Le numérique au sein des musées

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e u q i r é m n i se s sées u Claire Lassansaa Mémoire Dnsep, mention design graphique multimédia École supérieure d’art des Pyrénées Pau-Tarbes Janvier 2017



Pour cette introduction, je m’appliquerai à décrire et observer le milieu dans lequel nous vivons, pour mieux comprendre le contexte, mieux comprendre les intérêts du numérique, la place que le numérique prend sur notre temps, notre quotidien. Effectivement, nous vivons dans un monde de plus en plus connecté. Notre smartphone prolonge notre main, nous vivons dans des « smart city », la wifi gratuite accessible dans les grandes villes et même à Pau, nous parlons aussi d’objets connectés. Tout est lié, connecté, une énorme toile d’araignée a envahi le monde. Ces premières phrases ne se veulent ni fatalistes ni apocalyptiques. Je fais ici un état des lieux. Il est vrai que nous utilisons internet tout le temps, ou en tout cas la plupart du temps. Que ce soit pour travailler, écouter de la musique, communiquer, rire, partager, nous nous servons d’internet. Mais nous continuons quand même à sortir, se retrouver en terrasse, l’un n’empêche pas l’autre. Au contraire. C’est souvent par les réseaux sociaux que nous nous donnons maintenant rendez-vous pour prendre un café. Et c’est quand nous sommes rentrés que nous regardons les commentaires sur les photos que nous avons publié lors de cet instant de bonheur au soleil devant une bière. En fait, nous employons l’outil numérique pour lancer un évènement, et pour le continuer une fois terminé. Stéphane Vial dit « Grâce aux interfaces numériques mobiles des années 2000, [...] autrui est potentiellement toujours là, dans ma poche, à portée de main ».(1) Le numérique n’est en rien une menace pour le lien social. Il s’agit d’un autre moyen de communiquer. Le numérique est un moyen complémentaire de communication. Comme le fait remarquer Stéphane Vial, il n’y a pas de monde virtuel. Tout se qui se passe sur internet est bien réel.

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Avec le numérique nous sommes autant mobiles qu’avant, nous nous rencontrons toujours, nous sortons toujours, participons à des vernissages, expositions, concerts. Il est, aujourd’hui, d’une grande facilité d’organiser des évènements, de prévenir, de donner rendez-vous à des amis, à un public. C’est une sorte de bouche à oreille numérique. Grâce au numérique nous nous déplaçons physiquement, en nous rendant aux évènements qui nous intéressent, qui nous ont été proposés, via des réseaux sociaux mais aussi via des newsletters. Ces nouvelles technologies ont changé notre relation au temps. Il est vrai que le numérique nous habitue à l’instantanéité, avoir tout, tout de suite. Une question ? Demandez à Google. Nous n’avons plus besoin de retenir les informations, nous pouvons les trouver partout, à chaque instant, du moment qu’il existe une connexion internet. Plus personne ne connaît les numéros de téléphone de ses amis, notre mémoire ne retient plus ce genre d’information. Mais est-ce bien utile de retenir ces renseignements ? Comme le souligne Michel Serre, désormais nous laissons plus de place à d’autre activité, notre cerveau peut se déployer dans d’autre domaine, notamment la création.(2) Je m’étendrai d’avantage sur ce sujet dans la première partie de ce mémoire. Nous le constatons, le numérique est partout à chaque instant. Même dans les lieux culturels. Les tablettes, pupitres interactifs, écran de toute sorte, applications font leur entrée petit-à-petit dans ces lieux d’exposition. Comment les musées peuvent-ils se servir de ces outils du quotidien, ces outils de communication que sont les réseaux sociaux ou autre application ? Le musée de demain a-t-il besoin de l’outil numérique ? Quels changements apportent-ils ? Comment les musées peuvent et doivent s’en servir ?

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Pour répondre à ces questions nous constaterons, dans un premier temps, un débat autour du numérique, sur son enseignement, son entrée dans les écoles. Nous remarquerons que des nouvelles formes de récit apparaissent grâce aux nouvelles écritures et l’importance des interfaces sur ces narrations. Puis nous définirons le rôle du médiateur et la distinction entre médiation culturelle et médiation culturelle numérique. Dans un second temps, nous analyserons des exemples d’outils numériques au sein des musées. Quels outils, quelles interfaces sont utilisés pour une autre communication, pour apporter des compléments et un accompagnement, notamment par le jeu. Nous indiquerons aussi que le numérique facilite l’accessibilité pour les personnes handicapés. Dans un troisième, et dernier temps, nous verrons que le musée devient participatif, et qu’il a besoin d’une collaboration entre les différents acteurs du musée. Nous étudierons la question du nouveau visiteur, des nouveaux métiers qui apparaissent avec les nouveaux objectifs du musée. Enfin, nous comprendrons que le médiateur à de nouvelles fonctions, son rôle évolue.

( 1 ) Stéphane Vial, l’être et l’écran, page 221, Éditions PUF, 2013 ( 2 ) Michel Serres, Petite Poucette, 2014.

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Note Lors de votre lecture vous trouverez des notes #1. Ces dièses sont interactifs et vous dirigeront vers le site du projet. Bonne lecture.


m o S

e r i a m

5 Introduction

53 Le numérique au service des musées

11 Le numérique pour quoi faire ?

127 Un musée collaboratif pour plus de savoir

147 Conclusion

153 Bibliographie et sitographie



e u q i r é i m o u u n

Leour q

Paire ? f



Le numérique est entré dans les musée, cette nouvelle pratique posent beaucoup de questions. Le numérique peut-il être envisagé comme outil pédagogique ? Et quelle place occupe-t-il dans notre monde ? Dans le monde de la culture, qui s’en empare ? Et comment ? Grâce à ces questions, nous dresserons un portrait du numérique et de ses outils. Nous verrons que grâce à ces machines, la narration change. Elle prend d’autre forme, une nouvelle façon d’écrire apparaît, le temps n’est plus forcement linéaire. Nous verrons aussi que les interfaces ont leur importance. La forme doit servir le message. L’interface raconte une histoire mais la fabrique également. Enfin, nous ne pouvons pas parler de musée sans parler de médiation et du médiateur. Nous étudierons les définitions de ces termes et du rôle du médiateur. Dans une dernière partie nous reviendrons sur ce qu’est la médiation numérique.

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Pour ou contre le numérique ? Nous le savons, le numérique divise. Certains y voient des avantages incontestables, d’autres craignent ses potentiels méfaits. Je pense que les propos au sujet du numérique comme pour tout autre sujet - doivent être nuancés. Les technologies permettent de faire plus de choses toujours plus vite. Nous avons pris l’habitude d’avoir tout, tout de suite. Notre relation au temps n’est plus la même. Nous voulons faire plus de choses en moins de temps. Il existe une accélération du rythme de vie. Je fais partie d’une génération qui est quasiment né avec internet. Les jeunes générations n’ont plus la même tête, ni le même espace que les anciennes générations. « Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes personnes; par GPS, en tout lieux; par la toile, à tout le savoir; ils hantent donc un espace métrique, référé par des distances. »(1) Michel Serres nous explique que la jeune génération ( qu’il appelle petite poucette ) peut avoir accès à tous les savoirs quand elle veut. Elle peut, donc, prendre de la distance, s’écarter peut-être du savoir qu’on lui donne sur la toile. Ces jeunes ont du temps pour créer, inventer, participer. Michel Serres observe que petite poucette n’est plus passive. Elle cherche et trouve le savoir dans ses machines. Il dépeint une génération qui parle, agit et qui connaît de mieux en mieux le vivre ensemble. Qui vit et étudie dans des lieux multiculturels. Il est important de parler du numérique à l’école. Du numérique en tant qu’outil pédagogique et didactique, puisque, nous le verrons, les musées utilisent cet instrument pour transmettre un savoir sur leur collection ou exposition.

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Le numérique au sein des écoles est un sujet qui partage. Les outils numériques sont-ils utiles à l’éducation ? Les enfants ne seraient-ils pas distraits par ce type d’outil ? D’un côté certains pensent que le numérique doit faire parti intégrante des programmes dès la primaire. Il est vrai que nous ne pouvons pas passer à côté du fait que le numérique est bien présent dans nos vies. Il faut apprendre à s’en servir, à comprendre pourquoi et comment nous nous en servons. Je suis assez d’accord avec Bruno Patino ( 2 ), qui explique, que l’outil numérique doit faire partie intégrante de l’apprentissage, sans remplacer forcément le papier et le stylo. Il donne l’exemple de la télévision qui est entrée dans nos écoles, je me souviens des vidéos de C’est pas sorcier ou de la poubelle jaune qui nous apprenait à parler anglais grâce aux vidéos cassettes de Sans frontière. Et pourtant la télévision n’a, en aucun cas, remplacé nos livres, et nos cahiers ! Mais il est important d’enseigner aux générations futures comment et pourquoi se déconnecter. Les enfants doivent apprendre à maîtriser les écrans, à les utiliser. Le numérique doit rentrer dans les écoles sans se substituer aux autres outils. La technique nous apporte quelque chose. Notre façon d’apprendre, de partager, d’aimer n’a pas changée, elle est juste étendue, plus grande avec plus de possibilité. Michel Serres indique que l’espace de concentration a changé. Cet espace sort des salles de classes, des bibliothèques, des musées, il se dilue, il se répand. Il donne pour exemple une observation qu’il a faite dans le train. Au lieu d’attendre que le trajet se passe, la jeune génération dispose de son ordinateur et travaille, cherche des informations, elle n’attend plus, elle agit.

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Cédric Biagini ( 3 ) pense que le numérique ne peut pas entrer dans l’école, il ne contribue en rien à l’éducation. Il pense que ces outils ne font que fragilisé les écoles, à cause de leur mode d’apprentissage. Ces modes ne reposent que sur le fun et la rapidité. Les serious game font leur entrée dans les écoles. Il remarque que les enfants n’arrivent plus à se concentrer, ils doivent en permanence être excités, stimulés pour apprendre quelque chose. Il prend comme exemple, le fait que les gros leader de Google, Amazon ou Apple envoient leurs enfants dans des écoles déconnectées. Je pense personnellement que les enfants ont besoin de comprendre comment fonctionne internet, à quoi servent tous ces outils numériques. Qu’il s’agit de code, d’algorithmes, et non pas d’un autre monde magique. Ils doivent aussi connaître les risques d’internet, revoir la distinction entre vie privé, vie publique, distinction qui a tendance à se réduire. Mais aussi tout les possibles, ce que la technologie permet en médecine ou en science par exemple. Ce sont des outils qui existent, dont on se sert tous les jours, nous ne pouvons pas les ignorer. Et je pense que les diaboliser ne résout en rien cette peur du numérique. Sur internet tout récepteur est un diffuseur potentiel. Grâce aux réseaux sociaux, l’internaute peut partager, aimer, pousser un coup de gueule rapidement. Ces actions entraînent des débats. Le changement majeur provoquer par internet se situe au sein du public, car le public peut agir sur du contenu. Le pouvoir est donné à l’utilisateur, il contrôle ses pensées, développe des relations avec d’autres utilisateurs et participe à des communautés. « Le débat se déroule désormais en temps réel avec des avalanches de commentaires, de tweets, de posts sur des

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blogs où nul responsable ne peut trouver le répit. Des outils d’analyses font la synthèses de ce qui s’exprime et des tendances. C’est le sondage numérique sans fin. »(4) Jean-François Fogel et Bruno Patino nous explique qu’Internet engendre le débat. Mais surtout un débat immédiat, en temps réel. Internet et le numérique ont changé, influencé nos manière de voir le monde, de consommer l’information. Mais ces nouvelles technologies ont beaucoup d’avantages. Elles arrivent à intéresser les jeunes, et les moins jeunes sur des sujets d’actualités. Elles permettent aussi d’activer des débats, des conversations avec des gens du monde entier. D’ailleurs, l’équipe numérique de France 2 s’est emparé de ces outils pour créer de nouveaux moyens pour parler de différents sujets, et aller chercher le public là où il se trouve.

