Contrôler l’aide à la coopération

U4 PRACTICE insight 2011:6

Eirik G. Jansen

Contrôler l’aide à la coopération : enseignements tirés d’un programme sur les ressources naturelles en Tanzanie Cette publication s’intéresse à la décision de l’ambassade de Norvège en 2006 d’évaluer de manière indépendante l’aide au développement qu’elle a accordé pendant une longue période au Programme de gestion des ressources naturelles en Tanzanie. L’examen de plusieurs projets de ce programme a laissé entrevoir qu’en raison de la corruption et d’une mauvaise gestion des millions de dollars alloués par le gouvernement norvégien auraient été perdus.

U4 Practice insight Décembre 2011 No 6

Contrôler l’aide à la coopération : enseignements tirés d’un programme sur les ressources naturelles en Tanzanie

La question est de savoir comment les partenaires de développement ont-ils manquer de remarquer, des années durant, la corruption généralisée au sein de ce programme. Les explications sont à chercher du côté de l’inadéquation des études préalables notamment pour comprendre l’économie politique du secteur, mais aussi de stratégies et des plans tournés vers l’avenir avant tout conçus par les bailleurs, mais aussi d’une dépendance excessive aux systèmes de gestion financière du gouvernement, des rapports d’évaluations rédigées par les parties intéressées elles-mêmes, et enfin dans le problème de prédictibilité des ressources, fréquent dans le cadre de l’aide au développement.

Contexte

En Tanzanie, les ressources naturelles renouvelables jouent un rôle majeur aussi bien pour la population des zones rurales que pour l’économie dans son ensemble. Le pays compte une population totale de 40 millions, dont 75 % résident dans les zones rurales. La plupart ont accès aux ressources forestières, halieutiques et/ou fauniques (wildlife). Selon les estimations, 40 % des revenus des foyers ruraux en moyenne proviennent de l’une de ces trois ressources naturelles.

Les ressources sont aussi importantes à l’échelle nationale. Le bois est essentiel à l’activité économique et constitue une source précieuse de devises. En outre, la Tanzanie tire un volume substantiel de devises de l’exportation de la perche du Nil provenant du lac Victoria, des crustacés des zones côtières, alors que la vie sauvage génère des recettes par le biais du tourisme et des permis de chasse.

Cette publication est une traduction de Jansen, E G. Monitoring aid: Lessons from a natural resources programme in Tanzania.

U4 Practice Insight 2009:1, elle-même tirée de Jansen, E G. Does aid work ? Reflections on a natural resources programme in Tanzania.

U4 Issue 2009:2 traduit en français Jansen, E G. L’aide fonctionnet-elle ? Réflexions sur un programme de ressources naturelles en Tanzanie. U4 Issue 2011:18

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Si les populations locales ont traditionnellement fixé leurs propres règles en matière de gestion de ces diverses ressources naturelles, la situation a fortement évolué. depuis quelques décennies.

De nouveaux acteurs, souvent des hommes d’affaire étrangers, ont découvert la valeur des ressources naturelles de la Tanzanie, et la compétition pour les ressources a transformé les rapports de force qui prévalaient parmi les parties intéressées. « Le lac ne nous appartient plus » est un grief fréquemment exprimé par les dizaines de milliers de pêcheurs, hommes et femmes, qui travaillent autour du lac Victoria, dont le contrôle sur les ressources halieutiques est passé dans les mains d’investisseurs étrangers, des élites nationales et des représentants du gouvernement. Aujourd’hui, le ministère des Ressources naturelles et du tourisme de la Tanzanie (le Ministère) délivre des permis d’exploitation des ressources dans trois secteurs (la sylviculture, la pêche, et la

vie sauvage), et celui-ci est responsable de leur gestion durable.

Corruption dans le secteur Il a des indices montrant que les hautes responsables comme les fonctionnaires du Ministère des Ressources naturelles, mais aussi des hommes politiques, des représentants locaux et dans une grande mesure des investisseurs étrangers ont pillé les ressources naturelles de la Tanzanie. On peut citer l’exemple la construction d’ un des plus grands ponts d’Afrique sur le fleuve Rufiji au Sud de la Tanzanie en 2003 grâce aux subsides du Fonds koweïtien pour le développement économique des pays arabes, du Fonds de l’OPEP pour le développement international et du Fonds saoudien pour le développement qui assura l’accès à une forêt de près de 20,000 km2, qui n’avait guère été exploitée jusqu’alors. Une étude détaillée, réalisée suite à la construction du pont, a démontré une exploitation illégale massive de la forêt. Des grumes d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars étaient exportées illégalement vers la Chine et d’autres pays asiatiques. Les impôts et redevances reversés ne représentaient que 4% de la somme qui aurait pu être perçue pour une telle couverture forestière exploitée. L’étude a estimé que la Tanzanie perdait 52 millions de dollars par an de revenus potentiels en raison de l’abattage illégal de bois.

