Conseil de Développement de la Loire-Atlantique
D
ossier Eau
Conseil de Développement de la Loire-Atlantique
Les Dossiers
Mars 2009
LA PROTECTION DE L’EAU au fil du temps
2 Conseil de DĂŠveloppement de la Loire-Atlantique - Dossier Eau
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OMMAIRE
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L’eau, un bien commun et vital
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Avant-propos
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L’eau au fil de l’histoire de sa réglementation
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De l’Antiquité au Moyen Âge De la Renaissance à la Révolution Du Consulat à la IVe République
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Le droit moderne de l’eau
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La naissance d’une vision globale La directive Cadre sur l’eau (DCE) de 2000 La loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques
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Préserver l’eau, préserver notre avenir
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Sources bibliographiques
Dossier Eau - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 3
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’EAU, UN BIEN commun et vital
« Il existe des discours sur le développement durable, généreux, construits, ambitieux et susceptibles de donner des espérances. Mais il existe aussi des pratiques qui révèlent, à travers tous les rapports des institutions internationales établissant des bilans sur la condition humaine et de l’environnement, une situation alarmante qui conduit à chiffrer en milliards les êtres humains en situation d’extrême pauvreté, des écosystèmes pollués, des ressources dégradées, parfois de manière irréversible. Les eaux et les écosystèmes aquatiques n’y échappent pas. » Bernard DROBENKO / Pour une démarche interdisciplinaire - Colloque international de Cogolin - juin 2003 - Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Limoges Centre de Recherche Interdisciplinaire en droit de l’environnement, de l’aménagement et de l’urbanisme (CRIDEAU - UMR 6062 CNRS/Associé INRA)
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lément le plus naturel de la vie et indispensable à la vie, l’eau est un bien vital commun au point que dans nos gestes quotidiens comme, ouvrir le robinet, se laver, nous oublions l’importance qu’elle a dans l’histoire de l’homme, et l’inégalité de sa répartition entre les sociétés d’aujourd’hui. En effet l’histoire de l’eau et de l’homme sont intimement liées et
l’avenir de l’homme dépend étroitement de la préservation de l’eau. Comme l’épuisement des énergies fossiles et notamment du pétrole, le manque de ressource en eau peut désorganiser notre société, et la raréfaction de cette ressource vitale est un risque majeur pour le futur de la Terre. Comme nous devrions en conserver la mémoire chaque jour, la planète
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où nous vivons est la seule que nous connaissions actuellement qui possède de l’eau. A l'échelle mondiale, la gestion de l'eau est largement caractérisée par le gaspillage, la pollution et la répartition inéquitable quant à l'accès à l'eau potable. Cette situation met en danger la santé de l'homme tout autant que la pérennité de la ressource.
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VANT-PROPOS
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n Europe, malgré les efforts de dépollution engagés, on peut constater une lente dégradation de la qualité de l'eau ainsi qu'une réduction de la biodiversité dans les milieux aquatiques. En France, les dégradations portées à cette ressource au cours des temps, ainsi que les prélèvements massifs d'eau ont entraîné un affaiblissement biologique de ces milieux aquatiques aboutissant à une perte de qualité de l'eau. La pollution par les nitrates, les produits phytosanitaires et divers produits chimiques aggravent encore cette situation et presque tous les cours d’eau sont pollués. Il en va malheureusement de même pour les nappes d’eaux souterraines.
En conséquence pour rendre l’eau potable, il faut toujours plus de traitements, et parfois même, les eaux brutes sont tellement dégradées que des captages doivent être abandonnés. La perte de qualité de l’eau et la dégradation du milieu aquatique affectent aussi les usages traditionnels tels que la pêche, la baignade et l’alimentation directe du bétail. D’autre part, les espaces littoraux, les mers et les océans, pourtant éléments fondamentaux du patrimoine naturel, se banalisent et deviennent le déversoir de nos rejets et le dépotoir de notre inconscience collective. Aujourd’hui, l’Europe, au travers de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE), incite les pays européens à faire un
effort pour qu’en 2015, les rivières retrouvent la vie et pour que l’eau soit facilement potabilisable. C’est dans une perspective de compréhension du processus du passage d’une réglementation des usages vers une protection de la ressource que s’inscrit ce dossier du Conseil de Développement de la Loire-Atlantique. La première partie porte sur l’évolution des rapports de l’homme avec l’eau à travers les règles sur l’eau qu’il édicte au cours de son histoire. La deuxième partie aborde à travers les lois récentes sur la réglementation de l’eau et la DCE, la prise de conscience du politique dans sa responsabilité à l’égard de la protection de l’eau.
Dossier Eau - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 5
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’EAU AU FIL DE L’HISTOIRE DE
1. De l’Antiquité au Moyen Âge (de -900 à 1500) • Le premier cadre juridique de l’eau
L’eau est au coeur de tous les mythes et de toutes les religions. Dans la mythologie grecque Poséidon, dieu de la mer, est l’une des divinités les plus importantes. Source : www.cite-sciences.fr Image : ©theoi.com
• L’eau, un bien mythologique
Depuis toujours, l’eau fascine les hommes par le caractère mystérieux de son cycle naturel. L’eau est présente dans presque toutes les mythologies et religions, anciennes ou actuelles. Chez les Celtes et les Gaulois, l’eau était sacrée et possédait des pouvoirs de guérison. Dans toutes les mythologies, une grande place est réservée aux divinités proches de l’eau. L’eau, via les fleuves et le développement de la navigation permet les premiers contacts et les échanges de marchandises entre les civilisations (avec les phéniciens notamment entre - 3000 et - 2000 avant Jésus
Christ). Chez les Egyptiens, le Nil était particulièrement vénéré car il était considéré comme un cadeau des dieux. En Inde, le Gange, fleuve immense qui descend de l’Himalaya, est très présent dans la religion hindoue et toujours considéré comme fleuve sacré. Avant Jésus Christ, Platon (428 à 348 av JC) et Aristote (384 à 322 av JC) se sont interrogés sur la capacité des seules précipitations à entretenir le cours permanent des fleuves.Ils présumaient que c’était l’eau de mer qui, en pénétrant dans le sol et en remontant à sa surface, entraînait la formation d’eau douce.
