Eloge funèbre de Jean-Pierre Fougerat

Discours de M. le Président Eloge funèbre de Jean-Pierre Fougerat Eglise de Couëron, mercredi 25 février 2015

Monsieur le Premier Ministre, Madame Fougerat, Mesdames et Messieurs, Jean-Pierre Fougerat est parti. Tant de ses concitoyens sont aujourd’hui orphelins.

Au nom de la représentation nationale, j’adresse mes plus sincères et plus solidaires condoléances à sa famille, à son épouse Jacqueline, à ses deux enfants Maud et Christophe, à ses deux petits-enfants, dont il a eu le bonheur de voir les prémices de la vie, Margaux et Hugo.

Jean-Pierre nous manque, nous manque déjà. Nous pensons bien entendu à tous les Couëronnais, qu’il aimait tant.

Il incarnait cette ville, cette ville des bords de Loire, cette ville où la Loire devient un estuaire, cette ville où le fleuve des Rois de France, las des châteaux merveilleux et des îles sablonneuses, se prépare à la grande aventure de l’Océan.

Jean-Pierre Fougerat était maire de Couëron depuis longtemps, depuis vingt ans. L’ancien maître-nageur était un élu local comme les Français les aiment, une personnalité politique qui fait aimer, justement, aimer la politique.

Maire de Couëron, conseiller général du canton de Saint-Etienne-de-Montluc, vice-président de Nantes Métropoles, il était devenu député de la Nation en

2012, quand son ami Jean-Marc Ayrault fut appelé à la tête du gouvernement.

Or, de ce Jean-Pierre député, je tiens à en dire deux mots. Certes, cet élu de terrain était apprécié de chacun de ses administrés. Sa commune, sa métropole, son canton, son département, ils les aimaient du fond du cœur et les défendaient, les servaient avec l’énergie de la passion. Mais, quand l’Histoire de France sonna à sa porte, il ne se défila pas. Quand on est député, on est élu par une circonscription, mais on sert la Nation. Cette Nation, cette République, quand elles appelèrent Jean-Pierre à leur service, elles le trouèrent prêt, disponible, ardent et sans faiblesse.

Il choisit, à l’Assemblée nationale, la commission de la Défense nationale et des forces armées.

Bien entendu, d’avoir été l’élu de la terre de DCNS le prédisposait à l’expertise de ces sujets. De ce groupe de construction, de conception militaire de navires, de sous-marins, de services pour les énergies marines, il connaissait toute la dimension stratégique, mais surtout la dimension humaine. Cette industrie militaire s’inscrit dans l’Histoire de France la plus glorieuse et la modernité la plus innovante. Les pieds dans le rêve naval français de Richelieu, de De Gaulle, Jean-Pierre construisait par son action, par sa pensée l’avenir d’une filière qu’il voulait voir digne de son exigence, respectueuse de ses valeurs, forte de sa vigueur.

Expert de cette industrie, il développa à l’Assemblée nationale une vision nationale d’une ampleur dont tous les Français profitèrent. Très vite, et sans relâche durant les deux années où il nous fit l’honneur de sa présence, il se distingua par des questions, des propositions, des analyses sans concession, claires, lucides et constructives, sur tous les sujets qui intéressaient la République.

Sur les otages au Sahel, sur l’espionnage de la NSA, sur le moral des troupes de l’armée française, sur l’état et l’efficacité des hôpitaux militaires, sans

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violence, sans ressentiment, avec la rigueur et la bienveillance des vrais et des grands législateurs, il déconstruisait puis reconstruisait pierre après pierre la politique de nos idéaux. Il avait un idéal sans dogmatisme ; il avait un pragmatisme sans relativisme.

Jean-Pierre était un homme charmant, très aimé, très apprécié.

Tout le monde vous le dira. Ses collègues députés bien entendu, mais aussi les collaborateurs

du

groupe

socialiste,

les

secrétaires,

les

assistants

parlementaires, les huissiers et les administrateurs. Tout le monde insistera sur l’homme charmant que l’on voyait défendre ses convictions avec humilité, mais avec certitude, avec foi. Il aimait la force de conviction, mais il aimait l’union. Il proposait, il argumentait, il n’épargnait aucune énergie dans la joute oratoire, mais quand son parti, son groupe, ses amis votaient, il prenait l’étendard et partait le premier au commun combat.