Dans les secteurs de la vie sauvage et de la pêche aussi, les politiciens et les ministres ont quant à eux résisté aux pressions exercées par les partenaires de développement pour augmenter le coût des permis de crainte qu’une hausse ne réduise les opportunités de recherche de rentes.

Avec le concours de ses partenaires de développement, le gouvernement tanzanien a défini des lois, des politiques et des stratégies sectorielles relatives aux ressources forestières, halieutiques et fauniques, conformes aux normes internationales. Pourtant certains représentants du gouvernement et quelques politiciens ont continué à saper les politiques qu’ils ont eux-mêmes défendus au Parlement.

Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont occupé de hautes fonctions au sein du ministère des Ressources naturelles et sont en mesure de forcer des collègues honnêtes à adopter des pratiques malhonnêtes. La mauvaise gestion et la corruption ne sont pas tant le résultat d’un manque d’idées que celui d’une volonté politique de donner suite aux instruments adoptés.

Soutien de la Norvège au Ministère Depuis les années 70, la majeure partie du soutien norvégien accordé au ministère des Ressources naturelles a été dépensé pour le développement des institutions nationales dans les secteurs de la sylviculture, la pêche et

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la vie sauvage. Entre 1994 et 2006, la Norvège a financé le Programme sur la gestion des ressources naturelles (PGRN) à hauteur de 60 millions USD (soit près de 5 millions USD par an). Pendant cette période, le programme se composait de 10 à 12 projets dans les trois secteurs mentionnés.

Une partie du financement a été consacré à de nouvelles infrastructures pour le ministère des Ressources naturelles et à la construction de nombreux bâtiments pour le Mweka Wildlife College à Moshi et le Parc marin de l’île de Mafia (PMIM). Les dépenses liées aux véhicules, aux bateaux, au carburant ainsi qu’au matériel et fournitures informatiques ont été couvertes par le biais du PGRN. La plupart des fonds alloués au PGRN a toutefois été dépensée pour le « renforcement des capacités » du personnel du Ministère, des fonctionnaires régionaux et de la population locale pour leur permettre d’acquérir plus de connaissances sur les modalités de gestion des différentes ressources naturelles. Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément le montant des fonds alloués à cet effet, il n’est pas déraisonnable de présumer que 50 à 70 % des 60 millions USD ont probablement servi à financer dans le cadre du renforcement des capacités des séminaires, et des ateliers, les indemnités journalières et frais de déplacement. Évaluations antérieures Les résultats du soutien norvégien ont été présentés de différentes manières. L’ambassade de Norvège a rencontré chaque année le Ministère des Ressources naturelles de manière à discuter et à adopter le rapport annuel, le rapport d’audit et le plan annuel stratégique du PGRN.. Avant chaque réunion annuelle, des projets faisaient l’objet de visites de terrain de trois à six jours en général, au cours desquelles les participants se voyaient remettre un rapport. Trois bilans à mi-parcours sur le PGRN, un par étape, ont également été réalisés.

Le plus souvent ces bilans étaient rédigés par d’anciens directeurs ou retraités du Ministère des Ressources naturelles, tanzaniens ou norvégiens qui avaient précédemment conseillé le ministère.

Les principales conclusions issues des réunions annuelles, des visites de terrain et des bilans à mi-parcours du PGRN étaient positives. Des comités de village avaient été créés pour gérer les ressources naturelles dans les zones rurales et des patrouilles de village étaient chargées d’empêcher l’exploitation non durable et illégale des ressources. Ceci a permis, entre autres, de mettre un terme à la pêche à la dynamite dans le PMIM, protéger certaines zones forestières, planter des arbres et de réduire la chasse illégale. Parmi les onze projets, le projet HASHI

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s’est vu attribuer le prix Équateur des Nations Unis pour le reboisement de la région de Shinyanga, soit 350,000 hectares de forêt. De nombreux rapports produits par le ministère et bilans à mi-parcours indiquaient qu’un nombre important d’objectifs du PGRN avait été atteint.

