Monstres industriels

Page 1




SOMMAIRE Les friches industrielles aujourd'hui

7

PARTIE I - L'IBA EMSCHER PARK Une réappropriation de friche industrielle à l'échelle d'un territoire Une situation critique Un projet à l'échelle du territoire Les différents axes du projet

13 15 19

PARTIE II – DIFFÉRENTS POSITIONNEMENTS 1. Conserver ou démolir Le bâti industriel en tant que ressources Le bâti industriel en tant que patrimoine L'exemple de la cité ouvrière de Schüngelberg

25 27 31


2. Construire dans l'existant Différents degrés d'intervention Flexibilité des formes de l'architecture industrielle L'exemple du parc paysager de Duisburg Nord

35 38 43

3. Deux manières d'agir Par le haut Par le bas L'exemple des projets « Initiatives » et « Construire soi-même, tout simplement »

Quels enseignements pour l'avenir ?

47 48 52

57

Notes

61

Bibliographie

65

Illustrations

69


6


LES FRICHES INDUSTRIELLES AUJOURD'HUI L'industrie de production qui, depuis trois siècles, a érigé dans ou près de la ville, des bâtiments et un urbanisme singuliers, subit aujourd'hui de lourdes mutations. Victime de la mondialisation, de l'évolution des technologies et d'une prises de conscience écologiques, comme la pollution et l'épuisement des ressources naturelles, elle change de forme et migre vers des territoires moins centraux et plus compétitifs. Ainsi les géants fuient, laissant derrière eux des coquilles vides, des sols torturés et des symboles défunts. Ces traces matérielles, images d'un système reposant sur des objectifs avant tout productifs et économiques, sont aujourd'hui le symbole de l'échec des pays développés dans un monde globalisé. Ces friches dérangent, créant à la fois une pollution visuelle dans le paysage et des barrières au développement urbain. En parallèle, les municipalités ne savent que faire de ces plaies ouvertes, dont les anciens propriétaires ne veulent plus, aux sols pollués et pour lesquelles les marchés potentiellement repreneurs ont quasiment disparu. Elles restent alors en l'état pendant des années, se dégradant au fil du temps, barricadées de clôtures électrifiées et surveillées, ou bien investies sous forme de squats. Malgré ce triste constat, ces cicatrices multiples et diffuses laissées sur l’ensemble du territoire sont une palette extraordinaire de ressources possibles. De plus ce patrimoine industriel n'est pas seulement intéressant en tant qu'objet mais également pour son appartenance à une culture forte, celle de l'industrie, support d'une identité locale qui a participé à la cohésion sociale. Ces sites et l'ensemble de leurs constructions représentent tout un pan de l'histoire de la société. Ainsi, que faire et comment redonner vie à ces territoires tout en étant conscient de l'héritage industriel ?

7


Trois postures sont possibles. –

Une première, radicale, consiste à faire table rase des vestiges de la friche industrielle. La démolition totale des anciennes installations permet de retrouver un terrain vierge qui ne présente plus de contraintes pour son urbanisation future. Mais ce choix implique aussi et surtout de nier le passé du site, de renoncer à son héritage patrimonial et aux ressources disponibles que ce bâti représente.

Une autre solution, plus conservatrice mais tout aussi radicale, consiste au contraire à garder l'intégralité des bâtiments et transformer le site en musée ou éco-musée. Ce type d'action garde le site intact dans le but de mettre en valeur son patrimoine et son histoire. Cette sacralisation présente l'inconvenient de rester trop ancrée dans le passé, donnant simplement à voir la vitrine d'une époque révolue, ne prenant pas compte des multiples possibilité que ces formes pourraient remplir pour répondre aux besoins contemporains.

Enfin une dernière solution consiste à conserver tout ou une partie des bâtiments et des infrastructures dans le but de les reconvertir. L'objectif ici n'est pas de conserver ces vestiges à l'identique mais d'en réinventer l'usage pour leur donner une nouvelle modernité, les rendre capables d'accueillir de nouvelles activités, de nouvelles fonctions. En s'appuyant sur l'existant, elle permet de redonner vie au lieu tout en conservant la signification historique des bâtiments. Certes plus complexe, cette approche permet de prendre en compte l'héritage industriel du territoire et d'économiser de l'énergie et de la matière en composant avec l'existant.

Ces questionnements sont communs à de nombreuses villes et régions européennes. Certaines réponses ont déjà commencé à être expéri-mentées et, parmi elles, l'Allemagne est un des précurseurs. Les interventions liées à l'exploitation minière sont particulièrement significatives, ayant eu un impact fort sur leur environnement depuis le début de la révolution industrielle. Cette ressource naturelle a profondément modifié la morpho-logie des territoires, donnant souvent lieu à des déboisements, des effondrements de sols, introduisant dans le paysage des constructions telles que des terrils, chevalements, routes, voies ferrées sans oublier l’urbanisation plus ou moins dense liée à l'édification des cités ouvrières.

8


La région de la Ruhr et plus particulièrement la Vallée de L'Emscher, couvrant une zone de 800 km² au centre ouest du pays, a développé dès le milieu du XIXe siècle, la totalité de son économie sur l'industrie lourde du charbonnage et de la sidérurgie. Près d'un siècle plus tard, cette même économie qui avait fait prospérer la région et le pays entier s 'effondre, laissant des monstres endormis et une population fuyante. En 1989, l'IBA Emscher Park est créée et tente de donner une nouvelle dynamique à ce territoire mourant en prenant comme fil conducteur la reconversion des vestiges laissés par l'industrie sur l'ensemble du territoire. À travers ce mémoire, nous nous intéresserons dans un premier temps à une démarche significative de transformation et de réappropriation d'une friche industrielle à l'échelle d'un territoire entier, celle de l'IBA Emscher Park. Nous étudierons ensuite un questionnement directement lié, celui de conserver ou démolir l'existant. Pour cela, nous approfondirons notamment la notion de patrimoine industriel et nous analyserons en parallèle l'exemple de la cité ouvrière de Schüngelberg . Dans un troisième temps, en suivant le choix de la conservation, nous interrogerons le principe de construire dans l'existant, nous nous intéresserons alors aux différents degrés d'action possibles et à la flexibilité des formes de l'architecture industrielle, le tout sera appuyé par l'étude de l'intervention réalisée dans le parc de Duisburg Nord. Puis, dans un quatrième temps, nous observerons différentes politiques de conservation. L'une « par le haut », est synonyme d'une action planifiée et imposée par des décisions politiques fortes. L'autre se fait, à l'inverse, « par le bas », portée par l'action et l'appropriation des habitants. Ceci nous permettra d'étudier en parallèle les projets « Initiatives » et « Construire soimême, tout simplement », au sein de l'Emscher Park. Enfin nous conclurons sur les enjeux et les perspectives que proposent l'ensemble de ces questionnements et nous verrons ainsi quelles possibilités s'offrent aux décideurs politiques, à l'architecte et aux habitants aujourd'hui.

9


10


PARTIE I L'IBA EMSCHER PARK

11


12


UNE RÉAPPROPRIATION DE FRICHE INDUSTRIELLE À L'ÉCHELLE DU TERRITOIRE Une situation critique La Ruhr est un territoire ayant subi une très forte période d'industrialisation dès la seconde moitié du XIX e siècle. Les difficultés que la région a ensuite rencontrées l'ont amenée à s'interroger sur son avenir. Le bassin de la Ruhr est situé dans le Land de Rhénanie du Nord-Wesphalie, à l'ouest de l'Allemagne. Jusqu’à la fin du XVIII e siècle, la Ruhr est une région agricole. On découvre alors que son sol abrite d'importantes ressources minières, rapidement l'extraction et la transformation de ces ressources ont changé son visage. En 1857, les premiers puits de mines de charbon sont construits le long de la Ruhr, à partir de cette date une effervescence se développe autour de cette activité et très rapidement le nombre de mines atteint les 300 unités1. L'extraction se développe et se concentre peu à peu vers le nord du bassin, le long de l'Emscher où le charbon est plus abondant et de meilleure qualité. En parallèle, entre 1905 et 1957, la population passe de 2,9 à 6,2 millions d'habitants 2, cette explosion démographique aboutit à une urbanisation non régulée établie par les grands industriels de l'époque, les noyaux d'habitats s'organisent en majorité à proximité immédiate des sites industriels, dans des cités ouvrières où se concentre la main d’œuvre au plus près de leur zone de travail. Aujourd'hui la Ruhr est la région la plus dense d'Allemagne, avec 5 millions d'habitants pour 4 500 m², ceci est intimement lié à cette effervescence industrielle 3. De plus, le bassin de la Rurh fut au cœur de l'effort de guerre durant les deux Guerres mondiales, fournissant les matières premières nécessaires à l'armement, il sera le moteur économique du pays. En 1957, un siècle seulement après les prémices de cet essor, le pays est frappé de plein fouet par la crise du charbon, l'utilisation du pétrole devient principale et la concurrence avec le charbon provenant des pays de l'est est disproportionnée. Le nombre de mines en activité passent alors de 140 à

13


seulement 7 en 20004, le taux de chômage augmente de plus de 60 % entre 1965 et 19805, l'économie de la région s'effondre et laisse derrière elle de lourdes cicatrices. En effet les nombreuses industries qui ferment laissent près de dix mille hectares en friches dans la région de l'Emscher. Les propriétaires ne tiennent pas à vendre leur propriété pour ne pas avoir à payer de dettes environnementales, les sites sont alors mis sous surveillance et les bâtiments laissés à l’abandon se dégradent peu à peu, ternissant l'image de la région et rappelant constamment aux habitant les souffrances d'une crise douloureuse. De plus, après plusieurs décennies d'exploitation, la pollution est un problème majeur s'étendant à tout le territoire. Les sols sont viciés et fragilisés par les nombreuses galeries creusant le site, la nature a été polluée par les retombées toxiques expulsées par les cheminées pendant toute ces années et l'eau des rivières, notamment l'Emscher a été utilisée comme égout à ciel ouvert. En plus de la pollution et des vestiges de friches, la région a conservé de nombreuses infrastructures devenues désuètes telles que de nombreuses routes, voies ferrées et pipelines. Malgré le fait que l'abondance de ces infrastructures puisse être un atout à la mobilité, ce réseau destiné à la base aux activités industrielles a désormais perdu toute cohérence et enclave de nombreux sites. De plus l'urbanisme précipité et sans règle établi par l’industrie au détriment des structures villageoises a contribué a fabriquer un territoire peu lisible, sans réels centre ni repère, et sans identité historique traditionnelle. L'ensemble de ces résultantes a contribué à un effondrement de l'activité générale, et, comme l'indiquent les slogans brandis par les ouvriers, « d'abord meurt la mine, ensuite meurt la ville »6. Le territoire entier se transforme en immense friche industrielle et s'engouffre dans une spirale infernale. Son image dégradée et son déclin économique font peu à peu fuir les populations et les investisseurs. De plus, la Ruhr ne comporte pas de grande ville qui dominerait historiquement la région, seulement des villes moyennes tels que Essen, Duisburg ou Dortmund qui agissent plus en compétition qu'en coopération. Ce dernier point est un véritable handicap,

14


empêchant toute vision à grande échelle et fragmentation encore plus importante du territoire.

aboutissant

à

une

À la fin des années 80 le déclin industriel a donc laissé de lourdes traces : – d'importantes pertes d'emploi et du chômage ; – de multiples friches industrielles ; – des cités industrielles vétustes ; – une pollution des sols, de l'air et des rivières ; – des infrastructures obsolètes ; – un urbanisme non contrôlé ; – une qualité de vie médiocre ; – une image « noire » de la Ruhr ; Ainsi, la situation est critique et les enjeux sont énormes : c'est dans ce cadre que va naître l'IBA Emscher Park pour tenter de réanimer ce territoire mourant.

