Mémoire Clement Oudin TANDEM " l'Architecte et l'Ingénieur "

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-TANDEM -

Clement Oudin

- L’Architecte et l’Ingénieur : Un binome au service du projet d’Architecture -



Memoire de fin d’études Promoteur WITTEVRONGEL Bernard

Lecteur WILBAUX Quentin

Université Catholique de Louvain LOCI TOURNAI

2015 - 2016

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme d’architecte


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KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006 p.213


« Quand un des étudiants avait demandé : Que doit faire un jeune architecte pour reussir ? J’avais repondu : Apprendre l’ingénierie !»1


- Remerciements -


A Monsieur WIttevrongel, mon promoteur pour m’avoir epaulé dans ce mémoire A Monsieur Wilbaux en ayant accepté d’etre mon lecteur A ma famille, qui m’a toujours soutenu dans cette aventure Et à Antoine et Paulette pour leur soutien indéfectible durant cette derniere année de Master 2


- Sommaire -


- Introduction -

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- Partie 1 _ La relation architecte / ingénieur -

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I - Analyse de trois Relations -

A Une relation conflictuelle à l’origine du projet B L’ingénierie au service de l’art architectural C Hybridation de l’architecture et de l’ingénierie

II - Des thèmes récurrents -

A L’outil informatique B L’exploration du matériau C La relation avec l’industrie D L’expression de la structure

- Partie 2 _ Illustration par le travail de Rudy Ricciotti

I - Le Pavillon Noir d’Aix-en-provence -

II - Le MuCEM à Marseille A Le béton fibré à ultra hautes perfomances

B Les passerelles C La resille D L’exosquelette

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112 124 130

144 150 178 184

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- Conclusion -

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- Bibliographie -

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- Iconographie -

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- Introduction -

MĂŠdiateque de Sendai, Ecole Leutschenbach, gare Arhnem central


« Lou, sachez le, l’ingénierie peut exister sans l’architecture mais l’architecture sans ingénierie est impossible »2. Alors que cette phrase a été prononcée par August Komendant s’adressant à Louis Kahn, en 1967, à propos du projet de l’usine Olivetti-Underwood, cette citation n’a jamais eu autant d’écho qu’aujourd’hui. En effet, il suffit de penser à des bâtiments comme la médiathèque de Sendai3, l’école Leutschenbach4, ou encore la gare Arnhem Central5, pour admettre que sans le concours de l’ingénieur, ces édifices n’auraient pas pu être construits. Il apparaitrait dès lors inconcevable que l’architecture contemporaine, telle qu’elle est pensée à travers ces trois exemples, puisse exister sans l’ingénierie. Pourtant, l’architecte est défini comme étant un professionnel diplômé d’une école d’architecture. L’architecte est le maitre d’œuvre de l’acte de construire, et « l’homme de l’art » de la construction : « il conçoit les édifices ou leurs transformations tant sur le plan technique que fonctionnel et esthétique, puis dirige les travaux nécessaires »6. Dès lors, il appartiendrait à l’architecte, et à lui seul, d’envisager une construction, de la concevoir et d’en assurer la bonne exécution. Même lorsqu’il s’agit des aspects techniques de la construction, il lui appartiendrait de s’en charger. Ainsi, lorsque l’architecte fait appel à l’ingénieur, il semblerait à priori qu’il s’agisse uniquement d’un lien de sous-traitance sans nul autre intérêt que celui du calcul de détails techniques et constructifs. A cet égard, l’ingénieur s’apparente à une personne qui a reçu une formation scientifique et technique le rendant apte à diriger certains travaux et à participer à des recherches. Cette définition lui confère ainsi une rôle scientifique limité à des calculs de flèches, de moments et d’épaisseur de dalles. Il est là pour assister scientifiquement l’architecte qui est aussi appelé maitre d’œuvre avec tout le sens que ce terme peut supposer. 10

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2 KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006. p.110 3 Toyo Ito, Mutsuro Sasaki, Sendai , 1997

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Christian Kerez, Dr Schwartz consulting, zug , Zurich, 2009 5

UNSTUDIO, Cecil Balmond, Arnhem, 2015

6

Le petit Dicobat, éditions ARCATURE, RIS-ORANGIS, 1994, p.80


CathĂŠdrale de Florence


Cependant, en réalité, il existe une relation plus complexe entre ces deux acteurs de la construction. Elle pourrait être définie comme étant une situation dans laquelle ces deux personnes sont susceptibles d’agir mutuellement l’une sur l’autre ; leur relation étant un lien de dépendance ou d’influence réciproque. En effet, malgré l’hégémonie des architectes dans le milieu de la construction, de plus en plus d’ingénieurs ont eu tendance à être connus et reconnus pour avoir pris part au processus de création d’un projet bien au delà du seul calcul scientifique de la structure. On se rend dès lors bien compte que la question dépasse la simple interdépendance voire même, selon August Komendant, la condition existentielle de l’une des disciplines par rapport à l’autre. Néanmoins, cette vision d’une séparation entre le rôle de chacun n’a pas toujours été aussi évidente. Au temps de la Grèce antique, la « technè »7 définissait à la fois l’art et la manière ; autrement dit les architectes et les ingénieurs, tels qu’on les conçoit aujourd’hui, n’existaient pas et leurs rôles étaient confondus. On ne connaissait que les bâtisseurs. Quelques quinze siècles plus tard, au temps de la Renaissance, les frontières entre les différentes disciplines restaient toujours aussi floues. En effet, l’exemple de la construction du dôme de la Cathédrale de Florence témoigne de ces limites poreuses entre des fonctions aujourd’hui si distinctes dans l’esprit commun. Ghiberti passait alors du statut d’orfèvre à celui de sculpteur et Brunelleschi passait de l’artiste à l’architecte. D’ailleurs, la solution technique pour la construction du dôme a été imaginée par Brunelleschi lui même, faisant de lui un bâtisseur complet qui dépasse la distinction actuelle entre architecte et ingénieur.

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Techné, mot d’origine grecque qui désigne à la fois l’habilité( savoir faire, connaissance de son métier ) et l’ensemble des régles qui régissent ce savoir : l’art et la science.


Pont Alexandre III, Cassien Bernard et Jean resal, 1890


Toutefois, historiquement, la distinction a été marquée par la séparation de l’art et de la science. En témoigne par exemple l’apparition d’écoles d’ingénieurs, ne serait-ce que la création de l’Ecole nationale des ponts et chaussées en 1747. La technè devient la technique et elle appartient aux ingénieurs. Prenons l’exemple du Pont Alexandre III8 à Paris. Le contraste entre l’ornementation et la sobriété structurale puissante des arcs moulés illustre à merveille le fossé qui sépare l’architecture et l’ingénierie de l’époque. Plus récemment, le modernisme n’a pas su dépasser ce schisme entre l’ingénierie et l’architecture et les architectes ont plutôt tenté de reconquérir la rigueur technique de l’ingénierie en s’inspirant d’emblèmes comme les ponts de l’ingénieur en génie civil suisse Robert Maillart, plutôt que de collaborer directement avec eux. C’est véritablement face aux défis contemporains et aux progrès de la technique qu’il va y avoir une nécessité de collaboration entre l’architecte et l’ingénieur. La rencontre entre Louis Kahn et August Komendant est particulièrement représentative de cette nécessité de penser et de construire ensemble. Cela marque le début d’une nouvelle ère de la relation entre ces acteurs. A cet égard, il parait dès lors intéressant de se concentrer sur l’étude de la relation architecte ingénieur en commençant par la rencontre entre Louis Kahn et August Komendant en ce que celle ci marque, à mon sens,le début contemporain d’une collaboration nécessaire et surtout profitable aux projets.

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8 Cassien Bernard et Jean Resal, 1890


Relativement éloigné des préceptes théoriques de Kahn, l’approche du projet d’architecture de Rudy Ricciotti est fortement marquée par un double cursus architecte/ingénieur. Animé par le goût des chiffres et de la matière, il est guidé vers des études d’ingénieur à Genève qu’il complète avec un diplôme d’architecture à l’école de Marseille. Cette double formation lui permet de parcourir des solutions structurelles innovantes, en ayant une réelle compréhension des structures qu’il conçoit avec les ingénieurs, tout en conservant une approche architecturale. Dans son livre L’architecture est un sport de combat9, l’architecte y prône une architecture où la collaboration entre les corps de métier, et plus principalement avec l’ingénierie, joue un rôle prépondérant. En effet, pour lui, la collaboration des deux acteurs majeurs de la construction est une base de beaucoup de ses projets. Prenons pour exemple la passerelle du Pont du Diable à Gignac où il aura fallu plus d’ingénieurs que d’artisans. Au MuCEM, dans ses poteaux en forme d’os de poulet, il utilise la post contrainte verticale. Selon Marc Mimram, architecte/ ingénieur, les derniers à avoir utilisé cette technique de façon majeure sont August Komendant et Louis Kahn10.

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RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel,

RAMBERT Francis ( dir ), RICCIOTTI ARCHITECTE, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine / Le Gac Press, avril 2013, p. 10


De tout ce qui précède, s’il est évident que l’existence d’une relation architecte – ingénieur est essentielle dans le processus de construction, il est toutefois intéressant de se poser la question de savoir si celle ci se traduit plutôt à travers une confusion des deux disciplines ou de savoir au contraire si, les différences entre les architectes et les ingénieurs ne seraient elles pas tout aussi enrichissantes pour le projet ? Pour ce faire, ce mémoire se structure en deux parties. Dans un premier temps il va s’agir de réfléchir sur la relation architecte/ ingénieur en présentant d’une part les relations de trois ingénieurs avec des architectes qui ont marqué l’histoire de part leur singularité : August Komendant, Peter Rice et Cecil Balmond ; d’autre part en étudiant l’impact de la nature hétérogène de cette relation sur l’univers de l’architecture et la construction ( Partie 1 ). Dans un second temps, on illustrera ces propos à travers l’analyse critique de deux bâtiments de Rudy Ricciotti représentatifs de son architecture et de sa forte relation avec la technique et l’ingénierie( Partie 2 ) : Le Centre Chorégraphique National d’Aix-en-Provence11et le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille12.

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Partie 1 - La Relation architecte / Ingénieur -

Protocole d’Accord entre Architectes et Ingénieurs-Conseils, 1957, page 1


Si dans la construction, la question de l’art et de la science a toujours existé, aujourd’hui cette dernière s’est complexifiée, notamment au regard des avancées techniques et des courants de pensée architecturaux qui se sont succédé. On retrouve d’ailleurs cette idée dans le protocole d’accord entre Architectes et Ingénieursconseils de 1957, dont la première phrase est : « L’art de bâtir est devenu très complexe, de telle sorte qu’un même homme ne saurait posséder toutes les techniques de bâtiments dans tous leurs détails »13. Principalement à partir de la moitié du XXème siècle, on a vu, en effet, une évolution très rapide dans le monde de la construction. On a connu le passage de la technique à la technologie et la multiplication de nouveaux courants tels que le Brutalisme, le Mouvement High-tech ou encore le Déconstructivisme. Il n’existe pas de modèle type de relation architecte/ingénieur. Ces relations peuvent difficilement être théorisées et classées dans une typologie ordonnée et aseptisée. Ainsi, il semble intéressant d’analyser différents binômes ingénieur/architecte, afin de comprendre la nature de leurs échanges et principalement leur impact sur la conception et la construction du projet d’architecture (I.). En outre, lorsqu’on se penche sur les questions posées par la complexité de la relation architecte/ingénieur, plusieurs thèmes récurrents méritent d’être traités et approfondis (II.).

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Bâtiment et travaux publics, n°18, 24 octobre 1957, p. 13.


Cecil Balmond, Peter Rice, August Komendant


- I ANALYSE DE TROIS RELATIONS -

L’évolution de la relation architecte ingénieur est ainsi fonction de l’évolution de la science, des styles et des constructions. Cela dit, il est difficile de parler d’une évolution linéaire et chronologique. En effet, l’étude de la relation architecte/ingénieur est conditionnée à l’étude d’une relation dans son contexte et dans son époque sans que l’on puisse affirmer qu’à l’instar des mouvements architecturaux, les relations ont majoritairement évolué de manière uniforme et dans un même sens. C’est pourquoi, dans ce mémoire, le parti pris est d’analyser trois synergies « architecte / ingénieur » différentes, indépendamment de toute idée de chronologie. D’abord, nous étudierons la rencontre conflictuelle entre Kahn et Komendant qui a été marquée par des techniques de fabrication nouvelles (A.), ensuite, à travers le travail de Peter Rice, nous traiterons d’une relation moins polarisée vers l’architecte (B.), enfin, nous considérerons le travail de Cecil Balmond au travers duquel il semblerait que les projets se pensent nécessairement, dès les premières esquisses, en totale collaboration entre l’architecte et l’ingénieur, ce dernier développant même son propre style (C.).

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AssemblĂŠe nationale du Bengadesh, Dhaka, 1964


A

Une relation conflictuelle à l’origine du projet

1_ Le «quoi» et le «comment» : une séparation stricte de l’art et de la science La distinction entre le « quoi » et le « comment » a été faite par August Komendant14. Il entend par là que le « quoi » est l’idée architecturale, elle appartient naturellement à l’architecte ; le « comment » renvoie à la réalisation, ce domaine appartient à l’ingénieur. Dans la pensée de Kahn, le « quoi » provient de la sensibilité de l’architecte et ne nécessite aucunes recherches scientifique , il est pour les artistes. Mais à contrario, le « comment » demande une maîtrise et un questionnement scientifique. Le « quoi » diffère du « comment » dans le sens où le « quoi » est un « processus créateur »14 et que c’est lui que l’on admirera à la fin d’une construction. Malgré une collaboration étroite entre Kahn et Komendant, théoriquement, on a ici toujours une distinction très marquée entre l’ingénierie et l’architecture. A cet égard, Komendant raconte que Kahn savait lui rappeler cette distinction et cette séparation des compétences et donc des rôles : « Komendant, Vous êtes un ingénieur, vous ne connaissez pas l’architecture »15. De manière très pratique, il semblerait pourtant que la double vision entre le « quoi » et le « comment » permette de faire murir le projet et de le faire murir plus rapidement. En effet, pour le projet de Dhaka (construction de l’assemblée nationale du Bengladesh) par exemple, un ingénieur du cabinet de Komendant était détaché en permanence, aux côtés de Kahn, pour toutes les questions techniques qui se sont posées. Il est vrai que si le projet architectural est en constante évolution, les questions, même purement structurelles, doivent évoluer avec lui. Il semblerait alors qu’il existe une vraie hiérarchie entre le « quoi » et le « comment », du moins en ce qui concerne la relation de Kahn et Komendant.

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KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.49

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ibid, p.119


Première Êglise unitarienne, Rochester, 1963


Dans le récit de Komendant, on comprend rapidement ce qui, pour lui, différencie les ingénieurs des architectes. Pour les ingénieurs, une solution, une fois pensée et calculée est une solution finale, sans avoir besoin de la reconsidérer indéfiniment. Mais Kahn était loin d’être aussi confiant quant à son architecture. La remise en question de ses projets et de ses idées architecturales était une constante dans son travail, ce qui ne facilitait pas le travail du «Docteur»18. En effet pour un changement sur un croquis d’architecture, il faut de nombreuses pages de calcul pour que l’ingénieur puisse repenser la structure en fonction de ce changement aussi minime soit-il. Et si un projet restait en suspens trop longtemps, alors Kahn le re-questionnait, et c’est tout le travail autour de la structure qu’il fallait retravailler. A propos de ce questionnement incessant du projet, Kahn a pu reconnaître que sa première idée était souvent la meilleure. Komendant l’a fait remarquer à propos du projet de l’église de Rochester, première église unitarienne. Pourquoi ? Car selon l’ingénieur, Kahn n’avait pas eu le temps de remettre en question son concept de base et il a donc construit un batiment authentique. A ce titre, il apparait certes difficile de trouver sa place aux cotés de l’architecte Louis Kahn, mais Komendant réussit au fil des années à gagner sa confiance et forger son respect. Leurs compétences, bien que différentes devenaient une réelle source d’inspiration pour le projet d’architecture.

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surnom de August Komendant donné par Louis Kahn


2_ La relation conflictuelle entre Kahn et Komendant façonnant le projet Né en 1906 en Estonie, August Komendant fait des études d’ingénieur dans la ville de Dresde, puis exerce son métier dans son pays natal jusqu’en 1944 quand il part en Allemagne pour travailler pour l’armée américaine. C’est à ce moment là qu’il apprend la technique du béton précontraint. C’est seulement en 1950 qu’il quitte l’Europe pour les Etats-Unis où il vit définitivement jusqu’à sa mort en 1992. « En général les architectes considèrent un ingénieur comme quelqu’un de l’extérieur, rien de tel avec Kahn »19 On pourrait résumer la relation de Kahn et Komendant avec cette citation. En effet, l’architecte et son ingénieur ont tissé au fil des projets une amitié grandissante ainsi qu’un respect mutuel. Ils ont réussi à surmonter les différences entre leur approches dans la conception du projet, très « artistique » pour Kahn et beaucoup plus « pragmatique » pour Komendant Cependant, bien que leur relation, foncièrement amicale, leur ait permis de surmonter leurs différences dans les approches de conception, il n’en reste pas moins que nous pourrions la qualifier de conflictuelle. Etant donné que Kahn possédait des lacunes certaines dans le domaine structurel, Komendant empiétait un peu plus sur le domaine réservé de l’architecte, sans que ça ne plaise à ce dernier. Toutefois, ce sentiment s’évaporait quelques temps après pour laisser place à une véritable gratitude de la part de l’architecte pour l’ingénieur. On peut utiliser le terme de conflit pour décrire la relation de Kahn et Komendant qui renvoie à l’hétérogénéité de leurs visions du projet. C’est de la rencontre des volontés des deux personnages que naissaient les projets ; de la nécessité pour Kahn de poursuivre son idéal architectural de lumière et de silence alors que Komendant, de son côté, se devait de penser la structure et de l’adapter aux volontés de

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KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.22


l’architecte. Cela étant, lorsque les idées de Kahn se trouvaient contredites par un obstacle technique, deux solutions s’offraient à lui : Changer son idée ou adapter la technique à celle ci. C’est notamment ce qui a poussé Komendant à développer les techniques de construction et l’utilisation du béton armé précontraint, sous l’impulsion des idées architecturales de Kahn. C’est sans nul doute ces oppositions permanentes et leurs perfectionnismes respectifs qui ont amené ces deux acteurs de la construction à trouver des solutions saisissantes de virtuosité structurelle et spatiale en poussant toujours plus loin la technique du béton armé précontraint. Le point négatif de cette relation était essentiellement le manque de reconnaissance publique de Kahn vis-à-vis des exploits techniques de Komendant. En effet, au delà de la distinction art / science, on retrouve un modèle de hiérarchie entre l’architecte, maitre d’œuvre et directeur du projet, qui serait supérieur à l’ingénieur, seulement missionné pour le calcul des structures. Les aspects pratiques et réels dont nous avons parlé ont pourtant bien montré l’obsolescence de cette vision hiérarchique de leur relation. Selon l’ingénieur, Kahn était différent en privé et en public. Si bien que pour l’inauguration de l’institut SALK, Komendant ne se déplaça même pas car il n’était cité nul part dans la réalisation du bâtiment. C’est probablement là, un des principaux point faible de la relation des deux comparses. Sans Komendant, Louis Kahn ne serait peut être pas l’un des plus grand architecte du XXème siècle. Quoi qu’il en soit, Kahn, connu comme le maitre de la lumière a trouvé en Komendant son « homme de main » pour l’aider à concevoir, à défendre ses projets et parfois même à les sauver. 26

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Le kimbell Museum, derniere oeuvre remarquable de Louis Kaghn et d’August Komendant refletant parfaiteme


ent les volontÊs de silence et de lumiere de l’architecte en des techniques de construction inventives 28conciliant | 29


Brevet invention prĂŠcontrainte, E. Freyssinet, 1928


3_ Rencontre autour de techniques de construction innovantes « La connaissance que Kahn avait de l’ingénierie de pointe n’était pas à la hauteur de ses idées architecturales. Il avait sérieusement besoin de l’assistance pratique de quelqu’un de compétent pour l’encourager et discuter de la réalisation possible de ses idées, habituellement exprimées verbalement et seulement par des croquis d’artiste. Alors j’étais l’acteur soutenant son rôle créateur de premier plan, avec une philosophie adaptée, des buts, la connaissance de l’ingénierie de pointe et une expérience pratique »20.

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ibid. p.23

On comprend dès lors l’importance de cette relation pour l’architecte et on se doute de tout ce qu’a pu lui apporter Komendant. En effet, leur rencontre s’est basée sur la haute maitrise technique de la précontrainte et de la préfabrication par le Docteur Komendant. La précontrainte est une « technique inventée par E. Freyssinet, qui consiste à associer, en les opposant de façon permanente, la haute résistance à la compression du béton et la résistance à la traction des câbles d’acier ; la compression interne, ainsi appliquée à une pièce en béton, lui permet de résister beaucoup mieux aux contraintes tranchantes de flexion qu’avec une simple armature non tendue. A résistance égale avec une poutre en béton armé classique, une poutre précontrainte peut donc avoir une section beaucoup plus faible ; d’où un gain de poids important,et un abaissement de coût des structures porteuses »21. Cette nouvelle technique d’utilisation du béton issue d’Europe va permettre à Komendant de suivre Kahn dans cette aventure pour exprimer toute la sensibilité esthétique de l’architecte. C’est cette technique qui est principalement à la base de leur rencontre, à l’occasion de la conception et de la construction des Laboratoires de recherche médicale Richards. 30

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Le petit Dicobat, éditions ARCATURE, RIS-ORANGIS, 1994, p.708



- LABORATOIRE DE RECHERCHE MEDIALE RICHARDS -

Localisation : Philadelphie, Pennsylvanie, USA Date : 1961 Architectes : Louis I Kahn Ingénieurs : August Komendant (système structurel principal et supervision générale) Keast and Hood (tour de service centrale, escaliers, conduit d’évacuation des fumées, murs du sous sol et fondations) Maitre d’ouvrage : Université de Pennsylvanie Programme : Laboratoires de recherche Médicale


Plan, photo lors de la construction du batiment , schema de montage de la structure


- UNE PREMIERE COLLABORATION C’est le premier projet qui scelle les débuts du travail commun entre Kahn et Komendant. La première question de l’architecte à l’ingénieur fut : « Docteur, qu’est ce qu’un laboratoire médical ? »22. On voit à travers ce premier questionnement l’importance de l’avis de Komendant pour Kahn. De leurs premières discussions, il est ressorti qu’ils devaient diviser l’espace en quartiers. Un quartier pour la recherche et un quartier pour les services. C’est ici un critère important et représentatif de l’architecture de Kahn : la fonction espace servant / espace servi.

-PREFABRICATION ET PRECONTRAINTEPour la construction de la tour servante centrale, la préfabrication ne convenait pas. Il a fallu la construire en béton coulé sur place. Cependant, le reste de la structure des laboratoires a été construit en béton préfabriqué assemblé par postcontrainte. Komendant a utilisé la poutre Vierendeel comme modèle de base pour les poutres du bâtiment. La poutre Vieredeel est une variante la poutreéchelle, c’est un « système hyperstatique

C’était la première fois qu’on faisait le choix d’utiliser de manière significative le béton précontraint préfabriqué pour un bâtiment de cette ampleur aux Etats Unis. Le complexe a été assemblé de manière simple, comme l’aurait fait un enfant avec un jeu de construction. Grâce à la précision de la préfabrication, les éléments s’emboitaient parfaitement. Ils manquaient de place sur le chantier, on comprend dès lors l’avantage logique des éléments préfabriqués : Ils étaient directement montés sur le chantier, à l’aide d’une grue, un à un. Pour que le jeu de construction fonctionne, la différence entre deux éléments ne devait pas excéder 1,6mm. Pour l’époque, on pourrait dire que cette précision est plus typique du travail d’ébénisterie que du domaine de la construction. Cela a été rendu possible par le travail acharné de Komendant. Sa préparation des éléments préfabriqués facilita grandement le chantier. Néanmoins, comme tout chantier visionnaire, difficile fut la tâche lorsqu’il a fallu trouver un entrepreneur capable de réaliser de telles demandes et lorsqu’il a fallu obtenir le permis de construire.

dans lequel les montants sont assemblés encastrés rigidement sur les membrures, sans aucune diagonales »24

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KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.34

« La post-tension, ou précontrainte par câbles. Elle consiste à couler les pièces après avoir disposé dans leur moule des gaines tubulaires métalliques ainsi que des tubes d’évent latéraux. A chaque extrémité de la gaine est disposé un cône d’ancrage femelle. Après coulage et durcissement du béton, on fait passer dans la gaine un câble d’acier que l’on tend avant de bloquer tout ses brins par l’insertion de cônes mâles. Souvent, cette opération s’accompagne d’une compression du béton par des vernis plats à ses extrémités. Enfin on injecte par les évents un coulis de ciment ou une résine qui solidarise les brins du câble et la gaine, et on fait le cachetage des extrémités. » Le petit Dicobat, éditions ARCATURE, RIS-ORANGIS, 1994, p.708 22 http://notech.franceserv.com/poutres.html 23


Application de la post contrainte

Structure apparente


- UNE CONSTRUCTION D’AVENIRCi-dessous, voici le genre d’écrits que l’on pouvait lire après la réalisation de la construction :

« Les tours de huit étages, d’une structure érigée à Philadelphie, au moyen d’éléments précontraints, représentent aux EtatsUnis une innovation significative dans la construction d’immeubles en béton à niveaux multiples. Pour la première fois, l’architecte et les ingénieurs ont utilisé avec une imagination audacieuse les nombreux avantages des éléments de béton armé industriellement précontraints dans un bâtiment à multiples niveaux et à structure rigide. Ces éléments ont été fabriqués sur un chantier de précontrainte, puis remorqués sur 40 milles jusqu’au site et très rapidement montés à l’aide d’une grue mobile. Ce bâtiment ouvre la voie à un nouveau marché pour les industriels de la précontrainte, marché jusqu’à présent réservé principalement à la construction métallique et en béton coulé sur place. L’une des nombreuses innovations mises en œuvre dans ce projet fut les poutres Vierendeel et les poteaux préfabriqués par portions, et assemblés par post-tension sans utilisation d’échafaudage »25.

