la ville et la campagne. Le processus d'urbanisation transforme peu à peu la fonction de la campagne et son rapport à la ville. Cette relation ville-campagne n'a cessé d’évoluer. Trois époques peuvent être distinguées pour comprendre cette évolution, selon Vanier. - La première période, avant 1950, consiste en un rapport de production dans lequel la campagne est un espace de production pour alimenter les activités qui se développent en ville. Les deux entités ont des fonctionnements économiques différenciés et le caractère productiviste de la campagne est accentué par la modernisation de l'agriculture depuis la révolution industrielle. - La seconde période montre un rapport de consommation de la campagne par la ville. C'est l'époque du processus de périurbanisation et d'étalement urbain des années 1970 et 1980 dans lequel les attraits et les mythes du monde rural nourrissent le désirs des urbains de partir s'installer à l'extérieur de la ville, mais toujours en lien avec le pôle urbain central

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pour en bénéficier des services et des emplois. Cette époque montre l’interdépendance qu'il existe entre les deux milieux. - Enfin, on assiste depuis la fin des années 1980 à un rapport de transaction qui oblige à la combinaison des deux types d'espaces et à confusion dans leurs limites. Les dynamiques sociales témoignent de ce mélange avec un mode de vie rural de plus individualisé et des dynamiques d'ancrage local présents en ville. En parallèle de cette évolution du rapport ville/campagne, il existe aussi un rapport de la ville aux espaces ouverts qui s'est lui aussi construit progressivement. Les mythes anti-urbains du 18ème siècle affirme alors le paysage comme une perspective ouverte et une intégration de la nature dans les espaces publics. "Cette vision paysagère est fondatrice de l'espace ouvert : elle crée un horizon hors les murs et introduit le panorama en temps qu'ouverture du champ de vision dans la ville"10 Plus tard la place de la nature et du paysage est affirmée dans son rôle d'amélioration des conditions de vie à travers l'urbanisme culturaliste qui insiste sur le rôle des espaces ouverts dans l'aménagement de la ville. Les parcs urbains, la cité-jardin et les modèles comme Broadcare city en témoignent. Ensuite, la pensée progressiste du 20ème siècle se démarque en dématérialisant l'idée de nature pour affirmer les objectifs d’efficacité du fonctionnaliste. Les espaces ouverts sont uniquement là pour ouvrir les vues et faire respirer la ville. "Finalement, tout se passe comme si l'espace ouvert était un espace qui n'existe pas, il est seulement le vide qui entoure les bâtiments"11 10 BANZO, Mayté. "L'espace ouvert pour une nouvelle urbanité". Op. Cit. p42. 11 THIBERGE, Claude. La ville en creux, Op.Cit. p 154 16


Dans la ville contemporaine, qui est caractérisé par la dimension territoriale et le processus de diffusion, "l'espace ouvert ne peut plus être réduit à l'état de résidu, il est nécessairement partie prenante du projet urbain"12 Les usages obtiennent une position centrale dans la réflexion autour des espaces ouverts qui doivent être intégrés à la vie sociale et à l'urbanité. Ils participent à la diversité et au pluralisme de la ville dans sa globalité. Dans cette logique, les espaces ouverts deviennent le support privilégié des activités récréatives et de loisirs qui prennent une place primordiale dans la ville contemporaine. Apparait aussi une perspective écologique à prendre en compte dans l'intégration des espaces ouverts dans l'urbanisation contemporaine. Les préoccupations

environnementales

qui

se

développent

massivement

dès la fin des années 1990 et le début des années 2000 modifient aussi la perception et l'intégration des espaces ouverts dans la ville. Cette vision écologique, qui considère l'humain non plus comme l'élément central de la société mais comme partie d'un tout, d'un environnement, propose un aménagement plus respectueux de la nature. Les espaces ouverts prennent donc une tout autre dimension, en intégrant les phénomènes naturels d’inondations, de tremblements de terre etc ... "On peut concevoir que de telles zones naturelles où existent avantages et désavantages soient la base de l'espace ouvert des grandes villes."13 Les équilibres naturels sont au cœur de la démarche d'aménagement intégrant les différents éléments (air, sol, eau ...). Les espaces ouverts retrouvent alors leur matérialité qu'ils avaient perdu dans l'approche fonctionnaliste et font partie intégrante du système urbain.

12 BANZO, Mayté. "L'espace ouvert pour une nouvelle urbanité".Op. Cit. p50. 13 MCHARG, Ian. "Composer avec la nature". Cahiers de l'IAURIF, n°58-59, édition américaine 1969. p51. 17


L'approche paysagère des espaces ouverts a donc pu, petit à petit, au cours des évolutions des pensées urbanistiques, affirmer la place des espaces ouverts dans l'aménagement de la ville jusqu'à en être un élément essentiel aujourd'hui dans la ville contemporaine.

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2) Les espaces ouverts : éléments structurants du territoire et lieux de pratiques variées Il apparaît clairement, à travers les lectures de différents géographes, urbanistes, architectes, paysagistes, sociologues ou mêmes économistes, que les espaces ouverts sont aujourd'hui des éléments dominants et des composants essentiels des territoires périurbains. «L’espace ouvert s’affirme avec l’éclatement de la ville moderne et contemporaine. » 14 Ces espaces ouverts font clairement partie de la structure urbaine. Même si ils sont la plupart du temps uniquement considérés comme des résidus de l'urbanisation, comme des poches de "vides" non-construits, ils sont bel et bien présents sur le territoire. "Les espaces périurbains se caractérisent morphologiquement par le maintien d’espaces non bâtis au sein d’une vague pavillonnaire"15. Selon l'INSEE 199916, 80% du territoire périurbain est composé d'espaces ouverts. Leur importance en terme de surface ne doit pas faire oublier qu'ils ont un caractère structurant. En effet, en créant des continuités vertes, des liaisons naturelles, des ouvertures visuelles au grand territoire, ces espaces ouverts participent à la composition globale des espaces périurbains. Les différents types d'espaces ouverts (parc, agriculture ...) sont aujourd'hui clairement indiqués dans les documents d'urbanisme (notamment dans les Plan d'Aménagement et de Développement Durable) comme des éléments clés du territoire. Ils peuvent même former une trame pour le système polycentrique de certaines métropoles ou pour les villes archipel.

14 BANZO, Mayté. "L'espace ouvert pour une nouvelle urbanité" Op. Cit. p58. 15 POULOT, Monique. "Du vert dans le périurbain. Les espaces ouverts, une hybridation de l'espace public". Op. Cit. p 4 16 INSEE, "Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010. Poursuite de la périurbanisation et croissance des grandes aires urbaines ", Insee Première n°1375 - octobre 2011 19


Les espaces ouverts apparaissent alors comme « des matériaux urbains fondamentaux. Par leur combinaison ils assument le rôle primordial d’intermédiaire entre les différents fragments urbains, leurs sites, leurs dimensions, leurs caractères techniques, leurs fonctions et rôles organisés à l’intérieur de certaines grandes figures »17. Les espaces ouverts construisent la morphologie et l'identité du territoire. Les espaces ouverts sont aussi des éléments des paysages à part entière, La perception des paysages est directement impactée par les ouvertures visuelles et les respirations qu'ils créent dans le tissu urbain. Les espaces ouverts participent alors au rapport qu'a la ville avec les paysages. A travers les espaces ouverts, "un paysage d'agglomération banal se transforme en composant du tissu urbain"18. Selon Michel Desvignes, ils peuvent faire partie d'une nouvelle catégorie d'espaces qu'il appelle des "paysages intermédiaires" ni tout à fait agricoles, ni tout à fait publics. Il insiste ici sur le caractère flou de ces espaces, autant dans leurs limites que dans leurs usages. Pour autant, ce caractère indéterminé participe à la composition des paysages contemporains de la ville diffuse. Les espaces ouverts structurent aussi les territoires urbains par les usages et les pratiques qu'ils accueillent et qui sont diversifiées, composites et parfois même antagoniques. Il s'agit par exemple des activités de production agricole et maraîchère qui sont largement dominantes dans les espaces ouverts. L'agriculture, outre le rôle productiviste nécessaire à toute société, participe largement à la composition des territoires. Les pratiques des agriculteurs, éleveurs et 17 SECCHI, Bernardo. « La ville européenne contemporaine et son projet », L'imaginaire aménageur en mutation, Paris, 2004. L'Harmattan, p128.. 18 SCHMID, André. "Nouveaux parcs urbains à l'extérieur de la ville". Anthos, Février 2013, p37 20


maraîchers fabriquent une grande partie des paysages du périurbain. Leur rôle économique est aussi primordial dans l'équilibre des fonctions des territoires périurbains, souvent très résidentiels. L'apport d'activités et la production de nourriture font de ces espaces ouverts un enjeu majeur pour l'intérêt général. L'importance des espaces ouverts dans les territoires périurbains vient aussi de leur appropriation par les habitants qui en font des espaces centraux dans leurs pratiques quotidiennes. Une étude menée par Monique Poulot19 a montré la diversité des appropriations par les habitants de ces espaces. A la recherche d'un mode d'habiter rural, les périurbains qui ont accès à ces espaces en font un lieu de pratiques privilégié. D'un lieu d'activités sportives, de loisirs, ou de repos, à un lieu de rencontre et de partage, les espaces ouverts sont le support de nouvelles pratiques sociales entre les habitants, qui y cherchent une sociabilité choisie, ponctuelle et éphémère. Les espaces ouverts construisent "des séquences dans lesquelles peuvent se lire les pratiques sociales de notre temps"20. Ce sont surtout les activités de loisirs qui prédominent dans les espaces ouverts, de part leur accessibilité, leur ouverture et leur caractère naturel qui jouent un rôle important dans l’attractivité qu'ils ont auprès des usagers. De nombreuses activités de loisirs peuvent s'y côtoyer, allant de la simple promenade dans le parc, des terrains de sport, au golf ou au terrain de motocross ou même d'utilisation de drones.