Un projet à l'échelle du territoire L'acronyme « IBA » (Internationale Bauausstellung) désigne une « Exposition Internationale d'Architecture ». Mais en Allemagne, ce type d’événement est différent d'une exposition classique, il ne se concentre pas sur un site clos et n'est pas une intervention éphémère. Par définition, « les IBA intéressent un vaste territoire et s'attachent à lui porter une valorisation durable par le biais de projets nombreux et divers qui contribuent à toutes les dimensions du développement : sociale, économique et environnementale. L'IBA n'est ni une institution, ni une procédure. C'est un concept fédérateur autour d'une stratégie, qui se concrétise par la réalisation, dans un temps limité, de projets innovants et durables, à valeur exemplaire »7. Ce type de démarche est spécifiquement allemand et fut mis en place pour les villes et régions de Darmstadt (1901), Stuttgart (1927), Berlin (1957 et 1984), Emscher Park (1989 Stadtumbau (2000), Hambourg (2006)8. Ainsi en 1989 le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie décide de lancer une IBA sur le territoire de la Rurh afin d'encourager des pistes pour reconvertir les nombreux sites industriels laissés en friche et l'ensemble du réseau hydrographique fortement pollué. Dès lors, le gouvernement mandate le ministère du Développement urbain, de

15


16


l'Habitat et des Transports pour l'organisation de l'IBA Emscher Park, trois hommes seront à la tête de cet événement : – Karl GANSER, professeur et haut fonctionnaire au ministère de l'Urbanisme et du Land ; – Christoph ZOPEL, ministre du Développement urbain, de l'Habitat et des Transports du Land ; – Johannes RAU, Ministre-Président du Land ; Dix-sept municipalités seront engagées dans ce vaste projet par le biais de leurs parlements locaux, le gouvernement de la région de la Ruhr, des organisations syndicales et patronales, des sociétés privées, des associations d'architectes et urbanistes ainsi que des associations de sauvegarde du paysage. Ainsi la zone d'action de l'IBA est définie et s'étale sur l'ensemble d'un territoire d'une superficie de 800 km², s'étendant de Duisburg à Berkamen, le long de la rivière de l'Emscher, et réunissant 17 municipalités concernant 40 % de la population de la Ruhr soit 2,2 millions d'habitants, enfin il est décidé que cette action s'étalera sur une période de dix ans 9. La philosophie de l'IBA sera dans un premier temps de ne pas proposer de projet trop détaillé, de plan directeur ou de budget précis. Son rôle sera d'accompagner les communautés locales et les maîtres d'ouvrage privés dans l'établissement de leur projet par le biais de groupes de travail, d'assurer la médiation des projets et d'organiser des concours d'architecture, de suivre les projets tout en veillant au respect des critères définis et enfin d'aider les acteurs à trouver des sources de financement. Différentes institutions financeront le projet, les plus importantes seront le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie et les Fonds européens. De plus, pour des projets de logements, bureaux et commerces, des partenariats publicsprivés (PPP) seront établis et quelques mécènes participeront au financement de projets culturels et artistiques. Enfin le Grundstücksfond, qui est le fond foncier régional, est créé dans le but d'acheter, de dépolluer et revendre les friches aux différents maîtres d'ouvrage publics. C'est au total 5 milliards de Deutschemarks soit plus de 2,5 milliards d'euros qui seront réunis pour l'établissement du projet 10.

17


18


Les différents axes du projet L'IBA Emscher Park décide d'orienter les projets selon 5 axes. –

Réaliser un parc paysager le long de L'Emscher. Ce parc s'étendrai de Duisburg jusqu'à Dortmund, connectant tous les espaces verts tels que des friches industrielles ou des parcs locaux dans le but de créer une trame verte continue entre les villes et les différents projets. Constitué de pistes cyclables et de différentes promenades, ce parc est la colonne vertébrale du redéveloppement de la région, s'inscrivant dans une logique de métropolisation. Il doit ainsi être le support de multiples activités et permettre aux habitants de retrouver un lien avec la nature.

Assainir la rivière de l'Emscher. Transformée par les industries en égout à ciel ouvert, il fut primordial de dépolluer cette rivière afin de rétablir l'écosystème de la région.

Travailler dans le parc. Il s'agit ici de recréer de l'emploi dans des secteurs autres qu'industriels, et de se tourner plutôt vers le secteur tertiaire en créant des pôles technologiques, scientifiques et de services. L'établissement par le parc d'un cadre paysager exceptionnel présente ainsi une grande force d'attraction. Au total 20 projets verront le jour, dont 17 nouveaux centres technologiques.

Habiter dans le parc. Le but est de renouveler le parc de logements afin de renverser l'évolution démographique de la Rurh. Cet axe est alors porté par des projets rénovation de structures existantes, près de 3 000 appartements et 6 cités jardins. À cela s'ajoute la création de 21 nouveaux lotissements comptant au total 2 500 logements, construits en suivant des principes environnementaux tels que la gestion des eaux pluviales, l'économie d'énergie et l'utilisation d'énergies renouvelables.

Sauvegarder et reconvertir les friches industrielles. Depuis le début, l'action de l'IBA prend pour base la préservation et la reconversion des bâtiments déjà présents sur le site. Ces bâtiment appartenant à

19


un modèle industriel sont très spécifiques et contribuent à donner une identité à la région : ce sont ces formes particulières et l'activité qu'elles ont pu développer qui on bâti la culture des habitants de la Ruhr. Après le déclin brutal de l'industrie, cette architecture est devenue le symbole de l'échec de ce territoire. L'objectif de l'IBA est de transformer et de se servir de ces cicatrices comme vecteur et support du renouvellement régional. Pour cela, la réappropriation par la culture fut particulièrement adaptée et l'art tient une place majeure dans ce processus, offrant une seconde vie aux bâtiments11. Ainsi l'IBA Emscher Park est une démarche innovante et emblématique de reconversion d'un ancien monstre industriel, à l'échelle d'un territoire entier. En prenant comme parti de conserver et d'utiliser les friches industrielles présentes sur l'ensemble du territoire, cette démarche nous amène à nous poser des questions sur les enjeux concernant la préservation des bâtiments existants mais hors d'usage.

20


21


22


PARTIE II DIFFÉRENTS POSITIONNEMENTS

23


24


1. CONSERVER OU DÉMOLIR Le bâti industriel en tant que ressource Les produits jetables, l'obsolescence programmée, les réparations prévues à l'avance approvisionnent artificiellement le marché. Le bilan est le même pour l'industrie du bâtiment que pour n'importe quel autre produit : pour relancer l'économie, il faut détruire et recréer. Cette idée est directement héritée des années 50 avec l'apogée de la société de consommation, où aux États-Unis on ne reprisait plus les chaussettes trouées mais on les jetait, tout simplement car c'était moins cher 1. Un peu plus tard cette anecdote était omniprésente lors de chaque débat concernant une démolition : il est moins cher de démolir et reconstruire neuf que de réhabiliter. Ce rejet de l'existant fait partie de l'idéologie fonctionnaliste, affirmant que la modernité n'est envisageable qu'en dehors de l'ancien, sur un terrain vierge, et que tout est à refaire. La surenchère du neuf représentait l'image du progrès et de la prospérité : à cette époque en Europe, pour adapter les villes aux nouveaux enjeux, le plus intéressant semblait être de détruire les structures urbaines jugées dépassées et en reconstruire des nouvelles mieux adaptées. En Allemagne, plus de 70 % du bâti existant a été construit au cours des 6 dernières décennies 2. Durant cette période les projets de reconversion et réhabilitation étaient considérés par les architectes et les urbanistes comme des projets de second choix. En réaction, les membres du mouvement Archigramm présentent alors leur concept de « maison jetable », destinée à satisfaire les désirs d'un homme moderne de plus en plus mobile. À travers cette caricature, le groupe remet en question ces nouveaux idéaux et cherche à faire prendre conscience de l'absurdité de cette nouvelle société. En réalité nous devrions vivre depuis longtemps dans une société de l'existant, à l'époque pré-industrielle la reconversion de l'existant était autant une nécessité économique qu'une évidence culturelle. Les investissements techniques et temporels, la durée d'exploitation et la valeur du bâti

25


imposaient de construire pour la durée et d'intervenir prudemment sur l'existant. L'offre limitée des matériaux, les transports qui étaient la plupart du temps aussi chers que la démolition, faisaient des reconversions ou réutilisation de lieux, de parties de bâtiments ou des matériaux, une évidence. Niklaus Kolher est actuellement directeur de l'Institut pour la construction industrielle à l'université de Karlsruhe. À la fin des années 90, il orienta ses études sur les flux de ressources en Europe, consistant à analyser le cycle de vie des matériaux en partant des coûts d'extraction et de fabrication jusqu'aux coûts de recyclage, en passant par les coûts de transport et de mise en œuvre. Il en conclut que les bâtiments déjà construits en Europe suffisaient largement à satisfaire les besoins d'une population dont le nombre a globalement cessé de croître, et qu'il n'était pas nécessaire de continuer à produire des bâtiments neufs. Ainsi selon lui, avant d'entreprendre tout nouveau projet, le maître d'ouvrage devrait commencer par se demander s'il est vraiment nécessaire de construire un nouveau bâtiment ou si le problème pouvait être résolu en utilisant un bâtiment déjà existant. D'après Niklaus Kolher, « Il faut apprendre à gérer le stock de bâtiments existants au même titre qu'un patrimoine financier, physique et culturel déjà très important3 », pour cela la solution se trouve alors plutôt dans des techniques d'entretien, de rénovation et d'adaptation du bâti existant. Pour ce qu'il est des constructions neuves, il recommande de construire des structures adaptables à long terme à des usages imprévisibles aujourd’hui. Construire dans l'existant ne concerne donc pas seulement le cas de monuments historiques classés, mais bien l'ensemble des bâtiments, et notamment des bâtiments jugés banals ou souvent négligés comme les architectures industrielles. En principe tout et n'importe quoi, à un moment donné, pourrait être reconverti, il n'y a pas, a priori, d’impossible. Dans le cas de l'Allemagne, la proportion des investissements dans l'existant augmente largement depuis le début des années 70. Déjà au milieu des années 80, plus de la moitié des moyens consacrés à la construction l'étaient dans l'existant4. Depuis la proportion continue d'évoluer dans ce sens. La réutilisation de l'existant a aussi un impact écologique. En effet les transformations et reconversions du bâti ancien sont aujourd'hui les bases d'un urbanisme qui tente de protéger les ressources naturelles par l'évolution de

26


la ville par l'intérieur. Une perception différente de l'existant peut alors être envisagée : la ville déjà construite est désormais considérée comme une réserve intermédiaire où se mélangent une grande quantité de matériaux et d'énergies, le bâti peut ainsi être considéré comme un « matériau de construction », une ressource librement disponible, modifiable et utilisable actuellement ou plus tard par les générations futures.

