Diner de Gala du Projet Aladin Hôtel de Lassay 12 juin 2014 *** Madame la Ministre, Garde des Sceaux, Monsieur le Chancelier fédéral, M. Gerhard Shröder, Mesdames et Messieurs les Ministres, Madame la Vice-Présidente, Mme Bariza Khiari, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames, Messieurs, C’est avec un immense plaisir que je vous retrouve ce soir, pour votre deuxième dîner de Gala organisé à l’Assemblée nationale, et c’est toujours avec la même émotion que je m’exprime devant vous. *** Depuis novembre 2012, date à laquelle l’hôtel de Lassay a accueilli votre premier dîner, de tristes nouvelles sont venues rappeler combien les efforts que vous déployez pour construire le dialogue, en particulier entre Juifs et Musulmans, Page 1 sur 8
sont importants, indispensables. Ils doivent continuer d’être soutenus et encouragés. Il y a d’abord des statistiques inquiétantes. Elles révèlent l’augmentation des actes racistes, antisémites et islamophobes. C’est le cas ici, en France, mais aussi ailleurs en Europe et dans le monde. Le Collectif contre l’islamophobie en France a par
exemple
dressé
une
carte
effrayante
des
actes
islamophobes, allant de l’insulte à la profanation de cimetières, en passant par l’agression physique. De même, le Bureau de vigilance contre l’antisémitisme veille et nous alerte très régulièrement. Derrière la froideur des statistiques, il y a l’expérience bien concrète et douloureuse de certains de nos concitoyens. Ils sont nombreux à avoir dû, un jour, affronter la peur de leurs compatriotes, la discrimination, la suspicion injustifiée, et la violence parfois. En
écho
à
l’actualité
internationale
brûlante,
aux
incompréhensions et aux peurs qu’elle suscite dans les opinions publiques, mais aussi en réaction à la crise et à la pauvreté grandissante qui gagnent l’Europe, il y a aussi le raidissement, le repli identitaire, et le renfermement sur soi. Ils Page 2 sur 8
ont des prolongements idéologiques et des conséquences politiques bien réelles. C’est vrai en Israël et dans le monde arabo-musulman, c’est également vrai en France et en Europe. Enfin, comme l’expression ultime de ces peurs enfouies, comme le résultat des discours de haine qui les entretiennent, il y a les agressions, les tueries, les assassinats. Nous pensons tous, bien évidemment, à la tragique fusillade au musée juif de Bruxelles, le 24 mai dernier. Dans cet acte terrible, l’on retrouve l’hystérie de notre temps, illustrée par la folie d’un jeune homme de 29 ans. Ce jeune homme est devenu assassin, parce qu’il s’est cru investi d’une double mission que lui-seul saisit. Celle de combattre en Syrie, loin des siens, pour un projet qui lui échappe, puis de revenir, chez lui, s’en prendre à ses propres voisins. Tous ces signaux pourraient faire sans cesse reculer l’espoir d’une société apaisée. L’Assemblée nationale est mobilisée. Pour défendre les valeurs que nous avons, vous et nous, en partage. Mais aussi Page 3 sur 8
parce que la cohésion nationale et l’unité du peuple français sont menacées. Les conflits d’aujourd’hui, si lointains soient-ils, ont une résonnance intérieure qu’il faut regarder en face, pour mieux l’affronter. C’est à cette seule condition que nous pourrons combattre les radicaux et les obscurantistes de tous bords. Ils instrumentalisent les images désolantes qui nous viennent de l’extérieur pour diviser les Français, les monter les uns contre les autres, les mobiliser pour des causes qui ne sont pas les leurs, inventer des coupables. Ils veulent ancrer en France, et en Europe, l’idée selon laquelle la diversité culturelle serait un danger, un amas de divergences insurmontables. Pour contrer leur activisme, nous nous devons d’être unis, et d’afficher notre unité avec force et clarté. *** Fort heureusement, il y a, dans cette actualité tourmentée, des initiatives originales, louables et courageuses. Le projet Aladin en est une. Et il y a ces centaines de personnalités qui vous soutiennent, tout autour du pourtour méditerranéen et au-delà. Page 4 sur 8
