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Garabit et Millau

Deux viaducs dans le livre des records Nathalie Van Praagh nathalie.vanpraagh@centrefrance.com

L

e viaduc de Millau, nouveau pont du Gard ? Question gabarit, sûre­ ment. Du point de vue de l’image, aussi. Mais si le souverain de l’Aveyron et de la vallée du Tarn doit se trouver une parenté, c’est plutôt du viaduc de Gara­ bit qu’il serait l’héritier. L’ouvrage de Gustave Eif­ fel, enjambant la vallée de la Truyère dans le Cantal, a provoqué, en son temps, cinq ans avant la tour, une révolution aussi forte que Millau aujourd’hui. Patri­ cia Rochès, historienne d e s v i a d u c s, e x p l i q u e pourquoi ces deux ponts, situés à quelques encablu­ res l’un de l’autre, sur l’A75, sollicitent d’une même voix leur classe­ ment au patrimoine mon­ dial de l’Unesco.

GÉANTS

À cent vingt ans d’intervalle, et 120 kilomètres de distance, ils ont redessiné la carte du Massif central. Les viaducs de Millau et Garabit postulent ensemble au sacre international de l’Unesco.

 REPÈRES Comparatif. Hauteur : Garabit 122 mètres, Millau 343 mètres. Longueur : Garabit 565 mètres, Millau 2.460 métres. Poids : Garabit 3.248 tonnes (l’essentiel en fer), Millau 242.000 tonnes (36.000 pour le tablier en acier, le reste en béton). Durée du chantier : Garabit 4 ans et 9 mois (400 ouvriers), Millau 3 ans (600 ouvriers). Coût : Garabit 300 millions de francs de l’époque, Millau 400 millions d’euros, soit à peu près la même échelle de prix.

 En dehors de leur situa-

tion géographique, sur l’axe Clermont-Béziers, quels sont les ponts entre les deux viaducs ? Garabit, c’est le même exploit que Millau 120 ans plus tôt. La plus haute arche du monde à son époque pour le pre­ mier, la pile la plus élevée pour le second. Ils ont en commun d’avoir dompté un relief accidenté, mar­ qué par des vallées larges e t p r o f o n d e s , d’ a v o i r ouvert des voies de com­ munication là où il n’y avait rien : la ligne de che­ min de fer Paris­Béziers pour Garabit, l’autoroute A 7 5 C l e r m o n t­ Bé zi ers pour Millau.  A la différence près qu’en

120 ans, la technologie avait opéré des pas de géant ?

CANTAL. Depuis l’A75, on accède au viaduc de Garabit, œuvre d’Eiffel, par la sortie 30 (Ruynes-en-Margeride). Sur ce plan, en effet, nous ne sommes pas sur la même échelle. Pour cons­ truire Garabit, les ingé­ nieurs ne disposaient pas de calculette alors qu’à Millau, les piles en béton ont été alignées avec le GPS. Au XIX e siècle, on n’avait que la charrette et la diligence. Pour monter les parties métalliques jus­ qu’au chantier, les der­ niers kilomètres se fai­ saient à dos de bœufs !

 Quel fut l’impact de Gara-

bit sur la population ? C’est le début de l’exode rural. Le viaduc a joué un rôle d’accélérateur. Il a permis aux gens du Massif cen­ tral, les Auvergnats en tête, de partir à Paris faire de belles affaires avec le succès que l’on sait. Et au jeune du coin de quitter son champ pour aller se promener à Clermont­ Ferrand. Les horizons, jus­ q u’ a l o r s b a r r é s p a r l a

montagne, se sont ouverts d’un coup. L’autoroute oc­ cupe aujourd’hui cette place. On en a pris la me­ sure avec Millau.  A Millau, on assiste en

plus à une explosion touristique. Depuis son ouvertu­ re en 2004, la cur iosité n’est pas retombée. L’at­ traction est toujours aussi forte. Plus généralement, le patrimoine industriel est de plus en plus recher­

D.R

ché. C’est devenu un mo­ teur du tourisme. Le mo­ ment est donc bien choisi pour faire acte de candi­ d a t u re a u p a t r i m o i n e mondial de l’Unesco, et à deux, on met du poids dans la balance. Pour Garabit, en particu­ lier, ce serait un juste re­ tour des choses. Car ce viaduc a bénéficié d’une renommée internationale. Il a battu tous les records, au nez et à la barbe des

AVEYRON. L’aire du viaduc de Millau, sur le tracé de l’autoroute Clermont-Béziers, offre un point de vue exceptionnel sur un pont traversé par 4.810.496 véhicules en 2011.

À lire. « Le viaduc de Garabit, chef-d’œuvre de Gustave Eiffel », par Patricia Rochès. Éditions La Vie du Rail, 160 pages, 19 €. (laviedurail.com/) « Le viaduc de Millau », livre Portfolio (collectif). Édition CEVM, 176 pages, 42,90 €. (souvenirs-leviaducde millau.com) À destination des enfants : « À la découverte du Viaduc de Millau », « A la decouverte de Garabit », traduit en anglais et en japonais. Éditions de la vache qui lit. (editionslavachequilit.com) Américains, beaux joueurs et très admiratifs. J’ai re­ trouvé l’équivalent de 2,5 km d’archives du mon­ de entier évoquant cet ex­ ploit français. C’est, avec la tour, l’œuvre majeure de Gustave Eiffel. Et les deux monuments figu­ raient sur le même billet de 200 francs il n’y a pas si longtemps. L’Unesco serait un formidable vecteur de communication à l’éche­ lon planétaire. 

PHOTO : FRANCIS CAMPAGNONI


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