19 POULOT, Monique, ROUGE, Lionel. "Les espaces ouverts dans la fabrique périurbaine : Vers l'affirmation de logiques de transaction dans les nouvelles recompositions sociospatiales." URBIA. Les Cahiers du développement urbain durable, Observatoire universitaire de la Ville et du Développement durable, 2015, Intermédiarités et hybridations: l'entre-ville reconsidéré, pp.33-62 20 SECCHI, Bernardo. Première leçon d’urbanisme, Parenthèses, Marseille, 2006, pages 128 21


Les espaces ouverts sont aussi le support de la mobilité dans les territoires périurbains. Ils peuvent alors participer au désenclavement et à l'amélioration de l'accessibilité à travers des infrastructures ou des modes de transports qui ne pourraient pas exister sans les terrains non-construits (infrastructures routières, raccourcis piétons, voies cyclables structurantes ...) Les espaces ouverts sont alors le support de nombreuses pratiques qui se rencontrent et s'établissent sur un même site. "Des formes d'urbanités diverses et spécifiques en matières de fonctionnement spatial et socioculturel créent la qualité de vie de ces espaces"21. Cette mixité d'usages permet un enrichissement mutuel de chacun mais aussi des conflits ou des contradiction qui doivent être pris en compte dans l'intégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement des territoires. Une logique d'enjeux diversifiés se met alors en place sur ces espaces et entre les usagers.

21 KOCH, Michael, SCHUMACHER, Maresa. "Ville de périphérie ?" Anthos, Février 2011, p16 22


3) Les espaces ouverts : des enjeux multiples et une logique d'acteurs complexe Les espaces ouverts sont souvent au cœur d'enjeux à différentes échelles aussi bien temporelles que spatiales. Il est important de bien prendre en compte cette diversité d'intérêts pour appréhender leur intégration dans les stratégies d'aménagement. Pour

commencer, on

trouve

les

dynamiques

de

développement

métropolitain qui influent sur les espaces ouverts. En effet, dans les territoires périurbains des grandes métropoles, mais aussi dans une moindre mesure des autres agglomérations, ces espaces sont pour la plupart perçus comme des potentiels d'urbanisation. Leurs grandes surfaces permettent souvent la création de nouveaux quartiers qui vont servir à vendre une image dynamique et de renouveau de la métropole. Les grands projets actuels en témoignent, comme l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui s'installe dans des bocages, ou encore le quartier Confluence à Lyon sur des friches industrielles. D'un autre côté, et toujours à l'échelle métropolitaine, les espaces ouverts participent comme on l'a vu à la structuration du territoire. Il deviennent en quelque sorte une colonne vertébrale autour de laquelle peut s'appuyer l'expansion de la ville. En parallèle, des enjeux démographiques s'appliquent aux espaces ouverts, qui peuvent servir de réserve foncière pour le développement et la construction de logements servant à l'accroissement prescrit de la population. En effet, à défaut de renouvellement urbain, de nombreuses démarches d'urbanisation des espaces ouverts tendent à répondre à la demande importante de logements.

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Aussi, les espaces ouverts sont sous la pression d'enjeux économiques. D'une part pour y installer des activités qui vont participer à la richesse du territoire (création d'emplois, bureaux, industries ...) mais aussi plus indirectement par les impacts économiques que leur urbanisation va induire (développement d'entreprises de construction ou d'entretien, recettes supplémentaires pour les collectivités ...). Ainsi, il est souvent plus intéressant économiquement d'investir les espaces ouverts libres que de reconstruire la ville sur elle-même. Ensuite, il existe des enjeux vivriers qui s'appliquent à ces espaces ouverts, majoritairement composés d'agriculture. En effet, la fonction productiviste de ces espaces est essentielle et doit être prise en compte dans l'étude de leur aménagement. La proximité des bassins de vie et d'emploi des espaces agricoles dans les territoires périurbains, gage de fraicheur et de qualité des produits, affirme leur importance à une époque où les transports sont de plus en plus coûteux et où les circuits courts sont privilégiés. Les espaces ouverts agricoles sont alors au cœur d'un enjeu vivrier fort et vital pour les populations. L'objectif d'auto-suffisance alimentaire de certaines agglomérations va dans ce sens et ne fait qu'affirmer l'importance de ces espaces ouverts. Les espaces ouverts participent aussi à la qualité du cadre de vie des habitants et des usagers des territoires périurbains. Cet enjeu, bien que difficilement quantifiable, est primordial pour les habitants qui sont souvent venu s'installer dans le périurbain pour pouvoir profiter de ces espaces ouverts et de la végétation qu'ils amènent, des respirations qu'ils procurent, et des usages qu'ils permettent. Aussi, les élus, dont le statut est par définition dépendant des habitants qui composent leur électorat, ont bien compris ces enjeu et tentent souvent de ménager les espaces ouverts qui participent à la qualité de vie des quartiers.

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Par ailleurs, des enjeux sociaux s'ajoutent à ces espaces ouverts. En effet, on en a déjà parlé, les espaces ouverts sont le support de sociabilités qu'il est difficile de retrouver ailleurs. Permettant une rencontre souvent décontractée et temporaire, les usagers qui s'y rendent recherchent ce qu'on peut appeler une sociabilité diffuse de l'entre-soi et de l'évènementialité, comme le décrit Denis Delbaere. Les espaces ouverts sont alors l'opportunité pour les habitants d'une appropriation personnelle et de la création d'un nouveau genre d'espace public, basé sur le rôle du paysage. Viennent ensuite les enjeux environnementaux qui participent à l'intérêt des espaces ouverts. En effet, qu'ils soient naturels, agricoles, abandonnés, ou domestiqués, ces espaces présentent dans la grande majorité une biodiversité riche et indispensable à l'équilibre écologique des territoires. Ils sont un réservoir d’espèces animales et végétales et atténuent tant bien que mal l'urbanisation qui grignote leurs habitats. Les espaces ouverts répondent enfin à des enjeux de diversité. Diversité des usages et des fonctions, à travers les différentes activités qu'on peut y retrouver (agriculture, loisirs, activités économiques en lien avec des quartiers résidentiels ...). Diversité des profils des usagers, avec des professionnels de l'agriculture, des habitants ou des visiteurs qui s'y rencontrent. Diversité des approches, avec des démarches d'aménagement nouvelles, comme des projets éphémères ou des opérations ponctuelles. Tous ces enjeux sont portés par une diversité d'acteurs qui témoigne de la complexité du système qui entoure l'aménagement des espaces ouverts. Il peut s'agir d'abord des associations de défense de l'environnement, du cadre de vie, ou du patrimoine naturel et culturel que les espaces ouverts offrent. Ces associations sont le plus souvent portées par les habitants qui souhaitent défendre leur cadre de vie, ou simplement leur principes de vie.

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Les habitants qui ne sont pas regroupés en association sont quand même impliqués dans l'intégration des espaces ouverts aux stratégies d'aménagement. En effet, ils ont leur mot à dire lors des consultations concernant l'établissement ou les révisions des documents d'urbanisme, mais aussi concernant les projets sur ces espaces ouverts. Aussi, avec le pouvoir d'électeurs, ils peuvent faire pression sur les élus qui ne vont pas dans le sens de leurs intérêts. Les professionnels qui pratiquent sur ces espaces ouverts, ou dans les sites attenants, sont aussi à prendre en compte dans le mille-feuilles des acteurs des territoires périurbains. Il s'agit principalement des agriculteurs et des maraîchers, mais les agents d'entretien des espaces verts, les professionnels du tourisme et du loisirs et les autres professionnels liés aux activités sur ces espaces sont aussi concernés et ont leur mot à dire quant à leur aménagement. Les propriétaires des terrains qui sont des espaces ouverts, qu'ils soient habitants ou professionnels, publics ou privés, individuels ou groupés, occupent une place primordiale dans l'aménagement de ces espaces car ils ont le pouvoir d’accélérer, de ralentir, si ce n'est d'empêcher les opérations d'aménagements par la cession ou la conservation de leurs biens. Viennent ensuite les institutions étatiques, régionales ou locales. Les premières défendant le plus souvent les intérêts généraux à l'échelle d'un grand territoire, la dernière s'inscrivant dans la localité et dans les problématiques à l'échelle d'un quartier ou d'une commune, bien que ceuxci prennent aussi en compte des enjeux à plus grande échelle. Enfin, les aménageurs et les constructeurs s'intègrent souvent dans les dynamiques et dans les démarches d'aménagement des espaces ouverts

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pour faire valoir leur savoir-faire et ainsi obtenir de nouveaux marchés. Les espaces ouverts sont donc le lieu de concentration d'enjeux majeurs et divers, à différentes échelles spatiales et temporelles, et qui impliquent des acteurs, professionnels de l'aménagement ou non, dans le processus des projets atour de ces espaces. Il est important de prendre en compte tous ces acteurs et ces enjeux dans la réflexion. En effet, ces espaces ouverts doivent servir au plus grand nombre, sans pour autant altérer les intérêts de chacun. Un équilibre doit être atteint entre ces différents enjeux pour que les espaces ouverts puissent répondre aux défis contemporains tout en conservant leur atouts actuels.

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Fig. 6 : Illustrations d'espaces ouverts sur le secteur de la Plaine de Montesson

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II. ÉTUDE DE CAS : LA PLAINE DE MONTESSON

Pour illustrer cette étude sur les espaces ouverts, le territoire de la Plaine de Montesson a été sélectionné parmi d'autres sites en Ile-de-France. Celuici, en plus de présenter les caractéristiques inhérentes au sujet des espaces ouverts du périurbain, témoigne d'enjeux qui sont d'un côté singuliers (la dimension historique de ce territoire par exemple) et d'un autre côté révélateurs de la dynamique sur l'ensemble de la région. En effet, la plaine de Montesson, de part sa proximité avec Paris, son histoire liée au maraîchage, et l'attachement que lui présente la population, est un site où les enjeux sont intensifiés par rapport à d'autres territoires.

