Contraception

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1. Régulation des naissances en France

9

Tableau 1.8 Les interruptions volontaires de grossesse en France métropolitaine Année

2005

2006

2007

Total IVG

206 311

215 390

213 381

IVG pour 1 000 femmes de 15-49 ans

14,2

14,9

14,7

Répartition des IVG selon le groupe d’âge 15-17 ans 18-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 45-49 ans 15-49 ans Tous âges

12 138 17 658 52 541 42 735 38 552 28 408 12 234 1127 205 393 206 311

15-17 ans 18-19 ans 20-24 a s 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 45-49 ans 15-49 ans

10,6 22,8 26,8 22,8 18,0 13,1 5,5 0,5 14,2

12 855 18 238 53 411 45 838 39 261 30 268 13 224 1265 214 361 215 390

12 556 17 943 52 971 46 857 37 864 29 851 12 940 1303 212 285 213 381

IVG pour 1 000 femmes 11,2 23,4 27,5 24,0 18,7 14,0 5,9 0,6 14,9

10,8 22,6 27,0 24,1 18,6 13,7 5,8 0,6 14,7

D’après Vilain A. Études et résultats n° 713, décembre 2009.

Selon A. Vilain [9], le nombre total d’IVG en France métropolitaine chez les femmes âgées de 15 à 49 ans a été de 213 382 en 2007, donc en légère augmentation depuis 2001 (201 180). ■ Le taux d’IVG pour 1000 femmes est de 14,7 en 2007. Il était de 14,1 en 2001 ; ce taux est comparable à celui du Royaume-Uni et de la Slovaquie. ■ Les recours à l’IVG varient beaucoup selon les régions. Ils demeurent plus fréquents dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) = 20,7 pour 1000 femmes, en Corse = 19,6 et en Île-de-France = 19,3. ■ En Guadeloupe, le taux d’IVG a été de 43,5 pour 1000 femmes en 2007, en Guyane de 38,2, en Martinique de 23,6 et à La Réunion de 21,2. ■ 12 560 jeunes de 15 à 17 ans ont eu recours à une IVG en 2007 (10 722 en 2002) et 850 mineures de moins de 15 ans ont eu recours à une IVG la même année. ■ Le taux d’IVG chez les femmes mineures a été de 10,8 pour 1000 femmes de cet âge en 2007. Les mineures ont représenté 5 % de l’ensemble des femmes ayant eu une IVG en 2001, et 6 % en 2005, 2006 et 2007.


10

Contraception

■ Il

existe une légère augmentation des recours à l’IVG chez les moins de 20 ans mais ces recours semblent se stabiliser depuis 2 ans dans cette tranche d’âge. ■ Les recours à l’IVG des femmes âgées de 20 à 39 ans représentent 83 % des IVG en 2007. Ce chifre a été de 80 % en 2001. Ce sont les femmes âgées de 20 à 24 ans qui ont eu le plus souvent recours à l’IVG en 2007 (27 pour 1000 en moyenne). ■ Le pourcentage des IVG médicamenteuses par rapport à l’ensemble des IVG a été de 48,6 % en 2007. Ce taux a été multiplié par deux entre 1992 et 1998, puis entre 1998 et 2004. ■ 91 % des IVG ont eu lieu dans un établissement de santé et 9 % en ville. ■ La part du secteur public dans la prise en charge des IVG ne cesse d’augmenter : 75 % des IVG ont été réalisées dans un établissement public en 2007 (60 % en 1990) (tableau 1.9). ■ Les taux d’IVG dans les 27 pays de l’Union Européenne (figure 1.1) où l’avortement est légalisé (il ne l’est pas en Irlande et à Malte) varient de 6,0 à 25,8 pour 1000 femmes. Les taux les plus élevés sont ceux de l’Estonie, la Roumanie, la Lettonie et la Hongrie. Notons cependant que les taux d’IVG sont en forte baisse depuis les années 2000 dans les pays de l’Est. Quant au délai de gestation pendant lequel l’IVG est autorisée en Union Européenne, il n’est pas précisé aux Pays-Bas et à Chypre. Il s’étend de 8 semaines (Portugal) à 24 semaines de grossesse (Grande-Bretagne). ■ Enfin, les IVG ne se pratiquent de façon médicamenteuse que dans 17 pays sur les 27 de l’Union Européenne.

Figure 1.1 Les recours à l’IVG en Europe. Source : OMS – European health for all database (HFA-DB) ; World Health Organization Regional Office for Europe.


1. Régulation des naissances en France

11

Tableau 1.9 Répartition des IVG réalisées selon le lieu de l’intervention en 2007 d’après A. Vilain (2009) Année

2001

2005

2006

2007

Secteur public Nombre d’IVG

135 000

144 174

146 749

147 868

Part des IVG médicamenteuses (%)

33

46

46

46

Secteur privé Nombre d’IVG

67 180

57 129

54 316

47 241

Part des IVG médicamenteuses (%)

26

36

38

38

Ensemble des établissements Nombre d’IVG

202 180

201 303

201 065

195 109

Part des IVG médicamenteuses (%)

31

43

44

44

IVG médicamenteuses en ville1

5008

14 325

18 273

Total IVG

202 180

206 311

215 390

213 382

1

Donnée SAE pour les IVG médicamenteuses en ville en 2005, CNAM-TS pour 2006 et 2007. Champ : France métropolitaine.

En résumé Au cours de la dernière décennie on peut considérer que le nombre d’interruptions de grossesse volontaires est relativement stable en France métropolitaine. Une part croissante du secteur public dans la prise en charge des IVG à l’hôpital. La moitié des IVG sont désormais des IVG médicamenteuses. En Union Européenne, la France, avec un taux de 14,7 pour 1000 femmes de 15 à 49 ans, occupe le 14e rang parmi les 20 pays européens où ce taux est connu (figure 1.1).


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Contraception

Commentaire On peut dire sans culpabiliser que ce profil orthogénique peu favorable ne s’explique probablement pas par le seul aspect technologique de la contraception. La tendance à la stagnation voire à la hausse des IVG en France ne semble pas en effet s’expliquer par une moindre utilisation de la contraception conventionnelle ou d’urgence selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) : en 2005, 71 % des personnes âgées de 15 à 54 ans sexuellement actives durant les 12 mois précédents ont eu recours à un moyen contraceptif. Finalement, l’avortement ne prend que très rarement la place de la contraception en France. La première hypothèse de cette stagnation ou discrète augmentation des IVG en France est une inadéquation entre les méthodes utilisées et les utilisatrices. Ce qui influe beaucoup sur la qualité d’utilisation de la contraception, donc sur son efficacité réelle et son taux de continuation. Il faut néanmoins continuer d’agir pour une meilleure promotion des méthodes de contraception de longue durée (notamment des implants et des dispositifs intra-utérins), en particulier, mais pas uniquement, en post-IVG et de la stérilisation volontaire à visée contraceptive lorsqu’elle est appropriée, tant chez les femmes que chez les hommes1. Il faut tenir compte, dans tous les cas, qu’un certain nombre d’IVG sont inévitables parce que les utilisatrices et les utilisateurs sont des êtres humains donc faillibles et que les meilleures méthodes de contraception sont elles aussi faillibles. L’avortement ne semble être qu’un ultime recours en cas d’échec de la contraception ou de son absence. Le plus important semble-t-il n’est pas que les IVG restent stables voire même qu’elles augmentent légèrement, mais que les grossesses non désirées, elles, diminuent, ce qui semble être le cas (Bajos et al., 2004 [10]). 1. L’IGAS, dans son rapport RM 2009-104A intitulé « La prévention des grossesses non désirées : contraception et contraception d’urgence » [5], a établi 22 recommandations susceptibles d’agir favorablement sur le profil orthogénique français. Elles figurent en annexe en fin de ce chapitre.

