B R U E G E L Larry Silver
Pieter BRUEGEL
R
écemment, la redécouverte extraordinaire, en Espagne, d’un tableau perdu de Pieter Bruegel l’Ancien (vers 1525-1569) a fait l’effet d’une bombe et a ravivé l’intérêt que le public porte à ce grand peintre flamand. Cette œuvre a subi les outrages du temps et est encore en restauration au Prado.
Célèbre pour ses descriptions amusantes de paysans, de paysages et de tableaux à la façon de Bosch, Bruegel a également créé de nombreuses peintures consacrées à des thèmes religieux dans une époque marquée par les controverses religieuses. Après une carrière de plus de vingt ans de dessinateur et de peintre, il se fit un nom dans la « capitale du capitalisme », Anvers, le centre du commerce international et le leader du marché de l’art. Cet ouvrage examinera tout l’œuvre de Bruegel. Ses dessins, ses gravures et ses peintures sur toile ou sur panneau seront étudiés autant dans leur forme que dans leur contenu par une analyse très actuelle et très complète. Seront également présentés une foule de peintres flamands de sa génération qui ont coopéré avec Jérôme Cock, son éditeur de gravures, fondateur de l’officine « aux Quatre Vents ». Celle-ci devint la plus grande entreprise de gravures de l’époque, éditant des maîtres flamands et hollandais, mais également des œuvres d’après Raphaël et autres artistes italiens. Il est intéressant de confronter Bruegel non seulement avec ses rivaux d’Anvers, mais aussi avec les peintres qui l’ont inspiré, de loin ou de près, comme Joachim Patinir, Rogier van der Weyden ou Jérôme Bosch. Le contexte historique dans lequel Bruegel a vécu sera longuement décrit : c’était en effet l’époque de troubles religieux intenses, engendrés par la rigueur de la foi catholique du roi d’Espagne Philippe II, qui s’opposa avec vigueur à l’installation de la religion calviniste. Cela donna lieu à l’iconoclasme de 1566 et fut ainsi engendrée la fameuse Révolte des Gueux ou Guerre de Quatre-Vingts Ans. Bruegel ne fut évidemment pas indifférent à ces événements, qu’il a « discrètement » retranscris dans sa peinture, n’osant pas dénoncer clairement les abus du pouvoir tant était grand le risque de poursuites et de représailles. Couverture : La Danse de la mariée en plein air, 1566 Détail, Huile sur bois, 119,4 x 157,5 cm Detroit, The Detroit Institute of Arts
Les historiens de l’art trouveront certainement dans ce livre un nouveau point de vue sur l’œuvre du peintre qui éclairera certaines de leurs propres conceptions, mais il s’agit ici d’aller également à la rencontre d’un public plus large qui découvrira, ou redécouvrira, avec plaisir les facéties, les symboles, les scènes paysannes qui ont permis à Bruegel de faire un portrait sans faille de la condition humaine.
Ci-contre : Le Combat de Carnaval et de Carême, 1559 Détail, Vienne, Kunsthistorisches Museum
À la lecture de cette monographie, on en saura plus sur ce peintre d’exception : était-il catholique ou calviniste, aimait-il les paysans ou se moquait-il de leurs travers, était-il courageux ou trop prudent ? On trouvera ici une belle façon de faire le point sur la vie et l’œuvre de ce peintre si populaire par les détails somptueux, les reproductions en grand format offerts par ce livre.
3
Sommaire INTRODUCTION 1. Dieu est dans les détails : Le Portement de Croix (1564) 2. Bruegel à Anvers 3. L’imprimeur-éditeur de Bruegel, Jérôme Cock 4. Bruegel, architecte du paysage 5. « Le Second Bosch ». Bruegel adapte une tradition 6. Paraboles, proverbes et passe-temps 7. Religion et tradition - Anvers au début des années 1560 8. Les œuvres religieuses dans une époque de troubles 9. Bruegel le paysan 10. Tensions et pressions sociales Ci-contre : La Noce villageoise, Détail, Huile sur bois, 114 x 164 cm Vienne, Kunsthistorisches Museum Pages suivantes : La Chute d’Icare Huile sur toile, 73,5 x 112 cm Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
11. L’héritage de Bruegel CONCLUSION
Notes Index Liste des œuvres reproduites
5
Ci-contre : Deux singes, 1562 Huile sur bois, 20 x 23 cm Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie Page de droite : Le Triomphe de la Mort Détail, Huile sur bois, 117 x 162 cm Madrid, Museo del Prado Pages suivantes : La Conversion de saint Paul, 1567 Huile sur bois, 108 x 156 cm Vienne, Kunsthistorisches Museum
P