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Il faut attendre la période de la civilisation romaine (- 450 à 476 après Jésus Christ), pour que les premières bases d’une organisation juridique et administrative de l’eau se dessinent. S’inspirant du droit grec et égyptien, le droit romain pose un cadre juridique qui s’applique à l’ensemble des citoyens de l’empire. Sans remettre en cause le droit de propriété, le code romain définit l’eau comme un bien majeur. Elle passe rapidement d’un bien commun (res communis) qui ne peut être la propriété exclusive de personne, à un bien public (res publica) qu’il faut préserver hors du commerce. Seuls les grands fleuves (notamment ceux pouvant servir à la navigation) sont classés choses publiques, les petites rivières et les autres petits cours d’eau restant la propriété des riverains. Cette distinction se retrouve depuis dans tout le droit français qui a suivi.
• Les premiers essais de gestion de l’eau En construisant des aqueducs pouvant amener de l'eau journellement pour les bains et le lavage, les romains deviennent les premiers « gestionnaires » de l’eau. Les romains aménagent et gèrent l’eau de la source à la maison et le pont du Gard est l’exemple d’infras-
SA RÉGLEMENTATION
tructure réalisée par les romains. Ce dernier faisait partie d'un aqueduc de près de 50 km de longueur, qui transportait de l'eau au printemps d'Uzès à Nîmes. L'aqueduc de Nîmes a sans doute été construit au Ier siècle de notre ère. L'eau courante mettait une journée entière pour parvenir par gravité de son point de captage situé à la Fontaine de l'Eure, proche d'Uzès, jusqu'à l'ouvrage de répartition situé à Nîmes. Puis débute la chute de l’empire romain. Le dernier empereur romain, Romulus Agustule, est renversé par Odoacre (435-493), chef barbare de Pannonie (actuellement Hongrie / Croatie).
• Les prémices de la pollution de l’eau
Grâce à la construction d’aqueducs, les romains sont les premiers « gestionnaires » de l’eau. Le pont du Gard, qui assurait la continuité de l’aqueduc romain d’Uzès à Nîmes, en est une illustration caractéristique. Photo : ©Fotolia.com
Les hordes barbares venues de l’est et du nord ravagent alors le pays et de nombreux états barbares s’établissent sur les ruines de l’empire romain d’occident, dont parmi eux les Francs (dynastie Mérovingienne avec Clovis, puis Carolingienne avec Charlemagne). C’est la fin de l’Antiquité. Pendant mille ans le Moyen Âge façonnera l’Europe et c’est la monarchie qui va régner. Durant l’âge féodal, le droit et la justice des seigneurs s’imposent sur les hommes et sur les rivières. Les seigneurs contrôlent tous les usages des rivières (puisage, navigation, flot-
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Dès le XIVe siècle, l’urbanisation se développe. Des fontains publiques sont mises à disposition du peuple, sous la surveillance des seigneurs. Photo : ©Fotolia.com
tage du bois, installation de moulins...) Le peuple se contentera, pendant de nombreux siècles, des sources et des puits. Les villes, qui remplacent les grands domaines ruraux deviennent les lieux du pouvoir et des centres de production. Les capitales se développent et la civilisation urbaine connaît un essor remarquable. A partir des XIe et XIIe siècles, plusieurs formes de dégradation de la qualité de l’eau se développent (microbienne, humaine et animale). Les rues deviennent malodorantes, des eaux croupissent dans les fossés et les caniveaux, et les cours d’eau deviennent des dépotoirs. L’eau « domestique » est prélevée et rejetée sans tenir compte du voisin, de l’amont ou de l’aval. On n’a pas encore compris que l’eau est vecteur de transmission de maladies et la mortalité infantile est considérable du fait des germes présents dans une eau non stérilisée. En 1291, Philippe le Bel, alors roi de France,
crée pour assurer la surveillance des cours d’eaux, la Maîtrise des eaux et forêts, qui à travers des juridictions, veille à contrôler les abus (pêche, navigation…) qui se commettent, entre autres sur les rivières.
• Une urbanisation qui se développe
Des ordonnances royales ou princières et des règlements des « édiles » municipaux commencent à réglementer les activités. Les artisans sont déplacés, des règles d’hygiène sont imposées, l’élevage est prohibé à l’intérieur des enceintes des villes. L’urbanisation se développe. Des puits privatifs sont installés pour les plus riches et des fontaines publiques sont mises à disposition du peuple sous la surveillance des seigneurs ou de leurs lieutenants. Du XIVe au XVe siècle, dans certaines villes, quelques précautions à l’égard de l’eau sont prises, mais la succes-
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sion de périodes de crise en France aggrave la situation « écologique de l’eau » (famine, Guerre de cent ans, peste noire). Les problèmes d’assainissement sont très liés au développement des maladies. Dans les eaux croupissantes vivent d’abondantes populations de rats, hôtes de la puce du rat qui est elle même le vecteur de la peste. À partir de la Renaissance, Léonard de Vinci (1452-1519) compare la circulation de l’eau à la circulation sanguine du corps humain. Il est sans doute le premier à remettre en cause la théorie du cycle de l’eau d’Aristote. Par ailleurs, les premières activités industrielles accentuent la pollution (blanchiement des toiles, rouissage du chanvre, pourrissoirs des papetiers, utilisation de la fiente d’animaux pour la souplesse des cuirs…).