Conclusion Il y a à l’évidence une discordance entre le profil contraceptif français en théorie satisfaisant et une évolution moins satisfaisante des IVG. Ce « paradoxe français » a probablement motivé les nouvelles lois favorisant le contrôle des naissances en France, en particulier : ■ loi du 13 décembre 2000 sur la contraception d’urgence, révolutionnaire par certains aspects (absence de prescription médicale obligatoire, gratuité pour les mineures, etc.) (chapitre 11) ;


1. Régulation des naissances en France

13

■ loi

du 30 mai 2001 sur la contraception, l’éducation sexuelle et la stérilisation volontaire à visée contraceptive (enfin légalisée) et la mise sur le marché français de nouvelles méthodes de contraception favorisant l’observance : patch Evra, anneau vaginal Nuvaring, implant Implanon pilules estroprogestatives continues (Minesse, Melodia, Varnoline continu, Jasminelle continu, Yaz, Qlaira) (cf. chapitre 6), etc. Si la fécondité peut sembler faible en France (elle est cependant actuellement la plus forte des pays d’Europe de l’Ouest), les indices de fécondité avaient ­commencé à baisser depuis 1965, c’est-à-dire 3 ans avant la loi Neuwirth de 1967 sur la contraception et 10 ans avant la loi Veil libéralisant l’avortement (1975). Démographiquement, le concept de « contrôle des naissances » ne paraît plus en tout cas être une priorité en France et en Union Européenne. C’est pourquoi il semble préférable de lui substituer le concept de « régulation des naissances » qui correspond mieux aux ambitions actuelles de la contraception dans notre pays dont le but n’est pas que de lutter contre les grossesses non désirées et les avortements volontaires. La contraception permet de donner aux femmes et aux couples les moyens de maîtriser leur fécondité. C’est un droit fondamental des femmes et des ­hommes. Ce droit ne peut que générer de nombreux autres droits, notamment le libre choix en matière de sexualité, de mode de procréation, et, plus largement, de mode de vie. Références   [1]  World Contraceptive Use, 2007. United Nations. Department of Economic ans Social Affairs. Population Division. (www.unpopulation.org).   [2]  Afssaps, Anaes, INPES. Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme. Service des recommandations professionnelles de l’Anaes, décembre 2004.   [3]  Bajos N, Leridon H, Goulard H et al. Contraception: from accessibility to efficiency. Hum Reprod 2003 ; 18 : 994–9.   [4]  Serfaty D. Évolution du marché de la contraception en France en 2009. Génésis 2010 ;147 : 16–17.   [5]  Aubin C., Jourdan Menninger D. Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). La prévention des grossesses non désirées : contraception et contraception d’urgence. Rapport RM2009-104A, octobre 2009.   [6]  World Health Oraganization : Medical Eligibility Criteria for Contraception Use, fourth edition, 2009, Geneva.   [7]  Trussel J. Contraceptive efficacy. In : Hatcher RA et al., editor. Contraceptive Technology. 18 édition. New York : Ardent Media ; 2004, p. 773–845.   [8]  Blayo C. L’avortement volontaire en chiffres depuis sa légalisation. L’interruption volontaire de grossesse depuis la loi Veil. Paris : Flammarion ; 1997. p. 21–35.   [9]  Vilain A. Les interruptions volontaires de grossesse en 2007. Études et Résultats (DREES), n° 713 décembre 2009. [10]  Bajos N, Moreau C, Leridon H, Ferrand M. Pourquoi le nombre d’avortements n’a-t-il pas baissé en France depuis 30 ans ? Populations et Sociétés 2004 ; 407.


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Contraception

Annexe : Rapport de l’IGAS « La prévention des grossesses non désirées : contraception et contraception d’urgence » – Principales recommandations N

Recommandations

1

Mettre en place un réseau de professionnels de santé acceptant le tiers payant pour assurer l’accès gratuit des jeunes à la contraception et leur information sur les questions de santé sexuelle.

2

Étendre le principe de la gratuité au-delà de 18 ans pour les jeunes jusqu’à 25 ans dépourvus de couverture sociale autonome et en faisant la demande.

3

Lancer une évaluation de la situation des centres et établissements de planification.

4

Définir et mettre en place un dispositif d’évaluation pour apprécier l’impact des différentes mesures introduites par la loi du 21 juillet 2009.

5

Analyser l’expérience britannique de délivrance directe des contraceptifs en pharmacie.

6

Envisager un nouveau projet législatif pour lancer en France une expérimentation de délivrance directe, limitée dans le temps et accompagnée d’un protocole précis et rigoureux.

7

Promouvoir les méthodes de contraception réversible de longue durée, et en particulier le stérilet.

8

Présenter la stérilisation parmi les moyens de contraception.

9

Engager une négociation avec les laboratoires pharmaceutiques en vue du remboursement des nouvelles formes de contraception hormonale non orale.

10

Mettre à disposition du grand public des supports sur les problèmes concrets de gestion de la contraception.

11

Mettre en œuvre l’objectif du Plan santé jeunes visant à adapter le conditionnement des contraceptifs pour améliorer l’observance.

12

Promouvoir la prescription d’une contraception d’urgence en complément de la contraception orale (cf. recommandation 18).

13

Développer la place accordée aux questions de contraception dans la formation théorique et pratique des futurs médecins.

14

Encourager le développement d’actions de formation médicale continue axées sur la contraception.

15

Adapter le programme des études de sages-femmes aux nouvelles compétences que leur reconnaît la loi du 21 juillet 2001 en matière de contraception.

16

Reconnaître financièrement la spécificité d’une consultation médicale à visée contraceptive.

17

Améliorer le statut, actualiser le positionnement et développer l’intervention des conseillères conjugales et familiales.


84

Contraception

Figure 6.1 Estrogènes : 17b-estradiol et éthinylestradiol.

d’un radical éthinyl en C17 (figure 6.1). Les avantages de l’éthinylestradiol par rapport au 17b-estradiol sont une meilleure biodisponibilité et une puissance biologique près de 100 fois supérieure. En revanche, cette puissance biologique et la forte affinité de l’éthinylestradiol pour le foie sont responsables d’effets secondaires métaboliques et vasculaires plus importants. Un des principaux objectifs de la recherche pharmaceutique a donc été de réduire progressivement le dosage des estroprogestatifs en EE sans pour autant diminuer leur efficacité contraceptive et ce, grâce à l’introduction de progestatifs plus fortement antigonadotropes et/ou une modulation du dosage de l’EE au cours de la plaquette de pilule. En 2009 est apparue la première pilule à l’estradiol, Qlaira, à base de valérate d’estradiol (figure 6.2). Elle sera très prochainement suivie par la pilule « NOMAC/E2 » à base d’acétate de nomégestrol et d’estradiol (cf. chapitre 18).

Progestatifs Treize molécules entrent dans la composition des estroprogestatifs oraux actuellement disponibles en France (tableau 6.2 ; figures 6.3 à 6.8). Toutes sont des progestatifs de synthèse dotés d’une activité antigonadotrope très supérieure à celle de la progestérone naturelle.

Figure 6.2 Valérate d’estradiol. 1,3,5 [10]-Estratriène-3, 17 β-diol-17-valérate.


6. Contraception hormonale

85

Tableau 6.2 Classification des progestatifs de synthèse utilisés dans les estroprogestatifs Dérivés de la nortestostérone 1re

2e

3e

génération

génération

génération

Noréthistérone Norgestriénone Lynestrénol

Norgestrel Lévonorgestrel

Désogestrel Gestodène Norgestimate

1Bientôt

Dérivés de la 17-hydroxyprogestérone

Dérivé de la spironolactone

Progestatif hybride

Dérivé norprégnane

Acétate de chlormadinone Acétate de cyprotérone

Drospirénone

Diénogest

Acétate de nomé­ gestrol1

disponible en association avec E2 (cf. chapitre 18).

Huit progestatifs sont des dérivés de la nortestostérone (figures 6.3 et 6.4). Ils se comportent comme des androgènes faibles. Les pilules à base de ces progestatifs peuvent avoir une activité androgénique pouvant participer aux effets secondaires de la contraception. Un autre objectif de la recherche pharmaceutique a donc été de mettre au point des progestatifs de moins en moins androgéniques, de deuxième puis de troisième génération. L’acétate de cyprotérone (figure 6.5) est un dérivé de la 17-hydroxyprogestérone doté d’une activité antiandrogène par inhibition compétitive de la liaison de la dihydrotestostérone au récepteur des androgènes. Cette propriété lui confère un intérêt dans le traitement des manifestations cliniques de l’hyperandrogénie, qu’il soit utilisé seul à fortes doses (Androcur) ou à faibles doses en association avec l’éthinylestradiol (Diane 35, Evépar, Holgyème, etc.). En revanche, ce produit n’a pas l’autorisation de mise sur le marché en contraception. Dans les mentions légales, l’inhibition de l’ovulation n’est qu’un effet secondaire.

Figure 6.3 Progestatifs : les dérivés estranes (13-méthyl).


86

Contraception

Figure 6.4 Progestatifs : les dérivés gonanes (13-éthyl).

Figure 6.5 Acétate de cyprotérone.

