A R T, G R A P H I S M E & U R B A N I T É Corentin
MALLET
> - Académie Charpentier Certificat d’Études Supérieures –
- MAGISTER COMMUNICATION VISUELLE / DESIGN GRAPHIQUE - ANNÉE UNIVERSITAIRE 2012 - Corentin MALLET malletcorentin@gmail.com
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«
UNE VILLE FINIT PAR
ÊTRE
UNE PERSONNE
»
de Victor HUGO - extrait de Moi, l’amour, la femme
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*Dan MOUNTFORD - The world inside us, 2011
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INTRODUCTION
« La ville finit par être une personne », écrivait Victor Hugo. Elle est une dame élégante et imparfaite à la fois, faite de bitume, de ciment et d’une multitude d’autres matériaux, parsemée de quelques rares espaces verts, comme pour ne pas oublier son alter ego : Dame Nature. On lui marche dessus, on lui offre des mégots de cigarette et des chewinggums multicolores, son parfum est celui des pots d’échappement. Il n’y fait jamais nuit, elle brille jusqu’à l’insomnie. Elle est pleine de dangers, mais elle est aussi porteuse d’utopie. Ma ville, Ma muse est le titre de ce mémoire, car c’est un lieu qui anime particulièrement notre affection. Une ville est un milieu physique où se concentre une forte population qui a aménagé cet espace pour faciliter et concentrer les activités humaines : habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture, etc… Pour les graphistes, au regard du phénomène d’urbanisation majeur et croissant qu’a connu notre société, la question de la communication qui s’opère dans les villes apparaît plus actuelle que jamais. Afin d’y répondre, plusieurs problématiques m’ont semblé intéressantes à aborder ; - Quelles perceptions, affectives et sensorielles, avons-nous de la ville ? - En quoi la ville est-elle une galerie à ciel ouvert ? Comment favorise-t-elle une dynamique de création urbaine ? - Comment la communication visuelle exploite-elle le support urbain ? Comment réfléchir conjointement esthétique et fonction utilitaire ?
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Il faut aussi prendre en compte le fait que la rue est le lieu qui offre la plus grande visibilité à la création artistique et graphique, car encore plus largement que les autres médias (tv, web, radio,...), c’est un espace qui touche un très vaste public : l’ensemble des citoyens au cœur de leur environnement quotidien. Sans passer par un intermédiaire, telle une galerie à ciel ouvert, le processus créatif s’immisce dans l’espace urbain pour dialoguer directement avec les passants et leur délivrer un message. De la communication publicitaire à l’expression artistique, en passant par le graphisme institutionnel et l’affiche politique, un message peut atteindre plusieurs formes et être motivé par différents enjeux : informer, sensibiliser, convaincre, séduire, ... Ces codes iconographiques et les techniques d’interpellation présentent des similitudes, car tout cela découle d’une même volonté : exhiber un message aux yeux de tous ! Nous analyserons ainsi l’ensemble de ces codes et formes d’expression qui s’opèrent dans et à travers la ville, afin d’en comprendre les motivations et les enjeux. Aussi, trois parties composeront cette étude, chacune découvrant un point de vue singulier sur les questions d’urbanité et de graphisme. On sera amené à penser la ville en premier lieu sous l’angle du citadin, de l’artiste et, enfin, du point de vue du graphiste.
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1. LA PHYSIONOMIE DE LA VILLE
Une histoire de perception
A /.Selon des normes et des codes
(12 > 23)
2. LA VILLE, UNE
GALERIE À CIEL OUVERT Une dynamique créative
A /. Un art à
1 - Techniques
1 - Les prémisces
2 - Sensoriels
2 - Un art contextuel et éphémère
3 - Culturels et affectifs
(48 > 57)
l’aspect urbain
3 - Entre Art et vandalisme
B /. Les différents espaces
(24 > 33)
2 - A un espace virtuel
2 - Interstices et zones oubliées
C /. L’espace comme
C /. Interaction avec
(34 > 45)
1 - La mémoire des lieux 2 - Une question d’échelle 3 - Entre tension et espoir
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(58 > 67)
1 - Bidimensionnel et tridimensionnel
1 - Espaces intimes et espace public
l ’environnement
B /. Un Art pluriforme
medium citoyen
(68 > 75)
1 - Observateur du quotidien 2 - Détournement et réapropriation
ET SUPPORT URBAIN
Entre esthétique et utilitaire
A /. Le Graphisme
social et le graphisme d’auteur
(78 > 91)
1 - L’affiche politique 2 - L’engagement ; pour qui, pour quoi ?
SOMMAIRE
3. COMMUNICATION VISUELLE
B /. Le graphisme
d’utilité publique
(92 > 99)
LE
3 - Le graphisme d’auteur
1 - Différence entre commandes publiques et privées 2 - Outil institutionel
C /. Le marketing alternatif
(100 > 109)
1 - Quand la pub innove (un dialogue avec l’art urbain) 2 - Communication coup de poing (la Guerilla marketing)
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LA PHYSIONOMIE DE LA VILLE
1. 10
*Esther STOCKER
- Geometric room , 2008
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UNE
HISTOIRE DE PERCEPTION
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A/
*Jeremy WOOD
- Traverse me , 2009
SELON DES NORMES ET DES CODES
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ET DES CODES :
/ - SELON DES NORMES
1. Techniques
A
Avant d’utiliser la ville comme un support de création, on s’en fait nécessairement une représentation mentale. Avec la Renaissance sont apparus les traités sur la perspective et la volonté de susciter une illusion de tridimensionnalité. Les différentes techniques de représentation en perspective ont en commun l’intention de montrer la vue d’objets en trois dimensions sur une surface, en tenant compte des effets d’éloignement et de position dans l’espace par rapport à l’observateur. La ville est un ensemble architectural et on la perçoit d’un point de vue humaniste, l’homme étant témoin de ce monde et de sa vision de l’environnement. Aussi, afin de prendre du recul sur notre condition et se faire un aperçu à une échelle différente de ce qui nous entoure, les architectes utilisent des plans en élévation qui représentent les choses «à plat», selon deux dimensions. Il n’est plus ici question seulement de perspective, mais d’échelle et de proportions. Ces représentations techniques permettent une compréhension des caractéristiques d’un bâtiment ou d’un ensemble architectural, qu’ils soient édifiés ou seulement une construction en projet.
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*Jan VREDEMAN DE VRIES - Dessin technique , 1604
On comprend alors, en tant que citadin, que l’on fait partie d’un tout plus grand qu’on pourrait se l’imaginer, car la ville est à l’image d’une poupée russe géante ; notre appartement est intégré à un étage qui se trouve dans un bâtiment qui appartient à un quartier qui, lui-même, prend place dans l’arrondissement d’une ville, etc... etc...
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ET DES CODES :
/ - SELON DES NORMES
2 . Sensoriels
A
Il est évident que la première perception de l’espace est sensorielle ; l’interaction avec l’environnement urbain est d’abord physique et matérielle. Nous avons deux types de récepteurs sensoriels qui transmettent les informations à notre cerveau : ceux qui sont à distance et qui nous permettent de percevoir ce qui est plus ou moins éloigné, comme les odeurs, les sons et les objets. Ceci s’opère grâce aux yeux, aux oreilles et au nez. Puis, il existe les récepteurs immédiats qui nous informent sur ce qui est à notre contact direct, comme les sensations nerveuses que sont la douleur ou le froid qui s’opèrent grâce à la peau et aux muscles. Ce que nous ressentons physiquement produit les informations qui parviennent à notre corps et que notre cerveau identifie. Objectivement, on peut dire que nous voyons à peu près tous la même chose, sauf dans le cas du handicap. La question est alors de savoir si nous voyons toutes ces choses de la même manière. Pourquoi, devant un mur, certains n’y voient qu’un morceau de béton, d’autres un lieu d’expression ou un support de communication ?