Le bâti industriel en tant que patrimoine Le bâti existant constitue donc une immense réserve matérielle, une ressource omniprésente pouvant être réutilisée à un moment ou à un autre. Cette ressource représente ainsi un potentiel matériel, strictement physique, mais c'est aussi un objet qui véhicule une histoire, qui possède une mémoire et reflète un certain moment du passé. C'est un objet qui a un sens particulier pour les individus qui l'ont côtoyé, et il fait parti intégrante de la culture de son territoire. Ethnologiquement le patrimoine signifie « l'héritage du père », il est légué par les génération précédentes à ses descendantes et véhicule, par le biais d'un objet physique, la mémoire des anciens. Selon Françoise Choay, le patrimoine « assure, rassure, tranquillise en conjurant l'être du temps. Il est garant d'origine et calme l'inquiétude que génère l'incertitude des commencements. Défi à l'entropie, à l'action dissolvante qu'exerce le temps sur toute choses naturelles et artificielles, il tente d'apaiser l'angoisse de la mort et de l'anéantissement 5 ». Ainsi, dans le cas d'une architecture reconvertie, le bâtiment devient un véritable palimpseste, ce terme désignant une surface écrite qui a été grattée pour pouvoir recevoir un nouveau texte, est la métaphore de ce type d'intervention, mettant en avant les témoignage de plusieurs histoires. « Les lieux dont on se souvient, et les lieux qu'on anticipe, s'enchevêtrent dans le laps de temps du présent. Mémoire et anticipation constituent en effet la perspective réelle de l'espace et lui donne une profondeur 6 » cette phrase d'Aldo Van Eyck évoque bien la relation du temps et de l'espace des architectures reconverties. Les cités industrielles font aujourd'hui pour la majorité partie du passé, il n'en reste pas moins que ce passé mérite d'être sauvegardé. C'est à partir des années 50, en Angleterre, qu’apparaît le terme de « patrimoine industriel »,

27


28


suite à la destruction de nombreuses usines lors de la Seconde Guerre mondiale. En 1955, l'historien Michael Rix emploie le terme « d'Archéologie industrielle7 » pour définir son étude menée sur les vestiges de la révolution industrielle ; depuis le processus de revalorisation de cette architecture n'a fait que s'amplifier. Aujourd'hui, l'inscription d'anciennes usines sur les listes du Patrimoine de l'humanité de l'UNESCO met au premier rang l'importance de cette architecture, en tant que vestige historique d'une époque de grandes mutations technologiques et sociales. L'IBA Emscher Park est un des cas les plus représentatifs d'un site possédant un patrimoine et une culture complètement liés aux activités industrielles. Cette intervention a fortement participé à la diffusion du terme de « patrimoine industriel ». En 1992 est créée la Fondation pour l'entretien des monuments industriels et la culture historique : elle récupère les bâtiments dont les propriétaires se défont dans le but de s'en servir dans l’établissement de différents projets et afin d'en éviter la destruction 8. Dès sa création, la fondation a été confrontée à trois obstacles majeurs : – tout souvenir de l'industrie minière et sidérurgique est considérée comme un handicap pour l'avenir de la région ; – le coût de la réhabilitation des monuments industriels est jugé trop élevé et improductif ; – les monuments industriels ne correspondent pas à l'idée que l'on se fait traditionnellement de l'héritage culturel d'un pays. Ces trois raisons poussaient les autorités à complètement raser la zone 9, mais cette attitude tournait le dos à l'histoire du lieu. En effet les installations industrielles offrent un témoignage précieux sur la conception du travail et son évolution depuis la deuxième moitié du XIX e siècle jusqu'au début de la dernière moitié du XXe siècle. De plus, dans la Ruhr, les formes industrielles telles que celles des hauts-fourneaux, les chevalements de mine, les terrils, les canaux, les laveries de charbon, les gazomètres, représentent les seuls points de repères qui constituent la mémoire de la région. C'est grâce à leur monumentalité que certains bâtiments industriels constituent des repères remarquables utilisés quotidiennement par les habitant en tant que point d’orientation. Leur conservation est extrêmement importante et représente l'identité culturelle de la Ruhr. Aux yeux des populations issues de cultures multiples, les monuments laissés par l’industrie constituent ainsi les seuls témoins d'une mémoire commune, cette architecture est le ciment de la cohésion sociale de la région.

29


30


La principale question fut l’établissement de critères visant à définir s'il était légitime de détruire ou au contraire de conserver tel ou tel bâtiment industriel. L’objectif fut de rechercher un équilibre entre la récupération et l'entretien d'un côté, l'obsolescence et la transformation de l'autre. Finalement l'IBA a choisi d'acquérir un certain nombre de friches industrielles et d'en sauvegarder les monuments les plus remarquables par leur architecture ou leur importance dans le développement industriel régional 10.

L'exemple de la cité ouvrière de Schüngelberg Un des grands axes du projet de l'IBA est celui de la régénération de l'habitat, en modernisant les logements existants et en développant de nouvelles formes d'habitat en accord avec le renouvellement écologique, économique et social de la région. Les principaux axes de projet sont : – la réhabilitation écologique et sociale des cités ouvrières et leur adaptations aux nouveaux besoins ; – la remise en place d'une vie communautaires notamment dans le but d'encourager les constructions coopératives ; – offrir des habitats attractifs pour attirer du personnels susceptibles de venir travailler dans la région ; – créer des équipements dans le but de réanimer les quartiers. Pour cela l'IBA avait programmé la construction de 3 000 logements neufs et la réhabilitation de 3 000 logements11. Pour ces logements à réhabiliter, la majorité font partie de cités ouvrières et cités jardins, la modernisation des maison anciennes consista à remettre en état les structures et façades, à améliorer le confort intérieur, à décloisonner les plan afin d'agrandir les espaces, à réaménager les jardins ainsi que les espaces verts des cités. Pour le plan urbain de ces dernières, il fut question de les agrandir et les densifier pour accueillir de nouveaux habitants et les faire évoluer. L'intervention de l'IBA dans la cité-jardin de Schüngelberg à Gelsenkirchen est significative de cette stratégie de modernisation et d'adaptation du patrimoine existant, plus spécifiquement celui de l'habitat. La cité de Schüngelberg fut créée dans les années vingt pour loger les ouvriers de la mine Hugo. La cité constituée de 360 logements abrita 1 600 habitants sur 7 hectares. Construite sur 20 ans, elle regroupe différents types de logements

31


dont des habitations pour quatre familles avec un plan en croix, des maisons jumelles et des maisons mitoyennes entre 60 et 70 m² pour les ouvriers, des autres de 130 m² pour les fonctionnaires, ainsi que des maisons à deux étages conçues pour héberger dix familles 12. À la fin des années quatrevingt, cette mine employait 3 500 personnes. Active jusqu'en 2005, l'usine dut brutalement fermer ses portes comme de nombreuses autres ; sans usine, la cité ouvrière de Schüngelberg se vida progressivement. Le modèle de cité ouvrière était très répandu dans la Ruhr et logeait la quasi totalité des ouvriers et leurs familles durant plus d'un siècle, c'est donc un des éléments majeurs de la culture et du patrimoine industriel. Malheureusement, hors contexte minier, son schéma devint très contraignant sur plusieurs points : – encerclée par une mine, un énorme terril, des égouts et un chemin de fer, la cité ouvrière était complètement enclavée. Dans un contexte ouvrier, cette vie en autarcie liant directement le lieu de travail et le lieu de vie faisait partie du quotidien des ouvriers et en était directement adapté. La cité était en quelque sorte le prolongement de l'usine, c'était aussi une stratégie pour l'entreprise de loger les employés au plus près du lieu de travail afin de garder un certain contrôle sur ces derniers et les encourager à tisser des liens entre eux. Dans une situation dans laquelle la mine a disparue, la cité ouvrière devint invivable ; – le confort de l'habitat ouvrier était précaire. En effet à la fois petites, largement cloisonnées, mal isolées et dépourvues d'équipements sanitaires, ces maisons n'étaient plus adaptées au mode de vie actuel ; – ayant été au plus près de la mine, et des ensembles d'usines, de lourds travaux d'assainissement étaient indispensables. Pour ces différentes raisons, la cité était vouée à une destruction complète dans les années 70. Mais ce cas était caractéristique de l'ensemble des cités ouvrières de la région. En réaction, l'IBA monta des projet afin de sauver ces lieux. Pour celle de Schüngelberg, le but du projet fut dans un premier temps de rénover les 360 logements présents, puis d'en ajouter 230 nouveaux afin d'accueillir 1 000 nouveaux habitants 13. De plus il fallait agrandir, densifier et désenclaver la cité. Il fut aussi question de redonner une vie communautaire au lotissement, les travailleurs vivant autrefois constamment ensemble, la vie en communauté était un point phare des cités ouvrières.

32


Ainsi les façades des maisons existantes furent restaurées et l'intérieur fut rénové : renforcer l'isolation, changer le système de chauffage, réduire considérablement le nombre de cloisons afin d'obtenir des espaces plus généreux, créer une salle de bains, réaménager les combles en chambre. Dans certains cas des ensembles de trois maisons mitoyennes furent réaménagés pour créer deux maisons plus grandes. La densification s'est faite au détriment des anciens jardins familiaux ; pour palier cela, de nouveaux jardins d'environ 120 m² chacun, sont attribués à deux familles qui le partagent, ce qui permet de tisser des liens entre les voisins ; de plus les habitants ont réalisé eux-mêmes des jardins collectifs au cœur du quartier 14. Un ancien immeuble d'habitation des années 50 a été reconverti en tant que maison de quartier et abrite une association de voisinage avec un café, une chambre d'hôtes, une salle de formation et d'atelier, ainsi qu'un terrain de foot15. Pour le plan urbain de la ville, le projet avait pour but de rattacher le lotissement aux alentours afin de le rendre moins isolé. Alors que la cité est organisée en cercles concentriques, le projet trace une grande rue diagonale se continuant dans l'axe par un escalier gravissant le grand terril et aboutissant sur une place publique. Le terril devient un élément urbain majeur. Cette colline artificielle construite par accumulation de résidus miniers a été aménagée en promenade aboutissant à un large panorama sur tout l'ensemble du territoire. Ce terril fait aujourd'hui partie des éléments paysagers majeurs de l'Emscher Park, sa forme en double pyramide est mise en valeur par l'installation artistique « signal nocturne », où deux projecteurs-réflecteurs dessinent le sommet de la pyramide par l'intermédiaire de faisceaux lumineux. Le projet élaboré dans le cadre de l'IBA pour la cité ouvrière Schüngelberg à Gelsenkirchen, ainsi que l'ensemble des opérations conservation et rénovation des cité ouvrières de la région, représente bien l’intérêt de conserver le bâti existant en tant que ressource matérielle mais aussi en tant que patrimoine industriel.