1) Caractéristiques et enjeux de la plaine de Montesson Situation géographique :

PLAINE DE MONTESSON BOUCLE DE LA SEINE

PARIS

Fig. 7 : Localisation de la Plaine de Montesson

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La plaine de Montesson est un territoire de presque 600 hectares, situé à 15km à l'Ouest de Paris, dans le département des Yvelines. Elle se trouve à la croisée de trois commune : Montesson, dont elle tire son nom, Sartrouville et Carrière-sur-Seine, qui forment avec d'autres communes, la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine (CASGBS). La localisation exceptionnelle de la plaine de Montesson, dans l'axe historique de développement de Paris, en fait un territoire tout particulier, emprunt d'un caractère patrimonial fort. En effet, dans l'alignement du Louvre, de la Concorde, de l'Arc de Triomphe et de la Défense, l'axe royal traverse complètement la plaine, pour se terminer sur les terrasses de SaintGermain-En-Laye, étape importante du parcours jusqu'à Versailles. Ces terrasses offrent par ailleurs un panorama très intéressant sur la plaine, qui met en valeur les espaces ouverts et leur intégration complète au sein de la métropole.

Terrasses de Saint-Germain-en-Laye

La Défense

Arc de Triomphe

Louvre

Fig. 8 : Positionnement de la plaine sur l'axe historique royal

30


Fig. 9 : Vue depuis les terrasses de Saint-Germain-en-Laye

La plaine de Montesson fait partie de la boucle du même nom. Entourée par la Seine, la plaine dispose d'une géologie toute particulière qui a bénéficié d'une part à l'extraction de sables et d'autre part à la pratique du maraîchage. Selon le dictionnaire du Larousse, une plaine est un "espace géographique caractérisé par une surface topographique plane, avec des pentes relativement faibles". Plus qu'une plaine homogène, il s'agit ici de plusieurs plaine : --

la plaine agricole : support de la monoculture de la salade, il s'agit

d'un espace ouvert et non planté qui offre des vues exceptionnelles sur les franges et les grands éléments du paysages --

la plaine ouverte : il s'agit d'un secteur qui regroupe l'ensemble des

espaces ouverts, englobant la plaine agricole, et concernant aussi les autres éléments du territoire comme le parc départemental, les friches, les berges de Seine ... --

les franges : en limites de la plaine agricole et des quartiers

résidentiels, cette lisière offre des rapports variés entre ville et espaces ouverts. 31


Fig. 10 : Repérage des différentes typologies de franges sur les espaces ouverts

Agriculture et maraîchage : La première mention du maraîchage dans la plaine de Montesson date de 1824. A l’époque, il représente 12,75% des cultures avec 78 hectares. Au cours du XIXème siècle, Paris se développe rapidement et dispose de moins en moins d'espaces pour cultiver ses propres denrées et doit donc s'approvisionner à l'extérieur. " Il faut tirer parti de l’opportunité, profiter de la proximité géographique et du rapprochement ferré, il faut produire du frais"22. Les cultures se spécialisent et le maraîchage se développe jusqu'à représenter 65% des cultures en 1910. Les progrès techniques et la mécanisation tendent à développer cet essor, jusqu'à représenter 90% des cultures en 1970, et la quasi totalité aujourd’hui. Cependant, les conditions de transport s'étant améliorées, la proximité de la plaine de Montesson à Paris n'est plus un tel avantage. Entre 1979 et 2000

22 NOE, Jean-Baptiste. Etre maraîcher dans la plaine de Montesson. De nourrir à servir, de produire à offrir, du primaire au tertiaire ? Paris : Université Paris, Panthéon Sorbonne, 2005. p4. 32


le nombre d’exploitations sur la commune de Montesson a été divisé par six et la Surface Agricole Utilisée globale par un peu plus de deux. Mais les exploitations se sont agrandies : la superficie moyenne des exploitations, de 3,6 hectares en 1979 est passée à 10,5 hectares en 2000. Les exploitations se sont par ailleurs largement mécaniser. Toute la plaine n’est pas non plus maraîchère. Les franges fluviales furent longtemps une zone de sablières où étaient exploitées les alluvions déposés par la Seine.

Fig. 11 : Illustrations du caractère agricole de la Plaine de Montesson

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Développement urbain de la plaine

Fig. 12 a: Evolution de l'urbanisation de la boucle de Montesson. Au XVIIe (carte de Cassini), XIXe (carte de l'Etat Major, en 1900, et en 2012 (IGN)

L'arrivée du chemin de fer à partir de 1937 marque le départ d'une importante transformation du paysage urbain des bourgs existants qui témoignent de la nouvelle attractivité de la Boucle. Les premiers lotissements voient le jour et font apparaître de nouvelles formes urbaines répondant à deux objectifs majeurs : la rentabilité foncière et la création de lieux de vie idéaux, mariant habitat et nature dans un cadre de vie encore empreint de ruralité. Ces lotissements se caractérisent par des aménagements structurés, sur la base des chemins existants, suivant le découpage parcellaire agricole en lanière et avec des implantations bâties en retrait qui laissent une large place aux jardins. Le développement des lotissements, qui s'intensifie entre les deux guerres, ne cesse de s'étendre pour prendre ses contours actuels 34


1750

1900

1960

2012

Fig. 12 b: Carte des extensions de 1750 à 2012

Par la suite, un développement vernaculaire de la ville de la seconde moitié du XXème siècle s'est aussi réalisé sur la plaine de Montesson. En résultent des extensions urbaines successives, toujours plus éloignées des centres et venant grignoter les limites de la plaine. En 30 ans, les communes de Montesson, Carrière-sur-Seine et Sartrouville ont vu leur occupation du sol profondément évoluer: les surfaces dédiées au cultures ont reculé de 173 ha. Lors des extension à partir de 1980, les interstices se comblent peu à peu: à la différence de l'urbanisme du début du siècle, qui complétait le système de maillage, les opérations contemporaines se greffent sur le maillage existant et organisent des circulations internes à leurs périmètres. La boucle de la Seine a développé, suite à une prédominance de l'agriculture,

une

vocation

principalement

résidentielle.

Un

second

processus détermine, depuis les années 1970, de nouvelles implantations d'équipements publics et de grandes activités commerciales qui se sont relocalisées depuis les centres urbains vers les périphéries. Ces grandes emprises s'implantent donc le plus souvent sur des espaces ouverts.

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Ainsi, trois formes d'extensions dominantes entourent la Plaine : le pavillonnaire qui vient en frange des espaces ouverts, les grands équipements à l'interface entre ville et plaine, et les grandes activités, se raccrochant au maillage. Un déplacement des fonctions résulte de ce processus et oblige à installer des lieux de travail, d'équipements et de services au plus près de la plaine: il apparaît alors une "frange urbaine équipée" en limite de la Plaine. La relégation de ces fonctions en périphérie de la ville et en pourtour de la plaine entraîne une pression de plus en plus importante sur les franges. Cette organisation met au plus près de l'espace ouvert des lieux de vie et d'intensité urbaine qui restent pourtant tournés vers la ville et ne créent aucun échange avec l'espace ouvert. Rapports avec les espaces ouverts de la plaine : La superficie des espaces ouverts représente aujourd'hui environ 450 hectares, comprenant une centaine d'hectares de friches, 30 hectares de parcs et 320 hectares de parcelles cultivées. A cela s'ajoutent 25 hectares d'emprises militaires à l'Est et 30 hectares réservés aux infrastructures autoroutières.

Fig. 13: Localisation des espaces ouverts sur la Plaine de Montesson

36


A l'échelle métropolitaine, ces espaces ouverts s'inscrivent pleinement dans la logique de la ceinture verte régionale. La plaine, qui regroupe l'essentiel des espaces ouverts qui nous concernent, est un réel espace de respiration pour la boucle de Montesson. En effet, elle représente 1/5ème du périmètre de la communauté d'agglomération. D'un seul tenant, elle marque une ouverture dans le tissu urbain résidentiel qui l'entoure. De part ses faibles connexions dans un méandre de la Seine, le territoire de la Boucle peut-être considéré comme insulaire. Plus particulièrement, la plaine, malgré sa position centrale, apparaît comme une île dans le tissu urbain. On constate plusieurs rapports de l'urbanisation avec les espaces ouverts : Tout d'abord, le développement sur de grandes emprises de lotissements crée des ruptures nettes avec les espaces ouverts, matérialisées par des clôtures, des haies ou des mures qui accentuent l'effet de frontalité. Ces implantation se sont faites dans une logique d'adossement.

Fig. 13 : Exemples d'adossement et de fermeture par rapport aux espaces ouverts

37


Ensuite, il existe des perméabilités avec les espaces ouverts dans certains tissus pavillonnaires qui créent des faces-à-faces avec la plaine. Les jardins participent notamment à créer un continuum vert et les limites entre l'urbanisation et les espaces ouverts deviennent plus floues.

Fig. 14 : Exemples de rapport en "face-à-face" avec espaces ouverts

Enfin, il existe par endroit des espaces de transition qui créent des porosités avec l'espace ouvert. Ces lisières sont composées par de multiples usages (habitat ponctuel, activités, champs, jardins, ...). En découlent des porosités visuelles, des continuités vertes et des pratiques en lien avec les espaces ouverts.

Fig. 15 : Exemples de porosités directes avec les espaces ouverts

Les espaces ouverts accueillent aujourd'hui une multitude de pratiques. Il s'agit principalement de l'agriculture et du maraîchage dont nous avons déjà parlé, mais l'on y trouve de nombreux autres usages : Les activités de loisirs se développent largement au sein des espaces ouverts de la plaine de Montesson. On y trouve des terrains sportifs, des terrains de motocross, et même des terrains pour l'utilisation de drones. 38


Les jardins familiaux

La pratique du football

La course à pied

Les parcours de santé

L'utilisation de drônes

Les jeux pour enfants

La pratique du tir à l'arc

La marche à pied

L'observation ornithologique

Fig. 16 : Exemples des différentes activités pratiquées sur les espaces ouverts

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Les

espaces

ouverts

de

la

plaine

présentent

par

ailleurs

des

caractéristiques naturelles particulières, qui ont amené à la création d'un Espace Naturel Sensible par le Conseil Général. Il représente 130 hectares à l'Ouest du secteur, en lien avec les berges de la Seine. En son sein, le Parc Départemental de la Boucle de Montesson affirme cet atout environnemental. Ce parc "tire son originalité de son étang et sa roselière ainsi que des richesses ornithologiques qu’il abrite."23 Ce parc est aujourd'hui un lieu de pratiques récréatives majeur du territoire. C'est un lieu de promenade et d'activités sportives, mais aussi de rencontres et d'associations à travers la maison du parc qui permet d'accueillir de nombreux évènements, comme la Fête de la Salade Nouvelle, ou la Fête des Vendanges.