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L’élément le plus remarquable de ce bâtiment, réside dans l’impression que des tours en briques portent les laboratoires - ce qui serait impossible - alors que ce n’est pas la réalité. Les tours en briques sont simplement des cages d’escaliers ou des lieux de passage des conduits pour les gaines de fluide ou de ventilation. En comparaison avec les bâtiments modernes de l’époque qui possédaient des structures relativement légères ou qui étaient parfois cachées derrière du verre, la structure des laboratoires est clairement visible de l’extérieur, mais aussi à l’intérieur au regard du plafond laissé nu. La précontrainte et la préfabrication sont réellement à l’origine de ce projet. On peut en déduire que la relation architecte / ingénieur est réellement à l’origine des prouesses structurales de l’époque. Du moins, c’est un des avantages de cette relation. Lorsque deux visions et deux disciplines s’accouplent dans un projet, cela ne peut donner que du bénéfique à la construction. Mais on peut surtout en déduire que l’innovation fait peur, et qu’il faut un certain degré de courage pour oser construire d’une manière différente qu’à l’accoutumée.

KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.44



Autre exemple de l’importance de la science et de la technique de Komendant pour la réalisation des projets de Kahn : concernant le projet de l’Institut Salk, si Komendant n’était pas intervenu, jamais ce bâtiment n’aurait vu le jour. D’une part, grâce à sa connaissance du matériau, Komendant se soumet ainsi aux normes antisismiques pour la demande du permis de construire, et d’autre part, il suit le chantier d’où les architectes étaient exclus26 à la demande de la Fuller Company. En outre, si Komendant n’était pas intervenu auprès de la maitrise d’ouvrage, Kahn aurait perdu le projet.

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ibid. p.92



- SALK INSTITUTE -

Localisation : La Jolla, Californie, USA Date : 1965 Architectes : Louis I Kahn Ingénieurs : August Komendant et Ferver/ Dorlan Maitre d’ouvrage : Science Authority Foundation/ Docteur Salk Programme : Institut de recherche scientifique


Plan SALK INSTITUTE

Premiere coupe du SALK INSTITUTE avant changement


Le projet de l’institut Salk démarre en 1959 et est un des plus beaux chefs d’œuvre de l’architecte Louis Kahn. Il est souvent reconnu grâce à son célèbre point de vue sur l’océan. Selon Komendant ça a été un projet « important et passionnant »27. Le projet de l’institut Salk consistait en un lieu de recherche pour la Biologie où des chercheurs récompensés du Prix Nobel allaient travailler. Le projet s’articule à partir de trois éléments : des laboratoires, un lieu de rencontre et un foyer pour les chercheurs. Kahn avait demandé à Komendant de participer à cette épopée depuis le stade de la réflexion jusqu’à la réalisation finale. C’était un projet bien trop important pour que Kahn arrive à le mener seul à son terme. Il avait besoin de « son » ingénieur pour discuter, échanger et surtout avoir une réponse correcte structurellement parlant.

Dans ce complexe, dès les débuts du projet, Kahn et Komendant appliquent le développement sur les espaces servis et les espaces servants. Dès la première esquisse, ils posent des principes simples : Flexibilité (réaménagement des pièces possible), silence, lumière et tranquillité des chercheurs28.Après un an de recherche, le projet est dessiné.

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Ibid. p.71

28

Ibid. p.76

29

Ibid. p.76

Les bâtiments seront en béton. Face au défi technique majeur : les portées importantes, les laboratoires seront constitués de

« dalles précontraintes d’une portée de 15 mètres, reposant sur des poutres treillis et précontrainte de 30 mètres environ , appuyées à chaque extrémité sur les tours abritant les escaliers »29. On voit apparaitre une alternance entre espaces servants (réseaux des poutres, ventilation, tuyauterie, etc.) et espaces servis (de grands laboratoires en plateaux). Le premier projet était composé de 4 bâtiments principaux,eux mêmes composés de deux grands espaces « servis » faisant office de laboratoires, disposés parallèlement à l’océan Pacifique.

- Un projet sauvé in extremis par l’ingénieur

Le projet a pris une tournure délicate lorsque l’entreprise choisie pour la construction, la Fuller Company, déclare qu’une construction en acier ou en béton coulé sur place serait moins chère et plus rapide. De ce fait, la maitrise d’ouvrage (en fait le comité consultatif créé pour aider à financer le projet), en accord avec l’entreprise, a voulu stopper le projet avec Kahn et le confier à Charles Luckman (principalement pour un gain de temps car Kahn ne respectait jamais ses délais)


Coupe finale SALK INSTITUTE

Principe de fonctionnement espaces servants/servits

Principe de fonctionnement espaces servants/servits


respectait jamais ses délais) mais en conservant Komendant comme ingénieur structure. Komendant refuse, impose Kahn et demande à ce qu’on lui donne les pleins pouvoirs pour la structure, car comme il le dit « Vous savez très bien que la

majeure partie du projet des laboratoires est structurelle et doit être réalisée en premier »30. Le comité accepta de conserver Kahn en tant qu’architecte, et Kahn accepta de laisser les mains libres à Komendant pour la structure et ainsi de laisser Komendant le mener.Mais c’est un fait relativement anormale de laisser les mains libres à un ingénieur et de lier les mains de l’architecte. C’est normalement son rôle de diriger un chantier, et de veiller à son bon déroulement.

- La poutre Vierendeel, créatrice d’espace

Dans la version finale des laboratoires, réduite à deux blocs parallèles séparés par une grande place piétonne, on retrouve l’utilisation des poutres Vierendeel comme dans le projet des laboratoires Richards. La décision est issue de la volonté de Kahn de développer un espace servi qui serait les grands plateaux des laboratoires de 3m40 de haut et des espaces servants qui seraient « l’intérieur » des poutres Vierendeel post contraintes placées tous les 6 mètres.

30

Ibid. p.80

Grâce à l’étude savante des poutres Vierendeel par Komendant, les laboratoires bénéficient de plateaux libres de tout appui et de toute gaine. Mais Kahn et Komendant vont plus loin que pour les laboratoires Richards, cette recherche d’espace servant et servi par rapport aux laboratoires de recherche médicale Richards. En effet dans la relation forme, structure et espace, dans le SALK, les espaces servants sont « inclus » dans la structure, alors que dans les laboratoires Richards, ce sont des cheminées accolées. Le tout forme alors une unité entre forme, structure et espace.

- Le béton, une affaire d’ingénieur

La première réunion organisée, par l’entreprise de construction, était principalement axée sur l’observation du béton, ses fissures ainsi que sur son apparence poussiéreuse. Komendant en conclut qu’il y avait trop de Pouzzolane dans le mélange de ce béton. Le Pouzzolane avait été ajouté dans le béton car Kahn n’aimait pas la teinte classique du béton et souhaitait une couleur plus brune. C’est donc par l’utilisation de ce composant, que le béton du Salk possède ainsi une couleur plus chaude que le béton traditionnel. Après avoir demandé de s’en tenir au mélange initial, formulé par ses soins, Komendant coula avec les ouvriers, un autre mur. Et trois jours après, en le décoffrant, ils découvrirent que le problème venait bien de la composition du béton, car ce nouveau mur était parfait.


Illustration Poteau fort - Poutre faible

Simulation Salk seisme


- Sismicité

La Jolla ville de Californie aux Etats-Unis, est située dans une zone très sismique. Dès lors, le bâtiment se devait de respecter les normes sismiques en vigueur. Lors de la consultation des ingénieurs du bureau de la construction de San Diego, un problème important surgit. Celui de la ductilité31 du Béton. Selon le principe, une structure doit comporter des « poteau fort / poutre faible»32.Habituellement pour éviter une instabilité et un effondrement de la structure, il faut préférablement avoir une poutre fine et avoir des poteaux épais. Mais le projet de Komendant présentait tout l’inverse. Une poutre imposante avec de simples poteaux. Aussi les ingénieurs du bureau de San Diego conseillèrent donc à Komendant de développer plutôt une structure acier, qui aurait possédé une ductilité plus importante. Le problème venait donc de la ductilité. Sans changer sa structure, composée de poutres Vierendeel, en ingénieur aguerri du béton, Komendant trouve une solution brillante pour contrer ce problème. Il morcèle encore plus son bâtiment et insère à chaque interstice poteau / poutres, un élément de dix millimètres d’épaisseur composé de

« plaques d’interface en acier revêtu d’un alliage de plomb et de zinc, et en laissant une longueur suffisante pour l’allongement des câbles des colonnes, afin d’obtenir une élasticité contrôlée des joints pour la charpente »33 Pour assurer une parfaite stabilité et qu’elle reprenne sa position initiale lors d’un séisme, la structure est améliorée par des câbles de précontrainte, légèrement post-contraints.

On comprend à quel point la volonté de l’architecte, en ce qu’il a décidé d’utiliser le béton et d’exploiter les espaces servis et servants, a du être conciliée avec les contraintes techniques de l’ingénieur en ce qu’il a essayé de respecter les volontés de Kahn tout en se pliant aux exigences de normes sismiques mais aussi aux exigences esthétiques inhérentes à l’idée architecturale. Komendant a refusé la simplicité en passant par une ingénieuse solution pour transformer sa structure de base inappropriée pour une région sismique. Dans ses mémoires, Komendant nous rapporte qu’après le premier séisme en 1965, beaucoup de bâtiments environnants ont éprouvé de faibles dégâts mais l’institut est resté intact sans aucune fissure malgré des secousses importantes.

31

« Ductile : Qui peut être étiré, étendu, courbé ou déformé sans se rompre, et avec une élasticité très faible : le cuivre recuit, le bitume sont ductiles; ils sont une bonne ductilité » Définition du petit dicobat, page 313

32

http://architectureparasismique.fr/le-salk-institute-et-ses-appuis-ductiles/

33

KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.85



B

L’ingénieurie au ser vice de l’art architectural

1_Séparation toujours aussi stricte des missions de l’ingénieur et de l’architecte Peter Rice est un ingénieur qui avait une vision relativement classique de la construction. Il pensait qu’un architecte, au même titre qu’un artiste, possédait son propre style, qu’il était habité par des considérations personnelles. C’est réellement pour cette raison que l’on sollicite un architecte. Un premier architecte peut très bien apporter une réponse historique et classique à un projet, tandis qu’un deuxième apporterait une idée tout à fait novatrice et donc différente. Les deux architectes considéreraient en leur for intérieur apporter une bonne réponse aux questions posées. L’architecte apporte une solution conformément à ses analyses et à ses convictions personelles. Cependant, les considérations d’un ingénieur sont tout autres. L’ingénieur cherche à transposer le problème vers un autre et à considérer le problème objectivement. Il est confronté à des questions bien plus scientifiques. Il apporte des solutions physiques, chimiques, mathématiques, etc. Même lorsqu’on parle de son goût pour la recherche concernant les propriétés d’un matériau, la structure, ou tout autre considération scientifique, il s’agit alors, chez l’ingénieur, de réponses impersonnelles et objectives. On comprend donc que Rice était un ingénieur dont le leitmotiv était le questionnement scientifique et la réponse savante à la problématique de l’architecte. Dès lors, en gardant bien en tête la conception de Rice concernant le caractère personnel de la question architecturale opposé au caractère impersonnelle de la réponse de l’ingénieur, on conçoit aisément qu’il ait pu travailler avec différents architectes, tout en respectant et en s’adaptant à leurs objectifs et leurs concepts respectifs. 48

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Parc de La Villette, Bernard Tschumi

Serres de La Villette, Adrien Fainsilber


Rice est même allé jusqu’à parler d’un « syndrome du caméléon »34 lorsqu’il a travaillé avec deux architectes différents sur un même site à l’occasion du projet des serres de la Villette et du projet du parc de la Villette. En effet, Rice a du composer avec les intentions différentes des deux architectes, d’un côté la volonté d’instabilité de la structure chez Tschumi et de l’autre la volonté de stabilité et de transparence chez Fainsilber.

34

RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.179

On comprend par là que l’ingénieur commence à se questionner sur des notions autres que celles de savoir si le projet est structurellement viable. Il veut explorer plus loin son champ des possibilités. Peter Rice ne développe pas de théorie sur son ingénierie, il la met au service des architectes, en essayant de coller le plus possible à leur volontés. Il distingue l’innovation de la création :

« Cette distinction entre invention et création est fondamentale pour comprendre la différence entre ingénieur et architecte »35.

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35

ibid. p.77


Si dans le sens commun la création et l’invention peuvent être considérées comme étant des synonymes, Peter Rice distingue les deux notions. Pour lui, la création est le domaine de l’architecte. Le talent créateur est essentiellement artistique. En revanche, l’invention est plutôt du domaine de la science. On travaille avec des faits et on invente, on trouve une solution. Toutefois, même s’il distingue les deux notions, les résultats de la création et de l’invention semblent pouvoir être confondus. En effet, bien qu’elles soient souvent occultées par le bâtiment dans sa globalité, les innovations de l’ingénieur présentent autant de nouveauté et d’originalité que le pourrait une idée architecturale. Cependant, selon Peter Rice toujours, le modernisme a minoré le rôle des ingénieurs car les architectes ont construit en prenant en compte des considérations beaucoup plus structurelles et objectives. Il y avait moins de « sensible » dans les constructions. Il est vrai que les architectes du mouvement moderne, en voulant s’approprier les qualités essentielles de la rigueur technique et la beauté qui en résulte, n’ont fait que creuser le fossé qui existe entre architectes et ingénieurs.


2_Aller plus loin dans la technique pour ne pas influencer l’idée architecturale Né en 1952 en Irlande, il étudie dans un premier temps l’ingénierie Aéronautique puis se tourne vers l’ingénierie civile dans un second temps. Après avoir fait ses études à l’Imperial College, Peter Rice fut engagé chez Ove Arup and Partners en 1956. S’il distingue fortement l’architecture de l’ingénierie, la philosophie de Rice tend à faire considérer que l’ingénierie est là pour servir l’architecture. La question de l’obstacle technique doit être transcendée par l’ingénieur qui en a les capacités scientifiques afin de ne pas imposer de limite à l’idée architecturale. Au contraire, Il faudrait presque que l’ingénieur soit l’assurance pour l’architecte de ne pas avoir à se soucier des considérations structurelles. La liberté artistique de l’architecte passe avant tout par la maîtrise technique de l’ingénieur ; elle en dépend. Pour le projet du Centre Pompidou, les architectes avaient l’idée d’une structure légère et souple. Ils avaient alors pensé à une grande ossature métallique ouverte. Ces deux volontés architecturales avancées, il était hors de question de penser facilité avec de gros poteaux, même en acier, qui n’auraient pas respecté l’idée première de légèreté. Rice et son équipe ont alors du travailler à partir de ce concept. Le principe était que l’ingénieur aille le plus loin possible dans ses capacités techniques et inventives pour respecter l’idée architecturale. C’est cette volonté d’aller plus loin, combinée à l’idée des architectes qui a donné naissance à la structure du Centre Pompidou.

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- CENTRE POMPIDOU -

Localisation : Paris, France Date : 1976 Architectes : Richard Rogers et Renzo Piano Ingénieurs : Peter Rice et Tedd Happold (Ove Arup) Maitre d’ouvrage : Gouvernement Français par l’intermédiaire de Robert Bordad Programme : Centre National d’art et de culture


Principe assemblage

Principe assemblage Gerberette


Début 1971, le gouvernement français décide de doter Paris d’un nouvel équipement culturel où l’art serait ouvert à tout le monde, dans un environnement chaleureux. Ce bâtiment marque le véritable début de la carrière de Peter Rice en tant qu’ingénieur. Décidée d’explorer des relations et des conceptions nouvelles, l’équipe d’ingénieurs de Structure 3 d’Ove Arup & Partners, dirigée par Tedd Happold, en collaboration avec Rice, contacte Renzo Piano et Richard Rogers, pour leur proposer de collaborer sur le projet de Beaubourg. L’équipe remporta le concours pour ce bâtiment, soutenu par le président du jury, Jean Prouvé. Le concept principal du bâtiment a été pensé par les architectes : « une structure

très souple, propre à accueillir tout ce qui peut arriver. Une machine à information »36. Ils ont alors adopté le parti pris de travailler une grande structure métallique ouverte, en forte relation avec Paris. A partir de ce concept architectural, il ne restait plus aux ingénieurs qu’à choisir une technique cohérente.

- L’assemblage et l’acier moulé un principe fondateur

Les ingénieurs avaient pour idée de placer l’assemblage au centre de leur réflexion, en relation avec les nombreux ouvrages d’art dans Paris tels que les stations de métro d’Art nouveaux, la Tour Eiffel ou encore le Grand Palais. 36

ibid. p. 16

37

ibid. pp. 22, 25, 26

La double exigence de «forme et fonction» voulue par les architectes Piano et Rogers, appelait une réponse technique innovante en s’appuyant sur de nouvelles connaissances. Les ingénieurs, en collaboration avec les architectes ont alors commencé à réfléchir en profondeur à ces questions d’usage et de forme. C’est néanmoins l’occasion d’un voyage au Japon que Rice a découvert des grands assemblages en acier moulé. C’est à partir de ce moment que germe dans sa tête l’idée de créer la structure de Beaubourg à partir de ces mêmes techniques.

« Je décidais, de concevoir Beaubourg avec de l’acier moulé pour matériau de base [...] avant de savoir si nous saurions nous en servir, sans avoir aucune notion de la manière dont se conçoit un projet avec ce matériau et avant même d’avoir conçu la structure. Il nous fallait explorer à la fois ces trois directions de travail. [...] La tache la plus urgente, mais aussi la plus difficile, était de trouver la structure adéquate [...] ».37 Rice nous indique dans ses mémoires, que les structures d’acier standardisées (IPN, UPN, etc ...w ) sont souvent impersonnelles et qu’elles ne permettent pas de retranscrire une expression personnelle.Subjectivement, il choisit donc l’acier moulé pour la possibilité de création, et pour la possibilité d’y laisser sa trace.


Solution standard

Solution poutre continue

Solution Gerber

Portique du centre pompidou exprimant le diagramme du Pont Gerber

La Gerberette, effilée du côté tirant, là où la charge est reprise en tension, pleine et massive au niveau du poteau, là ou le moment était le plus grand, et effilée à nouveaux, là ou elle venait s’accrocher à la poutre


Cela permettrait selon lui de lier les visiteurs au maitre d’œuvre en créant ainsi, un ensemble chaleureux, où l’art serait découvert sans prétention. L’acier Moulé devient dans ce projet, le leitmotiv pour les ingénieurs. Un leitmotiv contraignant, car en 1971, peu d’entreprises utilisent ce procédé relativement archaïque. Il fallait tout réapprendre sur ce matériau. Peter Rice avait donc pris une décision importante pour le rendu final du bâtiment : le choix de l’utilisation de l’acier moulé va, en effet, se révéler capital pour la suite.

- Une ré-interpretation de la poutre Gerber

Le grand principe du Centre Pompidou est celui de la flexibilité. Beaubourg se devait de posséder de grands plateaux libres. Mais leur résistance devait être égale en tout point et en tout étage, car l’imposante bibliothèque du centre devait pouvoir se déplacer partout dans le bâtiment, au gré des expositions. Avec une portée initiale de 44,80 mètres à laquelle il faut ajouter les circulations, il fallait donc trouver une structure adéquate. Mais une fois que les ingénieurs eurent choisi la voie technologique de l’acier moulé, il y avait forcement un nœud technique à défaire, afin d’harmoniser la solution mais surtout afin d’aboutir à une solution au delà des limites actuelles. Et cette réflexion autour de ce nœud structurel a mené les ingénieurs à la solution. L’élément libérateur est arrivé : la Gerberette. En re-questionnant le système statique de Heinrich Gerber38 inventé au XIXeme siècle, les ingénieurs ont conçu 38

une poutre suspendue à un court porte-àfaux d’appui. Cette résolution permettait de régler les problèmes avec légèreté et facilité. C’est donc un re-questionnement sur le principe de l’articulation, né des travaux d’ingénieurs sur les ponts du XIXème siècle, qui a permis à Rice de résoudre la problématique de la structure du Centre.

- Un bras de fer avec l’industrie

L’équipe eu beaucoup de problème pour la réalisation de cette Gerberette. En effet, l’acier moulé était un procédé ancien et désuet. Les méthodes de fabrication, pour les usines qui en produisaient encore, étaient anciennes et artisanales. Les entreprises françaises avaient volontairement gonflé leur devis mais elles proposaient chacune d’entres elles, une autre solution, dont le budget correspondait étrangement à l’estimation des ingénieurs. Restant sur son idée principale, Rice trouva un interlocuteur intéressé dans l’entreprise Krupp, en Allemagne. Une fois dessinée, la Gerberette partit en fabrication en Allemagne chez Krupp. Déjà aux premiers tests, elle ne résistait qu’à la moitié de la charge prévue. C’est alors que Rice part dans un bras de fer avec l’industrie pour découvrir d’où venait le problème. Sans Gerberette, pas de centre Pompidou. Il apparut que le problème venait de normes différentes entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne. La forme de la Gerberette est au plus prés de ses forces et représente quasiment les forces qui s’imposent à elle.

Heinrich Gerber était un ingénieur civil allemand, il inventa le principe du premier pont en porte-à-faux. C’est une supestructure à piles bi-articulées dont les travées latérales sont en porte-à-faux. Une travée centrale peut venir se poser sur les extrémités en porte-à-faux. Ce type de pont a une structure non continue mais en plaçcant les articulation aux points de moments de flexion nuls sous chargement du poid propre, on retrouvait dans une la structure une répartition des sollicitations identiques à celles d’un pont continu. source : Henry Grattan Tyrrell, History of bridge engineering, p. 257-308, Chicago, 1911


Espace entre Gerberette et Poteau

Poutre Ă double menbrures


- La Lumière pour une structure plus légère

L’espace entre les Gerberettes et les poteaux offre à l’assemblage un aspect beaucoup plus léger et le met en valeur. Grace au passage de la lumière entre l’articulation, on a une impression que les éléments ne se touchent presque pas. Le dessin des Gerberette, à travers leur forme élancée, participe à l’impression d’une structure extrêmement légère. De plus, pour parler de légèreté, Rice nous dit que cette décision d’utiliser une poutre à double membrure allait considérablement atténuer la présence de celle-ci, imposante avec ses 2,85m de haut. Ainsi, la lumière pourrait passer à travers cette poutre, lui donnant beaucoup plus de légèreté. On voit qu’avec ce projet, Rice donne un sens « tactile » au bâtiment et à la structure, comme il nous l’explique dans son livre. En effet, il ne cherche pas la facilité et ne cède pas aux pressions de l’industrie. Il cherche à donner une histoire et une vie à sa structure pour lui donner une qualité « tactile ». Qualité qui offre une sensation particulière en ce que c’est l’Homme qui a construit l’édifice en question, de sa volonté propre, et non pas de la volonté de l’industrie.

- Entre ingénierie et architecture De prime abord, la Gerberette pourrait être l’exemple d’une décision architecturale, mais il n’en est rien. Cette décision structurelle devait 39

en effet être prise par un ingénieur39. Elle résulte en fait plutôt d’une collaboration. Elle est le fruit de l’ambition créative de l’architecte, puis du choix de l’ingénieur d’utiliser l’acier moulé, se bornant à la difficulté du « nœud » résolu avec la Gerberette et tous les problèmes qui l’accompagnent, puis retourne entre les mains des architectes. Sa dimension esthétique est donc l’œuvre commune de l’architecte et de l’ingénieur, elle est la synthèse de nombreuses variables techniques, architecturales, esthétiques et structurelles. Cet exemple illustre parfaitement le travail de collaboration entre architectes et ingénieurs. L’immixtion de chacun dans le travail de l’autre, leur nécessité de produire ensemble et non séparément. C’est ce qui fait la spécificité de Beaubourg, où les ingénieurs et les architectes étaient une même équipe depuis le début du concours. Le Centre Pompidou est un squelette dans lequel les tripes et les artères sont offertes à la vue de tous. L’assemblage du bâtiment pourrait s’apparenter à un jeu de construction géant. On commence par venir poser deux poteaux où l’on enfile deux gerberettes accrochées par la tête, on vient y poser la poutre à double membrure et pour faire contre poids on finit en installant les tirants à l’autre extrémité de la Gerberette. L’ensemble

RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.27



Rice en parlant du centre Pompidou nous dit que « Ce qui fonctionna le mieux, finalement, fut la communication entre l’architecte et l’ingénieur - un dialogue pourtant réputé difficile. Je rends là hommage aux architectes, non seulement pour leur volonté de dialogue, mais aussi pour leur capacité à lâcher la bride à ceux qui les entouraient, à leur faire confiance pour prendre des décisions dont, au bout du compte, ils auraient eux aussi à assumer la responsabilité »40. On voit que lors du projet de Beaubourg, la relation entre architecte et ingénieur est très étroite. Il y avait de la confiance entre eux. Etant dans une société de consommation et d’image, l’image du bâtiment est souvent gérée par l’architecte, et à travers cette citation, on voit que l’ingénierie influe de plus en plus sur l’esthétisme des bâtiments. Peut être est ce aussi en partie du au mouvement High Tech, mouvement architectural qui émerge dans les années 1970 où le but est de travailler des éléments le plus technologiquement avancés possible dont le Centre Pompidou est un des emblèmes.

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40

ibid. p.40


3_Une relation de moins en moins polarisée vers l’architecte Rice pense que la relation architecte / ingénieur est à la base des plus beaux projets. On ne voit pas de conflit dans sa relation avec les architectes, comparée à celle de Kahn et Komendant ; Comme en témoigne son association avec l’architecte Renzo Piano, avec qui il fonde Piano & Rice. Le but était de faire l’expérience d’une association à parts égales, d’un architecte et d’un ingénieur. Mais ce système ne fonctionnera pas. La plus part des commandes qu’ils reçoivent sont de nature architecturale. Il n’y a pas assez de commandes d’ingénierie pure. On voit donc dans cette tentative un fort rapprochement entre l’architecture et l’ingénierie. Cela dit l’architecte semble tout de même conserver l’avantage de la relation privilégiée avec la maîtrise d’ouvrage. Il créa par la suite la société RFR ( Peter Rice, Martin Francis, Ian Ritchie) qui est réellement une interface entre l’ingénierie et l’architecture. A contrario d’importantes structures comme ARUP41, « RFR cherche à rester une petite structure capable d’innovation et d’invention pour compléter et concurrencer les modes de pensée traditionnels des structures comme ARUP »42. En effet, ARUP a plutôt tendance à mettre l’ingénierie en avant et à essayer d’étendre son activité, aussi bien au niveau du design, qu’au niveau de l’ingénierie environnementale, civile, etc. Rice, toujours dans sa philosophie d’une ingénierie de la construction au service de l’architecture, souhaitait plutôt conserver sa proximité dans la collaboration avec les architectes. RFR est donc une corporation d’ingénieurs, mais la grande implication des architectes aiguille son activé vers le design, ce qui les rapproche parfois de l’architecture.