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*Esther STOCKER
- Geometric room , 2008
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ET DES CODES :
/ - SELON DES NORMES
3. Culturels et affectifs
A
L’œil est un récepteur d’images qui les transmet au cerveau, c’est entendu, mais notre vision n’est pas qu’un phénomène physiologique, car d’autres facteurs rentrent en jeu ; en effet, notre perception est unique, propre à chacun, et elle varie encore plus d’une culture à l’autre. Au-delà de la rétine, notre perception de l’espace urbain diffère notamment à cause des langues et des codes sociaux qui structurent notre pensée. La vision est universelle, mais notre interprétation lui donne un sens particulier. Nous développons des réflexes culturels et fonctionnons à travers une éducation que l’on a reçue et qui façonne notre rapport au monde. En d’autres termes, on voit ce que l’on connaît et de la manière dont on nous a appris à le faire. Au même titre que l’éducation, l’histoire d’un pays et la mémoire des lieux sont aussi importantes. Ce sont des héritages du passé sur lesquels les individus se construisent, que ce soit en accord avec ceux-ci ou en opposition, mais, en tout cas, notre perception est au départ façonnée par ce qui nous entoure, ce qui est là et ce qui l’a été.
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*Jessica VATURI
- Topographie , 2003
*Jessica VATURI
- Parcours d’enfance , 2003
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ET DES CODES :
/ - SELON DES NORMES
3. Culturels et affectifs
A
Cela confirme bien qu’on se fait aussi une représentation mentale de l’environnement. La façon que nous avons de voir la ville n’est donc pas seulement physique, mais aussi psychique, et l’on ne voit pas seulement avec le nerf optique, mais également à travers nos sentiments et notre expérience personnelle. L’aspect affectif est à prendre en compte, car on ne voit pas les choses de la même façon si l’on aime son environnement, ou s’il nous est austère . Cet aspect est plus d’ordre individuel que le carcan culturel dont nous héritons, en effet l’affect que l’on accorde aux choses qui nous entoure dépend de la sensibilité et du vécu de chacun. Pour Jeremy Wood, la trace enregistrée devient le graff lui-même, le territoire cartographié son support. Depuis plus d’une décennie, il explore ainsi les technologies GPS pour composer des annotations numériques sur l’eau, sur terre et dans les airs.
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*Jeremy WOOD
- Traverse me , 2009
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B/
*Stephanos MANGRIOTIS - Situations , 2008
LES DIFFÉRENTS ESPACES
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1. Espaces intimes
ESPACES
/ - LES DIFÉRENTS
et espace public
B
L’espace urbain est un ensemble formé de lieux publics et de lieux privés. La ville, qui est un lieu de vie partagé par tous les citadins, est morcelée d’espaces individuels. Quelle est la frontière entre les deux ? L’espace intime et l’espace extérieur sont liés l’un à l’autre, puisque le premier ne peut exister sans le second. La matière de la ville, immeubles et bâtiments, est privée, mais la façade qui les compose appartient à la rue et lui donne même son visage. Alors, on pourrait dire que l’immeuble et la rue forment un duo indissociable et que c’est l’histoire de cette inter-dépendance qui fait la ville. L’espace public représente d’abord un espace physique : l’espace de vie collective des citadins. C’est un lieu qui n’appartient à personne (en droit) et à tous en même temps. C’est un lieu anonyme, collectif, commun, partagé et mutuel. L’espace public représente, dans les sociétés urbaines, l’ensemble des espaces de passage et de rassemblement ouverts et anonymes, qui sont à l’usage de tous.
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Simultanément, c’est un champ de libertés beaucoup plus large que la liberté de circulation, liberté de manifestation, de parole et d’expression. Il représente aussi un espace moral et symbolique de liberté, ne pouvant exister que dans une démocratie dans laquelle les différents acteurs sociaux, politiques, religieux, culturels, intellectuels, peuvent discuter, s’opposer, délibérer. C’est pourquoi il forme le théâtre de l’opposition au pouvoir dans la plupart des conflits politiques et sociaux. Ce champ est cependant restreint par l’ensemble des lois, règlements et pratiques de maintien de l’ordre. L’espace public devient espace politique, quand il est sphère de décision ; espace où il ne s’agit plus de discuter, mais de décider et d’agir. Il doit permettre de développer des références communes pour se comprendre, échanger, construire le vivre ensemble. L’espace privé est une notion à géométrie variable. L’histoire montre que sa dimension est le résultat d’une lente conquête de la personne pour acquérir la reconnaissance de son individualité.
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En effet, la notion de vie privée suppose la notion d’individu et implique une liberté reconnue à celui-ci à deux titres : en tant que citoyen disposant de droits et régi par des lois, et en tant que personne privée dotée d’un espace privé distinct, à respecter et à protéger. Mais si l’espace privé est celui d’un groupe social fermé, la difficulté est de s’en libérer pour aller vers les autres, dans un espace public commun, en laissant derrière soi les règles, comportements et rites religieux de sa communauté.
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*Stephanos MANGRIOTIS - Situations , 2008
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2 . Interstices
ESPACES
/ - LES DIFÉRENTS
& zones oubliés
B
Les villes modernes semblent évoluer à deux vitesses ou dans deux époques différentes : tandis que des tours de bureaux et d’appartements luxueux et des centres commerciaux s’érigent, tout de verre et d’acier, d’autres quartiers semblent s’aplatir et se fermer, faits de terrains vagues et de maisons condamnées. Autant de nonlieux, selon la définition de Marc Augé : des lieux non symbolisés, des parenthèses dans l’espace public, où il semble que personne n’ait son mot à dire. L‘espace urbain est fluctuant. La géographie classique a souvent considéré la ville comme étant un organisme : elle change constamment, en fonction de facteurs internes ou externes, se développe ou décline, voit ses activités ou son rôle se transformer, et les différents quartiers d’une ville évoluent eux-mêmes (certains se dégradent, d’autres deviennent attractifs). La ville fourmille de lieux oubliés des citadins. Espaces délaissés, interstices, lieux en attente qui échappent aux planificateurs. Ces creux inclassables deviennent parfois des lieux d’expérimentations où artistes, urbanistes et citoyens cherchent à réinventer les usages de la ville. Pratiques poétiques de l’espace urbain ou manières de rendre visible l’invisible, ces
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*Nicolas MARCHAND - Some miles , somewhere, 2013
démarches imaginent la ville potentielle à partir du potentiel de la ville. C’est le cas notamment du projet des Petites Urbanités Libres (P.U.L.) mené par la ktha compagnie. En 2011, la ktha proposait à des artistes de cartographier puis d’investir, le temps d’une journée, ces accrocs dans le tissu urbain. En 2013, c’est avec le Master Projets culturels dans l’espace public et des étudiants en architecture de la Villette que le projet s’est poursuivi. La ville est comme la psyché humaine, elle a besoin d’un inconscient ; du vide, de l’inutile et de l’inutilisé. La ville imparfaite est humaine, tandis que la ville carrée, aseptisée, est totalitaire et fasciste. On peut prendre comme exemple Germania, la ville imaginée par Hitler, qui a été pensée comme un tout, de manière homogène.