( 1 ) Michel Serres, Petit Poucette, 2011, Édition blabla ( 2 ) Bruno Patino est le responsable du numérique à France Télévision depuis 2010, et directeur de l’école de journalisme science politique. ( 3 ) Cédric Biagini est auteur et animateur au éditions Échappée. ( 4 ) Jean-François Foge, Article sur http://ucenivha.com

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Les nouvelles écritures De nos jours les histoires se racontent autrement. Le numérique bouscule la narration. France télévision l’a bien compris. Depuis quelques années, le groupe développe une partie numérique sous la direction de Boris Razon. (1) Chaque année, les cinq chaînes du groupe produisent 1800 documentaires. Ce contenu est proposé sur des nouveaux supports, et invente de nouvelles manière d’en parler. France télévision diffuse des documentaires via internet. Le spectateur est actif, nous questionnerons le rôle du spectateur un peu plus tard, lors de la troisième partie. Des chaînes Youtube ont également été créées, comme la chaîne Datagueule#1 . Des courtes vidéos parlant d’actualités, de société, interrogeant des spécialistes, sont diffusées sur Youtube. La chaîne cumule de plus en plus de vues, et surtout engendre des débats et des questions via les commentaires. Les internautes dialoguent ! C’est aussi ça, l’avantage des nouvelles écritures. L’internaute participe, trouve sa place. Avec les nouvelles écritures le temps est représenté différemment. Le temps, on a l’habitude de le voir linéaire et continu. Mais désormais on peut aussi le ralentir, l’accélérer et même le mettre en pause. D’ailleurs dans cette nouvelle forme de narration le temps de la pause est très important. Il donne l’opportunité à l’utilisateur de faire des choix. De réfléchir à la suite qu’il veut pour le récit. Le numérique nous permet de voir beaucoup d’informations, d’histoires. C’est sans cesse un combat : convaincre l’utilisateur de vous consacrer du temps, plutôt

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qu’à une série, un autre documentaire ou les réseaux sociaux. Contrairement à la télévision, avec le web il faut aller chercher le public là où il se trouve. L’inciter à venir regarder votre fiction ou votre documentaire, et surtout y passer du temps, qu’il prenne le temps de découvrir votre œuvre. Il faut donc identifier la cible, les influences et créer des partenaire pour la médiation. Une des solutions est de produire des œuvres courtes. Comme Datagueule dont nous avons déjà parlé auparavant. Il ne s’agit que de vidéos courtes ne dépassant par les 12 minutes. Le temps est devenu un indicateur important. Par exemple la matinale du Monde#2 est très intéressante à propos de ce sujet. Cette application vous propose un certain nombre d’articles, vous sélectionnez ce qui vous intéresse. Comme son nom l’indique, elle est plutôt utilisée le matin, au petit-déjeuner ou dans les transports. Le temps de lecture est donc important. Et cette information n’a pas échappé au Monde. Sur chaque présentation d’articles affichés comme une suite de post-it, le temps de lecture est indiqué. En fonction du temps que vous avez, vous sélectionnerez plus ou moins d’articles, plus ou moins long. Avec les nouvelles écritures, le web revêt un statut culturel. Il est vrai que le web est un endroit où nous pouvons trouver des mauvaises informations en grande quantité. Mais en l’utilisant intelligemment, nous pouvons donner naissance à des œuvres, des objets originaux et intéressants en terme de narration fictive ou documentaire. Les nouvelles écritures cherche l’expérience. Elles incitent une nouvelle manière d’interagir et rend les œuvres participative et sociale. « Nous travaillons aux confins des médias pour tenter de proposer des narrations originales, plus riches, touffues et complexes, mais aussi plus

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engageantes pour l’audience » précise Boris Razon.(2) Les œuvres sont hybrides, elles mixent les médias, les genres et les récits. Avec le numériques nous assistons à un changement fondamental de la narration, avec ce côté participatif et social.

( 1 ) Boris Razon, directeur des nouvelles écritures du réel de France télévision. ( 2 ) Interview de Boris Razon pour Le Monde, 2014.

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Data Gueule 2014 Julien Goetz France télévision nouvelles écritures https://www.youtube.com/channel/ UCm5wThREh298TkK8hCT9HuA



La Matinale Mai2015 Journal Le Monde http://www.lemonde.fr/lamatinale/



Les interfaces Une interface doit servir le fond et être en adéquation avec ce qu’elle raconte. L’interface ne se contente pas de dire, elle agit. C’est elle qui fait. Elle traduit une pensée, transporte un message du créateur aux spectateurs. Elle change le monde de la narration et des documentaires. En effet, nous connaissons très bien les médias linéaires. La télévision, la radio nous donne des informations, nous les recevons, mais nous interagissons pas directement avec leur contenu. Nous pouvons constater une forme d’interaction quand l’auditeur appelle la radio pour poser des questions ou quand le public à la télévision réagit au débat. Mais les interfaces donnent un nouveau moyen d’interagir, et surtout un moyen plus large. Aujourd’hui les créateurs cherchent de nouveaux moyens de rentrer en contact avec le public. Comme le souligne Benjamin Hoguet, les créateurs portent de nouveau leur attention vers le « monde réel » avec l’aide du monde « virtuel »(1) Les auteurs veulent maintenant engager un dialogue, provoquer une réaction, que le public participe et même crée. Les créateurs doivent prendre en compte plusieurs facteurs pour fabriquer leur interface. Quand nous racontons une histoire ( qu’elle soit réelle ou fictive ) nous parlons d’espace et de temps. Les concepteurs doivent créer une interface qui représente le mieux l’espace/temps de leur histoire. Est-ce que l’utilisateur peut contrôler le temps, le rythme d’apparition des informations grâce au scroll par exemple ? Mais le scroll incite des expériences fortement linéaires. Snow Fall#1 du New Times est un très bon exemple. Il est intuitif et l’usage du scroll convient

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parfaitement à ce type de narration. Snow Fall est un article de longue durée écrit par John Branch en 2013. Le journaliste raconte l’histoire d’une avalanche ayant fait des morts dans l’état de Washington. Lorsque l’internaute arrive sur la page de Snow Fall, il est accueilli par une vidéo contemplative de la neige soulevée par le vent. Pour accéder au texte, le lecteur doit scroller vers le bas. Au fur et à mesure de son scroll, il pourra regarder des vidéos d’interviews de témoins présents lors de l’avalanche, d’experts, mais aussi des réalisations 3D pour expliquer la topographie de la montagne, des photographies, des portraits des victimes. Tout les médiums sont utilisés pour raconter cette histoire vraie. Le scroll ici permet de se rendre compte du temps, temps de l’histoire, temps du récit. Le scroll convient tout à fait pour raconter une histoire de façon linéaire. Les point&clic est peut-être la façon la plus facile, ou du moins la plus compréhensible car la plus courante ( nous passons notre temps à cliquer sur des liens, qui nous envoient sur une autre page ). Cette interface permet de marquer une pause dans la narration, de distinguer le temps du choix et le temps de la narration. Le webdocumentaire Jeu d’influence#2 s’en sert très bien. Nous prenons la place d’un patron, et nous devons gérer une crise de communication avec la presse. Que faut-il dire ? Que faut-il taire ? Avant de commencer le jeu, l’internaute doit créer un compte. Il pourra de ce fait arrêter de jouer quand il le souhaite et reprendre exactement là où il en était, plus tard. L’histoire est narrée par du texte en bas de l’écran. Des dessins plein écran, apporte le support visuel, un son ambiant est présent à chaque tableau. De l’audio est aussi présent. Puis une question interrompt la narration. C’est le temps du choix.

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Plusieurs solutions sont proposées, selon votre réponse le récit prendra telle ou telle voie. Le point and click, permet de faire des pauses dans l’histoire pour laisser le choix à l’internaute. Les timelines sont très fréquentes. Elles permettent à l’utilisateur de gérer le temps, mais aussi le point de vue, comme dans le projet Wei or die#3 de Simon Bouisson.(2) Cette fiction interactive relate un week-end d’intégration d’étudiant en commerce qui tourne mal, le corps d’un jeune homme est retrouvé noyé au bord d’un étang. La police saisit toutes les caméras et les téléphones portables pour visionner les images faites par les étudiants lors de la soirée. Ces images sont les seuls supports visuels disponibles. Quand vous visionnez ce film, vous avez le choix de la caméra, identifiée par des boutons à l’écran : vous pouvez choisir le drône, la caméra d’un étudiant, ou le téléphone portable d’un autre. Une realtime est mise en place en bas de l’écran, vous pouvez donc suivre la progression du film, mais aussi voir si vous avez plus regardé la caméra ou le téléphone portable. L’expérience est donc unique, vous êtes le réalisateur du film. Nous avons évoqué quelques types d’interfaces, nous pouvons noter qu’elles engendrent différentes modalités d’interactions. Benjamin Hoguet les catégorisent en trois familles que je trouve judicieuses. L’interactivité machine, sociale et créative. Pour l’interactivité machine, l’interface c’est l’expérience. C’est peut-être celle qui laisse le moins de choix à l’utilisateur. Disons que les solutions sont déjà programmées. Il regroupent dans cette catégorie les œuvres qui nécessitent seulement aux spectateur de choisir entre deux possibilités, il ne peut pas en créer une troisième. Jeu d’influence en est un très bon exemple.

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L’utilisateur incarne un grand patron devant gérer une grave crise de communication grâce à une suite de choix, de dilemmes moraux. La fiction est racontée par une voix off, utilisant la première personne du singulier. Des questions interrompent le récit et deux réponses nous sont proposées. Selon votre choix, l’histoire continue dans un sens plutôt que dans l’autre. L’enjeu du créateur quand il utilise une interactivité machine est de créer l’interface qui entre en résonance avec son histoire et de proposer l’expérience la plus adaptée, la plus évocatrice pour le public. L’interactivité sociale bouleverse le rapport entre créatif et public. « L’interface devient un canal de communication et le projet déborde largement dans les espaces sociaux. » (3) Nous parlons ici de l’utilisation de Facebook ou de twitter. J’aime rappeler ce projet de Sébastien Magro, directeur de projet au musée du quai Branly. Ce projet sera étudié plus tard, mais il est intéressant de l’évoquer maintenant. Pour l’exposition Indiens des plaines, un profil twitter a été créé. Le personnage Wacochachi et le mot-dièse #LesBisons sont mis en place. Ce personnage fictif, mais inspiré de faits réels, publie des messages destinés à planter le décor, en décrivant brièvement la vie quotidienne des Indiens des Plaines avant l’arrivée des Européens en Amérique du Nord. Ce compte apparaît un mois avant l’ouverture de l’exposition. Le public se pose des questions, se demandent qui est ce Wacochachi. Twitter permet de partager, d’échanger avec ce personnage. Le créateur devient un intermédiaire, un relais entre différentes personnes.

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L’interactivité créative pousse le projet plus loin. Il incite l’utilisateur à créer un contenu, et à s’impliquer. Cette approche créative développe une expérience participative ! Le projet s’étend à chaque contribution et est donc potentiellement sans fin tant que les utilisateurs participent. L’interface doit donc être simple et pertinente pour permettre à l’utilisateur de comprendre très vite son rôle afin qu’il puisse créer sans être obligé de faire beaucoup d’efforts pour comprendre la « notice ». Sans l’utilisateur le projet ne marche pas. Le créateur doit se résoudre à laisser une grande place au public et peut-être laissé échappé son projet, être préparé au fait que le projet prendra une tournure qu’il n’avait pas envisagé. The Johnny Cash project#4 est un bon exemple d’interactivité créative. L’interface est un outils de création très intuitif permettant de réaliser de façon collaborative une vidéo en hommage au chanteur Johnny Cash à la suite de son décès. Le public doit choisir une image de son dernier clip, la redessiner à sa façon grâce à un outil de retouche mis à disposition. Les différents dessins sont alors assemblées et créent un nouveau clip grâce à la participation des internautes. Avec l’interactivité créative, le concepteur joue le rôle de modérateur. Il doit organiser les contributions pour avoir un projet cohérent et intelligible pour le public qui n’aurait pas contribué au projet mais qui souhaite simplement visualiser le contenu généré.

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Benjamin Hoguet a créé un tableau résumant ces distinctions entre les trois catégorie d’interactivité.

L’interface c’est L’univers du projet Le créateur du projet L’interaction principale est

INTERACTIVITÉ MACHINE

INTERACTIVITÉ SOCIALE

INTERACTIVITÉ CRÉATIVE

l’expérience toute entière

un canal de communication

un outil de création

est fini et bien délimité

déborde sur les réseaux sociaux

s’étend à chaque contribution

un « dieu » qui crée un entremetteur et un ordonnateur et son univers un facilitateur un modérateur technique et programmée

humaine et conversationnelle

créative et collaborative

( 1 ) Benjamin Hoguet, conférencier, formateur, et écrivain. Le pouvoir narratif des interfaces. ( 2 ) Simon Buisson, réalisateur de projet multimédia. ( 3 ) Benjamin Hoguet, Le pouvoir narratif des interfaces, 2015, page 39.

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Snow Fall 2012 John Branch The New York Times http://www.nytimes.com/projects/2012/ snow-fall/#/?part=tunnel-creek



Jeu d’influence 6 mai 2014 Julien Goetz et Florent Maurin Diffusion France 5 France Télévisions et Première lignes http://jeu-d-influences.france5.fr/



Wei or die 28 octobre 2015 Réalisé par Simon Buisson France télévision http://wei-or-die.nouvelles-ecritures. francetv.fr/



The Johnny Cash Project 2011 Chris Milk et Aaron Koblin http://www.thejohnnycashproject.com/



Médiation et médiateur Dans le Larousse nous pouvons lire cette définition : « Fait de servir d’intermédiaire en particulier dans la communication ». Il s’agit d’une définition un peu large qui mériterait d’être précisée. C’est en cherchant « médiation culturelle » que nous trouverons plus d’informations utiles à nos besoins. Wikibook nous dit que « la médiation consiste à établir un dialogue avec le public, le médiateur tisse des liens ». Nous trouvons ici le terme de dialogue, très important dans ce mémoire. Le médiateur permet de réduire la distance entre la culture et ses acteurs, et le public de cette culture. Son rôle est d’assurer l’accès au plus grand nombre, aussi bien physique que social et intellectuel, à la culture. Le médiateur est un accompagnateur, un informateur. À quoi sert la médiation ? Ne serait-ce pas du bavardage inutile ? L’œuvre ne partet-elle pas déjà d’elle même ? Mais nous le savons, chacun arrive avec son passé et ses pensées. Tout œil est déjà averti. Mais deux yeux avertis en valent mieux qu’un ! Il est vrai que chacun peut avoir son interprétation. Nous avons déjà des images, des mots, des pensées qui nous aiguillent lors de l’observation d’une œuvre. Les œuvres ne sont pas que des images, elles sont aussi des mots, des histoires. Le médiateur est là pour transcrire les mots de l’auteur de cette image. Pour nous faire comprendre le message. La médiation culturelle est à mi-chemin entre l’éducation, la formation et le loisir, elle est ce que l’on appelle l’éducation informelle. La médiation culturelle n’a pas les contraintes de l’éducation. En effet, personne ne vous oblige à visiter un musée, il n’y a pas un programme à respecter, et tous les sujets sont bons à traiter, et vous

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n’aurez pas l’angoisse d’être contrôlé à la fin de votre visite. Cependant, la médiation nous apprend des choses, nous donne les clefs pour comprendre le message d’une œuvre. La médiation est une transmission des savoirs. Son action vise à réduire l’écart entre l’objet d’art ou de culture et son public. Il existe deux types de médiation : la médiation direct avec une présence physique. Lors de la visite une personne explique ce que vous voyez, vous sollicite lors de la déambulation, vous pouvez lui poser des questions. Puis il y a la médiation indirect. Grâce à ce genre de médiation vous trouverez les cartels, les fiches explicatives. La différence entre les deux est le rythme. Dans la première proposition c’est votre guide qui imposera le rythme et qui s’adaptera au groupe dans lequel vous êtes, il devra s’adapter à son public. La médiation indirect doit anticipé les réactions des spectateurs. Leur permettre de faire leur propre visite, en ayant les éléments nécessaire pour comprendre ceux qu’ils voient. La notion de médiation désigne donc un tiers faisant le lien entre deux pôles. La médiation met donc en présence trois éléments : l’objet, le public, et le tiers médiateur que ce soit une personne, un document, ou tout autre dispositif. La médiation est loin d’être neutre. Que ce soit une personne physique ou un dispositif numérique ou autre, la médiation n’est pas neutre. Par le ton, les mots, la forme choisis, la médiation se positionne par rapport à ce qu’il montre et par rapport à ceux qui sont en face de lui. « Dans les musées, la médiation intervient pour désigner « la mise en public » des idées ou des objets ».(1) Nous pouvons résumer la médiation muséale à toute forme d’action culturelles organisés dans le but de favoriser la découverte, de faciliter le travail de réappropriation pour le visiteur. La médiation culturelle c’est à la fois du savoir et de la présence.