La drospirénone (figure 6.6), introduite sur le marché en 2002, est une molécule dérivée de la spironolactone. Elle se caractérise par une affinité relativement importante pour le récepteur minéralocorticoïde, une affinité plus faible pour le récepteur à la progestérone, et aucune affinité pour le récepteur aux androgènes. Elle possède un rôle inhibiteur des gonadostimulines. La drospirénone inhibe l’ovulation à la dose de 3 mg/jour. Elle est associée à 30 mg d’EE (Jasmine), ou à 20 mg d’EE (Jasminelle, Jasminelle continu et Yaz). Ces pilules peuvent avoir des effets antiminéralocorticoïdes et antiandrogéniques. L’acétate de chlormadinone (figure 6.7) est un autre dérivé de la 17-hydroxyprogestérone. Une pilule associant 2 mg d’acétate de chlormadinone et 30 mg d’éthinylestradiol (Belara) est disponible en France. Elle possède également des effets antiandrogéniques. Le diénogest (figure 6.8), introduit en 2009 en France, est un progestatif hybride ayant les propriétés des progestatifs norstéroïdes et celles de la progestérone.


6. Contraception hormonale

87

Figure 6.6 Drospirénone.

Le diénogest entre dans la composition de la pilule quadriphasique au valérate d’estradiol Qlaira à la dose de 2 à 3 mg selon les phases de cette pilule. Le ­diénogest a un tropisme endométrial marqué avec un effet sélectif sur la transformation de l’endomètre qui réduit la fréquence des saignements indésirables. L’acétate de nomégestrol (figure 6.9) est un progestatif norprégnane. Une pilule EP à base d’acétate de nomégestrol (2,5 mg) et d’estradiol (1,5 mg) sera très prochainement disponible en France. Elle sera monophasique (cf. chapitre 18).

Classification des estroprogestatifs oraux La première pilule (Gregory Pincus, 1956), appelée Enovid, contenait 150 mg de mestranol (précurseur inactif de l’éthinylestradiol) et 9,58 mg de noréthynodrel. Elle a été une étape révolutionnaire dans la vie des femmes, mais sa tolérance était médiocre en raison de la dose des stéroïdes utilisée et de l’effet androgénique des progestatifs de première génération : prise de poids

Figure 6.7 Acétate de chlormadinone.


88

Contraception

Figure 6.8 Diénogest.

importante, acné, problème veineux, etc. Pour améliorer la tolérance, on a eu l’idée, dans les années soixante, de produire des EP séquentiels. Ils comportaient l’administration successive de l’estrogène seul pendant une huitaine de jours, puis d’une association estroprogestative, reproduisant la séquence physiologique du cycle menstruel. Cependant, l’absence de progestatif en début de plaquette ne permettait pas de réduire le dosage de l’estrogène en dessous de 50 mg, et des cas d’hyperplasie de l’endomètre ont été rapportés après utilisation prolongée. Ces données ont entraîné la disparition de ces pilules. En 1961, fut rapporté le premier cas d’accident thromboembolique sous pilule, mais il fallut une dizaine d’années pour que les études épidémiologiques démontrent un risque accru d’accident thromboembolique, expliqué essentiellement par l’action de l’EE sur les facteurs de la coagulation. Dès lors, un objectif constant de la recherche a été de réduire le dosage en EE. C’est l’utilisation de nouveaux progestatifs, très antigonadotropes, qui a permis cette évolution. Dans les années quatre-vingt, une autre stratégie a été évaluée : la modulation du dosage en hormones au cours de la plaquette

Figure 6.9 Acétate de nomégestrol.


6. Contraception hormonale

89

pour réduire la dose cumulée. Les pilules commercialisées à cette époque sont souvent biphasiques ou triphasiques. Cette stratégie n’a pas démontré d’avantages (ou d’inconvénients) et a été quasiment abandonnée dans les années quatre-vingt-dix2. La classification des EP (tableau 6.3) repose sur la nature du progestatif et le dosage en EE.

Pilules de première génération Trois pilules de ce type sont encore commercialisées en France. Elles contiennent 30 à 40 mg EE et un progestatif de première génération, la noréthisthérone, qui a une activité androgénique significative.

Pilules de deuxième génération Stédiril, pilule monophasique à 50 mg d’EE (dite normodosée), correspond au standard des années soixante-dix. Sa prescription est devenue marginale en raison de ce dosage élevé, mais elle garde un intérêt ponctuel en tant que traitement (de courte durée) dans certaines pathologies fonctionnelles (dysménorrhée, dystrophie ovarienne macropolykystique3. saignements indésirables sous minipilules EP, etc.) lorsque les pilules usuelles n’entraînent pas d’amélioration et dans certains cas de mauvaise observance de pilules faiblement dosées du fait d’oublis trop fréquents et d’impossibilité d’utiliser d’autres méthodes contraceptives. Les autres pilules de deuxième génération, apparues à la fin des années soixante-dix, contiennent 30 à 40 mg d’EE. À l’époque, elles étaient dites « minidosées », par opposition aux pilules plus anciennes, dosées à 50 mg EE, mais ce terme n’est plus justifié. Sur les huit pilules de ce type encore disponibles en France en 2010 (en incluant les génériques), six sont biphasiques ou triphasiques. Ces pilules restent les plus prescrites en France car elles sont peu chères, remboursées, et globalement bien tolérées.

Pilules de troisième génération C’est le groupe le plus varié, et celui qui a déclenché le plus de controverses. Le dosage en EE est compris entre 15 et 35 mg, mais il faut probablement distinguer les pilules à 30-35 mg et celles à 15-20 mg. Bien que les progestatifs de troisième génération soient moins androgéniques et qu’ils entraînent une moindre perturbation des paramètres biologiques, ils ont montré une légère augmentation du risque thromboembolique veineux par rapport aux progestatifs de 1re ou de 2e génération. En revanche, les progestatifs de troisième génération étant fortement antigonadotropes, ils ont permis une nouvelle réduction du dosage en EE et l’apparition, dans les

2 Le multiphasisme vient cependant de « renaître » à l’occasion de la première pilule à base d’un estrogène « naturel », Qlaira. 3 Selon l’ACOG, les contraceptifs oraux combinés ne devraient pas cependant être utilisés pour traiter les kystes fonctionnels de l’ovaire (Contraceptive Technology Update, May 2010).


90

Contraception

Tableau 6.3 Principales pilules estroprogestatives disponibles en France en 20101 Classes de pilules 1G

2G

30-40 mg EE

50 mg EE

Monophasiques Orthonovum

Dosage EE (mg/jour)

Progestatif

Dosage (mg/jour)

35

Noréthistérone

1

Biphasiques Triphasiques

Miniphase Triella

30-40 35

Monophasique

Stédiril

50

Norgestrel

1-2 0,500,75-1 0,5

Minidril, Ludéal (G)

30

Lévonorgestrel

0,15

Lévonorgestrel

0,15-0,20

Lévonorgestrel

0,050,0750,125

Norgestimate

0,250

Désogestrel

0,15

Désogestrel

0,15

30 mg EE 30-40 mg EE

Nom commercial

Biphasiques

Adépal, Pacilia 30-40 (G)

Trinordiol, 30-40-30 Daily (G), Amarance (G), Evanecia (G) Monophasiques Cilest, Effiprev 35 Triphasiques

3G

30-35 mg EE

Varnoline, Var- 30 noline continu, Cycléane 30 Désobel Gé 30 30 (G) Belara 30

Triphasiques

Diane, Evépar, Holgyème, Lumalia Jasmine Minulet, Moneva, Carlin 75 mg/30 mg (G), Efezial 30 (G) Felixita 75 mg/30 mg (G) Phaeva, Tri-Minulet, Perléane (G) Triafémi, Tricilest 35

35

Ac. chlormadi- 2 none Ac. cyprotérone 2

30 30

Drospirénone Gestodène

3 0,075

30

Gestodène

0,075

30-40-30

Gestodène

0,05-0,070,1

35

Norgestimate

0,180,215-0,25


6. Contraception hormonale

91

Tableau 6.3 (Suite) Classes de pilules 15-20 mg EE

E2

2 mg VE

Nom commercial

Monophasiques Mercillon, Cycléane 20, Désobel Gé 20 (G) Harmonet, Méliane, Carlin 75 µg/20 µg (G), Efezial 20 (G) Felixita 75 µg/30 µg (G) Jasminelle, Jasminelle continu, Yaz Leeloo Gé, Lovavulo Gé Mélodia, Minesse Voies non Evra (patch) orales Nuvaring (anneau vaginal) Quadriphasique Qlaira

Dosage EE (mg/jour)

Progestatif

Dosage (mg/jour)