Le commissaire aux comptes (le contrôleur) a procédé à la vérification des comptes annuels et émis des commentaires. Les points relevés étaient généralement d’ordre mineur. L’audit de la construction des édifices destinés au PGRN a révélé des problèmes de gestion. Le chef de projet responsable a été affecté à un autre poste au sein du ministère. Le contrôleur a régulièrement émis des commentaires sur les justificatifs relatifs à l’utilisation des véhicules et du carburant au sein du PGRN.

L’ambassade de Norvège a reçu le rapport du commissaire aux comptes un mois avant la réunion annuelle. Ce rapport d’audit était extrêmement technique et le personnel de l’ambassade a éprouvé des difficultés à le comprendre. L’ambassade a alors demandé l’avis du bureau de PricewaterhouseCoopers (PwC) à Dar es Salaam sur le rapport puis transmis ses commentaires sur la base de ceux de PwC. Le PGRN a constitué une liste de points à suivre sur la base des différents commentaires, puis présenté les modalités de suivi des différentes questions soulevées.

Pour l’essentiel tout semblait en ordre aussi bien les résultats du PGRN que la gestion financière du programme. Le PGRN était, de l’avis général, le plus beau fleuron du soutien norvégien en faveur de l’environnement et des ressources naturelles dans les pays en développement.

Description de l’intervention : évaluation indépendante d’un Programme sur la gestion des ressources naturelles

L’image positive dont bénéficiait le PGRN a commencé à se détériorer en 2006, au lendemain de la première évaluation indépendante du programme. Celle-ci a identifié quelques résultats positifs dans les diverses composantes du projet, mais a toutefois signalé qu’il était difficile de mesurer l’étendue de ces résultats. Cela tenait notamment au fait qu’il n’existait pas d’informations de référence sur la situation de départ au lancement du projet.

L’évaluation a constaté que le PGRN n’était guère préoccupé par les questions de gouvernance, de participation réelle de la population locale au projet, de distribution des dividendes par ses soins, ainsi que des problèmes de corruption et

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de mauvaise gestion. L’évaluation a observé, en outre, que la présentation des résultats par le PGRN était trop simpliste et mécanique.

Le constat le plus important de l’évaluation touchait à la gestion financière du PGRN. Les comptes présentaient de sérieuses lacunes en termes de clarté et de transparence. Une grande partie de l’aide financière semblait avoir été consacrée à des fins administratives. L’évaluation a notamment formulé des critiques envers l’un des onze projets, le PMIM, en pointant de potentielles irrégularités de gestion financière.

Sur la base de cette évaluation, le ministère des Ressources naturelles et l’ambassade de Norvège ont décidé conjointement d’évaluer à nouveau ce projet spécifique. Les objectifs du projet consistaient à protéger la richesse du milieu marin autour de l’île de Mafia et promouvoir la participation des populations dans l’exploitation durable des ressources existantes.

Le ministère des Ressources naturelles et l’ambassade de Norvège ont nommé une équipe afin de réévaluer le PMIM. Parmi les membres de l’équipe figurait un auditeur danois ayant une grande expérience de la Tanzanie, et associé à un cabinet d’audit local. Concernant la gestion financière du PMIM, les conclusions de la réévaluation ont été consternantes : les biens d’équipements pour le projet étaient excessivement chers, des paiements avaient été versés à des consultants, sans qu’aucun contrat n’ait été signé, ni aucun rapport n’ait été livré, les règles de passation de marchés publics n’avaient pas non plus été respectées et enfin le personnel du PMIM semblait profiter de voyages d’affaires longs et coûteux. Les comptes du PMIM manquaient de clarté et les mécanismes de contrôle internes et externes n’étaient pas efficaces. L’ambassade de Norvège fut si effarée par ce rapport qu’il fut décidé de réaliser des rapports d’audit pour d’autres projets rattachés au PGRN. Au total, cinq projets sur onze ont été audités par le cabinet d’audit danois. De surcroît, l’appui du PGRN au Projet de renforcement des capacités institutionnelles, situé au siège du Ministère, a été audité.

Quelques conclusions:

• Des rapports faisaient régulièrement état de séminaires et d’ateliers qui duraient plus longtemps sur le papier que dans les faits, par exemple, les coûts facturés correspondaient à des séminaires de six jours alors que ces derniers n’avaient duré que deux jours.

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• Une taxe à valeur ajoutée (TVA) de 20% était versée pour les biens et services. Or, selon l’accord passé entre les gouvernements de

Tanzanie et de Norvège, la TVA devait être remboursée au PGRN. Cela n’a pas été le cas.

• Le prix des véhicules achetés était trop élevé. À titre d’exemple, une voiture était facturée à 57 millions TSH, alors que le prix réel du marché était de 35 millions TSH.