Fig. 17 : La fête de la salade nouvelle 2016

Les espaces ouverts agricoles et maraîchers sont aussi appropriés par les habitants comme lieu de pratique de la marche ou de la course, au même titre que les berges de la Seine.

Fig. 18 : Randonnée organisée par l'association Plaine d'Avenir 78, en 2016

23 https://www.yvelines.fr/fiche/le-parc-de-la-boucle-de-montesson/ 40


Objectifs du territoire en matière de logements : Dans le même temps, la CASGBS doit répondre à des objectifs de construction de logements qui vont impacter les espaces ouverts de ces communes. En effet, pour répondre aux objectifs de Territorialisation de l'Offre de Logements du Grand Paris, les communes de la communauté d'agglomération devront construire en moyenne 1 364 logements par an. Aussi, le PLH de la communauté d'agglomération est en cours de révision et fournira des précisions sur ces objectifs et sur la proportion de logements sociaux à construire.

La plaine de Montesson est donc un territoire où les espaces ouverts sont des éléments structurants, des lieux de pratiques variées et avec des enjeux multiples de développement.

41


2) Intégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement de la Plaine de Montesson

-> Projet d'urbanisation Dans la continuité des projets d'urbanisation dont nous avons parlé en première partie, les communes de la plaine de Montesson doivent répondre aux objectifs du Schéma Directeur d’Île de France qui prévoit la construction d'une vingtaine d'hectares au Sud de l'autoroute A14. A l'échelle de la communauté d'agglomération, la territorialisation des objectifs de logements du SDRIF impose un rythme de construction de 1364 logements par an. Par ailleurs, les élus sont contraints, à travers le dispositif de la loi Duflot, de répondre à l'objectif de 25% de logements sociaux en 2025. Pour la commune de Montesson, cela représente environ 145 logements sociaux tous les trois ans. Dans ce contexte, les élus cherchent à urbaniser une partie de leur territoire, et notamment la plaine de Montesson. En effet, les potentialités de densification des tissus existants n'étant pas suffisantes, ou pas suffisamment exploitées, l'étalement urbain se fait dans les secteurs non-urbanisés que sont les espaces agricoles ou les friches de la plaine de Montesson. Ainsi, plusieurs Zones d'Aménagement Différé ont vu le jour ces dernières années. "Une zone d’aménagement différé (ZAD) est un secteur créé par l’État sur proposition des collectivités locales à l’intérieur duquel s’applique un droit de préemption."24 Ce dispositif permet aux collectivités d’acquérir prioritairement des terrains en vue de la réalisation d’une opération d’aménagement d’intérêt général. Il permet de disposer de terrains suffisants pour conduire certains projets d'aménagement d'une échelle viable pour le territoire.

24 Définition du CEREMA (http://outil2amenagement.cerema.fr/IMG/pdf/C1-Guideaction-fonciere_ZAD_12-2013-1_cle51a913.pdf) 42


Fig. 19 : Repérage des différentes ZAD issues du SCOT de la Boucle de la Seine

Dans le cas de la Plaine de Montesson, la CASGBS dispose d'un droit de préemption pendant une période de 6 ans renouvelable. Les différents secteurs sont situés principalement sur les franges de la plaine, en continuité du tissu bâti existant. Trois ZAD sont mises en place, respectivement sur les communes de Montesson, Sartrouville et Carrière-sur-Seine. Ces secteurs correspondent globalement à des projets particuliers que nous allons détaillé. Au Sud Ouest de la plaine se trouve le secteur des Terres Blanches. Celuici a fait l'objet d'une intense urbanisation. 372 logements sont sortis de terre entre 2005 et 2008. Dans sa continuité, un projet Terres Blanches 2 est à l'étude. L'objectif serait, dans le cadre du plan local d'urbanisme, de réaliser entre 700 et 800 logements sur 19 ha de la plaine de Montesson. Ce secteur, inscrit dans le périmètre de la ZAD, fait partie de la frange Sud de la plaine. Cependant, sa concrétisation ne se fera pas avant 2025. 43


Deuxième Phase de l'opération en cours de réflexion

Première Phase de l'opération 372 Logements

Fig. 20 : L'ubanisation du secteur des Terres Blanches

Au Nord de la plaine se trouve la ZAC de la Borde, de 32 hectares, qui a comme objectif la relocalisation d’activités économiques, l’implantation de nouveaux logements et la création d’équipements publics fonctionnels. Celle-ci prévoit l'implantation de 17 000m2 de surface commerciale et la création de 220 logements sur des terrains agricoles, en frange de la plaine de Montesson. Cette ZAC s'inscrit dans la volonté de renforcement d'un pôle commercial structurant à l'échelle intercommunale, comme indiqué dans le SCOT.

Fig. 21 : Schéma d'implantation préférentielle des commerces du SCOT

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Cette ZAC répond aussi aux objectifs de construction de logements à l'échelle de la métropole.

Fig. 22 : Plan de situation de la ZAC de la Borde, issu du dossier de réalisation

Une Zone de Grands Équipements (ZGE) de 25 hectares est par ailleurs envisagée sur le périmètre de la commune de Carrière-sur-Seine, sur des terrains agricoles et des jardins partagés. Cette ZGE s'implante en complément de l'échangeur sur l'autoroute A14 et a vocation à accueillir un centre commercial, après les échecs de propositions de stade ou de piscine intercommunale. Une partie de la plaine pourrait aussi être concernée par les Opérations d’Intérêt National (OIN). Cette proposition, faite en février 2015 par l’organisme public Grand Paris Aménagements, montre la dynamique de construction sur le territoire. Même si cette OIN a pour objectif de limiter l'étalement urbain, elle favorise la construction de logement et l'attractivité résidentielle du secteur. 45


Fig. 23 : Proposition de localisation d'une OIN en 2015

Enfin, les franges de la Plaine de Montesson sur la partie Nord de la plaine sont l’un des huit sites qui pourraient faire l’objet d’un contrat d’intérêt national (CIN). L’objectif de ce dispositif est de faire émerger des projets d’aménagement mêlant logement, activités et équipements, en associant les pouvoirs publics et les acteurs économiques, publics et privés. "Le CIN

Fig. 24 : Carte des différents périmètres de CIN, incluant les Franges de la Plaine de Montesson

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permettra à l’État de contractualiser avec les collectivités et la profession agricole pour définir les limites de la plaine agricole de manière pérenne, tout en permettant la construction de logements. Ces logements devront répondre aux obligations réglementaires des communes d’ici à 2030, tant visà-vis de la déclinaison des objectifs du Grand Paris que de la loi SRU."25 La réalisation de la Voie Nouvelle Départementale par le département préfigure un développement du réseau routier sur la plaine. Celui-ci devait permettre sur un plus long terme d'adapter le réseau viaire avant l'arrivée de l'échangeur avec l'autoroute A14. Aujourd'hui, l'échangeur est source de discorde mais le projet n'est pas abandonné. Outre le besoin de fluidifier la circulation sur les secteurs alentours, cette nouvelle infrastructure témoigne de la volonté de l’État de desservir l'ensemble de la plaine et de favoriser son attractivité résidentielle et commerciale.

Fig. 25 : Photos de l'échangeur actuel et de l'autoroute A14

Ces nombreux projets d'aménagement et d'urbanisation montrent bien que, dans une volonté de répondre à des objectifs de densification, de construction de logements et d'attractivité métropolitaine, les espaces ouverts sont perçus par certains acteurs (Etat, Aménageurs, Communes, ...) comme des réserves foncières pour de potentiels projets. Au total, ce 25 Objectifs du comité interministériel du 15 Octobre 2015 47


sont près de 230 hectares qui sont susceptibles d’accueillir de nouvelles opérations de logements ou d'activités. Cela représente plus de la moitié des espaces ouverts de la plaine. Même si on peut penser que la totalité de ces projets ne verra pas le jour, on constate que les volontés politiques d'aménagement se font souvent le plus souvent au détriment des espaces ouverts. -> Préservation qualité de vie En opposition à ces projets d'urbanisation, on remarque sur l'ensemble de la plaine de Montesson une réelle implication des habitants à défendre leur cadre de vie et par conséquent les espaces ouverts. Les habitants et les usagers des espaces ouverts se regroupent en associations pour faire porter leur mécontentement vis-à-vis des projets qui viendraient réduire les surfaces d'espaces ouverts, nécessaires à la qualité de vie qu'ils recherchent sur le territoire. On peut citer l'association "Qualité de Vie de la Borde", qui "s'intéresse à tous sujets touchant la qualité et le cadre de vie, l'environnement, l'activité économique, sociale et culturelle des habitants du quartier de la Borde à Montesson"26, ou l'association "pour le Développement Raisonné et l'Environnement" qui souhaite la "préservation et la promotion de l'environnement ainsi que de la qualité de la vie" 27 et de nombreuses autres associations. Ces différentes associations se regroupent dans le CADEB (collectif d’associations pour la défense de l’environnement dans la boucle). Par les recours en justice, ou les pressions électorales, ces associations tentent de conserver les intérêts des espaces ouverts pour les habitants.

fr/)

26 Définition des statuts de l'association Qualité de vie de la Borde (http://qvlb-montesson.

27 Définition des statuts de l'association pour le développement raisonné et l'environnement (http://www.adrec.fr/) 48


Par exemple, la CADEB a déposé un recours à l'encontre de la déclaration d'utilité publique du projet de ZAC de la Borde. Par ce moyen elle tente de défendre les espaces ouverts, et notamment les 4 hectares de parcelles agricoles, de l'urbanisation voulue par la commune. Ces actions et regroupements montrent l'intérêt des habitants aux espaces ouverts qui sont pour eux un gage de qualité de vie. Il y a aussi un aspect patrimonial à cette contestation. En effet, outre le caractère historique de la position de la plaine sur l'axe royal, il s'agit avant tout d'un attachement aux valeurs du terroir, de la campagne, en opposition à celles de la ville. Ces valeurs, véhiculées par les images champêtre d'une agriculture passée, ne sont pas forcément adaptées au territoire de la plaine de Montesson, où le maraîchage est industrialisé. Cependant, les logiques de producteurs de proximité, de ventes directes, de partages des espaces ouverts entre les différentes pratiques, sont quant à elles bien contemporaines et préfigurent d'une autre relation entre les espaces agricoles et naturels et les espaces urbanisés. Les espaces ouverts, que les associations s'approprient dans ce sens, comme lors de la Fête de la Salade Nouvelle, ou encore la Fête des Vendanges, sont le support d'une nouvelle sociabilité que les habitants souhaitent conserver. Cette implication citoyenne montre donc le souhait des habitants d'intégrer les espaces ouverts dans les stratégies d’aménagement pour les pérenniser.