20

Désogestrel

0,15

20

Gestodène

0,075

20

Gestodène

0,075

20

Drospirénone

3

20

Lévonorgestrel

0,10

15

Gestodène

0,06

20

Norelgestromine Étonogestrel

0,150

15

3 à 1 mg VE Diénogest

0,120

2 à 3 mg

(G) : génériques ; 1G : première génération ; 2G : deuxième génération ; 3G : troisième génération ; E2 : estradiol ; VE : valérate d’estradiol. Les pilules remboursées par la sécurité sociale sont en gras. Diane, Evépar, Holgyème et Lumalia n’ont pas d’AMM en tant que contraceptifs. 1Dans ce tableau figurent également le patch et l’anneau vaginal estroprogestatifs.

années quatre-vingt-dix, de pilules à 15 ou 20 mg EE. Or, il est démontré que le passage de 30 à 20 mg EE s’accompagne d’une diminution du risque thromboembolique (cf. infra). Le patch Evra et l’anneau vaginal Nuvaring, bien que n’étant pas des estroprogestatifs oraux, peuvent être rangés dans cette catégorie. Leur intérêt est plus d’améliorer l’observance par une galénique originale que d’être associés à une meilleure tolérance métabolique et vasculaire : ■ le patch Evra (un patch par semaine, 3 semaines sur 4) délivre 20 mg d’EE et 150 mg de norelgestromine (métabolite actif du norgestimate) par 24 heures. Une diminution de son efficacité contraceptive a été rapportée chez les femmes obèses (cf. infra, p. 111) ; ■ l’anneau vaginal Nuvaring (un anneau laissé en place pendant 3 semaines puis une semaine d’intervalle libre entre deux anneaux) délivre par 24 heures


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Contraception

15 mg d’EE et 120 mg d’étonogestrel, métabolite actif du désogestrel (cf. infra, p. 104).

Pilules à l’estradiol Depuis de nombreuses années, la recherche essaie de remplacer l’éthinyl­ estradiol par l’estradiol pour améliorer la tolérance métabolique et vasculaire de la pilule. Cependant, les pilules expérimentales basées sur ce concept ont longtemps donné un taux inacceptable de spottings. C’est l’introduction de nouveaux progestatifs qui a permis d’atteindre cet objectif.

Pilule au valérate d’estradiol et diénogest (Qlaira) Elle comporte 2 mg de valérate d’estradiol (E2V), un ester du 17 β-estradiol (ce qui, après transformation, équivaut à 1,52 mg de 17 β-estradiol micronisé). Les effets biologiques de 2 mg de valérate d’estradiol sont comparables ou inférieurs à ceux de 20 mg d’EE, en particulier sur la synthèse des protéines hépatiques où 2 mg E2V équivalent à 10 mg d’EE. Qlaira est une pilule quadriphasique : l’estradiol est dominant en première moitié de cycle, ce qui permet la prolifération de l’endomètre ; le diénogest est délivré de J3 à J 24, à la dose de 2 puis 3 mg ; la prise est continue sur 28 jours avec 26 comprimés actifs et 2 comprimés inactifs. Les données actuelles suggèrent que les paramètres biologiques métaboliques et hémostatiques varient moins qu’avec les pilules habituelles et restent dans les normes.

Pilule au 17b-estradiol et nomégestrol acétate Cette pilule est en cours d’enregistrement et pourrait voir le jour en France en 2011. C’est une pilule monophasique administrée en continu selon un schéma 24 jours sur 28, comportant 1,5 mg de 17 β-estradiol et 2,5 mg de nomégestrol acétate (cf. chapitre 18).

Pilules à « cycle étendu » ou à « régime continu » (se reporter également au chapitre 18) Ce n’est pas une cinquième classe de pilules, mais un autre mode d’administration visant à réduire la fréquence des hémorragies de privation. Le cycle traditionnel de la pilule a été créé initialement pour simuler le cycle menstruel naturel, mais il n’a aucun fondement biologique. Dans les pays économiquement développés, les règles sont de plus en plus vécues comme une contrainte. Les enquêtes montrent que 50 à 70 % des femmes souhaiteraient un espacement des règles, et que 10 à 40 % seraient favorables à une aménorrhée si celle-ci n’a pas d’effet délétère sur la santé et la fertilité ultérieure [6]. Aux États-Unis, il existe depuis plusieurs années des préparations commerciales spécifiques : ■ Seasonale, apparue en 2003, se présente en boîtier de 91 comprimés, dont 84 comprimés actifs suivis de 7 comprimés placebo. Les règles surviennent donc tous les 3 mois (une fois par saison). La composition des comprimés actifs (30 mg EE et 150 mg de lévonorgestrel) est identique à celle de la pilule Minidril. Seasonique, commercialisée en 2006, se distingue


6. Contraception hormonale

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de Seasonale par le fait que les 7 comprimés placebo ont été remplacés chacun par 10 mg EE ; ■ Lybrel, apparue en 2007, est une pilule à prise continue. Le traitement annuel comporte 365 comprimés actifs, dosés à 20 mg EE et 90 mg de lévonorgestrel. Sa commercialisation en France sous le nom d’Anya n’est pas d’actualité à notre connaissance. Les saignements imprévus sont assez fréquents en début de traitement et représentent une cause importante d’arrêt dans la première année. Avec Seasonale, les spottings diminuent rapidement. Passé le 1er trimestre, 80 % des utilisatrices ont moins de 6 jours de saignements imprévus par trimestre [7]. Les spottings sont plus fréquents avec Lybrel. Après un an d’utilisation, moins de 60 % des femmes sont en aménorrhée totale [8]. Les pilules à cycle étendu ou à régime continu ont une meilleure efficacité contraceptive que les pilules à cycle de 28 jours [8]. En effet, avec ces dernières, un recrutement folliculaire est initié pendant les 7 jours d’arrêt, d’où un risque d’ovulation, majoré par les oublis. La suppression de l’intervalle libre permet à la fois une meilleure inhibition de l’axe gonadotrope et, en théorie, une meilleure observance. Avec Seasonale, la dose cumulée d’hormones est 25 % plus élevée qu’avec une pilule identique en cycle de 28 jours. À ce jour, il n’a pas été observé de surcroît d’accidents vasculaires chez les utilisatrices de cette pilule, alors que, depuis 2003, Seasonale est utilisée régulièrement par plus d’un demimillion de femmes aux États-Unis.

Influence de la pilule sur la santé des femmes Accidents cardiovasculaires Accident thromboembolique veineux L’incidence naturelle des accidents thromboemboliques veineux (TEV) chez les femmes de 15 à 44 ans est de 5 à 10 cas pour 100 000 femmes et par an. La pilule multiplie ce risque par 4 à 5, ce qui — comme le souligne l’Afssaps — représente encore un risque inférieur à celui de la grossesse [2]. Cet effet de la pilule était attribué classiquement à l’action des estrogènes sur les facteurs de la coagulation, mais on sait aujourd’hui que les progestatifs y contribuent également. Le risque est maximal dans les premiers mois d’utilisation de la pilule [9]. Ces TEV précoces, d’autant plus préoccupantes qu’elles surviennent souvent chez des adolescentes, sont en rapport avec une thrombophilie familiale qui doit être dépistée par un interrogatoire minutieux. Des antécédents familiaux répétés ou survenus avant 50 ans doivent faire préférer un autre mode de contraception, au moins dans l’attente d’un avis hématologique (se reporter au chapitre 5). Comme en l’absence de pilule, le risque TEV augmente avec l’âge, l’obésité, en cas d’immobilisation prolongée ou de certaines interventions chirurgicales, et dans le post-partum. Le risque TEV diminue avec la réduction du dosage en EE. Ce fait avait été prouvé dans les années soixante-dix lorsqu’on était passé de pilules très fortement dosées (100-150 mg EE) à des pilules à 50 mg, mais n’était que présumé pour les pilules plus récentes. Une étude néerlandaise vient d’en faire la


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Contraception

démonstration [10]. Pour un même progestatif, le risque TEV diminue lorsqu’on passe de 50 à 30, puis de 30 à 20 mg EE (tableau 6.4). L’influence des progestatifs de synthèse a fait l’objet de vives polémiques dans les années quatre-vingt-dix, quand plusieurs études ont rapporté un risque TEV deux fois plus élevé chez les femmes utilisant une pilule 3G (contenant un progestatif de troisième génération), par rapport aux femmes utilisant une pilule 2G. Une nouvelle analyse des données a montré que les biais d’inclusion avaient été nombreux, avec prescription de pilules 3G à des femmes plus à risque vasculaire. En 2001, deux méta-analyses ont à la fois confirmé une augmentation du risque TEV avec les pilules 3G, et ramené le risque relatif à 1,7 en comparaison avec les pilules 2G [10, 11]. L’Agence européenne du médicament (EMEA = European Medecines Evaluation Agency) concluait qu’il existait une légère augmentation du risque thromboembolique avec les pilules contenant un progestatif de troisième génération, mais que la balance bénéfice/risque restait en faveur de l’utilisation des contraceptifs et ne justifiait pas l’arrêt du traitement. Depuis lors, plusieurs études ont confirmé cet effet indésirable des progestatifs de troisième génération, et incriminé également d’autres progestatifs. Dans la récente étude cas/ contrôle néerlandaise, le risque relatif TEV, par rapport aux femmes sans pilule, a été estimé à 3,6 avec le lévonorgestrel, 5,6 avec le gestodène, 7,3 avec le désogestrel, 6,8 avec l’acétate de cyprotérone, et 6,3 avec la drospirénone [9]4.

