La face cachée de la pige

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Journalistespigistes Au Québec, un journaliste sur quatre travaille à la pige. Alors que ce genre de travail peut sembler flexible et agréable, la réalité des conditions de travail crée une situation précaire et instable.

La face cachée de la pige Andrea Zoellner

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u Québec, un journaliste sur quatre travaille à la pige. Alors que ce genre de travail peut sembler flexible et agréable, la réalité des conditions de travail fait de la pige une situation précaire et instable.

plus grande rentabilité sans devoir se justifier en ce qui concerne la Loi sur les normes du travail du Québec (LNT), laquelle omet des clauses concernant les travailleurs indépendants exploités par les entreprises de presse.

Droit au but Pour les jeunes journalistes qui tentent tant bien que mal de se faire un nom dans un paysage médiatique saturé, le travail à la pige est souvent une nécessité en début d e c a r r i è r e . To u t e f o i s , l e t r a v a i l indépendant laisse place à une situation dʼembauche précaire qui bafoue fréquemment les droits fondamentaux de la propriété intellectuelle.

Avantages sociaux Être journaliste autonome, cʼest-à-dire vendre ses services à différents médias nʼest certainement pas garant de stabilité. Afin de tirer un maximum de profit, une publication aura recours à plusieurs travailleurs à la pige, limitant le nombre dʼemployés salariés. Les employés à temps plein ou partiel entraînent des coûts additionnels à travers les avantages sociaux que doivent offrir lʼentreprise et qui constituent 35% des dépenses salariales. Ces stratégies de gestion permettent une

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Dès son embauche, un journaliste salarié cède les droits de publication de son travail à son éditeur. Le journaliste à la pige garde ce droit toutefois. Selon la loi canadienne sur le droit dʼauteur, il est considéré un auteur, et ne vend que les droits à la première publication. Toute parution ultérieure mérite une rémunération additionnelle ainsi que de nouvelles négociations. À cause de la concentration de la presse, les textes des journalistes se voient réutilisés sur plusieurs plateformes sans leur consentement et sans aucune rémunération supplémentaire. Les éditeurs, en posant un tel geste, diminuent le revenu des pigistes, qui ont déjà de la difficulté à se faire payer raisonnablement. En effet, depuis les années 1970, les tarifs des journalistes indépendants nʼont guère augmenté, malgré lʼinflation. Selon des études réalisées par la Professional

Mai 2009 | TRENTE

Writersʼ Association of Canada (PWAC), le statu quo des tarifs égale, si lʼon prend en considération l'inflation, à une baisse nette de revenu de 163% en 30 ans.

Il faut négocier La valeur dʼun feuillet, cʼest-à-dire 1500 caractères imprimables, est négociable. Toutefois, les nouveaux pigistes nʼosent pas trop exiger lorsquʼils débutent. Cʼest dʼailleurs le piège dans lequel ils tombent, offrant du travail quasi bénévole. Un feuillet vaut à peine 100$ en moyenne, ce qui rend impossible le fait de vivre de sa plume. Lʼétat de leur rémunération oblige les pigistes à recycler leurs idées, à faire plusieurs articles rapidement et à éviter les sujets qui nécessitent beaucoup de recherche. Nicolas Langelier, président de lʼAssociation des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), déplore cet aspect du journalisme indépendant actuel : « Les pigistes manquent de temps pour faire un travail de qualité. Parfois, ils tournent les coins ronds sur certaines choses. Ils évitent les reportages fouillés et les enquêtes, car ces types dʼarticles prennent trop de temps à produire et ne leur rapportent pas assez.


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