FICHE ENSEIGNANT UN FILM POUR TOUS 2011/12 - Cycle 3
ROUGE COMME LE CIEL Un film de Cristiano Bortone I Italie I 2010 I 1h30 I Version Française
Inspiré de la vie de Mirco Mencacci, l’un des ingénieurs du son les plus talentueux d’Italie, le film retrace le combat obstiné d’un jeune garçon aveugle pour concrétiser son rêve. Nous sommes en 1971. Mirco, 10 ans vit dans un petit village de Toscane avec ses parents, jusqu’au jour où un accident le prive de la vue. Au sein de l’Institut catholique Cassani réservé aux enfants aveugles, il va découvrir un magnétophone dont il va se servir pour raconter des histoires fantastiques. Enregistrer, imiter, monter, Mirco va peu à peu maîtriser tous les aspects techniques du travail de l’ingénieur du son pour incarner ses visions. Suivant son instinct créatif, il va bouleverser le quotidien de l’institution, accepter son handicap en affirmant sa passion nouvelle et guider les élèves vers la liberté.
DE LA TRAGEDIE A LA VICTOIRE ▪ Au commencement était la lumière Comment illustrer au cinéma la perte progressive de la vue ? Belle question pour le 7ème art considéré avant tout - et à tort - comme un art visuel. Cristiano Bortone relève le défi avec délicatesse et sans misérabilisme en adaptant la vision de Mirco, c'est-à-dire la vision subjective d’un enfant qui perd la vue. Le monde est perçu à travers ses yeux : ceux, valides, d’avant l’accident qui contemplent les champs et ceux qui cessent progressivement de distinguer les formes et les contours. Entre la lumière et l’obscurité, il y a la lueur, incarnée par des plans flous et fragiles qui sont comme le dernier fil de la vue. Contrairement aux autres enfants de l’Institut, Mirco n’est pas né aveugle. Il a été baigné de couleurs et de lumière, cette lumière d’été diaphane de Toscane qui introduit et conclue le film. Le générique s’inscrit sur un écran noir « taché » de couleurs floues qui illustrent le point de vue subjectif de l’enfant jouant à colin-maillard. Ce jeu n’est pas innocent. Aveuglé par le bandeau, le joueur doit utiliser tous ses autres sens, et notamment le toucher, pour attraper et reconnaître ses camarades. Annonciateur du drame à venir, cette séquence d’introduction marque l’importance du jeu collectif, primordial tout au long du film, tout en faisant écho à la dernière scène. Dans la scène d’exposition, Mirco se défait du bandeau. Dans la séquence finale, il insiste pour le mettre avant de s’en débarrasser pour poursuivre les enfants. A chaque fois, la caméra s’élève et dévoile un espace suffisamment grand et vaste pour lui permettre de courir, avec ou sans l’usage de ses yeux. Cette immensité sous ses pieds, c’est sa vie, c’est le champ
des possibles désormais offert à lui. Mirco Balleri, alias Mirco Mencacci ne sera pas standardiste, ni tisseur mais ingénieur du son, l’un des plus grand et des plus inventif du cinéma italien.
▪ Rouge comme le sang : l’accident La boule en plastique avec laquelle les enfants jouent dans les rues se casse et Mirco court chez lui pour la réparer. C’est là que l’accident se produit. Peut être est-ce une réminiscence du western vu la veille avec son père, en tous les cas, le regard de Mirco est irrésistiblement attiré par le fusil qui surplombe la cheminée. La mise en scène préserve le spectateur de l’accident, en laissant l’impact hors champ. Nous ne voyons rien et pourtant nous savons. La bande son est évacuée de tout bruit, comme « sonnée » elle aussi par le coup. Seule subsiste la musique, inquiétante, à la mesure de l’angoisse du père, filmé caméra à l’épaule, qui tient son enfant dans ses bras. Le titre apparaît sur fond noir, maculé de lueurs rouges, comme le sang qui inonde les yeux de Mirco, avant de disparaître à son tour dans l’obscurité. Dès lors, le film peut commencer. On ne reviendra jamais sur l’accident, ni sur ses causes ou ses responsables. Ainsi, de même qu’il vilipende l’éducation passéiste de l’institut religieux, le film évacue toute forme de morale coupable (à qui est ce la faute ? quelle est la responsabilité du père ? et que dire de la curiosité de Mirco qui n’aurait jamais du s’emparer du fusil ?). Ce qui intéresse Cristiano Bortone n’est pas tant d’expliquer la tragédie mais d’accompagner son personnage dans son cheminement pour la dépasser.
LA REAPPROPRIATION DU MONDE La découverte du magnétophone marque une renaissance pour Mirco. Garçon bricoleur (il répare la casserole avant l’accident puis le vélo de Francesca), Mirco manipule l’appareil d’instinct et met immédiatement à profit ce nouvel outil pour rédiger un devoir sonore sur les saisons. Encouragé par Don Giulio, Mirco va développer ses quatre autres sens pour changer son appréhension du monde et gagner sa liberté. Sous nos yeux, le bricoleur va devenir créateur, en expérimentant, glanant, détournant des sons pour nourrir un monde fantastique à la mesure de son imaginaire.
