Tome 2 - fiches

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INDEX - Anatomie type d’un article

#02_00

Repères biographiques et chronologiques

Thème de l’article

Pagination Objet de l’article

#02_A

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«ARCHIGRAM»

ÉMERGENCE D’UNE ARCHITECTURE HYPERTECHNOLOGIQUE (1)

Membres: Peter Cook, Ron Herron, Cedric Price, David Greene, Warren Chalk, Dennis Crompton, Mick Webb (2)

Principaux projets: Walking City, Plug-incity, Instant City. (3)

(4)

Date: ........................ 1961-1974

(5)

ABSTRACTION

ARCHIGRAM est un groupe d’architectes anglais des années 1960 qui a produit une série d’architectures fantastiques typiques des années 1960. Leur travail était à cheval entre l’architecture et les arts visuels et consistait en des croquis visionnaires et des mégastructures utopiques. L’âge des mégastructures coïncide avec la prise de conscience naissante du déraillement démographique ou de la surpopulation. A cet égard, le projet Plug-in-City de Peter Cook en 1964, un membre d’Archigram, est une ville littéralement connectée, supportée par des colonnes creuses portant l’ensemble du système et qui accueillent l’ensemble des fluides. En 1968, Peter Cook était l’enseignant «vedette» de l’AA, exactement au moment où Koolhaas y entama ses études. Koolhaas parle d’un homme «tyrannique» qui tenait les rênes de l’école. Attraction / Répulsion Il existe des parentés dans l’architecture de Koolhaas et des Archigram. Notamment ce constat que la ville traditionnelle n’est plus adaptée à la société, et un refus du dogmatisme idéologique moderniste. Et si à première vue, Exodus s’inscrit parfaitement dans la vague des mégastructures des années 1960 en particulier du projet Plug-in-City d’Archigram, les directions qu’ils prendront seront radicalement opposées, à tel point qu’il deviendront rapidement «ennemis conceptuels». Walking Cities L’idée du projet est celle d’une ville en perpétuelle transformation. La Walking Cities de 1964 est une ville mobile se déplaçant autour du globe. Les Archigram penchent alors du côté fantastique de la technologie comme la plupart des avant-gardes anglo-saxonnes dans l’hypertechnologie et l’intègrent directement dans l’architecture. Koolhaas est lui aussi fasciné par la technologie, mais adopte une attitude complètement différente à son égard. Pour Koolhaas, le terrain de jeu de la technologie n’est pas l’architecture mais le Luna Park. Le thème de la technologie est analysé sous ses aspects psychologiques : impact du fantastique dans l’inconscient des gens. Le Luna Park est un laboratoire des technologies du fantastique : ces technologies ont ensuite été transférées dans la typologie du gratte-ciel. Instant City Dernier exemple de Ron Herron en 1969, Instant City. Il s’agit d’une réponse architecturale à l’idée d’amener l’intensité métropolitaine

Sens dont le sujet est porteur pour ceux qui en étaient les contemporains, en particulier pour Rem Koolhaas

dans les villages d’Angleterre, une transposition de l’essence de la vie métropolitaine : publicité, animations, néons, événements… La parenté avec les préoccupations métropolitaines koolhaasiennes sont claire. Pour autant, Exodus peut certainement être considéré comme une critique du techno-fétichisme d’Archigram, sa culture de la consommation et son délire de nomadisme. Le projet semble être point par point une inversion de l’ordre du jour des projets d’Archigram : la place de la science fiction d’un côté, le côté monumental presque néo-classique de l’autre ; une architecture perpétuellement mobile d’un côté, disponible et préfabriqué, et une immutabilité éternelle de l’autre ; au lieu de la consommation, l’expérimentation ; au lieu du nomadisme, un collectivisme sédentaire. En bref, deux cultures antagonistes dès les années 60. Vers une architecture «monumentale» Exodus est une réaction au climat d’interdiction de l’architecture des années 1970, en particulier d’architecture moderne. Pendant cette période, tout type d’articulation formelle était considérée comme un crime. « Monument » était une sorte de grossièreté. Dans le contexte de la fin des années 1960 il y avait une hostilité profonde et fondamentale qui émergeait contre la modernité. C’est une clé de lecture importante d’Exodus: l’hostilité envers l’architecture en général et en particulier contre le modernisme qui existait dans des foyers d’architecture expérimentale avant-gardiste comme l’AA. C’est pour cette raison essentielle que Koolhaas et Zenghelis se tournèrent vers les italiens de Superstudio et d’Archizoom, prenant ainsi le contre pied des Archigram. Archigram et l’utopie hypertechnologique de l’AA face à la néo-avant-garde italienne fondée sur l’ironie et regroupée autour de la revue Casabella.

Articles liés: hétérotopie, modernisme I, radicalisme I, radicalisme II

(6)

• Sources imprimées - AA prospectus, AA Publications, Londres, 1968-1976

[Interprétation critique] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] - Franzisca Bollerey, «The 60’s revisited», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 6-7 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_12] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - www.archigram.net

Renvoi vers des articles en lien avec le sujet

Bibliographie critique Origine des documents de travail et nature du travail fourni par l’auteur du mémoire (citation, déformation d’une citation, traduction, traduction interprétative, interprétation paranoïaque-critique, collage d’extraits de textes)


#02_00

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«INDEX» A

#02_Archigram #02_Archimède

B

#02_Baudelaire #02_Bernauer Strasse #02_Buñuel

C

#02_Calhoun #02_Cinéma #02_Constructivisme I #02_Constructivisme II #02_Constructivisme III #02_Constructivisme IV

M

#02_Métabolisme #02_Metropolis #02_Modernisme I #02_Modernisme II #02_Mur de Berlin

N

#02_New York #02_Nietzsche

O

#02_Oldenburg #02_Oorthuys

P

#02_Eau #02_Evans

#02_Parcours #02_Pop art #02_Post-modernisme #02_Prisonniers volontaires

F

R

E

#02_Fourierisme

G

#02_Génétique #02_Grille

H

#02_Hamilton #02_Hédonisme #02_Hétérotopie #02_Huxley

I

#02_Indonésie #02_Ironie

J

#02_Journalisme

K

#02_Klein #02_Kubrick

L

#02_Lewitt

#02_Radicalisme I #02_Radicalisme II #02_Religion #02_Rétroaction

S

#02_Sexualité #02_Situationisme I #02_Situationisme II #02_Situationisme III #02_Stalinisme #02_Suprématisme #02_Surréalisme

T

#02_Thermographie #02_Tunnel

V

#02_Vide #02_Viet-Nam

W

#02_Warhol


ARCHIGRAM - Walking City (haut) et Instant City (bas)

Archigram propose la construction de structures robotiques mobiles massives, dotées de leur propre intelligence, qui pourraient se déplacer librement dans le monde, vers l’endroit où les ressources satisferont leur besoins. Plusieurs Walking Cities peuvent se relier les unes aux autres pour former de plus grandes métropoles lorsque cela est nécessaire, avant de se disperser lorsque leur « cohabitation » n’est plus nécessaire.

Instant City développe l’idée d’une « métropole itinérante », un package qui s’infiltre provisoirement dans une communauté. Dans Instant City, un environnement audiovisuel (des mots et des images projetés sur des écrans suspendus) s’associe à des objets mobiles (des ballons dirigeables avec des tentes suspendues, des capsules et des mobile-home) et à des objets technologiques (des grues à portique, des raffineries, des robots) pour créer une ville de consommation d’informations, destinée à une population en mouvement.

#02_A


#02_A

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«ARCHIGRAM» (1)

ÉMERGENCE D’UNE ARCHITECTURE HYPERTECHNOLOGIQUE (2)

Membres: Peter Cook, Ron Herron, Cedric Price, David Greene, Warren Chalk, Dennis Crompton, Mick Webb (3)

Principaux projets: Walking City, Plug-incity, Instant City. (4)

Date: ........................ 1961-1974

(5)

ABSTRACTION

ARCHIGRAM est un groupe d’architectes anglais des années 1960 qui a produit une série d’architectures fantastiques typiques des années 1960. Leur travail était à cheval entre l’architecture et les arts visuels et consistait en des croquis visionnaires et des mégastructures utopiques. L’âge des mégastructures coïncide avec la prise de conscience naissante du déraillement démographique ou de la surpopulation. A cet égard, le projet Plug-in-City de Peter Cook en 1964, un membre d’Archigram, est une ville littéralement connectée, supportée par des colonnes creuses portant l’ensemble du système et qui accueillent l’ensemble des fluides. En 1968, Peter Cook était l’enseignant «vedette» de l’AA, exactement au moment où Koolhaas y entama ses études. Koolhaas parle d’un homme «tyrannique» qui tenait les rênes de l’école. Attraction / Répulsion Il existe des parentés dans l’architecture de Koolhaas et des Archigram. Notamment ce constat que la ville traditionnelle n’est plus adaptée à la société, et un refus du dogmatisme idéologique moderniste. Et si à première vue, Exodus s’inscrit parfaitement dans la vague des mégastructures des années 1960 en particulier du projet Plug-in-City d’Archigram, les directions qu’ils prendront seront radicalement opposées, à tel point qu’il deviendront rapidement «ennemis conceptuels». Walking Cities L’idée du projet est celle d’une ville en perpétuelle transformation. La Walking Cities de 1964 est une ville mobile se déplaçant autour du globe. Les Archigram penchent alors du côté fantastique de la technologie comme la plupart des avant-gardes anglo-saxonnes dans l’hypertechnologie et l’intègrent directement dans l’architecture. Koolhaas est lui aussi fasciné par la technologie, mais adopte une attitude complètement différente à son égard. Pour Koolhaas, le terrain de jeu de la technologie n’est pas l’architecture mais le Luna Park. Le thème de la technologie est analysé sous ses aspects psychologiques : impact du fantastique dans l’inconscient des gens. Le Luna Park est un laboratoire des technologies du fantastique : ces technologies ont ensuite été transférées dans la typologie du gratte-ciel. Instant City Dernier exemple de Ron Herron en 1969, Instant City. Il s’agit d’une réponse architecturale à l’idée d’amener l’intensité métropolitaine

dans les villages d’Angleterre, une transposition de l’essence de la vie métropolitaine : publicité, animations, néons, événements… La parenté avec les préoccupations métropolitaines koolhaasiennes sont claire. Pour autant, Exodus peut certainement être considéré comme une critique du techno-fétichisme d’Archigram, sa culture de la consommation et son délire de nomadisme. Le projet semble être point par point une inversion de l’ordre du jour des projets d’Archigram : la place de la science fiction d’un côté, le côté monumental presque néo-classique de l’autre ; une architecture perpétuellement mobile d’un côté, disponible et préfabriqué, et une immutabilité éternelle de l’autre ; au lieu de la consommation, l’expérimentation ; au lieu du nomadisme, un collectivisme sédentaire. En bref, deux cultures antagonistes dès les années 60. Vers une architecture «monumentale» Exodus est une réaction au climat d’interdiction de l’architecture des années 1970, en particulier d’architecture moderne. Pendant cette période, tout type d’articulation formelle était considérée comme un crime. « Monument » était une sorte de grossièreté. Dans le contexte de la fin des années 1960 il y avait une hostilité profonde et fondamentale qui émergeait contre la modernité. C’est une clé de lecture importante d’Exodus: l’hostilité envers l’architecture en général et en particulier contre le modernisme qui existait dans des foyers d’architecture expérimentale avant-gardiste comme l’AA. C’est pour cette raison essentielle que Koolhaas et Zenghelis se tournèrent vers les italiens de Superstudio et d’Archizoom, prenant ainsi le contre pied des Archigram. Archigram et l’utopie hypertechnologique de l’AA face à la néo-avant-garde italienne fondée sur l’ironie et regroupée autour de la revue Casabella. (6)

Articles liés: hétérotopie, modernisme I, radicalisme I, radicalisme II

• Sources imprimées - AA prospectus, AA Publications, Londres, 1968-1976

[Interprétation critique] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] - Franzisca Bollerey, «The 60’s revisited», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 6-7 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_12] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - www.archigram.net



#02_A

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«ARCHIMÈDE»

ABSTRACTION

(1)

(5)

(2)

Inventeur: Archimède

(3)

Principale découverte: poussé d’archimède

Archimède de Syracuse est un grand scientifique grec de Sicile de l’Antiquité, physicien, mathématicien et ingénieur. Le génie d’Archimède en mécanique et en mathématique fait de lui un personnage exceptionnel de la Grèce antique et explique la création à son sujet de faits légendaires. C’est cet aspect narratif du personnage et de ses découvertes qui suscite chez Koolhaas un intérêt particulier.

MÉTAPHORE DE L’INSOUTENABLE POUSSÉE VERS LE STRIP

(4)

Date: ........................ 287-212 av. J-C.

Eureka ! À l’instar de tous les grands savants, la mémoire collective a associé une fable au scientifique, le transformant en héros mythique : à Isaac Newton est associée la pomme, à Albert Einstein la formule E = mc². Pour Archimède, ce sera le mot Eurêka !, « J’ai trouvé ! », prononcé en courant nu à travers les rues de la ville. Selon Vitruve, Archimède venait de trouver la solution à un problème posé par Hiéron II, tyran de Syracuse. En effet, Hiéron avait fourni à un orfèvre une certaine quantité d’or à façonner en une couronne. Afin d’être sûr que l’orfèvre ne l’avait pas dupé en substituant de l’argent à une partie de l’or, Hiéron demanda à Archimède de déterminer si cette couronne était effectivement constituée d’or uniquement, et sinon, d’identifier sa composition exacte. C’est dans sa baignoire, alors qu’il cherchait depuis longtemps, qu’Archimède trouva la solution et sortit de chez lui en prononçant la célèbre phrase. Il lui suffisait de mesurer le volume de la couronne par immersion dans l’eau puis la peser afin de comparer sa masse volumique à celle de l’or massif. La poussée d’Archimède « Tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé ; cette force est appelée poussée d’Archimède. » Koolhaas utilise la poussée d’Archimède comme la métaphore de l’inexorable attraction qu’exerce le Strip sur les habitants de la vieille Londres. (6)

Articles liés: -

• Sources numériques - http://www.larousse.fr/encyclopédie/personnage/Archimède/105994 [Restitution, Interprétation paranoïaque-critique]



#02_B

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«BAUDELAIRE» (1)

HÉDONISME ET ONIRISME DE LA DESCRIPTION DU POTENTIEL MÉTROPOLITAIN (2)

Inventeur: Charles Baudelaire

(3)

Application initiale: «Un rêve Parisien I», Les fleurs du mal (4)

Date: ........................ 1857

(5)

ABSTRACTION

Le Paris du milieu du XIXe est le lieu de tous les possibles. La ville est en train de changer : c’est le Paris du second Empire, théâtre des grands travaux d’Haussmann. Exodus propose d’effacer une partie du centre de Londres pour établir une zone de haute vie métropolitaine inspirée par Baudelaire. En lisant attentivement le poème de Baudelaire « Rêve parisien » qui conclut le scénario du projet produit par Koolhaas et Zenghelis, et qui est la clé de lecture de l’ensemble d’Exodus, on ne peut s’empêcher de penser qu’il a fortement inspiré le projet. Le collage final montre les prisonniers qui expriment leur gratitude en chantant le poème de Baudelaire avec en arrière plan un des bâtiments staliniens des Sept Soeurs. Ce n’est sûrement pas une coïncidence si ce collage est intitulé « L’aveu » : non seulement les prisonniers, mais aussi les architectes semblent être reconnaissants de quelque chose: le côté onirique et l’esthétique classique du poème de Baudelaire. Exodus est la matérialisation du Rêve Parisien Quand on transcrit le poème «Rêve Parisien» en prose, on a presque l’impression de marcher dans le projet Exodus : « L’image obscure et lointaine de cette étrange et impressionnante scène, sur laquelle nul mortel n’a encore jamais posé les yeux, continue de m’envahir. Le sommeil est plein de miracles ! Par une fantaisie bizarre et singulière, j’ai banni de ce spectacle toute nature et tout ce qui est irrégulier. Et, satisfait de mon art, j’ai peint dans mon tableau la monotonie ravissante du marbre, du métal et de l’eau qui coule. Une sorte de Tour de Babel aux escaliers et aux arcades sans fin. C’est un palais plein de piscines et de cascades lumineuses d’or mat et brillant. Les lourdes chutes resplendissent comme des éclats de cristal le long des remparts de métal; elles semblent ternes et polies, suspendues en l’air. Les piscines, où l’on peut se coucher sont entourées de colonnades plutôt que d’arbres, dans lesquelles les naïades peuvent tranquillement contempler leur propre reflet à la manière de Narcisse. Des feuilles d’eau bleue, verte et rose, coulent entre les quais aux multitudes d’ouverture, versées aux limites du monde. Pour le plaisir des yeux, de petites vagues magiques éclaboussent des pierres aux formes incroyables; de vastes réflecteurs éblouissent par le monde qu’ils reflètent dans leur glace. Insouciants et taciturnes, le firmament de plusieurs petits Ganges déversent le trésor de leurs urnes dans un golfe de diamant. Architecte de mon spectacle magique, j’ai fait pour mon plaisir, un océan dont j’avais d’abord canalisé l’écoulement par un tunnel paré de pierres précieuses. Même la couleur noire semblait polie, mousseuse, claire et propre. Aucune étoile, aucun signe, aucune lune, aucun soleil lumineux ou sombre n’illuminait cette

mine rougeoyante de feu. Terrible nouveauté pour les yeux mais pas pour les oreilles, le silence semblait planer sur cet apparat pour l’éternité. » Charles Baudelaire, «Un Rêve Parisien I,» Les Fleurs du Mal Koolhaas le Flâneur Exodus est un projet d’un nouveau genre: les architectes s’affranchissent du regard rédempteur avec lequel tous les architectes du XIXe avaient projeté leurs villes idéales. Koolhaas et Zenghelis sortent du schéma problème-solution. Au lieu de cela, ils adoptent l’attitude baudelairienne du flâneur. Le flâneur se promène sans hâte, sans but, au hasard, en s’abandonnant à l’impression. Le flâneur est celui qui s’exerce délibérément à la perte de soi, qui n’a pas de but. Égarement au cours duquel le sujet s’écarte du droit chemin, de la moralité. Si le rationalisme est le chemin mental qui consiste à relier un point B en partant d’un point A, le flâneur sait qu’il atteindra finalement un point, mais ignore lequel au moment du départ. Le déplacement physique du flâneur conditionne aussi un certain type de déplacement psychique. Autrement dit, penser, c’est se déplacer. Réciproquement, le déplacement provoque et stimule la pensée. La figure du flâneur trouve donc un écho direct dans Exodus puisque la tâche évidente du projet est de plonger directement dans l’idéologie pure et de faire pour la première fois l’inventaire des épisodes urbains d’aujourd’hui, une description clinique des différentes habitudes incontestées qui sont devenus des réalités banales et sans lesquelles il serait inconcevable de vivre à ce jour. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple représentation de ces réalités: au contraire, par l’analyse, la structuration et l’articulation de la représentation de la métropole, ce portrait a le pouvoir de lier notre connaissance des choses à une dimension historique, puis par une réinterprétation de l’histoire, de proposer une matérialisation. En constituant de manière complètement nouvelle un portrait composite de la vie urbaine contemporaine, l’Office for Metropolitan Architecture donne naissance à une nouvelle tactique de projet. (6)

Articles liés: hédonisme, journalisme, constructivisme II, situationnisme I

• Sources imprimées - Charles Baudelaire, «Un Rêve Parisien I», Les Fleurs du Mal, Gallimard, Paris, 1999 [Transformation, Interprétation] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Martin van Schaik et Otakar Mácel, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_02_13] • Sources numériques - http://Baudelaire.litteratura.com/?rub=regards&srub=art&id=3&tt=2 [Combinaison, Collage]



#02_B

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«BERNAUER STRASSE»

ABSTRACTION

(1)

ZONE DE TENSION IDÉOLOGIQUE

(2)

Ville: Berlin

(3)

Contexte historique: Guerre froide

La Bernauer Strasse est une forte zone de tension entre Berlin Est et Berlin Ouest. C’est une rue de Berlin située à cheval sur les arrondissements de Mitte et Pankow, dans le quartier de Prenzlauer Berg. La rue est connue dans le monde entier à partir des années 1960, suite aux tentatives spectaculaires d’évasion des «prisonniers» de l’Est vers l’Ouest.

(4)

Date: ........................ 1960-1989

(6)

(5)

Articles liés: mur de berlin, tunnel

• Sources numériques - http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernauer_Straße

[Commentaire, Citation]


BUÑUEL - Scène de l’oeil tranché

Le film a été inspiré par des rêves de Salvador Dalí et de Luis Buñuel, qui raconte : « En arrivant chez Dalí, à Figueras, invité à passer quelques jours, je lui racontais que j’avais rêvé, peu de temps auparavant, d’un nuage effilé coupant la lune et d’une lame de rasoir fendant un œil. De son côté il me raconta qu’il venait de voir en rêve, la nuit précédente, une main pleine de fourmis. Il ajouta : «et si nous faisions un film, en partant de ça ?»

#02_B


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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«BUÑUEL» (1)

PUISSANCE SYMBOLIQUE DE L’OEIL TRANCHÉ (2)

Réalisateurs: Luis Buñuel, Salvador Dali

(3)

Contexte historique: Un chien Andalou

(4)

Date: ........................ 1929

(5)

ABSTRACTION

Un chien andalou est un court métrage muet surréaliste réalisé par Luis Buñuel en 1929 sur un scénario de Luis Buñuel et de Salvador Dalí. Le mur et la métaphore de l’oeil tranché Pendant ses années d’études à l’Architectural Association School de Londres, Koolhaas adopte comme principe idéal de certains projets le mur contemporain. Il choisit comme thème d’étude du Summer Study de 1971 le mur de Berlin qui exprime à son plus haut degré la notion de séparation. Il produit un mémoire, intitulé Berlin Wall as Architecture. Le mur coupe les rues, les places et les maisons de Berlin, comme la lame de rasoir qui tranche l’oeil d’une femme dans le film Un Chien andalou de Buñuel et Dali. Cette idée du mur tranchant se répercutera dans les œuvres de Koolhaas, où souvent sera mise en scène la violente pénétration d’un volume dans un autre. Exodus est à ce titre, la lame qui tranche l’oeil que représente la ville de Londres. Le tapis roulant qui parcours le Carré des Transactions Biologiques tranche le bâtiment central en croix. L’oeil tranché apparaît dans la scène d’ouverture du film: on y voit un homme aiguisant un rasoir, puis regarde pensivement la lune devant laquelle passe un nuage effilé ; l’instant d’après le film montre en gros plan la main de l’homme tenant le visage d’une femme tandis que le rasoir tranche son œil par le long (cette femme sera ensuite le personnage féminin du film - pour ce plan le réalisateur a utilisé un œil de bovin). Cette image vient conclure le mémoire de Koolhaas sur le mur de Berlin, et témoigne ainsi de l’importance de la scène. L’exemple de la Villa Spear En 1973, Laurinda Spear est l’une de ses étudiantes à l’AA. En 1974 elle élabore avec lui une villa pour ses parents à Miami dans laquelle la question du mur est très importante. Il s’agit d’un système de murs parallèles à la direction de la plage. On rentre dans la villa par un mur plein monumental, qui se décline en une succession de murs de plus en plus transparents, pour finir par une colonnade au bord de l’eau. Dans ce système de murs parallèles, une longue piscine en briques de verre est insérée orthogonalement. Fine comme une lame de rasoir, elle vient trancher ce système à la manière de l’oeil de la jeune femme dans Un Chien Andalou de Bunuel et Dali. (6)

lisme

Articles liés: cinéma, mur de berlin, surréa-

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, , «House in Miami», Architectural Design, vol.47, n°5, pp. 352-354 [Interprétation paranoïaque-critique] - Rem Koolhaas, «Berlin Wall as Architecture», S,M,L,XL, 010 Publishers, Rotterdam, pp. 212-234 [Interprétation paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Commentaire critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.youtube.com/watch?v=_DZ1x-xBtUM [Visionage, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique]


CALHOUN - Perspective de la cage

Calhoun a fourni une cage a des rats avec de la nourriture et de l’eau en quantité suffisante pour soutenir toute augmentation de la population. En revanche la cage était fixée à une taille jugée suffisante pour seulement 50 rats. La population a culminé à 80 rats et par la suite a montré une variété de comportements anormaux, souvent destructeurs.

#02_C


#02_C

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«CALHOUN» (1)

LIEN ENTRE LA DENSITÉ DE POPULATION ET LES PATHOLOGIES SOCIALES (2)

tances d’élevage plus contrôlées. Six populations de rats norvégiens albinos ont été mises ensemble pour les besoins de l’expérience. On a laissé les populations se développer jusqu’à qu’elle atteignent environ deux fois le nombre indiqué pour présenter un niveau de stress « modéré » d’interaction sociale dans un espace si restreint. Dans chacun des cas, mes associés et moi-même avons maintenu une surveillance étroite des colonies pendant 18 mois afin d’observer finement les modifications de comportement induites par la densité de population. Les pathologies comportementales que nous avons observés étaient plus frappantes chez les femelles. Beaucoup étaient incapables mener leur grossesse à terme ou de survivre à la mise bas. Un nombre encore plus important ne présentait aucun instinct maternel après avoir mis bas avec succès. Chez les hommes, les troubles du comportement vont de la déviance sexuelle au cannibalisme, de l’hyperactivité frénétique à un retrait pathologique de la communauté, duquel les individus sortaient uniquement pour manger et boire ou une fois toute la communauté endormie. L’organisation sociale des animaux a également montré des perturbations. Chacune des six populations expérimentales s’était divisée d’elle-même en plusieurs groupes, dans chacun desquels le ratio mâles/femelles changeait radicalement. Un groupe pouvait se composer de six ou sept femmes pour un homme, tandis qu’un autre avait 20 hommes pour seulement 10 femmes. Chez les populations de notre première série de trois expériences, nous avons observé le développement de ce que nous avons appelé un Cloaque Comportemental. Les animaux s’entassaient en grand nombre dans l’une des quatre cages interconnectées dans lesquelles la colonie était maintenue. 60 à 80 rats de chaque population se regroupaient dans une seule des quatre cages lorsqu’on les nourrissait. Le nourrissage et les autres activités biologiques étaient transformées en activités sociales dans lesquelles la principale satisfaction était l’interaction avec les autres rats. Dans le cas du nourrissage, ce changement de comportement n’a pas empêché les animaux de bénéficier d’une nutrition adéquate. Mais, la densité de population élevée a perturbé de manière plus pathologique des séquences comportementales normalement très réglées comme le choix des partenaires sexuels, la construction de nids ou le soin des jeunes. Les expériences pour lesquelles on a observé le développement d’un Cloaque Comportemental, la mortalité infantile a atteint 96% dans les groupes les plus désorientés dans la population ».

Scientifique: John Calhoun

(3)

Première publication: Population Density and Social Pathology, Scientific American (4)

Date: ........................ 1962

(5)

ABSTRACTION

L’âge des mégastructures coïncide avec la prise de conscience naissante du déraillement démographique et de la surpopulation. Ceci est évident dans le cas de Yona Friedman. L’architecture mobile est une architecture de survie, l’architecture d’une planète surpeuplée. Les métaboliques japonais, eux aussi, ont pris ce postulat comme point de départ. Ce n’est donc pas une coïncidence si on retrouve ce thème dans le projet de Koolhaas. L’article de Calhoun a été publié en 1962 dans Américan Scientific à un moment où la surpopulation devenait un sujet d’intérêt public à l’influence culturelle considérable. Certaines œuvres de fiction comme Batman, de cinéma, sociologiques font directement référence à l’expérience de Calhoun. Et bien qu’il s’agisse de rats, Calhoun a formulé une grande partie de son travail dans des termes anthropomorphiques, rendant ses idées accessibles à un public non spécialisé. Lewis Mumford, historien américain spécialisé dans l’histoire de la technologie, de la science, et de l’histoire des villes avançait déjà en 1961 l’hypothèse de travail de Calhoun dans son livre The City in History, en déclarant que: « Une part non négligeable de la barbarie métropolitaine est purement due à la congestion physique: un diagnostic désormais partiellement confirmée par des expériences scientifiques sur des rats qui, lorsqu’ils sont placés dans des cages aussi encombrées, présentent les mêmes symptômes de stress, d’aliénation, d’hostilité, de perversion sexuelle, d’incompétence parentale et de violence enragé que l’on retrouve maintenant dans la mégalopole. » Extrait de l’article de John B. Calhoun « J’ai confiné une population de rats sauvages de Norvège dans un enclos d’un mètre carré. Les rats disposaient d’une nourriture abondante, de lieux de vie adaptés et d’un environnement sain de toute maladie. Le comportement des animaux les uns par rapport aux autres restait le seul facteur susceptible d’affecter l’augmentation de leur nombre. Il n’y avait aucun moyen que la hausse de la densité de population ne se manifeste autrement que par des conséquences comportementales. Au terme du 27ème mois d’élevage, la population s’était stabilisée à 150 adultes. Pourtant, la mortalité des adultes était si basse que la population aurait rapidement pu atteindre 5.000 adultes. La raison pour laquelle ce chiffre n’a pas été atteint était une mortalité infantile très élevée. Le stress lié à l’interaction sociale de 150 adultes conduisait à perturbation du comportement maternel auquel très peu de jeunes survivaient. Fort de ce constat, je me tournai vers l’observation d’une souche domestiquée de rat norvégiens albinos, dans des circons-

L’expérience de Calhoun jette les bases du lien entre les pratiques sociales, l’espace et la surpopulation. Alors que le scientifique fait une analyse linéaire de la relation espace-pratiques du type densité élevée+espace réduit=cloaque comportemental, Koolhaas abordera le thème à l’envers. A partir d’un inventaire minutieux des nouvelles pratiques métropolitaines, il donnera forme à une architecture capable de les accueillir. (6)

Articles liés: archigram, métabolisme

• Sources imprimées - John B. Calhoun, «Population Density and Social Pathology», Scientific American, n°206, 1962, pp. 139-148 [Traduction, Explication, Interprétation paranoïaque-critique] - Lewis Mumford, The City in History, Brace & World, Inc., 1961, p 210 [Traduction, Citation]


CINÉMA - Membres du groupe « 1,2,3 Groep », 1965

Le 1,2,3 Group. De gauche à Droite: Samuel Meyering, Rem Kolhaas, Frans Bromet, Rene Daalder, Jan de Bont

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«CINÉMA» (1)

ORGANISATION SPATIALE EN SÉQUENCES NARRATIVES ET EN ÉPISODES. (2)

Inventeur: Rem Koolhaas, Jan de Bont, Frans Bromet, René Daalder (3)

Application initiale: Films réalisés avec le collectif «1,2,3 Groep»: «1,2,3 Rhapsodie», «Body & Soul», «De Blanke Slavin». (4)

Date: ........................ 1964-1969

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ABSTRACTION

L’expérience cinématographique du «Haagse Post» A partir de 1963, Koolhaas travaille pour l’hebdomadaire de la droite libérale néerlandaise « De Haagse Post ». Il s’occupe de la composition typographique et écrit sur le cinéma, la littérature, l’architecture et écrit notamment un article sur Fellini à l’occasion de son dernier film «Juliette des Esprits» organisé autour de sa femme Giulietta Masina. Il s’est avéré que Fellini n’était pas particulièrement disposé à recevoir les question de Koolhaas. Si bien que toute l’énergie de Koolhaas se concentre dans la description de détails insignifiants et bizarres: l’apparence de Fellini, son bureau dans lequel il corrige une interview pour Playboy, sa manière de traiter les autres personnes notamment son coiffeur. Fellini n’étant pas lui-même disposé à parler, Koolhaas s’entretient avec Giulietta Masina, en ajoutant beaucoup de ragots et de rumeurs les plus fausses comme le fait qu’il avait célébré sa lune de miel avec un appareil dentaire fraîchement installé, de sorte que son zézaiement lui donnait quelque chose d’encore plus vicieux. Dans l’ensemble, Fellini est dépeint comme énigmatique, entouré par des idiots et des parasites, qui curieusement semblent d’après Koolhaas avoir une grande influence sur son travail. Parallèlement à son activité de journaliste, Koolhaas fait partie à cette époque du groupe de cinéastes «1,2,3 Groep» avec Rene Daalder, Ian de Bont, Kees Meyering, et Frans Bromet. Il rejoint aussi le Nederlandse Filmacademie, dirigée de 1968 à 1978 par Anton Koolhaas, son père qui est écrivain, journaliste, dessinateur, auteur de scénari et de fables animalières. Koolhaas participe à la production de film en tant que scénariste et parfois acteur (1,2,3 Rhapsodie, 1964 Body and Soul, 1967 De Blanke Slavin, 1969). Dans Exodus, les images qui représentent les scènes sexuelles des Bains sont tirées du film De Blanke Slavin. Le film est noir, satirique et surréaliste. L’histoire est celle d’un soldat allemand qui revient à Amsterdam après la guerre et se retrouve empêtré avec ses proches et quelques infirmières dans un réseau d’esclavage Tangerin. Le film est paranoïaque, érotique, bizarre et fourmillant d’idées L’architecture est une forme de narration En 1966, lors d’un séminaire à l’Université technique de Delft consacré au cinéma et à l’architecture, Koolhaas rencontre Oorthuys Gerrit, collaborateur de Gerrit Rietveld et professeur d’histoire et féru de constructivisme. Avec lui, va entreprendre un travail de recherche sur Ivan Leonidov. Koolhaas raconte que lors d’un voyage à Moscou

avec Gerrit Oorthuys, il vit un célèbre dessin de La ville verte, sur lequel étaient représentées des petites huttes sur pilotis. L’ensemble du projet est essentiellement composé de milliers de ces huttes. Disposées en longs rubans, chaque individu possède sa hutte, si bien qu’une famille en possède quatre ou cinq. C’est, selon les dires de Koolhaas, la vue de ce dessin qui a renforcé son envie de faire de l’architecture car il comprit que l’architecture était une forme d’écriture de scénario. Il n’est donc pas surprenant que les premiers travaux de Koolhaas soient des projetsrécits. Berlin était par excellence une ville-script. Le clivage Est-Ouest, le mur... C’est sur l’idée d’une ville composée d’un bon et d’un mauvais côté, qui est une situation totalement artificielle, qui est à l’origine de la division de la ville dans Exodus. Le Cabinet d’Architecture Métropolitaine du Dr. Caligari Dans une article du Spiegel, Koolhaas déclare que « dans un scénario, il faut relier différents épisodes les uns aux autres, il faut générer du suspense et assembles les choses par le biais du montage par exemple, et [que] c’est exactement la même chose en architecture». Les architectes aussi doivent faire coexister plusieurs épisodes spatiaux pour réaliser des séquences. Avec Elia et Zoe Zenghelis et Madelon Vriesendorp, Ils constituent le groupe « Dr. Caligari Cabinet of Metropolitan Architecture », embryon d’OMA.Il s’agit d’une référence directe au cinéma expressionniste allemand : Wiene, Das Kabinett des Doktor Caligari. Ils font le postulat repris du cinéma allemand que l’architecture ne constitue plus l’enjeu majeur, mais c’est que c’est la métropole comme globalité qui compte désormais. (6)