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Il existe aujourd’hui une nouvelle manière de penser à la médiation, au rapport public/œuvre, public/médiateur. Les acteurs du musée ne se contentent plus d’offrir au public toute la palette des supports classiques imprimés ou multimédias qui traduisent plus ou moins efficacement les collections que les visiteurs découvrent. Ils tentent de rendre la médiation plus humaine, basé sur l’échange et le dialogue. De sorte à ce que le spectateur se sente concerné, qu’il fasse parti un peu de la médiation lui aussi.

( 1 ) Montpetit, 2011.

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La médiation numérique Le numérique est entré dans les musées depuis les années 80. Mais il est de plus en plus présent et de mieux en mieux pensé. Les dispositifs numériques interrogent les pratiques des usagers, des visiteurs des musées. Mais de quoi parle-t-on quand on parle de médiation numérique ? Quels dispositifs documentaires ou techniques sont mis à disposition ? Quels savoirs rencontre-t-on au musée grâce à ces dispositifs numériques de médiation ? Avec l’avènement du web 2.0, le travail de médiation documentaire ( ressources documentaires relative aux musées et à leurs collections ) devient collaboratif, favorise l’interaction, l’appropriation et la réutilisation des œuvres par le public. Numériser les collections est la première action entreprise par les musées. Petit à petit le numérique a pris un peu plus de place et d’ampleur. Une confusion s’opère entre médiation culturelle et communication. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui utilisés par les musées. Mais notons qu’ils sont utilisés plus pour la communication, pour promouvoir une exposition, pour faire parler du musée, aller chercher le public là où il est, et non expliquer ou exposer une œuvre. Un bon exemple de groupe actif est museomix. Leur slogan : « people make muséum ». Cette association veut rassembler différents corps de métiers. Les connaissances, représentations et souhaits du public sont au cœur de la réflexion.

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Ces dispositifs numériques sont des mises en scène du savoir historique ou archéologique à partir des publics et de leurs envies. Les musées n’offrent plus seulement du contenu mais une offre de contribution, de participation. Le spectateur n’est plus passif, il est actif, il devient acteur. Le visiteur a toujours été au centre des préoccupation des musées. Le médiateur ne va pas raconter la même chose, ni de la même manière selon le public qu’il accueille. On ne s’adresse pas de la même façon à un élève de CM2 qu’à un groupe d’adultes ou encore à des étudiants. Il faut aussi savoir s’adapter à la culture du public en face. Le médiateur doit faire attention à son groupe de visiteurs. Le musée doit devenir un lieu de vie. Avec le numérique et l’ascension des réseaux sociaux, le public tient une place première. Le cheminement vers le savoir est inversé, nous ne partons plus de l’objet mais du public. La médiation numérique permet un accès total à l’information et elle est, elle-même l’information. Le numérique permet de se rapprocher du public, de créer un dialogue.

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e u q i r ĂŠ e m c nu vi

r e s aues es d usĂŠ m

Le



Cette première partie nous a permis d’avoir des bases sur l’utilisation du numérique, sur le changement qu’apporte internet mais aussi sur la médiation et le rôle du médiateur. Dans cette partie intitulée « Le numérique au service des musées », nous décrirons un peu la chronologie et les changements majeurs que le numérique a amené au sein des musées. En effet, cet engouement pour le numérique dans la culture n’est pas aussi récente que nous pourrions le penser. Grâce à un corpus détaillé nous verrons que le numérique peut transformer une visite. Nous nous appuierons sur un article de Sébastien Magro, directeur de projet au musée du Quai Branly, ayant déjà mis en place plusieurs tactiques numériques. Nous pourrons voir que le numérique peut rendre les musées plus accessibles notamment pour les handicapés : mal-voyant, mal-entendant, handicap moteur. Nous verrons aussi que ces outils permettent un avant-après visite. Ils permettent de préparer la visite ou de l’annoncer ( stratégie de communication ), mais aussi de continuer l’événement. Et enfin nous étudierons l’utilisation des réseaux sociaux par les musées. Comment s’en servent-ils ? S’en servent-ils seulement pour communiquer sur les expositions ? 55


Nous montrerons par la suite que grâce au numérique les musées ont pour objectif de donner envie, d’aller chercher le public là où il est, et ne pas attendre qu’il se déplace.


Le numérique ? Depuis quand ? Cela fait maintenant un petit moment que les musées se sont emparés de l’outil numérique. Dès les années 80, les musées vont créer des bases de données pour archiver et classer leurs collections. Il s’agit tout d’abord d’une base de données dédiée à l’administration et à la gestion de la collection. La numérisation des œuvres commencent. Toutes les œuvres, leur auteur, leur date, leurs dimensions sont référencés dans une base de données. Au début, chaque musée à sa propre base de données, elle permet de gérer les collections au sein même de la structure. Ces bases de données informatisées ont permis de consulter les collections par de nouvelles entrées. Avant l’arrivée du numérique les conservateurs de musées décrivait leurs collections sur des cahiers, appelés cahier d’inventaire, chaque œuvre possédait un numéro et était ainsi référencée. Les bases de données informatisées proposent une multitude de champs, il n’existe pas de limites de colonnes, comme dans le cahier d’inventaire. Elles offrent aussi une autonomie et un gain de temps lors de recherches dans les ressources documentaires du musée. Grâce à l’informatisation la recherche par thème ou par auteur sera plus accessible. Plusieurs entrées sont donc possibles, et des tris croisés et par mots clefs permettent une recherche simple et efficace. Ces outils de référencement ont d’abord été prévus pour collaborer entre employés et ensuite entre les institutions ellesmême. Pour pouvoir collaborer entre institutions, il a fallu trouver un système de standardisation des données. Très vite, les institutions se sont rendu compte du potentiel de ces outils, elles ont ouvert leur bases de

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données au public. L’organisation des savoirs est centré sur l’utilisation de l’internaute plutôt que sur des systèmes pédagogiques ou culturelles. Les bases de données sont faites pour que l’utilisateur puisse trouver une œuvre facilement. Les ordinateurs sont à l’intérieur du musée, à disposition du public. Puis l’ordinateur est arrivé au sein du foyer familiale. Le public avait un accès informatique chez lui. Les musées conçoivent et commercialisent alors des CD-Roms, sans doute au même titre que les catalogues d’exposition. À l’issue de la visite, qui se termine généralement par la boutique, le public peut acheter le CD-Rom et poursuivre sa découverte chez lui. « Ces contenus sont sélectionnés, numérisés et mis en forme par le musée dans une logique éditoriale. »( 1 ) Ces outils multimédias offrent des extensions de contenus aux textes et objets déjà présentés dans les salles. Une sorte de complément à la visite. Ils créent aussi des liens, des rapprochements, difficiles, voir impossibles à faire en salle d’exposition. Nous l’avons vu, les musées, dès la numérisation des collections, pensaient déjà aux visiteurs. Le spectateur est toujours au centre de la médiation. Petit-à-petit chaque musée a son site internet. Ils permettent au visiteur de préparer sa visite, consulter les horaires d’ouverture, la localisation du musée, les collections, et ajoute donc un « avant-visite ». Et avec les CD-Roms, nous observons un « après-visite ». Le temps de la visite n’est donc plus le même. Il s’étend, se dilue. La visite continue chez soi. Le public a plus de temps. Le musée sort désormais de ses murs. Le spectateur a la possibilité d’accéder à ces contenus depuis n’importe quel endroit du monde et à n’importe quel moment de la journée, ou de la nuit. Ces outils étendent la relation entre le musée et son public. Il

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va le chercher là où il est, chez lui. Grâce à internet, les institutions peuvent toucher des publics qui ne sont pas ( encore ) visiteurs de musée physiques. Petit-à-petit, le numérique devient moins une inconnue pour les musées. Très vite, Internet leur permet d’en savoir plus sur leurs visiteurs. Une fois que nous connaissons les usages, les habitudes, les goûts des utilisateurs, nous pouvons personnaliser, adapter la visite. Depuis 1998, soit 19 ans, Yves-Armel Martin est directeur du centre Erasme. Il s’agit d’un centre de recherches qui réfléchit, expérimente et développe les usages du numérique de demain, pour l’éducation, la culture et les services à la personne. Depuis 2005 Erasme identifie des nouvelles possibilités qui peuvent s’offrir aux musées. L’équipe propose des projets et réalise les maquettes des dispositifs. En 2007, Erasme ouvre le Muséolab qui explore de nouvelles pistes afin de tester la place du numérique dans la muséographie sous forme de maquettes puis in-situ dans des équipements ou manifestations ouvertes au public. « Le numérique permet aux expositions de ne plus être des objets finis mais flexibles et en devenir, non pas simplement des contenus scénographiés mais un espace ouvert où l’on peut apprendre, s’émerveiller mais aussi se rencontrer, échanger, participer, vivre… »(2) Erasme est co-organisateur de Museomix. Museomix est une communauté de passionnés de culture, de technologie, d’innovation qui partagent une envie d’un musée ouvert, connecté et participatif. Museomix c’est un évènement international. Début novembre, plusieurs acteurs de la culture, comme des médiateurs, des artistes, des écrivains mais aussi des scientifiques, des bricoleurs, des graphistes,

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des développeurs, se retrouvent pour trois jours intenses, créatifs et festifs. Durant ce marathon, les participants partagent, échangent leurs idées, leurs savoirs-faire pour imaginer et construire ensemble, par équipes, des dispositifs de médiation innovants qui font vivre le musée autrement. Avec ces deux exemples que sont Erasme et Museomix, nous pouvons constater que les musées suivent les nouvelles technologies. Ces institutions veulent être plus ludiques, mais aussi sortir des murs, et surtout ne plus avoir l’image du lieu ancien et poussiéreux. Le musée c’est ludique, et nous pouvons y apprendre plein de choses ! Plusieurs musées expérimentent de nombreuses pistes numériques. Au travers de divers exemples, nous verrons que le numérique trouve sa place au sein des musées. Ces exemples seront classés selon cinq catégories : la communication, l’accompagnement, le complément, le jeu et l’accessibilité.

( 1 ) Musée et numérique, enjeux et mutation, Florence Andreacola, Revue Françaises des Sciences de l’information et de la communication, 2014. https://rfsic.revues. org/1056

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( 2 ) De Museolab à Museomix, Yves-Armel Martin, Christophe Monnet, novembre 2011, http://www. erasme.org/Du-Museolab-a-Museomix




Une nouvelle communication Les réseaux sociaux sont de plus en plus importants. Ils permettent une grande diffusion de l’information dans un éco-système virtuel.(1) Le web 2.0 apporte une nouvelle dimension, celle de chercher l’utilisateur chez lui, sur un terrain qui lui est familier, et surtout il permet un partage rapide avec ses amis et autre relation. Une viralité se crée, une sorte de bouche à oreille. C’est un peu le principe du web, le partage d’informations et l’incitation aux relations entre individus. Une nouvelle interaction est possible, surtout entre les usagers eux même mais aussi entre les visiteurs et le musée. L’information n’est plus unidirectionnelle ( d’un élément à un autre ) mais multidirectionnelle ( d’un ou plusieurs éléments vers d’autres éléments au pluriel ). Les réseaux sociaux permettent aussi l’immédiateté de la circulation de l’information, et donc d’instaurer un dialogue plus rapidement et plus vivant. Les musées sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux. L’objectif des musées est d’assurer une mission culturelle, de partager un patrimoine culturel avec le public. Au travers de trois exemples nous pourront étudier trois manières différentes d’utiliser les réseaux sociaux. Le premier cas sera le profil Facebook de Léon Vivien. Le musée de la grande guerre du pays de Meaux, offre la possibilité de vivre au jour le jour le quotidien d’un poilu lors de la guerre 14-18. Grâce à cette exemple, nous verrons comment les réseaux sociaux permettent de raconter une ancienne histoire grâce à des procédés contemporains. Le deuxième cas n’est pas très différent.