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*ktha COMPAGNIE - Petites urba nités libres, 2013
Les Petites Urbanités Libres est un projet collectif proposé et coordonné par la ktha compagnie. Il s’agit d’un projet participatif et évolutif qui vise à rassembler artistes, urbanistes, habitants, curieux de la ville. Qu’est ce qu’une petite urbanité libre ?! - Un espace le plus souvent petit, délaissé par l’urbanisme, sacrifié, inutile la plupart du temps.Un espace auquel on peut accéder depuis l’espace public, un entre deux, un interstice. Un vide, un accroc dans le tissu urbain. De l’anfractuosité au terre-plein, chaque petite urbanité libre est différente de par sa taille, son environnement, son statut légal, sa visibilité.
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C/
*Brad DOWNEY - The Beginning and The End,Hamburg, 2010
INTERACTION AVEC L’ENVIRONNEMENT
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1. La mémoire
Il est ici question du patrimoine. Tokyo, où se côtoient vieux monastère et buildings flambants neufs, est un exemple flagrant de cette dualité entre l’héritage culturel et l’élan de modernité qui peuvent dynamiser et caractériser un pays.
C
/ - UNE INTERACTION
AVEC L’ENVIRONNEMENT
des lieux
Paris également, en tant que ville musée avec son patrimoine omniprésent, ravive la mémoire du passé à chaque coin de rue. Il y a aussi la mémoire en devenir que nous aborderons plus tard. Le temps s’inscrit dans l’espace par le biais de la mémoire et de l’histoire. Ces deux dimensions s’inscrivent de manière physique dans l’espace urbain. En Europe la ville est un objet historique ; elle est fondamentalement un lieu de mémoire. L’espace urbain est le support privilégié de la mémoire collective. Cette mémoire collective est inscrite à travers le nom des rues qui se réfèrent au passé social de la ville. Ici on peut voir un projet du collectif Raspouteam, avec des affichages urbains permettant de relater des évènements oubliés de l’histoire de Paris, en s’inspirant du Street Art le collectif de graphistes ravivent le passé de la capitale aux yeux des passants.
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* Collectif RASPOUTEAM, - projet « Désordres publics » 2011.
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2 . Une question
L’homme s’est toujours référé à lui-même, par priorité, pour mesurer : pouces, pieds, coudes... Il n’est pas rare d’entendre de telles références pour caractériser nos villes. Habitants, politiques sont ainsi amenés à plaider pour des villes à taille humaine, pour des bâtiments à notre échelle. Mais, quel est véritablement le sens à donner à ces proportions ? Il apparaît que ce concept est avant tout fonctionnel.
C
/ - UNE INTERACTION
AVEC L’ENVIRONNEMENT
d’échelle
Se pose donc la question du rapport entre l’échelle humaine et l’échelle d’un monument, puisque le gigantisme des infrastructures engendre une problématique qui s’exprime à la fois en termes de lisibilité, d’accessibilité et d’hospitalité. Le côté vertigineux de la ville est parfois austère. La réflexion se mène alors en deux temps ; elle porte tout d’abord sur le caractère subjectif des paramètres entrant en jeu dans la perception de ces échelles, puis sur la nature de ce dimensionnement sensible qui tend à donner à l’outil symbolique sa place dans l’appréhension de l’architecture contemporaine. Néanmoins, au-delà du simple fait que l’échelle humaine suppose une lecture de l’espace par le détail, c’est dans la relation qu’entretient ce dernier avec l’édifice que se situe l’intérêt du questionnement. L’échelle humaine peut alors être considérée comme fonction de l’appréhension confortable, d’un corps, dans un espace, qui ne subit aucune rupture de perception
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* Edwin ZWAKMAN, - Pylon, 2007.
qualifiable de mise en situation d’infériorité, ou de supériorité, de l’édifice par rapport à l’individu. Ne s’établit donc pas de discontinuité dans la perception du lieu, pouvant créer un sentiment d’oppression, de malaise, ou encore de déroute. Échelles et échelle, il est alors toujours question d’accéder, et d’aller vers, dans un mouvement ascensionnel, du petit au grand, du lent vers le rapide, du proche vers le lointain. Un premier aspect de la notion est tout d’abord constaté, celui qui met en lumière un certain consensus autour du caractère subjectif de la notion d’échelle humaine. L’échelle humaine devient donc l’expérience d’un rapport perceptif, entre un individu et une architecture, qui place l’homme au centre de la composition en lui proposant un dessein clairement identifiable et accessible. Ce phénomène fait donc tout aussi bien appel à la sensation du mouvement du corps dans l’espace, qu’à l’interprétation sensible et intellectuelle des qualités du lieu.
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2. Une question d’échelle
*EVOL - Buildings serie, Berlin, 2009.
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*SLINCHAKU - Mondes miniatures, New-York, 2011
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3 . Entre tension
C
/ - UNE INTERACTION
AVEC L’ENVIRONNEMENT
et espoir
On s’intéresse ici au décalage existant entre la ville-concept imaginée par les architectes et intellectuels et la ville banale des pratiques ordinaires, le ressenti de tous les jours de la pratique de l’urbanité pour les citadins. On verra aussi la place que peut jouer l’Art dans ce rapport et comment il est créateur de dialogues. Parfois, la ville peut apparaître comme un lieu inhospitalier, que l’on ressent comme une entité néfaste. Prisonnier de son côté vertigineux et de son fourmillement constant, on la subit. Les émeutes des banlieues en 2005 témoignaient, par exemple, d’un malaise social lié entre autres à la ghettoïsation des quartiers et au sentiment d’exclusion de ses habitants. Mais, la ville peut aussi être source d’émerveillement et porteuse d’utopie. C’est la raison qui m’a poussé à écrire un mémoire sur ce sujet. J’aime la ville, même si j’ai un regard critique sur celleci, et j’ai tenté de comprendre les raisons conscientes et inconscientes de cette affection particulière, car l’espace urbain n’est pas une entité indépendante de notre
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*JR Portrait d’une génération, 2004
volonté, nous le façonnons aussi avec nos peurs et nos espoirs et cela se ressent dans la forme qu’elle revêt... Cet espace est en effet le résultat de la création de l’homme et nous l’influençons autant qu’il nous influence. Il résulte de nos choix politiques, économiques et sociaux. La notion d’« utopie » semble difficilement séparable de la pensée de l’espace, et donc de son aménagement. Le terme, inventé par Thomas More lui-même, désigne le « pays de nulle part » (utopia) ou le « pays du bonheur » (eutopia). Nous verrons par la suite en quoi la ville devient un lieu d’exprerssion singulier et ses murs les pages d’un livre pour écrire et dessiner la vie ou les rêves des habitants.
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LA VILLE, UNE GALERIE À CIEL OUVERT
2. 42
*Simon JUNG & Paul SCHWEIZER Songbird over storeys, Népale 2009.
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UNE
DYNAMIQUE CRÉATIVE
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A/
*JR - Women are heroes, Rio de Janeiro 2009.
UN ART À L’ASPECT URBAIN
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Il nous faut remonter à la naissance de l’art urbain et jusqu’aux avant-gardistes du XX e siècle. Les avant-gardes cherchaient à réduire l’intervalle entre l’art et la vie. Pionnier du ready-made grâce à ses œuvres comme L’Urinoir, Marcel Duchamp émet deux postulats : l’œuvre est entrée dans une nouvelle ère qui est celle de la « reproductivité technique », et l’art est une mise en espace, une question de lieu.