▪ Un film qui fait appel aux 5 sens « Voir ne suffit pas, Mirco, tu as 5 sens. Pourquoi n’en utiliser qu’un seul ? » lui dit l’abbé Giulio. Le cinéma lui aussi fait appel à tous nos sens. Le film s’emploie à les révéler par la richesse de sa bande son, sa respiration, son rythme, presque physique. Il y a d’abord le toucher qui se substitue à la vue pour « rencontrer » quelqu’un («je regarde comment tu es » dit Felice à Mirco en explorant son visage avec ses mains), l’ouïe lorsque le vent, la pluie, la nature deviennent la bande son foisonnante de l’imagination de Mirco, l’odorat qui est porteur de souvenir (après le départ de sa mère de l’Institut, Mirco sent son châle qui lui rappelle son foyer et la vie d’avant l’accident) et le goût, celui du cinéma, qui nourrit littéralement l’imaginaire du garçon (au cinéma avec son père, Mirco regarde un western mexicain avec appétit ).
▪ Des couleurs et des sons Perché comme un oiseau dans un arbre pour échapper au terrible Valerio, Mirco tente de définir les couleurs à Felice, aveugle de naissance. Le bleu lui dit-il est « comme quand tu fais du vélo et que le vent s’écrase sur ta figure », le rouge « comme le feu, comme le ciel au coucher du soleil », le marron « rugueux comme l’écorce de l’arbre ». À chaque couleur correspond une sensation comme à chaque son correspond une couleur. En expérimentant le champ sonore pour produire son devoir, Mirco va s’initier à la couleur des sons, à leur texture, à leur matière et s’approprier un nouveau langage.
▪ S’approprier un nouveau langage Le son est un matériau que l’on sculpte. Il faut par exemple extirper du brouhaha d’une cours de récréation le chant d’un oiseau, le bruissement des feuilles, isoler chaque bruit pour en faire l’instrument de sa propre mélodie comme on ferait naître une sculpture d’un bloc de marbre. Pour s’approprier ce nouveau langage, Mirco se met à l’écoute du monde. Grâce au toucher, il gratte, effleure, tambourine pour trouver les sons les mieux à même d’incarner son histoire simple « après la pluie vient le beau temps », devoir dont le titre annonce déjà la prise en main de son destin. Pour ce faire, Mirco va glaner des sons c'est-à-dire prélever le réel comme un ingénieur du son (le chant des oiseaux), il va créer des sons c’est à dire recomposer le réel comme le ferait un parfait bruiteur de cinéma (la douche simule une averse, le doigt mouillé qui tape la paume de la main des gouttes de pluie, le plateau métallique le tonnerre) puis monter ces sons pour inventer une histoire en utilisant la réglette de braille comme banc de montage. Lorsque Francesca, première auditrice, écoute subjuguée le résultat, la mise en scène révèle le pouvoir d’évocation du son. Ce sont les véritables bruits enregistrés par les enfants qui sont réemployés dans cette séquence dans laquelle les images mentales d’averses, de gouttes de pluies, de tonnerre s’incarnent à l’écran.
L’IMAGINATION AU POUVOIR ▪ Un film inscrit dans le réel : Italie 1971 Le rouge n’est pas seulement la couleur du sang ni celle du ciel, elle est aussi la couleur des drapeaux qui accompagnent la contestation politique dans les rues de Gênes. Les années 70 marquent en Italie de nombreuses innovations législatives qui vont détruire, ou tout du moins « décongeler » la vieille société de l’après-guerre. À la suite de luttes ouvrières et étudiantes, les institutions adoptent un ensemble de mesures qui modernisent et émancipent la société italienne de la tutelle religieuse. Les faits de Rouge comme le ciel se déroulent dans ce contexte politique, marqué par le développement des activités syndicales (la grève à la fonderie) et par la rébellion des parents contre la marginalisation de leurs enfants aveugles. Soutenu par les forces politiques et sociales, ce mouvement de contestation est à l’origine de la loi 118 qui, en 1971, affirme en Italie le principe de l’intégration dans les classes ordinaires des enfants atteints d’un handicap.