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À l’occasion du tricentenaire de la mort de Louis XIV, le château de Versailles a rendu un hommage à ce roi. L’équipe de communication a mis en place le hashtag #leroiestmort sur tweeter, les internautes pouvaient suivre en direct les dernières heures du roi. Enfin, le dernier type de médiation est celle du musée du Quai Branly à l’occasion de l’exposition Indiens des plaines. Sébastien Magro, chef de projet au musée a mis en place une communication transmedia en se servant des réseaux sociaux mais aussi de vidéos dans l’espace urbain. Facebook permet l’immédiateté de la diffusion d’une information. Le musée de la grande guerre du pays de Meaux en ont fait un bon usage en 2013. Ils ont créé un évènement nommé « Facebook 1914 »#1 . Et si Facebook avait existé en 1914 ? Qu’aurait bien pu raconter un poilu sur ce réseau social ? La profil de Léon Vivien a été créé. C’est un personnage fictif, il n’a jamais existé et sa photo de profil est une création artistique à partir d’images d’époque. D’autres personnages, notamment sa femme Madeleine Vivien, et ses amis du champs de bataille, comme Eugène Lignan, ou Lulu l’andouille, ont aussi été créés. Jour après jour, les internautes pouvaient suivre le quotidien de ce Léon, poilu de la guerre 14-18. Chaque jour, Léon postait cinq publications sur son quotidien à la guerre. Parfois sous le ton de l’humour comme le 14 avril 1915 à 17h30 où il explique que son sac est bien trop encombrer de babioles superflues. Mais aussi avec un ton plus dramatique, comme le 14 mai 1915 à 10h30 où il poste ceci : « Ce matin, j’ai trouvé sur mes pas les restes d’un obus encore chaud. J’ai contemplé son corps monstrueux, éventré dans toute sa longueur. L’explosion l’avait sculpté en tranchants barbelés, en dents de scie meurtrières. J’ai frémi en l’imaginant au contact de la

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chair. » Grâce aux autres personnages créés, l’équipe du musée a pu reconstituer des discussions entre compères de guerre et famille. Un moyen de rendre le personnage de Léon plus vivant, plus réel, lui donner un peu plus de consistance. Le profil de Léon Vivien débute le 28 juin 1914, le jour de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo, élément déclencheur de la première guerre mondiale. Léon ne rejoint pas directement l’armée, jugé trop chétif par les médecins. L’instituteur est donc réformé. Michel Rouger, directeur du musée, affirme qu’il était important d’avoir un point de vue de l’avant guerre. Cela à permis d’avoir une correspondance avec ses amis déjà parti au front. Léon est accepté dans l’armée, et rejoint le combat le 10 avril 1915. C’est à partir de cette date que « Facebook 1914 » passe en temps réel. Facebook permet d’instaurer une proximité entre le public et ce personnage, et par conséquent de mieux faire comprendre la vie dans les tranchées à cette époque. Ce réseau social permet de raconter l’histoire d’un point de vue humain. Les internautes étaient au rendez-vous. Beaucoup ont suivi de près le quotidien de Léon. Des liens forts se sont même tissés entre les utilisateurs et ce personnage. Le musée a pu remarquer des émotions très forte. « Des milliers d’entre vous ont applaudi la naissance de son fils et pleuré le jour de sa mort. La balle qui l’a tué, par un gris matin de mai, a prouvé qu’un projectile,à cent ans de distance, pouvait vous frapper vous aussi en plein cœur. »(2) Voici la conclusion, six mois après la fin de l’opération, que l’institution a pu faire de cette expérience. Bien sûr, il permet aussi de toucher un public plus jeune, notamment des classes étudiant la guerre de 14-18, mais aussi des curieux. Facebook permet d’aller chercher le public là où il est, chez lui.

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Un autre projet utilise les réseaux sociaux. Il s’agit du château de Versailles. En 2015, Versailles consacre une grande exposition à Louis XIV, lors du tricentenaire de sa mort. L’exposition s’applique à retracer les détails de la mort, de l’autopsie et des funérailles de Louis XIV, et à les replacer dans le contexte cérémoniel de celles des souverains européens de la Renaissance au siècle des Lumières. Cette exposition réunit des œuvres d’art et des documents historiques issus des plus grandes collections françaises et internationales. Pour annoncer cette exposition, le château de Versailles s’est servi de Twitter. Le compte du château publie en direct, avec le hashtag #leroiestmort #2 , les dernières heures du Roi. À partir du 10 août 2015, les internautes peuvent suivre en direct, la longue agonie de Louis XIV, des premiers signes de la maladie à son dernier soupir. Accompagné de tableaux et de dessins d’époques, la narration de ces derniers jours est construite à partir de témoignages historiques, notamment du marquis de Dangeau et des garçons de chambre du roi, les frères Anthoine. « Les garçons de chambre ont fermé les yeux du roi et viennent de changer sa chemise », « Le corps de Louis XIV est exposé dans son lit. La cour se presse dans sa chambre », sont deux exemples de tweets postés. Tweeter n’a pas le même fonctionnement que Facebook. Les messages sont limités par le nombre de caractères. Les messages doivent donc être courts et bien synthétisés. Les messages sont transmis d’une manière plus informative. Bien sûr comme sur Facebook, ces statuts peuvent être partagés et créer une viralité. Accompagnant ce projet, un site internet a été créé, intitulé Le petit journal du grand roi. Ce site est conçu comme un site d’information. Des articles sur le roi, sur son enfance, son entourage mais aussi sur le château et l’exposition en euxmême. Le site est peut-être un peu décevant, car il nous

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remet dans la contemporanéité de notre époque, et non plus dans celle du roi Louis XIV. Le musée du quai Branly se saisit lui aussi du web et notamment des réseaux sociaux. C’est un musée très actif sur tweeter et Facebook. Ce musée possède cinq pages Facebook. Nous pouvons noter la page des before. Le musée organise quatre fois par an des soirées pour explorer les arts associés à l’une des expositions en cours. La page Facebook du before rend compte de ces événements, avec des vidéos, des photos, retraçant la soirée. Sur les autres pages, l’équipe de Sébastie Magro, animent ces réseaux en publiant quotidiennement des photos, des informations, des documents, en lien avec les expositions en cours, ou en lien avec le musée plus généralement. Du musée du quai Branly nous retiendrons la médiation faite autour de l’exposition Indiens des plaines, en 2014. Pendant une semaine, un personnage, répondant au nom de Wacochachi,#3 se met à twitter sur les bisons, les indiens des plaines et l’arrivée de l’homme blanc qui conduit au massacre de son peuple grâce au hashtag #lesbisons. Fin mars le public peut voir dans différents lieux de Paris des projections vidéos de bisons qui courent dans les plaines. Au fur et à mesure, les spectateurs comprennent qu’il s’agit d’un évènement autour des indiens d’Amérique. Mais ce n’est qu’au lancement de l’exposition que le public commence à comprendre ce qu’il se cache sous ce personnage de Wacochachi. Il s’agit effectivement du musée du quai Branly qui s’essayait à sa première expérience transmedia. Le transmedia est « un processus par lequel les éléments d’une fiction sont dispersées sur diverses plateformes médiatiques dans le but de créer une expérience de divertissement coordonnée et unifiée ».(3) Le transmedia sert donc à développer un

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sujet à travers différents supports, afin de créer plusieurs entrées dans le sujet. Grâce à différents supports et surtout différents contenus, l’histoire peut être racontée par diverses voix. Il ne faut pas confondre transmedia et cross-media. Le cross-media n’est qu’une déclinaison de la même histoire sur différents supports, les goodies ( porte-clef, affiches... ) en font partis. Sébastien Magro, directeur de projet au musée du quai Branly, a choisi de créer un projet transmedia, afin de toucher plus de personnes et notamment la tranche d ‘âge des 15-35 ans. « Ce moyen permet de mettre le contenu au service d’une ou de plusieurs histoires et ce de façon différenciée. Les musées, en tant que lieux de conservation et d’exposition, regorgent de contenus à ne plus savoir qu’en faire. Le transmedia leur permet donc d’associer habilement la promotion autour d’une exposition tout en diffusant des contenus éducatifs pouvant toucher un public qui n’a pas ou peu l’habitude de se rendre au musée. »(4) En plus de ces deux supports, le musée a organisé un jeu en réalité alternée ( ARG, alternate reality game, en anglais ). Ce jeu s’est déroulé pendant un peu plus d’une semaine, il consistait en 6 énigmes portées par le personnage, publiée tous les deux jours. Il s’agissait d’une chasse au trésor, les gagnants recevaient donc des prix, comme un week-end dans une ferme de bisons, un pass de membre du musée pour un an ou encore des catalogues de l’exposition. Le musée a pu constater que son nombre d’abonnés sur le compte de Wacochachi avait doublé. Ce compte étant une vitrine pour l’exposition Indiens des plaines, il a sûrement eu une répercussion sur le nombre de visiteurs du musée. Sébastien Magro a réussi de faire un projet de communication interactif et transmedia. Le public est interpellé chez lui mais aussi dans la rue avec ces projections sur grand écran.

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À travers c’est trois exemples, nous pouvons constater que les musées se sont déjà emparé des réseaux sociaux. Effectivement, ces réseaux permettent le partage, la diffusion rapide d’information et, de ce fait, promouvoir le musée grâce au bouche à oreille numérique. Ici le numérique permet une communication rapide. Mais peuvent-ils se les approprier d’une autre manière, et pas forcément pour promouvoir une exposition ? Avec le projet des indiens des plaines du musée du quai Branly et le roi est mort au château de Versailles, nous pouvons conclure que ces projets, vise à communiquer et à donner envie au public de venir voir les expositions. Le projet Léon Vivien est un peu différent. Il a pour but de mieux faire comprendre le quotidien des tranchées. Bien sûr, il fait connaître le musée de la grande guerre de Meaux, mais c’est une information secondaire. Beaucoup de musées utilisent les réseaux sociaux au quotidien, les équipes de communication postent régulièrement des photos du musée, ou de préparatif d’événements. Cette stratégie permet d’entrer dans le quotidien du visiteur. D’aller le chercher là où il se trouve, avec un support qu’il connaît bien, d’être présent quotidiennement et ne pas se faire oublier. Ces réseaux permettent aussi le dialogue entre les utilisateurs eux-même mais aussi entre les internautes et les institutions. Les musées peuvent connaître les ressentis, les demandes des visiteurs. Quand on connaît mieux son public, il est plus facile de s’adapter, ou du moins de proposer des contenus, ou des manières de montrer ces contenus plus adaptées au public. Nous pourrons noter que le numérique permet au musée de sortir de leurs murs. Sortir des manières traditionnelles de communiquer, de transmettre des savoirs.

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( 1 ) Éco-système virtuel, propos de Sébastien Magro recuielli par blabla pour nlunlu

( 4 ) Sébastien Magro, interviewé par Aude Mathey pour le site culturecom, le 28 / 04 / 2014. http:// culture-communication. fr/fr/les-bisons-premiere-transmediamuse-quai-branly/

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( 2 ) Propos de l’équipe du musée de la grande guerre de Meaux, posté sur Facebook pour remercier le public de son investissement dans le projet Léon Vivien. ( 3 ) Première définition du transmedia par Henry Jenkins, professeur au MIT, en 2002.




Jeu d’influence 6 mai 2014 Musée de la grande guerre de Meaux https://www.facebook.com/ leon1914/?fref=ts



Le roi est mort 2015 château de Versailles http://leroiestmort.com/



#LesBisons avril 2014 SĂŠbastien Magro Quai Branly https://twitter.com/Wacochachi



Un autre accompagnement En introduction, nous avons vu une chronologie du numérique au sein des musées. Aujourd’hui presque chaque musée possède un site internet. Ils s’en servent pour diffuser des informations pratiques, tels que les horaires, la localisation, les moyens d’accès, etc. Mais aussi pour communiquer sur les actualités du musée, les expositions en cours, les événements futurs. Et certains musées se servent de leur site pour permettre un « avant » et un « après » visite. L’avant visite, permet de préparer sa visite, comprendre où se situe les œuvres que nous voulons voir. Le après-visite, permet de continuer la visite, de retrouver des informations. Nous le verrons avec la cité des sciences, le site permet de vivre une exposition plus personnalisée, de retrouver nos créations et certaines informations que nous avons sélectionnées, pour les revoir chez soi. Le musée du Louvre#1 possède un site internet, permettant de connaître les collections avant d’y aller. Le musée du Louvre présente des œuvres occidentales du Moyen-Âge à 1848, des civilisations antiques qui l’on précédé et des arts de l’islam. Les collections sont réparties en huit catégories : peinture; antiquités égyptiennes; antiquités grecques, étrusque et romaine; antiquités orientales; sculptures; objets d’art; arts de l’islam et arts graphiques. La page d’accueil du site présente un menu en haut de la page, constitué de quatre catégories. Deux catégories nous intéresserons : Visites & activités, ainsi que Œuvres & palais. Sur cette page d’accueil nous pouvons trouver les actualités du musée.