A
/ - UN ART À
L’ASPECT URBAIN
1. Les prémisces
Après le Dadaïsme, les surréalistes participent également à la genèse de l’art urbain par l’intérêt qu’ils portent à la cité. Paris devient, pour les artistes mais également les poètes, un lieu où ils guettent le surgissement de la beauté, source de rêverie. Brossai, par exemple va ainsi photographier les inscriptions sur les murs et révéler le graffiti comme un art. Dans les années 60, les situ reprennent le credo de « la beauté dans la rue » en prônant l’invention d’un réel fait de situations, d’un réel qui se révèle œuvre. À tous ses mouvements s’entremêle la motivation de créer un art pour tous. C’est au début du XXe siècle que des muralistes mexicains et des artistes russes dédient leurs œuvres au peuple et tracent sur les murs la révolution. Mais, pour que l’Art s’expose enfin dans la rue, il faut attendre les années
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60 et la convergence de deux phénomènes. D’un côté, l’aspiration de certains artistes à faire sortir l’Art des galeries. Le Land Art en est la démonstration la plus radicale. Et, de l’autre, l’émergence d’une société de consommation. Avec elle, la réclame explose et diffuse alors à outrance une imagerie kitch et bon marché, dont le pop art s’inspire avec gourmandise avec des artistes comme Andy Warhol. Les artistes détournent, collent, assemblent, accumulent,... On parodie la publicité, on peint les objets de la vie moderne. Dans les années 80, sous l’impulsion des cultures urbaines, la décennie opère un renouveau expressif qui joue la couleur, le geste et la matière. À New York, les griffures de taggueurs se multiplient constamment. À Paris aussi, l’art de la rue explose. Dix ans après mai 68, « No future » a remplacé « Sous les pavés la plage ». La révolte s’habille de noir et traîne avec elle une esthétique de la désinvolture quand, violent et énergique, le punk rejette dans l’obsolescence l’art du bon goût. Il remet le pochoir au goût du jour, pour en faire l’instrument d’une promotion sauvage. Furtif, efficace, facile à utiliser, et n’exigeant aucune aptitude au dessin, ce formidable outil de diffusion massive devient bientôt un medium artistique.
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Parallèlement, les panneaux publicitaires donnent un terrain d’élection pour une poignée d’artistes. Jean Faucheur et les Ripoulin les recouvrent de peintures vives et colorées. Le contexte politique est propice à l’émergence de cet art populaire et sauvage. En Fance, les rêves impériaux de François Mitterrand offrent à l’inventivité des artistes une profusion de palissades, et l’enthousiasme de Jack Lang est lu comme un encouragement. Alors que l’imagination s’installe au pouvoir, un flot d’artistes investit la rue. Affiche, graffiti, tag… Inspiré du graffiti mais d’expression beaucoup plus diverse, le Street Art a donc des racines qui précèdent l’explosion du graffiti comme mouvement.
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2 . Un art contextuel
La question essentielle que pose tout projet artistique dans l’espace public est : l’Art peut-il exister en dehors des lieux qui lui sont consacrés ? Peut-il y exister sans se perdre, s’abîmer, se désactiver ? Voire, plus positivement, que peut-il éventuellement gagner ou engager comme mutation qualitative dans ce transfert contextuel ? Dans les années 1960, l’investissement de la rue par les artistes répondait en grande partie à une nécessité anti-institutionnelle, le musée, sclérosé dans ses modes de monstration, s’avérant soudain inadapté à l’explosion des nouvelles formes de la création.
A
/ - UN ART À
L’ASPECT URBAIN
& éphémère
« Aujourd’hui que l’on sait que le musée peut tout absorber, tout valider, pour le meilleur ou pour le pire, l’art n’a plus besoin d’investir l’espace public de manière réactive mais plutôt de manière active. Soit, pour des projets spécifiques, dont une confrontation à une certaine réalité sociale apparaît nécessaire et urgente. C’est dans cette perspective qu’il s’avère le plus intéressant ». (L’espace, le temps, la morale, la passion dans la revue «Mouvement», 2007).
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Instinct qui nous amène à nous inscrire à travers la ville, portés par l’ambition séculaire de chacun à marquer l’espace de son empreinte, cet investissement de l’espace urbain n’est pas sans rappeler la façon qu’ont eue les premiers hommes, sur les parois des grottes où ils avaient élu domicile, de représenter les scènes de leur vie quotidienne : représentation de la faune et la flore locale à même les murs.
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2 . Un art contextuel & éphémère
*Joshua Allen Harris - Plastic chimeras, 2010
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3. Entre Art
Depuis les débuts du graffiti à New York, la controverse entre l’Art ou le vandalisme, pour qualifier ces pratiques, divise les opinions. D’un côté, le graffiti est comparé à des métastases, créant un facteur d’insécurité, car il laisse aux populations le sentiment que leur quartier est délaissé par les pouvoirs publics et que les incivilités sont impunies.
A
/ - UN ART À
L’ASPECT URBAIN
et vandalisme
De l’autre, le graffiti occupe les jeunes de manière créative, donc positive par l’appropriation de l’espace public et en lui apportant même une gaîté chromatique parfois bienvenue. En France, le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain, constitue, pour le droit pénal français, une « destruction, une dégradation ou une détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui », qui est punie : d’une contravention de 5e classe (1 500 euros ou plus) s’il n’en résulte qu’un dommage léger (Article R.635-1 du Code Pénal) ; d’une amende pouvant atteindre jusqu’à 30 000 euros et d’une punition pouvant atteindre 2 ans d’emprisonnement dans les autres cas (Article 322-1 du Code Pénal). Le Street Art parsème l’univers visuel des grandes cités. On en retrouve sur les murs, les trottoirs, les rues, dans les parcs ou sur les monuments.
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Le terme est par ailleurs utilisé afin de différencier une forme artistique d’un mouvement territorial ponctué de vandalisme et d’illégalité. Bien que l’Art urbain ne soit pas toujours légal, sa valeur artistique est incontestable. Les motivations conduisant ces « street-artistes » à perpétrer leur art sont tout autant variées que le nombre d’artistes lui-même.
* Cet artiste proteste en s’attaquant aux
vitrines des grandes marques de luxe qui se s’appropriennt la culture urbaine pour vendre leur produit.
*KIDULT
Acte de vandalismme Paris, 2012
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B/
*Olivier RATSI - Deconstruction time 2012
UN ART PLURIFORME
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1. Du bidimensionnel
On a pu voir précédemment de quelle manière les murs de la ville sont utilisés comme des toiles par les artistes urbains. Ici, il sera aussi question des créations en volume et des installations que les artistes aménagent pour créer un dialogue avec le citadin à même l’espace public.L’Art urbain s’est peaufiné avec le temps.
B
/ - UN ART PLURIFORME
au tridimensionnel
Du simple graffiti, il est devenu grandiose par l’utilisation et la juxtaposition de diverses techniques et de matières insolites. Chacune de ces techniques s’adaptent à un support, un environnement, un contexte et à la créativité de l’artiste. Il s’applique a l’ensemble des éléments urbains : les murs, les toits, les panneaux de signalisations et d’informations, le mobilier urbain (plots, bancs,lampadaires,..), le métro et ses rames, les trains, les camions, l’asphalte, les ponts, les tunnels, les stores de magasins, dans les friches.. Tantôt figuratif, tantôt abstrait, chaque artiste se distingue par un style personnel et « un coup de crayon » unique qui définissent une véritable identité artistique. Il existe ainsi de multiples formes de Street Art où certains artistes inscrivent directement leur travaux dans une filiation avec de grands mouvements artistiques : Néoréalisme, Art naïf, Lettrisme pour L’Atlas, Pixel Art…
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*Mark JENKINS Tudela - Espagne, 2007
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Encore mal défini et difficile à étiqueter, ce courant est un art polymorphe. À la croisée de l’art et des nouvelles technologies, la création numérique se confronte aujourd’hui à la ville.
B
/ - UN ART PLURIFORME
2 . A un espace virtuel...