Fig. 26 : Photos de la fête de la salade nouvelle de 2016 et de la fête des vendanges de 2016

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Fig. 27 : Exemples d'évènements organisés par l'association Plaine d'Avenir 78

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-> Conservation des Espaces Naturels Les espaces naturels forment une grande partie des espaces ouverts recensés sur la Plaine de Montesson. Ils offrent une certaine qualité de vie aux habitants du secteur et participent à la préservation de la biodiversité sur le territoire. Dans ce contexte, la préservation des espaces naturels est un enjeu fort des stratégies d'aménagement du territoire. A ce titre, le Département des Yvelines a mis en place en 1990 une zone de préemption au titre des Espaces Naturels Sensibles (ENS) sur 280 hectares, afin de sauvegarder le cadre de vie des communes en aménageant un grand parc public et en vue de préserver une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de 20 hectares. Un espace naturel sensible est un espace "dont le caractère naturel est menacé et rendu vulnérable, actuellement ou potentiellement, soit en raison de la pression urbaine ou du développement des activités économiques ou de loisirs, soit en raison d’un intérêt particulier eu égard à la qualité du site ou aux caractéristiques des espèces végétales ou animales qui s’y trouvent »28. Le département dispose d'un droit de préemption sur ces terrains et se doit, après acquisition, de mener à bien leur aménagement pour qu'il puissent être ouverts au public. Ce fut le cas pour le Parc Départemental de la Boucle de Montesson, ouvert en 2000, qui concerne le domaine de la Borde et l’étang de l'Epinoche. Aujourd'hui, ce parc fait partie prenante du schéma d'aménagement de la plaine de Montesson. Il offre un réel réservoir de biodiversité pour le secteur et est un lieu majeur d'échanges et d'activités de loisirs pour les habitants. La démarche de sanctuarisation du périmètre montre à quel point les espaces ouverts ont pu être directement intégrés aux stratégies d'aménagement de la Plaine de Montesson.

28 Définition des Espaces naturels sensibles du code de l'urbanisme (article 12 de la loi n°85-729 du 18 juillet 1985) 51


-> Préservation des activités Agricoles Mais la plus grande partie des espaces ouverts de la Plaine est constituée d'espaces agricoles et maraîchers qui ne profitent pas du consensus général qui peut s'imposer lorsqu'il s'agit d'espaces naturels. Les espaces ouverts agricoles et maraîchers sont en effet plus considérés comme une réserve foncière en limite d'urbanisation, accueillant des activités parfois néfastes. Pourtant, à l'échelle de la Plaine de Montesson, l'intégration de ces espaces ouverts particuliers dans les stratégies d'aménagement est de plus en plus avérée. A l'échelle de l'agglomération, le schéma directeur de la Boucle de Montesson (SDBM) de 1998 prévoyait le maintien d’une zone agricole d’une superficie de 250 ha sur les communes de Carrières-sur-Seine, Montesson, et Sartrouville.

Fig. 28 : Espaces principalement desitnés à l'agriculture à long terme définis dans le SCOT

A l'échelle de la région aussi, les acteurs se mobilisent pour conserver et valoriser les espaces ouverts, et principalement les espaces agricoles. C'est le cas de l'Agence des Espaces Verts d’Île de France (AEV) qui, à travers un outil de maîtrise foncière, tente de pérenniser l'activité agricole. 52


S'inscrivant dans les pas du conseil régional qui, en 1981, avait défini la plaine de Montesson comme un secteur "d'intérêt régional à vocation agricole", l'AEV a crée un Périmètre Régional d'Intervention Foncière (PRIF) le 21 Septembre 2000, sur 165 hectares au centre de la plaine de Montesson. Ce périmètre a par la suite été étendu pour avoir une approche globale de la plaine, successivement sur 55 hectares en 2004, sur 7 hectares en 2006 et enfin 37 hectares en 2011. Un PRIF permet à la région d’acquérir les terrains au sein d'un périmètre donné afin d'enrayer la spéculation foncière pour ramener le coût du foncier agricole à un niveau cohérent avec sa destination. A l’heure actuelle, la Région est propriétaire de 236 ha dans le PRIF de la plaine de Montesson. Le 1er novembre 2009, des baux de 9 ans renouvelables une fois, ont été signés avec les 12 maraîchers exploitants les terrains agricoles propriétés de la Région. Ces baux permettent de pérenniser l’activité agricole sur le long terme en donnant aux exploitants en place une plus grande lisibilité en termes d’investissements économiques. La contractualisation des baux permet à la Région de se positionner sur ce territoire en tant que pilote dans la préservation de cet espace dédié à l’agriculture francilienne.

Fig. 29 : Périmètre d'Intervention Foncière de la Plaine de Montesson

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A terme, une Association Foncière Agricole pourrait être constituée afin de pouvoir conduire des opérations structurantes sur la plaine agricole. Elle permettrait de faciliter les acquisitions à l'intérieur du périmètre concerné et de maîtriser les aménagements nécessaires à l'agriculture. Par ailleurs, afin d'éviter le mitage de la plaine, un travail sur les bâtiments agricoles est aussi réalisé par l'AEV. Celle-ci acquiert des bâtiments pour démolition et recomposition du paysage agricole à travers la centralisation et le mutualisation des bâtiments agricoles. Le PRIF ayant trouvé une relative stabilité de contour (malgré une potentielle extension de 5 hectares au Nord), l'effort se porte maintenant sur l'encouragement au traitement qualitatif des franges de la plaine. Cette démarche s'insère dans les pistes de réflexion établies par les projets de paysage dont nous parlerons par la suite. En complément, des regroupement associatifs se forment pour défendre cette agriculture. L'association "Plaine d'avenir 78", par exemple, vise à fédérer les différents acteurs locaux autour d’un projet de territoire pour « la préservation et la valorisation des espaces agricoles et naturels et un développement durable dans la plaine agricole ». Elle a pour objectifs de créer du lien entre agriculteurs et population locale via des actions de sensibilisation et de pédagogie, de promouvoir la production locale en accompagnant les maraîchers et champignonnistes dans leur démarche de diversification et de commercialisation, en soulignant la proximité et la fraîcheur des produits de la Plaine, et de valoriser les espaces agricoles et naturels pour mieux les préserver. Ainsi, l'activité agricole est valorisé non seulement comme activité économique, mais aussi comme liant social et défenseur de la qualité des espaces ouverts.

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A travers des actions de sensibilisation, la mise en place d'échanges entre les différents acteurs, la réalisation d'études pour mieux comprendre le territoire, etc, les associations tentent de valoriser l'agriculture et les espaces ouverts pour en faire le terreau d'un projet de territoire agriurbain. Cette démarche d'implication permet l'appropriation par les habitants de l'agriculture, qui la considèrent alors comme bien commun et partie prenante du territoire. Plus largement, on voit sur la Plaine de Montesson que l'agriculture a une place prépondérante dans l'aménagement du territoire. Celle-ci est d'un côté la réserve foncière d'une urbanisation future pour certains, et pour d'autres un atout à valoriser pour participer à l'attractivité du territoire.

-> Projets d'aménagement englobant les différents intérets On voit à travers cette étude de la plaine de Montesson que de nombreux enjeux liés aux espaces ouverts se croisent ou s'opposent sur la question de l'aménagement du territoire. On constate par exemple que le périmètre de la ZAD de Montesson, ayant pour but l'aménagement et l'urbanisation des terrains, se chevauche avec celui du PRIF, qui a vocation à préserver l'activité agricole. Dans ce cas, les acteurs sont amenés à entrer en conflit mais il est intéressant de noter qu'en cas de concurrence, c'est le droit de préemption de la communauté d'agglomération qui prévaut sur celui de l'AEV. La stratégie d'aménagement qui est mené sur les espaces ouverts est alors complexe, chaque acteur devant répondre à des enjeux différents et parfois contradictoire.

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Fig. 30: Conflit des stratégies d'aménagement entre urbanisation et préservation des activités agricoles

C'est dans ce contexte que le travail des architectes, urbanistes et paysagistes peut jouer son rôle de médiateur et de chef d'orchestre du projet d'aménagement, en tentant d'apporter des réponses consensuelles. Dans le cas de la plaine de Montesson, le travail de l'Atelier Marniquet souligne cette position de conciliation29. En effet, bien que l'étude stratégique a été missionnée par la DDT, il s'agit d'une démarche menée conjointement par l’État et la Communauté d'Agglomération, et avec la volonté d'y faire participer l'ensemble des acteurs. L'objectif de l'étude est de mettre en place des scénarios pour valoriser un espace équilibré entre terres agricoles et terres urbaines, territoire à construire sur une définition partagée de ces franges urbaines. On voit bien ici que, conformément aux volontés politiques de conserver un noyau agricole et de prolonger le tissu existant, les enjeux d'aménagement doivent se faire aux franges de la plaine. 29 ATELIER MARNIQUET. "Les Franges de la Plaine de Montesson en perspective(s)". Étude stratégique et de cohérence des mutabilités foncières des franges de la plaine de Montesson. Maîtrise d'ouvrage DDT78 et CCBS. Novembre 2011. 56


Fig. 31: Plan-Guide du Projet Agro-Urbain de la Plaine de Montesson proposé par l'équipe de maîtrise d'oeuvre urbaine.