▪ La fin d’un monde Inspiré par la vie de Mirco Mencacci, aveugle à l’âge de 8 ans et interné dans un institut similaire à celui du personnage, le film retrace le combat obstiné d’un enfant pour gagner sa liberté au sein d’un établissement qui n’accorde aucune place à la créativité, à l’expression personnelle. Antre de l’ordre et de la discipline, l’Institut Cassoni est mis en scène comme un établissement pénitentiaire dont il faut s’échapper. Lorsque Mirco et ses parents y pénètrent pour la première fois, un plan d’ensemble les dévoile perdus dans un espace immense, dominé par le marbre et les sculptures grises, qui reflètent le poids de la tradition de cette institution ancestrale. Lors de leur entrevue avec le directeur, celui-ci scelle d’entrée le destin de Mirco. L’important n’est pas ce qu’il veut mais ce qu’il peut faire. Et ce que « peut faire » un aveugle, dans la bouche du directeur lui-même atteint de cécité, se résume au métier de tisseur ou de standardiste. Plus tard, à table au réfectoire, on énonce les règles basées sur le principe de sacrifice (les enfants qui se privent de gâteau ou font une bonne action sont récompensés). Le soir, pas de conte ni de récit épique mais la lecture d’un passage de l’évangile qui semble culpabiliser ou tout du moins terrifier les enfants : « Alors, où nous sommes nous arrêtés hier ? Ah oui, en enfer. Les diables mugissent des blasphèmes et des hurlements épouvantables. Ici les damnés subissent la punition pour les péchés qu’ils ont commis ». Les jeunes aveugles seraient-ils des pêcheurs et leur handicap le signe de la damnation pour leur péché ? Cette culpabilité, fruit d’une vision archaïque du handicap, Mirco la rejette violemment. Dans cet institut présenté par Felice comme un endroit « où l’on mange, on étudie et on dort », il va insuffler un vent de liberté porté par deux valeurs indissociables de l’enfance : le jeu et la création.
▪ Le jeu et le spectacle, lieu d’égalité La séquence du cinéma buissonnier et celle du spectacle de fin d’année illustrent chacune la victoire de la création artistique sur la soumission. La fugue nocturne pour rejoindre la salle de cinéma est d’autant plus excitante pour les enfants que cette escapade interdite est leur première expérience de spectateur. Dans la salle, Mirco se charge de l’audio description1. Il replace dans son contexte l’histoire, décrit les lieux et les situations du « Clan des deux Borsolani » de Giussepe Orlandini (1971) jusqu’à que le fou rire gagne le groupe. Les enfants rient-il du film ou sont-ils contaminés par le rire tonitruant d’un voisin de fauteuil ? Qu’importe. Le cinéma efface le handicap, laissant les spectateurs, adultes et enfants, voyants ou non, égaux devant le rire et le plaisir. Dans la dernière séquence du film, les parents assistent yeux bandés à la représentation du spectacle dans une explosion des sens. Tout comme lors de l’écoute du devoir sonore de Mirco, les auditeurs deviennent des spectateurs actifs qui composent des images mentales à partir de la bande son. L’art, le jeu, le théâtre mettent voyants et non-voyants sur un pied d’égalité.
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L’audio description est un procédé qui permet de rendre les films accessibles aux personnes malvoyantes grâce à un texte en voix off qui décrit les éléments visuels de l'œuvre
Un film pour tous - année scolaire 2011/2012
Mon deuxième film
Son titre
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______________________ _______________________________ Je l’ai vu le ________________________ Son réalisateur
Les personnages du film Mirco
L’abbé Giulio
Les parents de Mirco
Le directeur de l’institut
Felice
Ettore
Francesca
Et le vrai Mirco alias Mirco Mencacci, ingénieur du son
Définir les couleurs Mirco décrit les couleurs à Felice : « Le bleu, c’est comme quand tu fais du vélo et que le vent s’écrase sur ta figure , le rouge, c’est comme le feu, comme le ciel au coucher du soleil et le marron est rugueux comme l’écorce de l’arbre ». Et toi, que dirais tu si tu devais définir : le vert : ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ le jaune : ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ le rose : ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ le violet : ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ ou une autre couleur de ton choix : ____________________________________________________ ____________________________________________________
Composer une bande son Sur chacune de ces images, Mirco enregistre des sons avec Felice pour composer son devoir « après la pluie vient le beau temps ».
Le bruit de la douche va devenir : ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________ Le bruit de son doigt va devenir : ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________ Le bruit du plateau en fer va devenir : ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________
Le « bzzzzz » de Felice va devenir : ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________ ____________________________________
Les 5 sens « Voir ne suffit pas, Mirco, tu as 5 sens. Pourquoi n’en utiliser qu’un seul ? ». Quel personnage dit cette phrase à Mirco ? ____________________________________________________ Quels sont les 5 sens ? ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ À l’aide de ses photos, rappelle-toi comment Mirco va mettre en pratique ce précieux conseil.
La magie du cinéma
Sur cette image, où sont les enfants ? ____________________________________________________ Que leur raconte Mirco ? ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ Pourquoi ? ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ D’après toi, que ressentent les enfants? ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________
Un étrange spectacle
Pourquoi les enfants ont-ils demandé à leurs parents de se bander les yeux ? ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________ Au début et à la fin du film, un personnage a lui aussi les yeux bandés parce qu’il joue. De quel personnage s’agit-il? ____________________________________________________ A quel jeu joue t-il ? ____________________________________________________ Va-t-il garder le bandeau sur les yeux? ____________________________________________________ A ton avis pourquoi ? ____________________________________________________ ____________________________________________________ ____________________________________________________