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Cabinet du nom de son créateur : OVE ARUP

42 RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.218


Beaucoup considèrent que Peter Rice est un des meilleurs ingénieurs de ces dernières années. A travers son travail avec de multiples architectes, il nous offre une vision de l’ingénieur complémentaire de l’architecte. Sa proximité avec les architectes, les opportunités qu’ils lui offrent notamment au Centre Pompidou, ou Rice laisse exprimer tout son art, lui permettent d’offrir un essor considérable au statut l’ingénieur. Il n’est plus seulement là pour la structure, Il sera un soutient indéfectible durant un projet et Il apportera à la structure une dimension supérieure, lui permettant dans la plupart des cas, de rehausser l’architecture. Reste qu’une différence était toujours présente entre les deux disciplines. Par ailleurs, d’autres ingénieurs ont une approche encore différente de la relation architecte / ingénieur et on constate qu’ils prennent beaucoup plus part au processus de conception d’un projet

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Tour Tatline

Tour Eiffel


C

Hybridation de l’architecture et de l’ingénierie

1_Le nouveau paradigme Dans la préface de l’ouvrage Informal de Cecil Balmond, Charles Jencks, architecte et historien de l’architecture américaine, avance que dès lors qu’il y a un changement en architecture, il semble que les spécialistes ont tendance à échanger leurs rôles. Il illustre notamment son propos en prenant les exemples de l’Avant-garde, d’Eiffel et Tatline, de Duchamp et Le Corbusier. Pour lui, les Mouvements architecturaux, comme le présuppose littéralement le terme « mouvement », font bouger les frontières de la discipline et souvent cela passe par un (re) questionnement des limites et des présomptions acquises, qui existent dans les différentes disciplines de la construction et qui finissent par s’entremêler. Jencks tente également d’expliquer ce phénomène à travers sa vision d’un « nouveau paradigme » qui, bien que critiqué, désigne un changement incontestable dans l’architecture, dans la façon de penser et réaliser des projets et des constructions. Il affirme notamment que pour que les architectes puissent dépasser les carrés et les ronds, ils doivent sortir des structures avec lesquelles ils sont à l’aise et doivent donc nécessairement se rapprocher étroitement des ingénieurs.

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Schéma du mâitre d’oeuvre, dessin de Le Corbusier paru dans La maison des hommes, de Francois de Pierrefeu et le Corbusier , Librairie Plon, 1992


Accessoirement, dans une interview donnée en 2000 à Philip Nobel, pour « L’architecture d’aujourd’hui »43, Balmond souligne qu’en moyenne, les deux tiers du budget global d’un bâtiment sont entre les mains des ingénieurs dans les bureaux d’étude. Ces proportions ne sont pas si surprenantes et étayent l’importance particulière que retrouve l’ingénierie dans la construction. Il va d’ailleurs même plus loin dans son propos en expliquant qu’une fois la structure d’un bâtiment pensée, l’architecte se retrouve dépossédé d’une partie de celui-ci. En effet, les ingénieurs s’approprient des espaces comme par exemple le plafond pour la ventilation etc. A ce titre, Balmond estime que l’architecte est dépossédé d’un tiers de la coupe transversale d’un bâtiment. Rem Koolhaas disait à ce propos que dans son architecture, il était « limité à des bandes ».

A mon sens, un autre des points absolument essentiels et caractéristiques de ces changements, de ce nouveau paradigme, est l’outil informatique qui n’a de cesse de se perfectionner et la CAAD44 devenant un outil commun et indispensable pour l’architecte et l’ingénieur, rapprochant ces deux professions. On a en effet un outil mixte qui peut s’adresser autant à l’architecte qui souhaite modéliser pour des considérations esthétiques qu’à un ingénieur qui souhaite modéliser pour calculer des structures. Ce sujet sera abordé en détail au chapitre suivant

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43

NOBEL Philip, Rencontre avec Cecil Balmond, Paris, l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 329,

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Computer aided architectural design


CCTVHead quarters, OMA , Cecil Balmond, 2008


2_Le retour de la techné Rares sont les architectes qui, comme Le Corbusier, conçoivent la relation architecte / ingénieur comme un partenariat d’égal à égal45 et pourtant aujourd’hui, certaines grandes constructions semblent être dues autant à l’architecte qu’à l’ingénieur. Prenons ne serait-ce qu’un exemple, à mon sens, le CCTV Head quarters46 questionne le spectateur autant sur les volontés de l’architecte que sur l’impressionnante structure pensée par l’ingénieur. Si on peut dire que la relation entre Louis Kahn et August Komendant était presque intime, on gardait tout de même la notion des rôles bien distincts avec un architecte très artiste et un ingénieur plongé dans la réalisation et la technique. Avec Cecil Balmond, il s’agit de la rencontre de deux personnages forts, l’architecte et l’ingénieur, qui vont travailler ensemble, souvent depuis le début du projet. Toutefois, l’ingénieur n’est plus uniquement dans l’exécution structurelle des concepts architecturaux et artistiques d’un tiers. Il apporte sa propre vision du projet, il exprime son propre art à travers l’ingénierie (à travers son ingénierie ?) et parfois même à travers des considérations architecturales ou esthétiques comme pour le projet du Centre d’Art et des Techniques de la communication ( ZKM ) à Karlsruhe, en Allemagne. Ici Balmond questionne un système structurel connu, la Poutre Vierendeel. Il l’utilise comme concept de projet, pour créer des espaces à l’intérieur même de la structure.

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45

PICON Antoine , INGENIEUR ET ARCHITECTE, in Universalis éducation, Encyclopaedia Universalis, consulté le 4 Juillet 2016 46

Rem Koolhaas (OMA ) Cecill Balmond, 2008



- ZKM -

Localisation : Karlsruhe, Land de Bade-Wurtermberg, Allemagne Date : 1989 Architecte : Rem Koolhaas / OMA Ingénieur : Cecil Balmond Maitre d’ouvrage : Ville de Karlsruhe Programme : Centre d’art et des techniques de la communication


Le plan mettant en exergue les modifications de la poutre Vierendeel

Reflexions autour des points porteurs de la poutre Vierendeel


Rem Koolhaas et Cecil Balmond remportent le concours du ZKM ( Zentrum für Kunst und Medien) en 1989. (Le centre des arts et des technologies des médias de Karlsruhe). Jusqu’en 1992, ils développent ce projet qu’ils devront abandonner par la suite pour raisons politiques. Ce bâtiment aurait du comporter une multitude de fonctions : un espace d’exposition, un espace de recherche, une librairie, un théâtre ou encore un restaurant. C’est à cause de ce nombre important de fonctions toutes différentes que Koolhaas va être amené à superposer les étages avec des utilités toutes différentes.

« Pour créer de la densité, exploiter la proximité, provoquer de la tension, maximiser la friction, organiser les entre-deux, promouvoir le filtrage, commanditer l’identité et stimuler le trouble, l’intégralité du programme est inclus dans une seule boite de 43x43x58 mètres. »47 Le ZKM se compose de quatre façades. Quatre matérialités différentes, déterminées chacune par leur orientation et leur contexte. Le bâtiment se compose de sept niveaux de 900 mètres carrés chacun. A chaque étage correspond une fonction spécifique entourée par les espaces servants (circulations, espaces techniques et services). Le tout offre un bloc central servi par quatre autres volumes. Cette configuration fut possible grâce à la demande d’un éclairage artificiel dans le bloc central.

- La poutre Vierendeel, génératrice d’espace « Le concept de Vierendeel constitue la base pour le projet de Karlsruhe. Ses étages de six mètres sont assez hauts pour que les Vierendeels couvrent la distance de 30 mètres entre les murs ; deux murs et neuf poutres créent une « grille » , 58 mètres de haut ; l’alternance des structures « marquées » et étages libres permettent la superposition simple du programme et de l’architecture - le théâtre au dessus du laboratoire , le musée au dessus du théâtre , etc. » 48 « Mais un étage ne pourrait-il pas devenir un treillis habité ? » 49 Balmond explore la Poutre Vierendeel. Il transpose cette solution structurelle que l’on voit dans de nombreux ponts en une solution architecturale. Il cherche à exploiter et à retravailler cette solution structurelle afin d’obtenir une plus grande liberté de conception à chaque étage. Cette volonté de remise en cause d’un système ayant déjà fait ses preuves est caractéristique du travail de Balmond. Il ne supporte pas de travailler avec des systèmes structurels paralysés comme au musée Kunsthaal où Balmond choisit de travailler un autre système de contreventement. Il étudie donc les différentes solutions et les opportunités que ce système pourrait apporter au bâtiment. Celui-ci voit en cette structure la possibilité de varier l’espace et c’est l’occasion de s’adapter

47

Traduit de l’anglais KOOLHAAS Rem, S, M, L, XL, The Monicelli Press, New York, 1997, p 692

48

Traduit de l’anglais Ibid. p. 675

49

Traduit de l’anglais Ibid. p. 671


Differents plans du ZKM, mettant en Êvidence les 4 espaces servants autour d’un bloc central servi.


aux fonctions pour le moins hétérogènes du centre. En questionnant la poutre Vierendeel, Balmond détermine que pour la rendre plus solide, il est nécessaire de placer les refends porteurs au plus proche des appuis. Cette réinvention sera l’élément fédérateur de l’ensemble du bâtiment, aussi bien pour l’ingénierie que pour l’architecture. C’est le travail de Balmond, au sens structurel, qui va permettre à Koolhaas de concevoir le bâtiment en superposant toutes les fonctions différentes. Entre les théories appliquées de Balmond ainsi que la translation de la poutre Vierendeel, on voit là une relation significative entre le travail de Balmond et celui commencé par Komendant dans le projet du SALK. Balmond pousse encore plus loin la structure, il la fait réellement participer à l’architecture.

« L’est et l’ouest du noyau sont définis par d’énormes murs de béton noir. Entre les murs on porte les sept Vierendeels, tous les six mètres de hauteur , créant ainsi une alternance entre deux étages complètement libre de structure - pour exploiter cette incarnation littérale de la liberté de structure - pour exploiter cette incarnation littérale du plan libre une des chambres est ronde - et les étages de la structure habitée qui sont « marqués » par les différentes Vierendeels , qui oscillent entre le soutien structurel et architectural, l’utilité et l’esthétique, la nécessité et la décoration »50 50

Traduit de l’anglais Ibid. p. 695

La recherche structurelle sur ce projet est réellement une synergie entre l’architecture et l’ingénierie. Les poutres Vierendeel sont en effet porteuses, créant ainsi la structure, mais elles dessinent aussi l’espace. Elles créent ainsi de vrais espaces et des atmosphères singulières en fonction de l’usage et de l’étage, ou des deux. Dans ce projet, on habite donc réellement la structure. Ces poutres Vierendeel retravaillées illustrent parfaitement un exemple de perméabilité entre l’ingénieur et l’architecte. Balmond et Koolhaas sont les créateurs confondus de ce projet dont l’exemplarité passe par l’impossibilité de dissocier architecture et ingénierie.



Autre point intéressant, l’ingénieur a tendance à être présent plus tôt et de manière plus permanente. Déjà Peter Rice à l’occasion de la conception et de la création du Centre Pompidou avait été particulièrement présent et avait collaboré avec Piano et Rogers dès les débuts du projet. Avec Balmond, cette collaboration depuis les débuts est d’autant plus marquée. Il réfléchit depuis le commencement, avec l’architecte, à la meilleure façon d’atteindre l’objectif de l’idée architecturale première. Pour la maison Lemoine par exemple, la grande question était de savoir comment faire pour que la structure induise la sensation de légèreté et de lévitation. Si Balmond estime que le sens commun que l’on accorde encore au rôle de l’ingénieur est celui de législateur technologique suprême, il se décrit plutôt comme revenant au sens premier de la « technè »en combinant l’art et la manière. On croirait presque à une revanche de l’ingénieur sur les architectes après le Mouvement moderne. Comme certains architectes ont pu penser l’architecture différemment, Balmond est un ingénieur qui pense l’ingénierie différemment : Les lignes deviennent des surfaces et les points des zones.

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- Villa Lemoine -

Localisation : Floirac, France Date : 1998 Architecte : Rem Koolhaas / OMA IngÊnieur : Cecil Balmond Maitre d’ouvrage : Jean-Francois Lemoine Programme : Maison indivudelle


Schemas Concave / Convexe

Recherche de Balmond

Operations dĂŠcrites dans le livre Informal de Balmond


« Une maison familiale, pour un mari et sa femme, plus deux enfants. La conception doit être accessible aux personnes handicapées, pour libérer le plein potentiel de la maison. Le principe tectonique c’est de faire une boîte, en l’air, où seront situées les chambres. En dessous, se trouvent les espaces de vie, entourés de verre. Le verre peut s’ouvrir sur le paysage et disparaître; sous l’espace de vie est un sous-sol partiel, coupé dans la terre d’un côté mais ouvert sur une cour d’entrée de l’autre. Il doit y avoir un ascenseur spécial, une partie mobile de la maison pouvant atteindre tous les niveaux »50

- Instabilité Dans ce projet, Balmond veut développer une notion d’instabilité pour répondre à l’idée de Koolhaas. Il nous propose dans son livre, deux façons de concevoir un projet. Pour nous expliquer sa conception de l’ingénierie, Balmond nous présente dans son livre deux dessins, avec une balle dans une contenant concave et un autre convexe. La première proposition, offre une vision plus stable du projet. La balle aura beau subir une poussée dans un sens ou dans un autre, elle reviendra irrémédiablement à son point d’origine. Dans ce cas Balmond nous parle de tradition et d’expériences solides et connues. La balle connait son point final, elle reviendra forcement au même point de départ. Cependant, dans son deuxième schéma (celui qu’il défend),

50

BALMOND Cecil, informal Prestel, Munich, 2007, p.23

51

Ibid. p.28

la moindre poussée déséquilibra l’ensemble. Dans ce schéma l’issue est totalement imprévisible, et aucun retour à la position initiale n’est possible, c’est l’instabilité. Balmond pense la structure de la Villa Lemoine dans cette catégorie.

« Nous roulons vers l’inconnu pour tracer une nouvelle voie. »51 Partant de l’idée de vouloir une boite qui flotte, Balmond réfléchit aux édifices déjà réalisés dans ce sens. Il prend l’exemple de la Villa Savoye, dans laquelle l’impression de lévitation est donnée par les pilotis et la peinture verte. Selon Balmond, la vraie problématique pour ce projet n’est pas la surélévation par l’utilisation de pilotis, mais le problème de la symétrie. Autrement dit, la facilité de compréhension de la structure en pilotis dessert l’impression de lévitation. De même, c’est sous cet angle que Balmond a pensé une structure permettant de poursuive l’objectif d’une impression de lévitation : Tout sauf la symétrie. Une chose importante est à remarquer. Rem Koolhaas formule son idée architecturale directrice de faire une boite qui vole . En réponse, Balmond dans sa volonté de respecter sa demande, plutôt que de réfléchir directement à une structure, explore les différentes solutions apportées auparavant par les architectes et les ingénieurs lorsqu’il s’agit de légèreté et de lévitation.


Detail structure accroche poutre

Recherche de Balmond autour du dessin des ouvertures

Detail structure appuis sur portique


- Opérations La recherche de Balmond induit une corrélation très forte entre le projet et la structure, et donc une corrélation très forte entre l’ingénieur et l’architecte. On comprend dès lors que Koolhaas énonce un concept et que par la suite Balmond imagine le projet en corrélation avec ses idées, en apportant aussi son point de vue. Une fois de plus, il va travailler par le biais d’opérations. Elles se révèleront décisives pour la conception de la maison. Les opérations que Balmond illustrent dans Informal, ne concernent pas seulement son travail d’ingénieur. Evidement, dans ce projet, Balmond prend son rôle d’ingénieur très au sérieux, mais il sort du cadre de la structure. Ses opérations touchent cette fois des éléments beaucoup plus esthétiques. Le concept principal de la maison est basé sur ces deux schémas, reflétant l’instabilité de la boîte qui vole. Des points d’appui décentrés ainsi que des supports inversés.Balmond dans son système de balle dans un contenant « concave » accumule chaque élément à la suite. Et l’un ne doit pas perturber l’autre. Aussi, quand il est question de la structure de la boite supérieure, la question de la poutre Vierendeel apparait, comme dans le projet du ZKM. Balmond émet l’hypothèse de s’en servir comme grande poutre habitée, où la Vierendeel viendrait la rigidifier.

Mais ce système structurel s’opposait au concept de base de créer une grande boîte. Il chercha donc une autre idée. Lorsqu’il fallut chercher un système pour le dessin des fenêtres, Balmond suivit cette même logique. La « boite flottante », étant en réalité constituée de gigantesques mur-poutres, il suivit donc le diagramme des forces. Dans la conception des détails techniques, Balmond appuya cet effet d’instabilité et de lévitation. L’appui de la boite est décentré, il laisse une partie libre, ce qui donne un effet de mouvement au vu de cet appui. Pour le détail de l’accroche de la poutre supérieure, poutre raccordée au tirant, il utilise un subterfuge. Il dédouble la poutre en I supérieure pour y inclure une barre cachée dans le mur. Cela donne l’impression que la poutre est juste posée sur le mur, alors qu’en réalité, cette poutre et ce tirant permettent de créer le contre poids de la maison.


Schéma du ARUP roof par Balmond, offrant une relation entre le bois en sous face et l’acier en structure au dessus. Le toit ressemble à une coque de bateau géante.


A travers le travail de Balmond, dans sa collaboration, principalement avec Rem Koolhaas, mais aussi avec d’autres architectes, on comprend effectivement que l’ingénieur surpasse le rôle du législateur structurel, de l’expert technique et technologique. Il réaffirme sa place primordiale dans la construction, mais surtout, et c’est la nouveauté, il s’impose comme étant un acteur essentiel de la conception d’un projet architectural, en dépassant les frontières de la structure et en faisant d’un bâtiment une œuvre commune et non plus uniquement attribuable à un architecte qui aurait simplement délégué les travaux de calculs scientifiques. Dans la conception du Congrexpo, à Lille, le plafond en planches de bois est une idée des ingénieurs alors qu’on pourrait croire a priori qu’il s’agit d’une question architecturale puisqu’il s’agit d’une question plus esthétique bien qu’indirectement structurelle. Koolhaas lui même l’a appelé le « Arup roof »52 en écho à l’étude d’ingénieur Ove Arup. Ainsi, lorsque les ingénieurs et les architectes se trouvent réunis dés les premières réflexions d’un projet, cela apporte une relation très importante et très interessante entre la structure et l’architecture. Le projet se nourrit de cette relation, il est plus riche de sens. Les idées se complètent pour créer une architecture de qualité. Le projet de la Villa Lemoine reflète parfaitement cette façon de penser. Bien que ce projet ne soit qu’une maison individuelle. Balmond et Koolhaas, ont su travailler ensemble, dès les prémices du projet. Ici chaque point de la structure est travaillé pour rendre compte que cette notion d’instabilité. Dans ce projet, la limite entre l’architecture et l’ingénieurie est mince, et c’est peut être justement ce qui lui permet de prendre toute sa dimension.

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52

Ibid. p.286


Pilotis

Toit terasse

Plan libre

Fenetre en bandeau

Facade libre

Les cinq points de l’architecture moderne selon Le Corbusier


3_L’ingénieur développe un style et le théorise : L’informel de Balmond Au cours de sa carrière et des projets auxquels il a concouru, Balmond a développé son propre style qu’il appelle « informal », c’est d’ailleurs le titre d’un de ses livres53. Le Kunsthal à Rotterdam est particulièrement représentatif de la collaboration entre Cecil Balmond et Rem Koolhaas, architecte avec lequel il a beaucoup travaillé. Il s’agit incontestablement d’un projet architectural, marqué par l’esprit et les réflexions de l’architecte, mais cela dit, tout en élaborant une structure en accord avec les concepts de Koolhaas, Balmond a voulu introduire son propre style informel en mettant en œuvre plusieurs de ses techniques comme la juxtaposition, et l’hybridation54. En effet, au même titre que Le Corbusier qui a pu théoriser les cinq points d’une architecture moderne en 1927, Balmond assume pleinement le fait d’avoir son propre style, sa propre façon de penser l’ingénierie, si bien qu’il va jusqu’à en théoriser les caractéristiques principales.

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53

BALMOND Cecil, informal Prestel, Munich, 2007

54

Ibid. pp. 116,117



- Kunsthal -

Localisation : Rotterdam, Pays-Bas Date : 1992 Architectes : Rem Koolhaas / OMA Ingénieur : Cecil Balmond Maitre d’ouvrage : Ville de Rotterdam Programme : Musée


Coupes illustrant les differents systemes porteurs utilisĂŠs


- Informal Dans Informal, Balmond théorise son style et nous dit qu’il faut « Laissons l’espace

nous divertir. Essayons d’autres possibilités, d’autres configurations dans la façon dont la construction peut être encadrée et stabilisée. Et les interruptions de « ressemblance » ne signifient pas de lourdes sanctions. Une composition spécifique avec des angles, inclinaisons ou autres, peut être moins chère. »55 Selon Balmond, c’est avec ce projet qu’il a réussi à s’échapper de la cage cartésienne56 dans laquelle il était enfermé. Dans le Kunsthal, il exprime les préceptes de son style : l’informel. C’est un questionnement sur l’ingénierie : Pourquoi doit elle forcement être facile et ennuyeuse ? Au delà de ce coté esthétique, il ne faut pas voir ce style comme superficiel. Rompre avec le discours des beaux arts comprenant une architecture très symétrique peut induire beaucoup de positif dans un projet. Il ne veut pas prendre pour acquis des structures usuelles et souhaite révéler le dynamisme des espaces par la structure, provoquer le spectateur, le mettre en situation d’inconfort et le pousser à une réflexion plus intéressante sur lui même. Beaucoup diront que la complexité coûte chère. Balmond n’est pas d’accord. Il dit au contraire que la complexité peut nécessiter moins de matériaux, 55

Traduit de l’anglais, Ibid. p.62

56

Ibid. p.59

et donc réduire le coût de la structure d’un bâtiment. Le tout est que la structure soit savamment dessinée. Et c’est cette notion de complexité qu’il applique pour le Kunsthal. Le programme du musée est compris dans un prisme rectangulaire. Ce prisme est divisé en quatre parties formant quatre bâtiments distincts . Cette division provient du contexte de Rotterdam. Le premier axe, est une route qui traverse le site et qui borde le Maasboulevard. Le second axe correspond à une passerelle piétonne permettant de rejoindre le Parc situé 6 mètres plus bas. Les rampes y constituent un élément important. Elles permettent le travail de la déambulation en spirale conçut par Koolhaas, pour ainsi permettre la réunification des quatre parties. Le travail effectué par Balmond et Koolhaas sur ce musée est réellement un assemblage de volumes indépendants à l’intérieur d’un prisme rectangulaire. Les « concepteurs » portent une attention toute particulière à l’espace. Ils créent alors différents espaces, d’ambiances différentes possédant tous des structures en adéquation avec leur destination. Cette différence s’affiche clairement au regard de la coupe du Hall 1 et du Hall 2. Chaque structure est en relation directe avec l’objet de sa salle. Il y a donc réellement une synergie entre structure et espace. On tourne autour de ces vides, à travers tout un itinéraire dans le bâtiment.


Contreventement

Glissement

Structure

Juxtaposition


- Opérations Balmond exemplifie son travail autour de quatre opérations qu’il met en scène dans son livre dans lequel il prône son concept, mêlant architecture et ingénierie.

BRACE : (contreventement) Hall 2 Dans sa première opération, Balmond nous parle du contreventement. Etant dans le refus permanent d’une structure déjà appliquée et approuvée, il veut à tout prix éviter les solutions basiques de l’ingénieur, telles qu’il les expose dans son livre :

« Mais au lieu d’une hypothèse universelle pourquoi ne pas envisager une solution de rechange , une idée plus dispersée, que les diagonales se dispersent à travers la coupe verticale ? »57. Il nous dit vouloir laisser

les diagonales se disperser à travers la coupe verticale. Il conçoit donc un système en arc, qu’il transpose à l’horizontale. Ce système d’arc s’oppose à la structure du Hall 2. Balmond va encore plus loin en peignant cette structure en rouge. Pour lui, cela va inciter les visiteurs à se demander si c’est de la structure, si c’est architectural ou encore s’il s’agit simplement d’un motif. La réponse de Balmond ? « Les trois ». En soit, Balmond brouille les pistes de la structure de son bâtiment. Il donne un sens plus profond à la structure en en faisant une source de questionnement à part entière.

57

Ibid. p.74

SLIP (glissement) : Hall 1 La deuxième opération, est relativement simple à comprendre. Au lieu de partir sur une grille de colonnes simples et alignées, Balmond prône une disposition aléatoire des poteaux dans le Hall 1. Ce sera pour lui une façon de conserver un espace fluide. Grâce à ce système, les colonnes placées ont créé un seul et même espace. Cela évite la création d’espaces et de sous espaces intermédiaires à travers une grille ordonnée. Ici la grille est bien présente, mais seulement l’emplacement des poteaux n’est pas régulié. Le hall , grâce à cette disposition en quinconce, devient une pièce beaucoup plus aérée, beaucoup moins stricte. Koolhaas, dans cette continuité, habilla les poteaux d’écorce de bois, ce qui offre une continuité visuelle avec le parc jouxtant le Hall, offrant ainsi une impression de continuité entre le parc et le hall.

FRAME (charpente) : Salle de conférence La troisième opération, concerne la structure de la salle de conférence. La dalle est en pente et Balmond s’est donc questionné sur l’inclinaison des poteaux. En effet, il nous explique que si les poteaux étaient inclinés comme la dalle, alors il faudrait inclure une force horizontale capable de les retenir. Et celle-ci devait être le bâtiment adjacent jouant le rôle de « digue ». Mais il conclut que ça ne fonctionnerait pas, et que tout aurait risqué de s’effondrer.


Juxtaposition d’espace au sein du musée


Il conçut donc la dalle et les poteaux comme un tout, un ensemble structurel en béton. Lorsque la dalle atteint le sol, les piliers demeurent quand même inclinés, alors que la logique structurelle aurait voulu qu’ils redeviennent droits. Ce qui montre que Balmond, hormis ses qualités d’ingénieur exceptionnel, porte une attention toute particulière à l’espace et à des problèmes d’architecture.