Elle dialogue avec le territoire et y propose de nouveaux modes de représentation. Elle génère une relecture de l’espace, de nouvelles perceptions et des pratiques urbaines inédites. Via des outils devenus quotidiens (comme les smartphones, capteurs, écrans tactiles,etc…), les arts numériques en espace public font le lien entre la rue et les espaces publics virtuels, engendrant de nouveaux environnements, des usages inédits, de nouvelles relations artiste / spectateur. Collectif d’artistes issus de la France entière, le Graffiti Research Lab [fr] développe des outils de création innovants afin de redessiner l’espace urbain, des outils destinés à « appuyer technologiquement les individus pour modifier et réinvestir de manière créative leurs environnements envahis par la culture du commerce et de l’entreprise ». Le rapport direct à l’environnement est fortement présent dans leurs propositions.
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*Graffiti Research Lab Hip hop & Laser Knuckles, 2011
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2 . A un espace virtuel...
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*Antonin FOURNEAU - Water light graffiti, 2011
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C/
*Shepard FAIREY - Hope, 2009
L’espace comme medium citoyen
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1. Observateur
Ici et là, des artistes créent dans la ville et avec elle. Leurs projets contribuent à la rendre plus singulière et vivante, à en révéler des dimensions méconnues, à en proposer d’autres images et d’autres usages. Ils ont acquis une place certaine dans les projets de territoire à Paris et dans les villes de sa périphérie.
C
/ - L’ESPACE COMME
MEDIUM CITOYEN
du quotidien
« À l’heure où s’invente la métropole parisienne, quels chemins de traverse proposent-ils pour enrichir les lieux et les liens qui composent l’espace public ? Comment sont-ils conçus, mis en œuvre et accompagnés ? Quelle urbanité créentils précisément ? » Le 7ème cycle art [espace] public nous invite à penser collectivement ce qui se joue, à Paris et alentours, quand l’Art est partie prenante de la fabrique de la cité. Ces problématiques sont extraites de l’intitulé du cycle des sept conférences organisés par les étudiants du master Art & Espace public de la Sorbonne, (auquel j’ai eu la chance d’assister et qui est une grande source d’inspiration dans le raisonnement élaboré dans ce mémoire). Certains soulignent les dérives de la société et la mette en question tel Banksy qui détourne les codes de l’Etat, (billets et timbres), ou n’hésite pas à apposer une image de plage sur le mur de Gaza.
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*DRAN - Ville propre, 2013
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1. Observateur
Philantrope, anti-guerre et révolutionnaire, l’artiste prend son art comme médium de communication pour scander haut et fort son mécontentement envers certains faits de société, certaines situations politiques ou carrément, certaines décisions adoptées par les leaders mondiaux. D’autres, tel que Dran croque de petites scénettes de la vie quotidienne avec un trait et un humour noir, semblable aux dessins de presse d’actualité.
C
/ - L’ESPACE COMME
MEDIUM CITOYEN
du quotidien
Les « street-artistes » sont ainsi des observateurs privilégiés de la société.
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*DRAN - Ville propre, 2013
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2. Détournement
Détourner, c’est extraire une image, un message, un objet de son contexte pour créer une nouvelle signification. Jeu de mot, parodie, reconfiguration : les modes d’intervention sont variés, à la frontière entre art et activisme.
C
/ - L’ESPACE COMME
MEDIUM CITOYEN
& réappropriation
Certains artistes ont fait du détournement une marque de fabrique, donnant à leurs attaques un style identifiable, comme le collectif MENTALGASSI qui détourne et humanise le mobilier urbain en créant des personnages, ou comme les interventions de ZEUS qui détoure l’ombre du mobilier urbain créant ainsi une double temporalité. Le Street Art est en soi une forme de détournement de l’espace urbain car il transforme les murs de la ville en toile comme support d’expression et la rue devient une une galerie à ciel ouvert et un espace de réflexion.
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*Collectif MENTALGASSI - DĂŠtournement 02, Berlin 2013.
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2. Détournement
& réappropriation
*Collectif MENTALGASSI - Détournement 07, Berlin 2013.
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*ZEUS - ombre portĂŠe, Paris, 2005-2011
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COMMUNICATION VISUELLE & SUPPORT URBAIN
3. 74
*TBWA\PHS. Helsiki, Finlande - campagne de sensibilisation sur la consommation de drogues. 2007
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ENTRE
ESTHÉTIQUE ET UTILITAIRE
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A/
LE GRAPHISME SOCIAL ET ENGAGÉ
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ET ENGAGÉ
/- LE GRAPHISME SOCIAL
1. L’affiche politique
A
Il faut tout d’abord référencer cette pratique comme héritière des principes de l’école Polonaise. Apparue après la seconde guerre mondiale en Europe de l’Est, celle-ci fut l’apanage d’auteurs qui feront de l’affiche un puissant moyen de contestation politique à l’égard de la dictature communiste. Henryk Thomaszewski, Roman Cieslewicz, Eryk Lipinski ou Julian Palka, joueront un rôle majeur dans son développement. Ils diffuseront des travaux proposant une lecture du monde poétique et implicitement militante, ayant peu à voir avec celle, figée, de l’iconographie officielle socio-réaliste. Les images de l’école polonaise s’illustrent par leur facture iconique, où la métaphore visuelle joue un grand rôle en raison de sa capacité à dévoiler des messages souterrains. Elle s’est donc naturellement imposée comme seul média de contestation, du fait d’une politique cinématographique soviétique qui prohibait toute diffusion d’images occidentales. Elle jouit également d’une forte indépendance stylistique, vierge de toutes influences limitrophes. Créativé motivé par un puissant désir d’émancipation de la Pologne de l’époque. Henryk Thomaszewski, figureclé du mouvement, deviendra, par ses
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affiches, célèbre, et il fera autorité comme enseignant à l’académie des beaux-arts de Varsovie, dont les français Pierre Bernard et Alain Le Quernec profiteront de la pédagogie avant de la vulgariser en France. C’est donc là, à Varsovie, qu’est le berceau du graphisme français d’utilité sociale. Au même moment où le Street Art apparaît et s’étend de plus en plus, en France un nouveau type de graphisme fait justement surface, motivé par le contexte social agité de l’époque ; MAI 68. Pendant trente jours, la France s’embrase. Les universités ferment imitées par les usines. Etudiants et ouvriers marchent main dans la main, les voitures flambent, les pavés volent. Mais les munitions les plus efficaces restent les mots. Un irrésistible besoin d’expression s’empare de toute la jeunesse. Les messages politiques des rues parisiennes gagnent en poésie et en qualité graphique. Mai 1968 marque le début d’une pratique qui fera en France de l’affiche son support de prédilection. L’atelier de sérigraphie de l’école des beaux-arts de Paris est le théâtre d’un mouvement sans commune mesure de contestation par l’image, initiateur de slogans
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à la puissance éminemment suggestive, aussi beaux que virulents. Ce mouvement comptera en France une poignée de représentants : le collectif Grapus, en premier lieu, mais aussi le groupe Nous Travaillons Ensemble, mené par Alex Jordan, puis Alain Le Quernec et Michel Quarez, ou encore Vincent Perrotet et sa bande de graphistes associés. Le graphisme d’utilité sociale ne défend pas un idéal anarchiste, au sens où il ne vise pas la destruction de l’organisation sociale pour imposer son modèle ou une absence de modèle.
A
ET ENGAGÉ
/- LE GRAPHISME SOCIAL
1. L’affiche politique
Il cherche plutôt à exploiter les réseaux de ladite organisation pour mieux diffuser ses messages et voue donc une prédilection pour l’affiche, support ô combien visible. Cette pratique se positionne comme gardien du temple du civisme et de la cohésion sociale. Les messages qu’elle donne à voir constituent, par leur facture, le parfait contre-exemple d’une communication visuelle parfois mue d’un désir discutable de pure objectivité.
