Discours de Claude Bartolone Premier Hub du Grand Paris sur le thème « Jeux Olympiques 2024 : quels leviers pour accélérer le Grand Paris ? ». Vendredi 11 septembre 2015 Monsieur le Président de la Fédération nationale du bâtiment, Monsieur le Président Directeur général de La Tribune, Monsieur Chabot, Monsieur Saint-Etienne, Mesdames, Messieurs, Cher Jean-Pierre Gonguet, Je suis très heureux de participer à ce nouveau rendez-vous de la Matinale du Hub du Grand Paris. J’en suis très heureux car notre réunion, aujourd’hui, me permet de partager une conviction. Cette conviction, c’est que l’Histoire va bientôt souffler sur l’Ile-de-France. Ma conviction, c’est que l’Histoire et la France ont de nouveau rendez-vous. Ma conviction, c’est que les Franciliens sont de nouveau devant l’Histoire le peuple de ses grands moments. Pendant trop longtemps, on a voulu faire croire à une fin de l’Histoire. On a voulu habituer nos populations à la nostalgie des gloires passées pour mieux se résigner à des existences trop réglées, trop soumises, trop mutilées. Aujourd’hui, nous avons à parler d’un souffle, nous avons à parler d’une ambition, nous avons à parler de la gloire d’un peuple, nous avons à parler d’une lumière. Et, aujourd’hui comme hier, demain comme jadis, quand l’Ile-de-France allume une lumière, c’est toute la France qui resplendit. Les Franciliens savent que leur Région regorge d’atouts. Les Franciliens, les Parisiens, les Français, savent que la force économique de cette Région la place en situation de maintenir et tenir son rang, de faire face la tête haute à la concurrence mondiale avec les autres Régions du monde. Nos concurrents ne sont pas Lyon, Lille ou Marseille, cela serait de la guerre civile, mais des métropoles telles que New York, Londres, San Francisco, Séoul, Shanghai, Tokyo, Rio. Les hommes de chiffres répètent assez à leurs lecteurs, leurs auditeurs, aux Français ainsi éclairés, que les atouts de notre Région sont considérables.
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Oui, c’est vrai. Et comme ils sont sérieux, ils ajoutent que ces atouts font un potentiel, mais ne font pas toujours un bonheur. Car l’Ile-de-France, c’est aussi une région qui connaît des écarts de revenus inacceptables, des problèmes de logement, de déplacement, de sécurité ou une saturation de certains équipements publics. Ils diront peut-être que c’est la rançon de la gloire. Mais si la gloire, justement, était la solution ? Et si la gloire était justement ce qui nous manque, ce que nous ne voulions plus, depuis trop longtemps, aller chercher avec nos cœurs, nos tripes et nos rêves ? Ces chiffres, ces équilibres, ces atouts, ces améliorations à réaliser (nous le ferons !), je les aborde régulièrement. Mais aujourd’hui, j’ai envie de vous parler d’autre chose. Quand on regarde une œuvre d’art, on peut, bien entendu, discourir (et il le faut) de la qualité des pigments, de la compétence du fournisseur des couleurs, de la propreté du vernis. Mais, à un moment, ce n’est pas cela qui fait l’œuvre d’art. Ce qui fait l’œuvre d’art, ce qui fait qu’un souffle indescriptible souffle sur la toile, c’est l’âme de l’art, c’est l’âme de quelque chose. Aujourd’hui, j’ai envie que nous parlions de notre âme, j’ai envie que nous parlions de ce mot qui fit vibrer les siècles et que nous ne retrouvons plus que dans les livres d’Histoire, j’ai envie que nous parlions non seulement de notre âme, mais de notre gloire. *** « Veux-tu chanter les Jeux, ô mon âme ? ne cherche pas, au ciel désert quand le jour brille, un astre plus ardent que le Soleil, et n'espère pas célébrer une lice plus glorieuse qu'Olympie ! ». Ces vers de Pindare, tous les petits grecs de toutes les cités hellènes les connaissaient par cœur, et tous les petits romains après eux pendant l’Empire. Ces vers ont fait frémir de joie des milliers d’enfants de l’Antiquité. Alors oui, notre civilisation vient de là. Alors oui, ces vers étaient dans la tête de notre compatriote Pierre de Coubertin quand il ralluma, avec un rêve simple et quelques amis, le flambeau de l’Olympisme. Alors oui, oublions nos chiffres et rappelons ces vers pour soutenir, de notre plus belle voix et du plus profond de notre cœur, la candidature de Paris et de l’Ile-de-France pour l’organisation des Jeux Olympiques et paralympiques de 2024. Pour accueillir un tel événement, il faudra non seulement tenir les délais mais accélérer la réalisation du nouveau Grand Paris des transports qui va permettre de moderniser et de développer l’offre de mobilité durable pour les 12 millions d’habitants de la région. Nous ferons preuve d’audace en inventant les nouvelles mobilités permettant d’assurer ces Jeux.