Infarctus du myocarde En 1997, une étude de l’Organisation mondiale de la santé rapportait un risque relatif d’infarctus du myocarde de 5,56 (IC 95 % 2,43-12,7) avec les pilules à 50 mg EE et de 1,36 (IC 95 % 0,60-3,07) (donc non significatif) pour les pilules avec un dosage inférieur à 50 mg d’EE [14]. L’étude soulignait que la plupart des cas étaient survenus chez des femmes ayant des facteurs de risque, notamment des fumeuses de plus de 35 ans. Dans une autre étude, la mortalité cardiovasculaire imputable à la contraception EP (donc non liée uniquement aux infarctus du myocarde) a été estimée [15] à : Tableau 6.4 Risque relatif (IC 95 %) d’accident thromboembolique veineux en fonction du dosage en EE, pour un même progestatif, d’après [9] Dosage EE (mg)

Lévonorgestrel

Gestodène

Désogestrel

20

1,1 (0,4-3,1)

0,3 (0,2-0,7)

0,7 (0,4-1,2)

30

1

1

1

50

2,2 (1,3-3,7)

Le risque 1 est défini pour un dosage de 30 mg d’EE.

4 Les conclusions de cette étude néerlandaise et d’une autre étude récente danoise (de cohorte) [12], relative elle aussi au risque TEV des EP, ont été longuement discutées récemment [13] et comporteraient plusieurs biais.


6. Contraception hormonale

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■ 0,06/100 000

chez les femmes non fumeuses de moins de 35 ans ; chez les femmes non fumeuses de plus de 35 ans ; ■ 1,73/100 000 chez les femmes fumeuses de moins de 35 ans ; ■ 19,4/100 000 chez les femmes fumeuses de plus de 35 ans. Ces chiffres montrent bien l’effet très délétère de l’association « âge >35 ans + tabac + pilule ». Par ailleurs, bien que les résultats ne soient pas significatifs, il est intéressant de noter que plusieurs études suggèrent un moindre risque d’infarctus du myocarde avec les pilules 3G, en comparaison avec les pilules 2G [14, 16, 17]. ■ 3,0/100 000

Accident vasculaire cérébral Une méta-analyse [18] portant sur 17 études a estimé le risque relatif d’accident vasculaire cérébral ischémique sous pilule à 2,75 (IC 95 % 2,24-3,38). Dans cette publication, le risque est influencé par le dosage en EE, le tabagisme et l’hypertension artérielle, mais pas par la nature du progestatif. Une autre étude sur les accidents thromboemboliques cérébraux (veineux et artériels) rapporte au contraire un risque relatif non significatif de 1,4 (IC 95 % 0,7-2,7) avec les pilules 3G, contre 2,1 (IC 95 % 1,4-3) avec les pilules 2G [19].

Au total L’augmentation du risque cardiovasculaire sous pilule est pondérée par l’extrême rareté de ces accidents. De plus, une partie de ces accidents est évitable par le respect des contre-indications. D’autre part, les différences entre pilules 2G et 3G doivent également être relativisées. En termes de santé publique, les différentes pilules disponibles en 2010 ont probablement des impacts assez comparables sur le risque cardiovasculaire.

Cancers (se reporter également au chapitre 6.8) La pilule modifie légèrement le risque de cancer, en l’augmentant au niveau de certains sites : seins, col, foie, et en le réduisant en d’autres : endomètre, ovaire, côlon et rectum. L’incidence estimée de ces cancers chez les femmes de moins de 44 ans en France, au cours des années quatre-vingt – quatre-vingt-dix, est indiquée dans le tableau 6.5.

Cancer du sein Les très nombreuses études épidémiologiques ont donné des résultats contradictoires, et il faut rappeler que des études majeures, comme la Nurse’s Health Study, menée chez les infirmières américaines, n’ont pas rapporté de risque accru de cancer du sein sous pilule [21]. Néanmoins, depuis la méta-analyse du Collaborative Group and Hormonal Factors in Breast Cancer, parue dans le Lancet en 1996 [22], l’idée que la pilule augmente le risque de cancer du sein est admise. Cette méta-analyse regroupe 54 études incluant


96

Contraception

Tableau 6.5 Cancers chez les femmes de moins de 44 ans en France, d’après [20] Site

Nombre de nouveaux cas par an

Sein

5320

Col

1263

Foie

33

Ovaire

1746

Endomètre

130

Côlon/Rectum

450

au total plus de 150 000 femmes dont 53 000 atteintes de cancer du sein. Le risque relatif de cancer du sein des femmes ayant pris la pilule à un moment de leur vie était discrètement augmenté à 1,07. Pour les femmes en cours d’utilisation, le risque relatif était de 1,24 (IC 95 % 1,15-1,33) et cette augmentation apparaissait transitoire, décroissant après l’arrêt de la pilule et disparaissant après 10 ans d’arrêt. Il faut retenir aussi un risque plus important en cas de début de prise avant 20 ans (RR : 1,22) et une tendance à une augmentation de risque avec la durée d’utilisation (RR à 1,16 pour 10 à 14 ans d’utilisation). Enfin, les cancers du sein chez les femmes ayant utilisé la pilule ont été plus souvent découverts à un stade local : RR = 0,88 (IC 95 % 0,81-0,95) et le taux de métastases apparaissait moindre (RR : 0,70), pro­ bablement parce que les femmes sous pilule bénéficient d’une surveillance médicale plus étroite. La majoration du risque en cours d’utilisation et sa réduction après son arrêt sont en faveur d’un effet promoteur d’une tumeur déjà initiée (comme au cours d’une grossesse) et non pas d’un effet carcinogène, initiateur de tumeur. Cette hypothèse est à rapprocher du fait que les quelques études ayant considéré les femmes porteuses d’un gène de prédisposition au cancer du sein, BRCA1 ou 2, n’ont généralement pas rapporté un surcroît de risque chez ces patientes par rapport aux autres utilisatrices [23, 24]. D’autre part, même si l’incidence du cancer du sein paraît augmentée sous pilule, la mortalité par cancer du sein, elle, n’est pas modifiée [25, 26], sans doute grâce à un dépistage plus précoce.

Cancer du col utérin La pilule est associée à une légère augmentation du risque de lésion de haut grade et de cancer infiltrant du col utérin. Dans la méta-analyse la plus récente [27], qui regroupe 28 études et 12 531 femmes, le risque relatif de cancer du col est de 1,1 (IC 95 % 1,1-1,2) pour moins de 5 ans de prise, 1,6 (IC 95 % 1,4-1,7) pour 5 à 9 ans, et 2,2 (IC 95 % 1,9-2,4) pour 10 ans et plus. Le risque se normalise après 8 ans sans pilule. Cette augmentation est attribuée en partie à des biais de comportement (activité sexuelle plus intense et pratique plus élevée du dépistage), mais aussi à un rôle promoteur des hormones, les estrogènes favorisant l’expression du génome viral.


6. Contraception hormonale

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Cancer du foie La principale méta-analyse [28] regroupe sept études entre 1986 et 1993 et retient un OR (l’Odds Ratio) à 1,91 à 4 ans de prise de pilule, 3,06 à 8 ans et 4,12 à 12 ans. Rappelons cependant que ce cancer redoutable est très rare, touchant moins de 40 femmes par an en France dans la tranche des 15-44 ans.