Articles liés: buñuel, journalisme, kubrick, métropolis, parcours, radicalisme I, warhol

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, Lili Veenman, «Hij doet altijd dingen die men niet verwacht», Haagse Post, 31 déc. 1965, pp.39-41 [Traduction critique partielle] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_02_2] - Correspondance par mail avec René Daalder [Restitution] • Sources numériques - http://www.architecturefoundation.org.uk/programme/2009/architecture-on-film/the-white-slave-1-2-3-rhapsody [Traduction critique, Commentaire] - http://projects.renedaalder.com/#The-White-Slave [Visionnage, Interprétation paranoïaque-critique]


CONSTRUCTIVISME I - Photographie de la maquette du Lenin Institute

Le Lenin Institute met en rapport une tour, des mâts et une sphère de verre reliés ensemble par des câbles

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«CONSTRUCTIVISME I» (1)

PRISE DE CONSCIENCE QUE L’ARCHITECTURE PEUT ÊTRE NARRATIVE (2)

Architecte: Ivan Leonidov

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Application initiale: Lenin Institute

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Date: ........................ 1927

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ABSTRACTION

Ivan Leonidov est un architecte russe né en 1902 et mort en 1959. En 1921, il entre au Vkhoutemas où le département d’architecture est alors dirigé par Alexandre Vesnine. La Vkhoutemas étaient une école russe fondée en 1920 à Moscou. Les ateliers ont été établis par un décret de Vladimir Lénine avec l’intention, selon les termes du gouvernement soviétique, de préparer les artistes principaux aux qualifications les plus élevées pour l’industrie, et les constructeurs et les directeurs pour l’éducation professionnelle technique. Le Lenin Institute est le projet de diplome d’Ivan Leonidov. Il fait référence au « Centre scientifique collectif de l’URSS », un monument à la suprématie de la science dans la mythologie Marxiste. Ce projet de diplôme est un monument visant à l’accessibilité des connaissances scientifiques par tous les citoyens. Description du projet Dans le numéro 4/5 de 1927 de Construire en URSS, Leonidov fait une description de son projet. La structure du propos rappelle le scénario que Koolhaas rédige pour Exodus. La narration est séquencée en thèmes. Le texte de Leonidov est lui aussi un scénario qui raconte l’histoire de la vie des utilisateurs à l’intérieur du bâtiment. Avant d’entreprendre ses études d’architecture, Koolhaas est journaliste, écrit des scénari et réalise des films. Il trouve chez Leonidov le pendant architectural à son désir de narration. « Intention Répondre aux besoins de la vie contemporaine en exploitant les possibilités ultimes de la technologie. Thème Le Lenin Institute est le centre scientifique collectif de l’URSS. Localisation Faisant partie d’une nouvelle ville sur le Monts Lénine, à Moscou. Elements Une bibliothèque de quinze millions de volumes, cinq salles de lecture d’une capacité de 500 à 1000 personnes, et un Institut des Sciences de la Bibliothèque. Un auditorium d’un capacité de 250 à 4000 personnes, un planétarium, des instituts de recherche dans des disciplines scientifiques distinctes. Mécanisation Bibliothèque: livraison de livres depuis et vers le lecteur à travers un système de tapis roulants verticaux et horizontaux; à la demande du lecteur depuis la salle des catalogues, les livres sont automatiquement livrés en salles de lecture. Auditoria: des murs suspendus mobiles peuvent subdiviser la sphère en un nombre et un type de salle requis. L’ensemble de la sphère peut accueillir 4000 personnes; les groupes plus petits sont logés dans des endroits appropriés. Planétarium: la sphère peut être convertie en planetarium, après la mise en place d’écrans de projection sur la peau intérieure. Le globe joue également le rôle de tribune pour des réunions de masse quand il se divise verticalement en deux parties. L’accès à la salle se fait par un système d’escaliers mécaniques depuis l’intérieur du podium sur lequel elle est arrimée. Instituts de recherche: ces instituts sont reliés à l’auditorium et aux salles de lecture par un certain nombre d’installations: téléphone, radio, etc. De cette manière, l’ensemble du collectif scientifique de l’Institut peut travailler sur un même projet sans pour autant être physiquement situés dans la même zone. Un aerotram relie l’Institut avec le l’aéroport central de Moscou. »



CONSTRUCTIVISME I

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La lecture paranoïaque-critique de Koolhaas Ce projet se compose de deux formes principales: un vaste auditorium de forme sphérique. Il est vitré sur sa moitié supérieure et composé de sièges dans sa moitié inférieure. A côté, la bibliothèque est conçue comme un élément vertical mince. La relation antithétique des deux éléments est la caractéristique la plus importante de la composition. Ce dynamisme spatial est un élément récurent de l’architecture de Leonidov. Or, ce processus de développement du projet fait écho à l’architecture de Koolhaas. Comme chez Leonidov, les éléments acquièrent chez Koolhaas une autonomie formelle autant que structurelle, faisant notamment écho à la dialectique paranoïaque-critique du dur et du mou. Le projet d’inscrit dans une magique de décomposition formelle dans la rencontre des formes hétérogènes. On retrouve cette caractéristique notamment dans les deux tours du Parc des Agressions d’Exodus. Le parcours du projet est une continuité de séquences assemblées à la manière d’un cadavre exquis. C’est du moins la lecture qu’en fait Koolhaas. Il voit ainsi en Leonidov un exemple de la rencontre d’une architecture qui fait écho au cinéma et au surréalisme. L’impact réel de sa conception découle de l’extraordinaire simplicité de ses formes principales. Et cela est d’autant plus frappant que la plupart des autres architectes cherchaient l’expression de la complexité. De plus, il utilise les dernières techniques structurelles d’une manière directe et dramatique. Son projet a été approuvé à l’unanimité à la Vkhutemas. On retrouve là la volonté de Koolhaas de s’affranchir de la figure de l’architecte artiste qui est caractéristique du modernisme. Son mémoire Berlin Wall as Architecture lui a démontré qu’il n’y avait aucun lien de cause a effet entre la forme et le sens. Ses recherches vont donc dans le sens d’une génération automatique de la forme, s’inspirant du radicalisme italien. En outre, on peut voir chez Leonidov la préfiguration de la dimension narrative que Koolhaas allouera à la structure. Exodus n’en est pas vraiment le parfait exemple. Il faut aller chercher dans des travaux plus récent, notamment la Villa Lemoine. Le tirant qui retient la poutre qui elle-même retient le volume des chambres semble être un poteau de 5cm de large. Il devient une surréaliste béquille dalinienne. (6)

Articles liés: constructivisme II, constructivisme III, constructivisme IV, huxley, modernisme I, surréalisme

• Sources imprimées - Ivan Leonidov, «Lenin Institute», Sovremennaya Arkhitektura, n°4-5, 1927

[Traduction, Citation]

- Kenneth Frampton, «Lenin Institute», IAUS Catalogue 8: Ivan Leonidov, éd. Rizzoli, 1981, pp. 32-37 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] - Selim O.Khan-Magomedov, «Pioneers of Soviet Architecture, éd. Thames & Hudson, 1967, pp. 233-234 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique, Combinaison, Collages_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.utopia.ru/english/e_leonidov/e_index.htm [Consultation, Traduction, Explication, Interprétation Paranoïaque-critique]


CONSTRUCTIVISME II - Proposition de May (haut), Proposition de Leonidov (centre et bas)

Magnitogorsk est construite sur le modèle d’une ville moderniste issue de l’idéologie des CIAM

La bande centrale est composée alternativement de logements hauts et bas, bordés sur les deux côtés par des équipements publics.

Perspective linéaire du secteur résidentiel de Magnotogorsk

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«CONSTRUCTIVISME II» (1)

TRADUCTION EN ARCHITECTURE DES NOUVEAUX MODES DE VIE COLLECTIVISTES

soviétiques le ruban à croissance continue et son potentiel d’attraction. Il transformera ce ruban en une architecture offensive qui fait la guerre à Londres et qui la cannibalise.

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Architecte: Ivan Leonidov

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Application initiale: Magnitogorsk, Oural

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Date: ........................ 1930

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ABSTRACTION

Magnitogorsk de Leonidov Dans Magnitogorsk, la population est subdivisée en petits groupes. Chaque maison commune est conçue pour accueillir seize personnes, tandis que des groupes de huit de ces maisons formaient un quartier de 128 personnes. Des pièces individuelles sont conçues pour dormir, travailler et se détendre, et des parties communes pour l’hygiène, le loisirs et les repas. Immédiatement dans l’environnement alentour, on trouve les services suivants: crèches, jardin d’enfants, club central d’activités culturelles, cinéma, salle de réunion / auditorium et terrains pour la culture physique et les manifestations de masse. Koolhaas retient le fait que l’objectif premier de Leonidov soit d’abord l’établissement d’un nouveau concept social, et ensuite, sa traduction en architecture. En particulier, Koolhaas est sensible au fait qu’il ne s’agisse pas d’un nouveau concept social ex-nihilo, mais qu’il soit issu d’une observation des nouvelles pratiques sociales. La construction des secteurs est conçue pour une occupation progressive du territoire. Leonidov montre une version du projet dans laquelle certains secteurs sont encore en partie consacrés à l’horticulture. Le cannibalisme du Strip de Leonidov, lui même inspiré des villes des dé-urbanistes, est réutilisé par Koolhaas. Il est manipulé et réinterprété pour devenir à l’extrémité du Strip le lieu de la bataille que livre Exodus à la vielle ville de Londres.

En 1930, l’état soviétique lance un concours pour la ville nouvelle de magnitogorsk. Elle doit être construite en même temps que le Combinat métallurgique de Magnitogorsk, la plus grande usine sidérurgique du monde. Ce complexe est né en vue de développer rapidement, dans les années 1930, l’infrastructure industrielle soviétique dans le cadre des plans quinquennaux. D’énormes réserves de minerai de fer dans la région en firent un endroit de choix pour y construire une usine sidérurgique qui pourrait rivaliser avec les usines occidentales. Leonidov participe au concours avec un groupe d’étudiants de la Vkhoutemas. Ironie du sort, il est remporté par un groupe d’architectes modernistes Allemands présidé par Ernst May. Leonidov ne s’était jamais essayé à la planification de nouveaux morceaux de ville ou même à la conception de logements avant 1929. A cette date en Russie, le débat architectural dans ce domaine était dominé par une controverse entre « urbanistes » et « dé-urbanistes ». Les projets gigantesques des urbanistes Les urbanistes proposaient des îlots urbains gigantesques, pouvant chacun accueillir plus de mille habitants. Ces combinats super-collectivisés devaient être équipés d’installations telles que crèches, gymnases, salles de sport, et même avec des cafétérias où la nourriture devait être distribuée sur des tapis roulants. En raison du nombre et de la densité des populations qui devaient être logées, la principale préoccupation était celle de l’efficacité et conduit de ce fait à des blocs communaux où la qualité de vie était complètement éclipsée pour des raisons économiques. Le projet de super-collectivisation de Sabsovitch organisait la vie quotidienne sur le modèle militaire. Même les minutes étaient rationnées selon un calendrier quotidien, comme si le temps lui-même était devenu une denrée rare. De tels projets présupposaient souvent un niveau de sophistication urbain totalement inexistant chez les habitants de l’époque. Koolhaas fait référence à ce projet dans l’avant-dernière phrase du scénario d’Exodus : « Le Temps n’existe plus ». L’alternative dé-urbaniste L’alternative dé-urbaniste extrême était un ruban continu de cabanes individuelles déroulé à travers la campagne vierge, rythmé à intervalles réguliers d’équipements publics. Ce système linéaire était supposé dissoudre comme par magie les villes existantes partout où il les rencontrerait. Bien que la taille déshumanisante de la première solution était totalement inacceptable, la dispersion et la sous-densification extrême de la seconde aurait évidemment condamné ses habitants à un niveau d’isolement « anti-social ». Koolhaas retiendra des dé-urbanistes

Le combinat rationaliste de Magnitogorks apparaît dans le collage des Lots de Koolhaas. Il symbolise l’étouffement des travailleurs. C’est également un clin d’oeil ironique à l’affrontement de deux idéologies: l’influence constructiviste de Exodus face au modernisme de la ville de Londres issue de la révolution industrielle. C’est une manière de venger Leonidov rétroactivement quant au résultat du concours de la ville nouvelle de Manitogorsk. (6)

Articles liés: cinéma, constructivisme, constructivisme I, constructivisme II, constructivisme IV, radicalisme I

• Etudes Critiques - Kenneth Frampton, «Magnitogorsk», IAUS Catalogue 8: Ivan Leonidov, éd. Rizzoli, 1981, pp. 68-79 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] - Selim O.Khan-Magomedov, «Pioneers of Soviet Architecture, éd. Thames & Hudson, 1967, pp. 271-340 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique, Combinaison, Collages_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.utopia.ru/english/e_leonidov/e_index.htm [Consultation, Traduction, Explication, Interprétation Paranoïaque-critique] - http://fr.wikipedia.org/wiki/Magnitogorsk

[Commentaire, Explication]


CONSTRUCTIVISME III - Maquette et croquis du Dom Narkomtjazjprom

Photographie de la maquette montrant les trois tours : une a plan carré, une a plan triangulaire (cachées par les deux premières), et une a plan rond

Dessin d’Ivan Leonidov montrant le projet avec la cathédrale St-Basile en premier plan

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«CONSTRUCTIVISME III» (1)

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Architecte: Ivan Leonidov

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Application initiale: Dom Narkomtjazjprom

En 1966, lors d’un séminaire à l’Université technique de Delft, consacré au cinéma et à l’architecture, Koolhaas rencontre Oorthuys Gerrit, collaborateur de Gerrit Rietveld et professeur d’histoire féru de constructivisme. Avec lui, va entreprendre un travail de recherche sur Ivan Leonidov qui est l’une des figures les plus énigmatiques de la période héroïque de l’architecture soviétique. Cet article est un extrait du livre L’architecture d’Ivan Leonidov. Il a été écrit par Koolhaas et Oortuys mais n’a jamais été publié.

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Date: ........................ 1974

INFLUENCE DU CARACTÈRE LÉGENDAIRE DE L’HISTOIRE, DES INVESTIGATIONS PROGRAMMATIQUES ET DE L’HÉDONISME

ABSTRACTION

Le contexte du concours Le parrainage architectural officiel avec le Modernisme, longtemps apprécié des Constructivistes allait peu à peu être délaissé, au profit d’un amalgame politisé de Classicisme et de Folklore, selon la doctrine du Réalisme Socialiste. C’est dans cette situation que le gouvernement soviétique organisa en 1933 un concours pour les Dom Narkomtjazjprom, le siège du ministère de l’industrie lourde, au centre de toutes les activités de planification de l’Union soviétique. Il devait être construit sur la Place Rouge dans une tentative évidente d’intégrer dans un monument architectural à la puissance de l’Etat soviétique la gloire du passé et le symbole physique de la sensibilité russe. Le parti du projet Dans l’extrait de leur livre publié dans la revue Opposition n°2, Koolhaas et Oorthuys cite un commentaire de Leonidov lui-même : « Jusqu’à présent, le Kremlin et la cathédrale Saint-Basile ont été le centre architectural de Moscou. De toute évidence, l’érection d’un nouveau et énorme complexe sur la Place Rouge aura une incidence sur le statut des monuments qui constituent ce centre. Je pense que l’architecture du Kremlin et de la cathédrale Saint-Basile devront être subordonnée à la Dom Narkomtjazjprom, et que le nouveau bâtiment devra occuper une position centrale dans la ville. L’architecture de la Place Rouge et du Kremlin constitue une musique subtile et majestueuse. Introduire à cette symphonie de nouveaux instruments, d’une échelle si colossale et d’une telle intensité n’est autorisé que si ces instruments dominent et dépassent tous les autres objets de cette composition architecturale. Non pas pompeux, non pas mensongers du point de vue de la forme et des détails – au contraire. Les mots d’ordres seront la simplicité, la gravité, le dynamisme équilibré et la massivité. Ce sont eux qui devront déterminer la conception du Dom Narkonstjazjprom. Dans la composition, les éléments historiques devront être subordonnés à l’objet dominant à travers le principe du contraste artistique » Description de Dom Narkomtjazprom Le projet est composé de trois gratte-ciel. Un rectangulaire, un triangulaire, et un cylindrique. Ils se distinguent par leur hauteur et leur texture. Ils prennent place sur un podium qui définit le nouveau front de la place rouge qui comporte maintenant deux niveaux. La différence de niveau génère automatiquement des gradins qui servent au visionnage lors des rassemblements et des grands défilés. Sous ce socle, Leonidov injecte des programmes publics: garderies, bibliothèques etc. L’hédonisme: élément transversal de l’oeuvre de Leonidov Toute son oeuvre, tant ses premiers travaux que ceux plus tardifs est empreinte d’hédonisme. Il est l’élément transversal de son œuvre, le plaçant en dehors du courant dominant de l’architecture moderne.



CONSTRUCTIVISME III

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Il se manifeste de manière programmatique dans ses premiers projets sous forme de petites unités de vie dans lesquelles les travailleurs prenaient leur café au lait (les clubs de travailleurs). D’une certaine manière, Dom Narkomtjazjprom est généré par l’hédoniste du programme. Le projet met en application les passions humaines. Et c’est exactement ce que fait, à sa manière, Koolhaas dans Exodus. Le projet est une mise en forme des nouvelles pratiques sociales spontanées, indépendamment de toute morale. Inventions programmatiques, et recherches formelles Les motivations de Leonidov étaient doubles: inventions programmatiques d’un côté et recherches formelles de l’autre ; on peut citer comme exemples ses clubs ouvriers, ses immeubles de bureaux, son Memorial de Columbus, son Palais de la Culture et de sa ville linéaire, Magnitogorsk. Koolhaas fera de l’invention programmatique un outil de projet essentiel. Les scénari architecturaux font écho à sa passion première pour le cinéma. Transformation de l’histoire en légende Le projet Dom Narkomtjazjprom suggère que Leonidov était en accord avec certaines controverses du modernisme, en particulier son rapport au contexte historique et physique d’un lieu. Tout comme Koolhaas le fera avec le modernisme et toutes les avant-gardes qu’il manipule en particulier dans Exodus, Leonidov en modifie le dogme original et l’investit d’alternatives. Il répond aux particularités du Kremlin en équipant son immeuble non pas de citations littérales, mais d’une catégorie originale d’«éléments équivalents»: la trame tridimensionnelle de pierres, les flèches en acier inoxydable, les champignons dorés, l’hyperboloïde si bien qu’à n’importe quel autre endroit, ce bâtiment aurait été ridicule. C’est un romancier qui écrit une histoire à travers ses bâtiments. Comme Koolhaas, Leonidov abandonne le traditionnel rapport nostalgique à l’histoire. Il inscrit l’architecture dans une continuité par un usage narratif et hédoniste de l’architecture. Il transforme l’histoire en légende. (6)

Articles liés: cinéma, constructivisme, constructivisme I, constructivisme II, constructivisme IV, modernisme I, modernisme II, post-modernisme

• Sources imprimées - Ivan Leonidov, «The competition for the Dom Narkomtjazjprom, Moscow», Arkhitektur SSSR, n°10, 1934, p. 4 [Traduction, Interprétation paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Rem Koolhaas, Gerrit Oorthuys, «Ivan Leonidov’s Dom Narkomtjazjprom, Moscow», Opposition, n°2, IAUS, éd. Rizzoli, 1973, pp. 95-103 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique_#03_04_16] - Kenneth Frampton, «Dom Narkomtjazjprom», IAUS Catalogue 8: Ivan Leonidov, éd. Rizzoli, 1981, pp. 86-93 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique, Combinaison, Collages_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.utopia.ru/english/e_leonidov/e_index.htm [Consultation, Traduction, Explication, Interprétation Paranoïaque-critique]


CONSTRUCTIVISME IV - Photographies du Planétarium de Moscou

Photographie du chantier de la couple. Couverture de la structure par des plaques de zinc.

Élévation de la tour Shukhov de 1919 de l’architecte Vladimir Choukhov. Elle transmet des ondes radiophoniques.

L’entrée du planétarium en 1930

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«CONSTRUCTIVISME IV» (1)

APPRÉCIATION DU CARACTÈRE UTOPIQUE DE LA MÉTHODE DE CONSTRUCTION DU PLANÉTARIUM ET DE LA TOUR CHUKHOV DE MOSCOU (2)

Architectes: Mikhail Barsch et Mikhail Syniavski (Planétarium), Vladimir Choukhov (Tour) (3)

Techniques initiales: Coque mince de béton (Planétarium) et structure hyperboloïde filaire (Tour) (4)

Date: ........................ 1929 et 1920

(5)

ABSTRACTION

En 1966, lors d’un séminaire à l’Université technique de Delft, consacré au cinéma et à l’architecture, Koolhaas rencontre Oorthuys Gerrit. Avec lui, va entreprendre un travail de recherche sur Ivan Leonidov. Les deux hommes entreprendront plusieurs voyages à Moscou afin de reconstituer l’histoire d’Ivan Leonidov. Dans son livre Content publié chez Taschen en 2004, Koolhaas publie un petit texte dans lequel il raconte la visite de quelques-uns des bâtiments qui représentent un grand intérêt pour lui. L’un d’eux est le planétarium de Moscou. La coupole du planétarium se compose de 7,992 tiges d’acier de 22 x 8 millimètres d’épaisseur et de 60 mètres de long, reliées entre elles par des tendeurs. 6 cm de béton sont projetés sur les aciers, puis recouverts à l’extérieur par 5 cm de tourbe pour isoler. Deux films étanches en caoutchouc sont appliqués, avant le bardage final en zinc. La coupole a une épaisseur de 12 centimètres d’épaisseur au niveau des appuis inférieurs, et de 8 centimètres sur le dessus, Elle mesure 27 mètres de diamètre. L’écran de projection sphérique est fixé à un filet métallique. Le projecteur original avait une portée de 26 mètres. À l’époque, la technique de construction du planétarium était aussi sophistiquée que le projecteur lui même.

La visite de Rem Koolhaas « Le planétarium de Moscou était l’un des chefs-d’œuvre que nous devions voir. Une des raisons: sa construction expérimentale. Son dôme est une coque mince de béton, comme si, pour une fois, la méthode de construction elle-même était utopique. A l’intérieur de ce dôme se trouvait une machine allemande, qui [...] projetait les corps célestes sur la coque mince avec une certitude égale à celle dont le monde traversait les événements de l’histoire. Le planétarium prenait également place dans le parc, certes fermé, mais sur le point d’être rénové. Il faisait déjà nuit, mais nous avons quand même pu le visiter. Un petit groupe nous attendait. Parmi eux se trouvait l’architecte en charge de la reconversion. Il semblait être âgé de 80 ou de 90 ans. Il paraissait cependant en très bonne forme, comme s’il avait bénéficié des mêmes procédés d’embaumement que Lénine. Il portait sous son bras un traditionnel portfolio. Nous avons essayé de rentrer dans l’ancienne structure. Il n’y avait pas de lumière. Personne ne savait où se trouvait l’entrée. Soudain apparut le « gardien ». Est-ce que tous les bâtiments ont un homologue humain ? Il nous laissa seuls à l’intérieur. Le dôme était encore sombre. Nous « voyons » avec nos oreilles, pendant que nos pieds écrasaient des flocons tombés du plafond. Soudain, la lumière s’alluma. Le projecteur allemand était toujours au centre, comme une fourmi géante. Il serait bientôt entièrement remplacé, ... une autre expérience ». « Dans la lumière crue, l’architecte embaumé dévoila ce qu’il avait conçu pour la réhabilitation: l’ensemble du planétarium serait rehaussé de sept mètres; chaque poteau serait levé individuellement, et leur mouvement coordonné par ordinateur pour ne pas casser la coque mince... Un tout nouveau socle serait construit comme un podium sous un oeuf de petite taille. Dans la boutique du musée, des restaurants, un centre de réunion, un centre de formation et tout l’attirail de l’économie de marché. Enfin, la route d’accès partant de l’ancienne porte serait élargie, et une rampe brésilienne flamboyante



CONSTRUCTIVISME IV

acheminerait les personnes directement en voiture. Le toit du socle sert de parking ». Une méthode de construction utopique La construction du planétarium eut lieu dans un pays à faibles ressources et symbolise la conquête de l’espace et le saut du Pays des Soviets au rang des pays développés. Le bâtiment constructiviste est conçu comme un complexe éducatif lié au zoo, au musée des sciences naturelles et de la bibliothèque. Une des raisons pour lesquelles Koolhaas donne de l’intérêt au planétarium moscovite est sa construction expérimentale. Son dôme est une coque mince de béton, comme si, pour une fois, la méthode de construction elle-même était utopique. Il s’agit d’un voile mince de béton de quelques centimètres. Dans le schéma initial de Mikhail Barsch et Mikhail Sinyavsky, le dôme hémisphérique externe en béton armé suit le profil du ciel projeté par un projecteur allemand. Cette technique de voile mince fait écho au fait que dans les années 1970, Koolhaas prône un retour à l’architecture. Il s’oppose aux dessins hypertechnologiques d’Archigram. La monumentalité quasi-classique d’Exodus est une réaction au contexte anti-architectural de l’AA. Le planétarium est une forme d’hétérotopie, une utopie réalisée. C’est en 1929, un bâtiment à high-tech, à la pointe de la technologie; pour autant, il s’agit bel et bien d’architecture. Les deux architectes constructivistes ont trouvé, contrairement à Archigram, des techniques de construction en phase avec l’hypertechnologie de l’époque. Enfin, Koolhaas trouve dans la figure de l’oeuf du planétarium la matérialisation de la figure surréaliste de l’oeuf dalinien. Pour Dali, l’oeuf est le symbole chrétien de la résurrection du Christ et l’emblème de la pureté et de la perfection. L’œuf évoque par son aspect une symbolique chère à Dalí, celle de la vie antérieure, intra-utérine et de la re-naissance.

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ondes provenant de la vieille Londres. (6)

Articles liés: archigram, constructivisme I, constructivisme, II, constructivisme III, modernisme I, modernisme II, situationnisme II, surréalisme, vide

La friction de deux idéologies Dans la deuxième partie du texte, Koolhaas change de ton. De la pénombre, on passe à la lumière crue, ne laissant aucune place au mystère et au doute. C’est la rencontre de deux idéologies: le rationalisme se glisse sous le constructivisme. Alors que le planétarium avait été conçu pour satisfaire une visite hédoniste à l’image des clubs ouvriers constructivistes, le nouveau socle moderniste est régi par une logique de flux, au service de l’économie de marché. Pour autant, le propos de Koolhaas n’est pas nostalgique. L’objectif de ce deuxième paragraphe n’est pas de dire « C’est dommage ». Koolhaas rejette le rationalisme moderniste mais s’intéresse aux courbes hédonistes de Niemeyer auxquelles il fait écho en parlant de « rampe brésilienne flamboyante ». C’est un simple compte rendu de la friction idéologique. La Tour-antenne de Vladimir Choukhov La tour Choukhov est située à Moscou. Elle fut construite par Vladimir Choukhov entre 1920 et 1922. Elle sert à l’origine de tour de transmission pour la compagnie de radiodiffusion russe. Son armature est légère, en fil de fer tissés. L’attention de Koolhaas est retenue par deux caractéristiques majeures. Premièrement, les vides l’emportant sur les pleins, faisant ainsi écho à ses recherches de 1970 sur les enseignements du mur de Berlin : une démonstration de la capacité fonctionnelle du vide. Deuxièmement, la méthode de construction est unique au monde. C’est le seul pylône hyperboloïde qui n’ait jamais existé. Comme pour le planétarium, cette technique fait écho au fait que dans les années 1970, Koolhaas prône un retour à l’architecture. Il s’oppose aux dessins hypertechnologiques d’Archigram. Cette tour symbolise la technologie; pour autant, les constructivistes ont franchi le cap du dessin pour leur donner corps et matérialité. Dans le dessin de la Zone Centrale, la tour devient une tour brouilleuse d’onde ! C’est un retournement de situation typiquement koolhaassien. Il fait dire à la tour tout le contraire de ce qu’elle représente en réalité. Il injecte dans le corps de l’édifice de Choukhov l’idéologie situationniste de Guy Debord. La tour protège les habitants du Strip des

• Etudes Critiques - Rem Koolhaas, Content, éd. Taschen, 2004, pp. 393-395 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] - Anke Zalivako, «A Critique of the Preservation of Moscow’s Planetarium», Future Anterior, vol.5, n°1, 2008, pp. 38-50 [Traduction, Commentaire, Interprétation paranoïaque-critique] • Sources numériques - http://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_Choukhov

[Commentaire critique]


EAU - Cygnes reflétant des éléphants et La métamorphose de Narcisse

Trois cygnes sur une mare devant des arbres se reflètent dans l’eau. Suivant le point de vue adopté, les reflets des cygnes peuvent être interprétés comme des éléphants, les têtes et les cous des cygnes forment les trompes des éléphants, leurs ailes en partie déployées les oreilles et le reflet des arbres forment les corps des pachydermes.

Outre l’illusion d’optique créant l’image double des cygnes-éléphants, Dali joue du contraste entre la grâce du cygne et le poids de l’éléphant et entre le calme de l’eau et la paysage tourmenté qui l’entoure.

S’inspirant du mythe de Narcisse, mis en vers par Ovide dans ses Métamorphoses, il invoque la tradition classique pour mettre sa mythologie personnelle en abîme. Le narcissisme du peintre est ici au cœur du sujet. Le personnage de pierre qui observe son reflet dans l’eau se reflète également dans la figure de droite, représentant une main qui tient un œuf. Or, l’image de la main, organe du peintre et objet

de son narcissisme, se confond avec celle de narcisse. L’artiste évoque ces moments où. Paradoxalement, et bien que la main soit envahie par les fourmis, l’œuf qu’elle porte au ciel donne naissance à un narcisse, annonçant une renaissance qui a peut-être lieu dans l’œuvre même. L’OMA, en hommage à Dali, choisit comme symbole de leur travail un oeuf duquel naît non pas une narcisse, mais un building new-yorkais.

