La peinture murale à l'époque romane.

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47 èmes Journées romanes , 2015

La peinture murale à l'époque romane . résumés des conférences Lundi 6 juillet

Christian Davy (Service régional de l'Inventaire du Patrimoine culturel des Pays de la Loire) 1811 - 2015. De l'invention à l'exploration de la peinture murale romane En deux siècles, la peinture murale romane est passée d’un objet de découverte à un objet esthétique reconnu, mais elle a aussi été, dès sa révélation, un objet de recherche et elle continue plus que jamais de l’être. Les mises au jour continuelles et l’irrégularité de fonctionnement des relais d’information contrarient l’établissement du corpus des peintures murales romanes pourtant nécessaire à une recherche sereine. Malgré le handicap du caractère fuyant de son objet d’étude, celle-ci progresse par étapes depuis le texte fondateur de Toussaint-Bernard Émeric-David écrit en 1811. La prise en compte des différentes facettes de cet art de la couleur, associée au retour des historiens de l’art de la peinture murale sur le terrain, au voisinage des conservateursrestaurateurs, permet une approche de plus en plus fine d’une réalité qui se révèle de plus en plus complexe. Le temps n’est plus de dire que la peinture murale romane était la bible des illettrés et qu’elle était exécutée dès la fin du chantier architectural pour couvrir la totalité de l’édifice. La recherche actuelle évolue entre une constante relecture d’œuvres, souvent considérées comme majeures du fait de leur découverte dès le XIXème siècle, et une attention de plus en plus soutenue accordée aux autres parfois dévalorisées à cause de leur mauvaise état de conservation. L’intervention s’attache, à travers quelques exemples pris dans les trois domaines traditionnels du style, de l’iconographie et de la datation, à présenter l’évolution des connaissances, un part de son cheminement et des résultats qui s’avèrent parfois être de véritables surprises. Jordi Camps, Mireia Mestre (Museu Nacional d'Art de Catalunya) Conserver et gérer la peinture murale romane dans un musée. La collection du Museu Nacional d'Art de Catalunya (Barcelone). Il est bien connu que la collection de peintures murales romanes contitue un élément unique et distinctif du Musée national d’Art de Catalogne (MNAC). Depuis son transfert au musée au début du XXème siècle, elle a caractérisé et conditionné les actions de conservation, l’étude et la diffusion de la collection d’art roman de l’institution. Et bien qu’il existe de nombreux musées qui contiennent et exposent de la peinture murale, Barcelone est celui où elle a un poids déterminant. L’étude et la gestion de ces véritables monuments de l’histoire de l’art, qui