Car il savait, cet homme de transformation, cet homme d’amélioration, que si la singularité permet le jaillissement de l’idée, c’est l’union qui permet sa victoire, c’est l’union qui permet son triomphe.

Et c’est cette synthèse humaine admirable que je retiendrai, que tout le monde, au Palais-Bourbon, retiendra : cette synthèse humaine si rare d’un être à la fois très chaleureux et très digne. De cette chaleur qui n’est d’aucune vanité, et de cette dignité qui n’est d’aucun effacement. Oui, on peut convaincre sans être présomptueux. Oui, on peut impressionner sans être distant. C’est ce que Jean-Pierre Fougerat incarnait, la conquête tranquille, sereine et affable. Dans ce monde politique si dur, si âpre, si concurrentiel, on le voyait avec plaisir, on l’écoutait avec attention, on était convaincu naturellement. Que la politique est noble quand elle est inspirée par une telle voix, ni feinte ni criarde, ni éteinte ni roublarde ! Que la politique est noble quand elle est servie par de telles âmes ! Que la politique est noble quand elle

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est incarnée ainsi par une personne qui représentait la confiance, l’espérance, donc la puissance.

Jean-Pierre était l’élu des gens, l’élu des gens qui travaillent, des gens qui souffrent.

Il avait la volonté farouche de voir le lendemain empreint de davantage de justice que le jour d’avant. On le savait redoutable car derrière son regard tranquille, on connaissait le désir inébranlable de liberté et d’égalité.

En cela, il incarnait cette terre de l’estuaire. En cela, il incarnait une certaine idée de la France et de la République. Cette idée, on ne le sait toujours pas assez, elle est née là, sur cette terre, à l’endroit exact où nous nous trouvons aujourd’hui.

En 1785, quatre ans à peine avant la prise de la Bastille, les seigneurs des alentours de Nantes interdisent aux paysans du lieu de faire paître leurs troupeaux sur les biens communaux. En juin 1785, plus de mille habitants de Couëron, oui, de cette ville, s’attroupent avec des fusils, des faux, des bâtons et escortent leurs bétails sur les terrains communs. Les troupes des seigneurs les menacent de violence et même d’exécution. Eux répondent, tout simplement, qu’ils sont là, je cite, « pour défendre leurs droits ». La maréchaussée arrête leur leader, un certain Rondeau, mais les esprits ne se calment pas. Non, ils voulaient simplement « défendre leurs droits ». Sans violence, ils voulaient juste vivre, travailler et aimer leur terre, dans la justice, la liberté et l’égalité.

De cette force tranquille, une Révolution naquit. De cette force tranquille, Jean-Pierre Fougerat fit une doctrine de vie politique et d’action publique.

De cette simple idée, simple comme un commandement, fertile comme un grain que l’on sème, il fit plus qu’une maxime, plus qu’un slogan, il fit un agenda quotidien, « défendre vos droits ». Jean-Pierre, toute sa vie publique,

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jusqu’à la dernière seconde, voulut défendre vos droits, défendre nos droits à tous.

A nous tous qui vivons ensemble dans des villes et des villages, au bord des fleuves comme au creux des vallons, Jean-Pierre nous rappelait que nous avons des droits. De cette Loire-Atlantique à l’Alsace, comme des Ardennes aux Pyrénées, il avait raison, nous avons des droits. Des droits à une vie digne, des droits à un pays prospère, qui produit, qui construit, qui prend des risques, qui n’a peur d’aucune conquête. Mais des droits, aussi, au partage, à la solidarité, à l’attention, à l’écoute et, quand il le faut, à l’assistance, à l’aide publique, au service public, à la main tendue.

Ces droits inaliénables, l’action de Jean-Pierre nous rappelait incessamment qu’ils ne sont pas acquis une fois pour toute. Au Parlement comme à Nantes, au bord de la Loire comme au bord de la Seine, au seuil de l’Océan comme au seuil de ce nouveau millénaire, Jean-Pierre nous rappelle qu’il faut se lever, se battre, convaincre et vaincre pour les maintenir, pour les sauvegarder, pour qu’ils demeurent les droits du peuple, les droits des travailleurs, les droits des familles, les droits des humbles, les droits de tous.

Merci cher Jean-Pierre, merci cher camarade, nous continuons ton action, nous continuons ton combat. Tant que nos cœurs battront, tu vivras en eux, tu vivras en nous.

Au revoir Jean-Pierre.

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