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Fig. 32: Un coeur agricole mis en scène: la Promenade du tour de la Plaine

Fig. 33: Des franges valorisée : les lisières agro-urbaines

Fig. 33: Les chemins et les voies, à l’interface publique et ouverte entre la ville et la Plaine.

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Fig. 34: Valoriser le potentiel de développement économique à travers l'utilisation des espaces ouverts

Fig. 35: Pratiquer les espaces ouverts et Investir les friches, délaissés de l’agriculture et des infrastructures.

Fig. 36: Habiter la plaine et proposer des typologies d'habitat en lien avec les espaces ouverts

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-> Conciliation des intérêts de chacun des acteurs du territoire. On voit bien dans ce projet que même lorsqu'il s'agit d'urbaniser les espaces ouverts, le projet urbain tente d'apporter des réponses qui permettent de conserver les atouts de ces espaces ouverts. Dans certains cas, l'agriculture est complètement intégrée à l'urbanisme, on parle alors d'agriurbanisme. Pour la plaine de Montesson, il s'agit aussi bien de l'intégration des grandes parcelles maraîchères, que des jardins familiaux en bordure d'urbanisation. Les acteurs qui se positionnent pour une urbanisation de la plaine le font avec un souci de préservation ou de compensation qui tente d'atténuer les impacts sur les espaces ouverts. A cela s'ajoutent les autres usagers de la plaine qui apportent leurs expertises et leurs retours d'expériences pour enrichir le projet. Ainsi, les associations d'habitants ou d'agriculteurs, en s'unissant autour d'un collectif, sont intégrés en amont de la réflexion. C'est ainsi que sont valorisés et directement intégrés les nouveaux usages et les nouvelles pratiques qui sont apparus au fil du temps sur la plaine. Dans le cas de la Plaine de Montesson, les espaces ouverts tendent à être de plus en plus intégrés aux stratégies d'aménagement. Dans certains cas, ils sont même des éléments moteur de l’urbanisation durable des territoires périurbains. Dans cette logique d'acteurs et d'enjeux complexe, les visions radicales de sanctuarisation des espaces ouverts ou au contraire d'urbanisation sans limite laissent place à une stratégie d'aménagement qui cherche à faire un consensus autour de ces espaces ouverts, dont chacun reconnaît l'intérêt.

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3) Limites et questionnements L'étude de cas de la Plaine de Montesson montre bien qu'aujourd'hui, un projet d'aménagement se met en place en prenant pour pilier l'intégration des espaces ouverts. Cependant, on peut questionner cette stratégie sur différents points : la viabilité économique, la réalité d'une cohabitation des usages, ou encore la gestion et l'entretien des espaces ouverts. D'un point de vue économique, on peut se demander jusqu'à quel point la plaine de Montesson peut continuer à être viable pour les agriculteurs et maraîchers qui l'exploitent. En effet, en permettant une urbanisation sur une partie des parcelles agricoles, on réduit la production, on rend plus difficile l'accès aux exploitations, et on augmente les conflits d'usages. Le modèle agricole de production de masse demande des parcelles étendues et simple d'exploitation pour être viable et rentabiliser les investissements en machines, terrains, et acheminement des produits. Les agriculteurs et maraîchers de la plaine souffrent déjà, aujourd'hui, de ces problèmes d'échelle de production. "La viabilité de l’agriculture intra-urbaine serait alors d’autant plus fragile que la pratique agricole semble difficilement compatible avec le contexte urbain."30 Pour que la co-stratégie de développement urbain et de préservation de l'activité agricole fonctionne, il faut que cette dernière modifie ses pratiques pour s'adapter à un mode de production plus urbain. Par exemple, il peut s'agir de système d'auto cueillette, ou de vente directe entre les producteurs et les consommateurs. En mettant en place des filières courtes d’approvisionnement de la ville, les exploitations agricoles intra-urbaines

30 NIWA, Nelly. "La nature en ville peut-elle être agricole?" Les cahiers du développement urbain durable, n°8. Juin 2009. p24 61


peuvent augmenter leur rentabilité économique et devenir concurrentielles par rapport aux exploitations plus éloignées. A ce jour, l'activité agricole repose essentiellement sur un modèle qui n'est pas adapté à la proximité immédiate de l'urbain. Pour que ces espaces ouverts fassent partie intégrante de la stratégie d'aménagement, ils devront sûrement s'adapter à une échelle de production plus urbaine. Aussi, en préservant ces espaces ouverts, les communes de la Plaine de Montesson doivent trouver d'autres solutions pour mettre en œuvre leurs objectifs de construction de logements et encourager l'attractivité économique du territoire. Les solutions alternatives à l'urbanisation des espaces ouverts sont souvent plus difficile à mettre en place (densification du tissu pavillonnaire existant, utilisation de dents creuses de plus en plus rare ...). On voit aussi sur la plaine de Montesson que les espaces ouverts ont une vocation de plus en plus récréative, au détriment souvent des espaces agricoles. L'implantation du Parc Départemental, de terrains de sports, l'introduction de loisirs de plein air (paintball, drones ...), les itinéraires de balades et randonnées renforcent la fonction de loisirs des espaces ouverts. Dans un contexte urbain tel que celui de la Plaine de Montesson, où les habitants, de plus en plus nombreux, cherchent des activités en lien avec les espaces ouverts, on peut craindre que la plaine de Montesson ne devienne qu'une "aire récréative". Même l'agriculture et le maraîchage, qui pourraient être garant d'une pluralité des fonctions sur ces espaces ouverts, s'oriente vers ces fonctions de loisirs à travers les fermes pédagogiques par exemple. Pour éviter cela, l'agriculture doit garder sa dimension productive. Aussi, les espaces ouverts qui accueillent les différentes activités récréatives doivent être intégrés aux stratégies d'aménagement pour qu'une réelle mixité

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d'usage puisse être atteinte. Mais la multifonctionnalité de l'agriculture peut aussi amener à une "marginalisation de la fonction productrice au profit des loisirs et de l'entretien du paysage"31. L'intégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement pose aussi des questions sur la conciliation des intérêts privés et collectifs. C'est d'abord le cas sur la question du foncier. On l'a vu dans le cadre de la plaine de Montesson, celle-ci est composé en majorité de parcelles privées qui pourraient avoir de plus grands intérêts, notamment économique, dans la vente et l'urbanisation des terrains. L'intervention publique, en prenant la main sur l'aménagement du territoire, peut sembler à l'opposé de ces intérêts privés. Par ailleurs, en privilégiant le plus souvent des usages collectifs ou partagés, la logique d'intégration des espaces ouverts remet en question les relations entre les usagers et tend à modifier les pratiques, auparavant très sectorisés. En effet, l'aménagement des espaces ouverts sous-tend des usages partagés, qui peuvent aller en contradiction avec les objectifs des différents utilisateurs. Il faut par exemple, dans le cadre de projets agriurbains, trouver un "échange équilibré entre le désir urbain de paysage et les exigences de l'exploitation agricole des sols"32. Enfin, d'une manière plus technique, c'est la mise en œuvre de cette cohabitation d'usages qui pose question. Comment permettre l'accès aux habitants pour des usages récréatifs sur des parcelles agricoles, tout en évitant les dégradations qui y sont souvent liées ? Cette question est primordiale sur le secteur de la plaine de Montesson, qui voit la multiplication

31 POULOT, Monique. "Les programmes agri-urbains en Île-de-France : de la fabrique de territoires périurbains". Actes du colloque " La dynamique des territoires en milieu périurbain et le patrimoine naturel et culturel" organisé par l'Université de Montréal. (Montréal, 28 Avril 2006). 32 VIDAL, Roland, VILAN, Luc. "L'agriurbanisme: une spécialité professionnelle à construire." Anthos, Mars 2008, p56-57. 63


des dépôts d'ordures sur les chemins agricoles. Selon les calculs de l'association Plaine d'Avenir 78, "pas moins de 80 dépôts sauvages (gravats, déchets de chantier, déchets verts, déchets automobiles…) ont été recensés en 2014"33. En réponse à ce phénomène, des actions sont menées d'une part par les associations d'habitants qui organisent des collectes de déchets, appelés "nettoyage citoyen", et d'autre part par la collectivité, qui tente de contenir ce problème en multipliant les opérations de ramassages et en positionnant des obstacles pour l'accès à ces chemins agricoles. Mais ces actions sont très onéreuses et vont à l'encontre de l'objectif d'accessibilité libre qui doit faire partie prenante de l’intégration des espaces ouverts aux stratégies d'aménagement. On le voit, la Plaine de Montesson, qui se montre ambitieuse au sujet de la conservation et de la valorisation de ses espaces ouverts, autant qu'à la préservation d'un dynamisme économique, fait face à de nombreux sujets sur ses stratégies d'aménagements.

33 Article du Parisien du 11 Octobre 2015 (http://www.leparisien.fr/houilles-78800/ mobilisation-contre-les-depots-sauvages-dans-la-plaine-de-montesson-11-10-2015-5175549. php) 64


III. INTÉGRATION DES ESPACES STRATÉGIES D'AMÉNAGEMENT

OUVERTS

DANS

LES

Dans cette dernière partie, nous allons étudier les différentes possibilités d'intégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement, en s'appuyant notamment sur l'étude de cas de la Plaine de Montesson. En effet, les espaces ouverts peuvent être perçus, utilisés et aménagés de diverses manières selon les intérêts et les objectifs de chacun des acteurs des territoires périurbain. Que ce soit pour permettre une urbanisation du territoire, dans le cadre de démarches de sauvegarde et de préservation des espaces dits naturels, pour la protection des activités de production ou encore pour le développement d'une offre de loisirs, les espaces ouverts sont le support de politiques d'aménagement qui répondent à des enjeux multiples et parfois complémentaires.