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comprennent Santa Maria d’Àneu, Sant Climent de Taüll et la salle capitulaire du monastère aragonais de Sigena comporte donc un travail constant de conservation, de diffusion et de recherche dans laquelle la peinture murale a toujours eu un traitement préférentiel. Les ensembles ont été présentés dans des structures reproduisant les espaces d’origine des peintures selon un système qui, au fil du temps, a changé et a été inséré dans les salles de différentes manières. Toujours, cependant, par le volume qu’ils occupent et leurs dimensions, ils imposent leur hiérarchie et marquent énormément le contraste avec les objets d’autres techniques et typologies qui composent les collections du musée. Depuis la première présentation, en 1924, cela a été constant, malgré les différents domaines et circonstances. Le transfert de fragments de peintures murales déposées, qui avaient perdu leur support original, à savoir le mur et les couches d’enduit, sur un nouveau support en toile a été réalisé au début du XXème siècle, avec un adhésif protéinique dérivé du lait. La surveillance permanente des matériaux ajoutés qui ont inévitablement vieilli et le contrôle exhaustif de l’environnement nous ont permis d’éviter des interventions drastiques sur les ensembles de peintures murales romanes. D’autre part, la perspective, dans les années 1980, de déplacements des structures murales à l’intérieur du musée à cause des changements muséographiques a suscité de nombreux rapports sur leur condition, des études scientifiques et des propositions d’action. Au cours des dernières décennies, la découverte de restes de peintures originales dans les mêmes églises ainsi que le désir de reproduire les ensembles complets in situ ont également stimulé l’analyse des matériaux et une étude plus approfondie de la technique picturale. Le partenariat entre la recherche scientifique conduite au Musée et celle d’autres institutions catalanes et françaises est le défi du futur immédiat. Pour parler des ensembles au musée, à la base à toute action liée aux peintures murales est le fait que dans le musée elles sont décontextualisées. Évoquer ou reconstituer les aspects de leur contexte d’origine, à partir les résultats de la recherche scientifique, est l’un des axes de travail qui devraient être prioritaires. Pour cette raison, il est important d’expliquer les peintures au musée avec l'aide des nouvelles technologies, d’internet et des diverses applications de communication. En outre, les expériences effectuées dans quelques monuments pour reproduire les peintures, comme la projection qui recrée l’ensemble de Sant Climent de Taüll, à la fois préservé à Barcelone et visible in situ, marquent aussi une partie de ce qu’est l’avenir des peintures murales. Mardi 7 juillet Giulia Bordi, Elisa Tagliaferri (Università degli studi Roma Tre) Laïcs, nobles et parvenus dans la peinture murale romane à Rome et dans le Latium du VIIIème au XIIème siècle Ce récit à deux voix a le but d’exposer une enquête sur la présence croissante des évergètes et des dévots laïcs dans les peintures romaines et du Latium entre le VIIIème et le XIIème siècle. Des familles entières ou des donateurs individuels ont laissé un souvenir d’eux-mêmes, par des inscriptions ou par leur image – et dans les cas plus heureux leur nom aussi – dans les marges des cycles hagiographiques ou des peintures votives. Giulia Bordi montrera les œuvres conservées à Rome, en partant des représentations du primicerius Teodotus et du consul et dux Constantinus, dont on a connaissance à l’intérieur des églises de S. Maria Antiqua et de S. Adriano al Foro, dans la deuxième partie du VIIIème siècle, en passant ensuite aux nouvelles familles de l’élite moyenne qui, entre le Xème et le XIème siècle, ont confié leurs images aux parois des églises comme, pour n’en nommer que quelques-unes, S. Maria in


Pallara, S. Urbano alla Caffarella, S. Maria in Via Lata et S. Clemente, jusqu’à la commande dissimulée de la puissante famille Frangipani dans l’église de S. Maria Nova au milieu du XIIème siècle. Elisa Tagliaferri, par contre, sans avoir la prétention de dresser une liste complète des représentations des commanditaires dans le Latium, du VIIIème au XIIème siècle, essaiera de saisir dans leurs images les marques de la mobilité sociale dans la région. On découvrira que les religieux n’étaient pas les seuls commanditaires des peintures murales du Latium  : il y avait aussi des laïcs, même si c’étaient en général des représentants de l’aristocratie locale. On mettra en évidence, toutefois, qu’il existe une exception remarquable à cette habitude, c’est-àdire l’image d’un dévot laïc habillé comme un paysan, peint sur le niveau inférieur d’un cycle pictural du XIIème siècle. On pourra apprécier aussi les différences entre les représentations des commanditaires laïcs, qui ne se limitaient pas à leur portrait en petites dimensions à coté du saint, mais usaient aussi d’autres formes de représentation. Ces commanditaires sont des personnages intéressants, la plupart inconnue de l’histoire, dont le témoignage ouvre un nouveau domaine de recherche, à ajouter à celui des sources écrites, indispensable pour connaître le profil social des groupes dominants à Rome et au Latium entre le VIIIème et le XIIème siècle, en se référant à Chris Wickham, dans le passage de la vieille à la nouvelle aristocratie et dans l’affirmation de l’ambitieuse élite moyenne et des clientèles ecclésiastiques. Marcello Angheben (Université de Poitiers, CESCM) Le décor peint des sanctuaires et ses relations avec la liturgie Depuis les premiers siècles de l’art chrétien, les décors des sanctuaires comportent systématiquement une théophanie et, plus rarement, une Vierge à l’Enfant, que ce soit dans le cul-de-four, la voûte qui le précède ou l’arc absidal. Ces innombrables théophanies ont généralement été interprétées comme des visions de la fin des temps, mais le contexte architectural et de nombreux indices épigraphiques et iconographiques permettent de voir dans de nombreux exemples une volonté de matérialiser la présence invisible de Dieu et de ses anges dans l’église au moment du sacrifice eucharistique. Dans un premier temps, il sera question des principaux thèmes composant ces théophanies : les Vivants, les séraphins et les chérubins chantant le Sanctus, les archanges-avocats transmettant les requêtes du Pater Noster, les Vieillards de l’Apocalypse exposant des calices et le Christ-prêtre agréant et transformant les offrandes qui lui sont présentées. Sera ensuite détaillé le programme du sanctuaire de Sant Quirze de Pedret qui comporte trois thèmes interprétables dans cette perspective : l’Adoration de l’Agneau par les Vieillards, l’ange d’Apocalypse 8 encensant l’autel des martyrs et le Sacrifice de Caïn et Abel. Alexandre Gordine (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) Le premier âge roman dans la peinture murale du Centre-Ouest de la France Les origines de la peinture murale romane sur les territoires formant le noyau du royaume de France demeurent obscures. Son grand essor à la charnière du XIème et du XIIème siècle, est-il un aboutissement d’une longue évolution ou bien un saut révolutionnaire ? La diversité des styles, entre les régions notamment, remonte-t-elle à l’époque carolingienne ? Chaque fragment, chaque morceau d’enduit peint compte pour percer la vérité. L’auteur tente d’en dresser le premier inventaire. Les résultats des fouilles, bien que décevants à propos de la quantité et du niveau artistique de la production du Xème et du début du XIème siècle, voire de l’ère carolingienne, confirment la


