l’information professionnelle du monde politique - Septembre 2013 - N°174
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Interview de Claude Bartolone
Une liberté de parole à la tête de l’Assemblée
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rendre ses marques, suivre une cadence soutenue, établir des règles de transparence, tout en adoptant une liberté de ton qui tranche avec la pratique de ses prédécesseurs : en endossant le rôle de président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone s’est façonné un poste sur-mesure. Pas toujours du goût des membres de son parti, mais un parti-pris indispensable, selon lui, pour un hémicycle dont le rôle « ira croissant dans les années qui viennent. »
de mauvaises habitudes en Ve République : celles d’un Parlement godillot, d’une simple chambre d’enregistrement des desiderata de l’exécutif. Ce temps-là est révolu et je suis même convaincu que le rôle de l’Assemblée ira croissant dans les années qui viennent avec la perspective du non-cumul. Le président de la République a mis beaucoup de soin à réaffirmer que la France est une démocratie parlementaire. Je marche sur la ligne qu’il a tracée. Quant à mes prises de position, vous m’accorderez qu’elles n’auront pas été inutiles à la France ! Bruxelles nous a accordé deux ans de plus pour atteindre l’objectif des 3% de déficit ; le non-cumul a été voté à l’Assemblée dans un calendrier qui ne provoquera pas la mini-dissolution qu’aurait engendrée une application dès 2014 ; nous avons adopté l’un des textes les plus en pointe d’Europe en termes de transparence et de contrôle sans pour autant sombrer dans la démocratie paparazzi ; et la confrontation avec les conservateurs européens est devenue la ligne de la France en Europe. Je l’ai dit bien avant la Rochelle – c’était à Frangy le 18 août – cette année doit être une année d’unité totale. L’unité, ce n’est pas le silence ou la flagornerie. L’unité, c’est apporter au collectif ses idées et son engagement.
Votre liberté de ton a surpris lors de cette première année d’exercice, vous avez pris en quelque sorte le rôle de « poil à gratter » au sein de la majorité. Vous avez fait entendre vos divergences de vue sur l’objectif de 3% de déficit, le non cumul des mandats, la relation avec l’Allemagne, la transparence sur le patrimoine des élus... Mais en cette rentrée, lors de son discours de clôture à l’université d’été du PS, Jean-Marc Ayrault a demandé à la majorité de serrer les rangs. Vous êtes-vous senti concerné par cette remarque ? Quel doit être le rôle du président de l’Assemblée nationale, selon vous ? Je veux être utile à la réussite du quinquennat et à la réélection de François Hollande en 2017. Si j’ai été élu par mes pairs, c’est pour que l’Assemblée nationale prenne toute sa part au changement en marche, pas pour présider un club de supporters. On a peut-être pris
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La transparence est votre cheval de bataille à l’Assemblée. Avec votre arrivée à la tête de l’Assemblée nationale et celle de Jean-Pierre Bel au Sénat, le fonctionnement de la réserve parlementaire a été remis à plat. Êtes-vous satisfait de cette première année écoulée ? Que reste-t-il à faire ? Au printemps, vous avez exprimé votre désaccord concernant la publication du patrimoine des élus. Où s’arrête la transparence, pour vous ? Les projecteurs médiatiques se sont braqués sur une question tout à fait périphérique : faut-il ou non rendre publics le compte en banque, la superficie du logement ou le nombre de petites cuillères que possèdent les élus de la République et leurs familles ? Ce débat, mal mené, a occulté la grande loi qui vient d’être votée et qui fait de la France un des pays les plus avancés d’Europe en termes de transparence et de contrôle. Il a aussi occulté le travail considérable qui a été fourni par l’Assemblée nationale depuis un an. Rendez-vous compte, en à peine quelques mois, nous avons conduit des réformes jusque-là jamais menées sous la Ve République. Le budget de l’Assemblée est gelé pour tout le temps de ma présidence, j’ai réduit mon indemnité de 30%, la réserve parlementaire a été égalisée entre tous les députés
Septembre 2013 l la revue du trombinoscope
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et son attribution est intégralement publiée à la fin de chaque exer exercice budgétaire, la Cour des comptes certifie désormais nos comptes, l’indemnité de frais de mandat des députés a été réduite de 10%, le rapport Sirugue nous permet de réguler l’activité des lobbys… Tout cela a été possible grâce à la méthode et à la philosophie qui ont accompagné ce travail. Nous avons pris le temps de débattre, sereinement. Et surtout j’ai voulu que notre travail s’inscrive – et je le disais dès septembre 2012 – dans la ligne de conduite « ni immobilisme, ni populisme ». Cela a porté ses fruits : toutes ces avancées ont été acceptées à l’unanimité des groupes politiques. C’est avec le même état d’esprit que j’aborde ce début de session.