Schéma d’un pourrissoir de papetiers (XVe siècle)
1 Partie amovible permettant de vider le bacha de son eau après le trempage de la chiffe 2 Le bacha (bac de trempage) 3 Le tuyau muni d’un robinet par lequel le bacha se remplit d’eau 4 Endroit où fermente la chiffe mouillée
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Le pourrissoir est la plupart du temps une salle située en sous-sol, divisée en deux parties par un muret. La plus petite partie est appelée le bacha, dans laquelle la chiffe est mise à tremper (2). Le reste de la pièce servait à stocker la chiffe mouillée pour qu'elle fermente pendant deux ou trois mois (4). L’eau, arrivée en grande quantité pour favoriser la fermentation des tissus (3), est ensuite rejetée dans les rivières et cours d’eau avoisinants sans aucune précaution (1). Schéma extrait d’une planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (Archives départementales de Maine-et-Loire).
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2. De la Renaissance à la Révolution (1500-1799)
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urant le moyen âge, le Roi disposait, comme les autres seigneurs, d’un « domaine royal » composé essentiellement de biens fonciers. Le domaine royal était administré par des prévôts et des baillis, puis à partir du XVIe siècle par des fermiers généraux. Les produits du domaine constituaient l’essentiel des ressources du royaume. Pendant la période monarchique, le droit romain est partiellement abandonné au bénéfice du royaume et au profit des seigneurs locaux. Le droit coutumier, les règlements et usages locaux issus du système féodal sont cependant toujours utilisés. Mais, les rois se comportaient parfois en véritables propriétaires du domaine royal et pouvaient en céder des parties au gré de leurs intérêts privés. • L’aliénation du domaine royal Aussi, une doctrine juridique commence à se faire jour pour s’opposer à ces abus et l’Edit de Moulins, pris par le roi de France Charles IX en 1566 s’impose à tous les rois de France en aliénant le domaine royal. A la même époque (1554) parait « l’Edit portant règlement général pour les eaux et forêts ». Toutefois, la question de la réglementation de l’eau est toujours partagée entre
sa propriété et son usage, et les différents textes et ordonnances ne réussissent pas à résoudre l’ensemble des conflits. En particulier, ces textes ne résolvent pas les difficultés issues des usages des autres cours d’eau « non aliénés ». Un siècle plus tard, l’Ordonnance de 1669 sur les eaux et forêts prise par Jean-Baptiste Colbert, « secrétaire d’état à la maison du roi », aliène à son tour les fleuves et les rivières au domaine royal. Il « consacre définitivement » la domanialité des rivières navigables : « Déclarons la propriété de tous les fleuves et rivières portant bateaux, de leurs fonds, articles et ouvrages de mains dans notre royaume et terre de notre obéissance, faire partie du domaine de la couronne, sauf les droits de pêche, moulins, bacs et autres usages que les particuliers peuvent avoir par titre et possession valables auxquels ils sont maintenus ». • Les premiers sites industriels Le XVIIe siècle est celui durant lequel se structure le « système industriel », via le Colbertisme, qui organise les premières manufactures royales (Beauvais en 1664, Les Gobelins en 1667). Dans le même temps, l’Abbé Edmé Mariotte, (1620 - 1684) physicien et botaniste français, dans son « traité du mouvement des eaux et des
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autres corps fluides » démontre que la pluie ne se contente pas de ruisseler en surface, mais qu’elle s’infiltre dans les couches poreuses du sol pour constituer les nappes souterraines. A la suite de ce constat, un nouvel édit, venant compléter celui de 1554, introduit la réglementation des sources et des fontaines en 1694. • La connaissance du cycle de l’eau Le siècle des lumières (1715 à 1799) est un moment essentiel dans l’histoire de l’eau. Il est porteur des fondements philosophiques et scientifiques de la nature et de ses rapports avec l’homme. Vers 1750, le Naturaliste français Georges Buffon (1707 - 1788) dans « l’histoire de la théorie de la terre » met en évidence que «le cycle de l’eau ne peut être qu’atmosphérique». Il apparaît alors que c’est bien la même eau qui circule partout recyclée sans cesse depuis plus de 3 milliards d’années. • Le premier «service public» de distribution de l’eau Durant cette période, l’eau commence à manquer dans les villes. Les eaux usées ne sont pas ou mal collectées et les épidémies dues aux eaux contaminées sont fréquentes.
Le cycle de l’eau est découvert dès 1750. Des mesures hydrologiques incontestables viendront au début du XXe siècle, confirmer les interconnexions qui existent entre eau douce, eau salée, nuage et pluie, évaporation et condensation.
La découverte du cycle de l’eau dès 1750
Dessin : ©Fotolia.com
En 1774, un arrêt est pris pour empêcher la fraude dans le commerce des eaux minérales, suivi d’un autre concernant le débit et la distribution des eaux minérales hors de la source. En 1777, les frères Perrier créent la Compagnie des Eaux de Paris (1777-1788). En 1781, ils installent des pompes à vapeur pour élever l’eau de la Seine vers des réservoirs qui alimentent des fontaines de distribution et aménagent un réseau de distribution pour les particuliers. C’est le premier « service public » de distri-
bution d’eau moderne. • L’eau : de la souveraineté monarchique à la souveraineté nationale La Révolution Française conforte le principe de l’inaliénabilité du domaine public posé par l’Édit de Moulins en le reprenant et en le développant, dans une loi de 1790, qui fait entrer sous la souveraineté nationale tout ce qui était de la souveraineté monarchique : « Les fleuves et rivières navigables sont considérés comme dépendants du domaine public ». La peur de la contagion, la volonté
de préserver la qualité de vie dans les villes et l’intérêt économique seront à l’origine d’une prise de conscience. Les communes sont alors chargées du maintien de la salubrité publique et, à ce titre, de la gestion de l’eau.
