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Voyager avec les tout-petits

À PROPOS DE

DANIELLE CHAPERON

Danielle Chaperon a étudié en littérature à l’université Laval, puis en éducation à l’université d’Ottawa, avant d’enseigner pendant de nombreuses années au Québec et en Ontario. Elle a parallèlement commencé à publier des livres dans les années 1990, avec un fort penchant pour la littérature jeunesse à compter de 2007.

PAR DANIELLE CHAPERON auteure et animatrice

Comment peut-on, à travers un livre, nourrir l’imaginaire débordant des plus jeunes lecteur·rice·s et les faire voyager? L’ancienne enseignante et désormais auteure et animatrice Danielle Chaperon témoigne de sa propre expérience.

Mon livre Ma tête en l’air, publié chez Fonfon, est paru à l’automne 2017. Au moment de sa création, quelques années auparavant, je voulais en faire un album ludique, parsemé de quelques touches de poésie. J’avais imaginé un petit personnage distrait ; une fillette drolatique à la fougue entraînante. Je la voyais oublier ou perdre toutes sortes de choses au cours d’un long voyage. Au fil de l’écriture, je me suis mise à broder autour de l’idée de la perte: on peut perdre ses clés ou une chaussette mais on peut aussi perdre pied. Perdre courage… ou le do de sa clarinette ! Afin d’étoffer mon personnage, j’ai aussi abordé le deuil, la plus grande perte qui soit, mais tout en douceur, en filigrane. J’ai ensuite élaboré un itinéraire improbable, un peu fou… comme si je m’étais amusée à lancer des fléchettes sur une mappemonde les yeux fermés. Mon petit personnage allait en voir de toutes les couleurs : visite de lieux incontournables et de monuments chargés d’histoire, exploration des fonds marins et rencontres étonnantes (attention au divulgâcheur ici : le yéti !!!). Grâce au talent et à la magie de l’illustratrice Josée Bisaillon, ma grande voyageuse m’est un jour apparue dans toute sa splendeur : une bouille irrésistible sur un corps d’exploratrice du dimanche ! Voilà pour la genèse de cet album qui tient une place spéciale dans mon cœur d’auteure jeunesse.

LE VOYAGE, UN ÉTAT D’ESPRIT Lorsque je suis invitée à animer un atelier avec Ma tête en l’air, je commence toujours par demander aux élèves (souvent des tout-petits) s’iels ont déjà fait un voyage. Lors de mes premiers ateliers, j’avais certains scrupules à poser cette question. Le voyage est un luxe, me disais-je, que tous les enfants n’ont pas. Mais bon, je la lançais quand même, cette fameuse phrase-amorce, et grâce aux réponses lumineuses de mes jeunes interlocuteur·rice·s, j’ai compris certaines choses sur les voyages. Sur LE voyage. J’ai compris que de dormir dans une tente, dans un camping ou dans sa cour arrière ; que d’aller passer une nuit chez un·e ami·e ou chez sa grand-mère, c’était aussi partir en voyage. Aussitôt qu’on boucle une valise ou un sac à dos, qu’on y lance quelques objets — brosse à dents, bobettes, doudou, livre et autres essentiels —, qu’on sort un tantinet de sa routine, de sa fameuse « zone de confort ». Dès qu’on accepte d’être déstabilisé·e, ça y est : on est en voyage !

LES BIENFAITS DU VOYAGE LITTÉRAIRE Au fond, le voyage est une attitude. On ouvre grand nos bras à la découverte, prêt·e·s à nous extirper de notre quotidien un peu trop programmé. On improvise, on s’adapte, on s’émerveille, on se pince, on s’inquiète, on se trompe, on tape du pied, on prend le mauvais train ou la mauvaise porte. Souvent, même, on se dépasse. En voyage, idéalement, on apprend. On peut apprendre en quelle année a été érigée la tour de Pise ou comment s’est formé le Grand Canyon, mais on apprend aussi des choses sur soi. Et, au bout du compte, c’est ce qui nous enrichit le plus. On entend souvent que lire, c’est voyager. J’y souscris totalement. Ici, nos bagages seront nos connaissances antérieures, nos repères, notre curiosité. Notre soif de comprendre le monde qui nous entoure.

UNE MULTITUDE D’ITINÉRAIRES Chaque auteur·rice nous propose un itinéraire. À nous d’embarquer ou non. À nous de découvrir une ambiance, un univers, des lieux, des personnages et leurs quêtes. À nous d’y croire et de nous y plaire, ou bien d’en sortir en courant à la prochaine station. Lorsque je reviens d’une classe où j’ai animé un atelier, j’ose espérer que les élèves et moi avons été de bons compagnons de voyage. Que nous avons appris les un·e·s des autres à travers nos questions, nos réponses et nos doutes. Et ce, dans le plaisir qu’offre souvent l’immersion dans une œuvre littéraire. Bonne route !

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