• Les mécanismes de contrôle du système de gestion financière internes et externes n’avaient pas bien fonctionné. Ni le mécanisme de contrôle interne, ni la cellule d’audit du ministère n’avaient identifié les faiblesses du système de gestion financière du PGRN comme. les les mécanismes externes (le commissaire au compte, l’ambassade de Norvège ou encore PWC). Le plus grave était que le commissaire aux comptes avait reçu l’ensemble des rapports et des comptes du ministère et les avait avalisés, en n’apportant que de légères modifications.

Selon les deux rapports rédigés par l’auditeur indépendant, plus de 30% des dépenses n’étaient pas accompagnées de pièces justificatives. Celuici estime, en outre, que près de la moitié des fonds alloués au programme sur une période de douze ans, soit 30 millions USD, aurait été perdus pour des raisons de corruption et de mauvaise gestion. Bien que cette somme reflète davantage le pire scénario envisageable que la réalité, il ne fait aucun doute qu’une énorme quantité d’argent a été détournée de l’usage auquel elle était destinée.

Expliquer les résultats de l’évaluation Comment ces problèmes ont-ils pu passer presque inaperçus pendant si longtemps ?

La réponse tient, en partie, à l’idéologie et la pratique de l’aide en général. L’engagement de la Norvège auprès du ministère des Ressources naturelles reflète les principes de « responsabilité du bénéficiaire », ce qui signifie, entre autres, l’utilisation du propre système d’audit du gouvernement. Par ailleurs, la Norvège, à l’image de nombreux donateurs, entretient depuis quelques années une relation plus distante avec les programmes qu’elle finance. Il s’agit notamment de prendre du recul par rapport à la mise en œuvre effective du projet et d’endosser le rôle d’interlocuteur privilégié avec les autorités. La plupart des administrateurs de programme portent ainsi leur attention sur la planification, la coordination et l’harmonisation des politiques (un travail tourné vers l’avenir) au lieu d’assurer le suivi des activités sur le terrain. L’examen rigoureux des budgets ne revêt pas un caractère prioritaire, et les acteurs du projet ne consacrent pas suffisamment de temps à aller sur le terrain en vue d’appréhender la dynamique de pouvoir au sein des communautés.

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Impact de l’évaluation Le principal impact du processus d’évaluation était de s’assurer que les points faibles identifiés seraient pris en compte dans le cadre d’une aide future en faveur du secteur de la gestion des ressources naturelles en Tanzanie.

Au début de 2007, la Norvège a informé la Tanzanie qu’elle était prête à allouer 50 millions NOK par an pendant cinq ans en faveur d’un nouveau programme de gestion de l’environnement et des ressources naturelles. En août 2007, la Norvège a reçu une demande des autorités tanzaniennes relative à un nouveau programme quinquennal, avec un devis plafonné à 250 millions NOK. L’évaluation de 2006 et les rapports d’audit du cabinet danois ont donné des orientations précises pour ce nouveau programme.

Dans le cadre du nouveau programme, des propositions spécifiques visent à éviter les problèmes rencontrés par le passé : • Le système de gestion financière sera consolidé. Des comptables étrangers et indépendants formeront le personnel du ministère des Ressources naturelles et contrôleront soigneusement les comptes du nouveau programme. Les flux de trésorerie seront suivis de près.

• Aucun accord relatif à un nouveau programme ne sera signé tant qu’un système de gestion financière satisfaisant ne sera pas mis en place.

• Dans le cadre du nouveau programme, un dialogue actif sera engagé avec le Ministère des Ressources naturelles au sujet des problèmes liés au PGRN et des enseignements tirés.

• Les enseignements tirés de l’évaluation et des rapports d’audit du PGRN seront partagés avec les autres partenaires de développement.

• Un des objectifs principaux de ce nouveau programme sera d’aider la Tanzanie à recouvrir plus d’impôts et de redevances par le biais de ses ressources naturelles. Le nouveau programme sera doté d’experts capables de coopérer avec le ministère des Finances et l’administration fiscale tanzanienne en vue d’augmenter les recettes fiscales. Un des objectifs déclarés consiste à aider la Tanzanie à financer la gestion de ses ressources naturelles grâce aux impôts qu’elle collecte.

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• Il conviendra de créer des indicateurs relatifs aux recettes issues des ressources naturelles et reversées au Trésor public. Ces indicateurs seront intégrés au cadre d’évaluation des performances des autorités.

• L’accent sera davantage mis sur les diverses dimensions de la bonne gouvernance, telles que la corruption et la réelle implication du public.