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Louis Pasteur dans son laboratoire de l'École Normale Supérieure (rue d'Ulm). Gravure d’Adrien Marie publié dans l'l'Univers Illustré le 12 Décembre 1885. Image : ©Institut Pasteur
«Nous buvons 90 % de nos maladies». Louis Pasteur Photo : ©Fotolia.com
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3. Du Consulat à la IVe République (1800-1958)
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u XIXe siècle, les progrès de la géologie, et particulièrement l’étude des eaux souterraines et de la météorologie donnent naissance à l’hydrologie moderne. Initiée en 1780 par Necker, la réglementation domaniale aboutira sous le Consulat à la création en 1801 d’une administration générale des domaines. • Le Code Civil En 1804, Napoléon Bonaparte instaure le Code civil des Français (la loi du 30 ventôse an XII qui instaure le Code civil est promulguée le 21 mars 1804). Le Code Civil réunit une « collection » de textes juridiques qui s’applique sur tout le territoire et pour tous les Français. Concernant l’eau, le code civil précise que l’eau n’est pas susceptible d’un droit de propriété, mais seulement d’un droit d’usage. Cependant, le sort des petites rivières n’est pas réglé et la propriété des riverains s’oppose toujours à la domanialité de l’eau. S’appuyant sur des arguments du droit romain, des coutumes et la législation révolutionnaire, les différents acteurs ont des difficultés à concevoir l’eau comme un bien commun. Durant cette période (XIXe siècle), les villes commencent à recevoir des adductions d’eau provenant des fleuves ou des nappes souterraines.
• La révolution industrielle et l’exploitation Paris qui comptait 146 fontaines en 1830 en compte 2000 en 1848. La qualité des eaux de surface se dégradant, l’exploitation plus intensive des nappes souterraines très profondes est rendue possible grâce à la technique du puits artésien. En 1841, le premier puits artésien est mis en fonction à Paris, produisant dans un premier temps un million de litres par jour. Commencée tardivement en France, la révolution industrielle fait passer progressivement le peuple français d’une société à dominance agraire à une société industrielle et urbanisée. Avec la concentration humaine et le développement industriel commence à apparaître le mouvement des hygiénistes qui impulsera la création d’infrastructures modernes de distribution de l’eau. En 1848, des conseils de santé, chargés de l’hygiène et de la santé publique sont créés dans les départements. En 1854, est créée la Compagnie Générale des Eaux (CGE). C’est le premier opérateur privé qui s’implante, avec un siècle d’avance sur les autres pays européens, en tant qu’opérateur privé « gestionnaire de l’eau ». En 1880, c’est un deuxième opérateur privé « gestionnaire de l’eau », la Lyonnaise des Eaux qui se positionne sur ce nouveau marché de l’eau. De la révolution à la fin du XIXe
siècle, plusieurs lois, décrets et ordonnances vont venir conforter la réglementation et le pouvoir de police concernant essentiellement les usages des cours d’eaux et plus largement des milieux aquatiques (irrigation, pêche, drainage, eaux minérales, aménagement, roulage, « mise en valeur des marais », captage de l’eau). • La découverte de Louis Pasteur La confirmation par Louis Pasteur (1822-1895) du rôle des germes (bactéries et microbes) dans les maladies humaines, notamment celles transmises par l’eau, constitue une véritable révolution biologique qui renforce la doctrine et les pratiques conseillées par les hygiénistes. C’est aussi au cours du XIXe siècle, à partir des travaux de Lavoisier réalisés en 1778 (découverte de l’oxygène), que la composition chimique de l’eau est déterminée par la formule H2O. Cependant, la législation en vigueur qui s’intéresse principalement aux problèmes d’hydraulique agricole, ne répond plus à ceux posés par la révolution industrielle en matière du droit de l’eau. • Le Code rural Le Code Rural publié en 1888 vient compléter le Code Civil de 1804 en précisant les droits et les devoirs dans la gestion et l’usage de l’eau, qu’ils soient publics ou privés.