33


34


2. CONSTRUIRE DANS L'EXISTANT Différents degrés d'intervention Nous avons vu précédemment que, face à l'existant, plusieurs postures étaient envisageables. Dans un premier temps la grande question est « fautil conserver ou démolir ? ». En restant dans l'hypothèse d'une conservation, plusieurs voies et différents degrés d'intervention peuvent être identifiés. Lors d'une intervention sur une structure existante, chaque action est directement liée à trois éléments : – une réalité physique, la matière de l'édifice, sa forme ; – une réalité historique, l'histoire du lieu et la signification qu'il représente, sa mémoire ; – une réalité fonctionnelle, le rôle que doit remplir le bâtiment, son usage. L'action aura ainsi une incidence plus ou moins importante sur chacun de ces éléments. Chaque élément peut être décomposé selon trois degrés d'intervention, allant du plus minime au plus conséquent : – pour la matière, le premier degré d'intervention est l'entretient, puis la modification et enfin la destruction ; – pour la mémoire, cela va de la conservation à l'altération, et enfin à la perte ; – pour l'usage, l'action la moins conséquente est la conservation de la fonction présente, puis la modernisation et enfin la transformation. Il existe ainsi plusieurs manières d'agir sur l'existant, menant à une transformation plus ou moins importante de la forme, la mémoire et l'usage de ce dernier1. Dans son ouvrage Histoire de construire, Patrick Bouchain énonce la ritournelle suivante « Consolider plutôt que réparer, réparer plutôt que restaurer, restaurer plutôt que refaire, refaire plutôt qu'embellir 2 », ces termes résument bien les différents degrés d'intervention possibles. L'architecte propose ici une démarche plus respectueuse, moins extrême que la majorité des rénovations et reconfigurations dans l'air du temps, une

35


hiérarchie visant à réduire au maximum l'impact de l'intervention et de ne pas considérer le patrimoine comme un objet figé dans une certaine époque mais au contraire comme une matière vivante qu'il suffit d'entretenir et d'adapter au fil du temps. Les mots employé par Patrick Bouchain, très souvent utilisés en architecture, reflètent chacun un échelon et une intensité différente de l'intervention.

36

Consolider. Ce terme vient du latin « consolidare » et signifie « cicatriser ». C'est le fait de rendre plus stable, donner plus de solidité. Le terme « cicatriser » illustre bien ce type d'intervention qui reste minime et ne transforme que très peu l'objet, la matière et la mémoire initiale de l'objet sont entièrement conservées, on rajoute simplement un élément pour le rendre plus solide 3.

Réparer. C'est le fait de remettre en bon état, en état de marche. Cette action a un peu plus d'incidence qu'une simple consolidation, en effet réparer induit que la matière initiale a été modifiée4.

Restaurer. Ce terme vient du latin « restaurare » qui signifie rebâtir, réparer, refaire » ou « reprendre, renouveler ». C'est le fait de remettre en bon état une chose dégradée, à la différence d'une réparation où le but est simplement que l'objet continue à vivre, une restauration induit le fait de remettre en bon état en essayant de respecter l'aspect primitif, le style de l'objet, ou encore trouver un état qui convienne à l'époque où l'on le restaure. Ainsi une restauration modifie la forme mais pas l'usage5.

Refaire. Le fait de refaire a plusieurs significations, ce peut être « faire de nouveau ce qui a déjà été fait », « réparer », ou à l'inverse remettre à neuf. En architecture on utilise plutôt le terme de réfection qui lui signifie réparer et entretenir un bâtiment, la aussi seulement la forme est concernée et non l'usage 6.

Embellir. Vient du latin « bellus» qui signifie «beau». C'est le fait de rendre plus beau, en architecture ce terme pourrait correspondre à une rénovation, qui correspond à une remise à neuf. Une rénovation est ainsi plus qu'un simple entretien, elle évoque souvent une modernisation, une transformation, une amélioration. Ici aussi


c'est seulement la matière qui est concernée, et l'état primitif de l'objet est nettement moins pris en compte 7. Ainsi l'ensemble de ces termes graduent différents degrés d'intervention. Ce qui ressort de ces définitions, c'est que l'ensemble de ces mots concernent la modification de la matière et de la mémoire de l'objet mais ne remettent pas en cause son usage. Certain termes définissent ainsi plutôt un changement d'usage et non de forme ou de mémoire. –

Reconvertir. Signifie « adapter à des conditions nouvelles ». En architecture le fait de reconvertir un édifice signifie que l'on conserve l’essentiel de sa forme et sa mémoire en lui donnant un usage différent8.

Réapproprier. Une réappropriation correspond au fait d'utiliser de façon plus efficace un objet en modifiant son usage, en intervenant le moins possible sur sa forme et sa mémoire. Le but d'une réappropriation est d'adapter aux besoins d'aujourd'hui tout en conservant l'histoire et la forme de l'objet 9.

Ainsi la vie se situe entre deux infinités théoriques : soit on ne consomme rien, la matière reste la même indéfiniment (ceci exclut le fait que la matière se dégrade obligatoirement avec le temps), soit on change tout constamment (ceci exclut le fait que les ressources n'existent pas en quantité infinie, et qu'une fois l'énergie consommée pour fabriquer un matériau, il n'est plus possible de la récupérer) 10. Ainsi le fait de réapproprier le patrimoine en agissant plutôt sur son usage que sur sa matière et sa mémoire est la solution la plus appropriée aujourd'hui afin de réduire l'impact de l'homme sur la Terre, en réduisant ainsi au maximum l'impact sur la matière et en se contentant d'adapter l'usage du patrimoine en fonction des nouveaux besoins. Ainsi, lorsqu'un bâtiment devient hors d'usage, reconversions et réappropriations sont observables. –

plusieurs

types

de

Soit on essaie de de garder au maximum l'image originelle du lieu en conservant donc à la fois sa matière et sa mémoire en lui assignant une fonction ayant l'impact le plus minime possible sur les

37


deux éléments précédents. Ce cas est représentatif des transformations de sites en musée ou éco-musée. Ce type d'action garde ainsi au maximum l'histoire et la forme du lieu, mais reste souvent trop ancrée dans le passé, offrant simplement à voir la vitrine d'une époque révolue, et ne prenant pas en compte les multiples autres usages plus appropriés au monde contemporain, que ces formes pourraient accueillir. –

Soit on lui assigne un usage complètement différent mais plus adapté aux besoins contemporains, en leur donnant une nouvelle modernité. En s'appuyant sur l'existant, cela permet de redonner un sens au lieu tout en conservant la forme et la mémoire du bâtiment. Cette approche permet de prendre en compte l'héritage patrimoniale et d'économiser de l'énergie en composant avec l'existant de la manière la plus efficace possible.

Ainsi la reconversion est une façon de mettre en scène, simultanément et dans un même espace, la mémoire d'un lieu et son nouvel usage tout en économisant de l'énergie et de la matière.

Flexibilité des formes de l'architecture industrielle Au début du XXe siècle, l'architecte américain Louis Sullivan énonce la célèbre théorie des trois « F », « Form Follows Fonction », « la Forme suit la Fonction » : l'ensemble des productions modernes suivront cette démarche fonctionnaliste. Ce débat FFF nourrira la discipline tout au long du siècle, voyant apparaître diverses variantes tel que « la Forme suit le Fiasco » (Peter Blake, 1974) ou encore « la Forme suit la Fiction » (Michel Denès, 1996)11. Ainsi si la fonction crée la forme, que faire de la forme quand la fonction a disparu ? La forme existant peut-elle accueillir une nouvelle fonction ? Quelle fonction peut accueillir la forme ? Tout le travail sur les édifices existants se construit autour de ces questionnements. Pour qu'une reconversion soit réussie, il faut qu'il y ai une bonne adéquation entre la fonction nouvelle et la forme existante. Dans ce cas, il est primordial d'analyser la nature du bâti avant de pouvoir suggérer une utilisation nouvelle, et, comme l'écrit Claude Soucy « de la rencontre

38


entre une enveloppe ancienne et des besoins et des moyens nouveaux, va naître un objet singulier qui n'est pas simple juxtaposition mais synthèse, à la fois constructive et architecturale12 ». Dans le cas des reconversions de bâtiments industriels, ces questions sont prépondérantes, et ses formes sont souvent très spécifiques. En effet cette architecture souvent construite sans architecte, de façon anonyme, se permet d'aborder toutes les folies, ne respectant souvent aucun code architectural ou préoccupation esthétique, conçue selon des règles rationnelles et productives ; ce type d'architecture hors norme est pourtant omniprésent. Construite comme un outil, elle est souvent le reflet exact et brutal de la fonction qu'elle abrite, ce qui rend d'autant plus complexe le fait de lui en assigner une nouvelle. Originaires de la région de la Ruhr, le couple de photographes Hilla et Bernd Becher ont passé leur vie à capturer ces monstres industriels. Ayant démarré leur production dans un premier temps en Allemagne, ils se sont étendus peu à peu à l'Europe puis l'Amérique du Nord. Dans leur ouvrage Anonyme Sculpturen publié en 1970, les artistes répertorient et exposent ces formes diverses et variées toutes plus étranges et spécifiques les unes que les autres. Construites à l'échelle d'une production, ou d'un flux matériel, ces constructions industrielles représentent souvent un volume important, et des espaces surdimensionnés dont les nouveaux usages peuvent bénéficier. Abordant la plupart du temps un plan libre et des façades indépendantes de la structures, ces bâtiments offrent malgré leur forme, un large éventail de possibilités. Dans certains cas les objets sont très spécifiques et il est difficile de trouver une nouvelle fonction adéquate, il faut alors mettre au point un programme taillé sur mesure pour les bâtiments permettant de tisser de nouveaux liens entre espace et fonction. Cette capacité qu'une forme a à pouvoir s'adapter au fil du temps, à des usages différents, peut être associée au principe de flexibilité, « la flexibilité d'une forme (donc d'une matière et de sa mémoire) est la posture de projet fondamentale qui permet de l'utiliser temporairement pour un usage particulier tout en permettant le changement d'usage sans occasionner de nouvelle dépense de matière13 ». Ainsi dans le cas d'une reconversion, « la Forme suit la Flexion 14 ». Actuellement les cycles de reconversion des

39


40


bâtiments sont de plus en plus courts, il devient donc nécessaire de considérer les fonctions de manière temporaire dans l'idée d'une stratégie à long terme mise en place pour l'espace, et dans laquelle la reconversion est synonyme d'économie de matériau, de surface et d'énergie. En suivant cette démarche pour la construction de bâtiments neufs, il faudrait dès la phase de projet prendre en compte les capacités du bâtiment à pouvoir s'adapter à différentes transformations fonctionnelles, afin que les usages évoluent au même rythme qu'évoluent les besoins, sans pour autant être contraint de changer la forme du bâtiment. De plus dans les cas extrêmes où la démolition est inévitable, il faudrait plutôt parler de « démontage » ou de « déconstruction structurelle15 ». Ainsi si la forme du bâtiment ne peut pas être reconvertie, les matériaux qui le composent, eux, peuvent toujours l'être, être réemployés vers un nouvelle usage sans subir les transformations irréversibles qu'occasionnent une démolition ou un recyclage. En suivant cet optique, dans le prochain « Plan des déchets » de la région de Bruxelles Capitale, l'administration bruxelloise a mise en place l'obligation, pour des édifices dépassant une certaine taille, de procéder à un inventaire des matériaux contenus dans le bâtiment 16. Cette mesure sert aussi bien les intérêts des entreprises chargées de démonter le bâtiment, que ceux d'un éventuel secteur du réemploi qui aurait une vision précise des matériaux à récupérer. De plus, intervenir sur un édifice existant, c'est composer avec lui, jouer avec des contraintes qui s'ajoutent à celle du programme et finalement ce sont souvent ces contraintes qui aboutissent à certaines libertés, qui permettent de faire naître des solutions architecturales qui n'auraient pas été envisageables dans un autre cas. Cette manière particulière de faire du projet est fortement illustrée par les édifices présents dans le parc de Duisburg nord.