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«EAU» (1)

INCARNATION DE LA DIALECTIQUE DUR/ MOU ET TERRAIN D’EXPÉRIMENTATION DE L’IMAGE DOUBLE (2)

Artiste: Salvador Dali

(3)

Application initiale: Les cygnes reflétant les éléphants, La métamorphose de Narcisse (4)

Date: ........................ 1937, 1936-1937

(5)

ABSTRACTION

L’importance de l’eau et de la méthode paranoïaque-critique pour Koolhaas le conduira également à l’écriture du mythe de la Floatting Swimming Pool: un bassin d’eau propre au milieu de l’eau sale, de l’eau qui flotte. Le dur et le mou Dans un numéro spécial de Architectural Design consacré au surréalisme, Dalibor Vesely écrit que : « La fluidité de l’eau, qui est aussi la fluidité du désir, s’oppose à la solidité de la matière. C’est une obsession permanente des surréalistes ». Dans le contexte de l’AA où il enseignait, il contribua fortement à l’introduction du surréalisme comme méthode visant à régénérer la réalité, une méthode capable de créer un « nouveau mythe », une alternative aux projets visionnaires d’Archigram. L’eau incarne la dialectique paranoïaque-critique du dur et du mou qui sera reprise plus tard dans l’Opéra de Cardiff. Le reflet La méthode picturale instaurée par Dali permet d’accentuer le phénomène paranoïaque de l’image en créant une image double, voire une image double de l’image double. «La double image peut être prolongée, continuant la progression paranoïaque, soutient Dali, et la présence d’une autre idée dominante suffit alors pour qu’une troisième image apparaisse et ainsi de suite, jusqu’à ce que le nombre d’images ne soit limité que par le degré paranoïaque de l’esprit». Ce jeu issu de l’activité paranoïaque-critique va s’approfondir et se compliquer avec l’instrument du miroir, pour devenir un principe de métamorphose, par exemple, dans les deux tableaux Les cygnes reflétant les éléphants et La Métamorphose de Narcisse. Le miroir que constitue l’eau, n’est plus le reflet de l’identité, il permet au contraire le jeu de l’image double, preuve que l’identité est un leurre, une illusion dangereuse et artificialisante. L’intérêt de La Métamorphose de Narcisse est de poser l’image double, la métamorphose comme réversible, face au phénomène du reflet et même du double reflet du corps de Narcisse dans l’eau et reflet de Narcisse sur terre. (6)

Articles liés: surréalisme, modernisme I

• Sources imprimées - Dalibor Vesely, «Surrealism & architecture introduced by Dalibor Vesely: surrealism, myth & modernity.», Architectural Design, vol.48, n°2-3, p.88 [Traduction partielle, citation, interprétation] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Commentaire critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://fr.wikipedia.org/wiki/Cygnes_reflétant_des_éléphants [Collage, Commentaire] - http://médiation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-dali/

[Commentaire critique, Transformation]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«EVANS» (1)

CONSÉQUENCES SPATIALES DE L’EXCÈS D’INFORMATION ET DE LA MÉDIATISATION (2)

Auteur: Robin Evans

(3)

Application initiale: The Rights to Retreat and the Rites of Exclusion (4)

Date: ........................ 1967

(5)

ABSTRACTION

sont souvent ambivalentes, visant à la fois à échapper à l’influence de la communication avec la société, et à la fois à ce qu’elle nous prenne en considération. » L’acte d’exclusion ou de retraite n’est pas seulement répressif; quelque chose doit remplacer ce qui a été enlevé. Il souligne alors la façon dont nous construisons des murs pour bloquer le monde extérieur et la façon dont nous y accrochons des tableaux en guise de substitut plus souhaitable. (6)

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Selon Koolhaas, les Lots sont l’endroit idéal pour se remettre d’un collectivisme intense. Là, il n’y a aucun média et les un terrain privé destiné à la culture est attribué à chaque prisonnier volontaire. Isolement et Exclusion Dans son essai « The Rights to Retreat and the Rites of Exclusion: Notes Towards the Definition of Wall », Evans discute la définition des mots Exclusion et Retraite. La retraite implique la solitude (figure de l’ermite), alors que l’exclusion est limitée à l’acte de rejet du chaos et des conditions indésirables dans n’importe quel environnement. Evans explique que pour lui, l’homme cherche à s’exclure du chaos que constitue l’excès d’informations. L’immersion dans les média et l’information peut éclairer et informer; mais le plus souvent, elle conduit à la confusion et à la déconstruction de l’individu. Exodus fait clairement écho à cette thèse. Tout l’apport des médias et des traces de consommation sont strictement bloqués hors de Lots et l’existence de la tour brouilleuse d’ondes rejette toutes les formes de communication sans fil hors du Strip. Réponse psychologique: l’aphasie sensorielle L’essai est une « chronique de quelques incidents de l’histoire de l’environnement humain dans la guerre qu’il livre à l’encontre de l’information ». Il traite aussi de la façon étrange dont « les êtres humains rendent leur monde habitable en circonscrivant et en oubliant certaines parties qui le heurtent. ». Evans cite l’histoire d’un homme « hermétique » et du trouble dont il souffre, appelé « Aphasie sensorielle ». Il se manifeste par le fait qu’un patient ne peut pas apprendre certaines catégories de mots. Evans décrit cet ermite en disant que son espace de vie, entièrement fermé et contrôlé « fait écho, reflète et renforce sa sensibilité particulière et le conforte dans son mode de vie ». L’expression « le conforte » est particulièrement révélatrice de la façon dont son comportement hermétique est destiné à assurer sa sécurité psychologique et à protéger son ego et son l’identité de l’information et des stimuli du monde extérieur qui pourrait le bouleverser. Réponse spatiale: l’enfermement Evans continue en racontant l’histoire de personnes ou de sociétés qui ont « abordé cette difficulté en manipulant le monde extérieur ». Il souligne la manière dont certaines structures sont essentielles pour la retraite sur soi, comme les monastères, et dans le cas de l’enfermement et de l’exclusion désirée, les prisons. C’est pour cette raison que certains monastères ont facilement été convertis en prisons. Evans dit: « Voilà l’esprit de nos petites palissades de réflexion; elles

• Sources imprimées - AA prospectus, AA Publications, Londres, 1968-1976

[Interprétation critique]

- Robin Evans, «The Rights to Retreat and the Rites of Exclusion», Translations from Drawing to Building, MIT Press, 1997 [Traduction, Explication, Commentaire, Interprétation Paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Commentaire, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11]


FOURIERISME - Photographies d’une application du phalanstère de Fourier

Fête de l’enfance dans le Familistère de Guise

Le jardin d’enfant du Familistère

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«FOURIERISME» (1)

« FACILITER LES RELATIONS INTERINDIVIDUELLES POUR PERMETTRE LE DÉPLOIEMENT DES EFFETS DE L’ATTRACTION PASSIONNÉE » (2)

Inventeur: Charles Fourier

(3)

Application initiale: Le phalanstère

(4)

Date: ........................ 1822

(5)

ABSTRACTION

Au XVIIe siècle, la rencontre de l’art militaire, de l’urbanisme et de l’utopie entraîne l’émergence de nombreuses utopies architecturales. En particulier, le phalanstère de Fourier s’attache à repenser avec précision une nouvelle manière d’habiter. De l’Attraction Passionnée au Phalanstère Sa théorie de l’Attraction Passionnée fait cette thèse que l’univers est en relation avec les passions humaines. Fourrier déclare possible de s’informer des situations passionnelles humaines en observant les animaux et les plantes terrestres, et en appliquant à ces observations un raisonnement analogique. Il classe les hommes et les femmes en 810 catégories, qui correspondent à autant de passions, sous-passions, sous-sous-passions différentes. Sur cette base de 1 620 caractères qu’il appelle phalanges, il projette l’organisation des phalanstères, néologisme fourieriste à partir du radical phalange, et du suffixe emprunté à monastère. Chaque personne au sein du phalanstère œuvre selon ses affinités, tout en accordant une place particulière à l’agriculture, ainsi qu’aux arts et aux sciences. Il pose ainsi les premières bases d’une réflexion critique portant sur la société industrielle naissante. Un phalanstère est un ensemble de bâtiments à usage communautaire qui se forme par la libre association et par l’accord affectueux de leurs membres. Le phalanstère est une sorte d’exploitation agricole avec des bâtisses pour le logement et l’amusement, pouvant accueillir 400 familles au milieu d’un domaine de 400 hectares où l’on cultive les fruits et les fleurs. Les prisonniers volontaires du Phalanstère Fourier utilise des termes appartenant au champ lexical de la perception visuelle, adoptant ainsi pour décrire le Phalanstère le «point de vue» d’un visiteur qui contemplerait les «scènes» et les «tableaux» offerts à son regard, tirant nombre de ses caractéristiques organisationnelles et architecturales du fait que le bâtiment soit conçu pour être montré comme un spectacle. Il y a cependant une forte tension entre la volonté de donner le Phalanstère en spectacle et celle de l’isoler de la Civilisation qui l’entoure. Ainsi, le Phalanstère devra effectivement être «peu éloigné d’une grande ville, mais assez pour éviter les importuns» : d’un côté donc, il est ouvert aux curieux ; mais de l’autre il doit se protéger «de la contagion des moeurs civilisées», et tenir ses visiteurs «consignés en quarantaine morale». Ceux-ci seront alors accueillis soit dans un «caravansérail» situé à l’extrémité de l’aile gauche du bâtiment principal, soit dans un «camp cellulaire» situé à la frise du Phalanstère,

au-dessus du dernier étage, c’est-à-dire à un dispositif matériel qui permet à la fois d’observer l’expérience et de la préserver d’interactions parasites avec le milieu ambiant. La filiation avec Exodus est frappante. Fourier propose en 1822 le scénario hédoniste racontant l’histoire de prisonniers volontaires qui trouveront un écho direct 150 ans plus tard dans le projet de Koolhaas. Un projet d’architecture Le Phalanstère est une « idée exemplaire » : il est à la fois idée et pratique, il est à la fois pensée, et réalisation de la pensée dans l’espace. En 1848, les idées de Fourier conduisent à l’hypothèse par la suite avortée de la création d’un Ministère du Progrès et de l’Expérience. L’une des expérience fouriériste des plus manifestes est celle du «Familistère» créé par Jean-Baptiste Godin à Guise. Le Phalanstère fait donc écho à la volonté koolhaasienne d’architecture: une contre-utopie et toute projection dans l’avenir doit se manifester par un projet d’architecture. Zenghelis et Koolhaas soulignent le fait qu’Exodus était une réaction à ce qu’ils perçurent à l’époque comme une interdiction d’architecture, en particulier d’architecture moderne dans le contexte hypertechnologique de l’AA dont la ligne directrice est celle d’Archigram. (6)

Articles liés: constructivisme II, evans, hétérotopie, prisonniers volontaires, surréalisme

• Sources imprimées - Charles Fourier, Le nouveau monde industriel et sociétaire, éd. Flammarion, Paris, 1973 [Explication critique, Interprétation paranoïaque-critique] - Charles Fourier, Théorie de l’unité universelle, éd. Les presses du réel, Paris, 2001 [Commentaire critique, Interprétation paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Franzisca Bollerey, «The 60’s Revisited», in Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Martin van Schaik et Otakar Mácel, Prestel, 2005, pp.6-7 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_12] • Sources numériques - http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article328

[Restitution, Interprétation paranoïaque-critique]


GÉNÉTIQUE - Couverture de TIME du 19 avril 1971

Le séquençage de l’ADN a été inventé dans la deuxième moitié des années 1970. Cette découverte a donné lieu à des avancées considérables dans le domaine de la médecine, déclanchant par le même une série d’intérogations, notamment d’ordre moral et éthique.

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«GÉNÉTIQUE» (1)

LES PROMESSES ET LES DANGERS DE LA GÉNÉTIQUE : «MAN INTO SUPERMAN» (2)

Journaliste: -

(3)

Application initiale: Time magazine

(4)

Date: ........................ 19 avril 1971

(5)

ABSTRACTION

Au début des années 60, grâce à l’expérience de Hertschey et Chase, des biologistes moléculaires découvrent et « craquent » le code génétique. Ce code génétique est universel, et a permis de grands progrès en médecine et en biologique moléculaire. «L’Institut des Transactions Biologiques» fait écho à cette nouvelle orientation de la médecine. Dans le scénario, on peut lire que l’Institut «démontre également le caractère inoffensif de la mortalité», faisant écho aux premières interrogations concernant les manipulations génétiques liées à l’allongement de la durée de la vie. Un article de Time magazine (#03_04_17) de 1971 permet de comprendre le contexte éthique de la révolution scientifique à l’oeuvre à l’heure du projet de Koolhaas et Zenghelis. Le dilemme éthique de la génétique Les progrès de la médecine représentent un progrès considérable: ils assurent la survie et la reproduction à ceux dont les handicaps physiques et mentaux sont d’origine génétique. Mais, si ces nouvelles pratiques représentent d’un côté un progrès, elle génèrent également une série de questions éthiques. La conséquence inquiétante est qu’un pourcentage de la population de plus en plus grand héritera de ces maladies. En permettant aux faibles et aux mal-formés de vivre et d’avoir une descendance, l’humanité se confronte à un crépuscule génétique. Pour autant, laisser mourir ou souffrir alors qu’il est possible de sauver ou d’aider, engendrera à coup sur un crépuscule moral. De la science fiction à la science «tout court» Les progrès de la génétique pourraient bien conduire l’homme à une agonie morale. L’homme se rapproche petit à petit du légendaire Docteur Faust par ses nouvelles pratiques génétiques, comme le développement d’utérus artificiels ou la synthèse de molécules souches pour créer la vie artificiellement. La légende veut que le docteur Faust ait obtenu le pouvoir de créer la vie en vendant son âme au diable. L’homme aurait-il fait de même ? (6)

Articles liés: huxley • Sources imprimées - «The new Genetics: Man into Superman», TIME magazine, Monday 19th April 1971 [Traduction critique retravaillée_03_04_17] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«GRILLE» (1)

LA GRILLE CONSTITUE UN «SYSTEME DE SOLITUDES» BASÉE SUR LA FRICTION IDÉOLOGIQUE (2)

Inventeur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: La Ville du Globe Captif

(4)

Date: ........................ 1973

(5)

ABSTRACTION

Selon un expression de Koolhaas et Ungers de 1977, « La grille, ou toute autre subdivision du territoire métropolitain en un maximum d’entités décrit un archipel de ‘villes dans la ville’». Plus ces «îles» arborent des valeurs différentes, plus l’unité de l’archipel en tant que système est renforcé. Parce le «changement» est intrinsèquement contenu dans «l’île», un tel système n’aura jamais à être révisé. Dans le texte de La Ville du Globe Captif, Koolhaas écrit que «la grille est le secret capital de Manhattan, décrivant une ville de 1500 «lieux» identiques, tous indissociables les uns des autres, et comptant donc sur l’architecture pyrotechnique pour se distinguer les uns des autres et établir leur identité.» Ce modèle implique que des valeurs différentes sont célébrées sur chaque île, avec leurs propres lois, leurs conventions, leur «folklore», tout en ayant la certitude rassurante que l’unité de l’archipel ne peut être exprimée et renforcée que par le maximum d’hétérogénéité entre les îles qui le composent. Dans un tel « système de solitudes », chaque gratte-ciel devient le phare de son île, et tente d’attirer le public métropolitain dans son port intérieur. Cette métaphore a parfois été réalisée littéralement: de nombreux gratte-ciel ont été équipés de projecteurs, provoquant une totale cacophonie de destinations. Avec l’avènement du zeppelin, ces balises servaient à orienter et à capturer les dirigeables colossaux. La concrétisation définitive de la métaphore. La grille intéresse Koolhaas en cela qu’elle est l’instrument spatial de la friction idéologique. Elle est un des instruments spatiaux par lequel il injecte le surréalisme à l’architecture : La Ville du Globe Captif est un cadavre exquis dans l’espace, en 3D. (6)

Articles liés: manhattanisme, new-york, radicalisme I, radicalisme II, surréalisme

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «La ville du Globe Captif», New York Délire, éd. Parenthèses, Paris, 2002 [Commentaire critique, Collage, Interprétation] - Rem Koolhaas, Oswald Mathias Ungers, «La citta nella citta, Proposte della Sommer Akademie per Berlino», Lotus International, n°19, Juin 1978, pp. 82-97 [Commentaire critique, Collage, Interprétation] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


HAMILTON - Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing?

Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing? veut llittéralement dire, « Qu’est-ce qui rend exactement les maisons d’aujourdhui si différentes, si séduisantes ? » C’est un collage mesurant 26 cm de hauteur sur 24 cm de largeur. Il est principalement constitué d’images provenant de magazines. L‘œuvre est la première œuvre de pop art à atteindre un statut iconique

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«HAMILTON» (1)

INCRUSTATION D’UNE IMAGERIE POP DANS DES COLLAGES (2)

Artiste: Richard Hamilton

(3)

Application initiale: Collages

(4)

Date: ........................ 1922-2011

(5)

ABSTRACTION

Les planches de rendus qui illustrent la vie dans les Carrés d’Exodus sont inspirées des collages de Richard Hamilton. Il s’agit d’un artiste peintre graphiste britannique. Il fait partie de l’Indépendant Group créé au sein de l’Institut d’art contemporain de Londres, à l’origine d’expositions marquantes, en particulier This is tomorrow (1956), qui inaugure le pop art. Son œuvre Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing? est l’une des premières de ce mouvement. Il stigmatise surtout les clichés du monde des media et de la consommation à outrance. C’est un collage constitué d’images provenant de magazines. Le fond principal est l’image d’un salon contemporain pris dans une publicité de Ladies Home Journal, édition de juin 1955, pour Armstrong Floors, qui y décrit « la mode moderne en matière de sols ». Le titre de l’œuvre provient également de cette publicité, qui déclare : « Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing? Open planning of course - and a bold use of color. » (« Qu’est-ce qui rend exactement les maisons d’aujourd’hui si différentes, si séduisantes ? Un aménagement ouvert, bien sûr — et un usage audacieux de la couleur. »). Le body builder est Irvin Koszewski, vainqueur du concours Mr L.A. en 1954. La photographie provient de l’édition de septembre 1954 du magazine Tomorrow’s Man. L’artiste Jo Baer, qui posa pour des magazines érotiques dans sa jeunesse, a déclaré être la femme située sur le canapé, mais le magazine dont provient l’image n’est pas connu. L’escalier provient d’une publicité pour le nouveau modèle d’aspirateur de Hoover, Constellation, parue dans la même édition de Ladies Home Journal que celle pour Armstrong Floors. Le tableau au mur, une couverture de Young Romance, provient d’une publicité pour le magazine parue dans Young Love (n°15, 1950). Le poste de télévision est un modèle Stromberg-Carlson, provenant d’une publicité de 1955. Hamilton a déclaré que le tapis est un agrandissement d’une photographie représentant une foule sur la plage de Whitley Bay. L’image de la Lune au plafond est découpée dans Life Magazine (septembre 1955). L’homme du portrait au mur est John RUSKIN, écrivain, poète, peintre et critique d’art . Le magazine sur la chaise est un exemplaire de The Journal of Commerce fondé par Samuel Morse. L’enregistreur de bandes est un Boosey & Hawkes mais l’origine de la photo n’est pas connue. Enfin, la vue à travers la fenêtre provient de la photographie

montrant l’extérieur d’un cinéma en 1927 pour la première du Chanteur de jazz. Le procédé semble avoir été d’une importance de premier plan pour les collages de Zenghelis, Vriesendorp et Koolhaas. Très influencés par le pop-art, ils ont eux aussi découpé des fragments de magazines pour les coller dans leurs images. A titre d’exemple : les paysages issus de thermographie ont été découpés dans un article de TIME magazine. Les reproductions de l’Empire State Building sont tirées du film Empire d’Andy Warhol. Mais, à la différence d’Hamilton qui utilise de manière assez perverse des images publicitaires comme une célébration de la société de consommation, Koolhaas lui n’en vente pas les mérites. Si les procédés de mise en oeuvre sont semblables, il puise uniquement des références idéologiques auxquelles il croit. Pour le groupe d’architectes et d’artistes, le collage est un moyen de traduire graphiquement la friction idéologique qui est à la base de leur travail. Déjà utilisé par les surréalistes, le résultat est «beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie!» (6)

Articles liés: pop-art

• Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Commentaire critique_#03_04_9] - Brigitte Aubry, Richard Hamilton : peintre des apparences contemporaines (1950-2007), Dijon, France, éd. Les Presses du réel, 2009 [Commentaire critique, Collages] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.theguardian.com/artanddesign/2011/sep/13/richard-hamilton-obituary [Traduction, Commentaire critique]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«HÉDONISME» (1)

L’ARCHITECTURE EST LA SCIENCE DU DÉSIR (2)

Philosophe: Aristippe de Cyrène

(3)

Application initiale: cyrénaïsme

(4)

Date: ........................ 435-356 av.J.C.

(5)

ABSTRACTION

derne et ses itérations désespérées, cette nouvelle architecture n’est ni autoritaire ni hystérique : elle est la science hédoniste de la conception des installations collectives qui tiennent pleinement compte des désirs individuels ». Le contexte décrit ici permet une meilleure compréhension de la définition de l’architecture que donne Exodus. La solution avancée par cette définition est un point de départ idéologique de l’architecture en insistant sur sa capacité à donner forme à l’hédonisme. On pourrait dire que OMA définit l’architecture comme « la science du désir ». (6)

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L’hédonisme est une doctrine philosophique grecque selon laquelle la recherche du plaisir constitue l’objectif de l’existence humaine. La découverte de l’hédonisme constructiviste Ivan Leonidov est l’une des figures les plus énigmatiques de la période héroïque de l’architecture soviétique. Toute son oeuvre, tant ses premiers travaux que ceux plus tardifs est empreinte d’hédonisme. Il est l’élément transversal de son œuvre, le plaçant en dehors du courant dominant de l’architecture moderne. Ses premiers projets prenaient la forme de petites unités de vie dans lesquelles les travailleurs prenaient leur café au lait. La lecture hédoniste du modernisme Dans les années 1930, Mies Van der Rohe venait d’imposer le minimalisme du « less is more ». C’était l’époque des fonctionnalistes pour qui la forme suit la fonction. En 1986, à la Triennale de Milano, Koolhaas a l’idée de reconstruire le projet du Pavillon de Barcelone de Mies. Archizoom avait déjà effectué une recherche sur le pavillon dans les archives du MoMA. Koolhaas effectue également une recherche sur ce que sont devenus les matériaux du pavillon. Pour le projet de Casa-palestra, Koolhaas «tord» le pavillon de l’Allemagne. Il est identique à celui de Mies Van der Rohe, mais courbe. Le nouveau pavillon est ouvert sur une photographie perspective du skyline manhattanien. Ce faisant, il établi une filiation entre l’hédonisme américain et le rationalisme moderne. Koolhaas démontre que le rationalisme était une culture non pas frigide mais hédoniste : le pavillon de Barcelone, bien que minimal, était coloré. Sauver l’architecture par l’hédonisme Contre la philosophie destructrice qui pour Superstudio peut aller aussi loin que l’abandon de l’architecture, Koolhaas et Zenghelis croient fort au pouvoir de l’architecture en tant que science hédoniste, comme urbanité baudelairienne trépidante. Il déclare «Vous n’avez vraiment aucune idée de l’hostilité profonde et fondamentale qui émergeait dans les années 70 contre la modernité, une hostilité qui devenait presque physique. A ce moment-là j’ai senti que la seule façon dont la modernité pourrait également être récupérée était d’insister de manière très progressive sur son autre côté, sa popularité, sa vulgarité, son hédonisme.» L’architecture est la science du désir Il n’est guère une coïncidence que le prologue du projet contienne une définition provocante de l’architecture, qui présente une nouvelle confiance en l’architecture. « Contrairement à l’architecture mo-

• Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.universalis.fr/encyclopedie/hedonisme/

[Interprétation paranoïaque-critique, Collages]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«HÉTÉROTOPIE» (1)

ESPACE RÉEL FERMÉ DOTÉ D’UN RÉGIME DIFFÉRENT DE CELUI DE L’ESPACE QUOTIDIEN (2)

Inventeur: Michel Foucault

(3)

Application initiale: Cours du collège de

(4)

Date: ........................ 1967

(5)

ABSTRACTION

France

Dans sa conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres », Michel Foucault procède à l’examen de deux types d’espace qui sont différents de l’espace ordinaire : la première est l’utopie, un espace irréel qui reflète la société, mais dans une forme parfaite idéale. Le deuxième est l’hétérotopie. C’est un concept qu’il définit comme une localisation physique de l’utopie, une utopie réalisée. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l’imaginaire, comme par exemple une cabane d’enfant ou un théâtre.

autres. C’est en ce sens que l’hétérotopie est un outil très précieux pour Koolhaas. Il est le concept spatial le plus surréaliste qui soit ! En outre, les hétérotopies sont souvent liées à des « hétérochronies », là où les hommes sont en rupture par rapport au temps traditionnel. Ainsi les bibliothèques et les musées, qui, par leur accumulation d’objets et de livres de tous les temps, constituent un « lieu de tous les temps qui soit lui-même hors du temps. Dans le scénario d’Exodus, on peut lire que dans les Lots, «le concept de temps n’existe plus». Il s’agit donc bien d’une hétérotopie complètement hétérochronique. Proximités métabolistes Le concept d’hétérotopie de Foucault ouvre un nouveau domaine d’organisation de l’espace. Le fait qu’il évoque les réseaux téléphoniques et informatiques comme Kurokawa, un des Métabolistes japonais, fait valoir le fait que la capsule est le modèle de l’architecture de l’avenir. Le projet Exodus s’est révélé prophétique, comme une sorte de prémonition de l’émergence d’une civilisation capsulaire. Les communautés fermées, les enclaves, les centres commerciaux, les parcs d’attractions, les hôtels atrium sont autant d’exemples d’une architecture capsulaire et d’un urbanisme hétérotopique qui trouve dans Exodus une préfiguration conceptuelle. (6)

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Les 9 Carrés d’Exodus sont des hétérotopies En ce sens que Exodus est un projet hétérotopique. Les espaces d’Exodus sont collectivistes, mais pas publics. Ils confèrent à cette méga-prison architecturale une dimension hétérotopique. Les institutions politiques, les références religieuses et les magasins sont absents du strip (il n’y a pas l’équivalent d’une mairie ou d’un bâtiment gouvernemental). Cette bande métropolitaine est étrangère au cycle de la consommation. Dans le strip, un grand nombre d’institutions peuvent être comparées à des formes urbaines familières et connues : hall d’aéroport (Zone de réception), hôpital (Institut des transactions biologiques), musée (Carré des Arts - sur le site réel du British Museum), zone de loisirs (Bains), parc naturel (Parc des Quatre Elements), infrastructures sportives (Parc des Agressions), logements (Lots), places (Carré des cérémonies), usine (Extrémité du Strip). L’hétérotopie comme paradigme Il suffit d’énumérer les exemples d’hétérotopies que donne Foucault pour donner une idée de l’ouverture du concept : l’école, le service militaire, la lune de miel, les maisons de retraite, les établissements psychiatriques, les prisons, les cimetières, la scène, le cinéma, les bibliothèques et les musées, les foires et les carnavals, les camps de vacances, hammams, saunas, le motel, les bordels, les colonies jésuites en Amérique du Sud, et le navire. Proximités surréalistes Koolhaas est animé par la passion de la friction idéologique, et par le surréalisme qui est l’avant garde qui la rend possible et l’exploite. Or, selon Foucault, « l’hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles ». C’est ainsi que le théâtre fait se succéder sur la scène toute une série de lieux qui sont étrangers les uns aux

• Sources imprimées - Foucault Michel, « Des espaces autres », Empan, 2004, n°54, p. 12-19.

[Explication, commentaire critique]

• Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The rise of the mobility society», Archis, vol.8 n°50, 2000 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_4] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«HUXLEY» (1)

CONCEPTION SYSTÉMATIQUE DES NOUVEAUX NÉS EN LABORATOIRE. (2)

Auteur: Aldous Huxley

(3)

Application initiale: Le Meilleur des Mondes

(4)

Date: ........................ 1932

(5)

ABSTRACTION

Le nombre record de jumeaux à partir d’un seul ovaire à l’écloserie de Londres est de 16,012 en 189 lots. Les centres qui bénéficient de climats tropicaux peuvent obtenir de meilleurs résultats: Singapour en a créé plus de 16.500, et Mombasa 17.000. [...] Chaque opération, expliqua le Directeur de l’Élément Humain, est exécutée, autant que possible, par un seul Groupe Bokanovsky. Et, en effet, quatre-vingt-trois Deltas brachycéphales noirs, presque privés de nez, étaient occupés à l’emboutissage à froid. Les cinquante-six tours à mandrins et à quatre broches étaient desservis par cinquante-six Gammas aquilins de couleur gingembre. Cent sept Sénégalais Epsilons conditionnés à la chaleur travaillaient dans la fonderie. Trente-trois femmes Deltas, à tête allongée, couleur de sable, au pelvis étroit, et ayant toutes, à 20 millimètres près, une taille de 1,69m taillaient des vis. Dans la salle de montage, les dynamos étaient assemblées par deux équipes de nains Gammas-Plus. Les deux établis bas se faisaient face ; entre eux s’avançait lentement le transporteur à courroie avec sa charge de pièces détachées ; quarante-sept têtes blondes faisaient lice à quarante-sept brunes : quarante-sept nez épatés, à quarante-sept nez crochus ; quarante-sept mentons fuyants, à quarante-sept mentons prognathes. Les mécanismes complètement montés étaient examinés par dix-huit jeunes filles aux cheveux châtains et bouclés, vêtues de vert Gamma, emballés dans des cadres par trente-quatre hommes Deltas-Moins courts sur jambes et gauchers, et chargés sur les plates-formes et les camions en attente par soixante-trois Epsilons semi-Avortons aux yeux bleus, aux cheveux filasse et au teint plein de taches de rousseur.

Dans cette société, la reproduction sexuée telle qu’on la conçoit a totalement disparu ; les êtres humains sont tous créés en laboratoire, les fœtus y évoluent dans des flacons, et sont conditionnés durant leur enfance. Dans Exodus, les trois bâtiments des naissances font explicitement référence au Meilleur des Mondes, écrit en 1932 par l’anglais Aldous Huxley. Dès les toutes premières lignes du livre, on peut lire : «Un bâtiment gris et trapu de trente-quatre étages seulement. Au dessus de l’entrée principale, les mots: CENTRE D’INCUBATION ET DE CONDITIONNEMENT DE LONDRES-CENTRAL [...] - Et ceci, dit le directeur, ouvrant la porte, c’est la Salle de Fécondation ». Le Processus Bokanovsky « Le processus Bokanovsky » est un processus fictif de clônage humain issu du roman Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. Il permet de faire des copie d’ovules humains fécondés in vitro: le matériel génétique est donc en tout points identique à l’ovule originale. Le processus peut être répété plusieurs fois; 72 est une «bonne moyenne, mais le nombre maximal d’embryons viables possible est de 96. Le processus est décrit en détail dans le premier chapitre du livre. Dans Le Meilleur des Mondes, les hommes sont divisés en 5 classes, d’Alpha à Epsilon. Le processus n’est appliqué ni aux embryons Alpha, ni aux Beta. Il est réservée aux Gamma, Delta et Epsilon.

Un roman contre-utopique Comme Huxley dans le Meilleur des Mondes, Exodus est une contreutopie. Le Meilleur des Mondes représente un monde pourri par le progrès scientifique et technique. Ce roman pousse à son paroxysme les conceptions eugénistes qui étaient alors considérées par la communauté scientifique, et particulièrement par les généticiens et les biologistes, comme une science à part entière. (6)

Articles liés: génétique, hétérotopie, ironie, situationnisme II, situationnisme III

Un oeuf, un embryon, un adulte, - c’est la normale. Mais un oeuf bokanovskyfié a la propriété de bourgeonner, de proliférer, de se diviser: de huit à quatre-vingt seize bourgeons, et chaque bourgeon deviendra un embryon parfaitement formé, et chaque embryon, un adulte de taille complète. On fait ainsi pousser quatre-vingt-seize humains là où il n’en poussait autrefois qu’un seul. Le Progrès. Dans ce monde social hautement contrôlé, il est important pour le gouvernement d’avoir la possibilité de contrôler le nombre d’êtres humains, ainsi que la fonction de ces êtres humains. Le processus de Bokanovsky est combiné à la technique de Podsnap pour accélérer la maturation des œufs non fécondés provenant d’un ovaire et ainsi produire un nombre considérable de représentants d’un même groupe génétique. On fertilise et bokanovskifie ... et on obtient une moyenne de presque onze mille frères et sœurs dans cent cinquante lots de jumeaux identiques, tous du même âge, à deux ans près ». [...]