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En 1883, un projet de droit de l’eau ayant fait l’objet d’une large concertation et d’une comparaison avec des législations étrangères, est présenté au sénat. Mais le texte remet en cause trop de droits acquis et n’aboutit pas. Son principe était simple : « maintenir le droit de la propriété, tout en le limitant pour préserver les usages ». Quinze ans plus tard, le 8 avril 1898, cette loi est finalement votée. Elle vient renforcer le droit dans la détermination de la propriété et des usages de l’eau sur les plans public et privé. Mais de la fin du XIXe et jusqu’au milieu du XXe siècle, c’est encore essentiellement le droit issu du code rural qui réglemente les usages et la gestion de l’eau. Les diverses mutations du XIXe siècle conduisent à une séparation des usages spécifiques de l’eau (usages agricole, industriel et hygiénique). Après la connaissance du cycle naturel de l’eau, la séparation des fonctions techniques de l’eau (prélèvement, distribution, rejets) se met en place. Au début du XXe siècle, l’industrie a besoin d’énergie. L’énergie hydraulique devient une réalité et une loi la concernant, votée en 1919, tente d’unifier le droit de l’eau en assimilant les cours d’eau domaniaux et non domaniaux aux fins de faciliter la production énergétique. Dans le même temps, les usages de l’eau se multiplient et on commence à prendre conscience des limites de la ressource. La protection de l’eau et de ses usagers devient une priorité nationale et une grande loi sur l’hy-
giène est adoptée le 15 février 1902. • La loi fondatrice de la santé publique en France Il devient alors évident que l’on doit boire une eau potable, c’est-àdire débarrassée de pollution microbienne, et se laver avec une eau saine. La loi de 1902 reconnaît la pertinence de l’échelon municipal en matière de salubrité et donne aux pratiques un cadre juridique. A partir de 1902, toutes les communes de plus de 20 000 habitants doivent avoir un Bureau d’Hygiène. Au début du XXe siècle, l’état décide de prélever une partie des recettes du pari mutuel (futur PMU) pour les allouer au financement des équipements hydrauliques (développement de l’adduction et de l’évacuation des eaux) dans les communes disposant de faibles ressources. • La consommation massive de l’eau et l’accélération de l’eutrophisation Les concentrations urbaines et industrielles, l’intensification des pratiques agricoles et les nouvelles infrastructures vont d’une manière générale, rapidement dégrader la qualité des milieux naturels et en particulier, celle des eaux superficielles, souterraines et côtières. On entre dans l’ère de la consommation massive de l’eau. Durant la première partie du XXe siècle, plusieurs textes de réglementation viennent combler des vides juridiques, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines. Cependant, les problé-
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matiques de l’eau sont toujours appréhendées de manière parcellaire, souvent attachées à une activité économique ou humaine et la gestion est principalement locale. Après la seconde guerre mondiale, s’agissant de l’eau, la pollution est au premier rang des préoccupations. La « maîtrise de l’eau » conduit à multiplier les usages, les sources de pollution et les gaspillages. Les liens «ressource-usage», «pollution-responsabilité individuelle et collective» sont encore loin d’être compris par tous les citoyens. Mais une prise de conscience écologique commence à naître. Dans les années 50, 70 % de la distribution est assurée par des régies communales. En 1953 est créé le Code de la Santé Publique français qui contribue à la réglementation de la santé et de l’eau. • Le début d’une vision globale de l’eau Il faut s’approcher des années 60 pour que disparaisse progressivement cette vision très segmentée de l’eau. En 1959, dans le cadre du Commissariat au plan, une commission de l’eau est mise en place. Elle a en charge de préparer une réforme de l’eau et un code de l’eau, mais ce n’est qu’au milieu des années 60 qu’une véritable vision globale des problématiques de l’eau apparaîtra. Les réflexions de cette commission préfigureront la loi du 16 décembre 1964 sur la répartition des eaux et la lutte contre la pollution.
Schéma de l’eutrophisation naturelle et anthropique
Eutrophisation naturelle
Eutrophisation anthropique
Oligotrophie
Oligotrophie
Milliers d’années
Mésotrophie
Dizaines d’années
Eutrophie et Hypereutrophie
Ruissellement urbain Rejets industriels Fertilisants et pesticides Erosion et sédiments
Eutrophie et Hypereutrophie
Au début du XXe siècle, l’accélération de l’eutrophisation anthropique des milieux aquatiques, au fur et à mesure du développement technologique, et les pollutions diverses feront émerger les problèmes environnementaux et notamment celui de la pollution de l’eau. Dessin : Francine Matte Savard, Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs, 2005
Dossier Eau - Conseil de Développement de la Loire-Atlantique 15
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E DROIT MODERNE DE L’EAU
1. La naissance d’une vision globale
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vant 1964, les visions sont toujours segmentées : le Code Rural traite des problématiques de l’eau en milieu rural, certaines réglementations traitent les problèmes d’installations industrielles classiques (il existe par exemple une réglementation spécifique en matière d’installations hydroélectriques…) • La loi de 1964, introduction du principe de pollueur/payeur La loi de 1964 entraîne une refonte de la gestion de l’eau. Une des principales motivations de cette loi résulte entre autres des contraintes imposées par le programme électronucléaire français (aménagement des cours d’eau). Elle organise la gestion de l’eau autour des six grands bassins hydrographiques français, issus d’un découpage naturel selon les lignes de partage des eaux et crée ainsi une logique de solidarité d’usagers. Tous les aspects liés à l’eau, quantité, qualité, coûts, police de l’eau, aménagements, doivent être traités globalement, de l’amont à l’aval, dans le cadre de programmes et en concertation avec les acteurs concernés. Elle met en avant, la notion de «gestion globale de l’eau» dans l’intérêt de tous et instaure le principe du «pollueur-payeur», visant à préserver la qualité de l’eau (l’eau doit payer l’eau). Au sein de chaque bas-
sin, la gestion de l’eau est attribuée à une Agence de l’eau, établissement public de l’État, placé sous sa tutelle. La lutte contre les différentes formes de pollution connaît cependant une certaine lenteur, notamment pour ce qui concerne les pollutions diffuses d’origine agricole. • 1976, naissance du droit de l’environnement La loi de 1964 n’arrête pas les évolutions législatives. En 1976, la loi « environnement » rend tous les citoyens responsables de l’héritage naturel et la notion de « patrimoine naturel » voit le jour. Deux autres outils changent le rapport à la nature : - les décrets de protection de biotope (1977) permettent d’interdire la destruction et la dégradation des milieux particuliers des espèces animales et végétales et, - le décret d’étude d’impact (1977) contraint les autorités publiques et les entreprises à tenir compte de l’environnement dans toute grande décision d’aménagement. La loi de 1976 sur les installations classées viendra participer au renforcement de la lutte contre la pollution de l’eau. Au début des années 1980, apparaissent d’une manière plus prégnante les notions de fonctionnement global des milieux, avec son nouveau vocabulaire comme « milieu aqua-
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tique » ou « éco-système ». Les connaissances scientifiques sur les différents milieux touchant le domaine de l’eau sont progressivement intégrées, mais souvent avec beaucoup de retard dans les nouveaux textes réglementaires. Dans le même temps, en France, la loi de décentralisation de 1982 libère les municipalités de la contrainte du contrat type dans leur négociation avec les opérateurs privés. Certaines grandes collectivités abandonnent la capacité qui est la leur de développer par elles mêmes, un service public de l’eau. Progressive-
Définition du bassin hydrographique de la Directive 2000/60/ CE du 23/10/2000 : «toute zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure, estuaire ou delta.»