Cancer épithélial de l’ovaire La protection conférée par la pilule contre le cancer épithélial de l’ovaire est l’un des faits les plus anciennement et les mieux établis. La réduction du risque est de l’ordre de 5 à 7 % par année d’utilisation, elle atteint en moyenne 50 %, et persiste plus de 15 ans après l’arrêt de la pilule [29-31]. Cette protection s’exprime également chez les femmes ayant une histoire familiale de cancer de l’ovaire et/ou porteuses du gène BRCA1 ou 2 [29, 32]. Dans l’étude CASH, Gross et Schlesselman montraient que les femmes qui avaient une histoire familiale de cancer de l’ovaire et qui utilisaient la pilule pendant 10 ans pouvaient réduire leur niveau de risque en dessous de celui des femmes sans histoire familiale et qui n’utilisaient pas la pilule. Cet effet protecteur serait directement en rapport avec l’inhibition de l’ovulation induite par la pilule. En effet, l’hypothèse étiologique dominante dans la genèse du cancer de l’ovaire est le traumatisme épithélial répété engendré par les ovulations. De plus, la pilule diminue les sécrétions de testostérone et d’IGF-1 (Insulin-like Growth Factor 1), connues pour stimuler l’épithélium ovarien.

Cancer de l’endomètre Le cancer de l’endomètre survient dans 10 % des cas avant la ménopause et est associé à un contexte d’hyperestrogénie relative (obésité, dystrophie ovarienne). Plusieurs études convergentes et une méta-analyse [33] indiquent que le risque de cancer de l’endomètre diminue d’environ 50 % sous pilule, et que l’effet protecteur persiste 10 à 20 ans après l’arrêt de la contraception.

Cancer colorectal La méta-analyse de Fernandez [34] publiée en 2001, colligeant 8 études castémoins et 4 études de cohortes, retrouve une réduction significative du risque de cancer colorectal chez les patientes sous pilule, le risque relatif étant estimé à 0,82 (IC 95 % 0,30-0,71). Les études épidémiologiques récentes ont confirmé cet effet protecteur, avec un risque relatif de 0,6 dans l’étude du RCGP (Royal College of General Practitioners) en 2005 [35]. L’effet protecteur serait expliqué par une diminution de la concentration en acides biliaires dans la bile et donc, indirectement, dans le côlon5. 5 Cf. en annexe, en fin de ce chapitre, la position des sociétés savantes et des structures gynécologiques françaises sur l’interprétation des effets de la pilule sur les cancers.


98

Contraception

Autres complications de la pilule Modifications métaboliques glucidolipidiques La pilule entraîne une insulinorésistance avec augmentation des glycémies sous stimulation. Cette action est discrète et ne contre-indique pas la pilule en cas de diabète bien équilibré et non compliqué. L’éthinylestradiol tend à augmenter les taux plasmatiques des triglycérides et du HDL-cholestérol et à diminuer ceux du LDL-cholestérol. Les progestatifs ont l’effet inverse et cet effet est d’autant plus marqué que le progestatif est androgénique. L’effet global varie selon les pilules (cf. chapitres 6.3 et 6.4).

Hypertension artérielle La mesure de la pression artérielle est systématique avant la première prescription et à chaque renouvellement de pilule. Une HTA apparaît chez 1 à 2 % des utilisatrices. Le principal responsable est l’estrogène qui augmente la synthèse hépatique de l’angiotensinogène et stimule le système rénine-angiotensinealdostérone (cf. chapitres 6.7 et 13.7).

Actions hépatobiliaires Des modifications mineures de la biologie hépatique sont fréquentes. Une cholestase vraie traduit un terrain génétique, avec risque de cholestase gravidique pendant la grossesse. La pilule augmente l’incidence des lithiases et de la cholécystite. Elle favorise la croissance des tumeurs bénignes à type d’adénome ou d’hyperplasie nodulaire focale. Ces tumeurs très vascularisées peuvent se compliquer d’hémopéritoine et contre-indiquent formellement la pilule (cf. chapitre 6.9).

Inconvénients mineurs ou rares Ils sont importants à connaître, car ils conditionnent souvent la poursuite ou l’arrêt de la contraception orale. Les plus fréquemment rapportés par les patientes sont : ■ prise de poids. D’installation rapide ou progressive lorsqu’elle existe, elle est due à l’estrogène (rétention hydrosodée) et au progestatif (effet anabolisant) ; elle semble moins fréquente avec les pilules minidosées et, apparemment, avec celles contenant les nouveaux progestatifs à faible activité androgénique ou ayant des propriétés antiandrogéniques ou antiminéralocorticoïdes. Une récente revue de la Cochrane database [38] a conclu à l’absence d’association significative entre le surpoids et la prise d’estroprogestatifs combinés. Cependant, un BMI supérieur à 30 kg/m2 fait généralement recommander (= précaution d’emploi pour l’Afssaps, 2004) un autre mode de contraception en raison de la présence fréquente d’autres facteurs de risques vasculaires chez ces femmes. Cependant, pour l’OMS [3], un BMI ≥30 kg/m2 n’est pas une contre-indication à une contraception estroprogestative. Enfin, certaines données suggèrent une diminution de l’efficacité du patch contraceptif EP en cas de poids supérieur à 90 kg ;


■ métrorragies.

6. Contraception hormonale

99

Des métrorragies de faible abondance (spotting) sont banales pendant les premiers cycles, surtout avec les pilules très faiblement dosées. Dans tous les autres cas, elles imposent la recherche préalable d’une infection génitale ou d’une lésion génitale organique avant de penser à une atrophie de l’endomètre, et, éventuellement, de prescrire momentanément une pilule plus dosée en estrogène, voire d’ajouter pendant une courte période une faible dose d’estrogène ; ■ douleurs pelviennes. Rares, elles font d’abord rechercher une pathologie intercurrente, notamment infectieuse. En son absence, elles peuvent être le témoin d’une dystrophie ovarienne en rapport avec un effet antigonadotrope insuffisant (possible chez certaines femmes utilisant des EP minidosés) ; ■ mastodynies. En l’absence de mastopathie sous-jacente, elles pourraient être le témoin d’un état d’hyperestrogénie relative provoquée parfois par les EP minidosés ou par les EP fortement dosés en estrogène ou à climat estrogénique dominant (cf. chapitres 13.13 et 17) ; ■ aménorrhées sous pilule. Elles sont exceptionnelles avec les EP normodosés mais sont possibles avec les autres EP. Il faut d’abord éliminer une grossesse accidentelle (oubli, prise irrégulière, vomissements ou diarrhée après la prise, interférence médicamenteuse) avant de penser à une atrophie importante de l’endomètre ; ■ céphalées. Si elles sont intenses, rebelles, récidivantes et de topographie fixe, il faut certainement les prendre en considération. Elles pourraient être le signe prémonitoire d’un accident vasculaire cérébral (AVC) surtout en cas de haut risque vasculaire personnel ou familial et notamment d’antécédent familial d’AVC. Il faut particulièrement se méfier des migraines avec aura (troubles neurologiques focaux) qui sont une contre-indication aux EP (OMS, 2009). La migraine ophtalmique est à considérer comme une migraine avec aura (G. Bousser, hôpital Lariboisière, Paris) ; ■ troubles veineux, jambes lourdes. Peu fréquents avec les EP minidosés, ils surviennent surtout chez les femmes prédisposées. Ils nécessitent la prescription d’un tonique veineux et feront préférer les pilules faiblement dosées en stéroïdes et surtout en estrogène. Selon l’Anaes, l’Afssaps et l’INPES (2004), les varices figurent parmi les précautions d’emploi des EP. Il faut rappeler par ailleurs que la sclérose des varices sous pilule est fortement déconseillée ; ■ modifications psychologiques ou sexuelles. Elles concernent volontiers les femmes déjà sujettes à des variations prémenstruelles ou menstruelles de l’humeur avant toute contraception orale, ou celles qui ont ressenti ces modifications lors du post-partum immédiat. Les EP peuvent, chez certaines patientes, être associés à une altération de la libido, mais tous les auteurs s’accordent pour dire que généralement la pilule ne rend pas frigide. En réalité, les EP sont probablement, dans la majorité des cas, le révélateur d’un trouble sexuel préexistant à la prise de pilule. Cependant, on peut être amené à changer de pilule dans certains cas de dysfonction sexuelle (se reporter aux chapitres 14 et 18) ;


384

Contraception

Figure 13.2 Choix d’une contraception hormonale chez une femme hyperlipidémique.