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Dans la partie Visites & activités, l’onglet « parcours à imprimer » est l’un des plus intéressant. Le Louvre propose des parcours qui invitent à découvrir le musée et ses collections à travers une sélection d’œuvres caractéristiques d’une période, d’un courant artistique ou d’un thème. Ces parcours sont à consulter en ligne ou à imprimer. Le site propose plusieurs entrées. Dès la première page de cet onglet « parcours à imprimer », on vous propose les 45 parcours qui ont été imaginés. Un outil de recherche permet de trier les parcours et de ne pas les regarder tous un par un pour choisir celui qui vous intéresse. Grâce à l’outil de recherche, l’internaute peut trier les parcours selon le thème, la durée de la visite, le jour de la visite et selon le public concerné. Les thèmes des parcours sont éclectiques. Le spectateur peut profiter du parcours « La peinture à l’époque de la Renaissance italienne » mais aussi un parcours « Da Vinci Code ». Une fois le parcours choisi, l’utilisateur a accès à la durée, aux jours de visite possible, et enfin aux différentes étapes composant le parcours. Chaque étape correspond à une œuvre, avec un accès à la description et la photo de l’ouvrage. L’internaute peut donc consulter en ligne le parcours et se noter les étapes ou bien les imprimer et avoir ses fiches en main lors de la visite. Enfin une troisième entrée est possible. Le site du Louvre propose un plan interactif pour pouvoir se balader dans le musée depuis son canapé, et ainsi tracer son propre parcours. Le plan est découpé en fonction des étages. Grâce à un code couleur et une légende sur les œuvres présentes indiquant précisément leur emplacement, l’utilisateur pourra choisir de voir tel étage ou telle aile du musée. L’onglet Œuvres & palais permet d’accéder à la collection du Louvre. Encore une fois plusieurs entrées sont possibles. Une première consiste à regarder les œuvres par

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département, nous retrouvons les huit catégories citées plus haut. Quand l’utilisateur choisi un département il peut lire l’histoire de la collection, mais aussi le classement de ces œuvres associé à l’un des dix conservateurs au musée, et enfin à une sélection d’ouvrages. Si nous ne voulons pas chercher par département, que nous avons une idée précise de l’œuvre que nous voulons voir, un outil de recherche très simple est accessible, il suffit d’entrer des mots-clef et l’outil nous renvoie vers les œuvres demandées. Enfin une dernière entrée possible est de se fier au choix de l’équipe du Louvre. Avec l’onglet « Les incontournables » le visiteur pourra aller au musée sans passer à côté de ces chefs-d’œuvre que possède le Louvre. 29 sélections autour de différents thèmes ont été créées. Par exemple, l’internaute choisi le thème « les grands événements », il a accès à 25 œuvres sélectionnées par les conservateurs, et peut donc créer son parcours en fonction de ce thème. Grâce à des procédés simples et efficaces, le site du Louvre permet aux internautes de personnaliser leur visite, de la préparer. Le Louvre est un musée plutôt grand, un seul jour ne suffit pas pour le visiter dans ses moindres recoins. Chaque visite est différentes selon le public. Les envies ne sont pas les mêmes. Le site permet donc de personnaliser la visite mais aussi de s’organiser, de privilégier certain thèmes, certains tableaux ou sculptures. Le site permet donc un « avant-visite ». Mais aussi de sortir des murs, et d’être donc accessible à toute personne loin du musée ou ne pouvant pas se déplacer.

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Pour la Cités des sciences et de l’industrie de Paris,#2 nous retiendrons son site pour le « après-visite ». La cité des sciences et de l’industrie est un établissement spécialisé dans la diffusion de la culture scientifique et technique. Elle a pour mission de diffuser à un large public, notamment aux enfants et aux adolescents, les connaissances scientifiques et techniques liées à la science, à la recherche et à l’industrie. Les expositions de la cité des sciences et de l’industrie essaient d’être ludiques car elles s’adressent à un jeune public. Ce que j’appelle « l’après-visite » est quand le visiteur peut revivre son expérience, revoir des informations qu’il a peut-être manqué lors de sa visite. La cité des sciences et de l’industrie pousse plus loin ce concept. Lors de l’exposition temporaire « autour du jeu-vidéo » en 2013/2014 le médiateur distribuer des petites cartes avec les billets d’entrée aux visiteurs. L’exposition offrait tout l’univers des jeux vidéos. Sur 1000 m2, l’exposition donne à voir à tous, petits et grands, débutants ou joueurs confirmés, d’en découvrir toute la richesse : du maniement des interfaces jusqu’aux dernières nouveautés sur tablette. Le visiteur est immergé dans un espace ludique où il peut tester tous les jeux en apprenant au passage comment ils sont conçus. Le visiteur pouvait aussi créer son avatar. L’exposition est conçue pour intéresser autant le joueur patenté, que le joueur occasionnel et le joueur expérimenté. L’exposition s’amuse aussi à décrypter les processus de conception et donne à voir les côtés techniques. Lors de la visite, le spectateur s’arrête pour jouer, pour construire son propre jeu ou encore, créer son avatar. Avant chaque expérience, le joueur place la carte que le médiateur lui a donné devant un scanner. Tout ce qu’il fera dans le jeu sera enregistré sur cette carte. Une fois chez lui, le visiteur pourra retrouver ses créations ou ses scores sur le site

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de la cité des sciences et de l’industrie, en entrant tout simplement le code inscrit sur la carte. Le joueur peut revivre son expérience ou du moins avoir une trace de son passage dans l’exposition. Le numérique permet donc un avant mais aussi un après visite. Le musée sort de ses murs, et s’invite chez le spectateur. Le numérique permet d’instaurer des nouveaux temps en plus de la visite. Le visiteur choisit. Il choisit son temps de visite, son parcours, les œuvres qu’il veut voir. Puis il partage, commente, discute, revoit. Le « avant / après » visite permet de s’organiser, de « contrôler » le temps que l’on va passer dans le musée, et permet de prolonger l’expérience, de la faire durer. Le temps de visite se dilue, et surtout se partage. Les visiteurs comparent leur déambulation, les émotions, débattent sur certains sujets. Grâce à cette fonction, le spectateur a plus de choix, et les musées peuvent avoir un retour sur les expériences des utilisateurs, grâce au « après » visite, lorsque le visiteur commente, partage des photographies qu’il a pris lors de sa déambulation dans le musée.

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Avant-visite du Louvre Le Louvre http://www.louvre.fr/parcours



Cité des sciences et de l’industrie de Paris Exposition Jeux Vidéos http://www.cite-sciences.fr/fr/accueil/



Des compléments d’informations Nous avons pu voir que le numérique permettait à travers des sites internet notamment, d’établir un avant et un après visite. Mais le numérique peut accompagner pendant la visite. En effet, nous retrouvons des tablettes, des pupitres ou tout autres écrans interactifs qui permettent de complémenter la visite au sein des musées. De rajouter des informations, d’expliquer, grâce à d’autres médium que le son produit par des audioguide ou même par les médiateurs eux-même. Nous verrons que grâce à un mur interactif, le New York’s hall of sciences apprend aux petits à respecter la nature. Nous nous pencherons aussi sur l’atelier du peintre, site et application mis en place par le musée d’Orsay pour mettre en valeur la restauration du tableau de Gustave Courbet. Le New York’s hall of sciences, fondé en 1964, propose des expositions dans les domaines scientifique et technologique. Pour l’exposition « Connected worlds »#1 le musée a installé un écran géant interactif. Un dispositif pour les petits et les grands. Présenté dans son grand hall, le dispositif se déploie en six écosystèmes ( jungle, désert, marécage, vallée, lac et plaine ) projetés sur des écrans géants articulés autour d’une cascade monumentale. Le public est immergé dans un monde fantastique avec des végétaux et des animaux. En effet le public se tient dans une pièce circulaire, et est entouré d’écrans. Les gestes des visiteurs interagissant avec l’environnement proposé entraînent des conséquences à court et à moyen terme sur l’écosystème, et ce, afin de sensibiliser sur le rôle de chacun sur l’environnement. Chacun des

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six environnements proposés possèdent ses propres plantes, ses propres arbres, ses propres animaux mais partagent la même source d’eau. Les visiteurs voient donc la répercussion de leurs gestes et comportements sur l’ensemble des écosystèmes. Ici le numérique a un rôle didactique et pédagogique. Les visiteurs donnent à manger aux animaux, coupent des plantes, et agissent sur tout l’environnement. En s’amusant, les enfants apprennent que tout gestes à une importance, une conséquence. Ils travaillent aussi sur la nature, la responsabilité que chacun a, face à ces grands écosystèmes. Le musée d’Orsay a mis en place une application et un site internet lors de la restauration du tableau L’atelier du peintre#2 de Gustave Courbet en 2014. Le grand public ne connaît pas forcément le travail des restaurateurs d’art. Le musée décide donc de donner accès à cet art de la restauration. À l’intérieur du musée les visiteurs pouvaient observer les restaurateurs en train de travailler, entourés par une cage en verre pour ne pas être dérangés par le public. L’atelier du peintre date de 1855, il a été refusé à l’exposition universelle. Cependant il suscite maintenant beaucoup d’intérêt, il partage une grande histoire, montre des hommes connus. Pour expliquer cette histoire ainsi que les pratiques de la restauration, le musée d’Orsay va se servir du numérique intelligemment. Grâce à des tablettes il est possible de connaître les secrets de la restauration mais aussi les secrets du tableau. Les personnages prennent vie, ils parlent et racontent leur époque, ainsi que les liens et les sentiments qu’ils ont avec le peintre qui est au centre du tableau. Pour faire parler un personnage du tableau, le visiteur n’avait qu’à tendre la tablette en direction du tableau. Grâce à la caméra, la tablette repérait un personnage et le faisait parler. Bien

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sûr pour ce projet, le son est très important. En plus de la parole des personnages, une ambiance sonore est créée. Le musée a rendu accessible cette application depuis chez soi, pas besoin d’être devant l’œuvre pour accéder à ces explications. Grâce au site entrezdanslatelier.fr l’internaute peut faire parler le personnage en cliquant tout simplement dessus. L’utilisateur a accès au date de naissance et de mort du personnage, ainsi qu’à son métier et son rôle dans la société. Le personnage se met à parler, raconte ce qu’il ressent ou ce qu’il pense du beau monde présent dans ce tableau. Une catégorie « Aller plus loin dans l’atelier » est disponible sur les deux versions. Elle permet d’explorer l’époque et la personne de Gustave Courbet,. On y trouve des éclaircissements historiques, des documents d’époque, des informations sur le peintre ou encore une chronique des péripéties vécues par ce très grand tableau depuis sa réalisation. De plus, des informations sur la restauration sont délivrées grâce à des petits jeux, proposant de reproduire les gestes des restaurateurs d’art. À la fin de chaque prise de parole d’un personnage, il est proposé à l’internaute de découvrir un secret du tableau. C’est comme ça que le spectateur se retrouve face à puzzle où il doit reconstituer le tableau en faisant glisser les sept morceaux au bon endroit. Le public apprend que ce grand tableau est composé de sept morceaux de tissus cousus ensemble. Une fois le jeu résolu, le spectateur débloque d’autre informations sur la création du tableau, donné par la voix d’une femme. Le numérique apporte des compléments d’information qui permettent au public de visiter autrement. Au musée de la Tour de David à Jérusalem,#3 les vieilles pierres entrent dans l’ère du numérique. Cette forteresse médiévale chargée d’histoire mérite l’attention du visiteur. Pour

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accroître le nombre de visiteurs et toucher les jeunes, le musée s’est rangé du côté de la technologie. Le site est dans la vieille ville de Jérusalem, tout près de la Porte de Jaffa. L’équipe du musée a déjà mis en place un spectacle son et lumière ainsi que des spectacles culturels organisés dans l’enceinte des murailles. Aujourd’hui le musée développe son côté numérique. Au sommet de la tour de Phasaël du palais d’Hérode, le visiteur peut contempler un panorama sur la vieille ville et au-delà. Avec sa tablette il a désormais accès à des explications en hébreu ou en anglais sur la centaine de sites visibles depuis cet endroit. L’utilisateur n’a qu’à orienter la tablette vers un point et cliquer pour avoir une information. Le visiteur peut toucher l’un après l’autre les multiples « pin’s » de sites historiques qui apparaissent avec une grande précision au cours de la promenade et obtenir les explications correspondantes. L’autre option numérique disponible au musée est la location d’un Ipad équipé d’un jeu d’aventures familial qui existe actuellement en hébreu et qui sortira en anglais. D’une durée d’une heure et demie, il consiste à aider, dans un temps imparti, un archéologue à retrouver sa fille, disparue dans l’un des nombreux recoins de la citadelle. Destiné aux enfants de 7 à 12 ans accompagnés de leurs parents, il comprend un film, un dessin animé, des puzzles et des questions posées. Ce jeu aide les enfants à s’impliquer dans la visite. Le musée propose d’autres applications dans le cadre de son passage au numérique. Le public peut scanner sur son smartphone les codes liés à une chasse au trésor, ainsi que des écrans extérieurs en 3D qui recréent le palais et les piscines tels qu’ils étaient du temps d’Hérode, il y a 200 ans.

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Ces trois exemples sont des expériences à vivre sur place, dans les musées ( mis à part le musée d’Orsay qui propose une version ordinateur ). Ces réalisations ne remplacent pas les médiateurs, elles proposent seulement un complément, une autre façon de visiter les musées. C’est une autre façon de raconter une histoire, l’Histoire avec un grand H. Nous pouvons constater que les pupitres numériques au sein des musées est une solution de moins en moins pratiquée. Peut-être parce qu’il faut adapter la scénographie en fonction de ces outils. Les applications sont privilégiées. Le visiteur doit donc être propriétaires d’une tablette ou d’un smartphone avec un forfait internet. C’est une solution plus facile à mettre en place. Beaucoup de musée ont d’ailleurs une application ne serait-ce que pour communiquer sur les horaires, les expositions temporaires. D’autres apporte un petit complément. Par exemple le musée Soulages de Rodez propose une application donnant accès à un parcours adulte en français et en anglais, ainsi qu’un parcours enfant. De plus des contenus supplémentaires et complémentaires sont mis à disposition pour approfondir ses connaissances : une interview de Pierre Soulages, des commentaires sur son œuvre, sa vie, les techniques de création utilisées ou encore les différentes périodes créatives de l’artiste. Au delà de l’accompagnement du visiteur dans l’enceinte du musée, l’application permet de découvrir les richesses et le patrimoine de Rodez. Les applications, les sites internet, permettent de donner la parole à l’artiste et change le temps de la visite.