Plus d’infos
La politique de l’eau (1964-2004) : 40 ans d’une gestion décentralisée www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-eau/index/ Ministère de l’écologie et du développement durable www.ecologie.gouv.fr
ment, la gestion de l’eau est dominée en France par 3 opérateurs privés qui se partagent le marché de l’eau. Dans les années 90, 70% de la distribution de l’eau est assurée par des opérateurs privés. • L’eau et la communauté Européenne La prise de conscience par la communauté européenne de l’importance de la pollution, de l’accroissement des besoins et du déficit de la ressource est à l’origine de la « Charte européenne de l’eau » proclamée en 1967 par le Conseil de l’Europe.
Les bassins hydrographiques français :
Article 10 du texte : « L’eau est un patrimoine commun, dont la valeur est reconnue par tous. » Au droit français de l’eau se superpose alors le droit européen. De 1975 à 2000, une trentaine de directives ou de décisions communautaires est adoptée dans le domaine de la préservation des milieux aquatiques et des ressources en eau et notamment les directives sur le déversement des substances dangereuses (1976) la qualité des eaux ayant besoin d’être protégée ou améliorée pour la qualité du poisson (1978). En 1989, la qualité de l’eau du robi-
Artois-Picardie
Seine-Normandie
Rhin-Meuse
Loire-Bretagne
6 territoires dédiés à la gestion de l’eau Dessin : ©CDLA
Rhône-Méditerranée - Corse Adour-Garonne
net est réglementée par un décret qui fixe les normes françaises de qualité de l’eau du robinet, en application de la directive européenne du 15 juillet 1980, soit 9 ans plus tard. Ce décret détermine également les conditions de contrôle de la qualité de l’eau du robinet, les normes de qualité des eaux brutes utilisées pour la production d’eau potable, les autorisations de prélèvements, les règles d’hygiène applicables aux installations de distribution d’eau potable et les périmètres de protection des zones de captage. • Aléas climatiques et prise de conscience en France D’autre part, plusieurs étés particulièrement chauds comme en 1976, 1989, 1990 et 1991 provoquent des sécheresses assez exceptionnelles. Les citoyens commencent à prendre conscience que l’on peut manquer d’eau et connaître une pénurie, même ici en France, en Europe et non seulement au Sahel. A la différence d’un règlement, une directive n’a pas de caractère exécutoire, ni d’incidence immédiate sur les législations nationales. Elle peut d’ailleurs être en opposition aux législations en vigueur dans le pays. Il faudra donc attendre une révision de la législation pour que le droit français soit conforme en intégrant les directives européennes. C’est en 1992 que cette mise en
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conformité du droit français avec les directives européennes s’impose et provoque une révision du droit de l’eau. • La loi de 1992 : l’eau, un patrimoine commun La loi de 1992 est une révision de la loi de 1964 et apporte une notion importante inscrite dans l’article premier : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. L’usage de l’eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis.»
La protection de l’eau, sa mise en valeur et le développement de sa ressource utilisable sont donc d’intérêt général. Cette loi rend obligatoire, d’ici à l’an 2005, la collecte et le traitement des eaux usées domestiques, transcrivant ainsi en droit français la directive européenne de mai 1991 sur les eaux résiduaires urbaines (directive ERU). • La mise en place de périmètres de protection La Loi de 92 établit aussi un périmètre de protection autour de chaque captage d’eau potable. Elle fortifie le rôle de la police des eaux, renforce le principe de concertation entre les usagers et acteurs de l’eau
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Les agences de l’eau www.lesagencesdeleau.fr Ifen - Le service de l’Observation et des statistiques du Commissariat général au développement durable www.ifen.fr
et étend les prérogatives des collectivités locales pour l’assainissement et l’aménagement des eaux. D’autre part, cette loi permet aux associations de se porter partie civile en matière de police des eaux et elle prévoit, pour l’information du public, que les résultats des contrôles sanitaires soient transmis aux mairies et affichés «en termes compréhensibles par tous». Elle instaure aussi, au sein de chaque bassin versant, un nouveau système de planification globale de la ressource en eau qui se décline progressivement du bassin au niveau des territoires locaux : du SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) au SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux). • D’autres lois complètent cette réglementation Les lois « Sapin » de 1993 et « Mazeaud » de 1995 réglementent les rapports contractuels entre les communes et les sociétés délégataires des services publics de l’eau. Elles s’intéressent, en particulier, au contenu et aux modalités des contrats de délégation. La Loi Barnier (1995) vient renforcer l’obligation d’information des consommateurs : elle institue notamment l’obligation, pour les municipalités, d’élaborer un rapport annuel sur le prix et la qualité des services publics de l’eau.