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*Atelier populaire - 53x40 cm, Paris. 1968
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2 . L’engagement ;
ET ENGAGÉ
/- LE GRAPHISME SOCIAL
pour qui, pourquoi ?
A
Alors que le graphisme d’utilité publique est plus discret et universel, celui-ci expose aux yeux de tous ses convictions et ses partis pris. L’un se veut objectif, l’autre est clairement et, de manière assumée, subjectif, car c’est celui de l’engagement et de la prise de position. C’est un graphisme qui dialogue à cœur ouvert, dans un langage visuel empli d’utopisme et d’affectivité. Il est motivé par une démarche visant à sensibiliser l’opinion sur des causes d’intérêt général. Pour la philosophe Marie-José Mondzain, le rôle du graphiste engagé est de « produire des énigmes visuelles qui mobilisent la pensée et convoquent la parole, seule voie pour que le graphisme participe à la constitution d’un espace public ». Graphismes d’utilités publique et sociale coexistent en fait très sereinement durant les années 1970, à l’image des ateliers Jean Widmer et Grapus qui forment, à cette époque, deux pôles de référence majeurs pour les jeunes professionnels. Leur désir de serviabilité à une excellence qualitative ou à un idéal civique les rapproche, en dépit d’une lecture de la fonction du design antinomique. Leur prédilection pour la commande publique et culturelle est pour eux, en ce début des trente piteuses, un moyen d’asseoir leur indépendance et de revendiquer le statut d’auteur.
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*Gérard Paris Clavel - Autocollant 15x20 cm. 2009
Dans ce paysage du socialement engagé, le collectif Grapus domine largement par son influence. Celle-ci fut tellement forte qu’elle a presque « paralysé», dans son action, la génération de graphistes lui succédant. Fondé en 1970 par Pierre Bernard, François Miehe et Gérard Paris-Clavel, ce collectif s’attache à développer, dans une même logique, recherche graphique et engagement social. Cette ligne de conduite lui survivra après l’implosion du collectif, à travers la création en 1991 de l’atelier de création graphique.
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2 . L’engagement ;
A
ET ENGAGÉ
/- LE GRAPHISME SOCIAL
pour qui, pourquoi ?
Mue d’une volonté de concilier les enjeux du design à ceux de la conscience sociale, l’activité de Grapus est naturellement influencée par la pensée situationniste. En effet, la dénonciation du spectacle et de la marchandise, telle que la définit Guy Debord dans « la société du spectacle », amène le collectif à ne polariser ses efforts que pour des causes d’intérêt général. C’est pourquoi Grapus décide de se tenir à distance du marché publicitaire, tout en fondant son économie sur un partenariat avec les pouvoirs publics. Ses membres soutiennent un idéal communiste, ainsi qu’un militantisme social, politique et culturel prononcé, dont les valeurs défendues par les clients avec lesquels il traite attestent de l’engagement : social et politique (CGT, PCF, secours populaire français), culturel (Le Louvre, La Villette, le centre Georges Pompidou), intérêt général (mairies, associations). Chez Grapus, l’engagement ne se limite pas à la facture de travaux expressifs et poétiques. Il est également manifeste dans le lien de proximité qu’il tentera d’établir avec ses commanditaires. Le collectif rencontrera sur ce point de nombreuses réticences et ne verra ses efforts reconnus que grâce au soutien de fédérations ou de
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*Vincent PEROTTET - Affiche, Loi du marché sur la tête manifestation à Paris,2010
municipalités considérées comme réformatrices. Stylistiquement, son approche est celle de compositions très picturales inspirées de l’affiche cubaine, de l’école polonaise et de mai 68. Ces influences vont faire émerger un style très reconnaissable, faisant un large emploi de l’écriture manuscrite et conférant aux compositions un aspect narratif exigeant une lecture « lente », contraire à celle de vigueur dans la publicité. Outre l’utilisation d’une technique mixte, mélangeant peinture, encre et photo, la pratique du collectif se caractérise par l’usage du détournement de visuels, comme acte de
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ET ENGAGÉ
/- LE GRAPHISME SOCIAL
3. Le graphisme d’auteur
A
Pierre Bernard croit « trop à la présence nécessaire de l’engagement personnel et artistique dans l’acte graphique pour penser qu’on puisse faire l’économie d’être auteur pour le pratiquer » . En effet le graphiste auteur n’est pas toujours soumis à la commande pour entamer un processus de création et de communication, il peut être poussé par une volonté propre de créer du sens et de messages par le biais de la typographie ou de l’image car le graphisme est à la fois outil de communication et pratique artistique. Cette démarche est marquée par une volonté de démarcation par rapport à une pratique dite traditionnelle – ce dont témoignent les productions graphiques et les choix typographiques d’un Malte Martin ou d’un Vincent Perrotet – la naissance du graphisme moderne est surtout liée à l’avènement de la communication de masse ; c’est-à-dire au renouveau des modes de communication et de la publicité qui mettent désormais le graphiste ou le typographe au service d’une idéologie. Pour mettre au jour la question de l’engagement politique et du rapport au pouvoir du graphiste aujourd’hui, on analysera les modalités des rapports entre graphiste et commanditaire. Si le distinguo entre graphiste « producteur» et graphiste-auteur
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*Malte MARTIN - iInstallation typographique pour la Nuit Blanche à Paris, 2010
se mesure justement dans le rapport à la commande et au pouvoir, la question conjoncturelle du « style » et de l’imposition de formes spécifiques par une élite rejoint, quant à elle, les problématiques générales de l’art contemporain. Le graphisme deviendra progressivement le théâtre d’expérimentations plus poussées et de contraintes plus fortes, tout en opérant une frontière de plus en plus nette entre le graphiste « producteur » (au service de…), assujetti aux contraintes et aux réalités économiques et le graphiste - auteur, au rapport plus ambigu à la commande et donc au pouvoir. Dorénavant, la typographie et le graphisme cessent d’être des pratiques réellement autonomes pour acquérir un statut à part, dans une perpétuelle hésitation entre expression et soumission, auteur et exécutant, et (dans un registre contemporain) culturel et commercial.
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3. Le graphisme d’auteur
*Malte MARTIN - «Caen même», iInstallation typographique à Caen, 2011
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*Vincent PEROTTET - «On peut rêver»,2012
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B/
*BBDP - Campagne de sensibilisation sur le mal logement, 2010
LE GRAPHISME D’UTILITÉ PUBLIQUE
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1. Commandes publiques
Le design graphique sert à identifier, informer et mettre en lumière. Le graphisme d’intérêt public remplit ces trois fonctions, au même titre que le graphisme à but commercial, mais ils sont opposés dans la motivation créative. Le premier agit dans une recherche de pédagogie et d’universalité, pose la question de l’éthique, tandis que le deuxième est motivé par des stratégies mercantiles et des contraintes de logique de marché.
B
/ - LE GRAPHISME
D’UTILITÉ PUBLIQUE
& commandes privées
Il y a donc un clivage dans la manière de s’adresser au public ; dans le cadre du graphisme engagé, le récepteur du message n’est donc plus considéré comme un client, mais comme un citoyen. Parler des images d’utilité publique, c’est reconnaître un rôle nécessaire des images de la communication dans le rapport entre Etat, institutions et citoyens. Face aux mass media et à la publicité, l’image publique exige un langage et des supports spécifiques, nous verrons lesquels. « Le design institutionnel n’est ni un luxe, ni même un simple outil des services publics mais constitue en fait lui-même un service à la collectivité » (extraits du livre intitulé « Images d’utilité publique », Edition du centre Georges Pompidou, 1988).