41


42


L'exemple du parc paysager de Duisburg Nord À la fin du XIXe siècle, la périphérie de Duisburg Nord subit la première vague d’industrialisation et s'urbanise totalement. En 1901 le groupe Thyssen y installe la fonderie Rheinnische qui fera travailler jusqu'à 2 600 ouvriers dans les années 50 et sera à l'origine du développement des infrastructures autoroutières et ferroviaires à proximité et au travers du complexe, ainsi que l'établissement de nombreuses cités ouvrières en périphérie. En 1985, après 85 ans d'activité et 37 millions de tonnes de fonte produite 17, l'aciérie ferme ses porte, victime de la crise, entraînant la transformation du site en une immense friche industrielle. Après la fermeture, et suite à une étude démontrant que le coût de la démolition était plus élevé que celui de sauvegarde, la ville lance un concours dans le but de reconvertir cette friche. En 1989, la ville de Duisburg soumet à l'IBA la proposition de créer un parc paysager de plus de 200 hectares entre les quartiers Hamborn et Meiderich de la ville de Duisburg, destiné aux 100 000 habitants 18 du nord de cette ville. Au centre du parc se trouve l'ancienne installation de hauts fourneaux, les installations techniques encore existantes, les bâtiments, les faisceaux de voies et les infrastructures, le projet lauréat sera celui de Peter Latz et son équipe intitulé « un comportement respectueux de l'existant ». Ce projet élabore le parc selon 5 axes. –

Divers jardins dans le parc. Répartis dans l'ensemble du parc, ce sont des points d'arrêt qui ponctuent le parcours. De nature très variée, chaque jardin est traité sous un angle différent.

Des rues reliant le parc à son extérieur. Ce sont des allées plantées, ponctués de jardins et de places, qui effectuent un lien entre les quartiers individuels et l'intérieur du parc

L’introduction du parc avec des espace dédiés à la population. Des espace publics tels que des maisons des jeunes, kiosques, placettes, assurent la transition entre le parc et les quartiers alentours.

43


La décontamination des sols. Saturé de matières toxiques, le sol doit être assaini notamment par l'effet de végétaux participant à la décontamination de ces derniers.

La sauvegarde et la reconversion des bâtiments existants. De manière générale, la globalité des bâtiments se sont vu attribuer de nouvelles fonctions sans modifier leur structure de base, et participent à la création d'un pôle culturel.

Ce dernier point est le liant du projet, en alliance avec les espaces verts, les bâtiment participent à la création d'un véritable paysage industriel, ces formes de bâtiments très spécifiques ayant trouvé une nouvelle fonction proposent des solutions architecturales surprenantes. Ainsi, les murs en béton d'une épaisseur de plusieurs mètres des anciens fourneaux ont été transformés en centre d'escalade ou délimitent divers jardins contemplatifs, le gazomètre, d'une profondeur de 45 m a été rempli de 20 000 m² d'eau, et est devenu un centre de plongée. L'aire de coulée des hauts fourneaux fait office de scène de spectacle, d'opéra et de cinéma en plein air, tandis ce que les anciennes turbines à gaz et les halls des machines servent de salle de théâtre et de conférence. De plus le sommet du plus grand des hauts fourneaux est accessible à pied et offre une plate-forme panoramique sur l'ensemble du site. En parallèle l'installation de distribution principale a été transformée en accueil des visiteurs et l'ancien dépôt de fer est devenu un complexe sportif pour les jeunes. L'atelier de Möllenwagenwerkstatt a été réaménagé comme maison pour des associations et l'ancien bâtiment administratif de l'usine sidérurgique a été transformé en auberge de jeunesse et école hôtelière et depuis 2007. La gare qui se trouve sur le site, servant initialement au transport des marchandises sert aujourd'hui au trafic touristique19. Finalement le parc paysager est traversé par un grand sentier vert, ancienne ligne ferroviaire, cette infrastructure a été reconvertie en tant que tracé d'une piste cyclable et chemin piétonnier sur une longueur de 10 km entre les villes de Duisburg et d'Oberhausen. Le sentier est ainsi un maillon central d'un réseau de pistes cyclables attrayant pour le nord de Duisburg. Il croise le parcours de l'Emscher et offre un raccordement direct à l'ancienne ligne de fret du l'usine sidérurgique d'Oberhausen transformée en piste cyclable et à l'impressionnant gazomètre d'Oberhausen. Ce dernier est un

44


des plus emblématiques projets de reconversion, construit dans les années 20, d'une hauteur de 117 m, pour un diamètre de 67 m et un volume de 350 000 m², ce monstre est le plus grand réservoir à gaz d'Europe 20. Ayant déjà changé plusieurs fois de fonction, dans un premier temps servant au stockage de gaz brûlés, il servi ensuite d'immense déchetterie pour les usines, puis un peu plus tard de lieu de stockage du gaz des fours à coke. Fermé en 1988, il sera décidé en 1992 de le reconvertir en hall d'exposition, salle de concerts, salle de projections et de représentations théâtrales. Le projet consista simplement nettoyer l'édifice, l'éclairer et installer un ascenseur menant au toit offrant un panorama sur tout le site. Le volume impressionnant de ce bâtiment lui permet aujourd'hui d'accueillir des œuvre monumentales qui n'auraient pu être exposées nul part ailleurs, notamment en 1999 les artistes Christo et Jeanne Claude y présentent l’œuvre « The Wall », un mur composé de 13 000 citernes à huile agglomérées sur 26 m de hauteur21. Ainsi les projet de reconversion par des programmes culturels, de la friche industrielle de Duisburg illustrent bien comment une forme peut s'adapter différents usages tout au long de sa vie et à quelle liberté architecturale le changement d'usage de formes aussi spécifiques peuvent mener, offrant des solutions qui n'auraient jamais été envisageables dans le cas de constructions neuves.

45


46


3. DEUX MANIÈRES D'AGIR Par le haut La modernité a amené, au nom du progrès, l'idée qu'il était nécessaire de tout contrôler, tout planifier, réguler et régler le monde ainsi que les modes de vie. Cela a parfois conduit à s'égarer dans des visions totalement déshumanisées. Aujourd'hui l'architecture est réglée par la politique, le nombre écrasant de normes et de règlements dirige et étouffe cette discipline, un choix architectural dépend dans la majorité des cas d'une décision prise « par le haut », c'est-à-dire par ceux qui dirigent. De plus, malgré la diversité des discours et l'impression de changement, la fabrique de la ville reste avant tout une affaire de spéculation et de profit. Dans le cas des bâtiments ayant perdu leur usage, notamment dans le milieu de l'industrie, ce sont ces décisions qui mènent à créer des délaissés. Il est devenu préférable de dépenser de l'argent en fil barbelé, murage et gardiennage, pour contrôler un espace inutilisé, plutôt que d'ouvrir ce patrimoine à de possibles réappropriations. Ainsi aujourd'hui de nombreuses coquilles vides pourraient répondre à des solutions mais, paradoxalement, elles restent indisponibles suite à des décisions politiques. Le projet d'Emscher Park est le résultat d'une décision prise « par le haut ». L'ensemble des bâtiments industriels désuets restèrent en état de « friches contrôlées » durant de nombreuses années, et il fallut attendre que la situation devienne vraiment critique pour qu'une solution soit envisagée. L'organisation générale du projet de l'IBA Emscher Park est la suivante : une commune établit un projet en coopération avec différents acteurs et l'agence IBA Ltd, puis cette dernière publie un appel international de concours d'architecture. Ensuite le projet est validé par un comité de direction et l'agence aide le maître d'ouvrage à se financer 1. De cette manière, environ 2,5 milliards d'euros (5 milliards de Deutsche Marks) ont été récoltés par l'IBA, 1,5 milliards provenant de fonds publics (environ 900 millions par le Land, 300 millions par l'Union européenne et 300 millions par les municipalités) et 1 milliards par les grandes entreprises régionales 2.

47


Le projet de l'IBA Emscher Park fut donc réalisé essentiellement en suivant les décisions politiques des élus des dix-sept communes concernées, des équipe spécialisées et un réseau d'experts européens. Ce sont des décisions qui ont été prises « par le haut », ne laissant que très peu de place aux avis et aux actions des habitants. Cela s'explique notamment par les enjeux socio-économiques colossaux que représentait ce projet, l'avenir de toute une région était en jeu. La situation d'urgence dans laquelle a été établi le projet ne permettait pas de mobiliser les deux millions d'habitants peuplant les 800 m² de territoire, cette situation critique demandait un diagnostic et une solution rapide et efficace. En effet ce projet devait réparer le plus rapidement possible les dégâts créés par l’industrie et sauver la région en moins de dix ans. Dans un tel contexte, le recours à la participation des habitants fut limité à des projets de plus petites échelles. Ainsi, c'est en réaction à une situation d'urgence et des enjeux énormes qu'il fut choisi de réaliser la majeure partie du projet de l'Emscher Park « par le haut ». Paradoxalement ce sont aussi ces décisions politiques qui avaient auparavant mené à murer et rendre indisponible l'ensemble du patrimoine abandonné, participant donc activement à transformer la région en immense friche et en aggravant de jour en jour sa situation. Ce sont ces prises de décisions « par le haut » qui ont donc, en partie, contribué à l'agonie de la région et ont dû par la suite réparer la crise qu'elles avaient provoquée.