JUXTAPOSITION : Entrée Dans son livre la dernière opération est nommée Juxtaposition. A l’entrée du Kunsthal, Balmond place trois poteaux de composition différente. Il place un premier poteau de section carré en béton, un second en « I » en acier et un troisième perforé en acier également. Ces trois types de poteaux sont souvent utilisés dans la construction, mais ils sont utilisés séparément. Les regrouper ensemble dans un même espace et aussi rapprochés l’un de l’autre (d’où le terme « juxtaposition »), signale l’expérience à laquelle vont être confrontés les visiteurs dans le musée. Ils reflètent l’ambiance qui y règne et les volontés des concepteurs de bousculer les normes et les visiteurs.

Dans les quatre opérations qu’il décrit, Balmond sort du cadre de l’ingénieur structurel standard. Il va plus loin en cherchant à questionner jusqu’à la sensation même du visiteur lorsqu’il passera la porte du musée. Il prend donc un poids important dans les décisions du projet. Projet qu’il suit depuis les débuts et dans lequel il est totalement investi au même titre que Rem Koolhaas. Cela montre une fois de plus la volonté de cet ingénieur de surpasser le travail structurel. Il devient un acteur du projet aussi important que l’architecte. Prenons l’exemple des poteaux en quiconque. Balmond les dispose ainsi pour rendre l’espace plus fluide, et Koolhaas les complète en les habillant d’écorce afin d’assimiler les poteaux aux arbres du parc.



Dans ce projet, Balmond va au delà son rôle d’ingénieur structure. Il devient presque un architecte dans le sens où il réfléchit à la création d’espaces et de sensations. Il pense comme un architecte quand il veut interpeller le visiteur et lui offrir des sensations différentes. C’est un discours beaucoup plus architectural que structurel. Le sensitif est subjectif, et le subjectif est souvent une affaire architecturale et non pas structurelle. L’ingénieur nous parle d’habitude de façon rationnelle et objective... Il change donc radicalement les normes en passant des frontières qui étaient autrefois relativement fermées.

Cependant, il ne faut pas qu’il aille trop loin. La compréhension structurelle du Kunsthaal est certes « questionnante », mais d’un point de vue personnel, il m’apparaît que les trois poteaux à l’entrée du musée ne participent pas vraiment à offrir une vision de ce que le gens trouverons à l’intérieur. A force de vouloir brouiller les pistes, l’architecte et l’ingénieur contribuent à rendre l’architecture quelque peu « brouillon », certainement dû à un excès de volontés. La simplicité a parfois du bon ...

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Hall de la gare d’Arnhem Central


3_Des projets façonnés par l’ingénieur Si pour la maison Lemoine, Cecil Balmond a été à l’origine de la structure en réfléchissant sur le concept de légèreté, l’architecture a conservé, de peu, la première place dans le processus de conception qui a abouti au bâtiment final : Une boite qui lévite. Il est cependant d’autres projets où l’ingénieur est à l’origine de tout l’aspect du bâtiment. C’est-à-dire que sans le concours de l’ingénieur, l’intégralité du bâtiment n’aurait jamais pu être ce qu’il est. C’est le cas par exemple du projet d’Arnhem Central Le programme d’Arnhem Central ne se résume pas à un simple terminal de gare. C’est un projet colossal qui a couté pas moins de 163 millions d’euros. Il s’agit en fait de plusieurs programmes réunis en un grand plan urbain qui comprend une gare, un parking souterrain, des bureaux, un parking pour vélos, un tunnel pour les voitures, un accès tramway. C’est donc un grand et dynamique « Transport hub » comme le projet a pu être qualifié par l’architecte Ben Van Berkel lui même. Pour illustrer mon propos, il convient de se concentrer sur le projet du Transfer hall. Cela dit, il est important de garder en tête que ce projet est d’autant plus impressionnant et intriguant, qu’il jouxte les tours de bureaux et le parking dont la structure est plus « ordinaire » et dont l’ordre est plus cartésien. En effet, l’architecture de ce hall est particulièrement remarquable en ce que la structure bouscule les normes. On ne joint plus des lignes à des points mais on choisit de travailler autour d’un seul et même fil conducteur fait de boucles et de replis qui constituera la structure. Elle est en effet faite à partir d’une grande couverture sans intérieur ni extérieur qui fait à la fois office de mur, de poteau et de toit. On dépasse les structures prédictives avec une armature, des poteaux et des poutres. Le spectateur en oublie la physique newtonienne. 100

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ModĂŠlisation de Cecil Balmond pour la crĂŠation de la structure

Hall de la gare Arnhemn Central


Cette structure n’aurait jamais été possible du simple fait de l’architecte. La technique prend une place tellement importante dans la conception et la réalisation du bâtiment que les architectes et les ingénieurs ont nécessairement entretenu des relations de travail très intimes. D’ailleurs, il a fallu chercher à aller plus loin que l’ingénierie classique en construction. Ils ont à ce titre utilisé des techniques de l’ingénierie navale. En fait, pour le Transfer Hall, au delà de l’idée même de cette structure remarquable, il est intéressant de penser, selon un syllogisme assez élémentaire : ce qui fait le bâtiment c’est avant tout la structure. Or, la forme de la structure dépend des forces, des portées, des plis et boucles calculés par les ingénieurs. Donc le bâtiment dépend de l’ingénierie. Ainsi, le complexe est tel qu’il est, il a la forme qu’il a uniquement parce qu’il a été façonné par l’ingénierie et l’architecte n’avait pas véritablement la main sur ces calculs techniques. Finalement, dans la continuité de l’étude de la relation entre architecte et ingénieur, à travers le travail de Cecil Balmond, on voit qu’il entretient des relations étroites avec les architectes pour et avec lesquels il travaille. Il dépasse souvent les frontières classiques entre l’architecture et l’ingénierie. Il va jusqu’à théoriser ses concepts propres et parfois il est celui qui a façonné la quasi totalité d’un bâtiment.

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Evolutions de la modélisation des coques de l’opera de Sydney de 1957 à sa construction


- II DES THÉMES RÉCURRENTS A

L’outil informatique

1_Un instrument de communication devenu indispensable De nos jours, l’outil informatique est devenu indispensable. Indispensable pour la conception d’un projet mais aussi pour la communication entre les différents acteurs de la construction. Ainsi la communication entre un architecte et les autres corps de métier sera facilitée par l’échange autour des plans et des modélisations numériques. Mais l’informatique s’est aussi rendue indispensable pour l’ingénieur, dans la conception des projets. Dans les années 1960, c’est l’outil informatique qui a permis à Peter Rice de résoudre la forme des coques de l’Opéra de Sydney. « Sur ce projet, pas de grande relation avec l’architecte Jorn Utzon mais Rice nous dit « Je ne travaillais pas directement avec lui, mais je ressentais partout l’influence de sa philosophie et de son génie »58. On sent donc la volonté de Rice de travailler structurellement en accord avec les idées de l’architecte. C’est avec ce projet que Rice dit avoir appris l’architecture. Cinq ans, c’est le nombre d’années qu’il lui aura fallu pour comprendre le bâtiment et en saisir toutes les caractéristiques. Cinq ans, c’est également, le nombre d’années nécessaires pour décrocher un diplôme d’architecture dans une école... Les compétences s’échangent. Par l’habitude de travailler avec des architectes, les ingénieurs vont acquérir une part plus importante de subjectif dans leur processus de réflexion. A long terme, ils vont peut être développer une certaine sensibilité. Ce qui est déjà le cas de Cecil Balmond, chez qui les sensations sont des éléments très important dans les structures qu’ils met en place pour ses réalisations 104

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58

RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.58


La citation de Pierre Chabard résume assez bien l’impact de l’informatique sur l’architecture, il dit en effet que « l’apparition de l’ordinateur sur la table de l’architecte représente, à bien des égards, un bouleversement majeur, presque une révolution en ce qu’il transforme non seulement la représentation mais aussi la conception voire la fabrication de l’architecture »59. Depuis, l’outil informatique est inhérent à la pratique architecturale et à l’ingénierie. C’est d’ailleurs une matière qui fait l’objet de plusieurs enseignements au cours des études d’architecture. On a en effet un outil mixte qui peut s’adresser autant à l’architecte qui souhaite modéliser pour des considérations esthétiques qu’à un ingénieur qui souhaite modéliser pour calculer des structures. L’outil informatique est devenu tellement essentiel que Franck Gehry a fait développer un logiciel, DIGITAL PROJECT, spécialement imaginé pour la conception de ses projets, basé sur CATIA, un logiciel issu de l’aéronautique.

Le développement de l’informatique dans le monde de la construction est une réelle avancée. Il représente une augmentation significative de la vitesse de production. Fini les plans de 4 m de long où les architectes devaient dessiner pied nus sur leur plans, maintenant tout tiens tdans un écran de 15 pouces. Et c’est en cela la limite de l’ordinateur, celui d’être seulement une réalité virtuelle...

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Pierre Chabard, « Antoine Picon. Culture numérique et architecture : une introduction », Critique d’art [En ligne], 36 | Automne 2010, mis en ligne le 16 février 2012, consulté le 17 Juillet 2016. URL : http:// critiquedar t.revues. org/1483


2_Un outil dangereux Mais ce développement est aussi quelques peu néfaste pour la construction. On pourrait penser que l’ordinateur permet une représentation précise de ce que pourrait être un projet, mais cette virtualisation de l’architecture nous offre des possibilités que l’ingénierie actuelle n’est pas capable de produire. Il met en jeu des éléments irréalisables en réalité, et en oublie les bases mêmes d’une structure viable. Nous sommes dans société où l’image prime. C’est d’ailleurs pour ça que, dans le sens commun, l’architecture prime sur l’ingénierie. Car il est plus facile de retranscrire en photo, le travail d’un architecte que d’un ingénieur. Ils n’ont pas la même responsabilité. Si un architecte « rate » son projet, ce dernier pourra être par exemple remis en question par rapport au contexte ou d’autres le trouveront totalement inesthétique. A contrario, si un ingénieur « rate » son projet, le bâtiment risquerait de s’effondrer, il en résulterait peut être même un accident mortel. D’où une responsabilité totalement différente.

Nous nous devons de faire attention aux images que l’on produit avec ces logiciels. Rudy Ricciotti avoue d’ailleurs sur ce point, que si les techniques autour de la fabrication du béton fibré ultra haute performance n’avaient pas autant évolué entre les premières esquisses et le début du projet du MuCEM, jamais il n’aurait pu réaliser ce qu’il avait présenté initialement au concours. C’est probablement un des enjeux que voulait souligner Mac Mimram lorsqu’il a dit, en parlant de l’utilisation de l’informatique en architecture, « il ne faut pas oublier que ces outils là nous éloignent du réel »60.

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60

RAMBERT Francis ( dir ), RICCIOTTI ARCHITECTE, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine / Le Gac Press, avril 2013, p.37


On serait donc amené à se demander si l’ordinateur est la meilleure des façons de travailler pour un architecte. Les outils manuels ne sont ils pas des outils permettant une réalité et une prise de conscience de la dimension des choses ? En cours de projet d’architecture, beaucoup de nos professeurs nous disent de bien dezoomer notre curseur pour nous rendre compte du gabarit et de l’influence sur le contexte de ce que nous dessinons. C’est pour ça que la maquette reste un outil très important pour nous. Une maquette est plus sensible qu’une simple trois dimension réalisé par un « persman ». En réalité virtuelle , il est facile de tricher sur tel ou tel espaces, ou sur telle lumière. Je pense qu’il faut savoir utiliser l’informatique à bon escient.


3_ Le BIM Ces dernières années, on a vu l’apparition d’un nouvel outil : Le BIM (Building Information Modeling).« La technologie BIM permet de créer numériquement des modèles virtuels de bâtiments très précis. Ces modèles facilitent la conception et améliorent l’analyse et le contrôle en comparaison aux procédures manuelles. Une fois terminées, ces maquettes numériques en 3D contiennent des informations géométriques précises et les données nécessaires à la construction, la fabrication et à l’approvisionnement. »61 Il a pour but d’améliorer encore plus la relation et la communication entre les différents acteurs de la construction. Il permet la création d’un modèle 3D, où chaque personne peut venir implanter ses détails. Ces logiciels permettent de transmettre des informations, au bon moment, aux bonnes personnes, facilitant ainsi le développement du projet. C’est peut être l’occasion pour l’architecte de redevenir l’acteur principal de la construction en gérant au mieux ces logiciels. Beaucoup d’agences d’architectes rechignent à utiliser ce logiciel, pourtant, il semblerai que ce logiciel soit l’avenir. Néanmoins le BIM permet d’effectuer de nombreuses simulation 3D tout au long du processus de conception, mais ils permet aussi de sortir des plans 2D, de la même façon qu’Autocad. De plus, fait important pour les architectes et les ingénieurs, le BIM permet de simuler les performances énergétiques et environnementales dès les prémices du projet. Ce qui est un point non négligeable, surtout dans notre situation actuelle, où les consommations d’un bâtiment semblent prendre un part de plus en plus importante dans la construction. Pour preuve, le développement des normes HQE ou des maisons passives sont des exemples de prise de la conscience sur ce sujet. 108

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D’aprés la définition d’Eastman, Teicholz et al. , Handbook of BIM, 2011



4_ Vers un monopole de l’informatique ? Avec un important développement ces dernières années, on est amené à se demander si dans 20 ans, la norme ne sera pas de simplement dessiner son bâtiment en trois dimensions pour que l’ordinateur analyse lui même le bâtiment et en déduise une structure potentielle indiquant épaisseur de dalle d’isolation, etc. La réponse vient avec des ingénieurs contemporains tels que Cecil Balmond. En créant son propre style, en apportant plus au projet qu’une expertise technique, il contribue au processus de création et dépasse par là les capacités uniquement mathématiques et binaires d’un ordinateur. Pour reprendre la métaphore de Balmond, l’ordinateur ne saurait alors seulement exploiter les solutions de la balle dans son contenant concave.( voir projet Maison Lemoine) De même, à cet égard, lorsque Peter Rice évoque la sensation tactile notamment au travers de l’utilisation de l’acier moulé pour la structure du centre Pompidou, il laisse la trace du travail et de la réflexion de l’Homme. Certes un ordinateur pourra calculer si un bâtiment est à même d’être construit de telle ou telle manière, mais il ne remplacera jamais « l’humain ». L’ordinateur est une machine, il possède un système binaire où seulement deux réponses sont possible 0 ou I, Oui ou Non. Dans son système le peut être n’existe pas, et il ne propose pas d’innovation dans ces réponses. Ces logiciels pour le moment vérifient seulement avec les normes qui lui sont implantées. C’est seulement avec l’aide des ingénieurs que cette machine permet réellement d’innover. L’esprit de recherche de l’ingénieur, combiné aux capacités de l’ordinateur, là est le vrai travail. Encore une fois, la résolution d’un problème résulte de l’association de deux choses.

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Pont de Tavanassa, Robet Maillart,1906, detruit en 1927


B

L’exploration du matériau

Le pont c’est comme l’unité de mesure de l’ingénierie. Ouvrage d’art dans sa conception, mais souvent aussi précurseur dans les matériaux avec lequels il est bâti. Comme nous le fait remarquer Peter Rice dans son livre Mémoires d’un ingénieur , Robert Maillart, ingénieur Suisse, conçoit ses ponts en béton en reflétant « pleinement la façon dont le matériau est mis en œuvre, ainsi que les formes plastiques qu’il permet de réaliser »62 Maillart tire ainsi tout le profit de son matériau fétiche et exprime ses capacités techniques et esthétiques jusqu’à leur paroxysme. Dans son pont à trois articulations de Tavanassa, il exprime et utilise le béton avec une certaine simplicité qui renvoie directement aux caractéristiques physiques du béton et représente le diagramme des moments. A travers son œuvre, on se rend compte que Maillart a toujours pris en compte le coté esthétique d’une construction, tout autant que les problèmes structurels. A ce propos, Rice nous dit qu’il constate « qu’en ce qui concerne les matériaux, les plus belles réussites surviennent souvent lorsqu’on les utilise pour la première fois, lorsque les concepteurs ne se sentent pas inhibés par des précédents. »63

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62 RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.84

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ibid. p.83



1_ Une recherche constante « Mon objectif consiste toujours à explorer les matériaux »64

C’est à partir de cette recherche scientifique sur le matériau que l’ingénieur peut jouer un rôle important dans la conception du projet. Un ingénieur aborde un projet différemment. Comparé à un architecte, l’ingénieur est cartésien, il a besoin de réfléchir objectivement sur un problème. Selon Rice, confronté à un problème de «design», typiquement un problème d’architecte, l’ingénieur pourra réfléchir de manière plus objective, en déplaçant le problème. Il peut par exemple le transposer vers l’exploration d’un matériau spécifique, inhérent au concept posé par l’architecte. Ce fut le cas, en étudiant l’acier moulé à Beaubourg, en glorifiant le béton à la Lloyds’, ou encore lors de la construction des Grandes serres de la Villette où la volonté de transparence de l’architecte s’est transformée en recherche sur les capacités techniques du verre. Pour ce dernier projet, l’architecte avait défini une simple intention architecturale, l’ingénieur la transposa en une réfléxion sur le concept de transparence et sur les propriétés physiques du verre.

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ibid. p.183

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ibid. p.83

Peter Rice

Dans notre société actuelle, les mots de Peter Rice résonnent toujours autant. Selon lui, l’exploration des matériaux est la « contribution essentielle de l’ingénieur au travail des architectes »65, cette recherche de la vérité du matériau est au centre de beaucoup de conceptions d’ingénierie.

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- Grandes serres de La Villette -

Localisation : Paris, France Date : 1986 Architectes : Adrien Fainsilber IngÊnieur : Peter Rice Maitre d’ouvrage : Etablissement public du PArc de la Villette Programme : Grandes Serres


Systeme de fixation du verre


Le but de l’opération était la réhabilitation des anciens abattoirs de Paris. Seule la grande Halle de La Villette est conservée pour la restauration. L’architecte Adrien Fainsilber est le gagnant du concours national pour la construction de la Cité des Sciences et de L’industrie de Paris La Villette. Dans le projet qu’il propose, il place au sud, trois gigantesques verrières qui font office de serres. Leur taille de 32mx32mx8m fait qu’un immeuble de douze étages pourrait être inclus à l’intérieur. Ces verrières permettent de baigner l’édifice de lumière naturelle l’édifice et d’impacter sur la thermique du bâtiment.

- A la découvert du verre L’idée était donc l’exploration de l’usage du verre pour en dévoiler toutes les propriétés physiques telles que la solidité et la transparence. Le verre est un matériau qui résiste mal aux efforts. Pour contrer ce problème, on utilise souvent la solution des montants et des traverses qui divisent la surface en plusieurs petits rectangles. Mais ici, RFR ne cherche pas la simplicité, et impose une recherche sur la légèreté et la transparence générale de l’ensemble de la façade. P. Rice ne voulait en aucun cas morceler la baie en plusieurs parties avec des montants opaques. Il voulait que le verre ne vienne plus seulement en remplissage, mais qu’il devienne la structure lui- même.

Le problème était la pression que le vent allait exercer sur cette façade faite de verre. RFR conçoit alors une structure en acier inoxydable ainsi que des raidisseurs en câbles d’acier précontraints. Ces raidisseurs ont deux centres de rotations qui s’opposent, ce qui bloque le mouvement. Pour la structure, RFR s’est inspiré de la construction navale, les serres sont suspendues aux poteaux comme une voile est suspendue au mas du bateau. Rien n’est caché, tout est mis en scène.

Ce système nommé « Verre extérieur agrafé » a été inventé dans ce projet par Peter Rice, et encore aujourd’hui il fait office de référence dans le milieu de la construction en verre.

Sans l’intervention de Peter Rice dans ce projet, et sans sa volonté d’aller toujours plus loin dans la recherche technique, les serres de La Villette ne ressembleraient pas à ce qu’elles sont aujourd’hui. Ce procédé a été une réussite d’ingénierie mais aussi une réussite architecturale, conformément aux attendes de Fainsilber. Ces serres permettent une perméabilité entre le bâtiment et le jardin de la Villette. La structure s’efface au profit de la transparence.



2_ La dimension tactile du matériaux Rice n’est pas un ingénieur dénué de sens « poétique ». La trace de la main dans la construction tient une place importante dans son travail. Lorsqu’il se remémore les grandes constructions telles que les cathédrales gothiques, il se rend compte qu’elles possèdent une expression de la présence de la matière ainsi que des ouvriers qui les ont construites de leurs propres mains de nombreuses années auparavant. Seulement de nos jours, rares sont les bâtiments comportant cette qualité « tactile ». Rares sont les bâtiments récents qui possèdent cette trace de la main des ouvriers, ou de la réflexion des architectes ou des ingénieurs. Selon lui, les bâtiments d’aujourd’hui semblent être des édifices à la gloire de l’industrie plutôt qu’à la gloire de ceux qui les ont bâtis et conçus. Et c’est cette domination de l’industrie qu’il faut combattre. Il faut réimplanter la notion de tactile dans le bâtiment. Cela passe par un maitrise et une connaissance totale de matériaux convoqués. Comme le dit P. Rice, encore faut il que cette utilisation soit « honnête et authentique »66. A travers un projet, une histoire aux spectateurs, histoire sensible et intime.Il faut que l’étude du matériau devienne un élément porteur du projet, qu’il puisse libérer l’architecture, pour lui permettre d’aller plus loin. « L’architecture commence là où deux briques sont savamment assemblées » Ludwig Mies van der Rohe

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ibid. p.83


Prenons l’exemple du Salk Institute, où August Komendant, sous les pressions du bureau de contrôle et des entrepreneurs, aurait pu plier et construire le bâtiment en acier ou en béton coulé. Mais il a su résister, et c’est ce genre d’attitude qui confère aux bâtiments leur rôle tactile, sensible et émotionnel. Le rôle des ingénieurs est d’user de la connaissance des matériaux, afin de servir le propos architectural et exprimer leur présence dans un projet. Le sens tactile c’est en partie une revanche de l’ingénieur sur le manque de reconnaissance auquel il doit faire face dans la construction et dans l’architecture en général.

Un peu comme un architecte a son écriture, on a l’impression que les ingénieurs réclament aussi cette reconnaissance qui leur manquent dans le monde de la construction. C’est un peu une façon de dire que le projet émane d’eux aussi, une façon de laisser leur trace.


3_ Hyper-spécialisation des matériaux connus On assiste aussi à une hyper-spécialisation des matériaux qui sont connus et très utilisés. Prenons pour exemple le béton, matériau qui prend son essor essentiellement depuis le début du XXème siècle. En près de 100 ans, il subit d’énormes transformations. Des transformations d’ordre technique mais aussi esthétiques. Le béton fibré à ultra haute performance, capable de cicatrisation, ne ressemble en rien à celui que Francois Hennebique67 utilise pour construire sa maison à Bourg La Reine, la Villa Hennebique, où il expérimente les possibilités novatrices du béton armé. C’est d’ailleurs le BFUP68 que Rudy Ricciotti a choisi de mettre en place dans sa dernière réalisation notoire, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (voir partie 2).

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Francois Hennebique, 1842-1921, est un ingénieur français, auteur de brevets pour des systèmes constructifs en béton armé. ( source Wikipedia)

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Ces changements interviennent dans une volonté d’aller toujours plus loin. Les architectes en demandent toujours plus aux ingénieurs, qui n’ont de cesse de rechercher la meilleure optimisation d’un matériau. La collaboration entre ces deux acteurs est réellement à la base de ce développement des matériaux, pour d’une part permettre au matériau de révéler sa véritable nature, et d’autre part de l’exploiter au maximum structurellement parlant. Cependant, cette maitrise du matériau est nécessairement due à la production de celui-ci. Il n’est pas question de connaître ses propriétés, il faut aussi pouvoir et savoir comment le produire et le mettre en oeuvre. Ici l’industrie se place donc comme l’élément final du projet d’architecture, dans le sens où c’est réellement elle qui va lui faire prendre vie

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Béton Fibré à Ultra Hautes Perfomances


Crystal Palace, Joseph Paxton , 1865


C

La relation avec l’industrie

Avec la révolution industrielle, on a vu apparaître les premières expositions universelles. A la gloire de la relation entre art et industrie, et entre la technique et l’artiste. A l’occasion de la première exposition universelle, en Angleterre en 1865, avec le Crystal Palace de Joseph Paxton, on retrouve justement une parfaite et impressionnante alchimie entre art et industrie. On a vu une production qui s’est mobilisée près d’un an pour la construction de ce bâtiment, une ingénierie à la pointe avec la construction de l’ossature en acier réticulé. C’est les débuts de la préfabrication en série, qui sera massivement réutilisée pour les constructions futures.

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1_ Une trio architecte/ingénieur/industrie Quand on parle de la relation entre ces trois acteurs, il est nécessaire dans un premier temps de souligner l’importance de l’industrie dans ce rapport. En effet à la base du processus, on retrouve l’architecte, qui produit une idée, un concept, basé sur une vision subjective qu’il a du site. Puis l’ingénieur intervient lui aussi dans ce processus en rendant possible les idées de l’architecte. Cependant l’industrie sera l’acteur qui donnera réellement vie au projet. Il est nécessaire de différencier l’industrie de la construction et l’industrie de la production. Sans l’industrie, pas de chantier ni construction. Alors, sans industrie, les idées des architectes et les innovations des ingénieurs n’aboutiraient pas. C’est un cycle stimulant pour ces trois acteurs de la construction ; un cycle où chacun entraîne l’autre. Les ingénieurs sous l’impulsion des architectes, essayent de pousser plus loin leurs recherches structurelles. Les entreprises, sous l’impulsion des demandes des ingénieurs, vont pousser encore plus loin leurs méthodes de construction et de fabrication pour arriver aujourd’hui à des techniques extrêmement pointues. Voyant que de nouvelles possibilités de construction et de fabrication voient le jour, les architectes ne se limitent plus vraiment aux préceptes prémâchés et déjà acquis. C’est un schéma évolutif, et c’est ce qui permet à la construction d’avancer dans le sens du progrès. Prenons pour exemple les laboratoires Richards de Philadelphie, où l’architecte, l’ingénieur et l’industrie sont partis dans une nouvelle aventure de construction. Mais à la fin, on a eu un effet bénéfique pour le milieu de la construction. Même si l’entreprise de construction a perdu de l’argent sur ce chantier, comme le dit Mr Pott, patron de l’entreprise Lakewood « Cette structure ouvre une ère nouvelle aux techniques du bâtiment »69. 126

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KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.42

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2_ Une relation plus fort entre l’ingénieur et l’industrie « Voici donc, pour l’ingénieur, un noble rôle à assumer : celui de contrôler et d’apprivoiser l’industrie. »70 Selon Rice, seul un ingénieur sera capable d’entrer en conflit avec une industrie. L’ingénieur possède les connaissances techniques le lui permettant. Seul l’ingénieur a les capacités pour contredire les arguments de celle-ci (souvent financiers). L’ingénieur est celui qui s’occupe de la partie réellement technique du projet. Sur le chantier des laboratoires Richards, c’est Komendant qui a dessiné la structure Vierendeel et fait le dessin des poutres préfabriquées. C’est donc lui qui s’est chargé de la réalisation de tous ces éléments préfabriqués. D’ailleurs Kahn lui rend hommage lors d’une conversation avec l’architecte Eero Saarinen en disant: « Komendant a mené un combat formidable avec Farell et Atlantic, faisant appel à sa vaste expérience et à sa force de conviction [...] Sans lui les tours médicales n’auraient pas existé telles qu’elles sont aujourd’hui »71 C’est l’ingénieur qui possède les notions techniques. Rhéologie, post contrainte, ductilité, sont des termes d’ingénierie pure et non pas des termes d’architectes. Et c’est grâce à leurs connaissances techniques, que les ingénieurs peuvent réellement discuter avec les entreprises, voire entrer en conflit avec elles, pour achever et accomplir des constructions qui touchent au sublime. Car les plus beaux projets, du moins les plus célèbres, présentent souvent des innovations qui n’enchantaient guère l’industrie aux débuts de leur conception. Prenons pour exemple la réalisation des Gerberettes au Centre Pompidou. La fabrication de cellesci n’enchantaient guère les industries françaises. Même si le rôle de l’industrie est capital dans le monde de la construction car c’est réellement elle qui construit et produits ce qui sort de l’esprit des architectes et des ingénieurs, il n’en reste pas moins que le rôle de l’industrie doit être limité.