• Sources imprimées - Aldous Huxley, Le meilleur des Mondes, Plon, Paris, 1983

[Citation, Commentaire critique]

• Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11]



#02_I

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«INDONESIE» (1)

NÉSIE (2)

SOUVENIR D’ENFANCE D’UN BAIN EN INDODate: ........................ 1953

(3)

ABSTRACTION

Rem Koolhaas est né en 1944 à Rotterdam où les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale ont rayé la ville historique de la carte. Son père a fermement appuyé la cause indonésienne dans son combat pour l’autonomie. Une fois la guerre d’indépendance gagnée, il fut invité à rédiger le programme culturel du pays. C’est ainsi que de 1952 à 1956, il déménage avec sa famille à Jakarta, en Indonésie. Ce souvenir de baignade a peut être influencé l’intérêt de Koolhaas pour l’hédonisme, le surréalisme, la sexualité, l’eau. «C’était un âge très important pour moi j’ai vraiment vécu comme un Asiatique. En Indonesie, nous habitions les écuries d’une très grande maison, entourée par un mur. Et, de l’autre côté du mur, il y avait un lavoir avec une série de bassins très longs et parallèles. Il y avait là de très belles femmes qui lavaient les draps de façon très lente, très érotique.... A un moment une sonnerie a retenti; c’était l’heure du déjeuner, les femmes sont parties. Des hommes sont arrivés, ils se sont déshabillés, ont pissé dans l’eau et ont commencé à nager entre les draps. C’était une grande expérience.....» (4)

Articles liés: eau, hédonisme, sexualité

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, Patrice Noviant, Bruno Vayssière, «Entretien avec Rem Koolhaas», AMC, n°6, déc. 1984 [Commentaire, Citation]



#02_I

LA BOÎTE DE PANDORE: EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE

«IRONIE» (1)

CULTURE DU TON POLÉMIQUE ET IRONIQUE DE KOOLHAAS ET ZENGHELIS (2)

Initiateur: Hilterman

(3)

Application initiale: Journalisme

(4)

Date: ........................ 1963-Aujourd’hui

(5)

ABSTRACTION

L’écriture est une expérimentation et peut adopter toutes sortes de tonalités. Je peux être sérieux, innocent, romantique, obsessionnel, ironique...». C’est le caractère cinématographique et narratif de l’architecture de Koolhaas, en particulier Exodus, qui lui permet d’utiliser l’ironie. Par l’ironie, Koolhaas et Zenghelis veulent faire du cerveau du spectateur une machine qui active un appareil critique. (6)

Articles liés: huxley, journalisme, pop-art, radicalisme I, radicalisme II, surréalisme

L’ironie consiste à faire entendre ou à dire le contraire de ce que l’on pense ou veut faire penser. Elle a toujours pour conséquence d’entraîner le spectateur ou le lecteur à s’interroger sur ce qu’on a pu vouloir dire. Maurice Blanchot, critique littéraire français de la fin du XXe siècle définit l’ironie comme « la garantie de la lucidité » nécessaire pour mener à bien son entreprise de démystification radicale de la réalité permettant de pouvoir la regarder en face, sans se laisser influencer par ses « préjugés ». L’éclectisme de la rédaction du Haagse Post Rem Koolhaas a 19 lorsqu’il commence au Haagse Post (HP) en 1963. Le journal est alors un magazine libéral de droite dont le rédacteur en chef est M.Hilterman. A la recherche d’un public plus jeune, il remodèle le HP sur l’Express et le Time. Il recrute une série de jeunes journalistes non conformistes, un étrange mélange d’intellectuels et de voyous si bien que le HP devient un mélange étrange et souvent schizophrène de conservatisme et d’excentricité. Sans doute ce climat a-t-il influencé le goût et l’aisance de Koolhaas à évoluer en considérant une chose et son contraire, sans que cela ne l’empêche d’avancer. L’enseignement de l’AA Pour Boyarsky, directeur de l’AA de 1971 à 1990, l’enseignement de l’architecture est un mécanisme polémique qui se présente à l’échelle institutionnelle et dans la forme de l’AA. Si l’essence d’une école d’architecture est de fonctionner comme un thermomètre critique de la production architecturale contemporaine, elle doit être alimentée par « des énergies et des intérêts très nombreux, de sorte que la communauté scolaire soit en ébullition avec des dizaines d’activités et intérêts parfois contradictoires ». L’ironie surréaliste Partout en Europe, face à la rigidité des idéologies du modernisme, l’art tente d’imposer son autonomie à travers une vision dynamique, onirique, et subversive de la réalité. Dali se considère comme « le prince du Kitsch, de l’ironie et de la dérision ». L’écriture automatique des surréalistes libère avec ironie une parole aliénée, au risque de l’excès et de la perte de sens.

L’ironie de l’écrivain-architecte Dans un article du Monde, Koolhaas déclare: « Je ne me considère pas seulement comme un architecte, mais comme un écrivain, c’est d’ailleurs comme cela que j’ai commencé. A ce titre, lorsque j’écris, je m’autorise à prendre toutes les libertés.

• Sources imprimées - Frédéric Edelmann, «Rem Koolhaas: ‘Il faut cesser d’embaumer les villes’», Le Monde, 4 sept. 2010 [Commentaire critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Irene Sunwoo, «From the ‘Well-laid-table’ to the ‘Market Place’», Architectural Education Journal, Princeton Press, 2012 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_10] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]



#02_J

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«JOURNALISME» (1)

« NE PAS MORALISER OU INTERPRÉTER LA RÉALITÉ, MAIS L’INTENSIFIER » (2)

Inventeur :Armando

(3)

Application initiale: De Haagse Post

(4)

Date: ........................ 1963

(5)

ABSTRACTION

A partir de 1963, Koolhaas Rem travaille pour l’hebdomadaire de la droite libérale néerlandaise «De Haagse Post» (HP). Il s’occupe de la composition typographique et écrit sur le cinéma, la littérature, la musique, la politique, le sport, la sexualité, l’art et l’architecture. Le climat bouillonnant de la rédaction Koolhaas a 19 ans. Le journal est alors un magazine libéral de droite dont le rédacteur en chef est M.Hilterman. A la recherche d’un public plus jeune, il remodèle le HP sur l’Express et le Time. Il recrute une série de jeunes journalistes non conformistes: une étrange réunion d’intellectuels et de voyous! Le HP devient un mélange souvent schizophrène de conservatisme et d’excentricité. Beaucoup d’éditeurs et de journalistes du Haagse Post avaient une seconde carrière dans l’art, la littérature et le cinéma. En fait, le magazine était presque une organisation de couverture pour le Nulbeweging, (littéralement «Mouvement Zéro», la variante néerlandaise des Nouveaux Réalistes français représentés par Yves Klein). Armando, le chef de file du Nulbeweging était responsable de la section culturelle du magazine, influençant fortement la ligne éditoriale, en particulier la méthode d’investigation de Rem Koolhaas. La rencontre avec Constant En 1966, Koolhaas prépara une série d’articles contre un groupe de hippies appelés PROVOS et leur figure de référence, Constant. Koolhaas l’interviewe avec Betty van Garrel à propos de son projet New Babylon dans le numéro du 6 août 1966 du HP. Constant situe sa nouvelle Babylone dans une critique sociale marxiste et présente sa vision de l’avenir comme une « antithèse de la fausse société » fondée sur une toute nouvelle distribution des moyens de production. Cette rencontre ne veut pas dire que Koolhaas a voué à partir de ce moment là une grande admiration pour l’artiste bien qu’il fut à l’époque très influent, servant de source d’inspiration majeure aux Pays-Bas pour les mouvements contre-culturels. Le ton de l’entrevue et certaines informations de fond suggèrent que Koolhaas était enclin à s’éloigner des idées de gauche que Constant préconisait. Exodus peut être considéré comme une critique de New Babylon: une série de secteurs projetés sur Londres, chacun avec une forte « ambiance » créé artificiellement, où peuvent avoir lieu des « événements ». La Conférence de Le Corbusier Le 3 octobre 1964, Koolhaas publie dans le HP un article à propos d’une conférence que donna Le Corbusier au Stedelijk Museum d’Amsterdam le 26 du mois précédent. La lecture de cet article donne un

aperçu du style journalistique du jeune Rem Koolhaas (#03_02_14). Il détaille l’accoutrement de Le Corbusier, son retard d’avion, la couleur de ses yeux, le montant et la nature du prix reçu et une multitude de détails croustillants et insolites ! « Ne pas moraliser ou interpréter la réalité » Comme celui de ses collègues, le travail de Koolhaas comme rédacteur au Haagse Post ne se caractérisait pas par des déclarations directes, mais plutôt par des descriptions précises truffées de détails relativement insignifiants et de fragments d’interviews bruts. L’orientation journalistique du HP est de se tenir à une simple description des faits. Par exemple, tenir le microphone face à la personne interviewé sans dire un mot. Il s’agit d’une méthode d’investigation et d’écriture «automatique» inspirée des formes d’écriture automatique surréalistes. L’artiste Armando donne la ligne de conduite : « Ne pas moraliser ou interpréter la réalité, mais l’intensifier. Le point de départ : une acceptation inconditionnelle de la réalité. La méthode de travail: Isoler, annexer. [...] L’artiste n’est plus un artiste mais un oeil froid et rationnel ». Ainsi définit-il l’approche que doivent avoir les journalistes du «De Haagse Post» ; il écrit un texte avec le poète Hans Sleutelaar dans lequel cette approche est explicitée plus en détails. Au HP, Koolhaas est confronté à des figures manifestes des années 1960. On retrouve la trace de certaines d’entre elles dans ses projets d’architecture plus tardifs. Koolhaas est aussi sensibilisé à une méthode d’écriture qui transparaîtra dans son architecture. « Ne pas moraliser ou interpréter la réalité, mais l’intensifier » trouvera un écho dans l’inventaire métropolitain qui sera le matériel génétique du projet Exodus puis de New York Délire quelques années plus tard.

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «Een woonmachine, Le Corbusier Kreeg f 5000», Haagse Post, 3 oct. 1964, p.24 [Traduction critique_#03_04_7] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - Bart Loosma, «Koolhaas, Constant and Dutch culture in the 1960’s», in http://www.architekturtheorie. eu/?id=magazine&archive_id=108 [Traduction critique, Commentaire]


KLEIN - Bleu Klein (IKB) et Globe bleu

International Klein Blue (IKB), est une teinte bleu profond créée par l’artiste français Yves Klein. À partir de 1954, Yves Klein propose des peintures monochromes.

Yves Klein : « Globe terrestre bleu », 1962

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«KLEIN» (1)

OPPOSITION À L’ABSTRACTION QUI SYMBOLISE L’HÉGÉMONIE DE L’IDÉOLOGIE MODERNISTE (2)

Réalisateur: Yves Klein

(3)

Application initiale: Nouveau réalisme

(4)

Date: ........................ 1960-1970

(5)

ABSTRACTION

Yves Klein fonde en 1960 le groupe des Nouveaux Réalistes. Il s’agit de la version française du Pop-Art américain. Ils prennent position pour un retour à la réalité, et s’oppose à la peinture abstraite issue de l’idéologie moderniste. Ils ne tombent pas pour autant dans la figuration; la méthode est entre autre l’assemblage et l’accumulation d’éléments empruntés à la réalité quotidienne.

de masse. Cette planète bleue semble se rapprocher de la notion de ready-made de Marcel Duchamp : « un objet usuel promu à la dignité d’art par le simple choix de l’artiste ». Selon cette définition, il n’est presque pas nécessaire de modifier l’aspect original de l’objet choisi. Or l’artiste camoufle le Globe en l’enrobant de sa fameuse couleur brevetée : IKB ( International Klein Blue ). L’objectif est de révéler le potentiel poétique de cet objets du quotidien: « vue de l’espace, la terre est bleue ». C’est aussi un clin d’oeil au surréaliste Paul Eluard qui quelques années avant, commençait son poème La Terre est Bleue par «La terre est bleue comme une orange». Klein réalise dans la même période une série de tableaux monochrome bleus IKB. « Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont. Ce sont des espaces pré-psychologiques… Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes… tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible ». Il pousse ironiquement l’abstraction dans ses retranchements. (6)

Articles liés: ironie, journalisme, kubrick, modernisme I, modernisme II, surréalisme

Premier contact avec le Nouveau-Réalisme Koolhaas travaille à partir de 1963 dans un journal de la droite libérale néerlandaise, De Haagse Post (HP). Beaucoup de journalistes du HP ont une seconde carrière dans l’art, la littérature et le cinéma. En fait, le magazine est presque une organisation de couverture pour le Nulbeweging, littéralement «Mouvement Zéro», la variante néerlandaise des Nouveaux-Réalistes français. A l’époque, Armando, chef de file du Nulbeweging est aussi responsable de la section culturelle du magazine. Il peignait sur de la tôle à la place de la toile avec des peintures industrielles pour produire de manière ironique des surfaces monochromes minimalistes puis enveloppe ces surfaces avec du fil de fer barbelé. Le ton polémique des Nouveaux Réalistes À la fin des années 1950, plusieurs artistes s’opposent à l’esthétique abstraite. Les Nouveaux-Réalistes tentent de redéfinir la relation de l’art au réel. En 1960, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely et Jacques Villeglé en signent la déclaration constitutive: « Les Nouveaux Réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau Réalisme = nouvelles approches perceptives du réel ». Les artistes renouvellent les formes et les idées par « l’appropriation du réel » qui vise non plus la représentation du monde mais sa présentation. Ils intègrent dans leurs oeuvres des matières concrètes et des objets quotidiens, urbains et industriels. Ils en détournent souvent le message, pour faire apparaître la réalité de manière encore plus forte et évidente. L’inventaire et l’ironie sont deux des outils des nouveaux réalistes qui apparaissent aussi dans l’architecture koolhaasienne, laissant penser à une filiation avec le mouvement des années 1960. La terre bleue comme une orange Bien qu’utilisant des objets contemporains, ils portent une réflexion critique sur la société de consommation et de communication

• Sources imprimées - Pierre Restany, Manifeste des Nouveaux Réalistes, éd. Dilecta, Paris, 2007

[Commentaire critique]

• Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.youtube.com/watch?v=oLUA6o95sfE (L’architecture de l’air, Conférence de la Sorbonne, 1959) [Interprétation]


KUBRICK - Screenshot de «2001, l’Odysée de l’Espace»

La terre vue du ciel dans 2001 L’odysée de l’espace

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«KUBRICK»

RÊVE D’UNE VIE EN FLOTTAISON ET NOUVELLES PERCEPTIONS DU RÉEL

ABSTRACTION

(1)

(5)

(2)

Réalisateur: Stanley Kubrick

2001, l’Odyssée de l’espace est un film anglo-américain de science-fiction. On retrouve dans certains collages de Koolhaas une ambiance qui semble être inspirée du film de Kubrick.

(3)

Application initiale: 2001, L’Odyssée de l’es-

(4)

Date: ........................ 1968

pace

En apesanteur Le thème des bains est voué comme le mur à une extraordinaire série de variations dans l’oeuvre de l’OMA. La piscine est un élément récurent dans la vie de Koolhaas. Il aime nager et il est même persuadé qu’en s’entraînant, on peut trouver qui a nager ici avant soi. Le surréaliste Dalibor Vesely écrit que « la fluidité de l’eau, qui est aussi la fluidité du désir par opposition à la solidité de la matière ». Par extension, la flottaison en apesanteur est une forme de nage. Les personnages qui apparaissent dans le collage de La Zone de Réception sont des fragments de photos dont l’agencement donne une impression de flottaison et de bien être. Le fond noir, l’échelle des photos qui ne respecte pas l’effet de profondeur, leur l’éparpillement dans la composition donne l’impression que la scène se passe dans l’espace. Enfin, le mur est blanc et réduit à l’état de feuille de métal, comme les vaisseaux kubrickiens. Peut-être est-ce une métaphore du style de vie métropolitain, en contraste avec la vieille Londres, et la traditionnelle pesanteur newtonienne. La terre vue du ciel: une autre perception de la réalité Dans son film 2001, l’Odysée de l’Espace, Kubrick multiplie les vues de la terre depuis l’espace. La terre vue du ciel est un sujet qui occupe l’esprit des Nouveaux Réalistes et leurs nouvelles approches perceptives du réel. Cette perception du monde est devenue tangible par les découvertes scientifiques et par la perception de la planète dans sa globalité, due aux conquêtes spatiales : conquête de la lune, satellites de télécommunication et de télédiffusion. « Vue de l’espace, la Terre est bleue » dit Yves Klein en citant Youri Gagarine. Ces nouvelles perceptions du réel sont reprises par Koolhaas pour présenter l’atmosphère métropolitaine qui règne dans le Strip. (6)

Articles liés: archigram, cinéma, hédonisme, huxley, klein, surréalisme

• Sources imprimées - Dalibor Vesely, «Surrealism & architecture introduced by Dalibor Vesely: surrealism, myth & modernity.», Architectural Design, vol.48, n°2-3, p.88 • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - Stanley Kubrick, 2001 l’Odysée de l’Espace, 1968

[Visionnage, Interprétation Paranoïaque-critique]


LEWITT - Histogrammes

Sol LeWitt, Costruzione cubica, 1971

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«LEWITT» (1)

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DE LA FORME

(2)

Réalisateur: Sol Lewitt

(3)

Application initiale: Histogrammes

fort en la capacité du diagramme à produire un volume à vocation de figure. Par les glissement opérés sur les boîtes programmatiques, la manipulation programmatique organise la coupe du bâtiment: des boîtes accueillant les programmes, et produisent des espaces publics ouverts sur leur surface supérieure. Les boîtes sont déplacées pour répondre à des situations urbaines différentes, et englobées dans un volume unitaire par les plis de l’enveloppe.

(4)

Date: ........................ 1968

(6)

(5)

ABSTRACTION

II

Articles liés: grille, radicalisme I, radicalisme

Koolhaas insère les images pornographiques de son film De Blanke Slavin dans un système de casier à la manière de Sol Lewitt. Du Serial Project aux Histogrammes d’architecture L’art conceptuel de Sol Lewitt met l’accent sur les idées du produit physique plutôt que sur la forme, A partir d’une grille tridimensionnelle carrée, il génère presque automatiquement des éléments pleins et des éléments de charpentes formant des figures sculpturales. La grille est l’élément générateur de l’ordre. Ses oeuvres donnent naissance à des histogrammes, qui seront transposés à l’architecture par Superstudio. Ils reposent sur trois logiques : des cubes noirs séparés par des arêtes blanches sans épaisseur; des cubes blancs séparées par des arêtes noires sans épaisseur ; des cubes blancs séparés par des arêtes noires avec épaisseur. Cette trame de cubes produit des formes par l’extrusion : la forme résultante est automatique, à la fois libre et contrôlable, . Des Histogrammes à la disparition de l’architecture Les « Histogrammes d’architecture » constituent un catalogue de trente diagrammes tridimensionnels, à la surface homogène et isotrope, devant servir à la conception d’objets, meubles, environnements ou architectures, à travers une grille transposable à différentes échelles. Egalement intitulés « Tombes des architectes », les Histogrammes procèdent, pour Superstudio, d’un refus de toute convention ou de toute idée de design et d’architecture. Constatant l’impossibilité de proposer des formes nouvelles sans adopter les logiques du passé, Superstudio propose de faire disparaître la notion de « qualité » en architecture. Les Histogrammes sont un nouveau processus mental, affranchi des modèles ou des imitations. Ils envahissent tout : territoire, objets de mobilier, architecture, ville, dans une « mise à plat absolue des typologies du classicisme ». L’architecture n’est plus qu’un diagramme mental, une grille sans début ni fin. Cette étape conceptuelle en trois dimensions de leur théorie aboutira à la réalisation de la série de meubles Misura (1969), éléments semblables réalisés en laminé plastique sérigraphié, puis la série Quaderna produite par Zanotta en 1971. La réintroduction de la notion de programme Koolhaas réintroduira la question du programme à l’intérieur du processus de génération automatique de la forme. L’inventaire des pratiques sociales si chère à Koolhaas le conduit à manipuler le programme sous forme de diagrammes. Les histogrammes de Superstudio deviennent des diagrammes programmatiques; les programmes entrent en collision les uns avec les autres et peuvent produire automatiquement n’importe quelle forme. En 1999, le démarrage du projet de la Seattle Public Library passe par des diagrammes programmatiques. Il croit

• Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Explication critique_#03_04_9] • Sources numériques - http://www.moma.org/learn/moma_learning/sol-lewitt-serial-project-i-abcd-1966 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique]


MÉTABOLISME - Nakagin Capsule Tower

L’habitat de la société capsulaire: la Nakagin Capsule Tower de Kurokawa

L’intérieur d’une capsule de 9m2: l’architecture devient un dispositif

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«MÉTABOLISME» (1)

LE PASSAGE DE L’OUTIL INDUSTRIEL À L’OUTIL ARCHITECTURE

que. « L’homme, la machine et l’espace forment un nouveau corps organique qui transcende leur confrontation [...] Ce nouveau dispositif complexe n’est pas un équipement, pas un outil [...] Le dispositif capsulaire devient un espace de vie en soi en ce sens que l’homme ne peut espérer vivre ailleurs ».

(2)

Inventeur: Kisho Kurokawa

(3)

Bâtiment emblématique: Nakagin Capsule

(4)

Date: ........................ 1970-1972

Les termes de capsule et d’hétérotopie se complètent l’un l’autre. L’un est technologique, l’autre sociologique. L’hypothèse qui peut être formulée est que l’hétérotopie est devenu la norme dans une société capsulaire. Le concept de Ville Générique de Koolhaas est basé sur ces deux concepts : elle ne se compose que de capsules et d’hétérotopies, étagées dans la typologie définitive: le gratte-ciel.

(5)

ABSTRACTION

(6)

Tower

En réaction à l’architecture fonctionnaliste, Kisho Kurokawa développe une approche philosophique de l’architecture et de l’urbanisme en prenant pour modèles le développement biologique.

Articles liés: cinéma, evans, hétérotopie, kubrick

Vers une architecture Cyborg Kurokawa développe un environnement artificiel pour l’homme : la capsule, dont le modèle est la capsule spatiale. Pour lui, il ne s’agit pas d’un outil, comme pourrait l’être un ordinateur ou un téléphone. C’est un milieu, un environnement. La capsule est l’union de l’homme et de la machine. « Les êtres humains ne peuvent pas réellement être remodelé en cyborgs. A la place, ils se dotent de divers appareils avec lesquels ils joueront des rôles complexes allant au-delà de leurs capacités d’êtres vivants ». La capsule devient une sorte de prolongement artificiel du corps; c’est pourquoi Kurokawa se réfère à « une architecture cyborg ». Le passage de l’outil à l’architecture La plupart des appareils présents dans notre société depuis la révolution industrielle sont des outils. La voiture a d’abord été un outil de remplacement du cheval; maintenant que les gens passent de plus en plus de temps dans leur voiture, elle devient une chambre, est dotée de sièges réglables, d’une climatisation et d’une chaîne hi-fi. La voiture n’est plus un moyen de transport mais un morceau d’architecture, «une extension de la maison». Le camping car est une bonne illustration du passage de l’outil à l’architecture. La société de la mobilité Cette transition de l’appareil à l’environnement correspond à la transition de l’ancienne société sédentaire à la société de la mobilité: « La capsule est l’habitation de l’Homo Movens ». La capsule affranchi le bâtiment de sa liaison au sol et annonce, selon lui, l’arrivée d’un nouveau mouvement d’architecture. Dans son illustration des Lots, Koolhaas semble balayer toute l’histoire de l’outil : de la fourche à l’architecture capsulaire, qui flotte, sans liaison directe avec le sol. Capsule et hétérotopie : deux notions complémentaires Michel Foucault a inventé le concept d’hétérotopie. Il définit une localisation physique de l’utopie, une utopie réalisée. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l’imaginaire, comme par exemple une cabane d’enfant ou un théâtre. Simultanément, la réflexion sur l’architecture entre avec Kurokawa dans une nouvelle ère: celle de la cybernéti-

• Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The rise of the mobility society», Archis, vol.8 n°50, 2000 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_4] - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


MÉTROPOLIS - Screenshot du film « Metropolis »

Les travailleurs de la ville basse de rendent au travail.

Maria donne l’alerte

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«MÉTROPOLIS» (1)

LE PORTRAIT D’UNE MÉTROPOLE COUPÉE EN DEUX (2)

Réalisateur: Fritz Lang

(3)

Application initiale: Film muet en n&b

(4)

Date: ........................ 1927

(5)

ABSTRACTION

Metropolis est un film expressionniste de science-fiction allemand. Le film se décompose en trois actes Auftakt (commencement), Zwischenspiel (interlude) et Furioso (52 min). L’histoire L’histoire se passe en 2026. Metropolis est la mégapole d’une société contre-utopique. Elle est divisée en une ville haute, où vivent dans l’oisiveté, le luxe et le divertissement les familles intellectuelles dirigeantes, et une ville basse, ou les travailleurs sont opprimés par la classe dirigeante. Maria est une femme de la ville basse. Elle essaie de promouvoir l’entente entre les classes et emmène clandestinement des enfants d’ouvriers visiter la ville haute; le groupe se fait repousser par les forces de l’ordre, mais Freder Fredersen, le fils du dirigeant de Metropolis, tombe amoureux d’elle. En descendant dans la ville basse pour la retrouver, il voit un ouvrier épuisé sur son poste de travail. Le rythme imposé par les machines étant trop élevé, une violente explosion se produit sur la « machine M », tuant des dizaines de travailleurs. Dans la fumée, Freder voit la machine M se transformer en Moloch qui «digère» certains ouvriers sacrifiés. Freder se rend chez son père « Joh » Fredersen, pour le mettre au courant des conditions extrêmement pénibles dans lesquelles travaillent les ouvriers et lui demande d’améliorer cela. Voyant qu’il ne peut convaincre son fils des bienfaits de cette société ségrégatives, Johhan le fait suivre par un espion. Freder retourne dans la ville basse où il persuade un ouvrier au bord de l’épuisement d’échanger leurs vêtements et de le remplacer à la machine, tandis que l’ouvrier, Georgy, matricule 11811, monte à la ville haute où il goûtera aux plaisirs de la vie. Après une pénible journée de travail, Freder se rend dans des catacombes à une réunion secrète en suivant un plan trouvé dans une poche des vêtements de l’ouvrier qu’il a remplacé. Là, il découvre Maria en train de s’adresser aux ouvriers et d’annoncer l’arrivée d’un médiateur qui apportera l’égalité entre les habitants des villes haute et basse. Entre-temps, Joh reçoit des plans trouvés dans les poches d’ouvriers morts au travail et se rend chez Rotwang, l’inventeur du monstre machine qui fait fonctionner toute la ville, qui lui indique qu’il s’agit du plan qui mène aux catacombes où se tient la réunion secrète. Joh épie la réunion sans reconnaître son fils parmi la foule. Craignant la menace, Joh ordonne à Rotwang de façonner un robot à l’image de Maria afin de semer le chaos parmi les ouvriers.

Metropolis, une ville coupée en deux Koolhaas est sans doute impressionné par les deux visages de Métropolis. Le dessus et le dessous font écho au bon et au mauvais côté du mur de Berlin, et se traduisent dans Exodus par la confrontation du vieux Londres et du Strip. L’image des «Fugitifs Épuisés Conduit à la Zone de Réception» est un collage d’une scène du film Metropolis. On y voit les travailleurs épuisés, esclaves de Metropolis de Fritz Lang au premier plan. Ils symbolisent les habitants du vieux Londres, exténués par leur condition. Il sont poussés par une force insoutenable (à la manière de la poussée d’Archimède) vers les couleurs rougeoyantes du Strip. Koolhaas provoque la rencontre entre les technologies cinématographiques les plus anachroniques : le cinéma classique en noir et blanc des années 20, et la thermophotographie à la pointe de la technologie. Cette différence de potentiel crée une tension dans l’image et accentue l’attraction provoquée par le Strip. (6)

Articles liés: cinéma, buñuel, prisonniers volontaires, mur de berlin

• Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - Fritz Lang, Métropolis, 1927

[Visionage, Explication, Commentaire Paranoïaque-critique]


MODERNISME I - Collages de Mies Van der Rohe

Resor House

Museum for a Small City

Concert Hall

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«MODERNISME I» (1)

FUSION DU SUBLIME ET DU GÉNÉRIQUE

(2)

Inventeur: Mies Van Der Rohe

(3)

Application initiale: Campus de l’Illinois Institure of Technologie, Chicago (4)

Date: ........................ 1940

(5)

ABSTRACTION

Première expérience du sublime Dans S,M,L,XL, Koolhaas raconte que la grand mère d’une amie d’enfance a fait appel au jeune Mies pour l’édiction d’une maison. Mies réalisa une maquette en toile à échelle 1:1. Il s’agissait d’une tente cubique considérablement plus légère et éloquente que l’architecture classique qu’elle était sensée incarner. Selon l’hypothèse de Koolhaas, c’est l’édiction de cette hypothétique maison qui a drastiquement changé Mies: étaient-ce sa blancheur et sa légèreté qui furent la révélation de toutes ces choses auxquelles il ne croyait pas encore ? Cette cathédrale en toile a-t-elle été un flash le propulsant vers une autre architecture ? Cette maquette aurait libéré Mies du poids du classicisme du 19ème siècle afin d’inventer l’esthétique du sublime avec laquelle il marqua l’histoire (disparition, reflet, dissolution, flottement etc.). Le modernisme de Mies est en rupture avec l’hégémonie idéologique du fonctionnalisme de l’époque. La fusion du sublime et du générique Mies sans contexte est comme un poisson hors de l’eau. Si les bâtiments de Le Corbusier peuvent être envisagés indépendamment de leurs voisins, ce n’est pas le cas de ceux de Mies. Dans ses collages et ses maquettes, le contexte sert à appuyer son propos. Ses villas des années 1930 ne peuvent pas être lues comme des entités uniques, mais comme des fragments d’une condition urbaine. Ce qui retient l’attention de Koolhaas dans l’architecture de Mies est la condition urbaine de ses bâtiments. L’ambiguïté si chère à Koolhaas se manifeste de plusieurs manières sur le campus de l’I.I.T.: le fait que le statut des bâtiments oscille entre celui d’objets et d’éléments constitutifs d’un système est un des éléments qui suscite un vif intérêt chez Koolhaas. Mies ne conçoit pas un bâtiment solitaire, mais une condition qui peut prendre plusieurs formes. Koolhaas est fasciné par la fusion du sublime et du générique dans un nouvel hybride miessien. Koolhaas déclare: «Je ne respecte pas Mies, j’aime Mies. Je l’ai étudié, excavé, réassemblé». A la fusion miessienne du sublime et du générique, Koolhaas introduit l’exploration du Pop Art et son univers de référence: l’acier blanc ou brun de Mies soumis à de subtiles variations, est récupéré et transformé en une symphonie de couleurs. L’hédonisme inavoué de Mies Van Der Rohe Dans le livre de Fritz Neumeyer, Mies van der Rohe : Réflexion sur l’Art de bâtir, on peut lire cette phrase de l’architecte allemand: «Il faut, si le besoin s’en fait sentir, créer de nouveaux matériaux. (…) Si l’architecte conçoit le projet en tant que pure exigence, alors l’ingénieur doit trouver le matériau qui en permette l’exécution. L’architecture ne peut pas être l’expression de la conscience créatrice de l’époque si l’ingénieur, purement passif et manquant de courage, se contente des matériaux existants.» Officiellement, Mies opte pour « le principe d’ordre organique », qui vise à atteindre une unité supérieure résultant « de la signification et de la proportion des parties ». Koolhaas re-écrit l’histoire du modernisme de Mies Van Der Rohe: il transforme l’histoire en mythe. La version paranoïaque-critique officieuse de Koolhaas fait cette thèse que l’architecture moderne est en soi un mouvement hédoniste et que sa sévèrité, son abstraction et sa rigueur sont en fait des complots visant à créer les conditions d’expérience de la vie moderne les plus provocantes. Les murs en marbres roses du pavillon de Barcelonne de Mies Van der Rohe sont donc les témoins de l’hédonisme du modernisme.