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Mais l’audace, n’est-ce pas justement la première vertu des Franciliens ? De l’audace, nous en avons ! Pour construire des logements à énergie positive et loger 17000 d’athlètes, 30000 journalistes. Des logements, j’en prends l’engagement, que nous reconvertirons pour en faire de l’habitat pour les habitants de l’Ile-de-France. La construction d’un village olympique représente une occasion de développer une offre originale de logements, à forte portée symbolique (comme en témoigne l’évolution du village olympique de Barcelone 1992). De l’audace, nous en trouverons pour développer les outils de communication adaptés à cet événement-monde. La moitié des habitants de notre planète regarde les Jeux Olympiques. Nous avons besoin de l’innovation des entreprises de ce territoire pour imaginer les nouveaux outils de la technologie numérique au service du plus grand nombre et accélérer le déploiement des réseaux dans toute la région. De l’audace, nos entreprises en ont déjà ! L’Olympisme est un révélateur mondial de l’excellence de nos entreprises. Des entreprises qui voient l’avenir, le sentent, et inventent pour notre futur la mobilité, la révolution numérique, la transition énergétique, la santé. L’Olympisme accélère un territoire : les projets d’aménagement et d’infrastructures peuvent voir le jour beaucoup plus vite, et cela pour le plus grand profit non seulement des athlètes et des visiteurs de 2024 mais surtout des Franciliens, qui en tireront les bénéfices dans leur quotidien. Vous voulez voir l’avenir, les Jeux olympiques seront votre boule de cristal ! Rappelez-vous la Seine-Saint-Denis en 1998. La renaissance de Saint-Denis ne doit rien au hasard ni à la main invisible du marché. Chacun sait combien pour ce département la décision politique de construire le Stade de France à Saint-Denis pour accueillir la Coupe du Monde 1998, a été une formidable force d’entraînement : la construction des transports routiers, ferroviaires, ensuite les logements sociaux et enfin le développement économique puisque nombreux sont les sièges sociaux qui s’y sont installés depuis. Président du Conseil général, j’avais lancé un appel à ces entreprises : « venez ; nous vous proposons le foncier, les cerveaux et les bras ; donnez-nous l’emploi ». Rien ne serait pire que de voir nos entreprises et les sièges sociaux jouer le match, en laissant les habitants sur le banc de touche, regardant le spectacle du développement économique et de l’installation d’entreprises en bas de leur immeuble. L’embauche des jeunes et la lutte contre les discriminations, ce n’est pas simplement une priorité, c’est une cause. Ces jeunes qui parlent souvent plusieurs langues, qui ont en eux des maestrias diverses que personne ne voit, c’est une chance. Cette chance, c’est à nous, de la
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révéler, de la chanter, de l’imposer au monde ! *** S’agissant des transports, je souhaite que la candidature de « Paris – Ile-de-France » représente dès aujourd’hui un accélérateur de la réalisation des grands projets, et pas seulement lorsque nous aurons eu la certitude de les accueillir. Il ne s’agit pas de dire « voilà ce que nous ferons si nous sommes retenus », mais bien de prendre les bonnes décisions dès maintenant, de mettre les moyens suffisants et de faire dès aujourd’hui, comme gage de notre volonté d’accueil. Tous les rêves ne se réalisent pas, mais tous les rêves nous transforment. Si le Nouveau Grand Paris des Transports est sur les rails, je ne voudrais pas que la question des financements vienne retarder ou freiner cette formidable locomotive. Car il faut avoir un discours honnête : oui, il reste quelques protocoles de financement à boucler sur les projets