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*Jeski Social Campaign - Campagne d’affichage urbain au profit de The American Disability Association. 2006
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1. Commandes publiques
et commandes privées
UN MESSAGE : - Conjuguer le verbe à la 3è personne du pluriel permet d’inviter à la participation et de rendre les spectateurs concernés par le sujet exposé.
LOGO ET INFOS : - L’ identité visuelle de l’association ainsi que ses coordonées sont fortements mis en avant car il s’agit de mettre en lumière leur action et de tourner les regards vers une solution.
LIEU D’EXPOSITION : - L’espace urbain offre une visibilité maximale, c’est l’environnement commun à tous les citadins.
LE SUPPORT : - Détournement du support publicitaire haituel qui devient le sujet même de l’affiche.
*Espace publicitaire abri-bus
EXEMPLE
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(Analyse d’une campagne de sensibilisation)
INTERPELLER LE SPECTATEUR : - Ici le protagoniste nous regarde droit dans les yeux, comme pour s’adresser directement à nous.
COMPOSITION TYPOGRAPHIQUE SIMPLE ET LISIBLE : - Typo linéale, simple et contrastée, (en blanc sur fond sombre) pour mettre en avant le message.
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Cette pratique du graphisme joue en un sens le rôle idéalisé de service public du design. L’ignorance du plus grand nombre quant à sa présence quotidienne et généralisée contraste avec sa mission originelle, celle de servir les intérêts de la nation et du citoyen. Son invisibilité est toutefois logique car il s’agit d’une pratique moins portée sur l’expression que sur la fonction, donc focalisée en premier lieu sur sa serviabilité aux contenus. Max Bill, éminent graphiste de la Suisse moderniste des années 1930-40, précise la différence qui sépare l’art du design en ces termes : « là où l’art entreprend d’exercer des fonctions pratiques, il le fait au détriment de ses fonctions spirituelles, là où le graphisme répudie ses fonctions pratiques, il n’acquiert pas pour autant un contenu spirituel ».
B
/ - LE GRAPHISME
D’UTILITÉ PUBLIQUE
2 . Un outil institutionel
Hugues Boekraad, théoricien, explique de son côté que le domaine public renvoie au partage de valeurs propres aux rapports humains qui présupposent l’édification de symboles visant à rendre accessibles et compréhensibles les environnements physique et social. Le domaine visuel vu comme objet de lien social est donc l’essence même du graphisme d’utilité publique, à l’engagement implicite quoique absolu. Celui-ci est d’abord l’expression d’une redevabilité de l’Etat à l’égard de ses sujets. C’est là le signe d’un pouvoir
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politique responsable et dévoué à ses concitoyens. La confiance du graphisme d’utilité publique en la parole de l’Etat est aveugle, car elle rend possible la large diffusion de messages vierges de toute stratégies mercantiles. Elle pense son action sur le long terme et fait preuve d’impassibilité quant aux turbulences du style. Elle investit de larges domaines, mais affectionne particulièrement le graphisme d’information et l’identité visuelle. Stylistiquement, on peut donc la considérer comme affiliée au modernisme, une école de pensée ayant pour objet la serviabilité aux contenus grâce à l’emploi de systèmes normés où la grille et la typographie jouent un grand rôle. Le graphisme d’utilité publique s’illustre également par un grand respect du récepteur, considéré ici non comme cible mais comme citoyen. Le designer d’utilité publique endosse par son action un rôle classique de médiateur entre un commanditaire-émetteur et un public-récepteur. Pour autant, la conception d’une image d’intérêt général implique pour lui une responsabilité particulière. Parce que les signes y sont exposés à la vue du plus grand nombre, il se doit d’agir dans une recherche d’universalisation de la forme. L’engagement est ici dans la tenue d’un discours graphique pensé comme objectif serviable et à même de fédérer.
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C/
*TBWA\PHS. - Affichage pubicitaire pour une marque de dentifrice. 2006
LE MARKETING ALTERNATIF
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1. Quand la pub innove
ALTERNATIF
/ - LE MARKETING
(un dialogue avec l’Art urbain)
C
L’Art, censé être désintéressé, et la publicité, expression d’intérêts et création de désirs, sont-ils antinomiques ? Comment l’Art réagit-il ou interagit-il avec la publicité ? La publicité s’inspire de l’art, des artistes collaborent à des campagnes promotionnelles, et l’Art, par un mouvement circulaire, se nourrit également de la publicité. La publicité créé du désir ; et pour cela, elle joue sur des désirs existants, sur des fantasmes, de l’imaginaire. Serge Tisseron décrit dans Le Bonheur de l’image sa « capacité à épouser les grands courants culturels », à sublimer les préoccupations quotidiennes en aspirations, certes, pour les « assujettir à ses intérêts mercantiles ». Les images publicitaires nous parlent donc, avant tout, de nous-mêmes. Le Street Art et le graffiti deviennent des éléments incontournables dans la publicité papier et télévisuelle. Ainsi depuis quelques années, on voit pour n’importe quelle marque de tous produits de consommations des éléments faisant appellent aux dernières tendances de l’art urbains ou aux slogans sociaux dans l’air du temps pour vendre. Car bel et bien, lorsqu’il s’agit de vendre à un public, alors le graffiti et l’Art urbain ne dérange plus...
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*TBWA\PHS. - Installation pour une marque de soda. 2009
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1. Quand la pub innove
ALTERNATIF
/ - LE MARKETING
(un dialogue avec l’Art urbain)
C
La publicité n’est pas un fléau qui lobotomise les masses. Ceux qui s’acharnent sur elle utilisent souvent les mêmes méthodes. C’est l’excès de mauvaise publicité qui la rend si détestable. Malheureusement, les annonceurs imposent bien souvent le ton de leur campagne à leur agence. La publicité s’inspire de ce qui l’entoure, elle suit les modes et parfois elles les précède. Beaucoup d’artistes doivent leur notoriété a la publicité et souvent elle permet à ces mêmes artistes de vivre de leur art. « L’acharnement dont elle fait l’objet et les méfaits dont on l’accuse ne sont rien compare a la désinformation qui sévit dans les médias en général ». Propos de Nasty, (graffeur parisien) qui a conçu une publicité pour la marque de bière 1664 en utilisant les codes du graffiti.