Les paramètres lipidiques seront contrôlés après 2 à 3 mois, ceux-ci ne sont généralement pas modifiés mais la sensibilité individuelle est très variable en particulier chez les femmes dyslipidémiques. L’indication sera rediscutée si le cholestérol ou les triglycérides augmentent de façon importante. Dans les autres cas, s’il n’y a pas d’alternative à une CH, on pourra proposer une contraception progestative pure par dérivés non androgéniques (dérivés à noyau prégnane) à préférer peut-être aux norstéroïdes microdosés (oraux ou en implant) (cf. chapitre 6.3).

Hypertriglycéridémie isolée ou associée à une hypercholestérolémie Dans cette situation, le risque thrombotique à court terme domine (sans oublier le risque de pancréatite des grandes hypertriglycéridémies). Il n’y a pas de données sur l’existence d’un éventuel taux seuil des triglycérides associé aux anomalies de l’hémostase (augmentations significatives du facteur VII et de PAI-1). Il n’est pas possible scientifiquement de donner une valeur seuil des triglycérides


13. Contraception des cas particuliers

385

à ne pas dépasser et, pour cette raison, le chiffre de normalité de 2 g/L donné par les consensus doit être adopté. En pratique, l’utilisation d’une CEP est donc contre-indiquée chez la femme ayant plus de 2 g/L de triglycérides malgré le régime (jusqu’à 3 g/L pour certains). On sera particulièrement inflexible si un tabagisme est associé. Ici aussi, s’il n’y a pas d’alternative à une CH, on pourra proposer une contraception progestative pure par dérivés non androgéniques (dérivés à noyau prégnane) à préférer peut-être aux norstéroïdes microdosés (oraux ou en implant) (cf. chapitre 6.3).

Hypo-HDLémie isolée Cette anomalie n’est pas une contre-indication à la CEP qui peut même avoir un effet bénéfique sur le HDL-C.

Prescription de la pilule à une femme dyslipidémique chez qui l’anomalie est corrigée par un traitement hypolipémiant L’utilisation de la CEP dans ces cas doit être soigneusement évaluée et réservée aux patientes bien corrigées, chez qui l’augmentation des lipides sous pilule est modérée et chez qui la CEP n’a pas d’alternative acceptable. La prudence sera encore plus grande dans les hypertriglycéridémies car une correction optimale permanente est souvent incertaine et les altérations induites de l’hémostase sont rapides.

Variations des paramètres lipidiques sous CEP chez une femme préalablement normolipidémique L’élévation significative du cholestérol n’est pas fréquente avec la CEP actuelle (minidosée avec un progestatif peu ou non androgénique) et le plus souvent aux dépens du HDL-C. Elle impose donc rarement l’arrêt de la CEP en l’absence d’autres facteurs de risque. Une hypercholestérolémie importante (LDLC > 2,2 g/L) et clairement secondaire à la CEP doit entraîner sa suspension de préférence à l’association d’un hypolipémiant. L’élévation des triglycérides est par contre fréquente mais le plus souvent modérée, n’imposant pas l’arrêt de la CEP. Si l’élévation est plus importante l’attitude adoptée sera celle décrite précédemment.

Conclusion On peut conseiller en premier lieu, en cas de dyslipidémie, une contraception par dispositif intra-utérin quand elle est possible. En l’absence de contraception locale acceptable, la CEP peut être prescrite dans l’hypercholestérolémie modérée (LDL-C < 2,2 g/L) chez une femme de moins de 35 ans, en l’absence de facteur de risque cardiovasculaire ou de thrombose associé, avec


386

Contraception

une diététique adaptée. La CEP ne doit pas être prescrite en cas d’hypertriglycéridémie supérieure à 2 g/L mais il peut y avoir discussion si l’anomalie est corrigée et en l’absence de tabagisme associé. En cas de contre-indication à la CEP, et de souhait d’une contraception hormonale, l’alternative est la contraception progestative. Références [1] Douketis JD. A reevaluation of the risk for venous thromboembolism with the use of oral contraceptives and hormone replacement therapy. Arch Intern Med 1997 ; 157 : 1522–30. [2] WHO collaborative study of cardiovascular disease and steroid hormone contraception. Acute myocardial infarction and combined oral contraceptives : results of an international multicentre case-control study. Lancet 1997 ; 349 : 1202-9. [3] WHO collaborative study of cardiovascular disease and steroid hormone contraception. Haemorrhagic stroke, overall stroke risk, and combined oral contraceptives : results of an international multicentre case-control study. Lancet 1996 ; 348 : 505-10. [4] WHO collaborative study of cardiovascular disease and steroid hormone contraception. Ischaemic stroke and combined oral contraceptives : results of an international multicentre case-control study. Lancet 1996 ; 348 : 498-505. [5] Godsland IF. Biology : risk factor modification by OCs and HRT lipids and lipoproteins. Maturitas 2004 ; 47 : 299–303. [6] Foubert L. Hyperlipidémies et pilule contraceptive. STV 1999 ; 11 : 761–5. [7] Knopp RH, LaRosa JC, Burkman RT. Contraception and dyslipidemia. Am J Obstet Gynecol 1993 ; 168 : 1994–2005. [8] Park S, Nahum GG, Mellinger U, Junge W. Metabolic effects of a new four-phasic oral contraceptive containing estradiol valerate and dienogest. Obstet Gynecol 2008 ; 111(4 suppl) : 12–13S.

13.7 Contraception des cardiaques et des hypertendues

M. Cournot

La contraception de la patiente cardiaque et la contraception de la femme hypertendue constituent deux situations que l’on traitera séparément tant elles diffèrent par leur fréquence et leur complexité. Dans la première, on a affaire à une femme porteuse d’une pathologie chronique généralement grave et on se situe dans un contexte de prévention secondaire voire tertiaire. Dans la seconde, plus fréquente en pratique quotidienne, la femme est porteuse non plus d’une maladie mais d’un facteur de risque, généralement asymptomatique, et on se situe donc en prévention primaire. Dans ce dernier cas, le médecin devra mettre en balance le risque éventuel des différentes contraceptions envisageables avec leur bénéfice attendu, qui est constitué par l’évitement d’une grossesse non désirée et ses possibles conséquences. Dans le cas de la patiente cardiaque, l’enjeu est bien différent puisqu’il s’agira pour l’équipe médicale de procéder à une double évaluation : d’abord, comme dans le cas précédent, l’évaluation des risques potentiels des différentes contraceptions en regard de la situation médicale, et ensuite l’évaluation du risque intrinsèque pour la mère de se trouver dans une situation de grossesse compte tenu de la cardiopathie présentée et nous savons


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que ce risque est parfois un risque vital. Il faut dans tous les cas éviter l’hyperprudente contre-indication à « la » pilule voire même à « la » contraception que l’on observe parfois et qui mène à des situations de grossesse dont le risque est généralement bien supérieur aux risques réels ou supposés de la contraception.

Contraception de la patiente cardiaque En raison des progrès thérapeutiques, en particulier de la chirurgie cardiaque, observés ces 30 dernières années, le nombre de femmes en âge de procréer porteuses de cardiopathie congénitale ou acquise ne cesse d’augmenter [1]. Il s’agit de situations qui ne sont pas exceptionnelles en pratique puisque la proportion de grossesses survenant chez des femmes porteuses de cardiopathie est de l’ordre de 0,1 à 4 % [2] et il faut garder à l’esprit que les pathologies cardiaques sont la première cause de décès maternel, devant la maladie thromboembolique [3]. En effet, les pathologies cardiovasculaires représentent une partie importante de la liste des « pathologies qui exposent la femme à un risque accru en cas de grossesse non intentionnelle » dressée par l’OMS. C’est dire s’il faudra procéder à une évaluation minutieuse des risques de la grossesse, à confronter aux risques réels ou supposés de chaque contraception et à l’efficacité de chacune de ces contraceptions. Toute femme porteuse de cardiopathie devrait bénéficier de façon systématique d’une consultation de conseil pluridisciplinaire lors de laquelle les différents risques cités plus haut lui seraient exposés. Or on sait que ce n’est pas le cas, et ce défaut d’information est responsable d’un grand nombre de complications. Dans une étude américaine [4], 37 % des femmes porteuses de cardiopathie congénitale à haut risque maternel déclarent n’avoir pas été informées d’un risque augmenté de complications maternelles. Cette triple évaluation — risque maternel, risque de la contraception, efficacité théorique de la contraception — est donc le socle de la réflexion. En raison du faible nombre de recommandations officielles et de publications fondées sur les preuves dans ce domaine, la décision sera collective, et appartiendra la plupart du temps in fine à une patiente correctement informée.