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New York’s Hall of Sciences New York http://nysci.org/



L’atelier du peintre 2014 Musée d’Orsay http://entrezdanslatelier.fr



Tour de David Einat Sharon JĂŠrusalem https://www.tod.org.il/en/todigital/



Apprendre par le jeu Une autre manière d’aborder le musée est par le jeu. Nous avons pu l’évoquer grâce à l’exemple du musée de la Tour de David à Jérusalem, et du New York’s Hall of science. Des musées organisent des événements, autour du jeu pour faire découvrir leur lieu différemment. Le temps d’une nuit, lors de la nuit des musées en France, ou encore lors d’une soirée au MET à New York, ou lors d’une période plus longue au centre Pompidou pour en apprendre plus sur le transmedia. En effet, le centre Pompidou s’est frotté à l’exercice de l’ARG ( Alternate Reality Game ) ou jeu à réalité augmenté. À l’occasion de la venue d’Henry Jenkins ( théoricien sur le transmedia storytelling ) en 2012, pour une conférence, le centre Pompidou a mis en place son premier ARG basé sur une logique transmédiatique. Éduque le troll#1 est un jeu mettant en scène un troll féminin qui est très sceptique en ce qui concerne le transmedia storytelling. Il s’agit donc de lui apprendre la logique du transmedia et lui montrer que tout ça existe bel et bien. Pour ce jeu le centre Pompidou a développé un partenariat avec France Culture. Il fallait écouter les émissions de Xavier de la Porte, Place de la toile, pour avoir quelques indices pour résoudre les énigmes du jeu. La première étape était de flasher un QR code aux alentours du Grand Rex et de suivre les instructions qui apparaissaient sur l’écran. Ces instructions renvoient à l’univers du storytelling mis en place : avec la volonté d’éduquer un troll qui lors de la conférence s’est montré particulièrement « transmedia sceptique ». Un Tumblr a été mis en place afin de mieux connaître Miss

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TrollMédia. Pour aller d’une étape à l’autre, c’est toujours Miss TrollMédia qui a la clef, un subterfuge qui permettait de garantir une progressions aux joueurs sous contrôle mais par n’importe quelle étape qui constitue toujours un rabbit hole.(1) Agée de 250 ans, Miss TrollMédia a tout vu, tout lu et surtout a très bien connu les médias qui ont précédé Internet, ce qui la rend totalement légitime dans sa critique virulente du transmedia. Partir sur un personnage avec une forte identité graphique et sémantique a notamment permis à l’équipe du musée de lui créer une biographie sur Facebook. Cette biographie inscrit la vie de cette troll dans une sorte de trajectoire parallèle à l’histoire des médias modernes et postmodernes. Raconter une histoire telle une mise en abîme a permis d’accentuer la personnalité de Miss TrollMédia et de faire entrer le joueur dans son univers particulier, où chaque élément renvoie à un autre, le tout dans une perspective pédagogique. Ici le personnage sert d’interface. Ce personnage est accessible par plusieurs moyens de communication, tels que les réseaux sociaux, le téléphone et la poste. En effet, la récolte des morceaux de l’adresse postale de la Troll permet d’envoyer un courrier postal contenant une preuve irréfutable qu’en suivant des étapes symbolisant la communication entre les médias on parvient à un résultat impossible à atteindre autrement. Ce jeu constitue un premier essai pour le centre Pompidou. Il n’était peut-être pas assez complexe. Mais ce jeu a permis de découvrir le transmedia, et le rôle du numérique. Le centre Pompidou considère maintenant le numérique comme partie intégrante de la médiation, et non plus comme une activité à part.

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En mai 2011 pour la septième édition de la Nuit européenne des musées, le jeu cherche Tom dans la nuit#2a été lancé, un jeu d’énigmes. Les joueurs devaient résoudre les énigmes en se rendant sur des pages de site internet de musée, sur des sites annexes ( Google maps, le site de la nuit des musées ) ou des énigmes un peu plus « geek » ( modification d’URL, ou dans le code source ). Quelques joueurs ont cependant trouvé les énigmes trop simples ou au contraire trop compliquées. Les énigmes geeks notamment ont été appréciées mais ont aussi posées des difficultés à certains joueurs. Cependant cela a créé l’occasion aux joueurs de partager leurs expériences, leurs conseils sur le forum dédié au jeu. Le jeu s’est développé autour d’un scénario simple lié au voyage dans le temps. La mission des joueurs : ramener Tom dans le présent. Chaque énigme permettait de mettre en lumière un objet présent dans les collections des musées partenaires. Le jeu a commencé trois semaines avant la Nuit des musées, une sorte de teasing. Mais les internautes pouvaient s’inscrire bien après, et rattrapper son retard facilement. Le soir du 14 mai, la dernière énigme a emmené les joueurs au musée. 88 musées dispersés à travers la France ont pris part à l’opération et caché un indice parmi leur collection. Même si peu de joueurs se sont rendus dans les musées participants ( souvent parce qu’aucun musée proche de chez eux participer ou pour raison professionnelle ), la majorité des joueurs ont fait part de leur envie de s’y rendre. Une 12e énigme bis a été élaborée afin de répondre aux sollicitations des joueurs qui n’ont pas pu se rendre au musée. Le retour du jeu, montre que la majorité des joueurs sont jeunes ( moins de 35 ans ).

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Le Metropolitan museum of Art a organisé un jeu sur smartphone. Madame X un tableau du MET#3 est au cœur d’une enquête criminelle en 2012. Il s’agit d’un jeu de piste mobile pour découvrir les collections du musée. Virginie Gautreau, connue sous le nom de Madame X, a été retrouvée morte dans une aile du musée. Qui en est responsable et comment ? Madame X est ainsi le départ de ce serious game qui amène les visiteurs à jouer dans les différentes ailes du MET. Indices, suspects et éventuels mobiles : l’ensemble du jeu est basé sur les œuvres exposées dans le musée. Le joueur doit découvrir qui a tué Madame X, avec quelle arme et dans quelle pièce du musée. Un Cluedo en grandeur nature. Pour le lancement de l’application le musée a organisé une soirée spéciale pour son jeune public. L’application Murder at the MET contient une carte interactive qui permet au visiteur de s’orienter mais également de prendre des notes. Le MET n’en est pas à son premier essai, en 2011, un serious game sur une œuvre de Léonard de Vinci avait trouvé un vrai succès. Ce jeu permet aux spectateurs de visiter le musée autrement, à travers un parcours ludique. Les musées se servent du numérique pour rendre les expositions plus accessibles. Pour intéresser le jeune public et mieux s’adresser aux enfants. La visite est plus ludique. Les outils numériques sont didactiques et pédagogiques. Ils permettent une autre approche plus facile, de la collection, des expositions. Certains sujets un peu compliqués deviennent accessibles à tout public. Les enfants s’amusent, au musée, les grands enfants aussi. On apprend grâce au jeu. Internet permet l’échange, et favorise l’entre-aide dans ce genre de démarche. En général les jeux sont accompagnés d’un forum, où les internautes peuvent communiquer leurs problèmes, s’ils n’arrivent à résoudre une énigme par exemple, s’ils sont

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bloqués à un niveau, ils peuvent demander de l’aide aux autres joueurs. Le visiteur n’est plus seulement spectateur, il est joueur et totalement actif lors de sa visite.

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Miss Troll MĂŠdia Mai 2012 Georges Pompidou http://www.therabbithole.fr/culture-etmusees/le-centre-pompidou-lance-sonpremiere-arg



Cherches Tom dans la nuit 2011 La nuit au musĂŠe https://vimeo.com/24292087



Murder at the MET 2012 Metropolitan Museum, New York https://metmystery.oncell.com/pages/


L’accessibilité Le numérique aide les musées sous un autre aspect. En effet, les musées se doivent d’être accessible à tout les publics. C’est pourquoi des institutions et même des entreprises se sont penchées sur le sujet. Nous verrons quatre exemples permettant aux malvoyants, malentendants, handicapés moteur de visiter les musées comme tout autre personne peut le faire. Unseen art,#1 une entreprise finlandaise, a voulu donner des yeux aux malvoyants. En 2015, l’entreprise se lance dans la modélisation 3D d’œuvres d’art. Un projet financé par le crowdfunding(1). Pour l’instant ils n’ont réalisé que le tableau de la Joconde mais espèrent que des artistes contribueront à la réalisation de ce projet de grande envergure. Useen Art se sert de l’impression 3D pour reproduire les œuvres les plus connues. Ces tableaux permettraient aux non-voyant d’enfin connaître les œuvres de grands maîtres par le toucher et d’apprécier l’art à leur manière. Les initiateurs du projet Unseen Art font le pari de la démocratisation de l’impression en 3D, et imaginent que ces œuvres en relief pourraient rapidement être imprimées à domicile. Dans cette perspective, l’équipe d’Unseen Art prépare la création d’une plateforme interactive permettant à des particuliers de contribuer et de télécharger des œuvres gratuitement. Marc Dillon, l’initiateur du projet le voit comme un programme open source, par lequel divers artistes et autres créateurs pourraient modéliser des peintures en 3D. Les nonvoyants pourront toucher et ressentir les œuvres dans des expositions mais aussi chez soi. Dans ce cas là, le

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numérique est un outil. Ce n’est pas le but en soi. D’autant plus que l’équipe d’Unseen art aurait pu arriver au même résultat avec des moulages. Cependant l’impression 3D permet d’aller un peu plus vite, et surtout d’être plus accessible. Non pas, que tout le monde possède une imprimante 3D chez soi. Mais les modèles sont en open source, donc accessible. C’est une bonne initiative. À Toulouse, le musée des Augustin#2 a innové avec une application pour les mal-entendants. Elle remplace l’audioguide, inaccessible pour les sourds. Le musée a mis en place cette application mobile en 2013. Elle propose une section en langue des signes qui permet aux visiteurs sourds et mal-entendants de découvrir 21 chefs-d’œuvre majeurs commentés en langue des signes. Depuis 2 ans le musée a ainsi accueilli des visites tactiles ou en langage des signes, ainsi que des ateliers avec une historienne de l’art et une plasticienne sourde. Cette application est prévue pour être utilisée in situ, durant la visite mais également avant ou après la venue au musée, en prolongement ou bien pour découvrir les œuvres à distance. L’application ne s’adresse pas seulement aux publics empêchés. Elle propose également un plan interactif pour localiser les œuvres au sein du bâtiment. Les visiteurs utilisent donc leur téléphone portable durant la visite pour avoir plus d’explications. Les visiteurs mal-entendants peuvent maintenant profiter de visites guidées par une jeune femme filmée qui rempli son rôle de médiatrice en langage des signes. En Italie c’est le musée égyptien de Turin #3 qui propose un nouvel équipement aux mal-entendants. L’institution s’est procuré un dispositif GoogleGlass4lis, un guide visuel en language des signes en novembre 2013. Les visiteurs

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sourds et mal-entendants peuvent accéder à différentes informations, un acteur utilisant la langue des signe italienne est projeté sur l’écran vidéo intégré dans les lunettes fournissant ainsi des informations historiques et des explications tout au long de la visite. Le projet a été développé autour de la statue Ramsès II, une des pièces maîtresses de la collection. Le musée a pour objectif d’étendre le projet sur toute les pièces du musée. L’équipe du musée considère que les lunettes de Google sont l’outil le plus pratique. Elles permettent de regarder l’œuvre tout en regardant l’explication. En plus de servir de guide, les lunettes permettent, grâce à une commande vocale, de contrôler la diffusion des commentaires, de prendre une photo, d’enregistrer une vidéo et de partager avis et contenus sur les réseaux sociaux. C’est donc un outil complet, qui permet en plus de communiquer, de partager. Les mal-entendants ne peuvent pas participer aux visites guidées. Mais grâce à ces progrès technologiques que sont les lunettes Google, ou les applications mobiles, l’accès des musées est maintenant simplifié pour tous. Elles ouvrent un grand champs de possibilité. Notamment pour les personnes handicapées. Même pour les personnes à mobilité réduite. Au delà des aménagements architecturaux ou scénographiques, la robotique permet au personne à mobilité réduite de se déplacer dans le musée mais depuis chez eux. C’est ce que la société Suitable Technologies #4 a expérimenté avec six musées américains ( le Fine arts museum of San Francisco, le Detroit institute of arts, le Computer history museum, le Seattle art museum et le National museum of music ). Grâce à des robots mobiles les personnes étant physiquement incapables de se rendre dans ces musées peuvent profiter des visites autoguidées. De partout dans

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le monde, des utilisateurs peuvent donc visiter 6 musées américains grâce à la technologie et au robot de téléprésence. Une technologie qui combine la mobilité et la vidéoconférence pour permettre aux utilisateurs de se déplacer, de voir et d’interagir avec des correspondants ( leur parler et les écouter ) indépendamment de leur emplacement. La personne est finalement présente dans le musée tout en étant chez soi. Cet accès à distance des musées ouvre un monde de possibilités. Les personnes handicapées physiquement et les personnes âgées limitées dans leur capacité de déplacement vont pouvoir explorer et découvrir leurs œuvres préférées, les artistes et les collections des musées. Il serait intéressant d’avoir des renseignements sur les démarches à faire pour pouvoir utiliser ces robots. Comment sont-ils activé ? Suffit-il de se connecter et l’utilisateur peut activer n’importe quand le robot ? L’équipe du musée vérifie-t-elle l’handicap de l’utilisateur ? Si non, est-ce des robots accessible pour tout visiteur ? Beaucoup de musées ont mis en place des visites virtuelles. Certes le visiteur ne se déplace pas à l’intérieur du musée, mais dans une réplique virtuelle. Une autre façon de visiter un musée depuis chez soi. À travers ces quatre exemples, nous pouvons constater que les institutions culturelles veulent être accessible à tous, mais aussi accessible à domicile. Le musées sort de ces murs et s’invite chez le public.