du plan de mobilisation pour les transports. Que personne ne baisse les bras : c’est notre travail de boucler ce projet. Les Jeux Olympiques, c’est la clé qui ouvrira plus vite toutes les portes et le sésame pour vaincre toutes les réticences. Les Jeux Olympiques, c’est la garantie que quelques millions d’euros ne viendront pas retarder des projets de transport pourtant si nécessaires pour le désenclavement de certains territoires, pour la mobilité des Franciliens. C’est pourquoi nous devons intégrer tout de suite dans nos investissements de transport la candidature de Paris aux Jeux Olympiques ou à l’Exposition universelle. *** Les Jeux Olympiques, c’est aussi une vitrine économique tournée vers le monde. Il en va de même de l’Exposition universelle. N’oublions jamais que le tourisme est une source d’emplois dont la plupart sont non délocalisables ! Si la France est la première destination touristique au monde, nous ne sommes que 3ème en termes de recettes. C’est à cette contradiction que nous devrons nous attaquer collectivement, pour que les bénéfices économiques de cette activité soient pleinement déclinables en bien-être et en prospérité pour les Franciliens. L’économie n’est qu’un instrument pour améliorer le bien-être quotidien, ou alors oublions-la ! Nos savoirfaire, nos entreprises, notre art de vivre à la française, nos objets du quotidien comme nos
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produits de luxe sont admirés ! Les merveilles et les élégances de notre patrimoine, de nos œuvres d’art, de nos bâtiments et de nos monuments doivent scintiller toujours davantage à la face du monde. Notre position de leader mondial du tourisme d’affaires en est la conséquence simple ! L’économie du XXIème siècle ne sera pas celle du productivisme destructeur d’humanité du XIXème. Notre économie sera social-écologique. L’ambition environnementale est un facteur de compétitivité, et comptez sur moi pour rappeler qu’il s’agit d’un atout de notre Région dans le cadre de la compétition pour être organisateurs de ces deux grands événements. La rénovation thermique n’est pas un mot pour ingénieurs ou pour formulaires de ventes, c’est le défi de notre temps au service d’une vie plus humaine, plus douce, plus accueillante pour l’avenir. Nous aurons besoin de vous pour le faire. Nos entreprises françaises l’ont déjà démontré sur des grands marchés à l’export, par exemple en Chine. En matière d’urbanisme, d’efficacité énergétique, de gestion des déchets, d’éclairage ou de qualité de l’air, nous ne manquons ni de champions mondiaux, ni d’entreprises petites et moyennes à la pointe de l’innovation. A l’image du Projet de l’Aréna du XXIe siècle à Amsterdam, proposons à nos industriels de se mobiliser autour des Jeux olympiques durables pour une métropole intelligente. Quand nous obtiendrons l’organisation des Jeux, je souhaite ainsi que nous lancions un concours ouvert à l’ensemble des Start Up mondiales pour qu’elles viennent tester leur projet sur les sites des Jeux Olympiques dans le domaine des transports, de l’information, des données en temps réels, des flux de circulation, de la consommation d’énergie. Faisons de ces jeux un formidable banc d’essai, un « Urban Lab » de toutes les innovations au service des athlètes, des spectateurs mais aussi des habitants. Que les meilleurs entrepreneurs mondiaux testent leurs produits au service de nos habitants ! Mais n’attendons pas 2024, déjà nous aurons en quelques mois l’occasion de montrer notre savoir-faire en la matière dans le contexte de la COP 21 ou de l’Euro 2016. Ne ratons pas ces premiers rendez-vous, ils sont autant d’occasions de valoriser de nouveaux domaines d’excellence de la marque Paris Région Ile-de-France au niveau mondial : au bénéfice de notre pays tout entier. *** Paris Ile-de-France et la métropole du Grand Paris, doivent être le piédestal de l’organisation