Par le bas En parallèle une autre manière d'agir est possible, « par le bas », c'est-à-dire par l'action directe et l'appropriation des habitants ou encore, éventuellement, par le biais de partenariats publics-privés. Dans le cas d'un patrimoine en friche, cette coquille vide peut satisfaire de nouveaux usages, dans un premier temps, la réappropriation se fait souvent par le « squat ». –

48

Squatter. Vient de l'anglais « to squat » signifiant « s'accroupir ». Ce terme trouve son origine aux États-Unis lors de la conquête de


l'Ouest. Il désignait les pionniers venant s'installer sans titre et sans payer de redevance sur les terres encore vierges. Aujourd'hui ce terme signifie occuper de façon illégale un bâtiment ou un terrain 3. Les bernard-l'hermite possèdent un abdomen mou qu’ils doivent protéger, pour cela ces crustacés s'approprient des coquilles laissées à l'abandon ou tout autre type de déchets comme des bambous, des éponges, des carapaces de crabes... Au fur et à mesure de leur croissance, ces animaux sont contraints de trouver et s’approprier de nouvelles coquilles adaptées à leur taille. Pour cela leur technique consiste à créer une grandes chaînes par ordre de taille : une fois que le plus gros a trouvé un nouvel abris, l'ensemble des crustacés composant la chaîne se logent dans la coquille de leur supérieur. Ce système d'échange ingénieux leur permet de prolonger le cycle de vie de leur patrimoine en le réutilisant. Cette anecdote illustre l'action des squatteurs, ces pionniers prennent possession et redonnent une nouvelle fonction à un site délaissé souvent laissé en état d'indécision. Comme un bernard-l'hermite, le squatteur conserve, redonne vie et fait évoluer le patrimoine délaissé qui est à sa disposition en conservant sa forme et sa mémoire, le bâtiment est ainsi conservé et réapproprié en temps que ressource et patrimoine. Son cycle de vie est prolongé, de l'énergie et de l'argent sont économisés et son usage est adapté à de nouveaux besoins. Ce type d'action « par le bas » est un point de vue intéressant de réutilisation du patrimoine territorial, plutôt que de le sceller et le rendre inutile, dans l'attente d'une solution. Le squat est illégal mais cette philosophie peut être mise en œuvre de façon légale en donnant plus de pouvoir au citoyen, notamment par le biais de partenariats public-privé ou dans des programmes de démocratie participative. Ces positionnements furent très présents dans l'Allemagne des années 70/80 et purent notamment être expérimentées lors de l'IBA précédant Emscher Park, celle de Berlin (1979-1987), sur le thème de la reconstruction du centre ville ravagé par la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, rénover le patrimoine signifiait démolir et construire du neuf, des opérations pour décongestionner le centre de Berlin prévoyaient de construire des grandes autoroutes urbaines, quitte à démolir des quartiers entiers, notamment celui du Kreuzberg. Pour ce dernier, un quart du quartier était voué à la démolition et la moitié devait être reconstruite. En 1986, le directeur de l'IBA,

49


50


le docteur H äm er, d res s e un bil an . S elo n lu i : « L es o pér at ion s d e rénovation des années soixante et soixante-dix ont porté au Kreusberg des coups plus durs que ceux de la guerre et de la construction du mur de Berlin. Le legs de cette époque constitue un témoignage accablant du traitement dévastateur appliqué à la ville. Les populations soumises à ce traitement ont perçu la rénovation comme la destruction de leur quartier ». Un mouvement de résistance vit le jour, il militait contre le fait que des logements soient laissés vides pendant des années pour finalement être démolis et laisser place à du neuf, respectant les normes et coûtant plus cher. À cette époque la politique de la ville projetait la construction de plus de 50 % de constructions neuves exemplaires ainsi qu'un programme de réhabilitation lourde, le résultat d'un tel projet aurait engrangé le départ de plus de 15 000 personnes et la fermeture de plusieurs centaines d'entreprises. Le docteur Hämer conclut ainsi son bilan par : « Ce n'est pas par ce moyen, à l'encontre des habitants, que l'on pouvait sauver le centre-ville, lieu d'habitation et de travail. Avec les habitants nous avons élaboré les grandes lignes d'un processus misant sur les énergies des hommes et des femmes qui vivent et travaillent ici. Ce processus a pour nom la rénovation douce 5 ». Cette résistance des habitants porta ses fruits car en 1983 le Sénat décida que les immeubles anciens seraient conservés et que le plan d'aménagement serait modifié. Au sein de Kreuzberg, le « Block 103 » est l'emblème de cette lutte urbaine et de l'application du principe de rénovation douce. Occupant une superficie de 2 hectares, cet îlot berlinois se dégradait fortement et voyait sa population décroître à vu d’œil ; en 1980, neuf immeubles avaient été squattés. Dès le projet de réhabilitation douce adopté par le Sénat, les squatteurs ont créé une coopérative autogérée appelée Luisenstadt. Elle représentait les habitants à l'extérieur et coordonnait les actions individuelles. Chacun des 300 membres participait aux prises de décisions et à la gestion des 14 000 m² habitables répartis dans 14 immeubles, soit la moitié de l'îlot 103. La coopérative Luisenstadt est ainsi devenue propriétaire de l'immeuble et a établie une organisation bien précise. Elle collecte les loyers et gère les fonds des habitants qui souhaitaient acheter leur logement, chaque habitant est propriétaire d'un certain nombre de parts et participe à toutes les décisions de la coopérative, notamment sur les travaux de réhabilitation à entreprendre. De plus dans le cas d'un départ, la coopérative redonne à l'habitant son capital sans plus-value afin de ne pas spéculer.

51


Quant aux locataires, le loyer reste fixe et ne suit pas l'évolution du marché, chacun paie 5,18 euros par mètre carré6. Enfin, tous les ans, des représentants des habitants et des activités sont élus et un organisme parapublic de quartier contrôle la bonne utilisation des subventions publiques. En 1987, à la fin de l'IBA, cette rénovation douce du Kreuzberg, par le bas, a abouti à une impressionnante transformation du quartier. 6 000 logements ont été réhabilités, 1 400 places de halte garderie ont été créés, 3 écoles ont ouvert leurs portes, 250 cours intérieures d'îlots ont été aménagées en espaces verts et une vingtaine d'espaces urbains ont étés restructurés et une vingtaine d'équipements publics ont vu le jour 7. Tous les éléments importants des immeubles tels que les tuyauteries, fenêtres, toitures, façades et planchers ont étés rénovés et des salles de bain ont été installées. Finalement 95 % des locataires ont pu conserver leur place dans les immeuble. Cette réhabilitation douce fut une formidable expérimentation et, là où une réhabilitation classique coûte habituellement aussi cher qu'une construction neuve, ce type d'intervention a permis de réduire de moitié le budget prévu pour une démolition-reconstruction 8. De plus elle a permis de conserver l'ensemble des activités et des emplois du quartier. La réhabilitation du Block 103 est devenue un symbole d'abandon des rénovations brutales mises en avant par les modernes et, aujourd'hui, grâce à Kreuzberg, les Berlinois de l'Est peuvent revendiquer le droit de réhabiliter leur logement eux-mêmes. Cette démocratie participative mise en place pour une réhabilitation douce à l'échelle d'un quartier, est un exemple notable d'une politique se faisant directement par le bas, par les citoyens, en restant légale et en proposant des nouvelles solutions tout à fait adaptées aux habitants et à la ville, plus économiques, écologiques et en conservant la forme et la mémoire du lieu.

L'exemple des projets « Initiatives » et « Construire soi-même, tout simplement » Après l'IBA de Berlin, celle d'Emscher Park a aussi laissé certains projets s'ériger par le bas, c'est notamment le cas des projets « Initiatives » et « Construire soi-même, tout simplement ».

52


« Initiatives » est le nom d'une série de projets lancée par le Land en 1996, elle a pour objectif de stimuler l'engagement citoyen dans la région de l'Emscher et les encourager à agir de manière autonome afin de raviver un esprit de communauté. Ces différents projets sont d'ordre culturels, écologiques et sociologiques. La commune est partenaire de cet engagement, elle aide à trouver les subventions, mais n'est pas pour autant obligée de participer directement au financement. Pour ce qui est des acteurs directs du projet, ils peuvent se réunir sous forme de fondations, de coopératives, d'associations ou de SARL, et doivent réunir 20 % du financement, cette somme est dans la plupart des cas obtenue grâce à des dons ou par l'entraide. Le reste du financement est assuré par des subventions versées par le Land, le ministère de l'Urbanisme, du Logement, de la Culture et du Sport, et parfois par la commune. La quantité de vestiges historiques abandonnés ou voués à la démolition ont poussé de nombreux citoyens à s'engager dans ces interventions. Jusqu'en 2000, 18 projets ont été réalisés et financés de cette manière, le succès qu'ont rencontré ces derniers ont encouragé le gouvernement à élargir cette série « Initiatives » sur l'ensemble du Land, depuis, plus de 60 projets ont vu le jour 9. Parmi ceux-ci, on peut citer l'ancien manège couvert de Mülheim, construit en 1899 par des industriels de la région. Ce complexe de plusieurs bâtiments était divisé en habitations, administrations, bâtiments pour les bêtes ainsi que des installations annexes. Bâti en briques et offrant un grand hall de 580 m², ce bâtiment adopte la forme typique de l'architecture pratiquées dans cette région durant la révolution industrielle. Utilisé par la suite comme dépôt de papier, il s'est peu à peu dégradé. Classé monument historique en 1997, il est finalement, par le biais des projets « Initiatives », transformé en centre autonome de la jeunesse : il offre à des jeunes de 15 à 27 ans la possibilité de pratiquer des activités culturelles et artistiques. Réalisé en coopération avec la ville d'Essen, les travaux de transformation ont été réalisés en partie par les jeunes qui ont pu s'identifier au projet. Les 1 300 m² utiles laissent désormais place à de nombreuses activités dont : des espaces libres pour les projets culturels, des espaces dédiés à des concerts, des fêtes, des cabarets, des expositions, des ateliers, un cybercafé, un studio d'enregistrement ainsi qu'une salle d'escalade. De plus les bâtiments annexes contiennent des salles de séminaires, des bureaux et des salles de répétition ; les écuries sont reconverties en bar et une salle de sport est ajoutée à l'ensemble10.

53


54


Un second projet développé lors de l'IBA Emscher Park, et fonctionnant en partenariat entre le pouvoir public et les citoyens, est celui de « Construire soi-même, tout simplement ». Cette autre série de projets avait pour but d'intégrer l'habitant à la construction de son logement afin d'en réduire les coûts. Sept lotissements ont été construits de cette manière et ont complété des ensembles déjà existants afin d'intégrer des logements privés dans des programmes de logements sociaux. Associé à des sociétés de construction, chaque habitant participe à la création de son logement et du lotissement, dans l'optique de créer un ensemble architectural et urbain cohérent. Les familles ont créé des groupes d'entraide, conseillées sur les chantiers par des spécialistes. Les futurs habitants sont responsables de l'acquisition des matériaux, des outils et de la sécurité. Les projets ont ainsi abouti à la création de lotissements de 20 à 80 habitations sous forme de maisons mitoyennes ou doubles s'élevant sur deux ou trois étages, chaque lotissement fut bâti en environ 9 mois. Le fait pour les familles de construire leurs logements ensemble au sein de groupes d'entraide a contribué par la suite à créer une communauté de voisinage très soudée. De plus ces relations sociales ont été renforcées par la construction dans chaque lotissement d'une maison de quartier avec des aires de jeux 11. Ainsi les projets « Initiatives » et « Construire soit même, tout simplement » réalisés pendant l'IBA Emscher Park (et continués par la suite), sont des exemples notables d'une politique d'action se faisant par le bas, par une collaboration entre les pouvoirs publics et les habitants. À la différence de l'IBA Berlin et du Block 103, pour lequel cette politique s'est faite en réaction à de violentes révoltes, et a été en quelque sorte contrainte de s'adapter, le cas de ces projets de l'Emscher Park a été directement créé et encouragé par les pouvoirs publics afin de plus intégrer le citoyen dans la vie politique, sûrement en tirant des leçons de ce qui s'était passé lors de l'IBA précédente.