MODERNISME I

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Proximités avec le surréalisme Au cours de ses recherche à Moscou, Koolhaas a non seulement découvert les constructivistes, mais plus généralement les années 1920 et 1930. Il a découvert que de nombreux européens de l’ouest des années 1930 avaient des relations très étroites avec l’Union soviétique. Il a en particulier constaté qu’un vif échange entre Berlin et Moscou eut lieu, notamment entre Mies van der Rohe et Paul Scheerbart. En d’autres termes, entre le modernisme et le surréalisme. Entre 1938 et 1942, Mies Van der Rohe produit trois projets qui comptent parmi les oeuvres les plus significatives de sa carrière. Il s’agit de la Resor House (1937-1939), du Museum for a Small City (1941-1942), et du Concert Hall (1941-1942). A eux trois, ils forment un ensemble unique et puissant. Leurs caractéristiques formelles et expressives, loin de l’abstraction moderniste sont les clés de lecture de la fascination de Koolhaas pour Mies. Exilé aux Etats-Unis, il baigne dans la métropole américaine, s’éloigne de l’hégémonie moderniste européenne et ouvre une nouvelle voie dans un contexte de guerre: celle de la disparition, du reflet, de la dissolution, du flottement etc. Koolhaas parle d’une architecture sensuelle, extravagante, permissive au potentiel libérateur. Les collages de Mies permettent de faire exister sur le même espace pictural plusieurs idéologies: le langage formel pur du modernisme, des jeux de transparence par des calques qui floutent certaines parties de l’image, des surfaces verticales ou horizontales qui sont aussi des éléments de décor. Koolhaas met en garde par rapport à la notion de collage. « J’ai toujours été mal à l’aise avec la notion de collage. J’ai toujours été beaucoup plus intéressé par le montage car contrairement au collage, il est la planification d’une série d’événements, de visuels ou d’épisodes, comme des histoires dans un film. Je pense que le collage est quelque chose que tout le monde peut faire, alors que le montage introduit une valeur stratégique » Exodus, une tentative de Mies et de Dali C’est le côté déviant de Mies, border-line, qui plaît à Koolhaas. Cette capacité à considérer plusieurs idéologies contradictoire sans que cela ne l’empêche d’avancer. L’architecture de Mies contient en elle même l’idéologie moderniste, et une part d’hédonisme, de rêve. L’idéologie miessienne contient à la fois le « Less is More », credo du minimalisme, et une dimension décorative et hédoniste par l’emploi de matériaux précieux comme le marbre, le velours, l’inox, le verre poli etc. Il s’agit en somme d’une idéologie de la fusion de deux contraire. Koolhaas tentera d’aller plus loin. Exodus est une tentative visant à enrichir l’architecture moderniste par le surréalisme, une tentative de fusion de Mies et de Dali. La contradiction sur laquelle tout le scénario d’Exodus repose, entre prison et paradis, entre oppression et libération, entre étrangeté et luxe, entre nudité et «frénésie ornementale» est sans doute le reflet de la volonté de faire place à une architecture de la juxtaposition des extrêmes qui fait de la ville une métropole (6)

Articles liés: hédonisme, modernisme II, surréalisme

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «The house that made Mies», S, M, L, XL, Monacelli Press, 1995, pp.62-63 [Traduction critique, Interprétation_#04_04_8] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] - Fritz Neumeyer, Mies van der Rohe : Réflexion sur l’Art de bâtir, Le Moniteur, 1996

[Commentaire critique]

• Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


MODERNISME II - Plan Voisin

Maquette du Plan Voisin

Le Plan Voisin et la ville du XIXe

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«MODERNISME II» (1)

« TUER LE PÈRE »

(2)

Inventeur: Le Corbusier

(3)

Application initiale: Plan voisin, Paris

(4)

Date: ........................ 1922-1940

(5)

ABSTRACTION

Le Plan Voisin est un projet de Le Corbusier qu’il conçut de 1922 à 1940. Le principe du projet est la table rase. Une trame orthogonale occupe une part très importante de la rive droite de la Seine. Les immeubles cruciformes y sont disposés régulièrement selon une trame orthogonale. L’hégémonie du fonctionnalisme L’hégémonie du fonctionnalisme a produit, selon les mots d’Aldo van Eyck, « l’ennui de l’hygiène » et « des kilomètres organisés de « nullepart ». En réaction à cela, les années 1960 la critique de l’époque pullule de solutions alternatives, concrète et construite ou critique et analytique. En Europe, à l’endroit même où toutes les avant-gardes européennes avaient été inventées, ces mouvements se considéraient respectivement comme absolument incompatibles et inconciliables. Chacun d’eux a donc cherché à imposer l’hégémonie de sa doctrines au détriment des autres. Dans un contexte de reconstruction, c’est le rationalisme qui l’emporte. En architecture, la forme suit la fonction et obéit à des logiques d’ensoleillement et d’aération. Aucune place n’est faite aux nouvelles formes d’activité sociale. L’aspiration anti-urbaine des CIAM Il va sans dire qu’Exodus fait écho au Plan Voisin de Le Corbusier. Comme lui, Exodus fait la « guerre contre les conditions architecturales indésirables, en l’occurrence celles Londres ». L’anti-urbanisme qui est au travail dans l’idéologie moderniste et qui s’exprime dans le Plan Voisin est ici à l’oeuvre une fois de plus. D’une certaine manière, Exodus partage l’aspiration anti-urbaine des CIAM, au moins dans son rejet de la métropole du dix-neuvième siècle. Exodus était destiné à transformer Londres en une vrai ville du jour au lendemain, combinant sans les désamorcer l’horreur du mur de Berlin et le charme hédoniste de Manhattan. En revanche, contrairement à Le Corbusier, Koolhaas propose de prolonger la logique des gratte-ciel par une stratégie de la congestion. L’Unité d’Habitation représente la destruction de l’image de la métropole pour celle du parc. Koolhaas propose une Unité d’Habitation « congestionnée » : il renverse les valeurs de son époque, transformant la congestion en une valeur positive, alors que Corbusier et la Charte d’Athènes revendiquaient la décongestion de la ville. Le crime du Corbusier lorsqu’il travailla sur New York est d’avoir évité ou nié ce système, la grille... Le refus de la figure de l’architecte-artiste Koolhaas admire l’architecture de Mies en ce sens qu’elle constitue une alternative de non-forme à l’oeuvre plastique de Corbusier. Mies rend caduque la figure de l’architecte-artiste. Si les bâtiments de Le Corbusier peuvent être envisagés indépendamment de leurs voisins, ce n’est pas le cas

de ceux de Mies. Ce qui retient l’attention de Koolhaas dans l’architecture de Mies est la condition urbaine de ses bâtiments. L’ambiguïté si chère à Koolhaas se manifeste de plusieurs manières sur le campus de l’I.I.T.: le fait que le statut des bâtiments oscille entre celui d’objets et d’éléments constitutifs d’un système est un des éléments qui suscite un vif intérêt chez Koolhaas. Mies ne conçoit pas un bâtiment solitaire, mais une condition qui peut prendre plusieurs formes. Pour Koolhaas, le travail de l’architecte ne consiste pas en l’élaboration mystique d’une forme, mais en la mise en place de conditions permettant l’élaboration quasi-automatique d’une forme. Par exemple, la structure Dom-ino de Le Corbusier est pour l’architecte-artiste une finalité en soi. Pour Koolhaas elle ne constitue qu’un moyen générique neutre, comme le montre le projet pour la bibliothèque de Jussieu. Dans son projet La Ville du Globe Captif, deux gratte-ciel cruciforme du Plan Voisin sont présent sur la grille: Le Corbusier est un père à tuer pour Koolhaas. (6)

lisme

Articles liés: archigram, modernisme I, surréa-

• Sources imprimées - Le Corbusier, «A la recherche d’une doctrine d’urbanisme pour l’équipement de la civilisation machiniste, 1922-1923», L’Architecture d’Aujourd’hui, n°10, 1933 [Commentaire critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


MUR DE BERLIN -

Photographies du Mur de Berlin

Fuite vers Berlin Ouest in extremis

Des berlinois de l’est se préparent à quitter les lieux

Construction du mur par les habitants de la « Mauvaise Moitié »

A l’ouest, des plates-formes sont installées pour observer le «mauvais côté»

Photographie du mur prise lors de la Summer Session de l’été 1971 par Rem Koolhaas.

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«MUR DE BERLIN» (1)

PRISE DE CONSCIENCE DE LA PUISSANCE ET DU POUVOIR DE L’ARCHITECTURE (2)

Lieu: Berlin

(3)

Application initiale: Rapport d’étude: «Berlin wall as Architecture» (4)

Date: ........................ 1970

(5)

ABSTRACTION

En 1971, Koolhaas est en troisième année à l’Architectural Association School of Architecture de Londres. Il reçoit pour mission, tout comme ses camarades, d’étudier et d’analyser un bâtiment existant. Il a choisi le mur de Berlin. La liberté par l’enfermement Lors de l’été 1971, il visite la ville, et deux choses le frappent en particulier. La première est le fait que le mur ne séparait pas du tout la ville selon un axe nord-sud, selon l’idée naïve qu’il se faisait à cause du rideau de fer : au contraire, il encerclait Berlin-Ouest. La «ville libre » s’est avéré être une enclave emmurée. La liberté passait par l’enfermement. Exodus doit donc être lu à la lumière du mur de Berlin. C’est une structure métropolitaine enfermée dans l’une des structures originelle de l’architecture, le mur. Pour accentuer la valeur symbolique, le mur d’Exodus est représenté avec des blocs de béton du mur de Berlin, dont «l’aspect symbolique et psychologique», comme l’écrivent Koolhaas et Zenghelis, était «plus fort que son existence physique». Les habitants de cette architecture, « ceux assez fort pour l’aimer » subiraient une libération paradoxale : « Une liberté esthétique dans leurs limites architecturales. » La transformation du mur « à des fins positives » Jusqu’aux années quatre-vingts-dix, Koolhaas ne se débarrassera pas de cette figure symbolique du mur qui, à partir du projet d’Exodus. C’est un des éléments récurrents et obsédants de l’OMA. Dans Exodus, Koolhaas et Zenghelis utilisent «à des fins positives», la «force intense et destructrice» du mur de Berlin, le transformant en deux parois parallèles et creuses qui protègent une bande, ou “Strip”. Dans cette bande, sont effectuées des activités vitales à «fort potentiel d’attraction d’un point de vu métropolitain», et donc capables, dans les intentions des auteurs, de générer un exode de la ville historique, de sorte qu’elle serait progressivement réduite à un «tas de ruines». Exodus est un paradis architectural incitant les Londoniens somnambules à laisser leur métropole en masse pour un séjour dans un environnement répondant à tous leurs rêves. Exodus est une enclave, dans laquelle les habitants seraient devenus les prisonniers volontaires de l’architecture. Selon le prologue d’Exodus, le projet vise à réaliser une inversion de l’impact du mur de Berlin: « Il est possible d’imaginer une image miroir de cette architecture terrifiante, une force aussi intense et dévastatrice mais utilisée à fins positives.» Le mur de Berlin: une attraction En plus, Koolhaas s’est rendu compte que le mur se manifestait architecturalement sous différentes formes : fils barbelés, vide, murs en dalles

de béton préfabriquées, mais était à certains endroits une transformation des bâtiments (fenêtres murées). Cette expérience lui a révélé la puissance ambiguë de l’architecture. Dans le cadre de ses recherches sur le mur de Berlin, Koolhaas s’est rendu compte que le mur était une attraction, un condenseur de toutes sortes. Il suscitait un vif intérêt des deux côtés : du côté Est, celui des militaires et des potentiels évadés, et du côté Ouest, celui des touristes. Vu sous cet angle, les fragments d’images montrent, entre autres la tour de guet, paraît moins sinistre qu’il n’y paraît au premier abord. Elles sont les plate-formes à partir desquelles les anciens Londoniens peuvent avoir un aperçu de la joie silencieuse et la splendeur de l’intérieur du Strip, en particulier des Lots. Une réaction à l’hypertechnologie ambiante de l’AA A la fin des années 1960 il y avait une hostilité profonde et fondamentale qui émergeait contre la modernité, en particulier à l’AA. Le groupe Archigram imposait une idéologie hypertechnologique si bien que « Architecture » était presque devenu un gros mot. En réponse à cela, Exodus est la preuve que le but de l’architecture est de combiner le programme à la puissante présence physique de l’architecture. C’est la preuve que la puissante présence physique de l’architecture est indispensable pour générer cette activité supplémentaire, qu’elle soit corrompue ou non. Cela avait une touche populiste : que cette architecture puisse non seulement parler à des spécialistes, mais à l’ensemble de la population est une sorte de populisme, mais un populisme racheté, transformé en des fins positives. Un rapport d’étude rétroactif La tâche évidente de Berlin Wall as Architecture est de plonger directement dans l’idéologie pure et de faire pour la première fois l’inventaire des épisodes urbains de berlin, une description clinique des différentes habitudes incontestées qui sont devenus des réalités banales. Cependant, le rapport de Koolhaas n’est pas une simple représentation de ces réalités: au contraire, par l’analyse, la structuration et l’articulation de la représentation du mur, ce portrait a le pouvoir de lier notre connaissance des choses à une dimension historique, puis par une réinterprétation de l’histoire, de proposer une nouvelle théorie architecturale. (6)

Articles liés: bernauer strasse, evans, hétérotopie, prisonniers volontaires, surréalisme

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «Berlin Wall as Architecture», S, M, L, XL, Monacelli Press, 1995, pp.212-233 [Traduction critique, Commentaire critique, Interprétation]


NEW YORK - La Ville du Globe Captif, Zoe Zenghelis (haut), Eating Oysters with Boxing Gloves, Madelon Vriesendorp (bas)

Le Projet de La Ville du globe captif constitue une première exploration intuitive de l’architecture manhattanienne Le projet fonctionne sur le même principe qu’Exodus : une friction idéologique de théories. Dans Exodus, l’espace est organisé en fonction des pratiques sociales relevées dans la Métropole et les nombreuses théories contradictoires auquelles le projet fait référence sont discoutes dans le Strip. Dans La Ville du Globe Captif, c’est la friction idéologique qui est à la base même de l’organisation spatiale de la Métropole.

Une publicité du Downtown Athletic Club souligne qu’ « avec leurs délicieuses brises marines et leur vue imprenable, les vingt étages réservés aux appartements des membres font du Downtown Club un foyer idéal pour les hommes libres de toute attache familiale et en mesure de profiter du dernier cri en matière de vie luxueuse ». Koolhaas rajouter que « dans leur autogénération frénétique, les hommes fuient collectivement « vers les hauteurs » pour échapper au spectre de la femme lavabo ».

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«NEW YORK» (1)

INFLUENCE D’UN NOUVEAU STYLE DE VIE MÉTROPOLITAIN (2)

Inventeur: Raymond Hood

(3)

Application initiale: New York

(4)

Date: ........................ 1931

(5)

ABSTRACTION

Koolhaas est fasciné par le fait que l’architecture New-Yorkaise soit un conteneur fait pour abriter un mode de vie métropolitain: le gratte-ciel est un condensateur social. La base du projet est l’inventaire méthodique des nouvelles pratiques sociales métropolitaines. Exodus est une mise en forme du vide capable d’accueillir ces pratiques. Lors du concours La Citta come Ambiante Significante, Koolhaas n’a pas encore commencé la rédaction de New York Délire, son manifeste rétroactif du Manhattanisme. Pour autant, les indices relevés dans les images et le scénario trahissent un intérêt et une culture du mode de vie métropolitain très poussé. En 1972, les idées sont encore sous forme embryonnaire, mais certaines d’entre elles sont déjà là. Exodus fait l’inventaire des pratiques métropolitaines Le « Parc des quatre éléments » a une vocation didactique. Divisé en quatre zones, on y enseigne les qualités des éléments primordiaux : l’air, le feu, l’eau et la terre. Dans celle de l’air par exemple, leurs états d’âmes sont stimulés par l’émission de gaz hallucinogènes comme cela advenait dans la salle de la “Radio City Music Hall” à New York que Koolhaas décrivait en 1978. « Les Bains » sont le lieu de la réalisation des fantasmes. La norme dans le Strip n’est plus le couple. La sexualité est dissociée de la reproduction qui a lieu, comme dans le livre d’Aldous Huxley, dans « L’institut des Transactions Biologiques ». Les couples se forment pour quelques instants, et s’isolent à deux ou à plusieurs dans des cellules prévues à cet effet. Cette pratique est sans doute inspirée du Downtown Athletic Club. Dans New York Délire, le bâtiment est décrit comme « une machine pour célibataires métropolitains que leur condition physique optimale a mis définitivement hors d’atteinte des mariées fertiles ». «Les hommes fuient collectivement vers les hauteurs pour échapper au spectre de la femme lavabo ». Le début de l’inventaire métropolitain En 1971, à la suite du concours « La ville comme ambiance significative », la revue Casabella divulgue les recherches urbaines de « l’Institute of Architecture and Urban Studies » de New York (IAUS) auquel collaborent entre autres Peter Eisenman et Kenneth Frampton. Pour le numéro de « Casabella », le directeur de l’ IAUS Emilio Ambasz, écrit un article sur la métropole américaine, dans lequel il affirme que Manhattan recèle un potentiel inattendu, celui de découvrir un nouveau concept de ville. L’année suivante à New York. Entre Juillet et Août 1971, l’International Institute of Design de Londres dirigé par Alvin Boyarsky, organise une Summer Session dédiée à Manhattan, à l’occasion de laquelle se déroulent de nombreux workshops et une conférence de Koolhaas intitulée, Berlin Wall, Casabella Entry. En 1972, grâce à la bourse d’étude Harkness, Koolhaas se rend aux États-Unis en compagnie de sa collaboratrice et compagne Madelon Vriesendorp. Il travaille avec la Cornell University à Ithaca, en contact avec Oswald Mathias, Ungers et Colin Rowe, et devient Professeur invité de l’IAUS. Koolhaas et Vriesendorp commencent à étudier les sources capables de révéler des aspects inédits et populaires de New York comme les guides touristiques et les cartes postales. De cette façon, Koolhaas commence son inventaire métropolitain qui sera le support de l’écriture de son livre New York Délire, qui sera publié seulement en 1978.

La formalisation de la friction idéologique L’essence de New York, son secret immaculé, est qu’elle s’est



NEW YORK

elle-même divisée en lots égaux. Son prodige est qu’à travers cette subdivision, elle devient un catalogue des différentes paranoïa. Le projet Exodus est inspiré de ce système de solitudes manhattanien, à l’échelle de la ville, du Carré, du détail, et du mode de vie projeté dans chaque Carré. Quelques années après Exodus, Koolhaas conclue son manifeste New York Délire par une conclusion-fiction : La Ville du Globe Captif. Il s’agit d’une extrapolation du paysage métropolitain inconscient, qui préfigurent certains préceptes latents du Metropolitanisme. De nombreux gratte-ciel New-yorkais ont des ambitions idéologiques et représentent la matérialisation d’avant-gardes européennes telles que le futurisme, le constructivisme, l’expressionnisme, le surréalisme, le réalisme socialiste. Chacun à leur manière, découle de l’invention puis de l’imposition d’un mode de vie complètement nouveau. Contrairement à l’Europe, l’endroit même où ils ont été inventés, ces mouvements se considéraient respectivement comme absolument incompatibles. Chacun d’eux a donc cherché à imposer l’hégémonie de sa doctrines au détriment des autres. Mais dans Manhattan où ils vivent « incognito », ils coexistaient sur la grille. Un dialogue à 3 : Koolhaas, Dali, Le Corbusier New York Délire est un dialogue à 3 : Koolhaas, Dali, Le Corbusier. Tous trois ont pris Manhattan comme phénomène majeur de leur réflexion critique. Le Corbusier a voulu tuer Manhattan par la décongestion. Dali a projeté un point de vue poétique sur Manhattan. Koolhaas a interprété New-York comme une avant-garde rétroactive : le manhattanisme qui est une tentative de fusion de toutes les avantgardes européennes. La représentation personnifiée des bâtiments qui apparaît dans New York Délire est inspirée du style de Dali et du ball costumé des architectes travestis sous la forme de leur gratte-ciels, tenu à New York le 23 janvier 1931. OMA considère ce bal comme la plus grande expression de la transformation de l’architecture en « dessin de costumes, maquillant les activités internes pour produire des images « idéales» qui glissent mollement vers l’inconscient collectif pour jouer un rôle symbolique ». Le Manhattanisme est un passage en trois dimension du Strip d’Exodus. Le gratte-ciel se caractérise par la démultiplication de l’emprise au sol, produisant autant d’univers différents qu’il y a d’étages; c’est l’équivalent en coupe de la Ville du Globe Captif. Et, au delà d’une certaine échelle, la façade n’est plus capable de traduire les activités internes du bâtiments, si bien qu’elle devient un costume, une enveloppe complètement indépendante. C’est la lobotomie qu’engendre la congestion manhattanienne. New York et la technologie du fantasme Exodus préfigure une partie de ce que Koolhaas énoncera comme une théorie rétroactive dans New York Délire en 1978. Le Parc des Quatre Eléments du Strip est clairement une application des enseignements de Coney Island, le parc d’attraction de Manhattan. Dans New York Délire, Koolhaas explique le syndrome de l’irrésistible synthétique new-yorkais. Compte tenu de la densité de population démesurée qui vient s’agglutiner sur la superficie trop réduite du Parc des Quatre Elements, la conversion de la nature en un service technique s’impose. Et, c’est justement le caractère artificiel qui devient l’attraction du Parc. Les attractions du Parc des Quatre Elements sont des citations, des interprétations et des transpositions d’attractions existantes sur Coney Island. Electricité Coney Island est la plage de New York. Or, l’échelle du lieu ne permet pas d’accueillir tous les plagistes. Pour satisfaire les besoins de la population, des projecteurs transforment la nuit en une deuxième journée. Ce soleil artificiel devient une attraction en soi. Les manhattaniens se ruent pour profiter d’une baignade sous les projecteurs. Cylindres de l’amour Deux tunnels mis bout à bout et communicant tournent sur eux même en sens contraire. Dans l’un rentre un homme. Dans l’autre, une femme. Les deux ne se connaissent pas. Une fois dans cette machine de l’amour, le mouvement de rotation des tunnels entraîne une proximité

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physique des deux usagers équivalente à une sorte d’intimité artificielle: une intimité synthétique. Tunnels de l’amour Les «couples» fraîchement formés embarquent dans des petits radeaux qui voguent dans des tunnels sombres. Par leur ballottement incessant, les vagues synthétisent des passions et des émotions humaines réelles. Introduction de l’irrésistible synthétique à l’architecture Koolhaas fait la démonstration que l’irrésistible synthétique doit être un outil de l’architecture et non pas l’architecture elle-même. En énonçant cette thèse, il s’oppose au post-modernisme de Charles jencks et à l’architecture de l’imitation. Exodus est la démonstration que les fondamentaux de l’architecture sont le vide, le mur, les matériaux. En revanche, l’usage de dispositifs relevant de l’irrésistible synthétique visent à satisfaire les nouvelles pratiques sociales, les nouvelles formes de comportement absorbés par l’architecture elle même. Une application réussie de l’enrichissement de l’architecture par des dispositifs irrésistibles synthétiques se matérialise dans le Radio City Hall de manhattan. Les réseaux conduisant des gaz hilarants du premier Carré du Parc des Quatre Elements en sont des allusions directes. Son architecte, Roxy, remet en question l’utilisation traditionnelle du système de climatisation et ajoute des gaz hallucinogènes à sa salle de théâtre pour provoquer une sorte de ravissement synthétique. Exodus est la prémunition contre l’équation-malédiction du postmodernisme de Jencks : technologie + carton pâte = architecture. (6)

Articles liés: grille, huxley, métropolis, modernisme II, postmodernisme, nietzsche, surréalisme

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, New York Délire, Parenthèses, Paris, 2002 [Commentaire critique, Transformation, Assemblage] - Shumon Basar, Stephan Trüby, The World of Madelon Vriesendorp, AA Publications, London, 2008 [Traduction critique, Transformation, Interprétation Paranoïaque-critique] - Emilio Ambasz, «Manhattan, capital of the twentieth century», Casabella, n°359-360, 1971, pp.92-94 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique] - «Summer session 72: Manhattan Workshop», Architectural Design, vol.43, n°4, 1973, pp.284-308 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«NIETZSCHE» (1)

INFLUENCE DE « L’ESPRIT LIBRE »

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Philosophe: Friedrich Nietzsche

(3)

Application initiale: Par delà bien le mal, Le gai

(4)

Date: ........................ 1886

(5)

ABSTRACTION

Savoir

Par-delà bien et mal rend compte du fait que Nietzsche entend se placer au-delà d’un couple de valeur (par exemple bien et mal) et non au-delà de chacune de ces valeurs considérées seules. L’esprit libre et la science Les échos de Par-delà bien et mal au projet Exodus sont considérables. Au premier abord, le projet de Koolhaas est déroutant car il se contredit lui même. Il dit une chose et parfois son contraire, tant dans sa forme, que dans les idéologies auxquelles il renvoi, que dans les modes de vie qu’il met en scène. Cet aspect du projet devient clair à la lumière de la pensée de Nietzsche. Le débat qu’il soulève est transposable à plusieurs événements de la vie de Koolhaas. La réorganisation du journal dans lequel il travaille comme rédacteur en 1963, la refonte du système pédagogique de l’AA, la confrontation Koolhaas / Dali / Le Corbusier dans New York Délire. Comme «Les philosophes» dont parle Nietzsche, Le Corbusier est le représentant d’un système de pensé qu’il a mis en place pour asseoir sa vérité; coûte que coûte, ce système est appliqué indifféremment au nom de la morale à plusieurs endroits du globe. Koolhaas, au contraire ne veut appliquer aucun système et aucune morale au monde; il ne cherche aucune vérité, et n’adopte pas de raisonnement logique voire scientifique fonctionnaliste. Car la science procède par divisions, calculs, schématisations, découpes et simplifications du réel. Mais tout cela n’a pas d’autre but que de satisfaire nos besoins et nous rassurer. Mais la science, la logique rationnelle est remplie de préjugés. Elle est incapable de percevoir les nuances. Le désir de ne pas savoir n’est pas la négation du désir de savoir; il s’agit d’une attitude visant à chercher l’inconnu plutôt que le connu, lorsque l’on a le goût du risque intellectuel. En flânant, il entreprend un inventaire des phénomènes métropolitains, les interprète librement, ne cherchant pas à les faire rentrer dans un système moral. Exodus: une matérialisation de la pensée de Nietzsche La dualité de ces deux positions est présentée dans le premier paragraphe de Par delà bien et mal. Nietzsche explique que les philosophes croient au pouvoir absolu de la pensée, et croient en la vérité. Il se demande pourquoi l’apparence aurait-elle moins de valeur, pourquoi le sensible serait haïssable ? Nietzsche joue sur l’ambiguïté entre une pensée philosophique «sérieuse» en quête de vérité et une pensée poétique essentiellement joyeuse, axée sur le jeu des apparences. Exodus est une formalisation de cette question. Sa monumentalité violemment imposée sur Londres en fait un projet «sérieux», une vérité absolue platonicienne. Mais l’essence du projet, ses tripes, en font une joyeuse ode au jeu des apparences. C’est certainement le trait de caractère le plus surprenant de l’architecture de Koolhaas en général. Il ne s’agit pas d’une prise de parti. L’architecture de Koolhaas n’a aucune revendication. Elle est une machine à interroger qui ne prétend pas

apporter de réponses. Outils : connaissance des hommes et cynisme A la manière d’une formule scientifique, l’idéologie fonctionnaliste et le rationaliste du modernisme est appliquée ça et là, au nom de la morale. A l’inverse, le penseur Nietzschéen, en particulier Koolhaas à cette particularité de ne pas être confondu avec la «masse» des esprits passifs et soumis. La tentation d’un tel homme serait de s’isoler. Au contraire, le penseur Nietzschéen plonge parmi les hommes afin de mieux les «scruter», les observer, les analyser. «La norme est plus intéressante que l’exception» : elle est intéressante à étudier; sans ça le penseur passerait son temps à s’observer lui-même et à se complaire, à se plaindre ou à s’indigner de la bassesse du monde. Le penseur doit donc apprendre à se mêler au troupeau sans faire partie du troupeau. Pour rentre compte de ses observations le penseur Nietzschéen doit parler sans indignation, à la manière des philosophes «cyniques». Il s’agit de faire preuve de la plus grande honnêteté possible, c’est à dire oser dire la vérité. Mieux vaut parler « mal » et parler vrai plutôt que flatter. Cette démarche prend forme chez Koolhaas sous la forme de l’inventaire métropolitain, et passe par un plongeon dans la culture populaire. (6)

Articles liés: grille, journalisme, new-york, surréalisme

• Sources imprimées - Friedrich Nietzsche, «Par-delà bien et mal - La Généalogie de la morale», Gallimard, Paris, 1971 [Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9]


OLDENGURG - Chambre à coucher (haut), Soft Toilet (bas)

Installation de La chambre à coucher

Soft Toilet

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«OLDENBURG» (1)

TRANSFORMATION DU RÉEL EN SIMULACRE

(2)

Artiste: Claes Oldenburg

(3)

Application initiale: La Chambre à coucher, Soft Toilet (4)

Date: ........................ 1963-1964

(5)

ABSTRACTION

Les faux matériaux et le kitch renvoient aux travaux d’Oldenburg qui questionnent les rapports entre le vrai et le faux. Ce qui l’attire dans le vinyle, c’est sa facticité et le rapport entre naturel et artificiel qu’il questionne. Oldenburg se préoccupe des rapports visuels et spatiaux, et cherche à proposer un commentaire ironique sur la culture de consommation. La Chambre à Coucher Dans La Chambre à Coucher, Claes Oldenburg exploite un mise en scène du quotidien et du banal en recréant le faux semblant de ces intérieurs stéréotypés où règnent le conformisme et l’opulence. Ces objets tridimensionnels questionnent leur rapport à la réalité. Les meubles sont déformés selon la perspective d’un dessin, ce qui crée l’illusion d’une profondeur exagérée. Les textiles et les matériaux utilisés accentuent le phénomène. Aucun des meubles n’est réel; aucun des accessoires ne fonctionne; la pièce tout entière est une illusion du fonctionnalisme. Même la série de faux tableaux expressionnistes abstraits confectionnés de tissus décoratifs ajoute à l’ironie de l’oeuvre. Koolhaas est intéressé par Oldenburg parce que ses oeuvres s’affirment comme des révélateurs, des archétypes d’une culture donnée et leur déformation formelle ne vient qu’accentuer l’effet de simulation, de faux et d’artifice qui les oppose au réel. Soft Toilet Cette oeuvre illustre un autre procédé, la transposition d’objets du quotidien dans des matériaux inhabituels en inversant leurs qualités. La banalité du quotidien est représentée de telle sorte qu’elle invite à considérer son côté fantastique, reprenant la préoccupation koolhaassienne de rendre surprenant le banal. Le matériau comme outil d’investigation Expansif, contracté, flasque, rigide... Oldenburg joue avec le Vinyle sous toutes ses formes. L’artiste est un liquide révélateur de l’inconscient de ses objets, et donc de la société qui les a créé. La révolution culturelle des années 1960 prend sa source dans la remise en question du modernisme. C’est cette question qu’interrogent finalement les oeuvres d’Oldenburg. Le modernisme prône une attitude moraliste de «vérité du matériau». L’artiste prend le contre pied, l’attitude du «laisser faire le matériau». Le matériau devient le masque, comique ou tragique, de la forme. (6)

Articles liés: pop-art, modernisme I, modernisme II, radicalisme I, radicalisme II

• Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.gallery.ca/fr/voir/collections/artwork.php?mkey=996 [Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«OORTHUYS» (1)

SENSIBILISATION AU CONSTRUCTIVISME

(2)

Initiateur: Gerrit Oorthuys

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Application initiale: Séminaire à l’Université technique de Delft consacré au cinéma et à l’architecture (4) Date: ........................ 1966

(5)

ABSTRACTION

En 1966, lors d’un séminaire à l’Université technique de Delft, consacré au cinéma et à l’architecture, Koolhaas rencontre Oorthuys Gerrit, collaborateur de Gerrit Rietveld et professeur d’histoire féru de constructivisme. Simultanément au séminaire, Oorthuys organise une exposition sur le constructivisme. Koolhaas montre un intérêt particulier qui le conduira à entreprendre un travail de recherche sur Ivan Leonidov. C’est cette recherche qui le mènera finalement à l’architecture. (6)

Articles liés: cinéma, constructivisme

• Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9]



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«PARCOURS» (1)

LE PARCOURS EST À LA FOIS UN OUTIL D’INVESTIGATION ET UN OUTIL DE FABRICATION DE L’ARCHITECTURE (2)

Inventeur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: Exodus

(4)

Date: ........................ 1971

(5)

ABSTRACTION

Parcours libre du flâneur « Pour le parfait flâneur, pour l’observateur passionné, c’est une immense jouissance que d’élire domicile dans le nombre, dans l’ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l’infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde, tels sont quelquesuns des moindres plaisirs de ces esprits indépendants, passionnés, impartiaux, que la langue ne peut que maladroitement définir. L’observateur est un prince qui jouit partout de son incognito ». Charles Baudelaire, Le Figaro, 1863

Koolhaas reprend la figure du flâneur et la transpose à l’architecte. Son rôle est d’observer et de faire l’inventaire des pratiques métropolitaines pour ensuite en tirer le portrait et leur donner une forme. Parcours cinématographique Dans Exodus, chaque Carré est la formalisation des nouvelles pratiques sociales. Le scénario que rédige Koolhaas est narratif, il raconte l’histoire de ces nouvelles pratiques métropolitaines de manière très séquencée. Le parcours est définit et imposé, à l’opposé de celui du flâneur dans la métropole. Le scénario est la description d’un storyboard imaginaire qui relie différents épisodes les uns aux autres, génère du suspense et assembles les choses par le biais du montage. Par exemple, dans le Carré des Transactions Biologiques, le tapis roulant implique un rapport au temps très différent du parcours d’entrée dans le premier bâtiment du Carré des Musées. Le premier, rapide, est inspiré du de la technique du traveling. Le deuxième, très contemplatif, est celui d’une séquence panoramique, un parcours piétonnier formé de courbes. (6)

Articles liés: baudelaire, cinéma

• Sources imprimées - Charles Baudelaire, «L’artiste, homme du monde, homme des foules et enfant», Le Figaro, novembre–décembre 1863 [Commentaire critique] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«POLITIQUE» (1)

(5)

(2)

Inventeur: Bernard Tschumi

L’ « imagination au pouvoir », « Soyez réaliste, demandez l’impossible » ou « Sous les pavés la plage » sont les slogans de la révolte étudiante des de la fin des années 1960.

(3)

Application initiale: Summer Session 1971

(4)

Date: ........................ 1972

REFUS DE LA CONDITION URBAINE ET DE LA MÉTROPOLE DU XIXème SIECLE

ABSTRACTION

La politique selon Tschumi Lors de la « Summer Session » de 1971 à l’AA, l’ « insurrection urbaine » fit l’objet d’une série de ses conférences. Bernard Tschumi perfectionna et réinterpréta le concept de « politique urbaine » au sein de sa « Diploma Unit 2 ». Il déclara: « Pas de politique au sens institutionnel du terme (parlement, élections, partis, autorités locales ...), ni de politique au sens idéologique (lutte des classes, prolétariat, fête ...) mais de la politique dans un sens qui n’a pas été encore défini, et qui doit peut-être le rester » Cette définition de la politique n’a rien a voir avec les modifications de règles institutionnelles, mais plutôt avec l’élaboration d’espaces subjectifs et de terrains de jeux sociaux. Elle fait écho à Exodus, et indique la forte influence de Tschumi professeur sur Koolhaas étudiant. (6)

Articles liés: hétérotopie, rétroaction

• Etudes Critiques - Irene Sunwoo, «From the ‘Well laid table’ to the ‘Market place’», Architectural Education School, Princeton Press, 2012 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_10]


POP-ART - Dream Beds (Archizoom)

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Letto di sogno, Presagio di rose, Archizoom Associati

Letto di sogno, Naufragio di rose, Archizoom Associati

Letto di sogno, Elettro rosa

Letto di sogno, Rosa d’Arabia


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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«POP-ART» (1)

OUTIL D’INVESTIGATION ET DE REPRÉSEN-

(2)

Inventeur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: Exodus

(4)

Date: ........................ 1971

(5)

ABSTRACTION

TATION

Le manque américain d’une culture historique profonde les autorise à réinventer le modernisme plus librement que n’importe quelle civilisation européenne accablée par la mémoire. En partie en réponse à la fin de vie de l’art abstrait, le pop découvrit du bon dans la basse culture très largement diffusée. L’architecture en général se situe en dehors de cette révolution culturelle, à l’exception d’Archizoom qui opère un changement de paradigme. Ils portent un regard critique sur le rationalisme sans pour autant le détruire. Nulbeweging A 19 ans, Koolhaas commence comme journaliste au Haagse Post, un quotidien de droite. Beaucoup de journalistes du Haagse Post avaient une seconde carrière dans l’art, la littérature et le cinéma. En fait, le magazine était presque une organisation de couverture pour le Nulbeweging, (littéralement «Mouvement Zéro», la variante néerlandaise du groupe allemand ZERO et des Nouveaux Réalistes. Armando, le chef de file du Nulbeweging était responsable de la section culturelle du magazine, influençant fortement la ligne éditoriale. Dans l’Amérique pop-art, les artistes utilisaient la dimension terriblement vide de la société de consommation de manière ironique pour critiquer le consumérisme et le matérialisme de la société. Ce double jeu ironique n’était pas accepté par le groupe Nul. Leur travail n’était pas critique, et n’émettait aucun jugement de valeur. Ils ne représentaient pas une critique du capitalisme. C’est pour cela que Nul ne s’identifient pas au pop-art : Nul n’est pas une critique mais est le liquide révélateur du capitalisme. Armando, avait par exemple entrepris un partenariat avec une entreprise pour son mur de jantes de voitures. C’était du jamais vu, et cela provoqua de vives réactions. Le pop des avant gardes italiennes Les «Dream Beds» et les «Gazebos» sont quelques-unes des oeuvres dans lesquelles l’architecture se transforme en système capable de produire des formes d’éclectisme et de kitsch; ce système procède à une destruction critique des héritages fonctionnalistes et de la conception de l’espace du Mouvement Moderne. L’architecture radicale conteste l’idée moderniste de vérité du matériau. Archizoom affirme l’introduction de la vulgarité dans la théorie architecturale. Archizoom imagine en 1967 les Letti di sogno et introduit le design de manière critique dans la civilisation de la consommation de masse. La forme des chambres tend à une simplification symbolique alors que la décoration de ces « lits de rêve » est volontairement redondante et kitsch, à travers l’utilisation du laminé plastique imitant le marbre, la superposition de symboles et de signes pop, ou encore les peaux de léopard et les animaux empaillés. Ces micro-architectures dénoncent la prolifération des objets grandissante.