1) Les espaces ouverts : support d'une urbanisation Pour répondre à la demande croissante de logements et d'activités, les territoires cherchent à développer leur urbanisation qui, globalement, empiète sur environ 6000km2 tous les 10 ans, ce qui représente la taille moyenne d'un département français34. Pour des raisons principalement économiques, mais aussi de qualité de vie, cette urbanisation se fait le plus souvent sur des espaces ouverts dans des secteurs périurbains. En effet, ceux-ci sont facilement accessibles, peu chers à

34 RAZEMON Olivier et HAMELIN Éric, La tentation du bitume – Où s’arrêtera l’étalement urbain? Rue de l’Échiquier, 2012, pp.47-50. 65


l'achat, et libre de toute emprise ce qui facilite leur urbanisation. L'enquête sur l’utilisation du territoire, menée par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, dévoile que l’urbanisation progresse aux dépens des espaces naturels (40% des terrains artificialisés) et des terres agricoles (51%).35 Les espaces ouverts, qui représentent environ 80% des territoires périurbains, sont une source considérable d'espaces urbanisables pour l'aménagement de quartiers toujours plus gourmands en surface et en verdure. En effet, le modèle d'urbanisation majoritaire, le lotissement pavillonnaire, requiert de grands espaces libres et un cadre de vie largement naturel pour satisfaire les attentes des futurs habitants. Les espaces ouverts comme nous les définissons ici rassemblent les atouts pour une telle urbanisation. C'est pourquoi ils sont aujourd'hui la source principale de terrains urbanisables. Contrairement à d'autres stratégies d'aménagement, comme la densification des tissus existants, qui sont beaucoup plus contraintes (gestion foncière

et accessibilité aux terrains difficiles,

acceptation par les résidents délicate, exiguïté des parcelles, etc), l'utilisation des espaces ouverts comme terreau de l'urbanisation permet l'aménagement rapide et à coût réduit pour les habitants. Plus particulièrement, l'urbanisation des espaces ouverts touche la catégorie des espaces agricoles, qui sont artificialisés au rythme de 420km2 par an. En effet, les parcelles agricoles en territoire périurbain sont soumises à une pression foncière qui poussent les exploitants à vendre leurs terrains pour l'urbanisation. Contrairement à des zones naturelles, ou des parcs, dont les possibilités d'urbanisation sont réduites par les contraintes de préservation et de conservation des espaces naturels, le foncier agricole est plus facilement mutable et urbanisable. Le système d'exploitation agricole

35 Données du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la foret, 2014 (http:// agreste.agriculture.gouv.fr/enquetes/territoire-prix-des-terres/teruti-lucas-utilisation-du/) 66


actuel, ainsi que la crise économique qui touche sévèrement les exploitants accentuent ce phénomène de vente des terrains agricoles. Les espaces ouverts peuvent donc être perçus par certains comme un excellent potentiel d'urbanisation qui répond aux enjeux de développement économique et urbain et qui répond à la demande de plusieurs acteurs du territoire. Ce sont d'abord les collectivités, qui voient dans ces espaces ouverts la possibilité d'étendre leur urbanisation en développant des activités économiques ou des programmes résidentiels, sans toucher à leurs quartiers existants. L'enjeu ici est principalement de répondre aux objectifs de production de logements. Pour les collectivités qui portent ce regard sur les espaces ouverts, il s'agit de favoriser leur urbanisation par des changements d'affectation dans les règlements d'urbanisme par exemple. En ouvrant à l'urbanisation des zones naturelles ou agricoles, les collectivités peuvent jauger l'urbanisation de leurs espaces ouverts, ou réserver certains terrains dans le cadre de Zone A Urbaniser. Ce sont ensuite les promoteurs et investisseurs qui voient dans ces espaces ouverts des terrains facilement urbanisables. L'absence de construction à démolir, de contraintes spécifiques à tout secteur déjà urbanisé et le caractère vierge des espaces ouverts en font des terrains où la rentabilité est maximale. Enfin, ce sont les habitants, pour qui les espaces ouverts sont les garants d'un cadre de vie recherché. En utilisant les espaces ouverts comme support d'urbanisation et de programme résidentiel, ils souhaitent bénéficier de leurs caractéristiques naturelles et de la qualité de vie qui leur sont associées. En effet, en offrant des secteurs de verdure, des respirations dans les tissus urbains, des lieux de promenade et de loisirs, les espaces ouverts sont très attrayants pour les habitants qui cherchent donc à s'y installer. De plus, les espaces ouverts sont vecteurs d'un imaginaire de la campagne, à travers les

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activités agricoles qu'on y trouvent et les paysages qui y sont présents, qui permettent aux habitants de s'échapper de effervescence de la ville. Néanmoins, en urbanisant ces espaces ouverts, les différents acteurs de l'aménagement et les usagers leur font perdre, par définition, leurs caractéristiques recherchées. Les espaces ouverts dans les territoires périurbains, s'ils sont juste considérés comme un support d'urbanisation, sont voués à être transformés et à disparaître.

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2) Les espaces ouverts : des démarches de sauvegarde et de préservation A l'inverse de cet objectif d'urbanisation, les espaces ouverts peuvent, dans une stratégie de préservation, être sanctuarisés dans l'aménagement du territoire. Les

espaces

ouverts,

principalement

quand

ils

font

l'objet

de

caractéristiques naturelles particulières, peuvent faire l'objet de politiques de conservation de la faune et de la flore, avec une interdiction stricte de toute nouvelle urbanisation. En préservant les sols et la biodiversité présente, cette stratégie d'aménagement vise à conserver les caractéristiques naturelles et environnementales des espaces ouverts. Au niveau réglementaire, cela peut se traduire par des dispositifs très variés, qui sont plus ou moins contraignants. Le plus courant est l'établissement d'un secteur en Zone Naturelle dans le Plan Local d'Urbanisme, qui, dans un souci de sauvegarde de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, vise à rendre le terrain inconstructible. On constate cependant que, pour ne pas trop sanctuariser ces espaces ouverts, une collectivité peut y intégrer certaines pratiques et rendre la zone N attractive pour les habitants, en y autorisant les constructions de programme de loisirs ou les équipements publics par exemple. La préservation des espaces ouverts à caractéristique naturelle peut aussi se faire par le biais des Zones Naturelles d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF). Même s'il ne s'agit pas concrètement d'outils juridique de protection, les ZNIEFF constituent cependant un élément d’expertise pour évaluer les incidences des projets d’aménagement sur les milieux naturels. Elles permettent donc d'intégrer la prise en compte des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement. Aussi, dans une vision plus globale du territoire, les espaces ouverts

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peuvent être protégés au sein d'un Parc Naturel Régional. Ce dispositif permet d'appuyer le développement d'un territoire sur les qualités du patrimoine naturel, culturel et paysager. Ainsi, les espaces ouverts sont au coeur de la stratégie d'aménagement de ces périmètres. Plus qu'un simple lieu de préservation environnementale, ils sont le support de l'activité économique et de l'identité du territoire. "Les espaces ouverts permettent d'affiner une spécificité du territoire"36. Enfin, à plus petite échelle, les espaces ouverts, même s'ils ne présentent pas de caractéristiques naturelles remarquables, peuvent faire l'objet de politiques de préservation, notamment par les habitants. C'est ainsi que beaucoup d'associations cherchent à empêcher l'urbanisation d'espaces ouverts comme des friches, des parcs, des parcelles non-construires, etc. Les habitants, en intégrant ces espaces ouverts dans leurs pratiques, souhaitent les préserver de tout nouvel aménagement pour, dans la plupart des cas, garantir les respirations dans le tissu urbain ou les porosités visuelles qu'ils offrent. A

différentes

échelles

et

avec

l'appui

de

différents

outils

de

l'aménagement, les espaces ouverts peuvent faire l'objet de démarche de sauvegarde et de préservation, principalement pour leurs caractéristiques naturelles. Ils font alors l'objet d'une intégration dans les stratégies d'aménagement des territoires. Néanmoins, la sanctuarisation de ces espaces ouverts fige toute nouvelle opération et immobilise le développement des communes. Pire encore, si des activités et des pratiques ne sont pas anticipées et prévues dans la gestion de ces espaces ouverts préservés, ils perdent leurs qualités d'ouverture au public et d'usages multiples qui font partie prenant de la définition des espaces ouverts.

36 POULOT, Monique. "Du vert dans le périurbain. Les espaces ouverts, une hybridation de l'espace public". Op. Cit. p13 70


3) Les espaces ouverts : au cœur de la protection des activités de production Les espaces ouverts peuvent, pour certains, accueillir des activités de production, le plus souvent agricoles ou maraîchère, ou plus rarement des sites d'extraction comme les carrières. On l'a vu très clairement dans le cas de la plaine de Montesson, de nombreuses initiatives visent à protéger ces activités qui participent à la pluralité des usages sur les espaces ouverts, à une construction de paysages spécifiques, et à l'économie du territoire. Ainsi, les espaces ouverts productifs sont considérés dans les stratégies d'aménagement comme des secteurs d'enjeux à plusieurs niveaux : paysagers, économiques, alimentaires, cadre de vie, imaginaire de la campagne ... Les collectivités tentent, pour beaucoup d'entre elles, de protéger ces activités sur les espaces ouverts qui peuvent aussi être un marqueur d'identité du territoire, comme c'est le cas dans le Plaine de Montesson et dans la plupart des Parcs Naturels Régionaux. En conservant les Zones Agricoles dans les règlements d'urbanisme, les communes peuvent empêcher l'urbanisation de ces secteurs et pérenniser les activités qui s'y trouvent. Des stratégies plus globales, comme celles menées dans le cadre des Périmètres Régionaux d'Intervention Foncière, visent à stabiliser, non seulement l'affectation des parcelles à une vocation de production, mais aussi à encourager et accompagner les exploitants. "De nouvelles formes de gouvernance sont alors mobilisées afin d'inciter les agriculteurs à exercer durablement leur activité dans le cadre d'un projet agriurbain"37. Enfin, ce sont aussi les habitants qui, à leur échelle, cherchent à maintenir ces activités agricoles. Par le biais des ventes directes de producteurs,