55


56


QUELS ENSEIGNEMENTS POUR L'AVENIR ? L'industrie lourde, le capitalisme, la consommation et la production de masse, l'idée moderne de la table rase, la quête insatiable du progrès : ces grands principes ont été durant les deux derniers siècles les moteurs de l'humanité. Pendant ces années idylliques, tout se passait pour le mieux, l'Homme était immortel, les ressources étaient inépuisables, les solutions étaient évidentes ; si quelque chose ne fonctionnait pas comme il fallait, il suffisait de s'en débarrasser pour refaire mieux ; et puis après tout, même s'il fonctionnait bien, il fallait évidement qu'il fonctionne mieux. Cela faisait avancer à la fois le progrès et l'économie. Après avoir vécu de nombreuses années sans se soucier de l'impact de ses gestes, l'Homme prend aujourd'hui brutalement conscience qu'il n'est pas immortel, que les ressources ne sont pas inépuisables et que les solutions ne sont pas si évidentes, qu'il ne suffit pas de faire et refaire, mais plutôt de faire avec. C'est le propre de l'homme de vouloir progresser à tout prix, or aujourd'hui la donne n'est plus la même et certaines limites sont franchies. Paradoxalement, le progrès serait de lever le pied, d'être conservateur pendant une période, et d'utiliser ce qui a été créé, les solutions pour demain sont déjà sous nos yeux, il suffit de les considérer et d'en prendre conscience. À travers l'analyse du projet de l'Emscher Park et un questionnement sur l'avenir des friches industrielles, nous avons pu en dégager différents positionnements. Nous héritons d'un bâti qui a servi hier et qui répond à des demandes différentes que celles d'aujourd'hui ; or, nous ne pouvons plus nous permettre de démolir et reconstruire. Ce bâti se caractérise selon deux points de vue, une ressource matérielle et un patrimoine ; il est ainsi spécifique par sa forme, sa mémoire et son usage, ainsi la façon de répondre à une nouvelle fonction en ayant l'impact le plus faible reste de transformer son usage plutôt que sa forme et sa mémoire. Cette capacité qu'a un bâtiment à s'adapter à différentes fonctions représente sa flexibilité.

57


Cette flexibilité architecturale est une des clés pour notre avenir et ouvre un champ de possibilités extraordinaire : ceci est notamment démontré par l'ensemble des reconversions de friches industrielles. Pour appliquer ces principes, tout dépend de la politique mise en place, de la situation et des convictions de chacun des acteurs, des dirigeant politiques, des architectes et des citoyens. Deux manières d'agir sont identifiables, par le haut, ce qui implique d'attendre et se plier à de grandes politiques souvent discutables, ou alors agir par le bas, donc par le geste direct du citoyen sur sa vie et celle de la société. Quoi qu'il en soit, le monde est comme il est, il a été façonné par des décisions, des idéologies spécifiques aux différentes époques, parfois de façon positive, parfois un peu moins. Il y 50 ans, l'impact de nos gestes n'avait pas grande importance ; mais maintenant que nous en héritons, la prise de conscience devient de plus en plus importante, les cartes sont posées sur table, aujourd'hui il ne suffit plus de penser mais d'agir.

58


59


NOTES

60


NOTES L'IBA EMSCHER PARK 1. Cf. « La stratégie paysagère de l'Emscher Park – Étude de cas concret », http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/ Cas/0910/Emsher_simon.pdf, p. 6. 2. Cf. Sarah Moraillon, L'IBA Emscher Park : une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine document préparatoire en vue du voyage d'étude dans la Ruhr au printemps 2009, Agence d'urbanisme pour le développement de l'agglomération lyonnaise, Lyon, 2008, p. 9. 3. Cf. « L'IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine », http://www.urbalyon.org/PDF/L-_IBA_Emscher_Park__Une_demarche_innovante_de_rehabilit ation_industrielle_et_urbaine_-_Synthese2099, p. 9. 4. Idem. 5. Cf. Rolf Kreibich, Arno Schmid, Walter Siebel, Thomas Sieverts, Peter Zlonicky, Bauplatz Zukunff - Dispute über die Entwicklung von Industrieregionen, Klartext Verlag, Essen,1994, p. 11. 6. « L'IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine », op. cit., p. 9.

7. « La stratégie paysagère de l'Emscher Park – Étude de cas concret », op. cit., p. 10. 8. Cf. « Atelier IBA », http://www.ibabasel.net/fr/iba-basel-2020f/historique.html 9. « La stratégie paysagère de l'Emscher Park – Étude de cas concret », op. cit., p. 11. 10. dem, p. 14. 11. Cf. « L'IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine », op. cit., p. 26 – 34.

CONSERVER OU DÉMOLIR 1. Cf. Christian Schittich, Construire dans l'existant – Reconversion, addition, création, Birkhâuser, coll. En détail, Bâle, 2006, p. 23. 2. Idem, p. 11. 3. Cf. Pierre Lefèvre, Voyage dans l'Europe des villes durables – Exposé des premiers projets remarquables réalisés dans la perspective du développement durable, PUCA, coll. Recherche, Jouve, 2008, p. 144, d'après une déclaration de Niklaus Kholer.

61


4. Christian Schittich, op. cit., p. 11. 5. Cf, Françoise Chay, l'Allégorie du patrimoine, 1999, p. 15. 6. Cf. Philippe Robert, Reconversions Adaptations: new uses for old buildings, Éditions du Moniteur, coll. Architecture thématique, Princeton, 1989, p. 6, d'après une citation d'Aldo Van Eyck. 7. Cf. Mariarosaria Tagliaferri, Usines reconverties, L'inédite, Paris, 2006, p. 4.

3. Cf. « Dictionnaire CNRTL, Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales », http://www.cnrtl.fr/lexicographie/consolider. 4. Idem, sur http://www.cnrtl.fr/definition/réparer.

8. Pierre Lefèvre, op. cit., p. 146.

5. Idem, sur http://www.cnrtl.fr/definition/restaurer.

9. Idem, p. 48.

6. Jean-Marc Huygen, op. cit., p. 170.

10. Idem, p. 49.

7. Idem.

11. Idem, p. 43.

8. Cf. « Dictionnaire CNRTL, Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales », http://www.cnrtl.fr/definition/reconvertir.

12. Cf. Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, Exposition internationale d'architecture et d'urbanisme Emscher Park – Les projets, dix ans après, éd. Klartext, Essen, 2008, p. 230. 13. Pierre Lefèvre, op. cit., p. 44. 14. Idem, p. 45. 15. Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, op. cit., p. 231.

CONSTRUIRE DANS L'EXISTANT 1. Cf. Jean-Marc Huygen, La poubelle et l'architecte - Vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, coll. L'Impensé, Arles, 2011, p. 170.

62

2. Cf. Patrick Bouchain, Loîc Julienne et Alice Tajchman, Histoire de construire, Actes Sud, coll. L'Impensé, Arles, 2012, p. 43.

9. Jean-Marc Huygen, op. cit., p. 86. 10. Idem. 11. Idem, p. 50, d'après l'ouvrage de Michel Denès, Form Follows Fiction – Écrits d'architecture fin du siècle, 1996. 12. Cf. Philippe Robert, Reconversions Adaptations: new uses for old buildings, Éditions du Moniteur, coll. Architecture thématique, Princeton, 1989, p. 9, d'après une déclaration de Claude Soucy.. 13. Jean-Marc Huygen, op. cit., p. 51. 14. Idem, p. 50.


15. Cf. « Un supermarché des déchets de constructions : c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? », Parution ponctuelle de l'atelier d'architecture autogéré, LUP, n° 15, juillet 2009, p. 2. 16. Idem. 17. Cf. « Les reconversions postindustrielles – La question du développement durable », http://issuu.com/fgfffg/docs/mtaarchi2011gentges_memoi re, p. 55. 18. Cf. Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, Exposition internationale d'architecture et d'urbanisme Emscher Park – Les projets, dix ans après, éd. Klartext, Essen, 2008, p. 32.

4. Cf. « Pour échanger leurs coquilles, ces crustacés ont une incroyable technique »,http://www.maxisciences.co m/crustac%E9/pour-echanger-leurscoquilles-ces-crustaces-ont-une-incroyabletechnique_art33825.html. 5. Cf. Pierre Lefèvre, Voyage dans l'Europe des villes durables – Exposé des premiers projets remarquables réalisés dans la perspective du développement durable, PUCA, coll. Recherche, Jouve, 2008, p. 210. 6. Idem, p. 213. 7. Idem. 8. Idem, p. 214.

21. Idem, p. 289.

9. Cf. Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, Exposition internationale d'architecture et d'urbanisme Emscher Park – Les projets, dix ans après, éd. Klartext, Essen, 2008, p. 171.

DEUX MANIÈRES D'AGIR

10. Idem, p. 191.

1. Cf. « La stratégie paysagère de l'Emscher Park – Étude de cas concret », http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/ Cas/0910/Emsher_simon.pdf, p. 15.

11. Idem, p. 248.

19. Idem, p. 33. 20. Idem, p. 288.

2. Idem, p. 14. 3. Cf. « Dictionnaire CNRTL, Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales », http://www.cnrtl.fr/definition/squatter

63


64


BIBLIOGRAPHIE Jürgen Adam, Katharina Hausmann, Frank Jüttner, Industrial buildings, Ed. Birkhâuser, coll. Design manuel, Bâle, 2004. Bernd et Hilla Becher, Anonyme Skulpturen - Eine typologie Technischer Bauten, Art-Press Verlag, Dusseldorf, 1970. Bernd et Hilla Becher, Coal Mines and Steel Mills, éd. Schirmer/Mosel, 2010. Patrick Bouchain, Loîc Julienne et Alice Tajchman, Histoire de construire, Actes Sud, coll. L'Impensé, Arles, 2012. Carles Broto, Architecture Industrielle Contemporaine, Links, Barcelone, 2008. Emmanuel Caille, « Les grands bassins miniers européens : une renaissance », D'Architectures, n° 180, mars 2009, p. 3947.