2. La Directive cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE
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ontrairement au droit « ancien de l’eau », le droit « moderne de l’eau » est un droit qui met en place une gestion intégrée plus globale et qui fixe des objectifs. • La Directive cadre sur l'eau (DCE) : l’atteinte du bon état des eaux en 2015 La DCE 2000, transposée en droit français en 2004, reprend le principe français d’une gestion par bassin (loi de 1964 et 1992) et vise à construire une politique européenne de la gestion de l'eau et à établir un cadre européen pour la protection de l’ensemble des milieux aquatiques (eaux superficielles, souterraines et côtières). La première considération de la Directive 2000/60/CE indique que : « L’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel .» Elle fixe un objectif : « l’atteinte du bon état des eaux en 2015 » Pour atteindre cet objectif, la directive demande aux États membres d’identifier, d’ici fin 2003, les districts hydrographiques, ensembles de bassins hydrographiques, en assurant la cohérence des délimitations pour les bassins internationaux. C’est la mise en place d’une gestion par bassin versant. La directive précise qu’un état des lieux doit être effectué dans chaque district d’ici fin 2004, afin de rendre
compte des divers usages de l’eau et de leurs impacts sur l’état des eaux. Cette caractérisation du district tient compte des actions engagées dans le domaine de l’eau et des politiques d’aménagement du territoire afin d’identifier les masses d’eau où les objectifs environnementaux de la directive risquent de ne pas être réalisés en 2015. C’est la mise en place d’une planification et d’une programmation. • La consultation du citoyen La directive demande aux acteurs de l’eau et du public, d’assurer une participation active à l’élaboration du plan de gestion, en prévoyant en particulier des consultations du public sur le programme de travail, sur l’identification des questions principales qui se posent pour la gestion de l’eau dans le district, sur le projet de plan de gestion. Avec la publication des données techniques et économiques sur les usages de l’eau, la directive souhaite renforcer la transparence de la politique de l’eau. C’est le renforcement de la pratique de la participation active du public en application de la convention d’Aarhus signée le 25 juin 1998 au Danemark par 39 États. La DCE fixe un calendrier précis aux États Membres afin d’atteindre les objectifs qu’elle leur assigne.
Le calendrier de la DCE : objectif 2015, échéance 2027 • 2004 : présentation de l’état des lieux. Il permet l'identification des masses d'eau susceptibles de ne pas atteindre le bon état en 2015, les justifications de ce retard et les questions importantes qui se posent au niveau du bassin, • 2005 : début de la démarche de révision des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), • Décembre 2006 : mise en place d'un programme de surveillance de l'état des eaux et date limite pour la consultation du public sur le calendrier d'élaboration du plan de gestion, • Décembre 2008 : Date limite pour la consultation du public sur le projet de plan de gestion (Art. 14), • 2009 : Publication du premier plan de gestion et du programme de mesures correspondant au SDAGE révisé, • Décembre 2015 : Vérification de l'atteinte des objectifs, assortie si besoin d'un second plan de gestion ainsi que d’un nouveau programme de mesures, • Décembre 2021 : Date limite pour le premier report de réalisation de l'objectif, • Décembre 2027 : Dernière échéance pour la réalisation des objectifs.
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3. La Loi 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques
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in 2006, après dix ans de débats et d'abandons successifs, la loi 2006-1772 sur « l’eau et les milieux aquatiques », sur proposition du ministre de l’Ecologie et du Développement Durable, est promulguée. Ce texte (la LEMA) ne bouleverse pas la politique nationale et locale de l'eau, mais apporte cependant des changements importants en créant ou en modifiant de nombreux articles du Code de l'environnement, du Code général des collectivités territoriales et du Code de la santé publique. • La gestion quantitative et qualitative de l'eau Elle met l’accent sur la gestion quantitative et qualitative de l'eau, la préservation des milieux aquatiques et précise les compétences des services d'eau et d'assainissement (notamment non collectif ), la tarification et les règlements de services. Elle crée l'ONEMA, l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, en charge d’animer la nouvelle politique française de l’eau, qui reprend certaines missions précédemment assurées par le CSP (Conseil supérieur de la pêche), mais aussi par la Direction de l’eau du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Cette loi rénove donc le cadre global, défini par les lois du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992, et reprend
les principaux objectifs de la DCE tels que : - Donner les moyens aux acteurs locaux (administrations, collectivités territoriales et autres acteurs de l’eau) pour faire le nécessaire afin d’atteindre pour 2015 l’objectif de bon état écologique fixé par la DCE et pour adapter les services publics d’eau potable et d’assainissement aux critères du développement durable (solidarité envers les plus démunis, efficacité environnementale), - Trouver un meilleur équilibre entre ressources en eau et besoins dans une perspective de développement durable et favoriser le dialogue au plus près du terrain.