leurs salariés, leurs conditions de travail, leur vie. L’entreprise, c’est un bien commun. N’oublions pas enfin le grand sujet qui devra irriguer cette année : la question européenne. Depuis l’élection de François Hollande, la petite musique européenne de l’austérité à tous crins s’éloigne. Il nous faut accélérer encore pour faire de l’Europe non plus une institution d’experts comptables fouettards mais le levier de la solidarité et des grands investissements d’avenir.
Retraites, chômage, budget, justice... de gros dossiers attendent les parlementaires à la rentrée. Vers quoi se portent vos préoccupations ?
Moi, j’en ai surtout ras-le-bol du chômage parce qu’il ronge la confiance dans notre pays. Je refuse de céder à la facilité du discours antifiscal. « Impôt », ce n’est pas un gros mot. C’est la fiscalité qui finance les infirmières, les profs et les policiers. L’enjeu est surtout de faire en sorte que les Français en aient pour leur argent, c’est-à-dire des services publics de qualité partout. En revanche, je suis convaincu qu’une pause fiscale est indispensable. Les Français doivent pouvoir voir au-delà de la fin du mois et les entreprises se projeter dans l’avenir. Pour cela, la France a besoin de stabilité fiscale. J’ai prévenu dès la mi-août. Budget, PLFSS, retraites : rien ne serait pire que d’appliquer aux Français la triple lame impôts, taxe, cotisations. La pause fiscale annoncée par le président de la République doit maintenant se faire ressentir rapidement et concrètement dans la vie des Français.
L’unité, ce n’est pas le silence ou la flagornerie. L’unité, c’est apporter au collectif ses idées et son engagement
D’une certaine manière, c’est la preuve que le Parlement est de retour ! Nous avons beaucoup travaillé, beaucoup débattu, beaucoup voté et beaucoup évalué. Plus que jamais, l’Assemblée nationale s’est conduite en cœur battant de la démocratie. Mais, pourquoi ne pas le dire, il est arrivé que le Gouvernement confonde vitesse et précipitation. Le débat parlementaire, ce n’est pas « à la bonne franquette ». Il faut donner du temps au Parlement. Le temps d’améliorer, le temps de rendre la loi plus proche des Français. Il faut faire confiance aux élus du peuple plutôt qu’à la technostructure pour entendre et relayer les attentes des Français. © Flickr
salariés, des jeunes, des retraités, des demandeurs d’emploi. Confiance aussi des entreprises. La France doit renouer avec l’esprit d’entreprendre et avec le goût du risque. Et ça commence par la valorisation de nos entrepreneurs. Je dis entrepreneurs, je ne dis pas rentiers. La France est fière de ses entrepreneurs, de ses artisans, de ses commer commerçants, de ses patrons de TPE, PME, de ses capitaines d’industries, ceux qui créent de la richesse, ceux qui innovent, ceux qui respectent
Le rythme des sessions à l’Assemblée nationale comme au Sénat a été très soutenu cette année, doit-on continuer à cette cadence ?
la revue du trombinoscope l Septembre 2013
© Photos Agence Oblique, Delphine Coutant
L’an passé, nous nous sommes efforcés de réparer le pays que nous avons trouvé. 600 milliards de déficits, une compétitivité et une croissance en berne, une école à l’abandon, un chômage de masse… Nous avons donc posé les fondations du quinquennat avec l’effort de réduction de la dette, le CICE, la BPI, la refondation de l’école, les contrats de génération et les emplois d’avenir. En cette rentrée, nous devons parler plus et mieux aux Français. Dans toutes les réformes qui viennent, je serai particulièrement attentif à l’effet emploi et à l’effet pouvoir d’achat. Chacun de nos gestes devra être orienté vers ces deux éléments. C’est une question de justice sociale, mais c’est aussi un formidable levier de consommation, et donc d’investissement et de croissance. Il nous faut rétablir la confiance dans le pays. Confiance des
En cette rentrée, de plus en plus de voix s’élèvent pour faire entendre le « ras-le-bol fiscal » des Français. Trop de cotisations, taxes, impôts... Est-ce une crainte que vous avez ? Qu’attendez-vous du Gouvernement sur ce plan ?
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