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de ces grands événements, il en va de leur avenir et de leur développement. Aujourd’hui, nous avons tous les éléments de programme du Grand Paris : les lignes de transport, les 70 000 logements par an, la vallée de la Seine et le Port de Paris au Havre… Mais ils ne doivent pas être une fin en soi et des objets séparés. Il nous faut une boussole pour arriver à construire l’identité du Grand Paris. Il nous faut une dynamique qui permettra de donner du sens à ce projet pour que tous les Franciliens se l’approprient. Aujourd’hui, c’est trop lent, trop lointain et trop technocratique en quelque sorte pour que les Franciliens s’y reconnaissent. Pour lancer cette dynamique, il manque un liant, un élément déclencheur et fédérateur. Les Jeux Olympiques sauront fédérer toutes les énergies et tous les Franciliens pour construire une identité commune à cette Région. Le Grand Paris, ce n’est pas Paris en grand. Il doit appartenir à tous les Franciliens. Aujourd’hui, le dynamisme économique est au-delà du centre de Paris, en Grande couronne. C’est en Grande couronne que se joue l’essentiel des dynamiques urbaines aujourd’hui, en termes d’augmentation de la population et d’emploi. Le grand corridor aéroportuaire de Roissy qui est un puissant moteur de développement économique est en dehors de la métropole. La Région est multipolaire et les besoins ne sont pas homogènes au sein de l’Ile-de-France. Oui, je veux les Jeux Olympiques et je veux que nous réussissions. Réussir notre candidature, c’est une opportunité formidable pour construire et réaffirmer notre identité francilienne. Réussir à fédérer autour de ce projet, c’est vaincre la morosité et le pessimisme dont certains nous accablent. Réussir, c’est prouver, aux autres et à nous-mêmes, que nous avons réussi à entrer dans le nouveau monde et faire entrer l’Ile-de-France dans le XXIème siècle. Réussir, c’est enfin montrer, 100 ans après les Jeux Olympiques de 1924 de Paris, que nous avons compris et su concrétiser ce Grand Paris région capitale dont nos prédécesseurs avaient su esquisser la logique. Les jours qui viennent seront décisifs. Je suis, plus que jamais, pour sortir des promesses et pour entrer dans le temps des réalisations. *** Voilà ce que j’avais sur le cœur, voilà ce que je voulais partager avec vous. Levons la tête, quittons nos graphiques et nos pourcentages et écoutons cette musique, la musique des cœurs des Franciliens. Ecoutons-la cette musique !
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La République ne s’est pas construite sur des tableaux de lignes budgétaires. Ce n’est pas un groupe de travail qui a pris la Bastille ! La République est née d’un rêve populaire qui s’est imposé à tous les raisonneurs, à tous les raisonnables, à toutes les raisons ! Puisons dans le sentiment des Franciliens, dans leur enthousiasme populaire indissociable de cette grandeur qui colle à la France comme l’atmosphère colle à la Terre ! Oui, j’ai parlé d’âme et de gloire, car c’est avec ces aspirations d’âme et de gloire que tous les malheureux de la Terre ont regardé Paris et sa Région, tant de fois dans l’Histoire du monde. L’Olympisme n’est pas né pour divertir les Grecs anciens, il est né dans la civilisation qui a aussi inventé la philosophie, la démocratie, l’Histoire et le peuple souverain ! Que cette Région, que cette terre fertilisent encore une fois l’enthousiasme de ses enfants, leurs émotions collectives et leurs désirs de lauriers. Souvenons-nous de ce que les hommes peuvent faire, peuvent accomplir. Au stade, citoyens ! Je vous remercie.
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