Vous qui traduisez Primo Levi en arabe et faites lire Si c’est un homme à Casablanca, le Caire, Bagdad et ailleurs. Vous qui soulignez combien, en dépit des oppositions que certains veulent dresser, les religions juives et musulmanes sont proches et semblables dans ce qu’elles ont de plus fondamental. Vous qui rappelez que l’un des plus grands ambassadeurs de l’art et de la culture islamique aujourd’hui est M. Nasser David Khalili, qui est à la fois juif et iranien, et qui nous fait l’honneur de sa présence ce soir. Vous qui avez réuni à Istanbul, l’été dernier, des chercheurs et des étudiants issus des deux rives de la Méditerranée, pour les faire réfléchir à l’histoire qu’ils ont en commun et à l’avenir qu’ils souhaitent construire ensemble. Je me réjouis que certains d’entre eux soient récompensés tout à l’heure et je les félicite. En appelant l’histoire, la connaissance et la science au secours, vous aidez les jeunes des deux rives à redécouvrir ce qui fait la Page 5 sur 8
richesse de leur passé : des sociétés multiculturelles et tolérantes. L’héritage qui est le leur ne doit plus souffrir des drames qui ont traversé le XXème siècle et de ceux qui continuent d’agiter l’espace méditerranéen. Vous avez choisi, pour thème central de cette université d’été à Istanbul, l’expérience européenne au XXème siècle, son expérience des guerres mondiales puis des processus de paix et de réconciliation. Le dîner de ce soir intervient justement alors que nous commémorons la bataille de Normandie, un des derniers épisodes sanglants qu’ait connus notre continent avant de se lancer dans la formidable aventure que fut la construction européenne. J’étais à Ouistreham la semaine dernière. J’ai vu Mme Merkel fouler le sable normand. Et j’ai encore à l’esprit la chaleureuse accolade que se sont donné Léon Gautier, vétéran français du commando Kieffer, et Johannes Borner, vétéran allemand de la Luftwaffe. Ils sont désormais amis. Page 6 sur 8
Outre la lassitude de la guerre et le refus farouche des peuples européens de souffrir de nouveau, il aura fallu quelques esprits visionnaires et quelques hommes volontaires. Ils ont sauvé l’Europe. Ils ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui : un acteur majeur pour la promotion de la paix à travers le monde, rôle que le comité norvégien du Prix Nobel lui a très justement reconnu en 2012. Je forme le vœu que le Moyen-Orient connaisse la même destinée. Nous nous souvenons tous de la vive poignée de main que se sont échangé MM. Yitshak Rabin et Yasser Arafat il y a un peu plus de vingt ans maintenant. La semaine dernière, réunis au Vatican, ce sont MM. Shimon Peres et Mahmoud Abbas qui se sont serré la main et ont ensemble prié pour la paix. Le chemin à parcourir est encore long, mais l’espoir est permis. Je forme le vœu que la société civile et le monde académique, que vous représentez, continuent d’avancer dans le sens du rapprochement, du dialogue et de la paix.
Page 7 sur 8
Je forme le vœu que la paix au Moyen-Orient puisse être le résultat de dynamiques engagées par le bas, susceptibles d’inspirer les gouvernements et la communauté internationale dans son ensemble. *** Ce soir, vous l’aurez compris, comme il y a un an et demi, c’est donc avec beaucoup de bonheur que je vous réaffirme mon soutien. L’heureux constat que je fais, c’est que nous sommes sans cesse plus nombreux à vous soutenir. Puisse l’espoir que cela suscite continuer de croître, grâce à l’engagement de chacun d’entre vous, et puissent les poignées de main se multiplier. Je vous remercie.
Page 8 sur 8