70 RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.83

KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006, p.62

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3_ Limiter le role de l’industrie dans le processus de conception « Tout ce que nous dessinons est en définitive réalisé, assemblé et construit par l’industrie »72 En effet, sans industrie, pas de construction. Pour Peter Rice, les constructions modernes tiennent plus du développement des techniques de production industrielle que de la volonté des architectes74 . Cela apparaît regretable, en effet, il ne faut pas construire pour l’industrie, mais avec l’industrie. Comme l’ingénieur avec l’architecte, l’industrie ne doit pas freiner les ambitions architecturales mais doit lui permettre d’aller plus loin. Elle doit l’accompagner dans le processus d’innovation. Les choix d’un projet ne doivent pas être guidés par les industriels, pour les facilités de production où par seul souci d’économie. La fabrication en série d’un élément revient beaucoup moins cher qu’une production unitaire. Prenons l’exemple du centre Beaubourg, où aucune entreprise française ne voulait répondre aux demandes de Peter Rice concernant la construction d’éléments en acier moulé. Elles ont donc toutes décidé, en se concertant, de donner un devis exorbitant pour de l’acier moulé, mais ont proposé par la suite, un changement de structure ou une méthode de production différente de l’acier moulé, qui correspondait étrangement aux estimations des ingénieurs. Mais il est vrai que l’innovation coûte cher. Et que les plus grosses innovations sont souvent portées par de gros projets, capables d’avaler les coûts exorbitants de construction. Pour Rice, le seul moyen de contrôler l’industrie, c’est d’inclure de la complexité dans le projet, afin de lui donner beaucoup moins de poids dans les décisions projet. Il ne faut pas se laisser dicter notre façon de travailler par l’entreprise. 128

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RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998. p.164

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Ibid. p.164


Pont de Salginatobel, Robet Maillard, 1930


D

L’expression de la structure

1_La structure est-elle un art ? Au sens figuré du terme, l’architecture désigne parfois la structure. On parle par exemple de l’architecture d’un mémoire, pour en designer le plan. Néanmoins au delà de cette confusion lexicale on distingue souvent l’architecture de la structure au même titre que l’on distingue l’art et la science. Cependant, il convient de se poser la question de savoir si la structure en elle même ne saurait être considérée comme étant également un ouvrage d’art, ou du moins un élément artistique dans une architecture globale. Pour prendre l’exemple des temples grecs, les colonnes retenant l’entablement étaient à la base totalement structurelles. Mais elles devenaient art une fois décorées. En effet, dans la Grèce Antique, trois systèmes architecturaux ont été développés, Dorique, Ionique ou Corinthien, la modénature de la colonne était donc un art, qui permettait de renvoyer au choix d’un système architectural. De plus chacun de ces systèmes renvoyait à différentes représentations de l’Homme ; ainsi au même titre que des peintres ont pu s’inspirer de l’homme pour leur(s) art(s), les bâtisseurs faisaient de même, au point parfois de sculpter des colonnes. Le pont, quant à lui, est une vieille symbolique assez particulière des ouvrages d’ingénierie. Il est l’expression même de calculs structurels de base : points d’appui et portées. Le pont, c’est en quelque sorte l’unité de mesure des progrès de l’ingénierie. Pourtant le sens commun s’accorde à dire qu’en général, les ponts sont des ouvrages d’art. Exemple, le pont de Salginatobel de Robert Maillart, construit avec la rationalité scientifique propre à l’ingénieur, tout en s’attardant sur des considérations esthétiques, permettant dès lors l’expression de l’art à travers le béton armé et l’étude de ses caractéristiques physiques. 130

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Hangar d’Orbetello, Pier Luigi Nervi, 1942


On a vu que la structure seule pouvait être considérée comme de l’art, d’autant plus lorsqu’elle est couplée à des considérations esthétiques. Cependant, lorsque l’on étudie l’architecture, la structure est rarement une fin en soi. Toutefois même lorsqu’elle est inhérente à un bâtiment, la structure de ce dernier peut constituer un ouvrage d’art à part entière. Dans le hangar de l’aérodrome d’Orbetello de Pier Luigi Nervi, l’utilisation du béton armé structurel rime avec beauté et ceci résulte de l’utilisation savante du béton. La conception de sa toiture et les nervures du béton traduisent les efforts auxquels elle est soumise. Cependant, il n’en reste pas moins que la réalisation est captivante notamment au travers de ses lignes qui créent ainsi une toiture géométrique où l’art se mêle à la structure. En outre, l’ossature du Crystal Palace de Joseph Paxton est pour l’époque une réalisation marquant le début de l’ère de préfabrication. On pourrait considérer que cette réalisation, de part la finesse de ses assemblages, et l’utilisation importante du verre n’en demeure pas moins un ouvrage d’art pour le 19ème siècle. Au même titre que le Grand Palais de Paris ou la Tour Eiffel, les bâtiments en acier, construits pour les expositions universelles, mêlaient ingénierie et esthétique ainsi qu’une volonté forte de promouvoir le progrès à travers l’art de la science. En architecture on fait parfois une distinction entre les éléments portés et les éléments porteurs. Pour reprendre l’exemple le plus parlant des temples grecs : les colonnes portent, l’entablement est porté. Ainsi lorsqu’on revient à la fonction essentielle de la structure - porter - toute structure n’est pas nécessairement ouvrage d’art. Prenons l’exemple de la fondations Louis Vuitton dessinée par l’architecte Franck Gehry : si les grandes voiles de verre se veulent particulièrement belles et légères, la réalité structurelle est toute autre et l’ossature épaisse nécessaire au maintien de celles ci, analysée séparément de la voile elle même, abandonne toute idée d’ouvrage d’art. 132

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Lloyd’s Building, Richard Rogers, Peter Rice, 1986


2_La structure exprimée « C’est par la splendeur du vrai que l’édifice atteint sa beauté » Auguste Perret Tout d’abord, par cette citation, August Perret nous rappelle que la vérité en architecture permet d’atteindre, comme le dit aussi Vitruve, la Beauté. La trilogie Vitruvienne est composée de « Utilité - Solidité - Beauté ». On pourrait ainsi relier ces adjectifs aux exosquelettes actuels. Ils servent structurellement le bâtiment. Ils lui permettent de tenir debout et participent à son esthétique extérieure et parfois même intérieure. Les ingénieurs d’aujourd’hui l’utilisent pour en faire un expressionnisme structurel géant. Comme nous l’avons déjà évoqué, le mouvement High Tech a notamment participé à cette vision de l’architecture et de l’ingénierie. C’est le cas lorsqu’on observe des bâtiments qui présentent des exosquelettes comme le HSBC Main Building à Hong Kong ou encore le célèbre exemple déjà cité des gerberettes du Centre Pompidou, voire les deux à la fois (articulations et exosquelette) dans le Lloyd’s building de Richard Rogers. Louis Kahn, avec l’utilisation répétée du béton Brut, exprime la structure telle qu’elle est. On reconnaît là un précepte du Brutalisme ; mouvement architectural où la structure est volontairement exprimée de façon brute. Cette notion de beauté se rapproche étroitement du concept d’art. Pour reprendre un raisonnement en syllogisme, on sait que l’architecture est incontestablement un art. Les choix esthétiques de l’architecte, les notions subjectives qui en résultent en sont. Or, si comme dans les bâtiments cités précédemment, la structure devient l’essentiel de l’architecture et du bâtiment, alors le constat est donc que la structure est un art, au même titre que l’architecture. C’est à ce moment là que le triptyque de Pier Luigi Nervi prend son sens « fonction - structure - forme ». 134

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Stade national de Pékin, « Le nid d’oiseau» Herzog et De Meuron, ARUP, 2008


Nous pouvons ensuite évoquer un autre mouvement : art nouveau qui notamment cherché son inspiration dans la nature. Les formes organiques des constructions de Gaudi ou Victor Horta reflètent ces volontés de trouver dans la nature des solutions concrètes pour faire de l’architecture. De nos jours, cette notion d’arborescence revient au devant de la scène ; où les architectes expriment dans leur façade cette relation à la nature. En témoigne le magasin Tod’s Ometesando à Tokyo construit par l’architecte Tadao Ando en 2000, où la façade porteuse se dessine tel un arbre enrobant le bâtiment. On peut encore citer le stade Olympique de Pékin par Herzog et De Meuron, où la structure en acier s’inspire du modèle d’un nid d’oiseau. Pour finir, Le Corbusier dans la Villa Savoye, exprime la structure par le biais de pilotis. Il libère la maison de murs porteurs et crée un paysage de colonnes qui, vu de l’exterieur, donne une impression de lévitation de la maison. Mais dans un autre sens, cette structure questionne. Est-ce les pilotis qui sont porteurs ou est-ce le bloc de service peint en vert ?

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Poteaux habillĂŠs du pavillon de Barcelone, Mies van der Rohe , Barcelone, 1929


3_La structure dissimulée « La structure est souvent une partie d’une plus large unité et il est frustrant de ne chercher la qualité que dans une certaine mesure, qui devient presque inutile si le tout est ordinaire ou banal, à moins que la structure elle même ne soit assez imposante pour créer un impact ».75 interview d’Ove Arup Toujours selon Ove Arup, il ne faut donc pas se contenter d’être des ingénieurs de la structure. Il faut soit choisir de travailler avec des architectes qui sont sensibles à l’importance et à l’art de la structure, soit développer nous même (en parlant d’Arup) notre propre idée de l’architecture, du design, de l’ingénierie environnementale, de l’ingénierie civile, etc. Premièrement, la façade du Palazzo Rucellai d’Alberti est un exemple de ce qu’était la structure en architecture à la Renaissance. La modénature de la façade est travaillée comme si les colonnes dessinées en façade étaient porteuses, alors qu’elles ne sont simplement que des moulures sur la façade qui elle, est porteuse. On perd le spectateur sur la structure du bâtiment qui intrigue et qui trompe. Deuxièmement , l’expression de la structure au Pavillon de Barcelone de Mies van der Rohe questionne aussi. Il utilise une structure poteaux-poutres. Les murs intérieurs, recouverts d’onyx, sont là pour délimiter l’espace mais ne sont en aucun cas porteurs. L’architecte va plus loin en habillant de chrome ses poteaux en acier pour leur conférer une sorte d’évanescence, si bien que la structure qui se voulait exprimée à travers les poteaux s’atténue par ce stratagème. Mies crée donc ici un paradoxe sur la structure.

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PFAMMATTER Ulrich, Building the Future, Prestel, Londres, 2008, pp. 298,304

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Structure de contreventement Kunstaal


Dans cette continuité de questionnement sur le système structurel, Balmond tend à vouloir travailler des structures qui interpellent le visiteur. Il n’est pas vraiment question de visibilité ou non, mais véritablement d’expression ou non de la structure. Il aime notamment travailler le déséquilibre. Seules les non profanes peuvent comprendre le système structurel mis en place. Pour la maison Lemoine, il nous faut obligatoirement procéder à une une réflexion pour comprendre le système structurel. Bien que la maison comporte des éléments structurels comme le portique, la poutre en I ou le câble d’acier, ces éléments sont retravaillés et ne sont pas utilisés comme à l’accoutumé.

Balmond travaille une ingénierie à travers laquelle même si la structure est visible au premier abord, elle n’en est pas pour autant lisible dans son principe de questionnement. C’est une structure qui captive le regard, et qui suggère un certain questionnement. Pour reprendre l’exemple du Kunsthal, les éléments structuraux peints en rouge dans le Hall 2 reflètent bien cette idée de volonté de questionner la structure. Pour Balmond, « L’ingénierie c’est bien plus que des poteaux et des poutres »76. Le challenge parfois c’est de faire de la structure une nouvelle discipline, une redécouverte des espaces. Faire des poutres avec des plafonds, remplacer des poutres par des colonnes...

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traduit de l’anglais,BALMOND Cecil, informal Prestel, Munich, 2007,



Quand on réfléchit aux différentes relations ingénieurs / architectes qui ont pu exister, toutes s’organisaient différemment. Cela dit, la réelle nécessité ne serait pas de se contenter de travailler ensemble ou de travailler en contradiction, toujours dans le but de faire évoluer le projet. Il faudrait en fait dépasser cette simple « modalité » de la relation pour en arriver à la vraie question du dialogue, lui, existentiel, dans la conception d’un projet. C’est à dire que la pierre angulaire du projet, c’est la complémentarité de l’art de l’architecte et de la science de l’ingénieur. C’est le dialogue et la compréhension. L’adaptation, de l’un à l’autre qui permet de dépasser les différences entre le « quoi » et le « comment ». Les différents questionnements, de l’architecte, et de l’ingénieur, qui animent l’évolution d’un projet, doivent se répondre. Ce qui reste constant c’est la motivation de continuer le dialogue créatif entre l’architecture et l’ingénierie pour écrire de nouvelles histoires. De nos jours, certains architectes, ayant notamment un double cursus architecte-ingenieur, maitrisent des notions essentielles d’ingénierie. Ces la cas de Rudy Ricciotti. Il réussit dans son architecture à énoncer des concepts architecturaux tout en les faisant vivre à travers des éléments structurels forts. Il renforce encore plus cette notion de relation, car il apporte à chaque projet, une notion de complexité nécessitant toujours plus la présence d’ingénieurs, de plus en plus qualifiés. Si bien qu’au final, ses bâtiments ne lui appartiennent plus exclusivement, on peut considérer que c’est aussi la propriété de l’ingénieur, au vu des prouesses qu’ils effectuent. IIl ne désavoue pas, contrairement à Kahn, qui avait du mal à avouer en public, l’importance de Komendant dans ses projets. 142

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Partie 2 - Illustration par le travail de Rudy Ricciotti -


Rudy Ricciotti est né le 22 août 1952 à Alger. Fils «d’un père maçon autodidacte attaché aux constructions»77, c’est sûrement ce qui lui donnera plus tard le respect du travail artisanal. Vainqueur de nombreuses récompenses telles que le Grand Prix national d’architecture en 2006, ou encore la Médaille d’Or de la Fondation de l’académie d’Architecture en 2013, on peut dire cet architecte n’a pas la langue dans sa poche. Il faut tout de même lui reconnaître l’art de la formule dans ses nombreuses prises de position dans l’architecture actuelle. Et c’est par l’écriture qu’il aime faire passer ses messages mais aussi par ses réalisations . Ayant approché l’agence Ricciotti pour une demande d’échanges ainsi que des détails structurels sur le projet du Stadium (Vitrolles) - Pavillon Noir (Aix en provence) et pour le Mucem ( Marseille), j’ai reçu une réponse courtoise mais directe : Bonjour, Rudy Ricciotti vous remercie pour vos témoignages d’intérêt. Cependant, ce n’est pas la doctrine de l’agence de communiquer des détails de construction car eux mêmes consécutifs aux expériences cumulées depuis de nombreuses années. Très cordialement On comprend avec cette réponse, l’importance chez Rudy Ricciotti de sa relation entre les architectes et les ingénieurs. Le fruit de leur collaboration est un travail qu’ils souhaitent conserver. C’est lors de ses premiers chantiers qu’il va découvrir le béton, un matériau au potentiel extraordinaire. Un matériau qui deviendra ensuite un collègue de travail exigeant et prêt à le suivre dans toutes ses aventures.

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RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel, 2013, p.6

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Le stadium de Vitrolles à l’abandon


Le stadium de Vitrolles L’année 1990 marque un tournant important dans sa conception architecturale. En décrochant le projet du Stadium à Vitrolles, fini l’architecture blanche et la simplicité, place à la prise de position claire ainsi qu’une mise en danger. Le site est une ancienne décharge publique de plusieurs hectares. Selon Ricciotti « Il s’agissait de créer un lieu dans un non lieu »78 . Ce site nécessitait une prise de risque. Et il la traduit par un trapèze à l’allure d’un cube noir abstrait percé de triangles rouges rappelant la couleur de la pierre « bauxite » qui constitue la majeure partie du site. Le carré de base a en effet été modifié en un trapèze par les ingénieurs pour fournir un meilleur rendu sonore à la salle, mais cette modification ne sera visible qu’en plan. Le béton brut fait une apparition remarquée et remarquable. L’architecte voit en lui la réponse à la question de la pérennité en architecture. Certes, il brouille les pistes, mais en l’étudiant de plus près on se rend compte que la résolution de la structure est une réponse raisonnée d’un point de vue constructif. A première vue la façade semble simplement décorative mais elle est en réalité structurelle. Les façades de ce bâtiment sont en réalité calculées comme des planchers à cause du vent et des efforts horizontaux. Ces voiles mesurent 30cm d’épaisseur et 21.6 mètres de hauteur. A l’intérieur, comme dans la conception d’un plancher, des murs de refends stabilisent les façades et agissent donc comme des poutres. Les façades sont posées sur 98 pieux creusés jusque 18 mètres de profondeur. Pour éviter que le bâtiment ne se déplace, celui-ci possède aux têtes de chaque pieu, des longrines et des plaquettes. Grâce aux frottements sur le sol, l’ensemble reste stable. En observant le bâtiment, on ne peut qu’être stupéfait que les voiles porteurs ne mesurent que 30 cm d’épaisseur. Le batiment donne la sensation d’un monolithe, lourd, épais et gris. 146

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Ibid. p. 12


Sortie de secours, mettant en valeur le monolithe en bĂŠton

Toit en bac acier du Stadium


Cette impression de masse est donnée par la mise en recul des sorties du bâtiment. Dans un souci de radicalité, l’architecte souhaitait un bâtiment brut, sans reprise de béton en façade. Le béton est brut de décoffrage et les trous de banches sont apparents. La structure se montre telle qu’elle est. Le béton est composé de fumée de Silice ( 25kg/m3), ce qui lui donne son aspect noir. Il est le résultat des échanges entre l’architecte et l’ingénieur, sur la constitution d’un béton effet monolithique foncé. Dans les premières esquisses, le plafond était lui aussi en béton, mais pour des raisons économiques, il a du être construit en acier. A première vue, ce n’était pas gênant, mais lorsque je me suis approché du bâtiment, et y ai accédé par le haut, et j’ai vu ce plafond en bac acier cassant totalement cet aspect de monolithe noir. La relation avec les ingénieurs de chez Eiffage pa prisune part importante dans ce processus de création. C’est le béton qui les réunira au travers d’un système constructif. On déplorera seulement l’utilisation de ce bac acier pour le toit, qui est très dommageable pour l’aspect du bâtiment, car il lui fait perdre une certaine crédibilité. Avec le Stadium de Vitrolles, Ricciotti nous offre un bâtiment en marge de l’architecture de l’époque qui peut être considéré comme «le projet fondateur de la nouvelle ligne de l’agence Ricciotti, de la démarche développée jusqu’à aujourd’hui»79. Seule la question de l’expressionnisme structurel est encore en suspens. Question qui trouvera réponse avec le Pavillon Noir d’Aix en Provence avec une redécouverte du rationalisme constructif. Ce qui lui permettra selon lui de saisir dans ce projet la technique lui permettant d’approcher le Mucem, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille. Un musée à la gloire de la Méditerranée, une ziggourat de soixante douze mètres de coté venant se mettre entre ville et mer. Mais c’est surtout un musée regroupant les convictions de l’architecte Rudy Ricciotti. Ce travail propulse réellement l’architecte au rang de « star » aux yeux de la France entière. 148

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RAMBERT Francis ( dir ), RICCIOTTI ARCHITECTE, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine / Le Gac Press, avril 2013, p.19 79



I Le Pavillon Noir d’Aix-en-provence

Localisation : Aix-en-provence, France Architectes : Rudy Ricciotti Ingénieur : Serge Voline Maitre d’ouvrage : Ville d’Aix-en-provence Programme : Centre choregraphique Date: 2006

« Voila, ce projet n’a, ni plus ni moins, d’ambition que de s’en tenir à un fait objectif sous la dictature des mathématiques déplaçant l’origine de l’émotion, en ce sens, il fait l’éloge de l’effort du travail, de la peau et des os, du faible contre le fort. Plus, c’est pas possible »80 Rudy Ricciotti , Bandol , mai 1999

Communiqué de presse du Pavillon Noir conférence au Pavillon de l’Arsenal, 2007, consulté le 1 Juillet 2016 150 | 151

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Plan de situation du Pavillon Noir


- Le projet Le but premier du projet est de créer un lieu pour l’activité d’un ballet où les danseurs pourraient mener leur processus de création intégralement. Des répétitions en studio jusqu’à la représentation sur scène. Le bâtiment est investi par les vingt quatre danseurs du Ballet Preljocaj en 2006, date de l’ouverture du Pavillon noir. Le projet fut gagné par Ricciotti et ses ingénieurs en mai 1999, livré en 2004 et ouvert au public en 2006. Il comporte en tout quatre studios de danse ( 255m2, 180m2, 168m2 et 100 m2) et une salle de spectacle de 378 places. Il exploite totalement la parcelle disponible, pour une surface totale de 3000 m2.

- Contexte Le Centre chorégraphique Nationale de danse autrement nommé CCN ou renommé le Pavillon Noir est un bâtiment à vocation culturelle situé à Aix en Provence, dans le sud de la France. La parcelle qui lui a été attribuée se situe dans la nouvelle Zone d’Aménagement Concertée de Sextius Mirabeau, non loin du centre historique de la ville . Ce plan d’urbanisme récent est l’oeuvre des urbanistes catalans Martorell et Bohigas. Il articule tout ce quartier autour d’une large voie de près de 30 mètres de large, la rue Mozart. Le quartier comporte une importante mixité fonctionnelle. Les rez-de-chaussée sont occupés par des commerces, et les logements sont à l’étage.

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Vue ouest du Pavillon Noir


L’espace réservé au Pavillon est une surface relativement exiguë. Ses dimensions sont de 36 mètres de long par 18 mètres de large. Cela représente la taille exacte d’un terrain de tennis. Ce qui est paradoxal, c’est qu’autour de cette parcelle, tout est gigantesque. L’avenue piétonne mesure 30 m de large, c’est quasiment une fois et demie plus que la parcelle elle même. Et ça ne représente même pas la hauteur du Pavillon noir qui est de 26 mètres. On remarque donc une rupture d’échelle importante. Cela va être un challenge pour l’architecte de créer un batiment dans un espace aussi exiguë. Au nord, on trouve le grand Théâtre de Provence, salle de spectacle inaugurée en 2007, conçue par Vittorio Gregotti. Lors de ma visite, j’ai remarqué que tous les bâtiments avaient été dessinés sur les bases du style Provençal. La couleur chaude des pierres du Grand théâtre de provence n’est pas sans rappeler la montagne Sainte Victoire, située à l’est d’Aix en Provence. Sous l’avenue Mozart se trouve une composante importante du projet : une voie ferrée. Détail relativement important, car de part et d’autre de l’avenue se trouvent deux salles de spectacles. A noter que le projet se nourrit de la densité in situ. Il répond par un encastrement et une compacité issue du manque de place et se met en relation avec les deux espaces publics au nord et au sud. La ville d’Aix en Provence est située dans une zone sismique, et le bâtiment est donc soumis à la norme PS 92, ce qui en fera une contrainte additionnelle et source de challenge pour le projet.

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Detail qui mets en evidence le coullage ĂŠtage par ĂŠtage


- Les contraintes, moteur du Pavillon Noir De part sa taille exigüe, le Pavillon n’en demeure pas moins un élément que l’on repère dans le quartier Sextius Mirabeau. Ricciotti nous dépeint le quartier d’une façon triste, dont la pauvreté du style néo provençale est peu intéressante. Cependant, sur place, on ne peut remarquer son bâtiment que comme un élément hétéroclite dans la maille du système. Il demeure un objet à part entière dans ce quartier homogène. Dès les prémices du projet, une idée principale survient: l’exosquelette. Le projet étant composé de studios de danse ainsi que d’une salle de spectacle, la nécessité de rejeter à l’extérieur les points porteurs était donc une des ambitions essentielles du projet. On voit dès le départ, que la volonté de l’architecte reflétait une nécessité de collaboration avec l’ingénieur, puisque la structure allait faire partie intégrante du visuel du bâtiment. On se doute alors que la structure, et donc les ingénieurs, allaient devenir le symbole de cette construction. « C’est bien de repositionner la question technique qui peut « informer » le projet »81 Marc Mimram « Au moment de la conception du bâtiment, nous avons pris le parti de réduire la matière de la structure au minimum possible »82 On comprend dès lors, que les dimensions limites de la parcelle du CCN participent à la conception du bâtiment. Selon RR « car le projet existe, précisément, au travers d’une rétention de matière: il n’a que la peau sur les os »83 L’expression structurelle doit donc être en corrélation avec les forces qu’elle représente. Ricciotti souhaite que la seule représentation du bâtiment soit cette expression structurelle.Le béton armé a tout de suite été au coeur du processus de création et il est devenu un vrai moteur pour le projet. L’enveloppe, la distribution spatiale et l’esthétique vont fusionner.