Classification du risque maternel dû à la grossesse en situation de cardiopathie Les cardiopathies rencontrées diffèrent par leur fréquence, leur sévérité propre, leur risque thromboembolique, la nécessité d’un traitement anticoagulant au long cours, et la gravité des complications potentielles en cas de grossesse. Ce dernier risque peut aller par exemple d’un risque de décès maternel de l’ordre de 50 % pour l’hypertension pulmonaire à un risque proche de la population générale pour une sténose pulmonaire congénitale modérée. Pour la classification du risque, nous utiliserons la classification OMS pour la grossesse en situation de pathologie cardiaque : ■ OMS1 : risque non supérieur à la population générale ; ■ OMS2 : risque légèrement augmenté ; ■ OMS3 : risque de moralité et de morbidité significativement augmenté, avis cardiaque et obstétrique recommandé ;


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■ OMS4 :

grossesse contre-indiquée, très haut risque de décès maternel, interruption de grossesse à discuter. Les situations extrêmes sont d’une certaine manière les plus « simples » à prendre en charge et doivent être connues. Ainsi, dans un certain nombre de situations (OMS1), il n’y a pas de risque maternel détectable autre que celui de la population générale. La consultation de contraception de ces femmes ne devra donc pas différer des autres. Ces situations sont présentées dans l’encadré 13.4. À l’inverse (encadré 13.5), il existe des cardiopathies avec un risque extrêmement élevé de mortalité maternelle ou de morbidité sévère. Un cas caricatural est représenté par l’hypertension artérielle pulmonaire quelle que soit sa cause. Elle est définie par une pression artérielle moyenne (et non systolique) en dehors de la grossesse supérieure à 25 mmHg au repos. Le risque de décès maternel est élevé même en cas d’hypertension pulmonaire modérée, qui peut être définie par une pression artérielle pulmonaire systolique autour de 50 mmHg. Les autres cardiopathies (comprenant notamment les valves mécaniques, les transplantées cardiaques, les cardiopathies hypertrophiques, les atteintes modérées de la fraction d’éjection ou la plupart des arythmies) appartiennent aux groupes OMS2 ou OMS3. Encadré 13.4

Pathologies cardiaques avec un risque maternel OMS1 Pathologies suivantes, non compliquées, légères ou modérées : � sténose pulmonaire, � communication interventriculaire, � canal artériel, � prolapsus valvulaire mitral sans fuite majeure. Lésions suivantes, opérées avec succès : � communication interauriculaire, � communication interventriculaire, � canal artériel. Extrasystoles ventriculaires isolées et extrasystoles auriculaires.

Encadré 13.5

Pathologies cardiaques avec un risque maternel OMS4 Hypertension artérielle pulmonaire, quelle que soit la cause. Altération sévère de la fraction d’éjection : � NYHA III ou IV, � FEVG < 30 %. Cardiopathie obstructive sévère. Syndrome de Marfan avec une dilatation de l’aorte > 40 mm. Antécédent de cardiopathie du péripartum. NYHA : New York Heart Association ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.


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Classification du risque dû à la contraception en situation de cardiopathie Pour chaque situation cardiaque, il faudra considérer à la fois la sécurité d’emploi mais aussi l’efficacité de la méthode contraceptive. En effet, il faut garder à l’esprit que l’obtention d’une grossesse non désirée chez une femme porteuse de cardiopathie (en particulier OMS4) peut mettre en jeu son pronostic vital, ce qui est une situation assez inhabituelle en contraception. Nous ne reviendrons pas sur les taux d’échec des différentes méthodes contraceptives, qui ne diffèrent pas des femmes de la population générale, et qui ont déjà été détaillés dans cet ouvrage. En ce qui concerne l’évaluation des risques, nous adopterons la classification OMS [5,6] : ■ OMS1 : toujours utilisable ; ■ OMS2 : plutôt utilisable ; ■ OMS3 : habituellement non recommandé ; ■ OMS4 : à proscrire. Le risque et l’efficacité d’une contraception ne se déclinant pas sur un mode binaire, cette classification a le mérite d’offrir une information graduée dans cette situation complexe. Sauf de rares exceptions, cette évaluation rejoint les recommandations britanniques et françaises [7].

Méthodes barrières (préservatifs masculins et féminins, diaphragmes et capes) Elles ont bien sûr l’inconvénient de leur taux d’échec important, en particulier entre des mains inexpérimentées. Cependant il n’existe aucune contre-indication cardiaque à leur utilisation et ces méthodes font partie de l’arsenal disponible puisqu’il n’existe pas de solution idéale pour une patiente chez qui une grossesse doit être évitée.

Contraception hormonale combinée Les différentes situations dans lesquelles la contraception hormonale combinée est contre-indiquée sont détaillées au tableau 13.13. Quel que soit son mode d’administration (pilule, patch ou anneau), c’est l’action thrombogène — tant sur le plan artériel que veineux — du composant estrogénique qui la rend inutilisable chez beaucoup de cardiaques. En population générale, ce surrisque est faible en valeur absolue, surtout chez la patiente jeune, et reste bien inférieur au risque inhérent à la grossesse elle-même [8]. La présence de facteurs de risque supplémentaires tels que le tabagisme, l’hypertension, le diabète ou la migraine avec aura augmente encore le risque thromboembolique. Il faut également préciser que le traitement anticoagulant au long cours ne suffit pas à protéger entièrement contre le risque thromboembolique des estrogènes, ce qui explique la contre-indication de la contraception estroprogestative chez la plupart des porteuses de valves mécaniques. Concernant le traitement anticoagulant, il faut également savoir que les estrogènes et les progestatifs impactent le métabolisme de la warfarine et qu’en conséquence l’INR (International Normalized Ratio) doit être étroitement surveillé lors de la mise en route


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Les anomalies anatomiques méconnues (duplication, etc.) expliquent parfois les difficultés techniques imposant dans quelques cas le recours à l’anesthésie générale.

Complications secondaires Si l’atrophie testiculaire, secondaire à une blessure de l’artère spermatique est exceptionnelle, le granulome spermatique est la complication la plus caractéristique de la vasectomie. Foyer d’inflammation chronique, il est susceptible d’entraîner des phénomènes douloureux locaux. Il est observé, selon le moyen diagnostique utilisé et la technique de vasectomie employée, dans 10 à 40 % des cas. L’appareil génital est l’objet de diverses modifications  : ■ légère diminution du volume du sperme  ; ■ stase dans les voies excrétrices d’amont avec distension du canal épididymaire avec résorption des spermatozoïdes et constitution des spermatorrages. Par contre la fonction testiculaire (production de spermatozoïdes et sécrétion hormonale) ne paraît pas altérée, tout au moins de façon durable. L’évaluation du risque de cancer du testicule et de la prostate après vasectomie a fait l’objet de nombreuses études dont les résultats sont controversés. Une revue récente conclut que la vasectomie n’entraîne pas d’augmentation du risque de ces cancers [16]. Au plan psychosexuel, les répercussions sont peu fréquentes, touchant 1 à 5 % des sujets, dont moins de 0,5 % regrette d’avoir subi l’intervention. Au plan systémique, il n’a pas été démontré chez l’homme de conséquences sur l’augmentation du risque d’athérosclérose contrairement à ce qui a pu être suggéré sur certains modèles animaux. En ce qui concerne les modifications immunologiques, elles ont fait l’objet de nombreuses études aux résultats contradictoires  ; aucune conséquence clinique significative n’a cependant à ce jour été démontrée, en dehors de l’altération de la fertilité quand les taux d’anticorps sont élevés.

Réversibilité Les demandes de reperméabilisation concernent environ 1 à 6 % des sujets, pour des raisons classiques  : changement de conjoint ou social, décès d’enfant, ou parfois regrets quand la vasectomie a été pratiquée durant une période de crise émotionnelle. Plusieurs méthodes sont susceptibles d’être appliquées  : ■ préventivement, possibilité de recourir à l’autoconservation du sperme  ; ■ FIVETE (fécondation in vitro et transfert d’embryon) avec réalisation de l’ICSI (Intracytoplasmic Sperm Injection) et prélèvement chirurgical des spermatozoïdes, qui donne de bons résultats ; ■ reperméabilisation chirurgicale par microchirurgie qui permet d’obtenir un taux de perméabilité de l’ordre de 80 à 90 % pour un opérateur entraîné  ; si, les taux de spermes normaux sont constatés dans près de 80 % des cas, les taux de conception dans les meilleures séries atteignent au mieux 70 % ; les causes d’échecs sont soit liés à l’hypofertilité de la conjointe, soit à la présence de taux élevés d’anticorps, soit à une atteinte de la spermatogenèse. Cette dernière hypothèse a été confortée par diverses publications ayant montré


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