Quel avenir pour l'Europe ?

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Printemps de l’Economie : quel avenir pour l’Europe ? Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France 7 avril 2014 à 15h00

Monsieur le Vice-Président de la Chambre de Commerce et d’industrie de Paris, Mesdames, Messieurs, Je suis très heureux d’être avec vous pour inaugurer ce « Printemps de l’économie » consacré à cette vaste question qu’est l’avenir de l’Europe. Comme vous, je suis un amoureux de l’Europe. Parce que nous savons ce qu’a pu représenter le projet européen au lendemain de la guerre pour installer un continent de paix et de prospérité. Nous savons combien l’Europe a été porteuse de grands projets, de nouvelles libertés. En 2008, l’Europe a connu la crise financière la plus dure qu’elle n’ait connue depuis la Grande Dépression de 1929. Le chômage, la pauvreté, le déclassement, la souffrance sociale sont une réalité aujourd’hui partagée au Sud de l’Europe. Nous avons assisté en quelques années à une régression sociale sans équivalents depuis soixante ans. Et ce n’est pas la faute aux peuples : c’est une accumulation d’erreurs et de choix stratégiques qui ont fait exploser la bombe à retardement de la crise bancaire et des dettes souveraines. Il y a eu une erreur collective, des déficiences de la construction politique, budgétaire, financière et bancaire de la construction européenne. Nous ne finissons pas d’en payer les pots cassés et nous avons aujourd’hui, à quelques semaines

d’élections

européennes

qui

s’annoncent

particulièrement

difficiles,

à réorienter notre Europe. C’est un amoureux de l’Europe qui exprime cette conviction, mais un amoureux exigeant.

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Cette exigence m’inspire aujourd’hui trois messages : • un message de mobilisation ; • un message de politisation ; • un message d’action. *** Un message de mobilisation, tout d’abord. Dans le contexte des élections à venir, le premier risque pour l’Europe est celui d’un 21 avril européen. Notre adversaire, ce n’est plus seulement un vague doute sur la construction européenne, une faiblesse passagère de l’adhésion au projet européen. Aujourd’hui, notre adversaire, c’est l’euro-hostilité. C’est une crise de défiance contre une Europe qui échoue à protéger et qui creuse encore et encore, depuis la crise financière, à coup de plans d’austérité, le gouffre entre les populations et l’Europe. Cette crise a été sans précédent dans l’histoire de la construction européenne : • Le chômage s'est inscrit à 12 %. Le chômage des jeunes atteint quant à lui 25% ; • Plus d'un jeune sur deux est sans emploi en Grèce et en Espagne ; • Pas moins de 121 millions de personnes en Europe ont vécu sous le seuil de pauvreté en 2012 ; L’urgence européenne à laquelle nous nous devons de répondre, c’est la souffrance des peuples qui perçoivent l’impuissance de l’Europe à les protéger. L’Europe est vécue comme une abstraction loin des préoccupations concrètes des européens. Les responsables politiques nationaux y ont leur part car ils ont pris l’habitude de faire porter la responsabilité à Bruxelles de beaucoup de choix impopulaires.

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Mais il n’y a pas que cela : l’Europe n’a pas pris l’orientation des peuples. Elle n’est pas à leur service. Elle s’est enfermée dans une vision comptable de choix de politiques publiques parce qu’elle s’est construite de manière déséquilibrée, en bâtissant un appareil technocratique puissant, mais sans les contrepoids démocratiques nécessaires. Ce déséquilibre a créé une forme politique monstrueuse : le populisme anti-européen, qui fédère à travers toute l’Europe une constellation de dissidences aux intérêts pas toujours convergents : les eurosceptiques, les nationalistes, les partis du repli sur des bases culturelles ou ethniques. C’est un chantier considérable et je me borderai à dire ici qu’il y a sur ce plan un effort de la classe politique dans son ensemble pour redonner confiance à nos mandants et redonner confiance dans l’action publique. Mais il faut aussi lutter sur le plan des idées, et opposer des idées claires aux orientations dangereuses des populistes de tout poil, telles que la réintroduction des frontières physiques, marchandes, territoriales, identitaires, et historiques. La commémoration du centenaire de la « Grande Guerre » doit justement éveiller nos consciences quant aux dangers du discours populistes, nationalistes et parfois xénophobes. *** J’en viens à présent au message de politisation. L’urgence européenne impose de politiser l’Europe et de remettre en question ce que j’appelle le « consensus de Bruxelles ». Il nous faut profiter de cette campagne pour déverrouiller l’Europe. Cela signifie, je l’ai dit, sortir du débat pour ou contre l’Europe que tentent de nous imposer les partis d’extrêmedroite pour explorer toutes les offres politiques alternatives. Déverrouiller l’Europe, cela signifie aussi briser certains tabous de la construction récente de l’Union européenne, ces tabous que j’ai appelés le « consensus de Bruxelles » car ils sont aussi puissants que le fut, dans les années 1980, le « consensus de Washington » au nom duquel les pays d’Amérique latine et d’Asie se sont vus administrer des cures d’austérité et de dérégulation, qui les ont fait reculer dix ans dans leur trajectoire économique. Page 3 sur 5