Enseignements tirés

Les visions sectorielles cloisonnées sont dangereuses : les autorités norvégiennes et tanzaniennes ont toutes deux traité le PGRN comme s’il existait en vase clos. Le programme n’a jamais été évalué en regard des modalités de gestion des ressources naturelles du pays par le gouvernement tanzanien, ou plus généralement, de la gestion des fonds publics. La plupart des personnes impliquées dans le programme étaient des experts davantage axés sur la technique que sur la gouvernance. Très peu d’analyses ont porté sur les acteurs et réseaux alors que celles-ci auraient pu permettre d’apporter un éclairage sur les modalités de gestion des finances.

Les programmes de renforcement des capacités constituent des cibles vulnérables à la corruption : les domaines les plus susceptibles de faire l’objet d’abus sont la passation de marché, comme on pouvait s’y attendre, ainsi que les composantes de formation. Un séminaire de trois jours pouvait proposer une indemnité journalière de 60,000 TSH à des pêcheurs et des agriculteurs désargentés, qui normalement gagnent un salaire moyen de 1000 à 3000 TSH par jour. À maintes reprises, les administrateurs des séminaires ont, eux-mêmes, encaissé une grande partie des indemnités journalières destinées aux participants. Il est arrivé que des personnes assistent uniquement à la séance d’ouverture d’un atelier dans le seul but de collecter leur indemnité journalière. Dans d’autres cas, les organisateurs d’ateliers ont surfacturé le nombre de participants ou le nombre de jours.

Une présence minimale comporte un maximum de risques : les donateurs, accordant une plus grande responsabilité aux autorités nationales en matière d’aide, s’impliquent beaucoup moins dans la supervision de la mise en œuvre effective des projets et programmes. En Tanzanie, comme ailleurs, le personnel des ambassades consacre le plus clair de son temps à la planification de macro-politiques au lieu de vérifier les comptes et les activités sur le terrain. Or, ces macro-

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Toutes les opinions exprimées dans cette publication n’engagent que son ou ses auteur(s) et ne reflètent ni l’opinion des agences partenaires de U4 ni celle de CMI/UA (© 2011- CMI/U4).

Foto: Wajahat Mahmood on flickr.com

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programmes sectoriels n’intègrent que rarement le suivi des recettes et des dépenses. À cause de la pression pour utiliser les fonds alloués, les signaux d’alarmes sont plus facilement ignorés : le besoin de négocier de grands accords démotive rapidement le personnel de l’ambassade à identifier ou traiter les irrégularités au sein du PGRN. En outre, le montant de l’aide octroyé pour la gestion des ressources naturelles variait selon les priorités politiques fixées non pas par le gouvernement tanzanien mais par le gouvernement norvégien. Cela a d’autant plus affaibli le lien entre performance et apport financier et a signalé une acceptation de l’immobilisme.

Les audits fondés sur des rapports d’auto-évaluation ne permettent pas d’identifier les dysfonctionnements en matière de gestion financière : les audits internes ou externes réalisés par les propres contrôleurs du ministère des Ressources naturelles, l’organisme national chargé des comptes publics, PriceWaterhouseCoopers ou l’ambassade de Norvège n’ont pas permis de détecter les problèmes majeurs qui ont sévi pendant plus de dix ans de soutien du programme. Il a fallu que des experts indépendants évaluent les activités en cours pour déceler les détournements de fonds qui compromettaient sérieusement l’impact du PGRN.

Conseils de lecture Andresen, A F and Bhattbhatt, K K (2007a) Management of Natural Resources Programme, Tanzania Financial Review of 5 Projects under MNRP. Rapport préparé à l’intention du ministère des Ressources naturelles et du tourisme et de l’Ambassade Royale de Norvège, Dar es Salaam.

Andresen, A F and Bhattbhatt, K K (2007b) Reevaluation of Mafia Island Marine Park Rapport préparé à l’intention du ministère des Ressources naturelles et du tourisme et de l’Ambassade Royale de Norvège, Dar es Salaam.

Cooksey, B (team leader) (2007) “Management of Natural Resources Programme, Tanzania TAN 0092 Final Evaluation” Norad Collected Reviews 1/2007.

Notes 1. Note du traducteur : la terminologie en norvégien est « riksrevisjonen » traduit généralement en anglais par « Controller and Auditor General » 2. Milledge, S A H et al (2007) Forestry, Governance and National Development: Lessons Learned from a Logging Boom in Southern Tanzania, Dar es Salam: TRAFFIC East/Southern Africa.

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