Le pop: outil d’investigation et de représentation Pour Koolhaas, le pop art à un intérêt plus profond que la simple critique de la société de consommation. Premièrement, il nous laisse voir ce à quoi les gens aspirent, il nous montre quelque chose à propos du désir collectif d’une société à un moment donné. C’est donc un outil précieux pour faire l’inventaire des pratiques métropolitaines. Puis, l’intérêt que Koolhaas porte au pop est qu’il a la capacité de renvoyer l’inconscient collectif à la face du spectateur. Son but est de questionner plutôt que de solutionner. Le Surréalisme et le pop permettent à Koolhaas de rendre surprenant le banal. Koolhaas et Vriesendorp partagent avec Venturi et Scott-Brown un intérêt commun pour le mauvais goût, le kitch et la culture populaire. Pour autant, leur différence est capitale. Cette volonté de créer des liens avec la culture de masse, est très différente de Venturi. Le populisme de Venturi est plus indulgent avec l’iconographie et se complaît en elle, en célébrant le riche attirail du Strip américain. Pour Koolhaas, la culture de masse est capable de construire une ville qui a de la logique et une raison d’être interne, même si au premier abord elle se présente à nous comme le résultat d’interventions dans lesquelles prévaut l’appât du gain et dans lesquelles il n’y a aucune volonté de forme. A la manière dont le groupe Nul veut être le liquide révélateur d’une société, Koolhaas formalise le résultat de son inventaire des pratiques métropolitaines pour révéler l’inconscient, et interpeller le spectateur. (6)

Articles liés: journalisme, radicalisme I

• Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs-58.html?authID=11 [Commentaire critique]


POST-MODERNISME - Expositions de l’OMA sur le thème de l’après-modernisme

Installation de Rem Koolhaas et Elia Zenghelis à la Biennale d’Architecture de Venise en 1980 intitulée La Strada Novissima, La presenza del passato

Installation de l’OMA à la Triennale d’architecture de Milan en 1986

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«POST-MODERNISME» (1)

POST-MODERNISME = APRÈS LE MODER-

(2)

Inventeur: Rem Koolhaas

NISME

(3)

Application initiale: New Sobriety

(4)

Date: ........................ 1980

(5)

ABSTRACTION

Il faut bien garder en tête que le terme post-moderne est un néologisme datant des années 80. A l’époque, le post-modernisme n’existe pas encore au sens où on l’entend aujourd’hui. A la fin des années 1960, il s’agit de l’introduction d’une distance critique par rapport au discours moderniste devenu hégémonique. Considéré aux USA comme un terme purement stylistique, le postmodernisme est par définition la rupture avec le modernisme, notamment la réintroduction de l’éclectisme en architecture. Un post modernisme hérité de la pédagogie de l’AA Boyarsky refondre de manière indélébile l’identité institutionnelle de l’école, qui n’a commencé à fonctionner comme un terrain d’essai pour des formes alternatives de production architecturale qu’à partir de son accession à la tête de l’école. Explorant autant l’écologie que l’art conceptuel, la politique que la phénoménologie, la pédagogie transgresse les limites de la pratique professionnelle et prend une distance critique vis-à-vis du modernisme. De cette façon, l’AA met en pratique un des changements les plus important de l’enseignement de l’architecture. L’école passe d’un système moderniste de formation professionnelle dans laquelle l’architecte est formaté pour concevoir et construire des bâtiments répondant aux besoins de la société, à une pédagogie postmoderne dans laquelle l’architecture est une pratique intellectuelle et critique. C’est pour cette raison que la réforme de Boyarsky à l’AA a contribué à l’émergence des contours du postmodernisme. Cependant, il ne s’agit en aucun cas d’une périodisation de l’enseignement de l’architecture qui correspondrait à un mouvement stylistique basé sur des codes visuels historicistes. La liberté de choix du « Unit System » donne un caractère de marchandisation à l’enseignement de l’architecture à l’AA; la tâche du postmodernisme est de maximiser l’expérience de consommation de l’enseignement. Le retour à l’architecture Pendant cette période, tout type d’articulation formelle était considérée comme un crime. Dans le contexte de la fin des années 1960 il y avait une hostilité profonde et fondamentale qui émergeait contre la modernité. L’AA se défait des griffes du modernisme par des utopies hypertechnologiques, qui s’éloignent de l’architecture au point de faire de son abandon leur leitmotiv. C’est une clé de lecture importante d’Exodus: l’hostilité envers l’architecture en général et en particulier contre le modernisme qui existait dans des foyers d’architecture expérimentale avant-gardiste comme l’AA. Pour Koolhaas et Zenghelis, échapper à l’hégémonie du fonctionnalisme du modernisme est urgent. Cependant, leur post-modernisme passe bel et bien par l’architecture. C’est en grande

partie l’étude de Koolhaas Berlin Wall as Architecture qui lui permet d’adopter la position théorique qui sera à la base d’Exodus. Selon Koolhaas, La Citta come Ambiante Significante n’était pas un concours centré sur l’architecture utopique: « C’est plutôt une sorte de premier signe du postmodernisme, en 1972 ». La puissance de l’architecture du vide Le premier postulat post-moderne de Koolhaas est que l’alternative du modernisme passe par l’architecture. Et par l’architecture du vide. Dans son étude du mur de Berlin, il déclare que le mur lui a permis de comprendre le rapport qui existait entre la puissance et la masse. L’objet mur en lui-même n’était ni exceptionnel ni vraiment impressionnant. Mais lorsque le mur se « dématérialisait », il conservait toute sa puissance. En fait, le plus important dans le mur, ce n’est pas l’objet, mais l’effacement, le vide fraîchement créé. Il s’agit de la première démonstration de la capacité du vide, de sa « fonction », de sa subtilité, de sa flexibilité. L’enseignement est que l’architecture du vide l’emporte sur l’architecture du plein. La forme et le sens n’ont absolument aucun lien Corollaire de ce premier théorème: la forme n’a aucun lien de cause à effet avec le sens. Le sens du mur change presque quotidiennement, parfois même d’heure en heure. Il est davantage affectée par des événements et des décisions se passant à des milliers de kilomètres de lui que par sa manifestation physique. Son importance comme un « mur » est marginale et son impact tout à fait indépendant de son apparence. Si pour Charles Jencks, le post-modernisme réinscrit l’architecture dans le fil d’une histoire et incite à un retour aux compositions et aux motifs empruntés au passé, pour Koolhaas, aucune forme ne peut directement être le vecteur de sens. D’où la déclaration d’un deuxième théorème: le plus léger des objets pourrait être couplé au hasard avec la signification la plus lourde. A la veille du postmodernisme tel qu’on l’entend aujourd’hui, la preuve de la puissance du « less is more » était flagrante. L’exposition La presenza del passato de 1980 à Venise A l’occasion de la publication du catalogue de l’exposition de 1980, Koolhaas écrit un court texte intitulé Our ‘New Sobriety’. Il s’agit d’un plaidoyer pour la défense de la tradition fonctionnaliste à un moment où elle se trouve en crise. Le site de l’exposition est comparé à un « arsenal de Procuste »: la plupart des oeuvres, empreintes des doctrines « historicistes » et « typologistes », empêchent « la transformation culturelle continue » en forçant le présent à épouser des vieux modèles du passé. Dans la mythologie grecque, Procuste (littéralement « celui qui martèle pour allonger ») est le surnom d’un brigand de l’Attique. Il réside à Corydalle et sévit le long de la route qui va d’Athènes à Éleusis, où il offre l’hospitalité aux voyageurs pour les torturer: il les attache sur un lit, où ils doivent tenir exactement ; s’ils sont trop grands, il coupe les membres qui dépassent ; s’ils sont trop petits, il les étire jusqu’à ce qu’ils atteignent la taille requise (d’où son surnom). Procuste est tué par Thésée, qui lui fait subir le même sort, ce qui laisse planer comme un doute sur le destin du post-modernisme. « OMA lutte pour la préservation et la révision de la tradition fonctionnaliste. Elle est à la base de l’imagination programmatique des «conteneurs» de la culture de la congestion, de la technologie et de l’instabilité sociale définitive. L’architecture a récemment abandonné



POST-MODERNISME

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de telles allégations. Procuste était le voleur qui adaptait ses victimes aux dimensions de son lit, en étirant ou en coupant leurs membres. Avec la « nouvelle » architecture historiciste et typologique, la culture est à la merci d’un arsenal de Procuste qui censure certaines pratiques « modernes » et qui en rétablie d’autres artificiellement, sou prétexte qu’ils s’adaptent aux formes et types ressuscités. Parmi les projets présentés ici, deux projets de l’OMA illustrent que le relation au passé est plus complexe que celle du postmodernisme qui est présenté ici: le prolongement du parlement à La Haye et la prison panoptique d’Arnhem. Les doctrines historicistes et typologistes représentent des obstacles artificiels et inacceptable dans la perspective d’une transformation culturelle continue. Le poids du passé n’est tolérable que par la projection concrète de ces révisions culturelles et leur réalisation dans la modernité tangible. L’intérêt de ces deux projets réside dans la façon dont le passé et la modernité sont liées et sont capables de coexister. Par ailleurs, l’abandon du champ de l’architecture utilitariste et moraliste ouvre une perspective exaltante : la création d’une condition dans laquelle la nouveauté sera rare, l’invention insolite, l’imagination choquante, l’interprétation subversive et la modernité une fois de plus exotique .. . l’ère d’une nouvelle sobriété. »

L’exposition The Domestic Project de 1986 à Milan Pendant les années 1980, le modernisme était présenté comme un mouvement sans vie, puritain, vide et inhabité. Koolhaas a toujours eu l’intuition que l’architecture moderne était en soi un mouvement hédoniste et que sa sévérité, son abstraction et sa rigueur étaient en fait des complots visant à créer les conditions d’expérience de la vie moderne les plus provocantes. OMA décide d’illustrer son point de vue en courbant le Pavillon de Barcelone et en développant un projet dont l’occupation par l’homme serait lié à la culture physique dans le sens le plus large du terme. Le pavillon est désacralisé et témoigne de sa parfaite adéquation avec les aspects les plus suggestifs de la culture contemporaine. Dans une ambiance ambiguë oscillant entre activité physique et plaisir sexuel, des consignes dessinées aux visiteurs sont suggérées par projection, par effets de lumière et par une bande audio où on entend une voix humaine. Le but de ce spectacle est de choquer les gens afin qu’ils prennent conscience des dimensions «cachées», mais possibles de l’architecture moderne.

[Traduction / Adaptation / Déformation, #04_01]

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Articles liés: archigram, hédonisme, modernisme I, modernisme II, mur de berlin

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «Our New Sobriety», La presenza del passato. Prima mostra internazionale di architettura, Venise, 1980, pp. 214-216 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique] - Rem Koolhaas, «Berlin Wall as Architecture», S, M, L, XL, Monacelli Press, 1995, pp.212-233 [Traduction critique, Commentaire critique, Interprétation] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Irene Sunwoo, «From the ‘Well laid table’ to the ‘Market place’», Architectural Education Journal, Princeton Press, 2012 [Traduction, Collage, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_10] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.oma.eu/projects/1986/casa-palestra-the-domestic-project[Traduction critique, Commentaire, Interprétation Paranoïaque-critique]


PRISONNIERS VOLONTAIRES - Les Prisonaires, des prisonniers volontaires de la Tennessee State Prison

Le conseil des grâces et des libérations conditionnelles du Tennessee a refusé la demande d’un chanteur forçat de 29 ans qui avait demandé une période supplémentaire de six mois en prison pour finir des enregistrements avec le groupe de détenus Prisonaires de renommée nationale. Marcel Sanders de Chattanooga, qui purge une peine de cinq ans pour homicide involontaire, a personnellement demandé à la Commission de repousser sa libération conditionnelle de six mois. Auparavant, le leader des Prisonaires, Robert E. Brassell avait refusé une libération conditionnelle afin de rester avec le quatuor [...]

Article paru dans Jet Magazine du 15 octobre 1953

Les Prisonaires...en prison !

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«PRISONNIERS VOLONTAIRES» (1)

PARADOXE DES PRISONNIERS VOLONTAIRES ET CARICATURE (2)

Protagonistes: «The Prisonaires»

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Lieu: Tennessee State Prison

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Date: ........................ 1948 et 1971

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ABSTRACTION

Koolhaas intitule son projet Exodus ou les Prisonniers Volontaires de l’Architecture, donnant à la notion d’enfermement volontaire, une place de choix au sein du projet. Le paradoxe du mur de Berlin Lors de l’été 1971, Koolhaas visite la ville et il est rapidement frappé par le fait que le mur ne déparait pas du tout la ville selon un axe nord-sud, selon l’idée naïve qu’il se faisait à cause du rideau de fer : au contraire, il encercle Berlin-Ouest. La « ville libre » s’avère être une enclave emmurée. La liberté passe par l’enfermement. Ce paradoxe est à la base de tout le projet. L’expression interpelle: elle ressemble à un cadavre exquis surréaliste. Mais le titre du projet n’est pas simplement un exercice formel. Koolhaas montre que l’enfermement est une pratique inconsciente et complexe du mode de vie métropolitain. Cette phrase de Robin Evans illustre la complexité du sujet : « Voilà l’esprit de nos petites palissades de réflexion; elles sont souvent ambivalentes, visant à la fois à échapper à l’influence de la communication avec la société, et à la fois à ce qu’elle nous prenne en considération ». Les « Prisonaires » et Tennessee State Prison Les prisonniers volontaires ont réellement existé. En 1971, TIME Magazine publie un dossier sur les prisons américaines. Le journal évoque certains prisonniers américains qui ont préféré la vie en prison à la vie à l’extérieur. Ils voulurent se faire attraper de nouveau dès que possible, pour pouvoir profiter de la vie respectable et béatifique des murs de la prison à la place de ce qu’ils percevaient comme le chaos insupportable de la liberté de la vie réelle. Il s’agit peut-être d’une référence aux «Prisonaires», ce groupe de rock formé dans les années 1950 à la Tennessee State Prison de Nashville dont un fragment du mur apparaît sur l’image d’Exodus intitulée L’aveu. Dans l’image finale, ces prisonniers volontaires en tenue pénitentiaire chantent une ode à l’architecture avec les paroles du poème Rêve Parisien de Baudelaire. L’évocation de ces prisonniers volontaires est une manière d’attirer l’attention du spectateur. C’est une caricature de la société métropolitaine qui tend vers une société capsulaire: dans le cas des Prisonaires, leur enfermement est répressif. L’enfermement qui est en jeu dans Exodus, ne l’est pas forcément. (6)

lisme

Articles liés: evans, mur de berlin, métabo-

• Sources imprimées - «Convict Singer Asks For More Time, Gets Request», Jet Magazine, 15 oct. 1953, p. 56 [Traduction, Commentaire critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://life.time.com/culture/the-prisonaires-rare-photos-of-a-sun-records-singing-group-in-1953/#1 [Commentaire critique]


RADICALISME I - Superstudio

La Supersurface

Florence sous les eaux

Le Monument Continu passe par plusieurs rĂŠgions du globe

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«RADICALISME I» (1)

INFLUENCE DE SUPERSTUDIO SUR REM KOOLHAAS (2)

Inventeur: Adolfo Natalini, Cristiano Toraldo di Francia (3)

Principaux projets: Monument Continu

(4)

Date: ........................ 1968-1972

(5)

ABSTRACTION

Koolhaas trouve chez Superstudio une architecture qui n’est pas une solution mais une condition. Une potentialité. En revanche, leur architecture absolue reste au stade de métaphore, ce qui pour koolhaas et Zenghelis est un manque de courage. Exodus va plus loin. Vers une architecture critique D’autre part il a montré à plusieurs reprises son admiration pour le travail de Superstudio. Il stipule explicitement que pour lui, Superstudio soufflait un vent frais dans l’univers architectural poussiéreux. Superstudio décrivait son travail selon les termes « architecture radicale », « anti-utopie », « utopie négative » ou « guérilla ». C’était surtout, Cristiano di Francia Toraldo, co-fondateur du groupe avec Natalini qui a travaillé sur l’étayement de cette théorie. Il a considéré l’architecture radicale des années 1960 et du début des années 70 comme une forme de critique sociale : « L’architecture radicale représente au-delà de toute théorie de l’architecture un processus continu de critiques concernant la structure de la société, qui rejette l’usage de la discipline aux mains des réformateurs néo capitalistes contemporains ». Ce genre de projet peut aussi avoir une fonction thérapeutique, parce qu’il enseigne aux gens la faculté de s’adapter à de nouvelles conditions d’existence. En fin de compte, l’objet de Superstudio est d’habituer les gens à la vie sans objets. Ils doivent comprendre que les objets auxquels ils sont habitués, les biens de consommation, sont des moyens de répression au travers desquels le système social se maintient tel qu’il est. Pour promouvoir cette vision, Superstudio fait appel à l’utopie négative ou à l’anti-utopie. Cette utopie négative révèle les conséquences ultimes du remplacement des tendances existantes à l’époque. L’image est destinée à servir de moyen de dissuasion, comme moyen de faire prendre conscience du fait qu’il est absolument nécessaire d’engager une résistance contre l’état actuel des choses. Les tactiques de guérilla que Natalini décrit au cours de sa conférence doit avoir fait une forte impression sur le jeune Koolhaas. Vivement conscient du fait qu’il ne puisse pas y avoir d’autres architectures sans changer d’abord les structures de la société et, d’autre part, que le système est suffisamment solide pour ne pas être dérangé par l’intégration d’un geste ou d’un produit, Natalini proclame: « Le seul produit que le système ne sera pas en mesure d’absorber est l’intelligence de la révolution violente ou non-violente. Les voies de la non-violence dans la culture ressemblent à la guérilla : elles sont underground, elles changent leurs objectifs, sont mobiles et in-

compréhensible. Je crois en la destruction de cette action de la part de la culture : la culture comme un facteur déséquilibrant. » Il voit une première stratégie dans la production d’images aberrantes. « Une série d’images aberrantes, capable de postuler en faveur d’une autre échelle de valeurs et de comportements, représentent le processus d’habitus à la société actuelle ». Ainsi, la vision publique du système est remise en question. « Les désirs induits collectivement sont substitués par d’autres désirs tout aussi appétissants, mais qui sont plus vrai et plus juste... ». C’est à ce point précisément que l’ordre du jour des utopies atteint sa forme contre-utopique, puisque Natalini poursuit en disant cela: « ... Et pour satisfaire ces nouveaux désirs, le système est mis en crise. L’action entreprise, dans sa forme la plus simple, est de conduire ces processus à leur limite, montrant par l’absurde leur fausseté et leur immoralité». Cette déclaration contient la recette d’Exodus. La Supersurface La supersurface signifie la destruction de l’architecture : sa surface neutre devient uniquement structurée ou meublée par des objets de design. Koolhaas rapproche la Supersurface du cinéma. Le territoire comme surface sur laquelle on projette des événements « fonctionnels », soit une sorte de scénario. Koolhaas a passé sa première année d’études sous la direction de Tony Dugdale, un disciple d’Archigram, alors que le groupe avait un pouvoir immense au sein de l’école. Les travaux de Superstudio ont représenté un moyen de contrer la culture dominante de l’école, celle de Peter Cook et d’Archigram. Pour se prémunir de ce groupe tyrannique, Koolhaas a invité Superstudio à l’AA à donner une conférence. Le projet de première année de Koolhaas, «The Surface» s’inscrit en totale contradiction par rapport à l’idéologie d’Archigram; la parenté avec Superstudio est frappante. Ce projet est le premier jet de la réflexion de Koolhaas à propos de la surface, considéré comme un podium pour la ville. (#03_04_14) Florence sous les eaux L’influence du Landart sur l’émergence du mouvement de néoavant-garde italien est assez forte. Le projet de Florence envahie par les eaux en 1966, un photomontage avec de l’eau comme surface idéale à hauteur de la coupole de Brunelleschi, représente la construction d’un nouveau paysage. Le Monumento Continuo Le Monumento Continuo de 1969 est un hommage à Walter de Maria. Son oeuvre est une ligne de plâtre de 3 m de largeur dans le désert, trace d’une future construction. Sur les photomontages, il se juxtapose aux autoroutes à la manière d’une œuvre de Land Art. Le Monumento Continuoun est un mur d’une telle échelle qu’il devient architecture. Un Monument Continu traversant l’entier du globe. Ses références conceptuelles sont des pièces d’architecture antique, et non technologique: menhirs, aqueducs romains, temples aztèques. Pour Koolhaas ce projet représente un très grand intérêt face à ce qu’ils perçurent à l’époque comme une interdiction d’architecture, en particulier d’architecture moderne. Zenghelis déclare « Pendant cette période, tout type d’articulation formelle était considérée comme un crime ! « Monument » était une sorte de gros mot ». Koolhaas parle d’une « l’hostilité profonde et fondamentale qui émergeait dans les années 70 contre la modernité ». Suite à ce premier photomontage, Superstudio produit un story board publiée dans Domus en 1969. Un monument continu englobe Manhattan. Koolhaas lit Domus, et apprend l’intention de Superstudio



RADICALISME I

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d’écrire un scénario pour un film. Il se précipite à Florence pour rencontrer ce groupe italien qui considère l’architecture considérée comme une narration: le monumento continuo est d’abord un roman, un conte. Génération automatique de formes architecturales Il s’agit d’histogrammes tridimensionnels; une trame cubique qui permet de générer quasi-automatiquement des formes de bâtiments. La parenté avec les recherches Suprématistes de Malevitch, Lissitsky est grande : génération automatique de formes architecturales, librement remplissables par un programme à partir d’une règle stricte et rationnelle (grille carrée). A partir de cette règle, Superstudio crée des objets de design pour Zanotta : table composée de cubes. Il s’agit d’un système capable de produire n’importe quel objet, soit la génération d’une forme en l’absence de tout programme. Koolhaas, quant à lui réintroduira la question du programme à l’intérieur du processus de génération automatique de la forme. Mobilier et matériaux Une exposition sur le thème de la superarchitecture a lieu à Florence en 1966. Des objets étranges sont inventés pour l’exposition : boîtes coloriées, meubles en gradin. Le canapé Superonda produit par Poltrona marque l’introduction de la forme de la vague et la mise en crise des critères des projet rationalistes : ergonomie, proportion. La courbes du mobilier permettant de s’asseoir dans différentes positions suivant les combinaisons des éléments. La contestation du rationalisme passe aussi par la remise en cause de l’idée de vérité du matériau. Superstudio opère un déplacement d’image de l’architecture vers la culture pop, mais également les figures afro-américaines, la culture islamique, la production de textures de faux-marbres, de fausses pierres. Le groupe prône une expressivité extrême des matériaux, une récupération de matériaux étranges, des matériaux oubliés. Koolhaas reprendra cette idée de matériau oublié et de l’éclectisme des matériaux, non pas comme style mais comme outil d’exploration de nouveaux territoires projectuels. (6)

Articles liés: archigram, hamilton, ironie, lewitt, modernisme I, modernisme II, oldenburg, pop-art, radicalisme II

• Sources imprimées - Cristiano Toraldo di Francia, «Superstudio & Radicaux», Architecture radicale, éd. Frédéric Migayou, p. 153 [Commentaire critique] - Adolfo Natalini, «Inventory, Catalogs, Systems of flux», in Peter Lang et William Menking, Superstudio, Life without objects, Skira, Turin / Milan, 2003, p. 164 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique, Commentaire critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Roberto Gargiani, Superstudio, éd. Laterza, 2010

[Traduction partielle, Interprétation Paranoïaque-critique]

- Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


RADICALISME II - Archizoom

Structure en Liquéfaction

No-Stop-City

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«RADICALISME II» (1)

INFLUENCE D’ARCHIZOOM SUR REM KOOLHAAS : CULTURE POP ET SURFACE NEUTRE (2)

Inventeur: Andrea Branzi, Gilberto Corretti, Paolo Deganello, Massimo Morozzi, Dario Bartolini et Lucia Bartolini (3)

Principaux projets: Dream Bed, Structure en liquéfaction, No-Stop City (4)

Date: ........................ 1966-1974

(5)

ABSTRACTION

L’architecture italienne des années 1970 se caractérise par un regard critique sur le rationalisme sans pour autant vouloir le détruire. Archizoom qui opère un changement de paradigme, grâce à l’introduction de nouveaux référentiels. Koolhaas va reprendre les idées d’Archizoom et tenter d’exacerber à l’extrême le rationalisme en mettant en exergue ses intensités insoupçonnées: « j’ai senti que la seule façon dont la modernité pourrait également être récupérée était d’insister de manière très progressive sur son autre côté, sa popularité, sa vulgarité, son hédonisme ». Dream Bed Archizoom imagine en 1967 les Dream Bed et introduit le design de manière critique dans la civilisation de la consommation de masse. Si la forme des chambres tend à une simplification symbolique et sacrée, la décoration de ces « lits de rêve » est volontairement redondante et kitsch, à travers l’utilisation du laminé plastique imitant le marbre, la superposition de symboles et de signes pop, ou encore les peaux de léopard et les animaux empaillés. Dans une démarche d’antidesign, ces micro-architectures dénoncent la prolifération des objets, alors grandissante. Structure en liquéfaction Structures en liquéfaction est un projet métaphorique d’Andrea Branzi. Cette série de quatre dessins sont une réflexion critique sur l’espace et les objets qui nous entourent et prolongent les réflexion d’archizoom sur le design. Dans le premier dessin, un meuble est composé d’un assemblage unique de volumes géométriques. Dans les images suivantes, la forme prismatique rétrécit et se désagrège progressivement, jusqu’à ne plus former qu’un éclatement de micro-particules. Les Structures en liquéfaction questionnent la pertinence d’un monde saturé d’objets et détermine un nouveau rapport à l’espace. Ce projet radical constitue un tournant essentiel dans la recherche d’Archizoom : si l’utilisation de couleurs vives et le séquençage dynamique des dessins (type « story-board ») souligne encore l’influence de l’esthétique pop et d’Archigram, le concept même de liquéfaction annonce la notion d’architecture disséminée que le groupe développera dès 1969 avec No-StopCity.

Réhabilitation de la forteresse de Zengano Il s’agit d’une forteresse proche du centre ville de Florence, à convertir en centre de l’artisanat. Tous les concurrents proposent des projets expressionnistes dialoguant avec le contexte et les murs existants. Le Concept d’Archizoom est une boîte contenant un grand espace vide. La forme est générée automatiquement par les règles du concours : objet archétypique de la superarchitecture. Le projet est influence du supermarché : une surface neutre tramée. La toiture percée par une trame régulière, conduisant la lumière vers des boîtes insérées dans la grande boîte, accueillant les différents programmes A l’intérieur, boîtes métalliques accueillant toutes les fonctions. Il s’agit du degré zéro de la forme et du principe de la surface neutre, y compris dans la façade. Ce projet conclu les recherches sur la destruction du principe d’espace et marque l’invention du concept plus neutre de vide. Projet pour Berlin Il s’agit d’une réflexion sur les potentialités du monument le plus violent de la métropole, le mur. Que peut-il devenir, quelles sont ses potentialités ? Le mur est le support du développement de quartiers de ville. L’influence sur Koolhaas est double: l’objet et la démarche qui consiste à explorer les potentialités des phénomènes métropolitains. No-Stop City Il s’agit de la contribution la plus importante d’Archizoom au débat sur la ville issu du refus d’une énième ville futuriste ou utopique. C’est un processus de décryptage de la ville et ses phénomènes tels qu’ils sont. Dans l’expression graphique, Archizoom quitte l’expressivité du photomontage artistique pour des diagrammes bidimentionnels. Tantôt ces diagrammes décrivent une géographie à partir de lettres tapées à la machine à écrire: un plan ou une surface du globe est colonisée sans limite par des signes, tantôt une grille à base carrée extensible à l’infini exprime le degré zéro de la surface neutre. L’aéroport et le supermarché sont considérés comme les objets emblématiques de la société capitaliste contemporaine : ils sont recyclés et forment la matrice de la Non-Stop City, la surface neutre, qui produit un environnement indifférencié, destructeur des limites historiques de la ville. La nature est absorbée par la neutralité de la grille. La No-Stop City est finalement une surface neutre continue, tantôt colonisée par des cloisons miesiennes, tantôt par des objets de design la saturant. La réflexion d’Archizoom sur le design est liée à une réflexion plus large sur le territoire. L’aboutissement de leur réflexion est l’idée d’inventaire, de listing complet des éléments de l’architecture : distributions, structure, mobilier, végétation. Ces éléments sont ensuite développés selon une logique d’agrégation et de dispersion sur la surface neutre. Le meuble devient le principal élément de colonisation du plan, niant l’idée de type. (6)

Articles liés: radicalisme I, pop-art, modernisme I, modernisme II • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs/projets-64. html?authID=11&ensembleID=83 [Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique] -http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs/projets-64. html?authID=11&ensembleID=42 [Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«RELIGION» (1)

LA MÉDECINE EST LA NOUVELLE RELIGION DE LA MÉTROPOLE (2)

Auteur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: Exodus

(4)

Date: ........................ 1972

(5)

ABSTRACTION

Le caractère inoffensif de la mort La nouvelle religion médicale décrite par Koolhaas « démontre le caractère inoffensif de la mortalité ». Déjà le christianisme inventait le paradis et promettait la vie éternelle à ses fidèles; il s’agissait donc déjà d’une mort inoffensive ! La vie éternelle passe par l’avènement d’une bureaucratie d’un genre nouveau qui consigne sous forme d’archives tous les faits du strip, y compris les naissance et les morts. Le rationalisme de la médecine est devenue dogmatique et l’a transformé en une religion. Paradoxalement, cette religion rejette toute considération spirituelle pour se concentrer sur une vision machiniste du corps humain. (6)

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Dans l’Institut des Transactions Biologiques et plus particulièrement dans le Carré de l’hôpital, Koolhaas représente deux églises. Ces deux édifices existent bel et bien à cet endroit de Londres : il s’agit de St James et de St John Churches. Leur présence à l’intérieur du Strip pose question. Quelle est leur signification ? La médecine est une religion rationaliste La médecine moderne a élevé les abstractions analytiques rationnelles à un statut quasi-divin au dessus de toutes les autres facultés de l’expérience humaine. Dans sa quête d’objectivité la médecine a rejeté ses racines spirituelles et perdu de vue son humanité. Comme pour certaines confessions religieuses, la médecine s’accroche farouchement à sa vision du monde lorsqu’elle est contestée par ses patients. Comme certains mouvements religieux qui prétendent être les seuls et uniques vrais chemins vers le salut, elle affiche un degré inhabituel d’intolérance face aux non-croyants qui osent poser des questions. La nouvelle religion du Strip est le «Scientisme»: la tendance de la science occidentale à se considérer comme le seul moyen valable de décrire la réalité. Les rituels de la médecine Comme pour de nombreux systèmes religieux, un rituel et des symboles sont souvent utilisés pour inspirer la croyance et renforcer la foi des fidèles. Koolhaas compare l’hôpital à un cortège d’infirmières en costumes. L’hôpital a ses blouses blanches, son nettoyant vert, et ses stéthoscopes, symboles de la prêtrise. Il y a également le rituel du lavage des mains pour éloigner les germes malins. Les fidèles se soumettent à une longue série de gestes rituels tels que les vaccinations, la mammographie, les contrôles de cholestérol, et une batterie de tests et de procédures apportés par les dernières technologies de pointe rendues possibles grâce à l’industrie de la biotechnologie. Le mécanisation du corps Parler du corps et de l’âme comme des entités distinctes est une construction artificielle de l’esprit rationnel non conforme à la réalité globale. Cette illusion de séparation est, néanmoins, une partie de l’héritage d’une vision du monde réductionniste et mécanique. Dans l’Institut des Transactions Biologiques, Koolhaas dissocie d’une certaine manière claire le corps et l’esprit. Les quatre carrés sont le domaine du corps. L’hôpital est une chaîne de montage: la sectorisation est poussée à l’extrême. Le bâtiment en croix est celui de l’âme : c’est celui qui produit des biographie post-mortem automatiques et celui qui génère des prédictions de vie. Le caractère cruciforme de ce bâtiment fait bel et bien référence à la religion.