armi les paysages de Bruegel figurent les tout premiers dessins qu’il produisit pour une suite d’estampes publiée par Jérôme Cock, probablement vers 1555, et connue sous l’appellation de Grands Paysages1. Mais Bruegel avait déjà réalisé des dessins de paysage à l’encre en 1552, ses premières œuvres documentées ; c’est d’ailleurs le pan de son art qui a été le plus intensément étudié par la critique ces dernières années2. Comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre, à l’époque où Bruegel rejoignit la guilde d’Anvers, au milieu du siècle, on y pratiquait déjà un genre de peinture appelé « paysages ». Lorsque Albrecht Dürer s’y rendit en 1520-1521, il qualifiait Joachim Patinir, pionnier de l’illustration paysagère (actif de 1515 à 1524), de « bon peintre de paysage3 ». À la génération suivante, on vit fleurir les dessins de paysage en tant qu’œuvres
8
d’art signées et autonomes, notamment ceux de Cornelis Massys (actif de 1530 à 1556/1557), l’un des deux fils de Quentin Massys (actif de 1490 à 1530)4. Cornelis apposait en effet son monogramme (C ME T) et la date sur ses dessins à l’encre de format à l’italienne, mais il leur donna en outre un style bien affirmé qui influença considérablement les premiers dessins de Pieter Bruegel : courtes hachures régulières pour les surfaces du sol et traits pour créer le mouvement ondoyant des feuillages. Dans un dessin de 1540, par exemple, Cornelis suit le modèle de Patinir pour l’organisation des espaces, avec une éminence au premier plan – ponctuée, dans ce cas, par un tronc d’arbre grêle et sinueux qui se profile à l’horizon –, puis une vallée bordée de collines au second plan et, pour terminer, une échappée vers le lointain où apparaît souvent une rivière. Contrairement aux paysages de Patinir, le
Les Chasseurs dans la neige, 1565 Huile sur bois, 117 x 162 cm Vienne, Kunsthistorisches Museum
12
Les Proverbes flamands, 1559 Huile sur bois, 117,5 x 163,5 cm Berlin, Staatliche Museen, Gem채ldegalerie
15
Ci-contre : Le Peintre et le Connaisseur, vers 1560 Plume et encre brun gris, avec accents à l’encre brun clair, 22,5 x 21,5 cm Vienne, Albertina Page de droite : Les Apiculteurs, vers 1567-68 Plume et encre brune, 20,3 x 30,9 cm Berlin, Staatliche Museen, Kupferstichkabinett
premier plan ne comporte pas ici de figures religieuses qui définiraient le contenu de la représentation : au milieu des chaumières et des arbres, de minuscules personnages anonymes et des animaux peuplent l’espace et s’y meuvent sans attirer l’attention. En laissant certaines zones du papier à nu, il confère un bel éclat et une unité à ce dessin délicat. Bruegel avait déjà exécuté des paysages lors de son périple en Italie. On ne compte pas moins de cinq dessins datés de 1552. Le fait qu’il les a signés et datés tend à prouver qu’il les considérait comme des œuvres accomplies, comparables à celles de Cornelis Massys. Avec leur prudence habituelle, les historiens de l’art considèrent que Bruegel n’a pas rapporté d’Italie des formes et des types de personnages comme l’avaient fait son maître, Pieter Coecke Van Aelst, et d’autres artistes qui furent profondément influencés par leur voyage en Italie, tels Lambert Lombard, Frans Floris ou Maarten Van Heemskerck (chapitre 3). Cependant, on peut déceler dans ses paysages des analogies avec des œuvres italiennes récentes, en particulier celles de l’entourage de Titien à Venise, qui avait des liens avec le Nord de l’Europe, avec l’Allemagne surtout, plus proche géographiquement puisque située juste au-delà des Alpes5. Dans le Paysage montagneux avec cloître italien conservé à Berlin (signé « Brueghel » et daté 1552), Bruegel maîtrise déjà tout l’éventail des techniques du dessin à la plume, avec des traits parallèles
16
17
Ci-dessus : La Tour de Babel Huile sur bois, 114 x 155 cm Vienne, Kunsthistorisches Museum Page de droite : Trois soldats, 1568 Huile sur bois, 20,32 x 17,78 cm New York, The Frick Collection 4e de couverture : Tête de paysanne, vers 1568 Huile sur bois, 22 x 18 cm Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinakothek
L’AUTEUR : LARRY SILVER Professeur d’histoire de l’art à l’Université de Pennsylvanie, Larry Silver est un des grands spécialistes des peintres et dessinateurs flamands. Il a publié de nombreux ouvrages sur Van Dyck, Dürer, Bosch et Rembrandt. On lui doit également un Art dans l’histoire, et de multiples collaborations à des revues américaines et européennes. Citons également son Peasant Scenes and Landscapes et son Rembrandt’s Faith, publiés avant son Bosch, chez Citadelles & Mazenod. Enfin, il a organisé de nombreuses expositions à Chicago, Ackland, New Haven et Philadelphie.
Spécifications Collection « Les Phares » Un ouvrage de 460 pages environ 350 illustrations Relié en toile sous jaquette et étui illustrés Format : 27,5 x 32,5 cm ISBN : 978 2 85088 118 3 Code H : 4438651 Code CM : 12026 PL
Crédit photographique The Bridgeman Art Library, Electa/Leemage, Jörg P. Anders/BPK Dist RMN, Scala
18
Cette brochure commerciale n’est pas destinée à la vente.