Jacques Ferrier, Les Usines, Éditions du Moniteur, coll. Architecture thématique, Paris, 1987. Jacques Ferrier, Les Usines – Tome 2, Éditions du Moniteur, coll. Architecture thématique, Paris, 1997. Christophe Hespel, « Reconvertir pour habiter », AMC, n° 227, octobre 2013, p. 71-81. Jean-Marc Huygen, La poubelle et l'architecte - Vers le réemploi des matériaux, Actes Sud, coll. L'Impensé, Arles, 2011. Pierre Lefèvre, Voyage dans l'Europe des villes durables – Exposé des premiers projets remarquables réalisés dans la perspective du développement durable , PUCA, coll. Recherche, Jouve, 2008.

Christine Desmoulins, « Construire dans le patrimoine », AMC, n° 221, Février 2013, p. 65-75.

Rolf Kreibich, Arno Schmid, Walter Siebel, Thomas Sieverts, Peter Zlonicky, Bauplatz Zukunff - Dispute über die Entwicklung von Industrieregionen, Klartext Verlag, Essen,1994.

Christine Desmoulins, « Reconversions, Transformations », AMC, n° 234, juin-juillet 2014, p. 57-65.

Yves Marchand et Romain Meffre, Détroit – Vestiges du rêve américain, Steidl, Göttingen, 2010.

George Eastman, New topographics, Photographs of a man-altered landscape, Steidl Verlag, Göttingen, 2010.

Florence Michel, « Leçon de friches à Emscher Park », Archicréé, n° 289, février 1999, p. 52-57.

65


Sarah Moraillon, L'IBA Emscher Park : une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine - document préparatoire en vue du voyage d'étude dans la Ruhr au printemps 2009 , Agence d'urbanisme pour le développement de l'agglomération lyonnaise, Lyon, 2008. Emma O'Kelly et Corinna Dean, Reconversions, Seuil, coll. Livres illustrés, 2007. Philippe Robert, Reconversions Adaptations: new uses for old buildings, Éditions du Moniteur, coll. Architecture thématique, Princeton, 1989. Christian Schittich, Construire dans l'existant – Reconversion, addition, création, Birkhâuser, coll. En détail, Bâle, 2006. Axel Sowa, « Zollverein ou l'espoir d'une renaissance », L'Architecture d'aujourd'hui, juillet-août 2003, p. 41-44. Mariarosaria Tagliaferri, Usines reconverties, L'inédite, Paris, 2006. Chris Van Uffelen, Architecture et reconversion, Citadelle & Mazenod, Paris, 2011. Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, Exposition internationale d'architecture et d'urbanisme Emscher Park – Les projets, dix ans après, éd. Klartext, Essen, 2008. Jean Luc Vilmouth, « Friches industrielles et urbaines », Techniques et Architecture, n° 432, juillet 1997, p. 21-31.

66

« Un supermarché des déchets de constructions : c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? », Parution ponctuelle de l'atelier d'architecture autogéré, LUP, n° 15, juillet 2009. « Atelier IBA », http://www.ibabasel.net/fr/iba-basel-2020-f/historique.html, consulté le 20 février 2015. « Ces territoires qui se fabriquent avec les artistes », http://www.articule.net/wpcontent/uploads/2013/03/visionArtVille_b asseDef1.pdf, consulté le 15 février 2015. « Culture et régénération urbaine : les exemples du Grand Manchester et de la vallée de l’Emscher », http://metropoles.revues.org/4357, consulté le 21 janvier 2015. « Développement durable, culture et projets de territoire » – Portrait de démarches québécoises et étrangères exemplaires, http://www.inter-scot.org/Similaire/1754, consulté le 19 décembre 2014. « Dictionnaire CNRTL, Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales », http://www.cnrtl.fr/dictionnaires/anciens /, consulté le 26 avril 2015. « Dossier de presse – Projektion Ruhr », http://www.citechaillot.fr/data/expositio ns_bc521/fiche/22843/dpibadefdef_132 b4.pdf, consulté le 15 février 2015. « Emscher Park – International Building Exhibition », http://issuu.com/clairelouisesalles/docs/2014_delbart_grandry_lefebv re_salle, consulté le 21 janvier 2015.


« Exposition internationale d’architecture et d’urbanisme Emscher-Park » - Laboratoire pour le futur des anciennes régions industrielles, http://www.iauidf.fr/savoir-faire/nostravaux/edition/exposition-internationale-darchitecture-etdurbanisme-emscher-park.html, consulté le 21 janvier 2015. « IBA Emscher Park », Séminaire du 07/01/09, http://www.rethink.fr/images/ensaplv/090107%20ENS_ensaplv %20pres_IBA_Emscher_Park%20web %20v2.pdf, consulté le 21 janvier 2015. « L’art du paysage à Emscher-Park », http://www.annalesdelarechercheurbai ne.fr/l-art-du-paysage-a-emscher-parka247.html, consulté le 15 février 2015.

prescript/article/ingeo_00200093_2002_num_66_4_2826, consulté le 19 décembre 2014. « Pour échanger leurs coquilles, ces crustacés ont une incroyable technique », http://www.maxisciences.com/crustac %E9/pour-echanger-leurs-coquilles-cescrustaces-ont-une-incroyabletechnique_art33825.html , consulté le 15 mai 2015. « RUHRnal de Bord », http://www.interscot.org/Similaire/1754, consulté le 19 décembre 2014.

« L'IBA Emscher Park – Une démarche innovante de réhabilitation industrielle et urbaine », http://www.urbalyon.org/PDF/L_IBA_Emscher_Park__Une_demarche _innovante_de_rehabilitation_industrielle _et_urbaine_-_Synthese-2099, consulté le 19 décembre 2014. « La stratégie paysagère de l'Emscher Park – Étude de cas concret », http://www.lema.ulg.ac.be/urba/Cours/ Cas/0910/Emsher_simon.pdf, consulté le 19 décembre 2014. « Les reconversions post-industrielles – La question du développement durable », http://issuu.com/fgfffg/docs/mtaarchi20 11-gentges_memoire, consulté le 15 février 2015. « Loisirs, cadre de vie et développement: un siècle de planification dans la Ruhr », http://www.persee.fr/web/revues/home/

67


ILLUSTRATIONS

68


ILLUSTRATIONS Descriptions de gauche à droite et de bas en haut.

https://www.flickr.com/photos/lili_marco s/6041799249/

Première et quatrième pages de couverture. Montages réalisés à partir de photographies de Bernd et Illa Becher, téléchargée sur http://pitchdesignunion.com/2009/10/bernd-hillabecher/

P. 21. Projection 320° Licht à l'intérieur de l'ancien gazomètre d'Oberhausen, photographie téléchargée sur http://www.dieschlenderer.de/2014/06/

P. 7. Photographie tirée de la série Konbini, Thomas Jorion, téléchargée sur http://www.thomasjorion.com/image/ko nbini/Fukatsu?gallery=konbini P. 10. Ancien complexe minier de Zollverein à Essen, photographie téléchargée sur http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kokerei_Zollverein__Weisse_Seite-Herbst.jpg P. 12. La Ruhr en pleine période industrielle, photographie téléchargée sur http://www.worldsoccer.com/features/stadium-guide/soccer-cities-theruhr-331852 P. 16. Carte de l'Emscher Park redessinée à partir d'une carte originale téléchargée sur http://www.iba.nrw.de/iba/daten.htm P. 18. Parc de Duisburg Nord, photographie téléchargée sur http://www.heise.de/tp/artikel/35/35-458/1.html - Idem, photographie téléchargée sur

P. 22. Photographie tirée de la série Fiction, Filip Dujardin, téléchargée sur http://www.belgium-architects.com/fr/filipdujardin/source:index_upd ated_new_by_category/category:2 P. 24. Photographie tirée de la série Collapsing Architecture, Seth Clark, téléchargée sur http://www.artserved.com/gallery/Collapsing-Architecture/22719689 P. 28. Photographie tirée de la série To walk the M62, John Davies, téléchargée sur http://www.johndavies.org/2006/04/to-walk-m62.html P. 30. Ancienne cité ouvrière Schüngelberg à Gelsenkirchen, vue aérienne, photographie scannée dans l'ouvrage d'Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, Exposition internationale d'architecture et d'urba-nisme Emscher Park – Les projets, dix ans après, éd. Klartext, Essen, 2008, p. 231 - Idem, vue depuis la rue centrale vers le terril, idem.

69


P. 34. Ancien complexe minier de Zollverein à Essen, photographie téléchargée sur https://www.zollverein.de/service/english-page P. 40. Photographie tirée du livre Anonyme Sculpturen de Bernd et Hilla Becher, téléchargée sur https://flipboard.com/@goozar/hilla-and-berndbecher---the-archivists-ttfir5d1z P. 42. Parc de Duisburg Nord, vue aérienne, photographie téléchargée sur http://www.omm.de/veranstaltungen/m usiktheater/DULPN-info.html – Idem, aménagement, photographie téléchargée sur http://www.landezine.com/index.php/2011/08/post-industriallandscape-architecture/ - Idem, esca-lade des anciens fourneaux, photo-graphie téléchargée sur http://en.landschaftspark.de/leisuresport/climbinggar-den Idem, aménagement des anciens fourneaux, photographie téléchargée sur http://agpopovska.tumblr.com/post/9011205692/landscapepark-duisburgnord-latz-partner - Idem, jardins dans les anciens fourneaux, photographie téléchargée sur http://tu-pain58.com/v-soIndustrial%20-Park%20Landscape.html – Gazomètre d'Oberhausen, vue de l'espace intérieur, photographie téléchargée sur http://www.mainrw.de/Gasometer-Oberhausen.43.0.html P. 46. Dessin tirée de la série Design Boundaries, Silnt, téléchargé sur http://design.org/blog/pushingboundaries-poster-designs-design-society-conference-2011

70

P. 50. Mur de Berlin, photographie téléchargée sur http://www.history.co.uk/shows/the-rise-and-fall-of-the-berlin-wall P. 54. Ancien manège couvert à Mülheim, vue depuis la rue, photographie scannée dans l'ouvrage d'Angela Uttke, Lars Niemann, Thorten Schauz, Peter Empting, Exposition internationale d'architecture et d'urbanisme Emscher Park – Les projets, dix ans après, éd. Klartext, Essen, 2008, p. 191 – Idem, vue depuis l'intérieur, idem. P. 56. Photographie tirée de la série Nous resterons sur Terre, Cédric Delsaux, photographie téléchargée sur http://www.cedricdelsaux.com/fr/photo s/nous-resterons-sur-terre.html P. 59. Peinture de Caspar David Friedrich - Wanderer above the sea of fog , téléchargée sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Voyageur_contemplant_une_mer_ de_nuages P. 60. Photographie tirée de la série Collapsing Architecture, Seth Clark, téléchargée sur https://www.behance.net/gallery/22719689/CollapsingArchitecture P. 64. Photographie tirée de la série Silencio, Thomas Jorion, téléchargée sur http://www.thomasjorion.com/image/sil encio/Deja_vu?gallery=silencio P. 68. Photographie tirée de la série Forgotten Heritage, Matt Hemmett, téléchargée sur http://www.forgottenheritage.co.uk/industry/o6hk1459dgbxkcljh5 kliyb2td4gdb



72


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.