• Sources imprimées - Vincanne Adams, Mona Schrempf, Sienna R. Craig, Medicine Between Science & Religion, déc. 2010 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«RÉTROACTION» (1)

LA RÉTROACTION COMME VACCIN CONTRE L’HÉGÉMONIE RATIONALISTE (2)

Inventeur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: Berlin Wall as Architecture, Exodus (4)

Date: ........................ 1972

(5)

ABSTRACTION

Par définition, la rétroaction est un processus déclenché automatiquement après une perturbation, visant à provoquer une action correctrice en sens contraire. Le modèle cybernétique de la rétroaction La rétroaction est un mécanisme qui provient de la cybernétique. L’idée de la cybernétique est que tout organisme ne peut survivre qu’à deux conditions: en s’ajustant extérieurement aux modifications de l’environnement et en s’adaptant intérieurement, pour fournir une réponse aux modifications profondes de l’environnement. En sortant la rétroaction du champ de la cybernétique, elle est donc la capacité de tout système à recevoir et à transmettre des informations utiles ou nécessaires au maintien de son équilibre. La rétroaction : nouveau système de communication À partir de l’idée de la rétroaction, l’explication linéaire traditionnelle devient quelque peu désuète. Tout effet rétroagit sur sa cause : tout processus doit être conçu comme un schéma circulaire. La recherche sociologique considère la rétroaction comme un échange de messages entre deux sources d’information à partir du postulat selon lequel tout message envoyé entraîne en retour un autre message. Le schéma linéaire classique considère la communication comme un codage suivi d’un décodage. La communication rétroactive ne considère pas de transmission unique mais un cycle complet de messages échangés. La rétroaction pour se prémunir de l’hégémonie rationaliste La rétroaction est donc le mécanisme par lequel Koolhaas s’affranchit du regard rédempteur du rationalisme. Elle est le nouveau mode de communication de la métropole et la réponse d’Exodus au concours qui précisait que « en lançant ce concours, ADI souhaite fournir une occasion de traduire l’hypothèses théorique de « la ville comme un système de communication », en propositions précises et concrètes sous forme de projets dans un environnement urbain existant ». Comme pour certaines confessions religieuses, le rationalisme s’accroche farouchement à sa vision du monde lorsqu’elle est contestée par ses fidèles dont les expériences vécues personnellement les amènent parfois à croire autrement. Le schéma de pensée est linéaire : élaboration d’une idéologie, application de l’idéologie. Le scénario explique la mise en place d’une pensée circulaire. Dans la Zone de Réception, des groupes excités élaborent des propositions dans des pièces isolées, tandis que d’autres modifient en permanence la maquette. Déjà le débat est une forme de communication rétroactive en ce sens que les interlocuteurs s’influencent les uns les autres.

Puis, une deuxième forme de rétroaction intervient dans les allers-retours entre théorie (débat) et pratique (maquette). La scénario raconte qu’au deux Extrémités du Strip, une maquette est modifiée en continu grâce aux informations émanant de la Zone de Réception qui transmet des stratégies, des plans et des instructions. La rétroaction est une catégorie de communication non linéaire. C’est le système de communication du flâneur: contrairement au modernisme rationaliste qui s’engage dans un projet avec un esprit moraliste qui présuppose un certain nombre de données, le flâneur s’engage dans un projet sans préjugés. Au lieu de cela, la tâche évidente d’Exodus est de plonger directement dans l’idéologie pure et de faire pour la première fois l’inventaire des épisodes urbains d’aujourd’hui, une description clinique des différentes habitudes incontestées qui sont devenus des réalités banales et sans il serait inconcevable de vivre à ce jour. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple représentation de ces réalités: au contraire, par l’analyse, la structuration et l’articulation de la représentation de la métropole, ce portrait a le pouvoir de lier notre connaissance des choses à une dimension historique, puis par une réinterprétation de l’histoire, de proposer une matérialisation. (6)

Articles liés: mur de berlin, radicalisme I, radicalisme II, surréalisme

• Sources imprimées - Michel de Coster, Bernadette Bawin-Legros, Marc Poncelet, Introduction à la sociologie, De Boeck, Bruxelles, 2001 [Commentaire Critique] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


SEXUALITÉ - « Flagrant Délit », Madelon Vriesendorp, 1975

Cette illustration qui est bien postérieure à Exodus met dans le même lit deux gratte-ciel (le Chrysler Building et l’Empire State Building) surpris dans leurs ébats amoureux par le mari, le Rockfeller Center. Rejouant le mythe antique de Vénus et Mars surpris par Vulcain, Madelon Vriesendorp anthropomorphise les tours de manière surréaliste (les buildings ondulent comme les montres molles de Dalì) et leur fait jouer des rôles de vaudevilles.

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«SEXUALITÉ» (1)

LA SEXUALITÉ EST UN EXEMPLE DE NOUVELLES FORMES DE COMPORTEMENTS MÉTROPOLITAINS (2)

Inventeur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: Exodus

(4)

Date: ........................ 1971

(5)

ABSTRACTION

La révolution sexuelle recouvre les changements du comportement et des mœurs sexuelles au début des années 1970. On peut déterminer deux causes principales : la première est la sortie des régimes démographiques anciens, marqués par l’omniprésence de la mort et la nécessité d’engendrer de nombreux enfants. La seconde est une révolution scientifique marquée par un faisceau de découvertes et d’avancées dans le domaine de la sexualité. Le Haagse Post et le collectif 1,2,3 Groep En Août 1967, Rem Koolhaas est journaliste au Haagse Post; écrit une chronique qui s’étale sur quatre semaines intitulée « Sex in nederland ». C’est à travers la libération des corps et la banalisation du sexe que se manifeste la contre-culture qui signale l’imbrication du culturel et du politique. La transgression est le mot d’ordre de cette « culture jeune ». Au cinéma, les scènes d’amour deviennent plus crues. Ce ne sont plus des femmes nues, des baisers chauds ou des allusions, mais des scènes de plus en plus explicites où l’acte sexuel est montré. Dans les années 70, à côté de films d’avant-garde provocateurs apparaît un cinéma érotique. D’autres films feront parler d’eux en franchissant à chaque fois une nouvelle étape dans la mise en scène du sexe. Le cinéma pornographique (classé X) devient une industrie à part, très lucrative. Dans Exodus, les images qui représentent les scènes sexuelles des Bains sont tirées du film De Blanke Slavin du collectif 1, 2, 3 groep dont Koolhaas fait partie avec Rene Daalder, Jan de Bont, Kees Meyering, et Frans Bromet. Le film est noir, satirique et surréaliste. L’histoire est celle d’un soldat allemand qui revient à Amsterdam après la guerre et se retrouve empêtré avec ses proches et quelques infirmières dans un réseau d’esclavage Tangerin. Les images tirées du film sont utilisée pour montrer que dans la métropole, le sexe n’est pas un sujet tabou. D’autre part, l’environnement des Bains est l’architecture inédite qui est la seule apte à accueillir ces nouvelles pratiques sexuelles métropolitaines. Sexualité, procréation et contraception Alors que les démographes et les statisticiens prévoyaient un taux d’accroissement de la population et de la natalité en hausse pour les années 1980, une révolution inattendue eut lieu : un changement de style de vie. Cette révolution peut être définie comme un changement d’attitudes par rapport à la sexualité, le mariage et la famille. Cela s’est manifesté par une baisse considérable des naissances. De manière inattendue, la planification de la famille devint réalisable grâce à l’introduction et l’acceptation rapide de nouveaux moyens de contraception fiables. Le plus important de tous : la pilule contraceptive, développée par le Dr G. Pincus aux États-Unis. La prophétie contre-utopique d’Aldous Huxley semble se réaliser. Pour Koolhaas, de tels changements de moeurs prennent forme dans l’architecture du Strip londonien. Dans l’Institut des Transactions Biologiques, la procréation n’a rien à voir avec la sexualité. Elle est gérée dans les Trois Palais de naissance. La régulation du nombre d’habitants du Strip est ainsi contrôlée par les opérateurs. C’est peut être le Carré le plus fantastique du Strip, une véritable citation du Meilleur des Mondes. Quoi qu’il en soit, il s’agit encore une fois de la manifestation architecturale issue de l’interprétation de l’inventaire des nouvelles pratiques sociales. La sexualité est un moyen de représenter l’inconscient Quelques mois après le concours La Citta come Ambiente Significante, Koolhaas part pour Ithaca aux Etats-Unis où il commencera



SEXUALITÉ

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son inventaire métropolitain dont New-York sera l’objet d’étude. Alors qu’Exodus est un projet pro-actif (montrant la voie en quelques sortes), New York Délire sera un manifeste rétroactif (qui illuminera une période de l’histoire). La sexualité sera un des langage métaphorique que Koolhaas et Vriesendorp utiliseront pour transmettre leur découvertes. Après la première peinture, Après l’amour, Koolhaas et Vriesendorp commencèrent à fantasmer sur une suite possible. Le tableau suggérait tellement de choses que l’on avait envie de savoir ce qui se passait après ! Ainsi, dans le deuxième tableau intitulé Flagrant Délit, le Rockfeller Center qui représente la modernité, détruit l’idylle entre le Chrysler et l’Empire State. Et le troisième tableau, Freud unlimited, montre le dénouement de toute l’histoire à travers une explicitation excessive. La sexualité est pour Vriesendorp un moyen d’établir des rapports, des affinités, des oppositions entre des idéologies divergentes. Mais, si la sexualité est l’angle d’attaque, ce n’est que le premier niveau de lecture d’un tableau à images multiples, une métaphore en quelque sorte. Un deuxième niveau de lecture révèle l’histoire rédigée par Rem Koolhaas sur l’histoire du manhattanisme. Le tableau est le symbole de l’introduction du modernisme de la Ville Radieuse corbuséenne à Manhattan. Soit le meurtre de la généalogie automatique, remplissant inconsciemment l’ensemble du bloc de la grille. Au delà de la pensée architecturale, il y a le projet de restaurer les conditions de la conscience, de restaurer le contenu et les formes qui l’ont fait naître. C’est pourquoi l’inconscient n’est pas simplement un exercice formel, mais un problème qui relève de la capacité à imaginer, à dessiner et à construire. Pour Koolhaas et Zenghelis, plus le dévoilement de l’inconscient est fait de manière claire, meilleur est le travail. Ce faisant, la tâche ambiguïté de l’architecture est de faire s’exprimer le discours de l’inconscient par la conscience. En d’autre termes, dessiner, représenter et construire l’inconscient. Pour Koolhaas, la sexualité est l’exemple le plus frappant de l’émergence de nouvelles formes de comportement au sein de la métropole. Dissociation de la sexualité et de la reproduction, égalité des sexes, homosexualité: l’architecture moderniste basée sur la cellule familiale n’est plus d’actualité. Koolhaas réinvente une nouvelle manière d’habiter qui soit apte à accueillir les nouvelles pratiques métropolitaines des hommes. (6)

Articles liés: cinéma, génétique, hédonisme, huxley, surréalisme

• Sources imprimées - Uitgeverij Van Gorcum, Dutch Culture in a European Perspective: 1950, prosperity and welfare, Palgrave Macmillan, 2004, pp. 207-210 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique] - Rem Koolhaas et Henk Meulman, «Sex in Nederland 1/4», Haagse Post, 5 Août 1967, pp. 6-8 [Traduction critique partielle] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.architecturefoundation.org.uk/programme/2009/architecture-on-film/the-white-slave-1-2-3-rhapsody [Commentaire critique]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«SITUATIONNISME I» (1)

LIBÉRER L’ARCHITECTURE ET LA VILLE PAR LE LOISIR (2)

Inventeur: Ivan Chtcheglov

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Application initiale: Formulaire pour un urbanisme nouveau (4)

Date: 1953-1954

(5)

ABSTRACTION

quartiers semble être une parodie de zonage des CIAM. En opposition au zonage où l’hygiène est la question principale de l’urbanisme moderniste, le situationnisme propose une alternative extatique, presque irrationnelle et surréaliste. Koolhaas est émerveillé par la vision libératrice du situationnisme qui sort l’architecture du carcan dans lequel l’avait enfermé le modernisme rationaliste. Ainsi décomplexée, l’architecture se tourne vers l’hédonisme, l’extase, le plaisir et le loisir. L’architecture cesse d’être une solution à des « problèmes » et devient avec enthousiasme une formalisation des nouvelles pratiques métropolitaines. Koolhaas s’inspire d’un zonage non plus hygiéniste mais programmatique entamé par Chtcheglov. (6)

Articles liés: cinéma, huxley, new-york

Quoique membre éphémère de l’Internationale lettriste, Ivan Chtcheglov a marqué d’une empreinte indélébile ce mouvement. L’une des rares traces de l’importance du rôle qu’il a pu y jouer entre 1953 et 1954 demeure son Formulaire pour un urbanisme nouveau écrit en 1952-1953 et dont une version a paru en 1958 dans le premier numéro de la revue Internationale situationniste avec cette présentation : « L’Internationale lettriste avait adopté en octobre 1953 ce rapport de Gilles Ivain sur l’urbanisme, qui constitua un élément décisif de la nouvelle orientation prise alors par l’avant-garde expérimentale ». Formulaire pour un urbanisme nouveau Il s’agit d’une vision émerveillée dans laquelle le ton est donné dès le début : « Nous nous ennuyons dans la ville, il n’y a plus de temple du soleil. [...] Les situationnistes imitent encore pleinement l’érotisme un peu effrontée du dadaisme et du surréalisme ». Par ailleurs, le texte manifeste un rejet très catégorique du modernisme : « On ne tâchera pas de prolonger la civilisation mécanique et son architecture glaciale qui ont finalement conduit à des loisir ennuyeux. Nous vous proposons d’inventer de nouveaux décors mobiles ». Les nouvelles villes seront « des assemblages de bâtiments chargés d’une puissance évocatrice, des édifices symboliques représentant les désirs, les forces, les événements passés, le présents et l’avenir des nouvelles villes, en plus des équipements nécessaires pour un minimum de confort et de sécurité ». Cette architecture de rêve, différente de la vision surréaliste de la ville, est une utopie; il s’agit du rêve d’une nouvelle ville, une ville dans laquelle les districts évoquent les humeurs: « Les quartiers de cette ville pourraient correspondre à l’ensemble du spectre des divers sentiments que l’on rencontre dans la vie quotidienne ». La partie la plus frappante et la plus largement citée du texte de Chtcheglov est une liste, un catalogue des districts émotionnels: Le quartier Bizarre - Quartier de la Joie (spécialement réservé à l’habitation) - Quartier Noble et Tragique (pour les enfants sages) - Quartier historique (musées, écoles) - Quartier Utile (hôpital, magasins d’outillage) - Quartier Sinistre, etc ... L’activité principale des habitants est composé d’une itinérance incessante, une dérive continue. Dans cette vision de la ville, chaque habitant est nomade; il est stimulé par un paysage urbain entièrement modifiable. Chaque quartier a son ambiance, son décor, son émotion, sa propre constellation de désirs, de son propre thème. La répartition des

• Sources imprimées - Gilles Ivain, «Formulaire pour un urbanisme nouveau», L’internationale Situationiste, n°1, 1958 [Interprétation Paranoïaque-critique, Collage, Combinaison] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11]



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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«SITUATIONNISME II» (1)

L’IMMERSION DANS LA MASSE DES MEDIAS ET DE L’INFORMATION PEUT CONDUIRE À LA CONFUSION ET À LA DÉCOMPOSITION DE L’INDIVIDU (2)

Inventeur: Guy Debord

(3)

Application initiale: La société du spectacle

(4)

Date: ........................ 1967

(5)

ABSTRACTION

L’histoire des mégastructures est rythmée par l’émergence d’utopies et de contre-utopies, allant de la critique optimiste au pessimisme. Même si, à première vue, ce dernier est presque imperceptible, il se distingue assez nettement dans les travaux des situationnistes et précisément dans les idées de Guy Debord, en particulier dans La Société du Spectacle de 1967. La thèse de l’ouvrage avance que les images (publicités dans les journaux, des publicités télévisées, affiches grand format, etc) ne sont que des mécanismes pour faire respecter un état de spectacle permanent. Debord fait valoir le spectacle comme étant un état omniprésent, informel et immatériel qui vise finalement à manipuler et à contrôler nos moyens d’interactions sociales. «Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, il s’agit plutôt d’un type de relations sociales entre les personnes qui est médiatisé par des images.» La prémunition du capitalisme La première édition de La Société du Spectacle a été publiée en 1967. À cette époque, les principales formes de communication et de diffusion de l’information se font à travers les ondes radio et par câbles. Aujourd’hui ces technologies sont devenus presque obsolètes et de nouveaux formats de communication ont été inventé. Ces techniques témoignent de l’emprise du capitalisme sur le contrôle de la diffusion des médias et de l’information, et donc aussi du contrôle du capitalisme sur les relations sociales. L’objectif final du capitalisme est la domination de tous les aspects de la vie du travailleur : à la fois son travail mais aussi ses loisirs. L’immersion dans la masse des médias et de l’information peut souvent éclairer et informer, mais plus souvent, elle peut conduire à la confusion et à la dé-composition de l’individu. Cette position trouve un écho dans le projet Exodus à travers le fait que tout média et toute trace de consumérisme soient évacués des «Lots» et à travers l’existence d’une tour brouilleuse d’ondes qui restreint toute forme de communication sans fil à l’intérieur du strip et qui le protège des ondes extérieures. Exodus démontre une grand influence de Debord à travers l’intention de Koolhaas d’établir une architecture d’une nature autonome par rapport au modus operandi de la ville de 1972, qui est la manière capitaliste de faire du profit par la confusion de l’individu avec les medias : un bombardement rapide d’images superficielles. La société pousse le vice du consumérisme si loin que la contre-utopie prend le statut d’avertissement. Le message sous-jacent du livre est « Regardez jusqu’où nous

serions capables d’aller ! ». Le message d’Exodus est tourné de manière positive. Il est la matérialisation d’une société qui aurait digéré la prémunition de La Société du Spectacle. Exodus est la matérialisation de ce qu’il serait souhaitable pour ne pas que les pratiques sociales tendent vers le portrait qu’en fait Debord. L’état de spectacle permanent Si par certains côtés Exodus est une architecture qui se prémunit des conséquences de l’état de spectacle permanent, d’autres indices tendent à penser le contraire. En effet Exodus est une plate-forme sur laquelle de nouvelles formes mutantes de comportement seraient jouées. C‘est a nouveau une réaction à Guy Debord. Elles seraient jouées exactement comme un spectacle afin de générer dans le public d’autres élaborations comportementales. Par exemple dans le carré des bains, le parcours prévoit une première dans l’arène. Les nouveau visiteurs peuvent y voir de nouvelles pratiques sexuelles qui sont jouées par des prisonniers déjà plus expérimentés. Inspirés par ce spectacle, les spectateurs regagnent des cellules à deux, trois ou plus. Dans le Parc des Agressions, la tour composée de nombreuses plate-formes est composée de demi-niveau pour que les prisonniers puissent bénéficier du spectacle du combat des autres. La chorégraphie des activités réside dans la conviction que de nouvelles formes de comportements conduiront à un nouveau type d’architecture. (6)

Articles liés: evans, hétérotopie, situationnisme I, situationnisme III

• Sources imprimées - Guy Debord, La société du spectacle, Buchet et Chastel, 1967 [Commentaire critique, Combinaison, Interprétation Paranoïaque-critique] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


SITUATIONISME III - Constant, New Babylon

Photographie de 1959 de New Babylon

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«SITUATIONNISME III» (1)

TERRAIN DE JEU POUR SOCIÉTÉ LUDIQUE

(2)

Inventeur: Constant Neuwyus

(3)

Application initiale: New Babylon

(4)

Date: ........................ 1956-1974

(5)

ABSTRACTION

L’artiste et architecte néerlandais Constant développe entre 1956 et 1974 un projet architectural visionnaire : la New Babylon, fruit de sa collaboration avec les Situationnistes. Les habitants de cette nouvelle Babylone se déplacent de site en site au sein d’un réseau sans fin de « secteurs », reconstituant chaque aspect de l’environnement selon leurs propres désirs. Babylone, New Babylon À partir du début du IIe millénaire av. J.-C., Babylone devient la capitale d’un royaume qui s’étend sur toute la Basse Mésopotamie. Il s’agit à cette époque d’une des plus vastes cités au monde. Babylone occupe une place à part en raison du mythe qu’elle est progressivement devenue après son déclin et son abandon qui a lieu dans les premiers siècles de notre ère. Le mythe de la société babylonienne est celui d’un pouvoir fondé sur la confusion des esprits et l’apparition de jargons, c’est-à-dire de langages à double sens compris seulement par les initiés, auquel la masse des humains n’aurait pas accès. New Babylon est un titre évocateur qui propose de faire renaître le rayonnement de la ville dans la New Babylon par une idéologie situationniste commune. New Babylon, un projet utopique New Babylon est une ville complètement couverte, climatisée et éclairée artificiellement. Elle est élevé au-dessus du sol sur d’immenses colonnes. Les habitants ont accès à de puissants outils capables de créer des d’ambiances particulières pour construire leurs propres espaces, où et quand ils le souhaitent. Lumière, acoustique, couleur, ventilation, texture, température et humidité sont infiniment variable. Planchers mobiles, cloisons, rampes, échelles , ponts et escaliers sont utilisés pour construire de véritables labyrinthes aux formes les plus hétérogènes dans lesquels les désirs interagissent en permanence. Les New Babyloniens jouent dans un contexte qu’ils ont eux-mêmes conçu. La ville elle-même se compose d’une succession de ces structures à niveaux multiples qui sont enfilées les unes aux autres à travers le paysage. En dessous, on trouve des usines entièrement automatisées, des voitures et des trains et au-dessus, des hélicoptères. Ces moyens de transport permettent aux habitants de transformer de leur vie dans la ville en une dérive radicale: ils ne vivent plus dans un lieu fixe, mais dérivent et se promènent à travers le vaste paysage urbain aux multiples ambiances changeantes. La technologie a rendu la notion de travail obsolète; toute l’énergie est donc canalisée vers la créativité collective. Selon Constant, l’homme n’est plus un ouvrier mais un joueur. New Babylon est le terrain de jeu pour cette société ludique.

Proximités et écart

L’idéologie de New Babylon est présente sous forme latente dans Exodus. Koolhaas renverse complètement la valeur du travail. Le travail n’est pas absent du Strip: les Lots sont destinés à la culture maraîchère personnelle et les Extrémités du Strip sont le lieu de la guerre architecturale contre la vieille Londres. Mais, dans le projet de Koolhaas, le travail passe d’une condition de survie économique à une condition de survie au collectivisme intense de la métropole. En d’autres termes, le travail devient un loisir, un moyen de «récupérer des conditions de l’intense collectivisme des autres Carrés. La vie d’un prisonnier est occupée par le loisir (Carré des Musées, Parc des Agressions, Bains) et la décompression est effectuée par le travail (Lots). Koolhaas et Constant ont pris des directions différentes si bien qu’ils ont des lectures complètement opposées de réalités similaires. New Babylon est une proposition idéaliste pour une société du futur, fondée sur la lecture et l’extrapolation des aspects de la société présente, passant par une croyance optimiste en la bonté de l’humanité. Son objectif est de libérer la créativité individuelle de l’homme, réprimée par une société contemporaine qui met l’accent sur le travail et par l’architecture moderne et l’urbanisme des CIAM. L’architecture et l’urbanisme de Koolhaas passent également par une lecture et une extrapolation des tendances contemporaines, mais à la différence de Constant, Koolhaas est beaucoup plus préoccupé par les forces inconscientes qui sont au travail que par les bonnes intentions et les projets idéaux. Sa critique consiste à mettre ces forces à l’ordre du jour de la manière qu’un journaliste ou un écrivain révélerait une guerre oubliée ou la dissimulation d’un scandale politique : en allant sur le terrain, en recherchant des indices et en faisant l’inventaire de ses trouvailles. Elles sont exposées sous une forme architecturale de manière thématique dans les 9 carrés. (6)

Articles liés: hédonisme, modernisme II, situationnisme I, situationnisme II

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, Lili Veenman, «Hij doet altijd dingen die men niet verwacht», Haagse Post, 31 déc. 1965, pp.39-41 [Traduction critique partielle] - Rem Koolhaas and Betty van Garrel, «De stad van de toekomst. HP-gesprek met Constant over New Babylon», Haagse Post, 6 August, pp.14-15. [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique, Combinaison] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.larousse.fr/encyclopedie/ville/Babylone/107044

[Restitution, Assemblage, Combinaison critique]


STALINISME - Le Stalinisme ou la recherche de la stabilitĂŠ

Immeuble Barrikadnaja sur la place Kudrinkaya

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«STALINISME» (1)

RÉFÉRENCE IRONIQUE À L’ARCHITECTURE STALINIENNE CLASSIQUE POUR CONTRER LA TENDANCE HYPERTECHNOLOGIQUE DES ANNÉES 1970 (2)

Inventeur: Staline

(3)

Application initiale: Gratte-ciels staliniens

(4)

Date: ........................ 1950

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ABSTRACTION

L’architecture stalinienne est liée au pouvoir, elle en est un pur produit. Pendant les années 1920 et la première moitié des années 1930, toute discussion sur l’art, peu importe la forme qu’il peut prendre (littérature, théâtre, musique, architecture...) est forcément conduite en terme politique. L’art est au service du pouvoir. L’architecture du pouvoir stalinien est en parfaite adéquation avec le régime : monumentale, imposante, construite à la gloire de Staline et justifiée par les besoins du peuple. Le « réalisme socialisme » et le refus du progrès L’architecture issu du « réalisme socialiste » est en fait un refus des progrès architecturaux de l’époque, du constructivisme des années 1920. Staline choisira de renier toutes les avancées et projets lancés au début des années 1920 pour revenir à un style à la fois monumental et classique dans ses formes. Un nouveau langage est introduit avec ce gigantisme propre a l’ère stalinienne, un langage qui reflète a la fois les idées d’un homme, et en même temps une époque. Un langage en contradiction avec celui qui commençait à voir le jour au début des années 1920. L’usage d’un bâtiment stalinien dans le dernier collage est une provocation koolhaassienne. La référence cette architecture est évidemment polémique: elle est un emphase du refus de l’hypertechnologie de l’AA et d’archigram. Son usage est un message adressé à Cook. Exodus est une réaction de toutes sortes à ce qu’ils perçurent à l’époque comme une interdiction d’architecture, en particulier d’architecture moderne. Pendant cette période, tout type d’articulation formelle était considérée comme un crime. « Monument » était une sorte de gros mot. Koolhaas fait part avec un humour sarcastique de son désir d’architecture. Le progrès, ce n’est pas l’abandon de l’architecture, mais passe justement par un de ses éléments les plus fondamentaux: le mur. L’attique Bien que Content écrit par Rem Koolhaas soit bien postérieur à Exodus, on y trouve une anecdote qui permet d’éclairer l’utilisation d’une attique classique dans la dernière image du projet, L’aveu. « Quand les architectes revinrent de la guerre, ils se retrouvèrent sans abri. Un de leurs premiers projets fût un énorme immeuble pour le retour des généraux, situé sur le nouveau boulevard Staline. Tous les bâtiments étant désormais classiques, il devait comporter une attique, un grenier. Or, l’espace était trop modeste pour les généraux. Les architectes réalisèrent alors que ces combles pouvaient être subdivisée et leur servir de maisons. C’est ainsi qu’au dessus des généraux vécurent de façon anonyme l’élite architecturale

russe» La présence de cette attique peut être un message subliminal supplémentaire envoyé par Koolhaas. Il prône un retour à l’architecture classique qui est l’environnement « naturel » des architectes. Il s’agit évidemment d’une provocation. Il s’agit de considérer non pas l’architecture classique en elle-même, mais plutôt le couple architecture classique-architecture hypertechnologique. C’est une provocation. Barrikdnaja ou le paradigme de la gravité Content contient également un petit article sur le bâtiment stalinien Barrikdnaja qui explique que cette architecture renoue avec des valeurs classiques, notamment avec la gravité. « Dans les années vingt, les écoles d’architecture ont supposé que la gravité serait bientôt vaine, qu’elle allait devenir un vestige du passé. On dessinait alors des villes flottantes, des colonies de différents vaisseaux spatiaux, et Malevitch concevait de nouvelles planètes. La gravité a été l’un des survivants de la Seconde Guerre mondiale. L’architecture soviétique allait devenir catégoriquement monumentale. Les concepteurs conçurent l’avenir de Moscou comme une ville entourée de tours colossales, chacun étant un élargissement de l’une des portes du Kremlin. Barrikadnaja est l’une d’elles. Elle devint populaire grâce aux pilotes d’essai qui expérimentaient les fleurons de l’industrie aéronautique soviétique autour des produits low-tech les plus empreints à la gravité. Un des habitant était Youri Gagarine, le premier homme envoyé dans l’espace...» Cet article permet de donner du sens à l’utilisation de cet élément dans le collage de L’aveu. Il s’agit d’une attaque supplémentaire dirigée en l’encontre des villes flottantes hypertechnologiques d’Archizoom. Koolhaas prescrit une redescente sur terre. Inventer la ville de demain est l’affaire de l’architecture qui est par définition soumise à la gravité. (6)

Articles liés: archigram, constructivisme I, ironie, modernisme I, modernisme II

• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «Utopia Station», Content, Taschen, 2004, pp.393-395 [Traduction critique, Interprétation Paranoïaque-critique, Combinaison] • Etudes Critiques - Anatole Kopp, L’architecture de la période stalinienne, Ecole des Beaux-Arts, Grenoble, 1996 [Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique]


SUPRÉMATISME - El Lissitzky, Malevitch, Koolhaas

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Proun n°85: La tribune de Lénine d’El Lissitzky

Architectone original de Kasimir Malevitch

Assemblage complet des architectones composés indépendament. On reconnait l’architectone de Malevitch, à la verticla.

Morceau d’architectone horizontal


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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«SUPRÉMATISME» (1)

INJECTION D’UNE DIMENSION PROGRAMMATIQUE DANS DES TRAVAUX SUPRÉMATISTES (2)

Inventeur: Rem Koolhaas

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Application initiale: Tektonik

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Date: ........................ 1975

(5)

ABSTRACTION

L’oeuvre de Malevitch accompli une rupture radicale pour créer, « au delà du zéro des formes », un nouveau « monde sans objet ». Malevitch affirme la suprématie d’une nouvelle forme de pensée, traduite dans la peinture par des formes non objectives, libérées de toute attache représentative. Il affirme « la liberté de l’objet par rapport à la signification ». Les Architectones de Malevitch Dès la fin des années 1910, Malevitch reprend l’interrogation qu’il porte dans un premier temps sur la peinture sur le degré zéro de l’architecture. Elle n’est pas à chercher du côté de l’utilité, ni la fonction, ni la solidité, mais du côté de la mise en forme de l’espace au moyen d’oppositions fondamentales (verticale/horizontale ; plein/vide). Ce sont des formes pures sans matière, sans programme, sans échelle, sans emplacement, et sans occupants. Ces maquettes ne furent pas conçues en vue d’une quelconque construction mais comme des modèles théoriques. Koolhaas est frappé par le fait que cette série de maquettes d’architecture présente un certain parallélisme avec les formes qui apparaîtront plus tard dans Manhattan grâce à la loi de zonage. Elles étaient une « prévision architecturale » que la civilisation réalisera plus tardivement. Les Prouns de El Lissitzky La démarche de Malevitch dont une des caractéristiques principales est d’éviter toute allusion au machinisme et à la technique est une source d’inspiration pour l’architecte El Lissitzky qui élabore toute une série d’études graphiques, les « Prouns ». Situés à mi-chemin entre la peinture et l’architecture, les Prouns renvoient à une nouvelle définition de l’espace qui n’est plus de nature statique mais plutôt dynamique et énergétique. C’est un travail pictural, architectural, typographique et photographique très innovant émanent de sa première période d’art abstrait. L’intérêt de Lissitzky pour architecture le conduit à étendre l’esthétique de « Proun » en trois dimensions. Il injecte des textures, des matériaux dans le travail de Malevitch: papier, métal, peinture à l’huile, calque. Ils servent de contrepoint concret au formes qui flottent, et se réfèrent au domaine de la construction architecturale. En 1920, El Lissitzky dérivera finalement vers l’architecture. Le «Proun» n°85 est la tribune mobile pour Lénine. Pendant la guerre civile russe, le groupe UNOVIS dessina des projets variés, réalisant le mariage surréaliste du Suprématisme avec des finalités plus utilitaristes. Koolhaas est intéressé par la dynamique des Prouns. La dynamique vers l’avant de la poutre renforce l’idéologie progressiste de Lénine et s’inscrit en contradiction avec le rationalisme moderniste européen.