Ces tabous ont la peau dure. Parce qu’on ne peut tomber amoureux d’un chiffre – 3%, de l’Europe de l’austérité, ou des règles budgétaires, j’avais plaidé dès septembre 2012 pour l’étalement des efforts budgétaires dans le temps. L’assouplissement des contraintes budgétaires était impératif pour éviter que le remède tue une « Europe » guérie et qu’il laisse les plus vulnérables sans filets sociaux. Le 3% ne fait pas une politique. Je me réjouis de voir qu’aujourd’hui l’ensemble des institutions, l’OCDE, le FMI, et même la Commission européenne, font preuve de plus de pragmatisme, en reconnaissant l’opportunité d’une politique volontariste de croissance et de solidarité. Je pense, en effet, avec le risque de déflation actuel et le niveau de croissance faible, qu’il nous faut à la fois être vigilant dans la mise en œuvre des plans d’économies de dépenses, et exigeant dans la poursuite des réformes structurelles. Aujourd’hui, le contexte européen a changé. La France a de nouveaux alliés pour réorienter l’Europe vers la croissance et la solidarité. D’abord, la nomination du Premier Ministre italien, Matteo RENZI, qui a mis en œuvre une politique de relance dès son arrivée, est une excellente nouvelle pour l’Europe

et les

européens qui demandent un emploi et du pouvoir d’achat. Ensuite, l’accord de coalition entre le SPD et la CDU en Allemagne contient aussi de nombreuses avancées dans le sens de la réorientation de l’Europe. Qui aurait cru, il y a un an, qu’on parlerait d’un SMIC et d’une réévaluation des pensions en Allemagne ? Ce sont des pas dans la bonne direction. Mais, il faut aller encore plus loin et profiter des deux ans de stabilité institutionnelle en France et en Allemagne pour donner une nouvelle impulsion au projet européen. *** Enfin, je veux conclure sur un message d’action. L’urgence européenne impose un « new deal européen » pour protéger ses citoyens et consolider la croissance et la solidarité au sein de la zone euro. Page 4 sur 5


Ce dont l’Europe a aujourd’hui besoin, dans un contexte de quasi-déflation et de reprise fragile, pour se redresser, c’est une politique de croissance, c’est-à-dire : i)

une politique de relance visant à soutenir l’investissement public ;

ii)

une politique monétaire visant à nous ramener vers la cible d’inflation de 2%. C’est une condition, à mon sens, d’une mise en œuvre crédible du pacte de responsabilité ;

iii)

une politique de change visant à ramener l’euro à des niveaux raisonnables.

Ce dont l’Europe a aujourd’hui besoin pour mettre en œuvre « le new deal européen », c’est d’un pilote à bord du gouvernement économique de la zone euro pour traiter des questions aussi essentielles que la régulation financière, l’harmonisation sociale et fiscale, les grands projets d’infrastructures, la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale qui coûte 1000 milliards d’euros à l’Europe. Des avancées substantielles sur ces sujets ne verront le jour qu’à la condition d’associer de manière étroite les Parlements nationaux. La mise en place d’un Congrès des Parlements nationaux constituerait un moyen formidable de remettre du carburant démocratique dans le projet européen. L’Europe est à la croisée des chemins : Europe zone de libre-échange ou Europe politique, Europe diluée ou Europe restructurée autour de quelques cercles différenciés, Europe victime ou gagnante dans la mondialisation, Europe libérale ou Europe qui protège les plus vulnérables. Cet avenir se prépare maintenant et j’espère, qu’indépendamment de nos convictions politiques, vous serez tous présents au prochain rendez-vous européen de mai pour réorienter et renforcer la dynamique européenne. Je vous remercie.

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