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RAMBERT Francis ( dir ), RICCIOTTI ARCHITECTE, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine / Le Gac Press, avril 2013, p.36 81

DESMOULINS Christine, La contrainte au service de la création, Construction Moderne, numéro 125, consulté le 5 Juillet 2016, p2 82

83

Ibid. p.2


Structure à géométrie variable, le poteau s’allonge sur la hauteur


- Structure à géometrie variable Liant esthétique et technique, les aiguilles du Pavillon Noir constituent le plus gros du travail des ingénieurs et de l’architecte. Ce système structurel est basé sur deux contraintes principales : la nécessité d’avoir les points porteurs en périphérie et le respect de la norme Sismique PS 92 . L’exosquelette est le fruit du travail de Rudy Ricciotti et de Serge Voline, ingénieur structure du projet. Cette structure questionne le travail de la façade porteuse, des limites structurelles et matérielles. Elle reflète la transmission des charges du bâtiment auxquelles il est soumis. Dès la base du projet, ce postulat est posé: Travailler un bâtiment au plus près de ses forces avec le moins de matière possible. Au cours de sa conception, l’architecte et l’ingénieur vont se questionner sur le principe du rationalisme dans la construction. Pour beaucoup, un bâtiment rationnel possède des poteaux en tout point identiques de haut en bas, on a donc le reflet d’un bâtiment droit, identique où tout est parfaitement ordonné. Mais un poteau n’est pas chargé de la même manière à son point haut et son point bas. De plus, l’épaisseur basse du poteau reprend principalement les efforts axiaux et non l’addition des poids propres des étages supérieurs. Ils se questionnent à nouveau sur le rationalisme constructif, pour en arriver à la conclusion qu’il n’existe pas. Rien ne justifie d’avoir des structures verticales de dimension constante de haut en bas ; qui plus est, dans une zone sismique comme celle du Pavillon Noir.

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Plan Rez de chaussĂŠe et 3eme etage , qui exprime cette structure variable


Sur les planches du concours, la structure était en tout point identique. Ricciotti s’en tenait premièrement à une structure standard. Mais les ingénieurs souhaitaient représenter les charges et les efforts du bâtiment. Après les quelques trente modélisations, ils arrivent à une structure à géométrie variable où les poteaux en point bas sont de section 40 par 50 cm et en point haut de section 30 par 30 cm.Le bureau d’ingénierie a donc réellement participé à la conception esthétique du bâtiment, car ici, la structure est le batiment. Autrement dit la structure est l’architecture. « Rien de trop et pas de fioritures dans ce bâtiment où tous les éléments servent à la stabilité pour répondre aux descentes de charges classiques, aux efforts dûs au vent et aux sollicitations sismiques »84 Serge Voline «Ainsi,le dernier étage supporte le poids propre de sa dalle, augmenté des surcharges, alors que le rez-de-chaussée supporte la somme des poids propres de toutes les dalles des étages, ainsi que les efforts cumulés des façades. »85 Il y a donc une énorme différence de compression entre les différents étages. « Dans ces conditions, l’écart dimensionnel consécutif à l’écart des efforts mécaniques réécrit l’idée de la structure »86 Tilman Reichert , chef de projet du Pavillon noir Ricciotti affirme avoir épuisé son ingénieur dans un dialogue hystérique. Ils ont essayé d’atteindre un maximum qui pourrait être l’image idéal de ce que pourrait être un bâtiment dans un comportement sismique. A la base du projet, Ricciotti n’avait pas prévu toutes ces étapes de modélisation, le projet était beaucoup plus mous et plus simple, moins anguleux. Les modélisations ont apporté au bâtiment une certaine nervosité qu’il n’avait pas à l’origine, nervosité faisant échos aux danseurs. 160

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84 Aix en Provence Centre Chorégraphique National, explorationsarchitecturales, consulté le 30 Juin 2016

RAMBERT Francis ( dir ), RICCIOTTI ARCHITECTE, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine / Le Gac Press, avril 2013, p.27 85

DESMOULINS Christine, La contrainte au service de la création, Construction Moderne, numéro 125, consulté le 5 Juillet 2016, p3 86


Elévations simple

Solicitations axiales en configuration sismique, augmenté des surcharges libres

Solicitations axiales en configuration sismique

Solicitations aux encastrements

On voit que ce qui est dimensionnant pour la structure, c’est le schéma rouge en bas à droite, où vont apparaître les contraintes sismiques qui ne sont pas privisibles. Cela génére un statut dimensionnant à des endroits particulier du batiment, aux zones rouges les plus épaisses.

Modélisation de la structure par le BET


- Structure La structure est composée d’une multitude de « barres » dont les extrémités sont articulées.Il est donc conçut comme un ensemble de poutres et de poteaux, assemblés en trois dimensions par des noeuds articulés. Tout cela forme une structure hyperstatique . Ces barres reposent au niveau de la salle de spectacle sur des voiles en béton porteurs d’une épaisseur de 75 cm à 25 cm reposant eux aussi sur des semelles filantes de 0.7 à 1 mètre de large. Concernant le problème du chemin de fer à proximité de la salle de spectacle en sous sol, la solution trouvée fut de monter les rails de chemin de fer sur des plots en néoprène, ce qui empêcherait toute vibration de se propager dans le bâtiment. De plus, pour occulter encore plus cette présence, il a été décidé de placer une zone tampon entre le chemin de fer et la salle de spectacle. Cette zone est constituée de rangements techniques et d’un joint de plusieurs centimètres d’épaisseur.

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90

ccn ht niveau 5 coupe dÈtail

planche ou tÙle de rive (SEMF)

tÙle intÈrieur (atem)

trappe scÈno (SEMF)

0,5

niveau studio 2 = +18.90

1

plancher de danse(SEMF) 11

isolation thermique (atem)

cfo/cfa (CIREM)

hauteur plÈnum selon relevÈ, ‡ rÈduir au minimum

18

16,5

tÙle extÈrieur (atem)

150

tÙle extÈrieur (atem) isolation thermique (atem) cheminement comande DF(atem) tÙle intÈrieur (atem)

20

19

distance selon Èchantillon Perspective scËne

16

6,2

grille de soufflage (chrystal)

UTA

rail rideau+suspentes (pers.scËne) emprise ch‚ssis DF; R =110

FP placo plein finition noir ( HED)

Coupe technique niveau 2

90

niveau studio 4 = +13.90 ccn ht niveau 3 coupe dÈtail

planche ou tÙle de rive (SEMF)

1

plancher de danse(SEMF) 11,5

tÙle extÈrieur (atem) isolation thermique (atem) cheminement comande DF(atem) tÙle intÈrieur (atem)

16

cfo/cfa (CIREM)

20

19

6,2

distance selon Èchantillon Perspective scËne

16

18

tÙle extÈrieur (atem)

rail rideau noir+suspentes (pers.scËne (/HED)) FP placo plein finition noir ( HED) grille de soufflage (chrystal)

ccn ht niveau 2 coupe dÈtail

FP placo pleine noir ( HED)

UTA

Coupe technique niveau 2

distance selon implantation des rÈseaux

0,5

isolation thermique (atem)

hauteur plÈnum selon relevÈ, ‡ rÈduir au minimum

tÙle intÈrieur (atem)

niveau entrÈe CCN = TN Avenue W.A. Mozart 186.30 NGF=+10.30

barre de danse et support (SEMF)

trappe scÈno (SEMF)

Photo lors du chantier, mise en place des ressorts FP placo dÈmontable type knauf corridor 120 cm noir ( HED) FP placo pleine noir ( HED)

FP placo pÈrforÈ noir ( HED)


- Des planchés de grandes portées Les planchers du Pavillon Noir sont constitués d’alveodalles d’une portée de 18 mètres et d’une hauteur de 50cm. Ce qui fait un poids propre de près de 100 tonnes par niveaux. Ce sont eux qui raidissent l’exostructrure. Néanmoins, pour les studios de danse il a fallut dédoubler la dalle à cause des vibrations induites par le pas des danseurs: une dalle alvéolée, une dalle collaborante et une autre dalle posée sur des ressorts absorbant les vibrations ( une boîte à ressorts pour 3 mètres carrés de plancher) ainsi qu’un double lambourde pour le plancher des danseurs). « Noyées dans le béton, ces boîtes demeurent visibles pour contrôler, remplacer les ressorts ou en modifier la caractéristique » 87 Emmanuel Giroflet , ingénieur acousticien chez Thermibel Mais il se posa un problème aux niveaux 4 et 6 , lorsque la société Acousysteme ne put garantir l’absence de résonance dans les studios de danse, même avec la solution des planchers sur ressorts. La seule solution trouvée fut de placer des divisions internes qui ne sont pas des refends porteurs mais qui sont des poutres voiles en béton qui viennent renforcer et limiter l’élasticité des planchers. A ces étages, le sens de portée des planchers est donc inversé et passe de 13 mètres à 10 mètres. « La présence de ces dalles acoustiques impose à la dalle support une fréquence propre de 25 Hertz. La fréquence étant inversement proportionnelle à la portée, nous l’avons obtenue en réduisant la portée à 10 mètres »88 Serge Voline

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DESMOULINS Christine, La contrainte au service de la création, Construction Moderne, numéro 125, consulté le 5 Juillet 2016, p3 87

88 Aix en Provence Centre Chorégraphique National, explorationsarchitecturales, consulté le 30 Juin 2016


Plan du Pavillon Noir, ou l’on voit clairement les trois refends porteur du deuxieme, troisieme et quatrieme Êtage


Bien que Rudy Ricciotti insiste sur le fait qu’il ne s’agisse pas de murs porteurs, on se rend compte que ces poutres voiles viennent perturber le dessin très radical du bâtiment. Les éléments porteurs sont maintenant aussi à l’intérieur sur ces deux étages. La preuve en est, que de tous les plans de lédifice que l’on peut trouver, on ne trouve jamais ceux des niveaux 4 et 6, hormis une unique coupe. D’ailleurs quand Ricciotti présente ce projet en conférence, il ne montre pas les plans de ces deux niveaux. En ce sens, l’ingénierie a réellement imposé à l’architecture un acte qui l’a desservie dans son propos.

Mais lorsque l’on voit le bâtiment, il en ressort une réelle sensation de légèreté, contrastant totalement avec la réalité. Les façades soutiennent des planchers de plus de 100 tonnes chacun ( poids propre ), ce qui est considérable. Mais elles ne possèdent aucune retombée de poutre ni de chainage.

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Contreventement, avec escaliers inscrits à l’intérieur

Coulage inversé


- Contreventements Les contreventements longitudinaux sont garantis par le maillage triangulaire des poutres, qui forme « la structure réticulée autostable des façades »89. Transversalement, les murs pignons étant très ouverts, il a fallu doubler la structure.. Ce dédoublement de la structure a permis d’inclure les circulations et une meilleure lisibilité du plan architectural, ainsi que de mettre à l’écart les espaces servants des studios de danse. Au dernier niveau se trouve une poutre réticulée venant joindre ces files interne et externe. Il y a miction entre les besoins structurels du bâtiment ( contreventement) et les besoins architecturaux ( escaliers). Et les deux arrivent à entrer en cohérence à travers le dessin structurel du Pavillon Noir.

89 Aix en Provence Centre Chorégraphique National, explorationsarchitecturales, consulté le 30 Juin 2016

- Un coffrage in situ A la base, le projet devait être préfabriqué et assemblé sur place. Seulement, un assemblage par préfabrication n’aurait pas permis d’avoir une structure répondant aux attentes de l’architecte : « continuité des lignes, absence de trous des tiges et des joints apparents »90 Il ne restait donc qu’une solution, un coulage In situ.On parle pour ce projet de coffrage inversé. En effet, pour le coulage des poteaux, l’entreprise Leon Grosse a coffré les vides plutôt que les pleins à l’aide de coffrages réalisés dans leurs ateliers. Les barres d’aciers sont mises en place par optique et le coulage se faisait étage par étage.

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90

Ibid.


Mise en place des aciers dans les banches


« Pour le coulage, on décide de couler l’élévation sur une hauteur d’étage complète, plus la poutre de rive, le tout en une fois pour minimiser les arrêts de coulage... autre avantage, la poutre de rive permet l’équilibre provisoire sans étayage »91 George Nave , conducteur de travaux Leon Grosse

Mais la précision était telle qu’il y avait « une tolérance de 2mm sur la hauteur totale, une erreur de 0.1 degrés aurait entrainé un écart de 10 cm, modifiant ainsi la répartition des efforts »92

Ce coffrage nécessitait donc une précision d’orfèvrerie. La plupart des coffrages en bois ont été découpés à la tronçonneuse pour être sur de garder les arrêtes du bâtiment intactes, et ce, parfois des mois après le coulage.

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Nave Georges, Entretien « retour sur chantier»p.4 91

REINHARDT Eric, ANGELIN PRELJOCAJ, RUDY RICCIOTTI PAVILLON NOIR, France, 2006 92


Double texture du bĂŠton dans la salle de spectacle


- Du béton, of Course Le béton utilisé est un béton armé fait à partir d’un ciment CEM I 52.5 dosé à 350 kg de ciment par mètre cube ainsi que 160 tonnes d’acier au mètre cube pour une résistance de 40 MPA, ce qui montre une densité d’acier assez élevée.93 Sa teinte noire est obtenue avec un colorant, le Pieri qui compose 4% du liant, c’est pour cela que le résultat esthétique est irrégulier. Le résultat est un béton brut qui a seulement subit un nettoyage final, lorsque des traces blanches de carbonatation sont apparues et qui a été protégé par une solution hydrofuge. Dans la salle de spectacle, l’ingénieur a décidé de travailler l’acoustique principalement avec ce béton brut. L’ingénieur y met en place deux bétons différents. Il y a des parties cannelées et des parties lisses. Les parties lisses sont réverbérantes alors que les parties cannelées réorientent le son. Elles prennent l’énergie sonore pour la renvoyer à differents endroits. Ce qui montre la volonté de la part des ingénieurs et des architectes d’aller dans un sens commun. Ne voulant pas dénaturer le béton avec des panneaux d’une autre matière, les ingénieurs ont fait directement avec la structure. Ils ont une fois encore utilisé le matériau grâce à leurs connaissances . Et ils portent à travers ce système, le discours radical de l’architecte, et offrent une salle de spectacle totalement en béton brut épurée.

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Nave Georges, Entretien « retour sur chantier»p.3 93


Panorama sur la ville d’Aix-en-provence, et l’on voit la structure se dessiner à travers les baies vitrées


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Première réalisation marquante de l’architecte, le Pavillon Noir séduit par sa radicalité, rendue possible par un travail soudé entre les ingénieurs et les architectes. Grâce à leur détermination conjointe, ils nous livrent un bâtiment « aux frontières entre l’architecture et le génie civil »94. C’est un bâtiment dont la réalisation a été dicté par les mathématiques et logiciels . L’architecture y est contrainte et forcée. Mais lorsque l’on voit ce bâtiment, malgré toutes les contraintes qui lui sont imposées, on ne ressent qu’une sensation de liberté. L’édifice s’est nourri de ces éléments constructifs pour en sortir grandi. Il reflète parfaitement le fruit de la pensée de deux acteurs. Passé le postulat de base posé par Rudy Ricciotti, Serge Voline n’a cessé de le faire évoluer vers une vision structurelle et de la pousser « à la limite de l’épuisement »95. RR On peut d’ailleurs remarquer, que lors d’une conférence au Pavillon de l’Arsenal en 2007, un intervenant fait remarquer à Ricciotti qu’il ne présente pas ses projets de la même façon que les autres architectes. « C’est assez rare qu’un architecte nous présente son bâtiment avec exclusivement des plans, des coupes et des photos de chantier. Il parle plutôt de formes, d’émotions, de ce qu’il a pensé à tel moment, pour faire telle chose. Il nous parle rarement du mâçon, du béton, des ingénieurs, de la structure ... »96.

FROMONOT Francoise, Le Pavillon Noir flotte sur la marmite, Criticat, n°2, 2008 94

RICCIOTTI Rudy, Le Pavillon Noir - Centre chorégraphique national d ’A i x - e n - P r o v e n c e , Pavillon de l’Arsenal Paris, 15 octobre 2007

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RICCIOTTI Rudy, Le Pavillon Noir - Centre chorégraphique national d ’A i x - e n - P r o v e n c e , Pavillon de l’Arsenal Paris, 15 octobre 2007

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Sa remarque montre bien à quel point ce batiment a été pensé de manière vraiment différente et en totale adéquation avec les ingénieurs. Même Ricciotti ne peut l’expliquer seul avec des termes d’architecture. Pour expliquer le Pavillon Noir, on est forcement obligé de passer par l’ingénierie. On regrettera cependant que la sensation de liberté offerte uniquement aux studios de danses n’ait pas été proposée de la même manière au niveau administratif du rez-de-chaussée. Il souffre en effet d’une hauteur sous plafond relativement basse. Ce qui donne un étage plutôt sombre où l’atmosphère n’y est pas très agréable. C’est cette expérience qui selon Ricciotti, lui a permis de comprendre des petits « trucs », régler quelques petits « coups » et comprendre quelques petits « détails », comme par exemple le fait de ne pas avoir de retombées de poutre pour soutenir des planchers de grandes portées ... Et tous ces éléments vont l’aider à concevoir son bâtiment phare, le MuCEM. « Pour aller sur ce projet du Mucem, j’étais obligé de passer par ça, par le CCN »97 Rudy Ricciotti

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RICCIOTTI Rudy, Le Pavillon Noir - Centre chorégraphique national d ’A i x - e n - P r o v e n c e , Pavillon de l’Arsenal Paris, 15 octobre 2007

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II Le MuCEM à Marseille

Localisation : Marseill, France Architectes : Rudy Ricciotti , Roland Carta Ingénieur : Lamoureux & Ricciotti, SICA Maitre d’ouvrage : Ministère de la culture et de la communication, OPPIC Programme : Musée Date: 2013

« Le Mucem est la suite éclairée des développements d’une prise de conscience (...) dans les systèmes de constructions, abordées une première fois lors du chantier de ce Pavillon Noir aux limites mécaniques de l’élasticité »97 Rudy Ricciotti

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RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel, 2013, p.68 178

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Plan de situation du MuCEM


- Une Situation exceptionnelle Le MuCEM est en fait un complexe regroupant trois bâtiments. Il comprend la restauration du Fort Saint Jean par Roland Carta, la construction du Centre de Conservation et de Resources ( CCR) conçu par Corinne Vezzoni & associé dans le quartier de la Belle de Mai au dessus de la Gare Saint Charles ainsi que la construction du batiment sur le môle J4 par Rudy Ricciotti. De manière usuelle, on a tendance désormais à nommer le batiment du J4 par le nom de l’opération toute entière : Mucem. Marseille était en 2013, capitale Européenne de la culture. C’est à cette occasion toute particulière que le MuCEM ouvrit ses portes le 13 Janvier 2013. Dans une volonté globale de re-qualifier son vieux port ainsi que les anciens docks, le MuCEM s’inscrit dans le programme Euromediterannée, une opération de grande envergure, visant à rendre le port aux habitants de Marseille, alors que ce dernier était réservé aux opérations maritimes. Désormais, on ne peut plus visiter Marseille en passant outre cet édifice. Il est devenu l’emblème de la ville, au même titre que sa dentelle iconique. Créant une véritable balade publique culturelle et gratuite à l’aide de passerelles multiples, le Mucem devient un élément générateur du vieux port en reliant l’esplanade du mole J4 à l’Eglise Saint Laurent.

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- Le MuCEM comme laboratoire Le Mucem est devenu au fil de sa conception un centre d’expérimentation dans le domaine du bâtiment. Centre d’expérimentation plus précisément pour le BFUP (définition dans le prochain point), où il exprime pour la première fois tout son extraordinaire potentiel architectural et structurel dans un ERP (établissement recevant du public). Rudy Ricciotti est un féru de béton, qu’il considère comme un matériau ayant une empreinte énergique moindre, une durabilité accrue et capable d’accepter les erreurs à l’inverse de l’acier qui n’en accepte aucune. Ce n’est toutefois pas le premier batiment de l’agence Ricciotti en BFUP. L’architecte s’essaye à ce matériau depuis quelques années maintenant. Mais c’est réellement au Mucem, que lui et les ingénieurs vont y établir leur laboratoire, en testant ce nouveau matériau et ses possibilités de mise en oeuvre.

« Nous sommes dans un processus itératif de création de prototypes »98 Rudy Ricciotti

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RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel, 2013, p.71

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A Le béton Fibré à Ultra Hautes Perfomances

Dans ses recommandations provisoires concernant les bétons fibrés à ultra-hautes performances , l’Association Française de Génie Civil donne la définition suivante : « Par bétons fibrés à ultra-hautes performances, on entend des matériaux à matrice cimentaire, de résistance caractéristique à la compression supérieur à 150 MPa, et pouvant aller jusqu’à 250 MPa. Ces matériaux sont additionnés de fibres métalliques, en vue d’obtenir un comportement ductile en traction et de s’affranchir si possible de l’emploi d’armatures passives. Ils peuvent également comporter des fibres polymères. »99 1_Un matériau recente Ces BFUP sont issus de la recherche au Danemark sur de nouveaux bétons dans les années 1970 par le professeur Bache. Mais les recherches sur les BFUP prennent un nouvel essor en France dans les années 1990, lorsque le groupe Bouygues par l’intermédiaire de Pierre Richard travaille sur les BPR ou Béton de Poudres Réactives. Principalement rendu possible par le développement des outils d’optique, pour travailler réellement sur l’empilement des granulats. Ce travail sur les BPR va être perfectionné par l’entreprise Lafarge pour accéder au Ductal, le premier BFUP commercialisé au monde. La première application française de ce matériau concerne la réhabilitation des centrales nucléaires de Civaux et Cattenom en 1996 sous l’impulsion d’un ingénieur de chez EDF. Cette réalisation a fait l’objet en 2008 d’investigations poussées qui ont confirmé la bonne tenue du matériaux dans des conditions extrêmement agressives, en résistant notamment très bien à des solutions abrasives100.

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BENAICHA Mouhcine - JALBAUD Olivier BURTSCHELL Yves, Caractérisation des bétons, Presses A c a d é m i q u e s Francophones, Saarbrücken, 2014, p.7 99

SOUCHU Philippe, Les Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances, Lerm, 25 Juin 2013, consulté le 23 Juillet 2016 consulté le 5 Juillet 2016 99


Comparation bétons

des

différents

Poutres de même portée et même resistance mais de matériaux differents


2_Empilement et Imperméabilité Le BFUP reste un béton, il n’y a pas de doute. Il est composé pour la plupart de ciment. Mais la formulation du BFUP est basée sur deux principes majeurs :former une matrice cimentaire la plus optimisée possible et ainsi, en diminuer la porosité. La granulométrie d’un béton classique est généralement constituée d’éléments variant de 6 mm à 25 mm. Dans le cas des BFUP, la taille des agrégats est considérablement réduite. Le diamètre est de 1mm à 7mm. Ils sont donc tous sélectionnés précisément, en fonction de leur taille et de leur forme pour remplir parfaitement ce squelette granulometrique et lui conférer une compacité parfaite. Un BFUP est généralement constitué de quatre classes granulaires : « Ciment ( comprise entre 700 et 1000 kg/m3) fumée de silice ( 20 à 30% de ciment), fibres ( 2 à 3 % en volume ) et sable »101 Les particules les plus fines que l’on peut trouver sont les fumées de silice, qui participent activement à la diminution des espaces inter-granulaires du béton. C’est ce que l’on appelle des Ultrafines, qui, dans le cas des fumées de silice, réagissent avec la chaux issue de l’hydratation du ciment et renforcent la résistance du béton tout en diminuant ses pores, lui donnant ainsi une compacité maximale. Le rapport eau/ciment d’un béton classique est généralement de 0,5. Dans le cas des BFUP, à laide de superplastifiants et de fluidifiants il passe à 0,20 voir 0,15. Ils évitent l’agglomération des grains de ciment. Les BFUP exigent seulement la quantité d’eau nécessaire à leur hydratation. En opposition aux bétons classiques, qui nécessitent de l’eau pour leur hydratation mais aussi pour donner au béton une ouvrabilité correcte, nécessaire au coulage. Cependant, l’eau n’ayant pas servi à l’hydratation s’évapore, laissant les pores du béton libres, sous la menace d’environnements néfastes et de substances abrasives. 186

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BENAICHA Mouhcine - JALBAUD Olivier - BURTSCHELL Yves, Caractérisation des bétons, Presses A c a d é m i q u e s Francophones, Saarbrücken, 2014, p.34 101


Coupe dans du BFUP, qui laisse clairement apparaĂŽtre les fibres


3_Les fibres et la possiblité de s’abstenir d’armatures passives Les BFUP, en plus d’un squelette granulométriquement parfait, possèdent des fibres qui viennent le renforcer. Elles sont choisies en fonction de la taille du plus gros grain du mélange, et sont les plus petites possible «de 6 à 60 mm de long et de 0.25 à 1 mm de section courante »102 Dans les deux cas, elles permettent d’améliorer la ductilité du béton, qui, grâce aux fibres devient une maille interconnectée encore plus forte qu’un béton classique. C’est la raison qui permet au BFUP de s’absoudre d’armatures passives. Cependant, ces fibres obligatoirement doivent se trouver dans le sens de la compression. Donc le sens de coulage des BFUP est capital, et cela devient une phase clé du chantier lorsque l’on utilise ce matériau.

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Le petit Dicobat, éditions ARCATURE, RIS-ORANGIS, 1994, p.127


Villa Navarra, Rudy Ricciotti, Romain Ricciotti, 2008


4_Une matière vivante De part sa compacité importante, il est impossible pour une agression chimique ( embrun de la mer, chlorure...) de pénétrer par capillarité. Comme son rapport E/C est réduit à son stricte minimum, les BFUP possèdent en réserve des particules de ciment anhydres (non hydratées). Lorsqu’une fissure se crée à la surface d’un BFUP, alors de l’eau va pénétrer à l’intérieur. Grâce à celle-ci, le ciment anhydre va pouvoir s’hydrater et ainsi cicatriser. En terme de durabilité, cette possibilité de cicatrisation est un grand pas en avant pour la construction. Vers la fin des années 2000, les ingénieurs ont pu commencer à exploiter ce matériau pour créer des éléments de toiture étanche, notamment à la Villa Navara.

Oeuvre de Rudy Ricciotti et de son fils l’ingénieur Romain Ricciotti, la ville Navara est une première mondiale dans le milieu du BFUP. Sur un porte-à-faux de 40 mètres de long, viennent s’accoler 17 panneaux BFUP préfabriqués de 2.35 mètres par 9.25 mètres s’affinant jusqu’à 3 cm d’épaisseur. Cette toiture, étonnante de par sa finesse, est totalement étanche, et ne nécessite aucun revêtement.