37 FLEURY, André, DONADIEU, Pierre. "L'agriculture gestionnaire des paysages périurbains". Anthos, Février 2003, p32. 71


des AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne), les exploitants se rapprochent des consommateurs. Ces derniers, par leur changement de mode de consommer, cherchent à soutenir une production locale et à maintenir les espaces ouverts agricoles et maraîchers. En effet, ces espaces ouverts sont pour beaucoup d'habitants garants d'une qualité de vie particulière et d'un imaginaire campagnard très recherché dans ces territoires en frange urbaine. Les espaces ouverts permettent aux habitants d'avoir l'impression d'habiter à la campagne, tout en étant dans un tissu résidentiel périurbain. A travers la protection des espaces ouverts productifs, il s'agit aussi de conserver l'entretien du paysage, façonné par les exploitants. La qualité esthétique de ces espaces ouverts est en effet dépendante de leur exploitation pour l'agriculture ou le maraîchage. Les espaces ouverts sont ainsi "devenus un enjeu social et politique pour la ville, car ils représentent pour les citadins un espace de refuge et de liberté"38. Ces espaces ouverts productifs, pour être réellement intégrés dans les stratégies d'aménagement des territoires périurbains, doivent être rendus accessibles aux habitants, pour mettre en valeur les activités et leur importance dans l'attractivité et l'économie du territoire, comme c'est le cas du Parc des Carrières IBA (Saint-Louis, Hégenheim, Allschwil et Bâle), où "les activités humaines cohabitent ainsi dans toute leur diversité"39. En protégeant les activités de production, les stratégies d'aménagement du territoire intègrent les espaces ouverts non seulement comme des éléments perceptibles du paysages, mais aussi comme des composants de l'activité économique du territoire. 38 FLEURY, André, DONADIEU, Pierre. "L'agriculture gestionnaire des paysages périurbains". Op. Cit. p 33 39 Objectifs et définitions du parc des carrières (http://www.gravieres.net/seen_fr/sites/ st-louis.html) 72


4) Les espaces ouverts : support du développement d'une offre de loisirs Enfin, les espaces ouverts des territoires périurbains sont de plus en plus l'occasion de répondre à une demande croissante de programmes de loisirs. "La périurbanité doit être entendue comme une manifestation spécifique de notre urbanité actuelle qui recèle des potentiels particuliers pour le futur"40. Parmi ces potentiels ce trouve l'offre de loisirs que cherchent les habitants des secteurs périurbains. Cette offre de loisirs, largement basée sur le concept de nature et de plein air, peut tirer avantage des caractéristiques des espaces ouverts du périurbain. Ces derniers, par leur adaptabilité forte, peuvent accueillir de nombreuses activités et s'adaptent aux nouvelles demandes actuelles (plan d'eau, activités nautiques, chemins de randonnées, promenades, parcs, activités sportives ...). Comme on l'a constaté sur la Plaine de Montesson, de plus en plus d'îles de loisirs ou de parcs périurbains se développent, dans lesquels les usages et les pratiques sont souples et variées. Les collectivités mises sur les activités récréatives pour valoriser les espaces ouverts et répondre à une demande forte de la population. En intégrant ces espaces ouverts dans leurs politiques d'aménagement, ils "augmentent la valeur des parcelles environnantes et attirent les investissements, d'où un meilleur positionnement face à la concurrence"41. L'exemple de Blois, avec le parc périurbain de la Bouillie, qui propose des loisirs destinés aux citadins autour des espaces ouverts (agri-loisirs, écoloisirs, loisirs complémentaires au centre aquatique, etc.), témoigne déjà d’une certaine forme de valorisation des espaces ouverts.

40 POULAIN, Jean-Claude. 'Le périurbain : une zone touristique d'avenir". Les enjeux de l'accessibilité du tourisme périurbain, n°22. Juin 2005. p125. 41 JACOB, Donald, LAWSON, Joanna. "Le parc dans un futur urbanisé". Anthos, Mars 2013, p10. 73


Fig. 38: Axonométrie du parc de la Bouillie à Blois et plan de répartitions des usages et pratiques de loisirs en lien avec les espaces ouverts

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De plus, dans ces territoires périurbains qu'on qualifie souvent de villedortoirs, les espaces ouverts de loisirs sont "une ressource qui permet d'augmenter la cohésion de la communauté, le capital social"42. En effet, ces lieux sont dédiés le plus souvent à la rencontre et à l'échange. Ils sont aussi le support d'une vie associative riche qui se développe pour les habitants des quartiers à travers ces espaces ouverts Comme pour les espaces ouverts productifs, les activités récréatives sont l'occasion de valoriser les paysages fabriqués par les espaces ouverts. Elles permettent leur entretien et leur gestion. Ainsi mis en valeur, ces espaces ouverts sont plus difficilement sujets à être urbanisés et deviennent des composants indispensables du paysage périurbain. L'intégration des espaces ouverts dans la construction des territoires périurbains par le biais du développement d'une offre de loisirs permet de répondre à des enjeux d'attractivité du territoire, d'économie et d'emploi, et de préservation de la qualité de vie et des paysages qui leurs sont liés.

42 JACOB, Donald, LAWSON, Joanna. "Le parc dans un futur urbanisé". Op. Cit p11. 75


CONCLUSION

Les espaces ouverts sont, dans les territoires périurbains, des éléments structurants de part leur omniprésence, leur étendue, leur construction des paysages et leur importance dans l'attachement social et culturel. Les espaces ouverts sont par ailleurs des lieux de pratiques variées, complémentaires ou opposés, que ce soit pour les activités de production (agriculture, maraîchage, carrière ...) de loisirs (parcs, promenades, terrains de sport, ...) ou purement fonctionnels (grandes infrastructures). En cela, ils sont loin d'être simplement des friches, des "vides" comme on pourrait les appeler. Ils ont une fonction propre sur le territoire. Les espaces ouverts sont enfin soumis à des enjeux multiples qui installent une pression obligeant à se positionner sur leur devenir. Que ce soit les institutions étatiques, régionales ou locales, les associations, les propriétaires fonciers ou les professionnels qui y travaillent, tous ont une vision pour l'aménagement de ces espaces ouverts qu'il faut prendre en compte. Les espaces ouverts doivent alors répondre à des enjeux parfois contradictoires (développement économique et démographique, production vivrière, environnement, qualité de vie ...) C'est pourquoi l'aménagement des territoires périurbains ne peut pas se faire sans une prise en compte réelle et poussée des espaces ouverts. Plus encore, leur importance pose la question de leur place primordiale dans l'aménagement des territoires. Les espaces ouverts peuvent être le terreau de la réflexion sur le développement du périurbain. L'étude de la Plaine de Montesson nous a permis de constaté que les espaces ouverts étaient déjà au cœur des réflexions sur l'aménagement des territoires périurbains. 76


Ils peuvent alors devenir le support de l'urbanisation et du développement des territoires, ou bien être intégrés dans des démarches de sauvegarde et de préservation, notamment pour leurs qualités environnementales et naturelles. Ils peuvent aussi être intégrés dans les stratégies d'aménagement comme des lieux de production qui participent à l'économie et à l’attractivité du territoire, ou enfin comme des lieux de loisirs qui entretiennent les paysages et valorisent le cadre de vie tant recherché du périurbain. A travers toutes ces réflexions, on constate que l'un des sujets principaux concernant les espaces ouverts est la pluralité et la complémentarité des fonctions ainsi que leur accessibilité. En effet, ce qui fait qu'aujourd'hui, on peut partir des espaces ouverts pour fabriquer la ville, ce sont leur adaptabilité aux usages d'aujourd'hui. L'urbanisme actuel tend à s'affranchir de la logique de zonage dans laquelle il était maintenu, pour proposer une réelle mixité. Cette mixité est possible dans les espaces ouverts qui peuvent réussir à se faire côtoyer activités agricoles et promenades pédestres, à réunir des enjeux de protection de l'environnement et de développement de l'offre de loisirs, à s'appuyer sur une production économique pour favoriser le lien social. La pluralité des fonctions, et plus encore leur complémentarité, permettent aux espaces ouverts d'être incontestablement des éléments stratégiques dans l'aménagement des territoires périurbains. A travers l'aménagement des espaces ouverts, il s'agit aussi dépasser l’opposition ville-campagne ainsi que l’idée de limite urbaine pour penser les lisières et les interfaces. Les franges urbaines sont l'un des pivots de la bonne intégration des espaces ouverts dans les stratégies d'aménagement du territoire. Ce sont ces espaces d'entre-deux qui sont les plus à-même d'accueillir la multitude de fonctions (loisirs, production, nature ...) indispensables à la valorisation des territoires périurbains. Ce sont

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ces espaces de lisières sur lesquels doivent se concentrer les efforts pour s'affranchir de la rupture existante et faire se rencontrer les pratiques et les usagers aujourd'hui étrangers. "Dans un processus de transformation urbaine, les zones en marge peuvent ainsi assurer de nouvelles fonctions afin de soutenir la vie urbaine publique."43

"Ma ville idéale est n'importe quelle ville dont on dessinerait la lisière. Cette maigre clôture au développement vertigineux qui ceinture les lotissements et les parcs d'activités, formidable réservoir pour un espace public à inventer"44.

Les espaces ouverts ont alors un rôle crucial à jouer dans l'aménagement des territoires périurbains. En partant des espaces ouverts, et non plus seulement de ce qui est bâti, le projet urbain s'appuie sur de nouveaux éléments auparavant relégués au second rand. Des limites restent néanmoins à franchir sur les réglementations à adapter à ce nouveau mode de projet, et sur les nouveaux dispositifs à mettre en place pour que les espaces ouverts ne soient pas simplement perçus comme des "vides" mais bien comme des potentiels.

43 SCHMID, André. "Aménagement publics périphériques". Anthos, Mars 2011, p27 44 DEVIGNES, Michel. Le Paysage en Préalable. Paris : Editions Parenthèses. 2011. p12 78


Fig. 39: Espace ouvert sur la commune de Montesson

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Le périurbain est aujourd'hui au cœur d'enjeux majeurs pour le développement des territoires qui nous poussent à questionner ses potentialités d'aménagement. Les espaces ouverts représentent aujourd'hui 80% de l'espace périurbain. Fort de ce constat, il paraît essentiel de changer l'angle de vue sur ces territoires et de partir des espaces ouverts pour penser les stratégies d'aménagement. Et si l'approche des territoires périurbains par la thématique des espaces ouverts permettait d'apporter de nouvelles réponses aux enjeux d'aménagement et d'urbanisation ?

Espaces Ouverts - Aménagement - Périurbain 88


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