Le Tektonik de Koolhaas Quelques années après Exodus, Koolhaas rejoint Zenghelis pour enseigner à l’AA. Entre temps, il a élaboré un exercice appelé Tektonik. Il est basé sur les travaux suprématistes de Malevitch et Lissitzky. Lissitzky réinvesti les tableaux et maquettes abstraites et génériques de Malevitch en leur injectant une matérialité et une dynamique, le conduisant à l’élaboration de véritables architectures comme le Stand d’orateur mobile pour Lénine. Koolhaas basera son exercice sur l’injection de programmes dans les « volumes capables » de Malevitch. L’objectif de la « Diploma Unit 9 » est de redécouvrir et de développer une forme d’urbanisme appropriée à la fin du 20e siècle: une architecture qui exploite le potentiel unique de la densité urbaine en provoquant des formes mutantes d’interaction sociale capable de générer une culture de la congestion. Le travail de la « Unit 9 » illustre la pertinence du caractère mutant et composites de l’architecture urbaine, sa pertinence esthétique, sociale et son rôle de stimulateur culturel. L’Architectone n°1 de Malevitch est choisi comme élément de démarrage du projet. Les étudiants sont invités à concevoir des fonctions et des activités que suggérait la sculpture, de les mettre au point de la manière la plus explicite possible, et de les présenter sous forme de plans détaillés, de coupes et d’élévations. Pour ce faire, chaque Tektonik est associé à une place ou d’un emplacement métropolitaine qui avait besoin d’une sorte de «catalyseur» pour être ressuscité. Le Tektonik est ensuite « démonté », à l’exception de l’infrastructure verticale, qui sert à desservir toutes ses parties. Les fragments de la sculpture sont remis aux membres de la « Unit », qui acceptent la forme de l’enveloppe externe et le noyaux de services commun. Grâce à l’extrapolation de la logique sous-entendus par chacune de ces formes, ils insèrent les fonctions appropriées à chaque partie, développent les espaces intérieurs, et définissent les matériaux internes et externes. Ils développent une version verticale et une version horizontale. L’ensemble du Tektonik est remonté après que chaque fragment ait été développé indépendamment. Le projet illustre les propriétés d’une typologie mutante issue des grandes structures et des institutions métropolitaines. Au-delà d’une certaine masse critique, l’architecture devient la somme d’un large spectre d’idéologies, de fonctions, de théories, d’intérêts et de gestes architecturaux souvent contradictoires et apparemment incompatibles. L’utilisation d’un Architectone de Malevitch montre que l’architecture métropolitaine n’est pas dépendante de la forme, mais que ce sont les pratiques sociales qui sont à la base de sa richesse. (6)

Articles liés: lewitt, radicalisme I, radicalisme II, surréalisme

• Sources imprimées - « Diploma Unit 9 », AA Project Review 1975-1976, AA Publications [Traduction critique partielle, Commentaire critique] - « Diploma Unit 9 », AA Prospectus 1975-1976, AA Publications, p. 55 [Traduction critique partielle, Commentaire critique] • Etudes Critiques - «Architettura della metropoli planetaria, AA: Unit 9», Lotus International, 1978, n°21, pp. 8-9 [Traduction, Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13]


SURRÉALISME - Dali et l’exemple new-yorkais

Jean-François Millet, L’angélus, 1857

Le 23 janvier 1931, les constructeurs de manhattan se déguisent chacun en leur propre gratte-ciel.

«Chaque soir les gratte-ciels de New York prennent les allures anthropomorphiques d’innombrables Angélus de Millet géants [...] immobiles, prêts à accomplir l’acte sexuel.» Salvador Dali

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«SURRÉALISME» (1)

LES DÉBUTS DE L’APPLICATION DE LA MÉTHODE PARANOÏAQUE CRITIQUE (2)

Inventeur: Salvador Dalí

(3)

Application initiale: «Le mythe tragique de l’Angélus de Millet», éd. Surréalistes (4)

Date: ........................ 1938

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ABSTRACTION

Le travail de Koolhaas peut être lu comme une tentative visant à enrichir l’architecture moderniste par le surréalisme, une tentative de fusion de Mies et de Dalí. La contradiction sur laquelle tout le scénario d’Exodus repose, entre prison et jardin, entre oppression et libération, entre étrange et luxueux, est une tentative de trouver d’une part une expression esthétique et de donner d’autre part une place à l’architecture de la juxtaposition des extrêmes qui fait de la ville une métropole. Cette position idéologique ne peut être comprise qu’à la lumière de la tradition surréaliste. Koolhaas adapte et dérive la méthode paranoïaque-critique de Salvador Dalí (MPC). Elle se manifeste à la fois dans son usage de l’écriture automatique fondée par André Breton et dans l’adaptation de la méthode proprement dite de Dalí. Exodus est à la fois une explication et une démonstration de pcm. Koolhaas et La conquête de l’irrationnel de Dalí En 1935, Salvador Dalí publie La conquête de l’irrationnel aux éditions Surréalistes. Dans cet article, Dalí livre une guerre à l’intuition logique rationaliste. Il présente les mérites des facteurs et hiérarchies irrationnels comme nouvelles valeurs positives et spécifiquement productives. Dalí «achève» le rationalisme en utilisant un champ lexical de l’immoralité qui est diamétralement opposé à l’idéologie rationaliste. Il déclare que l’intuition logique pure porte depuis longtemps dans son ventre un fils illégitime qui ne laissait plus lieu à aucun doute sur la paternité newtonienne de l’enfant. Dalí termine de manière sarcastique et caustique en comparant le rationalisme à une prostituée livrant ses derniers charmes et ses dernières turbulences au monde artistique et littéraire. L’appareil précis de l’activité paranoïaque-critique est selon Dalí la nourriture de bonne qualité, décadente, stimulante, extravagante et ambivalente qui convient à l’état faisandé, paradoxal et succulement truculent qui est propre et caractéristique du climat de confusion idéologique et morale du moment. Pour réduire les pratiques sociales métropolitaines au langage courant, pour les expliquer, il est nécessaire de les soumettre à des analyses spéciales, et de préférences avec une rigueur scientifique, la plus ambitieusement objective qu possible. Toute projet ou toute interprétation de ces pratiques, en particulier Exodus, surgit donc a posteriori, une fois que les pratiques existent déjà comme phénomène. Toute l’ambition de Koolhaas sur le plan architectural consiste à matérialiser avec la plus impérialiste rage de précision les pratiques de l’irrationalité concrète. L’objectif de Koolhaas dans Exodus est que le monde imaginatif et de l’irrationalité concrète qu’il présente soit de la

même évidence objective, de la même consistance, de la même dureté, de la même épaisseur persuasive, cognoscitive et communicable, que celle du monde extérieur de la réalité phénoménique. Ce qui est important pour Dali comme pour Koolhaas, ce n’est pas l’objet pictural ou architectural en soi mais ce qu’ils veulent communiquer : le sujet concret irrationnel. Les moyens d’expression mis au service de ce sujet sont multiples. La narration, les collages, les dessins académiques, les axonométries peuvent devenir des hiérarchies sublimes de la pensée à l’approche des nouvelles exactitudes de l’irrationalité concrète. A la différence de Dali, Koolhaas ne produit pas lui même les images authentiquement inconnues de l’irrationalité concrète. Koolhaas est architecte et non artiste. Il utilise la méthode paranoïaque-critique en ce sens qu’elle recèle un potentiel inattendu qu’il est possible de mettre au service de l’architecture. Koolhaas ne produit donc pas les images irrationnelles, mais part à leur recherche au sein même de la métropole à la manière d’un flâneur Baudelairien. Ces images de l’irrationalité concrète prennent la forme de cartes postales, d’objets: c’est la culture populaire. Enfin, la MPC est chère à Koolhaas car elle instaure un nouveau rapport à l’histoire. L’histoire, et plus particulièrement celle de l’architecture est donc spécialement à refaire d’après la méthode de « l’activité paranoïaque-critique ». Dali, la Méthode Paranoïaque-Critique et Le Corbusier En 1976, Rem Koolhaas donne une conférence à l’International Communication Association de Londres. Il l’intitule « Dali, la Méthode Paranoïaque-Critique et Le Corbusier » (#04_02_7). Dans cette conférence, Koolhaas explique que son intérêt pour Dali vient de la recherche, de l’enquête du peintre sur la corruption et les aspects écoeurants de la société contemporaine et en particulier de la pertinence de la méthode paranoïaque-critique en architecture. Pour Koolhaas, la MPC est très riche en cela qu’elle est une phase consciente du surréalisme. C’est une conquête et non une simple récolte comme l’étaient les exercices d’écriture automatique du type «cadavre exquis» des premières phases du surréalisme. Utiliser la méthode implique qu’une personne mentalement saine de glisse dans un processus paranoïaque. Attention ! Le délire de persécution n’est qu’une des nombreuses formes de la pathologie paranoïaque. Dans la MPC, il s’agit d’exploiter la psychose de manière positive, c’est à dire de renforcer l’activité interprétative. Koolhaas déclare que « La paranoïa est une sorte d’interprétation de conspiration du monde au sein duquel tous les faits et tous les phénomènes deviennent une sorte de champ magnétique qui est le renforcement de l’illusion paranoïaque originale de l’individu. C’est donc un processus incontrôlable d’associations, où tout est connecté à tout » La MPC fait écho aux théories structuralistes du langage dont il était question dans l’introduction. La MPC considère le monde comme un système clos d’éléments qui s’opposent les uns aux autres et non un ensemble de contenus, de notions ou de significations indépendants. Mises bout à bout, ces oppositions constituent un système de relations et non un alignement de notions. Jamais une notion n’est présente de manière autonome. Manipulation de l’histoire Koolhaas légitime Exodus à travers la mystification de l’histoire et par l’usage de métaphores, d’allégories, de symboles et de l’ironie. Chaque Carré d’Exodus est la métaphore d’une nouvelle forme



SURRÉALISME

de comportement social. Les Bains sont la métaphore des nouvelles pratiques sexuelles métropolitaines. Dans le Parc des Agressions, le bâtiment en spirale constitue la métaphore des combats entre les individus pour leur position sociale : seul le gagnant arrive au sommet. Mais Exodus n’est pas une simple représentation de ces réalités: au contraire, l’analyse, la structuration et l’articulation de la représentation de la métropole a le pouvoir de lier notre connaissance des choses à une dimension historique, puis par une réinterprétation de l’histoire, de proposer une matérialisation. Exodus est l’exemple précoce de l’entretient d’une relation viable de l’architecture moderne avec l’histoire. La démarche de Koolhaas est non conventionnelle, différente des approches du rationalisme constructif. Il inscrit ses projets dans une continuité de réflexion grâce à la méthode paranoïaque-critique. L’histoire d’Exodus se développe à partir de l’idée que Londres est une ville sous-développées, nécessitant la construction d’un idéal métropolitain dans lequel tous les habitants émigreraient, créant un véritable exode urbain. Pour Koolhaas, le surréalisme est l’outil par lequel il transforme l’histoire de l’architecture en conte légendaire. Le langage poétique La rencontre entre le surréalisme et le constructivisme n’est pas l’oeuvre unique de Koolhaas. Elle s’est déjà opérée dans les années 1920. La poésie est extrêmement valorisée en Tchécoslovaquie au point qu’elle va donner son nom à un nouveau -isme : le poétisme. C’est une idéologie tchèque fondé en 1924 par Karel Teige et Vítezslav Nezval (Manifestes du poétisme, 1928). Après la Première Guerre mondiale et en réaction au dogmatisme naissant de la littérature prolétarienne, le poétisme se laissa aller aux surprises d’une civilisation mécanique et aux plaisirs d’une vie et d’un langage exubérants : refus de l’idée au bénéfice de la sensation, abandon de la forme fixe pour le poème en vers libres. Il finit par se confondre avec le surréalisme. C’est ce langage poétique qui transforme Exodus en un modèle de la réalité. Cette ville physique est en même temps un discours, une chaîne infinie de métaphores qui se répercute au niveau non seulement des dispositifs verbaux du scénario mais aussi des objets, des concepts et des enjeux. Le domaine de la poésie autorise des libertés; Koolhaas sort du cadre rigide infligé par l’imaginaire rationaliste moderne. La dialectique du contraire Max Ernst déclare que « le collage est l’exploitation de la rencontre fortuite de deux réalités distantes sur un plan non convenant », en paraphrasant cette célèbre phrase de Lautréamont « beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection ». C’est une caractéristique essentielle du projet de Koolhaas. Exodus est composé presque entièrement de dialectique contraires, d’associations étranges ou d’alter ego, au niveau des dispositifs verbaux, des bâtiments, des symboles et des mouvements. Le projet vise à rassembler le réel et l’idéal, la réalité et fiction, le métaphorique et littéral. Et c’est en partie en ça qu’ Exodus est un projet empreint de surréalisme. Exodus se positionne, sur la base de l’expérience du Mur de Berlin comme une preuve de la puissance ambiguë de l’architecture. Il s’agit d’un manifeste sur l’ambiguïté essentielle de l’architecture. En ce sens, il s’agit d’une tentative visant à enrichir l’architecture moderniste par le surréalisme, une tentative de fusion de Mies et de Dali. La contradiction sur laquelle tout le scénario de Exodus repose, entre prison et jardin des délices, entre oppression et libération, entre l’étrange et le luxueux. Le projet tente de trouver d’une part une expression esthétique et de donner d’autre part une place à l’architecture de la juxtaposition des extrêmes qui fait de la ville une métropole - ne peut être comprise qu’à la lumière des acquis de la tradition surréaliste. La technique d’«écriture automatique», ne visant pas à éviter les contradictions et les paradoxes, mais visant plutôt à exposer les champs magnétiques de l’inconscient, allait plus tard être formalisée par l’OMA dans une stratégie de conception : la « méthode critique paranoïaque ».

#02_S

Mind Game Mind Game est un jeu inventé par Madelon Vriesendorp. Plus qu’un jeu, il s’agit d’un entraînement à l’application de la méthode paranoïaque critique. L’histoire du jeu est la suivante. Au début, il ne s’agissait pas d’un jeu. Le ‘mur’ était posé sur une table, et Madelon avait posé, sans vraiment y prêter attention, quelques objets à l’intérieur de celui-ci. Des visiteurs, en voyant cela et pensant qu’il s’agissait d’une oeuvre, lui ont dit qu’elle devrait plutôt organiser les choses comme cela. Elle se dit alors que ce qu’ils proposaient leur ressemblait. Petit à petit, elle demanda à ses visiteurs de construire des ‘sets’, et commença à interpréter certaines des configurations. A la question « comment avez vous choisit les objets ? », l’artiste répond que le choix d’objets mis à la disposition des joueurs n’a pas vraiment d’importance car on peut lire ce que l’on veut en eux. C’est une sorte d’application de la méthode paranoïaque-critique. Quoi que l’on regarde, on verra ce que l’on veut, quoi que l’autre fasse. Les règles du jeu sont présentées en annexe (#03_04_15). (6)

Articles liés: buñuel, modernisme I, modernisme II, nietzsche

• Sources imprimées - Salvador Dali, La conquête de l’irrationnel, éd. Surréalistes, Paris, 1935 [Commentaire critique, Combinaison, Transformation] - Rem Koolhaas, «Dali, la Méthode Paranoïaque Critique & Le Corbusier», ICA, 1976 in Supercritical, AA publication, 2010 [Traduction, Commentaire critique, Combinaison] - Madelon Vriesendorp «Mind Game/Home Analysis Kit», The World of Madelon Vriesendorp, AA publication, 2008, pp. 206-213 [Traduction, Commentaire critique, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_15] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11] • Sources manuscrites - Notes de cours, « D’archizoom à Rem Koolhaas/OMA », professeur R.Gargiani, Lausanne, 2011-2012 [Commentaire critique_#03_04_13] • Sources numériques - http://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-519af3e0413b7d3bd64ffcb7943c42e& param.idSource=FR_E-e492ad7ab71e7a75c4bb343a82da39c1 (conférence de Sonia de Puineuf, Le surréalisme et le design graphique en Europe Centrale, Centre Georges Pompidou, Paris, 2013) [Retranscription, Commentaire critique]


THERMOGRAPHIE - TIME magazine du 17 octobre 1970

Les zones en rouge indiquent des flux de chaleur inégaux dans les deux transformateurs cylindriques du poteau. La thermopgraphie permet une autre lecture de la réalité.

Le ton des cheveux de la fumeuse est à peu près uniforme sur la photographie en noir et blanc. En revanche, la photographie infra-rouge révèle des températures inférieures à mesure qu’on s’éloigne du cuir chevelu (riche en sang). Pastille bleu au-dessus du cou est une boucle d’oreille.

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#02_T

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«THERMOGRAPHIE» (1)

NOUVELLE APPRÉHENSION POÉTIQUE DU RÉEL PAR UNE TECHNIQUE INFRA-ROUGE (2)

Inventeur: Armée américaine

(3)

Application initiale: Seconde Guerre Mon-

(4)

Date: ........................ 1945

diale

(5)

ABSTRACTION

Il y a 200 ans, l’astronome britannique Sir William Herschel a effectué une curieuse découverte. Après avoir courbé un rayon de soleil à travers un prisme, il a constaté que le thermomètre chauffait plus si elle était placée juste au-delà de l’extrémité rouge du spectre. Herschel a conclu que la source de chaleur provenait de mystérieux rayons invisibles, mais il ne se doutait guère que les radiations infra- rouge comme on les appelle aujourd’hui finiraient par laisser l’homme voir le monde d’une manière complètement nouvelle. Une autre manière d’appréhender le réel Les détecteurs infrarouges offrent de superbes images qui étaient autrefois totalement invisible à l’œil nu. Cette nouvelle technique est appelée thermographie. Elle traduit les rayons thermiques en couleur. Contrairement aux simples photographies en couleurs qui dépendent de la lumière visible réfléchie, les thermogrammes répondent uniquement à la température de l’objet. Ainsi, la caméra thermographique peut travailler aussi facilement dans l’obscurité que dans la lumière. L’extraordinaire capacité de l’appareil est basée sur une caractéristique de tous les objets vivants ou inanimés: leurs atomes sont constamment en mouvement et dégagent un certain degré de chaleur, ou rayonnement infra-rouge. Si la température augmente suffisamment, le rayonnement peut devenir visible à l’oeil humain, comme dans la lumière rouge d’un haut-fourneau. Pour Koolhaas, cette technique représente une technique surréaliste en ce sens qu’elle propose une vision alternative du réel. Elle va au delà de la simple vision rationaliste du monde. La technique révèle d’une certaine manière l’inconscient de la ville. Une technique entre le rêve et le cauchemar La thermographie est aussi pour Koolhaas un élément qui lui permet d’asseoir un peu plus sa dialectique des contraires. Si il l’utilise pour faire valoir une vision poétique alternative de la métropole haute en couleur, la technique est également synonyme d’horreur. Depuis la Seconde Guerre mondiale, un effort considérable a été fait pour construire de meilleurs détecteurs infra-rouges pour les militaires. Au Viet Nam, par exemple, de tels dispositifs ont souvent été utilisées pour détecter les troupes communistes dans la jungle, permettant ainsi de les débusquer même camouflées dans des bosquets. D’autres applications incluent le développement de missiles à tête chercheuse et de satellites espions. De cette manière, Koolhaas renforce les contradictions sur lesquelles tout le scénario de Exodus repose. (6)

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• Sources imprimées - «Thermography: Coloring with Heat», TIME Magazine, 17 Août 1970, pp.12-15 [Traduction critique, Commentaire critique, Collage, Assemblage] • Etudes Critiques - Lieven De Cauter, «The Exodus Machine», in Martin van Schaik et Otakar Macél, Exit Utopia, Architectural Provocations 1956-76, Prestel, 2005, pp. 263-276 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_11]


TUNNEL- Fuite clandestine vers l’ouest

En 1964, des étudiants, ont creusé pendant six mois ! 37 étudiants à l’est creusaient, pendant que de l’autre côté les autres creusaient aussi,, le tunnel avait une profondeur de 12 mètres et 300 metres de longueur, 57 personnes ont pu s’évader !

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«TUNNEL» (1)

TRANSFORMATION L’HISTOIRE DU MUR EN MYTHE (2)

Inventeur: Salvador Dali

(3)

Application initiale: Méthode paranoïaquecritique (4)

(5)

ABSTRACTION

Il y a 50 ans, l’ordre 101 ordonnait aux militaires de tirer sur toute personne tentant de franchir le Mur de Berlin. Pour arriver coûte que coûte à traverser, certains berlinois de l’est entreprirent la construction d’un tunnel sous le mur. 57 personnes réussirent à s’échapper.

Date: ........................ 1960-1989

L’histoire: Ralph et Joachim Ralph et Joachim, deux étudiants de 20 racontent: « ma copine habitait Berlin Est. Moi j’étais passé seul à l’ouest en 1961, avant le mur. Alors, pour la ramener, je me suis mis à creuser plusieurs tunnels. Et au final, on a réussi. On était une vingtaine d’étudiants, entre 20 et 25 ans. Presque chacun de nous connaissait quelqu’un à l’est. Seuls quelques uns creusaient par idéalisme, parce qu’ils pensaient qu’il fallait faire quelque chose contre ce mur ».

Koolhaas utilise l’histoire, la déforme, la réinterprète et la transforme finalement en conte. La présence du tunnel dans Exodus est une interprétation paranoïaque-critique de l’histoire du mur de Berlin. L’histoire, est analysée, interprétée, transposée pour alimenter le mythe de l’irrésistible attraction métropolitaine du Strip londonien. (6)

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• Sources numériques - http://www.lejdd.fr/International/Europe/Actualite/Mur-de-Berlin-Joachim-Rudolph-raconte-sa-fuite-par-untunnel-372903 [Collage, Commentaire critique]



#02_V

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«VIDE» (1)

MATÉRIALISATION DE LA PUISSANCE DU VIDE (2)

Réalisateur: Rem Koolhaas

(3)

Application initiale: Berlin Wall as Architecture

(4)

Date: ........................ 1968

(5)

ABSTRACTION

La fascination pour le vide est évidemment l’un des traits caractéristique d’Exodus. L’espace entre les parois n’est pas tellement rempli par de l’architecture. Il s’agit plutôt d’une architecture du vide. Exodus est une suite de places et les parcs qui contribue à la fiction et par extension à la qualité manifeste du projet. « Le carré des cérémonie » est pavé de marbre noir. Il est destiné à « accueillir un mélange d’exercices physiques et mentaux, des Jeux olympiques conceptuel ». Ce carré est vide, à l’exception d’une sorte de paratonnerre gigantesque, d’une station de brouillage. La Place des Arts est une machine à culture ironique : le British Museum est préservé, mais vidé. Les espaces vides servent seulement de moyen de mémoire, comme la Zone de la vieille Londres. La magie de cette architecture réside dans le fait qu’elle produit surtout du vide. Venturi, Scott-Brown et Nolli Dans la période de gestation de l’idée d’une Culture de la Congestion, le plan de Rome dessiné par Giovanni Battista Nolli entre 1736 et 1738 et publié en 1748 devient une référence culturelle pour plusieurs hypothèses urbanistiques; il influencera directement le développement des théories de Koolhaas. Le plan avait été pris en exemple par Venturi et Scott Brown en 1968 pour son mode de représentation des rues, des places, des courts, des jardins, comme si les vides avaient été retaillés dans une masse bâtie représenté sous forme de hachures. “Ces espaces, ouverts ou couverts sont montrés dans les moindres détails grâce à un poché plus sombre” écrivent-t-ils en 1968 dans Learning from Las Vegas. L’expérience du mur de Berlin Lors de son mémoire Berlin Wall as Architecture, Koolhaas s’est rendu compte que le mur se manifestait architecturalement sous différentes formes : fils barbelés, vide, murs en dalles de béton préfabriquées, mais était à certains endroits une transformation des bâtiments (fenêtres murées). C’était à ses yeux la preuve que l’importance de l’architecture ne découlait pas directement de la masse, mais du vide. En tant qu’objet, le mur était exceptionnel. Lorsqu’à certains endroits, le mur se dématérialisait, il conservait sa puissance habituelle. En fait, de manière plus juste, le mur n’était pas un objet, mais un effacement, une absence fraîchement créée. Pour moi, c’était une première démonstration de la capacité du vide en tant que «fonction» efficace, la subtile et flexible: n’importe quel objet pouvait être imaginé à sa place. C’était un avertissement architectural: l’absence serait toujours gagnant face à la présence. (6)

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• Sources imprimées - Rem Koolhaas, «Berlin Wall as Architecture», S, M, L, XL, Monacelli Press, 1995, pp.212-233 [Traduction critique, Commentaire critique, Interprétation] • Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9]



#02_V

EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«VIÊT-NAM» (1)

PASSAGE INSTANTANÉ DE L’HORREUR DE LA GUERRE DU VIET-NAM À L’HÉDONISME DU STRIP (3)

Conflit: Guerre du Vietnam

(4)

Date: 1954-1975

(5)

ABSTRACTION

Après l’échec de la France pour reconquérir l’Indochine, les accords de Genève divisèrent le pays en deux par une zone démilitarisée au niveau du 17e parallèle. Les deux parties du Viêt Nam connurent alors la mise en place de gouvernements idéologiquement opposés : Le nord contre le sud, Londres contre le Strip Au nord, la République démocratique du Viêt Nam (RDVN), régime communiste fondé par Hô Chi Minh. Au sud, la République du Viêt Nam (RVN), régime nationaliste soutenu par les Américains et proclamé par Ngô Dinh Diêm. La guerre débuta à l’instigation du nord sous la forme d’une guerre civile afin de « réunifier tout le pays sous son régime et de le libérer d’une agression étrangère impérialiste ». Dès le début du conflit, le nord fut soutenue par des aides logistiques chinoises et soviétiques alors que de son côté, le sud fut progressivement « coadministrée » par un interventionnisme américain croissant au fil des années. Les États-Unis inscrivirent ce conflit dans une logique de guerre froide en s’appuyant sur une stratégie anti-communiste. Alors que la friction idéologique était célébrée dans le Strip londonien, le guerre éclatait entre le pays natal du constructivisme, et celui de la métropole par excellence, New York. Rem Koolhaas retourne la situation: il propose de pacifier la friction idéologique, et de sortir d’une logique d’imposition hégémonique d’une seule de ces idéologies. Dans Exodus, c’est la joyeuse friction idéologique qui livre une «guerre» selon ses mots à la vieille Londres encrée dans l’idéologie du traditionnelle du milieu du XXe. Le serpent qui se mord la queue Dans la lutte entre la RVN et la RDVN, de terribles batailles éclatent, faisant des milliers de victimes civiles. Des attentats ont régulièrement lieu. En 1965, le gaz Napalm est utilisé contre le Nord par les Etats-Unis. Des photographies montrent aux yeux du monde des scènes de fuite de civils désespérés, brûlés. Beaucoup tentent de fuir coûte que coûte, souvent au péril de leur vie. La présence de vietnamiens du nord fuyant leurs terres traduit le fait « cette étude architecturale fait la guerre à Londres ». D’abord l’imagerie de la guerre du vietnam témoigne de la violence de la guerre que livre le Strip: aux extrémités, c’est le concept de la table rase déjà mise en exergue dans le Plan Voisin. La ville est petit à petit rayée de la carte. Mais, cette guerre est très ironique. Si au vietnam, les fuyards tentent juste d’échapper à la mort, Exodus offre aux prisonniers volontaires une perspective hédoniste. C’est une guerre dont les camps de réfugiés sont des «jardins d’eden»... L’horreur de la guerre est sans transition suivie de l’ydille d’une métropole hédoniste à la manière d’un cadavre exquis surréaliste. Le contraste joie/horreur est d’autant plus fort qu’après quinze ans de combats (entre 1957 et 1972), le bilan humain fût très lourd. Les combats entre forces vietnamiennes

s’achevèrent avec la chute de Saïgon au sud, le 30 avril 1975. Après la victoire du nord, les deux Viêt Nam furent unis pour former l’actuelle République socialiste du Viêt Nam. C’est peut être le post-scriptum de l’histoire d’Exodus: est-ce le signe de la victoire de la vieille Londres sur le Strip ? Ou l’inverse ? Sûrement ni l’un ni l’autre. Koolhaas prône une culture de la friction idéologique comme alternative à l’hégémonie rationaliste dominante par une « guerre », qui est par définition une forme de friction idéologique. Les moyens mis en oeuvre pour arriver à ses fins sont justement ce pour quoi il fait la guerre ! Le fait que Koolhaas et Zenghelis au modernisme visant à circonscrire les limites du langage architectural. Leur tâche est d’éclater les limites de l’architecture pour embrasser tout le spectre de la vie quotidienne. Leur objectif est de dépasser les limites du langage architectural institutionnalisé. C’est vers une tactique de représentation inclusive que s’inscrit le travail de Koolhaas et Zenghelis. Mais malgré leur esprit inclusiviste, leur refus de célébrer la technologie ou la société de consommation les distingue des courants parallèles. La profusion d’éléments métaphoriques induits par les choix subtils d’échelle ou de sensualité donnent un sentiment surréaliste de familiarité et de déjà-vu à leur travail. Mais ce sentiment se dissipe rapidement. Ce sentiment de « déjà-vu / jamais vu » est l’interrupteur de l’appareil critique du spectateur. Et c’est précisément ici que l’aspect critique, non publicitaire et non consommable de leur travail réside: dans leur capacité à tirer le portrait de la métropole tout en remettant en question nos habitudes visuelles et sociales et donc en déclenchant une prise de conscience. (6)

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• Sources numériques - http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Viêt_Nam/148881 [Commentaire critique, Combinaison, Interprétation Paranoïaque-critique]


WARHOL - Empire State Building

Screenshot du film Empire d’Andy Warhol

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EXODUS OU LES PRISONNIERS VOLONTAIRES DE L’ARCHITECTURE: LA BOÎTE DE PANDORE DE REM KOOLHAAS

«WARHOL» (1)

LONG MÉTRAGE DE 6H36 EN PLAN FIXE DE L’EMPIRE STATE BUILDING (2)

Réalisateur: Andy Warhol

(3)

Application initiale: Empire

(4)

Date: ........................ 1964

(5)

ABSTRACTION

Le film, tourné en 24 images/seconde est ralenti pour être projeté en 16 images/seconde ce qui rend la progression à l’obscurité presque imperceptible. Les non-événements comme une lumière qui clignote en haut d’un immeuble voisin, marquent le passage du temps. Selon Warhol, l’intérêt du film est permet de «voir le temps passer». Koolhaas fait certainement un rapprochement avec la Surface Neutre d’Archizoom, ponctuée d’éléments de design. Les éléments de mobilier sont des foyers d’intensité d’une surface générique quadrillée. (6)

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Le film Empire est un film en plan fixe de 6 heures et 36 minutes de l’Empire State Building, filmé de 20h06 à 2h42 durant la nuit du 25 au 26 juillet 1964. Une oeuvre pop-art choisie A 19 ans, Koolhaas commence comme journaliste au Haagse Post, un quotidien de droite. Il est très proche du Nulbeweging, (littéralement «Mouvement Zéro», la variante néerlandaise du groupe allemand ZERO et des Nouveaux Réalistes. Dans l’Amérique pop-art, les artistes utilisaient la dimension terriblement vide de la société de consommation de manière ironique pour critiquer le consumérisme et le matérialisme de la société. Ce double jeu ironique n’était pas accepté par le groupe Nul. Leur travail n’était pas critique, et n’émettait aucun jugement de valeur. Koolhaas semble par la citation du film de Warhol célébrer le choix du sujet. En d’autres termes, l’Empire State Building est un meilleur choix pour rendre compte de la culture populaire que les boites de sauce tomate. De plus, ce film n’exhibe pas de manière ironique les vertus de la société de consommation comme avait l’habitude de le faire Andy Warhol. Il s’agit plutôt d’un portait glacial, rappelant le style journalistique de Koolhaas de la fin des années 1960. Tout et son contraire L’empire State Building est évidemment choisi par Koolhaas comme le représentant légitime de la métropole la plus célèbre du monde. Il n’a pas encore commencé les travaux de recherches qui conduiront plus tard à la parution de New York Délire, mais la culture de la congestion typiquement manhattanienne est déjà présente sous forme embryonnaire. Mais, Koolhaas fait à son habitude un usage très ambiguë des images du film. Hérité des procédés de création surréalistes, il joue sur les contraires, les contrastes, les oppositions. Par exemple, le fait que Warhol parle du rapport au temps de la métropole et de manière implicite de l’accélération du temps par un ralentissement à outrance du film. C’est une provocation warholienne que Koolhaas reprend dans Exodus. Il est aussi assez étrange que Koolhaas utilise une référence aussi peu narrative, dans un projet qui l’est lui autant ! Dans l’imaginaire commun, un film est sensé raconter une histoire, pas l’architecture. Koolhaas montre le contraire ! Enfin, quand warhol utilise son film pour montrer le passe le la lumière à l’obscurité, Koolhaas l’utilise pour montrer le passage d’une ville grise en noir et blanc, à une métropole haute en couleurs.

Rapprochement avec la surface neutre d’Archizoom

• Etudes Critiques - Roberto Gargiani, «Sperimentazione del metodo paranoïco-critico», OMA/Rem Koolhaas, éd. Laterza, 2006 [Traduction, Interprétation Paranoïaque-critique_#03_04_9] • Sources numériques - http://www.youtube.com/watch?v=VMCeDBn1Zu0 (Andy Warhol, Empire, 1964) [Visionnage critique, Interprétation paranoïaque-critique]



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