( 1 ) Crowfunding : financement participatif, appel à un grand nombre de personne pour faire un don pour un projet.

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Unseen art 2015 Tommi Niskanen, Finlande http://www.unseenart.org/



MusĂŠe des Augustin, Toulouse Public Malentendant pratiquant la lds http://www.augustins.org/fr/-/publicsourd-pratiquant-la-lsf



Guide pour malentendant MusĂŠe ĂŠgyptien,Turin 2013 Google glasses http://www.club-innovation-culture.fr/ le-musee-egyptien-de-turin



Robot pour personne handicapĂŠe Suitable Technologies http://hypothemuse.org


Grâce à ce corpus non exhaustif, nous pouvons observer que les technologies numériques sont déjà bien présentes dans les lieux culturels. Les institutions ont compris l’importance de se servir de ces outils numériques. Les réseaux sociaux permettent d’ouvrir les portes du musées. Les informations circulent plus vite et sont partagées en plus grand nombre. De plus, le public peut réagir immédiatement, entre utilisateurs, mais aussi avec le musée. La discussion et le partage sont facilités. Le musée sort de son enceinte, et s’invite chez le visiteur. Les internautes ont accès à beaucoup de collections. Ils ont plus de choix. Notamment avec ce que j’appelle le « avant / après » visite. Le visiteur peut choisir son parcours en amont de se venue sur les lieux, mais aussi retrouver les œuvres qu’il a vu, et peut-être ses interventions lors de la visite. Il peut aussi avoir accès à des informations complémentaires. Ces applications permettent aux internautes d’avoir une autre relation avec les artistes, a qui on donne la parole à travers des interviews filmées ou enregistrées. La parole est donné à la fois à l’artiste et aux spectateurs. Les visites deviennent parfois plus ludique, grâce aux jeux, et permettent de toucher un public plus varié. Le musée devient accessible à tous, à tout les niveaux sociaux mais aussi à toutes les personnes handicapées ou non, depuis chez soi ou in situ. Deux grandes notions sont à retenir. Les technologies numériques ont changé le temps de la visite et l’accessibilité. En effet, le temps n’est plus le même. Il se dilue, s’étend. La visite ne dure plus seulement le temps d’une visite guidée, elle dure plus longtemps. Le musée devient plus accessible par cette perception du temps qui change. Le public a plus de temps, la visite peut donc s’adapter au rythme du spectateur. C’est le visiteur qui choisit tout, son parcours, le temps qu’il y passe, les informations qu’il veut consulter, etc. Le musée devient adaptable.

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e ĂŠ s u f i t m a r n U llabo us de co ur pl po voirs sa



« Les outils numériques facilitent l’échange et le dialogue, transforment les pratiques de consommation de l’information, de communication et de création. »(1) C’est une évidence, le web est devenu un outil privilégié pour la communication et la transmission du savoir à l’extérieur et à l’intérieur de l’enceinte physique du musée. Internet offre des possibilités de médiations inédites à destination de publics très divers : touristes, artistes, étudiants, journalistes… Nous avons vu que le spectateur possède une place centrale dans la médiation muséale. Les équipes des musées cherchent à connaître les envies, les retours, les attentes des visiteurs afin de mieux répondre à leur besoin et de leur donner envie de se rendre au sein de l’institution. Le spectateur participe même aux expositions, il est actif, acteur de sa visite. Il choisit son parcours, il choisit les informations qu’il veut consulter, il choisit son rythme de visite. Le public est de plus en plus autonome. Le rôle du médiateur a-t-il changé ? Le métier de médiateur est-il voué à disparaitre ?

( 1 ) Sébastien Magro

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Un nouveau visiteur Nous l’avons vu à travers divers exemples le visiteur du musée n’est plus passif, ou en tout cas il est plus actif qu’avant. Jacques Rancière nous démontre que le spectateur a toujours était actif.( 1 ) Il ne fait pas que écouter, il interprète un message. Il reçoit toujours un savoir. L’auteur nous fait comprendre que l’art peut vivre avec le spectateur qui est toujours acteur. Même s’il ne parle pas, il écoute ou pense, et se fait sa propre opinion, il reçoit un message. Nous affirmerons donc que les outils numériques permettent plus d’interactions entre les visiteurs eux-même mais aussi entre les visiteurs et le musée. Le public donne son avis, participe aux débats, commente les œuvres, choisit son rythme, son parcours et joue même avec les expositions. Qu’est-ce la participation du spectateur au sein du musée ? Que fait-il en plus de sa visite ? Tout les musées ou presque ont mis en place un dispositif participatif en ligne, ne serait-ce qu’avec des comptes Facebook, Twitter ou encore Instagram. Mais le participatif n’est pas un but en soit. Il ne doit pas favoriser les plus créatifs et les plus timides au détriment des visiteurs pour lesquels la visite physique est indispensable. Mais ces outils redéfinissent les liens entre les musées et leurs publics, à travers une place plus grande accordées à leurs paroles. Le spectateur obtient une place plus importante dans le sens où des outils mieux adaptés lui sont donnés. Comme nous l’avons vu le spectateur peut réagir plus vite et obtenir une réponse, qu’elle soit d’un autre visiteur ou de l’institut elle même dans ce même laps de temps. C’est en ce sens que les outils numériques permettent une nouvelle interactivité entre les visiteurs et le musée.

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Cependant, il faut avoir conscience qu’il existe plusieurs niveaux de participations. En effet les visiteurs ne s’implique pas de la même façon et il faut tous les prendre en considération. Dans son livre Participatory museum, Nina Simon décrit six catégories de spectateurs, et plus largement six catégories d’internautes.( 2 ) Elle se sert de la plateforme vidéo Youtube pour expliquer ses propos. Elle nomment la première « les créateurs ». Il s’agit de ceux qui produisent des vidéos, qui alimentent un blog, qui créent du contenu. Ce critère représente une toute petite partie des internautes. Les « critiques », eux, commentent, analysent, partagent le contenu produit par les créateurs. Ils agissent en général sur les réseaux sociaux tel que Facebook, Twitter ou encore Instagram, et bien d’autre. En troisième position viennent les « collecteurs ». Comme les critiques, ils vont commenter, analyser et partager. Mais eux, vont le faire sur leur blog, leur sites. Ils organisent les liens qu’ils partagent. Ils possèdent des abonnés, et leurs actualités, leurs posts sont suivis. Cependant il ne créent pas, ils partagent sur un thème donnés. Dans cette catégories nous pourrions évoqué le site therabbithole.fr. Il s’agit d’un site, blog, qui partagent des articles autour du transmedia. Répertorié sous plusieurs onglets, les articles traitent du transmedia au ciména, au sein des musées, de la publicité, de websérie, de webdoc, etc. En plus des articles, ils partagent aussi des conférences, évènements autour du transmedia. La quatrième catégorie que Nina Simon décrit sont les « joiners ». Nous pouvons traduire ce terme par « suiveurs », et non par menuisier comme l’indique Google translate. Les joiners eux, ne créent pas de contenu, ne partagent pas. Mais ils suivent. Ceux sont en fait, les abonnés des comptes Facebook, Twitter, etc. Ils n’agissent pas mais ils ont fait l’action, la démarche de suivre une personne, d’aimer une page, et d’en suivre

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l’actualité. Puis il existe les « spectateurs ». Cette partie du public ne montrent peut être leur intérêt mais il est bien là. Ce sont ceux qui lisent les blogs, regardent les vidéos mais ils ne vont pas les partager, les commenter, les « liker », mais ils représentent quand même une partie de l’audience, et souvent une des plus grosse partie des internautes. Et enfin nous nous devons de noter qu’ils existent les « inactifs ». Revenons au sein de nos musées. Certains visiteurs sont quasi, voir totalement inactifs sur internet. Il est important de ne pas négliger cette partie du public. Elle est peut-être inactive sur les réseaux sociaux ou autre site, mais elle est tout de même très importante au sein du musée. Puis, parfois, une collaboration se crée entre des visiteurs et un musée. Sébastien Magro donne l’exemple d’une association avec un de leur plus fidèle abonné sur Twitter aux actions en ligne du musée. À l’occasion d’une lancement de l’exposition L’Éclat des ombres, L’Art en noir et blanc des îles Salomon un abonné et collectionneur passionné d’arts d’Afrique et d’Océanie a participé à des évènements en ligne. Pendant deux ans, cet abonné participait spontanément à la médiation autour des collections du musée, sans être d’ordinaire relié à la programmation. En effet, il a entrepris d’explorer les bases de données du musée pour en extraire ses coups de cœur en s’efforçant notamment de montrer des pièces non exposées sur le Plateau des collections, l’espace d’exposition permanente. Au printemps 2014, l’internaute a créé une timeline personnalisée, une sorte d’exposition en ligne consacrée à une anthropologue qui a travaillé au musée de l’Homme, l’un des ancêtre du quai Branly. Suite à cette opération, le musée du quai Branly lui a proposé de mettre en place quelque chose en partenariat avec eux.

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Cet abonné leur a alors proposé de couvrir la semaine de lancement de l’exposition « Salomon ». Il a alors tweeté quotidiennement en thématisant ses publication par support. Ses propos sont venus éclairer les explication de l’exposition en approfondissant certains points non traités dans l’exposition. Sébastien Magro fait remarquer que « Ce dispositif a été une belle occasion d’associer directement un visiteur passionné et érudit à la création du discours entourant l’exposition ».( 3 ) Ces publications venaient prolonger les propos de la commissaire d’exposition auprès d’une communauté de fans des thématiques du musée. Le spectateur devient presque médiateur. Cet exemple est tout de même un cas particulier, car c’est un seul visiteur qui donnent d’autres informations en plus du médiateur aux autres visiteurs. D’habitude, les visiteurs sont médiateurs grâce à une application par exemple mais seulement de leur propre visite. C’est une visite plus individuelle. Le spectateur a une grande autonomie lors de sa visite.

( 1 ) Jacques Rancière, Le spectateur émancipé.

( 2 ) Nina Simon, The participatory museum ( 3 ) Sébastien Magro, Réflexions sur le numérique au musée, blog. sebastienmagro.net

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Des nouveaux métiers Les musées deviennent des musées participatifs. Ces institutions ont de nouveaux objectifs, de nouvelles missions. Nina Simon explique que ces institutions doivent devenir des lieux d’échanges. Tout d’abord insitu. Le visiteur doit pouvoir échanger, débattre à propos de l’exposition qu’il parcourt, il faut donc créer des opportunités pour le spectateur. Le musée doit innover, créer des plateformes de dialogue, et donner la parole aux visiteurs et ainsi comprendre leurs points de vue, envies et critiques positives ou négatives. Petit à petit ces lieux culturels deviennent des lieux créatifs qui invitent le spectateur à participer. Comme nous l’avons vu précédemment le visiteur s’implique personnellement, c’est l’un des objectif des musées. Bien sûr le musée doit encadrer cette participation du public. Il est nécessaire que les musées offrent de nouvelles voies pour que les gens puissent s’exprimer, et s’engager dans une pratique, une participation. L’outil est donc très important. Il doit être intuitif, facile à comprendre et à utiliser. L’outil peut amener au but. Comme expliqué dans le premier chapitre, dans la sous partie « les interfaces », le design est très important. L’interface est aussi le récit. Il faut choisir tel ou tel outil, telle ou telle interface en fonction de la participation souhaitée. Si l’institution veut que le spectateur crée, alors l’interface est un outil de création. Si le musée veut récupérer les sensations, les avis des visiteurs alors l’interface doit permettre au public de répondre très facilement et rapidement aux questions posées. Tous ces outils ont pour but d’améliorer l’expérience sociale du musée. Apporter un côté plus

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humain, des échanges au sein du musée. Dans ces projets participatifs nous remarquons qu’il y a trois parties prenantes. Les participants, l’audience ( association, écoles, voisins, autres institutions... ) et l’institution elle-même. Le but est donc d’attirer une nouvelle audience, collecter et préserver les visiteurs, faire contribuer le public, produire un nouveau marketing et devenir un lieu de conversation. Nous constatons bien que le numérique ne doit pas apporter seulement le « fun ». Ce n’est pas un gadget. Il y a un but derrière ces outils : apprendre, créer, rendre une place plus sociable. Pour arriver à tous ces nouveaux objectifs, de nouveaux métiers voient le jour. Notamment le métier de community manager, que nous pouvons traduire par animateur de communauté. Il anime et fédère des communautés sur internet pour le compte d’une société, d’une marque, d’une célébrité ou d’une institution. Son métier est directement lié aux réseaux sociaux, c’est un métier encore en évolution. Son principal rôle réside dans l’interaction et l’échange avec les internautes. Cependant il peut être amené à gérer d’autres activités. D’autres termes sont utilisés pour désigner ce métier : responsable réseaux sociaux, modérateur ou encore influenceur. Le community manager ne doit pas seulement animer la communauté, il doit organiser les échanges avec les internautes, préciser les objectifs de ces échanges. Il trace aussi une stratégie de présence sur la toile, c’est-à-dire mettre en place des rendez-vous quotidien, ou des publications hebdomadaires par exemple, mais aussi partager, ou s’assurer le partage de ses publications. Faire de la vieille sur la « e-répatutaion » du client; qu’est-il dit, partagé à propos du client et veiller à ce que ça ne nuit pas à son image. Parfois il est amené à accueillir de nouveaux participants

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au sein de la communauté, anticiper les attentes de la communauté mais aussi assurer la fidélité des membres, en répondant régulièrement aux commentaires des internautes, en offrant des contenus seulement pour les abonnés par exemple. Le responsable de communication, qui est au dessus du community manager d’un point de vue hiérarchique possède un rôle de plus en plus important au sein des institutions que sont les musées. Depuis longtemps le responsable de communication a deux missions, celle de communication interne ou il conçoit des outils et supports pour réunir le personnel autour d’un projet global, et assurer la bonne circulation des informations entre les différents services. En parallèle il gère la communication externe. Il conçoit et diffuse les supports de promotion destinés au public et leurs contenus. Mais il doit aussi négocier avec les prestataires, rédiger les communiqués et assurer la relation avec la presse, ainsi que gérer l’organisation des évènements. Mais à son rôle, s’est ajouté la communication web. Il rédige les contenu web et supervise les mises à jour des sites et pages internet. Bien sûr le responsable de communication a une équipe web sous sa direction. Il a un regard sur tout le personnel web. Nous pouvons noter qu’une nouvelle notion a fait son entrée dans le monde culturel, celle du marketing. Les institutions culturelles doivent prendre en compte des considérations commerciales qu’elles avaient jusque là écartées et considérées comme des notions propres au monde du business et non de la culture. Les professionnels de la communication doivent désormais mettre en place des méthodes de management, de communication, de marketing. Ces métiers évoluent à cause ou grâce aux nouveaux objectifs des musées. Nous l’avons compris, la médiation ne se fait plus en fonction des collections mais en fonction du public visé. En effet

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tout est mis en œuvre pour que chaque catégorie et même chaque envie du public soit satisfaite. Nous constatons que le musée donne de plus en plus de possibilité à ses visiteurs. Le public acquiert donc une grande autonomie. Avec tous ces nouveaux objectifs, ce musée qui devient participatif, ces nouveaux métiers centrés sur la communication, nous pouvons nous interroger sur le rôle du médiateur. Est-il évincé par ces nouvelles technologie, par cette médiation numérique ?

