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SUBSISTANCES Clément Gérardin
La Zone. La périphérie le lieu son caractère. Saisir un fragment de son essence ou l’inventer. Tenter de clarifier le monde de voir clair dans sa substance se laisser saisir par l’agencement parfait et éphémère de l’instant. Marcher en quête... de quoi ? D’un lieu d’une scène d’un théâtre ? Se débarrasser du corps pour mieux habiter l’espace. Partir à la recherche de ces lieux construits un jour dans un but précis... Des endroits qui ont été exploités épuisés avant d’être abandonnés. Partir alors en quête de cette ruine ou presque ruine. Se laisser fasciner par l’abjection. Le lieu épuisé. Voir cette tige d’herbe qui repousse au milieu des vestiges ou l’imaginer. Se projeter vers la destruction. Marcher dans un espace où d’autres ont marchés habités qu’ils étaient par un devoir une fonction... Revenir dans les lieux où les gens bien intentionnés ne vont pas ne vont plus pour quoi faire ? La Zone. Venir flâner là ou les autres travaillent. Là où ils feraient tout pour ne pas passer leur temps libre. Attendre l’instant de silence quand le fourmillement des occupations s’interrompt. Quand l’endroit se vide de ses activités frénétiques et au fond si futiles. Et venir. Observer avec curiosité les outils immobiles les machines froides. Les bâtiments dans lesquels la poussière retombe lentement. Contempler cet endroit fait pour bruire fait pour produire fait pour rentabiliser fait pour rembourser fait pour bâtir fait pour transformer fait pour vendre fait pour creuser fait pour occuper fait pour développer fait pour l’activité... La Zone. Désertée rejetée cachée désavouée. La périphérie...Arpenter la zone avec plaisir par curiosité par nécessité. Qu’en faire ? Qu’en fais-je ? Sentir ces corps qui étaient là qui seront là bientôt. Et réinvestir l’endroit. Y disposer un geste un instant. Chercher de nouveaux contacts de nouvelles formes. Profiter de cette absence de corps utiles pour un instant y placer des corps inutiles. Produire pour un moment un acte artistique dans cet espace laid sale bruyant gris. Cet espace qui détruit cet espace qui se pense utile. Qui m’attire. Qui me répugne. La Zone. L’habiter un instant alors. imaginer un nouveau sens. Danser sur la ruine danser sur ce qui bientôt sera ruine. Sera silence sera oubli. Choisir un endroit. Intégrer le geste dans l’essence du lieu. Suivre la courbe d’une machine, la ligne d’un bâtiment, la rigidité d’un pylône, la tension d’une cheminée, la verticalité d’une usine. Profiter de l’espace pour en faire un outil. S’agripper à un grillage poser ses mains sur le fer graisseux s’arc-bouter contre une barrière métallique une porte un escalier... Chercher la tension... Ou la simuler. Figer ce lieu dans une autre action une autre dimension une autre fonction. Figer le geste. Par l’image. Réinventer l’endroit son identité son usage. S’abstraire de son histoire de son vécu pour mieux le recréer. Ré-imaginer les formes de son architecture comme des lignes des masses des volumes simples. Se les approprier. Parler pour ces formes parler avec ces formes. Sans parler d’elles. Se passionner pour une matière une texture une couleur. L’affrontement du bâti et du végétal du bâti avec le végétal. Comprendre la manière dont il empiète sur la nature l’asservit l’appauvrit la dévore. Rester malgré tout hors du conflit. Constater en spectateur impuissant. Cheminer le long du propos suivre les voies détournées. Mais rester autour. Et finalement ne pas entrer dans le vif du sujet ne pas même sembler s’y intéresser. Pour dire quoi ? Pour dénoncer qui ? Pour émouvoir comment ? La Zone. Ne pas porter cette vérité, ni cette histoire. Peut-être par lâcheté, mais pour quoi faire ? S’écarter de la valeur informative de l’image la prendre comme un dessin un aplat de couleur. Se servir dans ces fragments de réalité rencontrée là ou plus loin. Peu importe après tout. Recomposer un ensemble une suite. Tenter des rencontres de formes d’espaces de gestes. Apposer deux couleurs l’une à l’autre enfermées dans leur cadre respectif. Appuyer des masses les unes par rapport aux autres les unes contre les autres. Construire une structure dans laquelle les images prennent une nouvelle cohérence une nouvelle substance. Mélanger les êtres les temporalités les localités. Mélanger les gestes et les architectures. Mélanger le Sens. Mélanger le Vrai. Inventer de nouveaux lieux. Un nouveau lieu. Mon nouveau lieu : La Zone.
Imprimé à Arles École Nationale Supérieure de la Photographie ©Clément Gérardin
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