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Panneaux en BFUP blanc de la Fondation Louis Vuitton de Franck Gehry


5_Un matériau prometteur « Les performances mécaniques tant en compression qu’en traction des BFUP et la suppression des cages d’armatures passives traditionnelles, permettent une libération des formes, une limitation des volumes et un élancement des structures qui favorisent encore le caractère auto-plaçant du matériau. Les architectes comprennent aujourd’hui à la fois les qualités structurales, esthétiques et durables de matériau »103

SOUCHU Philippe, Les Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances, Lerm, 25 Juin 2013, consulté le 23 Juillet 2016 consulté le 5 Juillet 2016 103

Jacques Resplendino , directeur régional Sud est de SETEC TPI Dans un premier temps, le BFUP a été utilisé principalement dans le domaine du génie civil. Mais ces dernières années, ce matériau commence à prendre son envol dans le domaine de l’architecture. On l’a notamment mis en oeuvre dans la Fondation Louis Vuitton de Franck Gerhy où 18 8000 panneaux courbes composent la toiture, tous différents et obtenus grâce au moulage d’un BFUP blanc. Mais c’est réellement avec l’architecte Rudy Ricciotti, que ce matériau décolle. Et ce depuis la construction de la Passerelle de la Paix à Seoul en 2002, six ans après les débuts de l’utilisation de ce matériaux. C’est un des rares architectes français à utiliser ce béton à des fins architecturales mais aussi structurelles. Et c’est au J4, que ce matériau a pu exprimer toutes ses multiples possibilités dans sa résille, ses poteaux post contraints ou ses passerelles d’une finesse inégalée. On ne peut pas comprendre le J4 sans comprendre le BFUP. « Sans BFUP, plus de Mucem »104

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RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel, 2013, p.72

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Plan MuCEM, étage exposition


6_Les ingénieurs, moteurs du laboratoire au J4 Ce sont les ingénieurs qui ont développé ce matériau et qui lui ont donné des ailes. Ricciotti a exprimé les premiers concepts du projet sans réellement savoir comment construire ce qu’il projetait. Ce qui est important de remarquer, c’est que si le projet n’avait pas pris autant de retard, les recherches concernant les BFUP n’auraient pas eu le temps d’aboutir et le MuCEM ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui, une ode au BFUP. Le travail au J4 est issu de la volonté conjointe de l’architecte qui souhaitait utiliser ce béton pour des raisons que nous développerons par la suite et des extraordinaires travaux de la part des ingénieurs français. Ricciotti insiste d’ailleurs sur le fait que « ce sont eux les réels héros de ce chantier »105.

Pour comprendre ce Mucem, et en saisir ses attributs constructifs et structurels, j’ai décidé de porter mon attention sur trois éléments constitutifs essentiels, qui ont suscité une relation particulièrement intense entre les architectes et les ingénieurs: la passerelle, la resille, et l’exosquellette.

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RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel, 2013, p.68

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B Les passerelles

Les deux passerelles qui composent le Mucem participent activement à la balade au sein du site. Une première permet de survoler la darse artificielle creusée entre le J4 et le fort Saint-Jean. Une deuxième relie le Fort à l’église Saint-Laurent. Nous nous concentrerons sur la plus grande des deux passerelles, celle reliant le Fort au J4. Avec un élancement de 1/45éme, cette passerelle a une allure particulièrement atypique et exceptionnelle. Elle est une intervention très discrète en plan comme en coupe. Romain Ricciotti, ingénieur BFUP du MuCEM, nous confie d’ailleurs à son propos :

« Moi j’ai eu peur quand on l’a faite, j’étais très mal à l’aise (...) on a pas encore la mémoire visuelle de ce type d’élancement »106

Cette passerelle mesure 115 mètres de long dont 76 m entre deux appuis intermédiaires. Elle est constituée d’un seul trait, sans arc ni haubans. Cette prouesse est rendue possible grâce à l’extreme résistance à la compression du BFUP, ici un ductal résistant à 180MPA 107 . La volonté de l’architecte était une simple ligne dans le paysage, voulant une présence la plus faible possible.

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RICCIOTTI Romain, Romain Ricciotti Ingénieur Structure, ENSAS Strasbourg, 14 avril 2015 106

AFGC - RICCIOTTI Romain - MAZZACANE Patrick - TEPLY Francois, La passerelles des anges, article consulté le 10 Juillet 2016

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Moule ayant servis pour toutes les passerelles

Voussoirs sur le chantiers en attendant d’être gruter


1_Un monilthe préfabriqué La passerelle est constituée de deux poutres isostatiques parallèles formant le garde corps reliées par des nervures transversales. Divisées en vingt-cinq voussoirs en BFUP de 4m50 chacun, ils sont coulés en une seule fois, à l’envers, dans des moules en acier qui permettent en partie supérieur du garde corps d’avoir une surface totalement lisse et régulière. Ce coulage a nécessité une extrême précision afin qu’au moment de la pose, la transmission soit au plus près les efforts de compression. La tolérance lors de la fabrication était de l’ordre du dixième de millimètre. L’ingénieur nous indique d’ailleurs que le moule utilisé est issu de l’industrie de l’aéronautique, pour sa précision de fabrication .

Le tablier des voussoirs est composé de 25 platelages qui ne pouvaient être coulés en même temps. Ils sont donc coulés séparément à partir de plaques de BFUP de 4cm d’épaisseur avec intégration en sous face de diagonales en croix de Saint-André qui forment le contreventement de la passerelle. Trois platelages sont fixés sur les voussoirs en usine. Celui faisant la liaison entre deux voussoirs est fixé sur chantier. Les nervures travaillent donc en traction et les diagonales en compression.

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Joint entre deux voussoirs


2_Durabilité La durabilité de la passerelle passe par l’utilisation du BFUP de part sa capacité à résister aux éléments extérieurs mais aussi et surtout par l’utilisation réduite du nombre de « joints » dans la construction. Plus un élément possède de points faibles, plus il est susceptible de s’altérer. L’idée de ces voussoirs monolithiques permet à l’ensemble une meilleure résistance aux épreuves du temps et offre une grande cohésion . Le garde corps, les poutres, le contreventement, tout est coulé dans un élément.

« Ce n’est que du gras, pas de graisse »108

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RICCIOTTI Romain, Romain Ricciotti Ingénieur Structure, ENSAS Strasbourg, 14 avril 2015 108

Romain ricciotti


Detail conception voussoirs et passages de torons

Mise en place de la post contrainte

Chambre de post contrainte sur la passerelle du J4


3_Post-contrainte et montage Le béton travaille en compression, et n’apprécie guère la traction. La solution pour cette passerelle était donc évidente. Il fallait induire plus de compression qu’il n’en fallait, le pré comprimer pour que lorsqu’il se charge, il se décomprime sous l’action du poids. Grâce aux câbles de post contrainte, les voussoirs une fois assemblés et comprimés, ne travaillent qu’en compression, en ne forme qu’un tout, sans aucun effort de traction. Pour illustrer ce système c’est très simple, il suffit de prendre plusieurs livres entre ses deux mains et de les comprimer très fort entre eux. Une fois horizontalement, si la pression exercée est suffisamment forte, alors aucun livre ne tombera, ils seront tous solidaires les uns des autres. Et c’est exactement ce qu’il se passe au J4. La post contrainte est passé à travers 8 torons. Deux torons supérieurs et six torons dans les membrures inférieures. Cette passerelle est calculée au plus près de ses efforts. L’âme des deux poutres est plutôt mince, et ne comporte pas d’armatures passives, ce qui oblige les ingénieurs à imposer des modalités de mise en oeuvre draconiennes pour éviter un possible déversement latéral. Lors du montage de la passerelle, les voussoirs ont été placés un à un sur un cintre à l’aide d’éléments fixés aux voussoirs qui viennent les emboiter par optique. Les voussoirs possèdent des trous dans leur sâmes, ce qui permet de les gruter sur le chantier. Ils possèdent plus de trous de fixation qu’ils n’en ont besoin.

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grutage des voussoirs

Mise en tension des torrons


Les ingénieurs ne voulant pas casser l’esthétique de la passerelle avec trois trous de chaque coté à chaque voussoirs, et ont ainsi décidé d’en rajouter plus qu’ils n’en fallait pour ne pas pouvoir distinguer les porteurs des non porteurs. Ce qui s’avére être une préocupation purement architecturale de la part des ingénieurs. Une fois placés au millimètre prés sur leur cintre, les voussoirs sont mis en tension grâce aux câbles passés dans leur fourreaux.

Grâce aux capacités du BFUP, les ingénieurs ont déjoué des règles générales de structure en passant les gaines de précontraintes dans une toute petite section de BFUP. « Le respect des dispositions habituelles en précontrainte, soit un enrobage « équivalent au diamètre de la gaine », n’était pas possible. L’enrobage a été réduit à un rayon de gaine seulement »109 C’est ce qui à contribuer à rendre cette structure aussi fine

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AFGC - RICCIOTTI Romain - MAZZACANE Patrick - TEPLY Francois, La passerelles des anges, article consulté le 10 Juillet 2016, p4

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Elancement exceptionnel pour la passerelle du J4


4_Un trait d’union Cette passerelle apparaît comme un train d’union entre le fort Saint-Jean et le J4, telle une liaison entre l’ancien et reflète une certaine osmose entre l’architecture et l’ingénierie. Il aura fallu 6 ouvriers pour la monter, et 13 ingénieurs pour la concevoir. Plus de matière grise que de bras ... Elle est le fruit d’une optimisation de la forme et du matériau. Elle synthétise à elle seule les volontés de l’architecte et de l’ingénieur. La structure est ici esthétique. Ce qui sort du moule sera architecture, il n’y aura rien de plus. La mutualisation des équipements fait force, toutes les parties de cette passerelle sont du muscle. On ne vient rajouter aucun point mort. Le rendu de ce béton est impressionnant. On a la sensation de toucher une matière « plastique ». La sensation tactile du matériau est ici très présente. Pour moi, c’est une des plus belles réussites du musée. Elle demande une énorme réflexion en aval, un travail gigantesque pour arriver à une simple ligne dans l’espace. C’est la beauté de l’architecture rendue possible grâce au travail de l’ingénierie. Résultat d’une recherche sur l’optimisation formelle dans l’univers structural du BFUP utilisé pour ses qualités intrinsèques, cette réalisation exprime ce « minimum » si important chez Ricciotti. Chaque élément est nécessaire. Il n’en faut ni plus ni moins. C’est le travail de la sublimation du béton au service de l’architecture mais aussi du génie civil, où les deux forment un tout cohérent exprimé par un seul élément, la structure.

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Pont du Diable, Gignac, Rudy Ricciotti , Romain Ricciotti, 2008


5_Une petite soeur La passerelle du J4 est la réplique parfaite de la Passerelle des Anges, construite en 2008 à Gignac à deux détails près. La tension dans les câbles n’est pas la même, et à Gignac il y a 70 m entre chaque appui et au MuCEM 80 mètres. Pourtant, c’est bien le même moule qui a servi à produire les deux passerelles, l’architecte l’a même fait restaurer pour cet usage. Mais comment est ce possible ? Ricciotti nous livre le secret de l’ingénieur des deux passerelles « Au pont du diable nous avons 2 appuis libres, alors qu’au Mucem, on a un appui libre et un encastrement. Ca veut donc dire que si on a un appui encastré on a des moments fléchissant sur appuis qui remonte, ce qui veut dire que les moments fléchissants en travée remontent comme la chainette et deviennent équivalents de ceux de la portée de 70m du pont du diable, c’est incroyable »110 Dans cette situation la citation d’Eugene Freyssinet prend tout son sens « Ce ne sont pas aux coffrages de s’adapter aux ouvrages, mais aux ouvrages de s’adapter aux coffrages »111

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RICCIOTTI Rudy, Sans titre, ENSAS Strasbourg, 17 Decembre 2013 110

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Ibid.



Passerelle du MuCEM où l’on voit la finesse du coulage du beton et sa texture quasi-plastique, sans joints appararents, cliché de l’auteur, Mucem, photographie réalisé le 30 Juin 2016

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C La resille

Lors de ma visite, je suis arrivé par le Vieux port. J’ai donc accédé aux terrasses du fort Saint-Jean offrant une vue panoramique sur la bais de Marseille. En premier plan, s’offrait à moi la passerelle ainsi que le J4, habillé de cet élément de façade, foncé et poreux. Ces brises soleil sont comparables à une dentelle ou un Moucharabieh Oriental.

Ils apportent protection au bâtiment et dématérialisent la façade. Les jeux d’ombres qu’ils créent participent à le rendre plus intime, tout en rendant sa relation intérieur/extérieur beaucoup plus intéressante. Ils viennent en réalité comme une première peau sur ce batiment. Peau venant recouvrir les passerelles extérieures faisant le tour du batiment tel un ziggourat permettant de prolonger la balade architecturale du batiment entre intérieur et extérieur. Dans cet espace d’entre deux, la lumière du soleil est filtrée au cours de la journée, et renvoie un dessin la nuit grâce à la mise en lumière du batiment par Yann Kersalé, plasticien francais qui a nottament mis en lumiere la tour Agbar de Jean Nouvel.

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Restauration des Moulins de Paris

Stade Jean Bouin, Paris

Resille du MuCEM

Grands


1_La conclusion d’une recherche Ces brises soleil sont le fruit d’expériences passées de la part de l’architecte et de l’ingenieur. Ils utilisent pour la première fois le BFUP pour créer des brises-soleil lors de la restauration des Grands Moulins de Paris en 2002. On retiendra l’expérience artisanale de ce chantier, où les moules étaient fabriqués à la main, et où les brises soleil étaitent seulement présents en baie de fenêtre. Dans le projet du Stade Jean Bouin à Paris en 2007, Ricciotti utilise de nouveaux ces panneaux ajourés en BFUP, mais pour en faire une façade à part entière. Ce système, plus perfectionné qu’aux Grands Moulins de Paris, est esthétiquement plus « propre » car les ingénieurs utilisent des moules en acier d’une grande précision, mais la façade du stade n’est pas encore uniforme. Elle est simplement constituée de panneaux triangulaires, n’ayant pas de rapport entre eux. C’est réellement au Mucem, que cette notion de façade résille apparaît. En effet, au J4, la façade forme un ensemble cohérent. Elle est constituée de 384 panneaux en BFUP auto-portants formant un «tout »112. Dans cette unité, l’expression de résille prend tout son sens ! Ce ne sont plus des brises soleil, où chaque élément est indépendant, c’est une façade entière, on ne distingue plus les limites des panneaux.

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http://www.ductal. com/fr

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Detail des bracons et accroche de la resille

Resille autoportante


2_Entrelacs non structurel en BFUP Prouesse issue de la recherche des ingénieurs sur le BFUP, cette dentelle a nécessité un immense travail sur le moule. Etant visible de l’intérieur comme de l’extérieur, le soin apporté à la finition devait être le même sur les deux faces. Mais cette technique de coulage est un secret jalousement gardé par l’équipe du J4. Cette résille est composée de panneaux indépendants de 6 m de haut par 3 m de large. Les panneaux sont ajourés à plus de 50% et leur épaisseur varie de 7 cm à 10 cm. Il existe deux types différents de résille, en fonction de leur place dans le bâtiment. Les panneaux de façade ont une épaisseur de 10 cm. Ils ne portent que leur poids propre qui se reporte les uns sur les autres jusqu’aux fondations. Ces brins de BFUP ne sont absolument pas structurels. Leur liaison et leur contreventement sont assurés par des bracons bi-articulés constitués d’une rotule à chaque extrémité. Les panneaux de résille possèdent des réservations pour des tiges filetées qui sont déjà pré-scellées dans le BFUP. Ils sont boulonnés dans ces réservations via des « mains » à quatre doigts avec insertion d’une rondelle en polyuréthane pour rattraper les inégalités de surface. Ils sont fixés de l’autre coté aux montants verticaux de la façade vitrée. Chaque bracon retient 2 ou 4 panneaux, cela dépend de la situation. La présence de rotules et de rondelles permet de ne pas insérer d’efforts parasites dans le système. Il autorise de légères variations de taille dues aux dilatations du BFUP à cause de la température mais aussi de légères rotations due aux poussées du mistral. Les panneaux de toiture ont une épaisseur de 7 cm. Ils reposent sur les potences en BFUP du dernier étage dans les parties latérales ( développé dans prochain point ) ainsi que sur un treillis acier dans les angles. Ils sont dissociés de la structure par des ressorts en polyuréthane. 216

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RICCIOTTI Rudy, Sans titre, ENSAS Strasbourg, 17 Decembre 2013 110

RICCIOTTI Rudy, Sans titre, ENSAS Strasbourg, 17 Decembre 2013 111


Grâce à la resille la lumiere est très filtrée, et les passerelles ainsi que les salles d’exposition bénéficient d’une luminosité controlée


3_Un élément decoratif et thermique Cette résille servant de brise soleil, d’enveloppe et de façade se propose comme un élément presque vivant, mouvant. L’ascension des passerelles se situant, entre résille et façades vitrées, offre une visite chargée d’émotions, où l’image est en constant mouvement. Ricciotti l’a conçue en prenant le reflet du soleil sur les roches à 6m de profondeur dans la Méditerranée. En se baladant sur les passerelles, on est réellement plongé dans une atmosphère où ces ombres jouent un rôle un peu psychédélique. Au delà de sa vocation esthétique, cette résille est une nécessité thermique pour ce bâtiment. « la résille faisait office de brise-soleil et son dessin avait un impact direct sur les performances. Notre intervention a permis d’optimiser les caractéristiques du vitrage ( facteur solaire, transmission lumineuse), en fonction du taux de perforation de la résille BFUP, au terme d’une quantité conséquente d’allers-retours entre dessins et calculs, tous étant très sophistiqués ... »113 Gontran Dufour , architecte co-gérant de VS-A, bureau d’étude chargé de la conception technique des façades vitrées. La résille se devait de filtrer à plus de 75% la lumière arrivant dans les salles d’expositions 114 L’utilisation du Béton Fibré à Ultra Haute performance permettait de résoudre les problèmes de résistance face au vent et aux embruns de la mer mais il permettait aussi de créer une façade ajourée à plus de 50%. Aucun autre matériau n’aurait offert un tel rendu. Les fibres dans le béton permettent d’affiner au maximum les panneaux. Romain Ricciotti précise que jamais ils n’auraient pu réaliser une résille en béton simple avec 10 cm d’épaisseur en zone sismique. L’épaisseur serait passée de 10 à 25 cm 115

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ARNOLD Francoise, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée - MuCEM Rudy Ricciotti architecte, Paris, Le Gac Press , 2013

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RICCIOTTI Romain, Romain Ricciotti Ingénieur Structure, ENSAS Strasbourg, 14 avril 2015 114

RICCIOTTI Romain, Romain Ricciotti Ingénieur Structure, ENSAS Strasbourg, 14 avril 2015 115


Double lecture de la structure

Une fĂ´ret de bracons


4_Désillusion Le travail des ingénieurs sur cet élément est indéniable. Cependant, on ne peut qu’être déçu du résultat. Ayant observé le bâtiment de nombreuses fois via des photographies, je trouvais cette résille d’une grande légèreté et d’une extrême finesse. Une fois sur place, je trouvais rapidement que le volume des bracons prenait selon moi une place trop importante dans l’espace. La résille est bien moins fine que ce que j’imaginais. Pour preuve, il suffit de regarder les 3D faites par l’architecte lors du concours, où l’on s’aperçoit que la résille apparaît ici beaucoup plus fine et que les bracons prennent une place bien moins importante. On a presque peur de passer en dessous. Le raccordement des bracons au x montantx des menuiseries crée une espèce de confusion dans la structure porteuse. On voit ces grandes et belles structures arborescentes et juste à coté on aperçoit des montants en acier simple sur lesquels repose toute cette dentelle.( photo de confusion)

Pour faire écho au chapitre sur le développement informatique, on a ici un parfait exemple quant au fait qu’il ne faille se fier uniquement aux rendus des logiciels de 3D qui ne prennent pas réellement en compte la notion de réalité structurelle. Dans ce cas, l’ingénierie a grandement desservi l’espace architectural, au profit d’une nécessité structurelle.

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Réalité virtuelle ...


... Contre rĂŠalitĂŠ structurelle

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D L’exosquelette

La structure porteuse du J4 est dans une logique de minimum. Chère à Ricciotti, elle est dans la recherche d’une structure au plus près des efforts. Interprétation déjà réalisée avec brio au Pavillon Noir. Au J4, il souhaite exprimer une histoire beaucoup plus romantique qu’à Aix en Provence. Il crée un véritable «paysage de l’infrastructure»116, en relation avec le site. Les poteaux qui s’épurent au fil des étages tels les arbres d’une forêt et la résille de l’autre coté nous plongent dans une expérience entre nature et architecture. La structure est composée de poteaux préfabriqués en BFUP assemblés par post contrainte, de poutres de rive en BFUP coulées sur place, post contraintes elles aussi, sur lesquelles viennent reposer les dalles de plancher en BHP.

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RICCIOTTI Rudy, Sans titre, ENSAS Strasbourg, 17 Decembre 2013 116


UP

Dessins des poteaux arborescents

lamoureux & ricciotti ingĂŠnierie


1_Une structure affinée Les dalles de plancher ont une portée de 23,40m. Elles sont préfabriquées et précontraintes par fils adhérents. Pour des raisons d’économies elles ne sont pas fabriquées en BFUP mais en béton BHP B60. Ce qui augmente la taille des poutres de 10 cm, qui donne une hauteur totale de 50cm. Lorsqu’elles sont accolées, ces dalles forment un Omega. C’est la volonté de l’architecte de dessiner le plafond ainsi, permettant de cacher les passages de fluides, l’éclairage et de traiter l’acoustique dans le plénum de leur sous face. Ces dalles reposent sur les poutres de rives coulées sur place et post contraintes par la suite. La grande difficulté pour le coulage de cette poutre était la précision avec laquelle les ouvriers ont du la couler. Il ne fallait pas qu’il y ait une différence de + - 5mm par rapport aux poteaux, pour la mise en place future de la post contrainte. Il y a au total 308 poteaux, musculeux, consécutifs au travail des ingénieurs sur la descente de charge. Ces poteaux forment un exosquelette. Plus de 6000 pages de calculs d’ingénierie ont été nécessaires pour leur dimensionnement. La modénature est re-travaillée par la suite par un modéliste , Philippe Deplagne qui leur offre le reflet même d’un muscle du corps humain.

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sud

Le

Le bét -d ave -d -d une Ce aux de pot de Co siv dire un tion Les tail pou ten cab san pot (dé Details des poteaux ARC-6021 - LA PENSÉE CONSTRUCTIVE EN ARCHITECTURE | Semestre A-14


On dénombre pas moins de 20 moules différents pour autant de poteaux. Ils présentent des hauteurs différentes en fonction des étages : 2.79m, 5.51m, 6.12m, et 8.79m. Leur section est comprise entre 25cm et 40cm en fonction de la descente de charge. On peut les regrouper sous trois familles principales: - des poteaux droits (de sections continues, ou s’affinant vers le haut) - des poteaux en Y (servant au contreventement) - des poteaux en N (ou le V sert aussi de contreventement)

Sur le toit terrasse se trouve un dernier élément important pour la structure: les potences en BFUP. Les passerelles périphériques sont suspendues à ces potences en cascade . Les potences travaillent comme un levier. Elles soutiennent les passerelles d’un coté, et sont retenues par un câble en traction de l’autre coté où l’accroche est noyée dans les planchers.

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Coupe avant solution d’une post-tension de haut en bas

Coupe post-tension entre le radier et les poteaux

Post tension dans les poteauxn et liaison avec poutre de rive

Chambre de post-tension des poutres de rives


3_Une première mondiale Lorsque qu’un poteau est soumis à un effort normal de compression, il a pour habitude de fléchir. C’est ce que l’on appelle le flambement. Et ce problème de flambement posait problème aux ingénieurs. L’architecte voulait un poteau fin, l’ingénieur voulait un poteau qui tienne debout. C’est un peu deux idées contradictoires d’un point de vue structurel. L’idée est venue à Romain Ricciotti et Jacques Portaline, d’introduire encore plus de compression dans les poteaux ( jusqu’à 5 à 6 fois plus ), pour que celle-ci l’empêche de flamber sous la charge des planchers. Ils ont en quelque sorte suivi le même raisonnement que celui de la passerelle. Les poteaux sont donc entièrement préfabriqués en usine et assemblés sur chantier par post contrainte. Ils ne possèdent pas d’armatures passives. Grâce au coulage dans un moule en polyuréthane vertical, les fibres de 10mm à 18mm de long, vont dans le sens de la compression et assistent le BFUP dans sa résistance au flambement. La post-contrainte mise en place dans ces poteaux est une première mondiale. On sait que Kahn et Komendant l’avaient mis en place aux laboratoires Richards, mais ici, elle est différente. Les torons de post contrainte ne descendent pas verticalement. Ils suivent un chemin nébuleux en suivant la déformation du poteau. De plus la post contrainte devait à la base être mise en place étage par étage, mais les ingénieurs ont réussi à mettre en tension les poteaux de bas en haut. Les liaisons entre les poutres de rives et les poteaux sont donc affinées. La mise en compression se fait donc depuis le radier jusqu’au dernier étage. C’est un point positif pour l’architecture, avant cela, il fallait mettre une chambre de compression à chaque étage. Ce n’était pas vraiment esthétique, de voir à chaque poutre de rives un élément en plus. C’est donc un point sur lequel les ingénieurs, en travaillant, ont réussi à affiner la structure, et rendre la structure arborescence plus évanescente. 230

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Coupes illustrant les trois possibilités pour le raccord entre poutre de rive et poteaux

Coupe du MuCEM, mettant en exergue les potences soutenant les passerelles peripheriques, et on l’on voit le dessins des planchers dans lesquels sont glissés les éclairages 1 : Module préfabriqué et precontraint par fil adherent , 3 par 23,40m 2 : Isolation acoustique 3 : Luminaires


4_Un invariant du J4 : le BFUP Romain Ricciotti précise que les poteaux portant les planchers de 25m x 50 m de portée ne sont pas des réalisations anodines, surtout pour des espaces d’expositions où la surcharge est proche de 1500kg du mètre carré. La réalisation des poteaux en BFUP a rendu possible ces grandes portées tout en ayant une façade ajourée avec aussi peu de matière. Sans l’utilisation du BFUP, les poteaux auraient été 5 à 6 fois plus épais, et auraient pourri à cause des agressions chimiques du site. Selon Romain Ricciotti, il faut savoir utiliser l’habitabilité d’un espace pour créer la structure. Un peu comme la structure de ZKM ou Balmond et Koolhaas utilisent un étage sur deux pour le transformer en une poutre Vierendeel. Les poteaux arborescents, « a mis chemin entre le corps d’un athlète éthiopien et la baigneuse d’Ingres avec une cote de trop »117 sont épatant de part leurs plasticités. On a réellement l’impression de voir la matière vivre sous nos yeux et nos mains. Pour ma part, j’ai eu vraiment l’impression de toucher un muscle en tension lors d’un effort. Sensation extraordinaire du matériau une fois encore au plus près de ses forces. Les Ricciotti utilisent la technique , et ils la mettent en scène à travers de simples éléments de structure. Eléments simple, tout du moins en façade. Les poteaux sont structure mais sont aussi architecture. Ils introduisent un dialogue de la structure comme si on l’avait dessinée à mains nues, et nous entraînent dans son histoire. Cependant, je regrette qu’il n’y ait pas la même expression de la part des potences qui sont issues d’un moule qui devait à la base accueillir un béton standard. Ce qui ne rend pas du tout la même sensation. D’ailleurs Romain RIcciotti regrette de ne pas voir eu le temps de mieux travailler l’esthétique de ces potences 118.