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*NASTY. - publicité pour la marque une marque de bière. 2005
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2 . Quand la pub innove
ALTERNATIF
/ - LE MARKETING
(un dialogue avec l’Art urbain)
C
« Guérilla : terme emprunté à l’espagnol et utilisé pour décrire des combats en petits groupes, mobiles et flexibles pratiquant une guerre de harcèlement, d’embuscades… la guérilla a pour but politique de renverser une autorité contestée par de faibles moyens militaires très mobiles utilisant les effets de surprise » - définition Wikipedia. Cette définition, pourtant associée à un champ lexical militaire, reste très juste et s’applique parfaitement à la définition actuelle de la « guérilla marketing » dans un contexte publicitaire. La guérilla est donc, comme toute campagne publicitaire, une opération marketing qui vise à promouvoir, informer, créer l’événement, divertir… dans le but d’augmenter la notoriété et (ou) les ventes associées à un produit ou un service, sauf qu’à la différence, elle est produite dans un cadre non conventionnel, plus « sauvage », qui sort des sentiers battus, qui provoque, dérange, surprend et fait jaser… Par son caractère provocateur et innovateur, les images inspirés de l’Art urbain utilisé dans la pub touche souvent les jeunes de moins de 30 ans, mais son efficacité est prouvée sur tous types de consommateurs. Dans certain cas, la Guerilla publicitaire peut être de mauvais goût,
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quand elle dérange, choque, ou repose sur des clichés. Cela dépend du commanditaire et du propos servit. Néanmoins, on peut estimer qu’elle représente plusieurs intérêts. Premièrement, elle a le mérite de sortir des sentiers battus et de créer un dialogue avec le récepteur, là où on ne l’attend pas. L’effet de surprise est un bon moyen d’interpeller un public submergé par les images et l’information omniprésentes dans un quotidien régi par le besoin d’aller toujours plus vite. Puis surtout, deuxièmement, elle a initialement été créée pour les P.M.E et les T.P.E, c’està-dire pour des entreprises émergentes, souvent à petits budgets, qui n’ont pas forcément les moyens pour financer des campagnes aux coûts faramineux, mais qui nécessitent autant que les autres entreprises de communiquer et de se démarquer de la concurrence. En effet, au départ, la guérilla fut immédiatement associée aux campagnes disposant d’un budget restreint, puisque la guérilla peut très bien se faire avec peu, voire presque aucun moyen… seule notre imagination définit ses limites. La guérilla marketing peut donc prendre plusieurs visages, mais sa caractéristique première est sa capacité à cibler un groupe pour, par la suite, réussir à les impliquer au premier niveau dans
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2. Communication coup de poing
C
ALTERNATIF
/ - LE MARKETING
(la Guerilla marketing)
l’opération marketing. C’est une forme de communication qui prend place dans la rue et tente d’animer une audience ; le public devient acteur de la promotion. La question de la polysensorialité apparaît déterminante : « L’homme de la société moderne ne réagit qu’à de fortes excitations, à l’époque où les érudits lisaient des grimoires et écrivaient sans difficulté à quelque lueur mouvante et misérable d’une bougie, l’œil, aujourd’hui réclame vingt, cinquante, cent bougies »… « Le texte seul convient de moins en moins. Il nous faut la couleur, une typographie modulée, plus encore, les évocations stylisées. Mais n’est-ce pas alors favoriser l’empire de la publicité et de la commercialisation ? On se trompe d’ennemis ! La recommandation en elle-même ou l’information ne méritent pas cette condamnation, ce qui gêne dans la réclame, c’est la flatterie, l’hyperbole, l’habileté, mais, lorsqu’on la débarrasse de ce qui l’aliène, ressurgissent l’esthétisme et la lisibilité.» extraits du livre (Images d’utilité publique, Edition du centre Georges Pompidou, 1988)
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Voila pourquoi j’estime qu’il est intéressant d’analyser la Guerilla publicitaire, tout comme nous avons pu observer le Street Art, car en adoptant intelligemment certains de ses codes et procédés, je pense qu’il est possible d’améliorer l’impact du graphisme d’utilité publique qui, certes, doit privilégier le fond à la forme (le message), mais n’en deviendra que plus interpellant. Question d’équilibre, encore une fois…
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CONCLUSION
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Le moins que l’on puisse dire c’est que la cité est un lieu qui maintient constamment nos sens en éveil. Au-delà de l’approche « physique » de la ville, on a pu voir précédemment qu’il y vait une manière plus singulière de la percevoir au travers de nos sensibilités propres et de nos émotions. C’est peut-être ce qui pousse les artistes et les graphistes à expérimenter la ville comme un atelier, d’où l’idée que la ville favorise ce que Michel de M’Uzan définit par le saisissement créateur. Les artistes urbains jalonnent ainsi la ville de messages, interrogeant à la fois la société civile et nos modes de communication. Ce que l’on a pu voir également c’est que l’espace urbain était un environnement empli de signes. En effet, la ville moderne est telle une forêt de pictogrammes, d’enseignes, de vitrines et de panneaux publicitaires à travers laquelle nous cheminons, comme dans tout espace réel ou imaginaire. La question qu’on pourrait se poser maintenant est ; est il possible de considérer une autre manière de vivre les signes ?
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Après avoir analysé les rapports que les citadins entretiennent avec la ville (affectif et sensoriel), les différentes formes d’expression artistique urbaine, et comment la communication visuelle s’adapte au support urbain, j’aimerais à présent mettre cette étude à profit des personnes qui ont une perception différente de cet espace en question. La ville étant un environnement saturé de signes, une question m’est apparue intéressante à aborder ; comment les personnes atteintes d’un handicap appréhendent-elles un environnement qu’elles ont du mal à déchiffrer ? Quelle est leur perception au quotidien de la ville, cette ville qui se traverse, se parcourt et se pratique ? Comment le graphisme et l’Art peuvent ils aider à créer une urbanité plus juste et participer au mieux vivreensemble ? J’ai donc choisi de traiter cette question à travers le problème de l’illettrisme, qui a été déclaré grande cause nationale en 2013. Afin d’avoir une idée concrète des enjeux, j’ai pris contact avec une association nommée SAVOIRS POUR RÉUSSIR.
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Cette structure est installée à Belleville et s’occupe du problème chez des jeunes qui ont entre 16 et 25 ans. Les problématiques qui se posent sont ; - En quoi le graphisme peut-il permettre à ces personnes d’avoir accès à une information, tout en contournant le problème de la lisibilité qui rend la lecture de l’espace laborieux ? - Comment le graphisme doit-il s’adapter à cette contrainte et quel système visuel faut il adopter pour palier à ce problème ? - En quoi utiliser une forme d’expression artistique urbaine comme le Street art peut-t-il permettre de créer un dialogue avec les citadins ?
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Thierry Paquot, dans son livre intitulé Des Corps urbains, souligne que; « le bâti constitue la phrase, le non-bâti la ponctuation, cette respiration est indispensable à la lecture. Nous considérons volontiers que les villes se prêtent à être déchiffrées, épelées lettre après lettre. Cela n’est pas facile, car certaines d’entre elles produisent des textes excessivement denses, avec des phrases trop longues... »
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*Malte MARTIN - instants mobiles 01, Chaumont 2001
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BIBLIOGRAPHIE /-Livres Claude EVENO Images d’utilité publique
Editions du Centre Pompidou 1988
Jean-Luc CHALUMEAU L’art dans la ville,
Editions Cercle d’Art, 2000.
Michel WLASSIKOV Signes des écoles d’art
Editions du Centre Pompidou, 2003
GANZ Nicholas, Planète Graffiti. Street Art des cinq continents, Pyramid, 2004.
Michel WLASSIKOV Exposer/S’exposer
Edition Panama, 2006
Paul ARDENNE Un art contextuel: création artistique en milieu urbain,
/-Sites d’information - Le territoire des sens < http://territoiredessens.blogspot. fr > - Master Projets culturels dans l’espace public de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne < http://www.art-espacepublic.c.la > - Les Petites Urbanités Libres < http://pul.ktha.org/ > - Ekosystem: < http://www.ekosystem.org > - Street Art Utopia: < http://www.streetartutopia. com > - Streetsy: < http://www.streetsy.com > - Wooster Collective: < http://www.woostercollective. com >
Flammarion, 2009
Anna WACLAWEK Street art et graffiti
l’univers de l’art, 2012
/- Films - Exit Through the Gift Shop, Banksy, 2010. - Women are Heroes, JR, 2010.
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TOUS MES :
M R ER CI ME E
NTS Un grand merci à toutes ces personnes, qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à l’écriture de ce mémoire.
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À :
E E E E EE E E E E E E E E E E E E
Laurence Barjini
Nawal Bakouri
Julien Milly
Nicolas Girard
Nadine Rossin
Antoine Barjini
Denise Faure
Perrine Terrier
Marie Chassagnier
Mes amis
l’associat. SPR
Ma famille
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