Gazette #83 juin 2013

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Attention, très belle découverte qui a emballé toute l’équipe du Méliès ! Maîtrisé et intense, passionnant et émouvant, portée par de sublime comédiens : faites-nous confiance, ne passez pas à côté de Blackbird. Il a une gueule d’ange triste. La mèche rebelle qui lui mange le visage, comme tant d’ados. Un regard perçant qui observe le monde avec une distance prudente et l’air de se demander « j’y vais ou j’y vais pas ? » A défaut d’avoir vraiment trouvé une réponse, Sean est quelque part au milieu de cette drôle de route censée le mener vers l’âge adulte. Avec son blouson noir et ses ongles peints, son piercing, sa démarche discrète, il attire autant la curiosité que les moqueries. Il n’est pas dans les clous, il n’est pas dans la norme, il fait tache au milieu de ses congénères, une tache noire, comme un appel au vide, ce vide qui attire autant qu’il effraie. Ici, dans sa petite ville de Nouvelle Ecosse, les gars de son âge sont sportifs, sortent en bande,

ils portent des sweats de marque et font du hockey sur glace, pour affirmer leur virilité et leur appartenance à la communauté. Sean ne fait pas de hockey, Sean est souvent seul, Sean aime bouquiner et écouter du Métal, Sean n’est pas comme les autres et il assume. Mais à cet âge, il est encore bien tôt pour affirmer ses choix sans que cela ait des conséquences... Il faut dire qu’en plus de son allure « gothique », Sean s’est approché d’un peu trop près de la plus belle fille du lycée, la chérie attitrée du capitaine de l’équipe de hockey, le coq de la basse-cour. Il devient le souffre-douleur d’une bande d’andouilles prêtes à tout pour marquer leur territoire autant que leur identité de mâles en devenir. Sans réfléchir plus que ça, cédant à l’impulsion causée par l’humiliation, il va user des seules armes qui lui sont accessibles : des mots tapés sur son clavier d’ordinateur. Il se défoule, il déverse dans le monde virtuel des scénarios revanchards où il est question de

menace et de vengeance… Il y a quelques années, Sean aurait simplement noirci les feuilles de son journal intime. Mais aujourd’hui on écrit sur Internet, où tout se lit tout de suite, où tout se trace, où rien ne s’efface. Et quand on découvre, en plus de ces écrits imprudents, que le père de Sean est grand amateur de chasse et d’armes, les dés sont jetés : Sean est accusé d’avoir minutieusement préparé un massacre en bonne et due forme, un Colombine version Canada… Fable sombre comme le monde tel qu’il va, Blackbird se révèle surtout un film lumineux et porteur d’espoir. Au-delà du beau portrait d’un adolescent formidablement attachant, Blackbird est un miroir sans complaisance tendu à nos sociétés qui prônent la convivialité du grand village global mais s’enferment chaque jour un peu plus dans la peur de l’autre. Ce bel oiseau noir, loin d’être un mauvais présage, est un formidable appel à la tolérance et à l’intelligence.

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