Discours du Président Claude Bartolone France Mutualiste Remise du 11e prix Grand Témoin 28 novembre 2013 – 19 h
! Monsieur le Ministre, Monsieur le Chef d’Etat Major des Armées, Amiral, Messieurs les Officiers généraux, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Je suis heureux de recevoir aujourd’hui à l’Hôtel de Lassay France Mutualiste, cette honorable institution de solidarité, qui approche ses 90 ans, puisqu’elle a été créée en 1925. Par cet accueil, je voudrais rendre hommage au travail réalisé par cet établissement, qui ne se contente pas de gérer la retraite mutualiste du combattant et les droits à reconnaissance des anciens combattants, mais joue aussi un rôle irremplaçable de proximité entre nos anciens combattants en créant un lien social permanent et intense avec plus de 200 000 familles. Je sais à quel point votre action est utile pour eux. Mais France Mutualiste s’est également donné pour mission la transmission de la mémoire à travers ce prix littéraire qui chaque année récompense un auteur qui témoigne de notre histoire contemporaine. Le millésime imposait la mémoire de la Grande Guerre. Près de 500 ouvrages sortent actuellement des presses sur ce thème, c’est dire s’il y avait encore matière. Décrire cette tragédie européenne est très difficile tant elle contient de centaines de milliers de drames individuels dont beaucoup resteront méconnus. Dans chaque guerre, il y a aussi des tragédies dans la tragédie. Je pense que la Nation ne peut trier entre ses morts. Certains jugeront sans doute que l’hommage qui doit être rendu à ceux qui ont perdu la vie par le feu ennemi ne peut être le
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même que pour ceux qui l’ont perdue autrement. Cette approche consisterait aussi à trier entre ceux qui sont morts sous la torture après ou sans avoir parlé. Le moment est venu de clore ce chapitre sanglant de l’Histoire de notre Nation et que la France rende hommage à l’ensemble de ses fils perdus. Pour le malheur de cette jeunesse, cette guerre s’est située à la charnière de deux périodes de l’Histoire : la culture de stratégie militaire du XIXe siècle et les nouvelles technologies d’armement du XXe. Cette funeste rencontre est pour moi illustrée par une date et un chiffre que chacun doit méditer : c’était un samedi d’été : le 22 août 1914. Ce jour-là 27 000 jeunes Français furent tués, quatre fois plus qu’à Waterloo et autant que les 8 ans de la guerre d’Algérie. Quand on songe à ce chiffre, on se dit que transmettre la mémoire et travailler à la compréhension des peuples est un devoir sacré. Au-delà du salut dû à nos morts et à tous les autres, car tous ont souffert dans leur chair ou dans la destruction de leur famille, au-delà du salut dû aux femmes de l’arrière qui ont assuré le travail de la terre et le fonctionnement des usines, il nous faut évaluer sur le plan historique ce conflit fondateur de ce que fut le XXe siècle. Ce fut le premier conflit mondial de l’histoire puisque toutes les grandes puissances militaires de l’époque y furent impliquées. Ce fut la plus grande guerre symétrique de l’histoire, suivie du conflit entre le Japon et la Chine, puis la guerre en Europe de 40 à 45, puis la terrible guerre du Pacifique. Aujourd’hui ces conflits ne pourraient pas se reproduire. Par l’existence de sa force de dissuasion au bon niveau de suffisance, la France participe à l’équilibre stratégique général, ce qui interdit une nouvelle guerre mondiale. Nous pouvons en être fiers pour notre pays. La guerre de 14-18 eut aussi des conséquences politiques majeures. Pour neutraliser la Russie, les services secrets allemands firent transiter, par un train de nuit entre la Suisse et SaintPetersbourg, Lénine et ses camarades.
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Celui-ci n’eut qu’à cueillir le tsar et sa cour en son palais d’hiver et construire un système politique totalitaire qui régna sur la moitié de la planète pendant les ¾ du siècle. Presque simultanément, le traité de Versailles, signé par des alliés qui ne voulaient pas l’appliquer, imposait à l’Allemagne des conditions humiliantes qui, crise économique aidant, ouvrit à Hitler la voie du pouvoir et l’instauration d’un autre régime totalitaire qui devait être englouti par sa folie. Le monde faillit sombrer une troisième fois dans le chaos. L’existence de l’arme nucléaire et la clairvoyance historique de Monsieur Gorbatchev permirent de mettre fin au communisme, en tant que système et en tant qu’empire, sans qu’une goutte de sang ne soit versée. L’Histoire aurait pu aboutir au même résultat avec des millions de morts. Ainsi s’est clôt ce XXe siècle, commencé par la guerre de 1418 jusqu’à la disparition de l’URSS en décembre 1991. Le XXIe siècle s’est ouvert avec le 11 septembre et ses guerres asymétriques et régionales. On peut penser sans verser dans un optimisme aveugle, qu’après les grands séismes du XXe siècle, des répliques de moindre intensité permettent aux régions de trouver leur équilibre géo-politique. C’est une approche possible des crises du Moyen-Orient, de l’Afrique et de la mer de Chine. Nous pouvons maintenant raisonnablement espérer qu’elles trouvent leurs solutions sans entraîner de conflit planétaire. En tout cas, la compréhension du mécanisme qui entraîna la grande guerre, l’analyse de son déroulement, la critique de son dénouement sont un ensemble de connaissances irremplaçable pour la construction de notre avenir collectif. C’est pour cette raison particulière que je voulais saluer votre démarche. Connaître pour comprendre, comprendre pour prévoir, prévoir pour décider, il y a un continuum entre le travail de l’historien et celui du responsable politique. L’ensemble des ouvrages qui traitent de la guerre 14-18, qu’ils soient anciens ou récents, sont donc extrêmement précieux pour irriguer la pensée stratégique.
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Vous avez présélectionné 14 de ces ouvrages. Chacun de leur titre invite à la lecture. Je salue le jury dont la qualité rend les choix légitimes malgré la difficulté de la tâche. Merci, Monsieur le Président, merci Général, pour ce travail utile à la France. Vive la 11e édition du prix Grand Témoin. Bonne continuation à France Mutualiste. Merci à tous.
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