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Un nouveau médiateur Dans cette médiation numérique, où se place le médiateur ? A-t-il toujours le même rôle et dans ce cas propose-t-il seulement une alternative à la médiation numérique ? Le médiateur est-il remplacé par ces nouvelles technologies ? Le musée a-t-il encore besoin de ce corps de métier ? Je pense que les instituts auront toujours besoin des médiateurs. Les audioguides ont-ils remplacé le médiateur ? Non. Il en est de même pour les outils numériques. Évidemment, nous l’avons vu, le visiteur gagne énormément en autonomie. Et parfois n’a pas forcément besoin du médiateur. Mais je pense, que le public ne change pas beaucoup. En effet, déjà, sans les outils numériques dans certains musées, il y a deux types de visites. Les visites libres où le spectateur déambule à son bon vouloir, et regarde les œuvres qu’il veut comme il veut. Puis il y a la visite guidée, avec un médiateur. Le médiateur s’habitue bien sûr à son public, mais il dirige la visite à son rythme, s’arrête sur certains éléments de la collection, en omet d’autre. Il est bien sûr capable de répondre aux questions posées sur des éléments qu’il ne va pas forcément présenter. En conclusion, il existe déjà différents types de public. Et une partie de ce public aura toujours besoin du médiateur, de cette présence physique avec qui il peut dialoguer. À partir de ce constat, nous pouvons donc assurer l’avenir du médiateur au sein des musées.

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Bien sûr, il va de soi, que le rôle de ce même médiateur évolue, grâce ou à cause du numérique. Dans un premier temps il est évident d’expliquer que le médiateur doit se former à ses nouvelles technologies afin d’expliquer les outils au public au début de la visite. Mais il serait trop réducteur de cantonner le rôle du médiateur à seulement cette fonction de démonstrateur d’application. Le numérique, est, je le répète encore une fois, un outil. Il peut être un support, une aide pour le médiateur. Il peut s’en servir lors d’une visite. Mais aussi comprendre les attentes des visiteurs avant leur venue. Rappelons que le rôle premier du médiateur est de faciliter la rencontre entre les citoyens, les institutions et les œuvres qui y sont présentées. Bien sûr le numérique nous met face à deux logiques un peu paradoxale, celle où le visiteur sera totalement autonome et celle de l’instruction par le médiateur. De fait, un rapprochement entre le public et l’institution s’opère grâce à l’interactivité et la technique et en même temps, une mise à distance se crée. Claire Bresson précise que « si la notion de médiation regroupe de nombreux dispositifs, celle-ce ne peut se réaliser sans les médiateurs ».(1) Nous avons vu dans certains exemples que le numérique est utilisé à distance et pas forcément dans l’espace même du musée. Ces technologies sont des outils pour communiquer avec un public éloigné, pour échanger à distance, et donner envie aux internautes de se déplacer. Nous pouvons affirmer que dans de petite structure, le médiateur tient aussi le rôle du community manager. Il crée donc un lien avant la visite. Le médiateur entretient un nouveau lien avec le visiteur. Il connaît mieux ses envies, peut anticiper les préoccupations du spectateur et interagir avec lui. Le médiateur permet de mettre un corps physique, un lien humain à cette relation. Il est important de comprendre que derrière ces

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technologies, il existe un humain, parfois toute une équipe, ce sont eux qui créent le lien. Grâce au numérique le médiateur participe à de nouveaux projets. Il collabore avec de nouveaux corps de métiers. Il peut travailler avec des développeurs, des scénaristes, des graphistes, ce qui enrichit le travail du médiateur de rencontres et d’échanges. Il devient plus créatif et plus social. Mais ces métiers gravitant autour du musée ne peuvent-ils pas être considéré comme médiateurs eux aussi ? En effet les concepteurs de ces dispositifs de médiation numérique produisent du contenu, propose une autre visite. Puis il y a le médiateur face au public, qui réalise la visite. Il s’agit de deux univers professionnels bien différents. En général le médiateur face au public a une grande connaissance en histoire et histoire de l’art, il connaît aussi les comportement des publics, alors que le concepteur sera peut-être issus d’une formation en informatique ou de design. Nous pouvons aussi considérer que les community managers sont eux aussi des médiateurs. En effet il anime une communauté tout comme les médiateurs aux seins des musées anime la « communauté » de spectateur durant l’heure de visite. Le community manager produit du contenu autour du musée sur internet, et crée un lien entre le public, l’institut et les œuvres exposées. Il est donc par définition lui aussi médiateur. Le métier de médiateur ne disparaît pas, il prend plusieurs formes, se multiplie.

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( 1 ) Claire Bresson, Les musées et Internet : de l’expérimentation d’une médiation numérique à l’élaboration d’une stratégie, mémoire sous la direction de Cécile Bando. ( 2 ) Geneviève Vidal

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n o i s u l c n o C



Nous ne pouvons pas passer à côté de ces nouvelles technologies. Elle sont trop importantes, trop présentes dans notre vie quotidienne pour en faire abstraction. Les musées se doivent de les utiliser, ou en tout cas d’être présents dans le paysage du web. Comme nous l’avons vu, exister sur la toile est une première étape, mais une étape importante. Grâce au numérique le musée peut sortir de ces murs. Le visiteur retrouve ou découvre le musée sur internet, peut interagir avec l’institut grâce aux réseaux sociaux notamment. Nous avons constater qu’un avant / après visite se crée grâce à ces nouvelles technologies. Le musée se déploie vers l’extérieur. Aller chercher le public chez soi, se faire connaître, communiquer avec lui à distance sont des nouveaux objectifs du musée rendus possible grâce à internet. Mais il faut réussir à passer de l’écran au lieu même du musée, passer de chez le visiteur au musée in situ. Il faut faire venir les internautes sur place. Là encore le numérique peut rendre des services. Nous l’avons vu avec les jeux à réalité augmenté. Se servir des technologies en lien avec des œuvres, des objets in situ. Il permet d’autres visites. Des visites plus interactives où le public s’investira plus personnellement que lors d’une visite libre simple. Le musée devient plus participatif. Il devient un lieu d’échanges. Des échanges entre les visiteurs eux-même, mais aussi entre l’institut et le public, et enfin entre les œuvres et le spectateur. Le musée change. Ce n’est plus forcément les œuvres qui sont au centre de la médiation, mais plutôt le public et ses envies. La médiation change petit-à-petit. Nous pouvons constater qu’elle s’étend. La médiation prend plusieurs formes. Depuis longtemps, la médiation ne se définit pas seulement par la personne même du médiateur. Les

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dispositifs, tel que la scénographie, les audio-guide, les ateliers pédagogiques, les flyers des programmes, et aujourd’hui les dispositifs numériques entrent en compte dans cette médiation. Tous ces dispositifs sont utilisés pour toucher un public plus divers, scolaires, groupes, personnes en situation d’handicap… Les musées ont besoin du numérique pour se diversifier et créer un lien avec le public. La relation au public change. Les instituts essaient de mieux communiquer et de rendre l’art et l’histoire abordable. Grâce au numérique ils attirent un public adolescents, mais facilitent aussi l’accès aux handicapés. Les plateformes numériques sont une bonne opportunité pour les musées pour prendre contact avec les visiteurs. Les musées sont plus à l’écoute, donne la parole aux spectateurs et aux artistes. Le rôle du public a changé. Il s’engage d’avantage. Il devient acteur, participe à des projets, vote, joue, débat. Le rôle du médiateur change aussi, il s’étend, prend plusieurs formes. Il communique d’avantage avec le public. Le terme de médiateur s’est élargi. Il ne désigne plus seulement la personne physique faisant la visite face aux spectateurs. Il désigne aussi les concepteurs créant les applications, les community managers animant toute une communauté autour du musée, toute personne créant un lien entre le spectateur et les œuvres. Nous pouvons conclure que le numérique sera de plus en plus présent au sein des lieux culturels. Des groupes comme Muséomix questionnent ces nouvelles pratiques. Ils tentent de renouveler ces pratiques muséales en organisant des « hackatons » afin de réfléchir durant trois jours à des propositions autour de la médiation de certains musées avec des équipes composées de médiateurs mais aussi de graphistes, de web-développeurs, d’informaticiens, etc.

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Le musée ne deviendra jamais virtuel, mais il deviendra plus interactif et plus participatif, peut-être plus attractif. Le musée s’ouvre, devient un lieu de partage et d’échange. L’implication du visiteur sera de plus en plus importante. Je pense qu’il existera plusieurs alternatives, comme précisé précédent, la médiation s’étend. Plusieurs types de visites seront possibles. Le musée s’adapte aux différents visiteurs. Le musée du futur est un musée qui s’adapte à son public, qui prend en compte les ressentis des visiteurs.

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e i h p a r g o i l b Bi e i h p & togra Si



Bibliographie Biagini Cédric, L’emprise numérique, comment Internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies, Édition L’échappé, 2012. Hoguet Benjamin, Le pouvoir narratif des interfaces, Éditions Dixit, 2016. Lévy Pierre, L’intelligence collective, pour une anthropologie du cyberspace, Édition La Découverte, 1994. Rancière Jacques, Le spectateur émancipé, La fabrique édition, 2008. Serres Michel, Petite poucette, Manifestes le pommier, 2012. Vial Stéphane, L’être et l’écran, Édition PUF, 2013.


Articles sur Internet Andreacola Florence, Musée et numérique, enjeux et mutations, Revue Française des Sciences de l’information et de la communicaton, 2014. https://rfsic.revues. org/1056 Bernier Roxanne et Goldstein Bernadette, Public, nouvelles technologies, musées, Culture&musée n°13, 1998. http://www.persee.fr/issue/ pumus_1164-5385_1998_ num_13_1 Bob André et Montpetit Raymond, La ( r )évolution des arts, Culture&musée n°6, 2010. http://www.persee.fr/issue/ pumus_1766-2923_2010_ num_16_1


Fraysse Patrick, La médiation numérique du patrimoine : quels savoirs ? Distances et Médiations des Savoirs, 2015. https://dms.revues. org/1219 Hoguet Benjamin, La place du public dans la réalité virtuelle, Mars 2016. http://www.benhoguet. com/la-place-du-publicdans-une-oeuvreinteractive Hoguet Benjamin, L’engagement du public : le graal de la création nouveaux médias, Février 2016. http://www.benhoguet. com/lengagement-dupublic-le-graal-de-lacreation-nouveaux-medias/


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Magro Sébastien, Réflexions sur le numérique au musée, Facebook et Twitter comme outils de médiation, Mars 2016. blog.sebastienmagro.net Magro Sébastien, Réflexions sur le numérique au musée, Visite du musée du cinquantenaire à Bruxelles , Mars 2016. blog.sebastienmagro.net


Émissions Radio Les Matins, Marc Voinchet, L’être humain devient-il numérique ? avec Bruno Patino, France Culture, Avril 2013, 90 minutes. https://www.franceculture. fr/emissions/les-matins/ letre-humain-devient-ilnumerique Place de la toile, Xavier De La Porte,Pierre Lévy, L’intelligence collective, France Culture, Février 2014, 49 minutes. https://www.franceculture. fr/emissions/place-dela-toile/pierre-levylintelligence-collective Répliques, Alain Finkielkraut, La révolution numérique, Bruno Patino et Cédric Biagini, France Culture, Avril 2013, 60 minutes. https://www.franceculture. fr/emissions/repliques/larevolution-numerique


Soft Power, Frédéric Martel, L’avenir de France Télévisions, avec Bruno Patino, France Culture, mars 2015, 60 minutes. https://www.franceculture. fr/emissions/soft-power/ lavenir-de-francetelevisions



Ce mémoire a été imprimé sur du papier bouffant pour le texte et sur du papier ultra blanc 100g pour les images. Les polices de caractère utilisées sont la Radley pour les titres et la PT Sans pour le texte courant. L’impression a été réalisée à l’École Supérieure des Arts des Pyrénées, site de Pau. Remerciements : Julien Drochon Laurent Agut Charles Gautier Malaurie Sannié Léa Morales-Chanard Dédé de la monnaie


e u q i érn des eie é


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