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La directive cadre impose des objectifs de sauvegarde de la biodiversité des milieux aquatiques. Photo : ©Fotolia.com
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RÉSERVER L’EAU préserver notre avenir
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a raréfaction de la ressource en eau, une prise de conscience très tardive Ce voyage dans le temps montre que l’ignorance des problématiques de l’eau, très souvent liée à des raisons économiques, n’a pas favorisé la prise de conscience des enjeux présents et à venir. La ressource « eau » fait l’objet tout au long des siècles passés d’enjeux politiques, sociaux et économiques. L’eau est un moyen de pouvoirs civils et militaires, de contrôles et de convoitises économiques (moulin, autorisation de pêche, maîtrise des voies fluviales, …). Tout au long de son histoire, la réglementation sur l’eau s’est essentiellement écrite à travers une vision « locale», en adoptant successivement des réglementations par catégories d’usages, et plus tardivement vers la fin du XIXe siècle par rapport à la santé des hommes. Longtemps, les hommes ont considéré « l’eau comme un bien banal » inépuisable et « gratuit ». Ce n’est qu’après la révolution que de timides prises de conscience sur la nécessité de préserver cette ressource ont commencé à émerger. C’est notamment en 1974 qu’en France, l’agronome René Dumont, spécialiste des questions de développement dans le tiers monde, alors porte-parole d’un mouvement écologiste, rappelle dans une indifférence quasi générale, que l’un des plus graves problèmes que l’humanité devrait affronter à la fin du XXe siècle serait la question de l’eau. Ce n’est que grâce aux connaissances, à la compréhension du cycle
de l’eau au cours des 40 dernières années, aux effets des activités des hommes sur les milieux aquatiques, aux prises de positions très volontaristes de certaines associations de défense et de protection des milieux naturels, notamment aquatiques, que les politiques et plus largement les citoyens commencent à reconnaître en « grande partie » leur responsabilité dans la dégradation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques. Informer le citoyens sur les problématiques de l’eau Comme indiqué dans le paragraphe précédent, l’histoire de la réglementation de l’eau s’est écrite le plus souvent au cours d’un passé récent, sous la pression d’associations de défense et de protection des milieux naturels. Or, l’eau est toujours, malgré les dernières directives et lois, soumise à une organisation et une réglementation complexes qui nécessitent une connaissance approfondie du sujet. Aussi, les nouveaux modes d’élaborations de mise en œuvre de la gestion de l’eau, la multiplication des informations pertinentes vers les citoyens et la participation du public dans les processus de prise de décision peuvent rapidement favoriser une plus large prise de conscience. De la réglementation des usages à la protection de la ressource : vers la mise en place d’un futur droit unique de l’eau ? Alors que beaucoup de lois préexistent, il faudra attendre la fin du XXe siècle pour qu’au niveau mondial,
lors de la conférence de RIO en 1992 puis, lors du forum de la Haye en 2000, les hommes se préoccupent des ressources et admettent publiquement que l’eau n’est pas un bien inépuisable et doit faire l’objet d’une gestion globale dans la perspective d’un développement durable. Même si la question ne se pose pas encore dans les pays européens, l’eau est une ressource vitale. Sa disponibilité, sa protection, sa distribution, et d’une manière générale, sa gestion impliquent la conception d’un cadre politique plus global et implicitement d’un droit unitaire. En Europe, la Directive Cadre sur l’eau, puis en France, la LEMA de 2006 adoptent une vision ou une gestion plus globale de l’eau, et préfigurent sans doute « un futur droit unique de l’eau » susceptible d’éclaircir et de simplifier cette multitude de lois régissant l’ensemble des processus dérogatoires encore attachés à certains usages. Engager une vraie politique de l’eau L’enjeu juridique d’aujourd’hui et de demain dans le domaine de l’eau résulte en grande partie de la seule volonté politique de mettre en place des outils capables d’appliquer sans dérogation ce droit qui s’unifie et de faire respecter les objectifs de résultats. Outils d’évaluation de la décision publique, les résultats aux échéances de 2015 et 2027 liés à la mise en application de la DCE seront sans doute des indicateurs pertinents qui nous permettront de mesurer l’intensité de cette volonté politique.
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OURCES bibliographiques
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Livres : • « L’eau, sous le regard des sciences humaines et sociales » Sous la direction de Patrick LE LOUARN, Maison des Sciences de l’Homme ANGE-GUEPIN, Ed. L’Harmattan, 2007. • « Gouvernance et partage de l’eau » Sous la direction de Maryvonne BODIGUEL, Presse Universitaire de Rennes, 2007 • « L’eau, un enjeu pour demain » Henri CHEVALLIER, Ed. Sang de la Terre, 2007 • « La directive 2000/60/CE » Jean-François NEURAY, Ed. Bruylant, 2005 • « Droit de l’eau : gestion et protection » Emmanuelle ALFANDERY, MB Edition, 2003 • « L’or bleu, l’eau, le grand enjeu du XXI siècle » Maude BARLOW et Tony CLARKE, Ed. Hachette Littérature, 2002 • « L’eau : usages et gestion » Jean-Louis GAZZANIGA, Jean-Paul OURLIAC et Xavier LARROUY-CASTERA, Ed. Litec, 1998
Articles : • « L’eau et le pouvoir. L’exemple de l’Empire Romain (Ier – IIIe s. ap. J.-C.) » Frédéric HURLET, dans L’eau sour le regard des sciences humaines et sociales, Journées « Le lien social » organisées en juin 2006 par la MSH Ange-Guépin de l’Université de Nantes, Paris, 2007, p. 137-151
Documents numériques : • « Traité du mouvement des eaux et des autres corps fluides - Œuvre de Mariotte Tome II (1686) » Edmé MARIOTTE, SICD université de Strasbourg, patrimoine numérisé num-scd-ulp.u-strasbg.fr • « Histoire et théorie de la terre » Georges BUFFON, p. 118-224, document électronique BNF gallica.bnf.fr • « Histoire de la vie et de l’administration de Colbert » Pierre CLEMENT, p. 230-245, document électronique BNF / 1846 gallica.bnf.fr
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Les cahiers du Conseil de Développement de la Loire-Atlantique Directeur de la publication : Alain Sauvourel Rédaction : Jean-Luc Tijou ll Mise en page et illustration : Julie Le Mestre Crédits photos : Fotolia ll Impression : CODELA CODELA - 2, quai de Versailles - BP 44621 - 44046 Nantes cedex 1 ll Tel : 02 40 48 48 00 ll Fax : 02 40 48 14 24 ll Courriel : cdla@codela.fr ll Site web : www.codela.fr
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