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117

ibid.

118

ibid.



DĂŠcomposition de la facade, baies vitrĂŠes, structure arborescente, vide et resille

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Poteaux arborescents du MuCEM où l’on voit la finesse du coulage du beton et sa texture «plastique», cliché de l’auteur, Mucem, photographie réalisé le 30 Juin 2016


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Après l’étude des ces trois éléments constitutifs du J4, il est indéniable, qu’entre l’agence Ricciotti et les ingénieurs la relation est synergique. Le choix du BFUP dans cet ouvrage n’est pas une volonté simplement esthétique, ou un délire d’architecte voulant utiliser le dernier matériau à la mode. Ici le béton Fibré à Ultra Hautes Performances est mis en place pour ses deux principales qualités: compacité et résistance. Sa compacité assure au J4 une durabilité exceptionnelle grâce ses pores fermés. A contrario de l’acier qui se serait corrodé ou d’un béton qui aurait pourri face au Mistral et aux embruns de la Mediterannée. Le BFUP assure au MuCEM une permanence temporelle. Son extrême résistance à la compression permet aux ingénieurs une écriture structurelle légère face aux volontés des architectes. Les architectes et les ingénieurs ont trouvé en ce matériau leur pierre angulaire. Comme le dit Romain Ricciotti « Au MuCEM, nous avons réduit le coût de la matière mais nous avons augmenté le coût de la matière grise »119 Au Mucem, « Le ratio est d’une trentaine d’ingénieurs pour une centaine d’ouvriers »120 Ce qui montre à quel point les ingénieurs ont été un élément important dans le processus de conception de ce musée. Le BFUP est un matériau d’ingénierie. Il offre un nouveau langage architectural grâce à ses propriétés physiques extraordinaires, sa facilité de moulage, son caractère ductile et son ouvrabilité.

119

ibid.

RICCIOTTI Rudy, L’architecture est un sport de Combat, Paris, Les éditions Textuel, 2013, p.72

120


Il permet à l’ingénieur de s’exprimer tout en restant dans une esthétique maîtrisée par l’architecte. Nous avons un bâtiment exprimant des volontés structurelles objectives mais aussi des volontés esthétiques subjectives. Rudy Ricciotti aime introduire dans ses ouvrages une recherche théorique et conceptuelle excessivement forte, basée sur un univers très technique. Pour lui, le BFUP n’est pas une simple réponse structurelle, cela lui permet de raconter ses histoires. L’architecture au J4 est un lieu où l’espace et la structure sont au service d’un même but. La structure nous plonge dans l’univers de l’architecture et cela forme un tout cohérent dans le bâtiment.C’est à la suite de cette visite que j’ai réellement compris ce dont Rice nous parlait lorsqu’il insistait sur la qualité tactile d’un matériau. On sent la main de l’homme et sa recherche dans ce batiment. La structure à une présence et participe à l’ambiance général. Selon Marc Mimram « Il y a un positionnement théorique qui devient une question constructive (...) Le champ théorique est très lié, chez lui, à des pratiques constructives »121 On pourrait presque leur donner l’appellation de chercheurs en ce que la construction de ce bâtiment a demandé une énergie considérable de part les 13 ATEx 122 demandés. C’est une réelle mise en danger pour les acteurs du projet. A ce propos, la garantie décennale du MuCEM a accordée seulement quelques jours avant son ouverture au public. L’administration a eu du mal à faire confiance à cette nouvelle technologie.

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RAMBERT Francis ( dir ), RICCIOTTI ARCHITECTE, Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine / Le Gac Press, avril 2013, p.38 121

Appréciation T e c h n i q u e d’Expérimentation, est une procédure rapide d’évaluation technique formulée par un groupe d’experts sur tout produit, procédé ou équipement innovant, source http://evaluation. cstb.fr/appreciationtechnique-exper tiseatex/ 122


- Conclusion -


Les relations entre architectes et ingénieurs sont complexes et multifactorielles. Dans ce mémoire, j’ai fait le choix dans une première partie d’illustrer les intéractions entre les architectes et les ingénieurs à travers l’étude du travail et de la pensée de trois ingénieurs différents : August Komendant, Peter Rice et Cecil Balmond. Ces relations sont intéressantes à développer car elles sont caractéristiques de différentes approches de l’intéraction entre architecture et ingénierie mais aussi parce qu’elles s’inscrivent dans des époques différentes. Toutefois, il est impossible d’envisager une typologie qui créerait un classement insensé de la multitude de relations qui peuvent exister entre un architecte et un ingénieur. Il s’agit en effet de trois exemples et en aucun cas de trois modèles. S’il est inenvisageable de classer les relations, il est néanmoins possible de dégager certains critères qui influencent ces dernières. D’une part, certains mouvements architecturaux sont notamment plus propices que d’autres au développement d’une relation plus intime entre l’architecte et l’ingénieur. Ainsi, on a pu montrer que le modernisme a poussé les architectes à se détacher des ingénieurs en cherchant à développer des projets au décor minimal et aux lignes géométriques pures alors que les formes architecturales envisagées pour des bâtiments plutôt du mouvement High-tech nécessitaient bien plus d’expertise technique en ce qui concerne la structure et par conséquent la présence plus importante de l’ingénieur, comme pour la réalisation du Centre Pompidou. D’autre part le critère de l’innovation semble imposer une collaboration plus étroite entre architecte et ingénieur, comme la nécessité de recherche sur le verre au projet des Serres de la Villette. Enfin, la relation architecte / ingénieur est bien évidemment conditionnée par la volonté de l’architecte d’accorder ou non plus d’importance à l’ingénieur dans le processus de conception du projet ; en témoigne la relation qu’entretiennet Cecil Balmond et Rem Koolhaas. 240

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Quoi qu’il en soit, au delà de la teneur de la relation architecte / ingénieur en elle même, sa nature impacte forcément sur l’architecture / l’ingénierie. D’abord, on a pu voir que l’architecture stimule l’ingénierie (ainsi que l’industrie) en forçant le progrès technique pour matérialiser des idées architecturales a priori irréalisables. Inversement, l’ingénierie et ses avancées propres permettent aux architectes de penser plus loin et de ne pas se limiter à des formes et constructions acquises sous couvert d’une insuffisance de la science et des techniques ; pour exemple, la construction des Laboratoires de Recherches Médicales Richards et leur construction en béton préfabriqué. Pour la deuxième partie de ce mémoire, j’ai fait le choix de me placer du côté de l’architecte, plus exactement du côté de l’étudiant en architecture, en analysant deux projets de Rudy Ricciotti. L’étude du travail de cet architecte est particulièrement intéressante en ce que la pierre angulaire de son œuvre est la recherche permanente de complexité dans les projets. On retrouve le critère de l’innovation structurelle au cœur de la collaboration entre les ingénieurs et Rudy Ricciotti. La réalisation de la quasi totalité de ses projets a été conditionnée par des demandes d’ATEX, comme au MuCEM, où elles sont au nombre de 11. Ceci montre bien cette volonté d’innovation et de travail commun.


Ce « paysage de l’infrastructure » reflète parfaitement cette volonté de lier architecture et structure. Rudy Ricciotti veut réellement qu’elle participe à l’histoire qu’il raconte dans son bâtiment ; en témoigne le « trait d’union » qu’il trace avec la passerelle entre le fort ST Jean et le J4. La complexité de sa construction n’entame en rien la simplicité de la réponse. C’est là un défi admirable qu’ils se sont lancés. La structure doit participer au bâtiment, elle ne doit pas être là que pour porter. Elle doit avoir un sens et tout ceci n’est possible qu’avec des échanges importants et une forte collaboration. De plus, pour Ricciotti, cette notion de collaboration est nécessaire entre l’architecte et l’ingénieur mais aussi entre l’architecte et les artisans, sans qui rien de ce qu’il dessine ne serait réalisable. Mais ce sujet pourrait faire l’objet d’un autre travail concernant la relation de l’architecte avec les artisans. L’opposition entre l’art et la science s’est accentuée à partir de la Renaissance et du développement des sciences modernes. Cependant, aujourd’hui, les deux disciplines ont tendance à se rapprocher. Prenons l’exemple simple de la photographie qui part d’une technique chimique et devient un art à part entière. Pour l’ingénierie et l’architecture, le rapprochement est comparable. Comme je l’ai évoqué précédemment, la structure est un art au même titre que l’architecture, d’autant plus lorsque architecture et structure ne font qu’un ; lorsque l’édifice est construit et que la technique a matérialisé l’idée architecturale. Ainsi, loin d’être incompatibles, l’architecture et l’ingénierie sont complémentaires. Exit la structure simple, désormais l’architecte et l’ingénieur poussent touts deux les éléments qu’ils maîtrisent dans une même direction.

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Finalement lorsque ce mémoire traite la question de savoir si la relation architecte / ingénieur se traduit plutôt à travers une confusion des deux disciplines ou si au contraire, les différences entre les architectes et les ingénieurs ne seraient elles pas tout aussi profitables, il convient de conclure que l’importance de la collaboration entre l’architecte et l’ingénieur ne réside pas dans la question de la nature de la relation mais bien dans l’existence d’un dialogue. C’est le dialogue entre les architectes et les ingénieurs qui pousse d’une part chacun des deux acteurs à aller au plus loin de son art et qui d’autre part permet la synthèse des approches différentes pour aboutir à un projet commun. Il est toutefois nécessaire d’apporter une certaine nuance au propos de ce mémoire. En effet, tous les exemples de projets développés ont été spécifiquement choisis pour leur pertinence dans l’étude de la relation architecte / ingénieur. Il s’agit principalement de projet exemplaires, souvent à gros budget. La réalité du monde de l’architecture ne peut cependant être réduite à la construction de ces bâtiments célèbres, à des musées, des bibliothèques, etc. En effet, les architectes « ordinaires » sont évidemment confrontés à des problématiques différentes et surtout à des contraintes plus réelles : budget, site, urbanisme, etc. Pourtant, l’exemple de la maison Lemoine montre qu’il est toujours profitable pour le projet d’avoir une intéraction forte entre l’ingénieur et l’architecte même pour des édifices de moins grande ampleur. En effet, ce projet est moins colossal que les autres exemples, et pourtant ce n’est pas sans raison s’il s’agit de la seule maison de type individuel à avoir reçu le prix de l’équerre d’argent.


Pour en revenir à la citation qui amorce ce mémoire123, je pense qu’un étudiant en architecture ne doit pas négliger la compréhension des connaissances de base de l’ingénierie sans pour autant vouloir les supplanter. Si on a pu montrer l’importance de l’idée de dialogue entre architecte et ingénieur, on pourrait s’interroger également sur le développement du double diplôme. Il s’agit d’un double cursus permettant à un étudiant d’accéder à la fois au savoir de l’architecte et à celui de l’ingénieur. Dans ces conditions, ne risquerait-on pas de créer des futurs savants en tout mais experts en rien ? Il me semble en effet que ce mémoire montre que le projet est enrichi par les discussions et l’expérience des deux acteurs. En voulant faire l’amalgame entre le domaine de l’architecte et celui de l’ingénieur, ne prive-t-on pas le projet de la richesse du double point de vue dont il jouit actuellement ?

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« Quand un des étudiants avait demandé : Que doit faire un jeune architecte pour reussir ? J’avais repondu : Apprendre l’ingénierie !» tirée de KOMENDANT August E., Dix Huit années avec Louis I. Kahn, Paris, Editions du Linteau, 2006 p.213

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- Bibliographie -


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50-51 Parc de la Vil ette, Bernard Tschumi, photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : http://www.photosparis.fr/parc-vil ette/html/05parc-villette.htmlGrandes Serres de la Villette, Adrien Fainsilber, photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : http://www.novelty-group.com/lieu/cit-des-sciences-et-de-l-39-industrie-138 54-55 Centre Pompidou, Richard Rogers et Renzo Piano, photographie, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://www.u-plum.fr/membre/15/Le%20Centre%20Pompidou 56-57 Principe de l’assemblage au Centre Pompidou, Renzo Piano et Richard Rogers, photographie , consulté le 20 Juillet 2016 URL : https://www.centrepompidou.fr/fr Principe de l’assemblage au Centre Pompidou, Renzo Piano et Richard Rogers, schéma, tiré RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998 page 140 58-59 Principe du fonctionnement d’un pont Gerber, schéma, tiré RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998 page 24 Principe de l’assemblage au Centre Pompidou, Renzo Piano et Richard Rogers, schéma, tiré RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998 page 24 Gerberette, Centre Pompidou, Richard Rogers et Renzo Piano, photographie tirée du cours de Matérialité de Bernard Wittevrongel 60-61 Gerberette, Centre Pompidou, Richard Rogers et Renzo Piano, photographie tirée du cours de Matérialité de Bernard Wittevrongel Poutre à double menbrures, Centre Pompidou, Richard Rogers et Renzo Piano, photographie tirée du cours de Matérialité de Bernard Wittevrongel 256

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60-67 Tour Tatline, photographie, consulté le 20 Juil et 2016 URL : https://art-zoo.com/blog/la-tour-tatline/ Tour Eiffel, Gustave Eiffel, photographie, consulté le 30 Juillet 2016 URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Tour_Eiffel#/media/File:Tour_Eiffel_3c02660.jpg 68-69 Schéma du maître d’oeuvre, dessin de Le Corbusier paru dans La maison des hommes de Francois de Pierrefeu et le Corbusier, librairie Pion, 1992, tiré de NOBEL Philip, Rencontre avec Cecil Balmond, Paris, l’Architecture d’Aujourd’hui, n° 329, 2000, pp 44-47 70-71 CCTV Headquarters, Rem Koohlaas (OMA), photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : http://www.archdaily.com/775327/av-monographs-178-179-rem-koolhaas/56114a 1be58ecead21000157-av-monographs-178-179-rem-koolhaas-image 72-73 Maquette du projet ZKM, Rem Koolhaas, photographie, tiré de OMA/REM KOOLHAAS, el croquis numero 53 1987 - 1992 74-75 Coupe ZKM, OMA, photographie tirée du cours de Matérialité de Bernard Wittevrongel Schémas Poutre Vierendeel, ZKM, OMA, photographie tirée de KOOLHAAS Rem, S, M, L, XL, The Monicelli Press, New York, 1997 76-77 Plan ZKM, OMA, photographie tirée du cours de Matérialité de Bernard Wittevrongel 80-81 Maison Lemoine, OMA, photographie, consulté le 10 Juillet 2016 URL : http://oma.eu/projects/maison-a-bordeaux


82-83 Schemas concave/convexe de Cecil Balmond, schema tiré de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 pages 28-29 Recherches pour la maison Lemoine, OMA, de Cecil Balmond, schema tiré de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 page 25 Operations pour la maison Lemoine, OMA, de Cecil Balmond, schema tiré de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 pages 26-27 84-87 Recherches pour la maison Lemoine, OMA de Cecil Balmond, recherche tirée de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 page 36 Plans de details pour la maison Lemoine, OMA de Cecil Balmond, plans tirée de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 page 41 Plans du Arup ROOF, Congrexpo à Lil e,OMA, schéma de cecil Balmond tiré de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 page 286 90-91 Kunsthal musée, OMA, photographie, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://www.kunsthal.nl/en/about-kunsthal/building/ 92-93 Trois coupes différentes du Kunsthal, OMA, photographie, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://www.archiweb.cz/buildings.php?action=show&id=595&type=arch 94-95 Operations pour le Kunsthal, OMA, de Cecil Balmond, schemas tirés de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 pages 73 Photographies des operations pour le Kunsthal, OMA, de Cecil Balmond, photographies tirés de BALMOND Cecil, Informal, Prestel, Munich, 2007 pages 66/67, 78/79, 82/83, 90/91 96-97 Photographie de la juxtaposition d’espace au Kunsthal, OMA, photographie, consulté le 10 258 | 259 Aout 2016


100-101 Hall de la gare Arhnem Central, UNSTUDIO, photogrpahie, consulté le 10 Aout 2016 URL : http://www.archdaily.com/777495/arnhem-central-transfer-terminal-unstudio 102-103 Recherches de Cecil Balmond sur le Hall de la gare Arhenm Central, UNSTUDIO, modélisation 3D, consulté le 20 Juil et 2016 URL : http://www.balmondstudio.com/work/arnhem-centraal.php Hall de la gare Arhnem Central, UNSTUDIO, photogrpahie, consulté le 10 Aout 2016 URL : http://www.archdaily.com/777495/arnhem-central-transfer-terminal-unstudio 104-105 Evolution de la modélisation des coques de l’opera de Sydney, Jørn Utzon, modélisation tiré de RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998 page 59 112-113 Pont de Tavanassa, Robert Maillart, photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : https://fr.pinterest.com/1urbanstudio/maestri-robert-maillart/ 116-117 Grandes serres de la Vilette, adrien Fainsilber, photographie, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://anetcha-parisienne.blogspot.fr/2010/06/rencontre-de-lancien-et-du-moderne-la.html 118-119 Systeme de fixation du verre aux grandes serres de la villette par Peter Rice, Adrien Fainsilber, schéma tiré de RICE Peter, Mémoires d’un ingénieur, Paris, Groupe Moniteur, 1998 page 214 Grandes serres de la vilettes, adrien fainsilber, photographie, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://thedsproject.com/portfolio/peter-rice-performing-instability/ 124-125 Crystal Palace, Joseph Paxton, photographie, consulté le 20 Juillet 2016 URL : https://www.thetrumpet.com/article/11012.19.0.0/china-plans-to-rebuild-britishlandmark?preview


130-131 Pont de Salginatobel, Robert Mail art, photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : https://structurae.info/ouvrages/pont-sur-la-gorge-de-la-salgina 132-133 Hangar d’Orbetello, Pier Luigi Nervi, photographie, consulté le 5 Aout 2016 URL : https://structurae.info/ouvrages/hangars-d-orvieto 134-135 Lloyd’s Building, RIchard Rogers, photographie, consulté le 12 Aout 2016 URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lloyd’s_Building 136-137 Stade National de Pékin « Le nid d’oiseau », Herzog et De Meuron, Photographie, consulté le 12 Aout 2016 URL : http://www.tekla.com/fr/references/stade-olympique-de-pékin-en-chine 138-139 Document reproduit par l’auteur, poteaux en acier recouverts de chrome au pavillon de Barcelone, Mies van der Rohe , réalisé le 10 aout 2016 140-141 Systeme de contreventement au Kunsthal, OMA, photographie, consulté le 10 aout 2016 URL : http://www.zappa-analysis.com/kooning/kunsthal.htm 146-147 Cliché de l’auteur, Stadium de Vitrolles, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 29 Juin 2016 148-149 Clichés de l’auteur, Stadium de Vitrolles, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 29 Juin 2016 260

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150-151 Clichés de l’auteur, Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 152-153 Plan de situation du Pavil on Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie consulté le 10 aout 2016 URL : www.google.fr 154-155 Vue Ouest du Pavil on Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie consulté le 10 aout URL : https://interligne.wordpress.com/2010/11/23/un-pavillon-noir-en-provence-rudy-ricciotti/ 156-157 Clichés de l’auteur, Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 158-159 Clichés de l’auteur, Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 160-161 Plan du Pavil on Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, plans, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm 162-163 Modélisations du Pavil on Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, schémas, consulté le 10 juillet 2016 URL : www.infociments.fr/telecharger/CM-125.pdf


164-165 Coupe dans le planché niveau 2 du Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, coupes, consultés le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm photographie de chantier, Pavillon Noir d’Aix-en-provence, photographie, consultés le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm 166-167 Coupe au Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, coupe, consulté le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm 168-169 Contreventement au Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie, consultée le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm Chantier au Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie, consultée le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm 170-171 Chantier au Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie, consultée le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm 171-172 Béton travaillé dans la salle de spectacle au Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie, consultée le 10 Juillet 2016 URL : http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm

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174-175 Répétitions salle de danse, au Pavillon Noir d’Aix-en-provence, Rudy RIcciotti, photographie, consultée le 10 Juillet 2016 URL : http://rudyricciotti.com 178-179 Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 180-181 Schéma fonctionnant du MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti, schéma, consulté le 5 Juillet 2016 URL : http://www.mucem.org Plan de situation du MuCEM à Marseil e, Rudy RIcciotti, photographie consulté le 10 aout 2016 URL : www.google.fr 186-187 Schémas autour du béton fibrés à ultra hautes perfomances, schémas, consulté le 5 Aout 2016 URL : http://www.holcim.ch/fileadmin/templates/CH/doc/Produktinfos_FRZ/Beton_fibre_a_ultrahautes_performances.pdf 188-189 Béton fibrés à ultras hautes perfomances avec ses fibres visibles, photographie, consulté le 5 Aout 2016 URL : https://bhpbio.wordpress.com/2015/03/22/bfup-bio/ 190-191 Villa Navarra, Rudy RIcciotti, photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : https://fr.pinterest.com/pin/534661786983570173/


191-193 Panneaux BFUP Blanc sur la Fondation Louis Vuitton de Franck Gehry, photographie, consulté le 5 Aout 2016 URL : http://hashtagart.fr/extra/fondation-louis-vuitton/ 194-195 Plan d’exposition du MuCEM, Marseille, Rudy Ricciotti, plan, consulté le 20 Juillet 2016 URL : http://www.archdaily.com/400727/mucem-rudy-ricciotti/51dce88be8e44e34bf000090mucem-rudy-ricciotti-plan 196-197 Passerelle du MuCEM, Marseille, Rudy Ricciotti, photographie , consulté le 10 Aout 2016 URL : http://jkrs.fr/les-opposes-sattirent/ 198-199 Moule et voussoirs, Mucem, Marseil e, Rudy Ricciotti, photographie, consulté le 10 Aout 2016 tiré de la conférence de RICCIOTTI Romain, Romain Ricciotti Ingénieur Structure, ENSAS Strasbourg, 14 avril 2015 200-201 Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 202-203 Plans technique de la passerelle du Mucem à Marseille, Rudy Ricciotti, plans techniques consultés le 10 Aout 2016 URL : http://www.planete-tp.com/IMG/pdf/2UHPFRC-20091117-18_Marseille_cle07c191.pdf Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 204-205 photographies de la passerelle du Mucem à Marseille, Rudy Ricciotti, photograohie consultés le 10 Aout 2016 URL : http://www.mucem.org 264 | 265


206-207 Passerelle du MuCEM, Marseille, Rudy Ricciotti, photographie , consulté le 10 Aout 2016 URL : http://popiem.canalblog.com/archives/2013/08/21/27872702.html 208-209 Pont du diable à Gignac, Rudy Ricciotti, photographie, consulté le 10 Aout 2016 URL : http://rudyricciotti.com/projet/pont-du-diable#!/rudyricciotti.com/wp 210-211 Cliché de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 212-213 Cliché de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 214-215 Restauration grands Moulins de Paris, Rudy Ricciotti, photographie, consultée le 20 Juillet 2016 URL : http://rudyricciotti.com/projet/universite-denis-diderot-paris-vii#!/rudyricciotti.com/wp Stade Jean Bouin, Rudy Ricciotti, photographie, consultée le 20 Juillet 2016 URL : http://rudyricciotti.com/projet/stade-jean-bouin#!/rudyricciotti.com/wp Mucem, Rudy Ricciotti, photographie, consultée le 20 Juillet 2016 URL : http://rudyricciotti.com/projet/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!/ rudyricciotti.com/wp 216-217 Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 Détail de fixation de la resil e sur les tangons, plans, consulté le 20 Juin 2016 URL : https://www.arc.ulaval.ca/etudiants/pensee-constructive.html 218-219 MuCEM, Marseille, Rudy Ricciotti, photographie , consulté le 10 Aout 2016 URL : http://rudyricciotti.com/projet/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!/ rudyricciotti.com/wp


220-221 Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographies réalisées le 30 Juin 2016 222-223 MuCEM, Rudy Ricciotti, image de synthese, LORIERS Marie-Christine, POUSSE JeanFrancois, Dossier Matiéres prospectives, Techniques et Architecture, numero 472, Paris, Editions Jean Michel Place, 2004, p.58 Cliché de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 224-225 Cliché de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016 226-227 Structure du MuCEM, technique, consulté le 15 Juillet 2015 URL : http://lamoureux-ricciotti.com/projets/musee-des-civilisations-deurope-et-de-la-mediterraneemucem/ 228-229 Detail technique du MuCEM, plans technique, consulté le 15 Juillet 2015 URL : https://www.arc.ulaval.ca/etudiants/pensee-constructive.html 230-231 Detail technique du MuCEM, plans technique, consulté le 15 Juillet 2015 URL : https://www.arc.ulaval.ca/etudiants/pensee-constructive.html Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographies réalisées le 30 Juin 2016

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232-233 Coupes techniques du Mucem, coupes techniques, tiré de KANTENBACH Frank, MuCEM in Marseille - Haut und knochen aus ultrakochfestem Beton, Munich, Zeitschrift für Architektur, DETAIL, N° 2013-11, 2013, pp 1268-1276 Reproduction de l’auteur, le MuCEM, coupe, réalisée le 10 Juillet 2015 234-235 Salle d’exposition duMuCEM, Rudy Ricciotti, photographie consultée le 5 Aout 2016 URL : http://rudyricciotti.com/projet/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!/ rudyricciotti.com/wp 236-237 Clichés de l’auteur, MuCEM à Marseille, Rudy RIcciotti , photographie réalisée le 30 Juin 2016


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