présence d'œuvres de qualité, comme le décor de Saint-Solenne de Blois, par exemple. La technique est la plus proche de la fresque, avec une couche picturale particulièrement fine. L’enduit l’est aussi, d’ordinaire, même sur un support irrégulier. On suppose l’usage du bleu minéral et, encore plus, du cinabre, tandis que la terre verte est très rare. Ni le fait que la Touraine se trouve aujourd’hui la mieux documentée pour la période intéressée, ni le prestige du siège métropolitain ne suffisent encore pour faire de Tours un foyer préeminent de l’art mural du Centre-Ouest. Des foyers, il y en avait plusieurs. Les prémices du style roman du Poitou datent, au moins, du troisième quart du XIème siècle. L’auteur insiste aussi sur la puissance et l’ancienneté de la tradition de peinture murale en Berry, sur « l’autonomie » d’un foyer comme Limoges, et s’interroge sur l’éventuel rôle de Nantes dans la transmission des influences aquitaines au Nord de la Loire et dans la formation d’une tradition régionale perçue comme angevine. Milagros Guardia (Universitat de Barcelona, IRCUM) Une nouvelle géographie de la peinture murale romane ? Les recherches du groupe Ars Picta actuellement en cours se centrent sur la définition d’une nouvelle géographie artistique de l'art roman et, en particulier, sur la caractérisation de la zone pyrénéenne. En suivant les apports de Marcel Durliat et les travaux initiés par John Ottaway, on considère la chaîne pyrénéenne comme un lieu de rencontres, comme un carrefour essentiel où, dans un grand laboratoire expérimental, véritable membrane vivante, des formes sont créées et des modèles artistiques et iconographiques particuliers sont créés. Il s'agit d'évaluer les relations à courte et à grande distance, les voies de communications et les apports de l'extérieur, mais aussi les phénomènes de "fossilisation", tout aussi bien que ceux d'expansion vers de nouvelles zones géographiques, suivant les conquêtes militaires (Castille). A cette session des Journées de Cuxa, seront présentés certains des résultats obtenus, comme la méthodologie mise en oeuvre. En particulier, la cartographie systématique des ensembles peints et les conclusions que ces outils méthodologiques apportent à la recherche relative à certains thèmes particuliers, comme la représentation de la parabole de Dives et Epulo ou des anges portant les symboles des Évangélistes. Carolina Sarrade (CNRS-Université de Poitiers, CESCM) : Comprendre les des peintures romanes par le relevé stratigraphique : exemple de SaintSavin-sur-Gartempe Le relevé stratigraphique met à la disposition du chercheur une nouvelle méthode d’analyse des peintures murales. Le travail consiste à étudier la technique, à proposer un résumé graphique des différents stades d’élaboration et à déterminer une chronologie relative des décors dans l’ensemble du programme pictural. Le décalque extrêmement fidèle donne naissance à une reproduction entière de l’œuvre à taille réelle sur laquelle il est possible de restituer l’état originel et de combler certaines lacunes iconographiques sans intervenir directement sur le mur. Anne Leturque (Université Paul-Valéry, Montpellier, CEMM) Concevoir et réaliser un décor monumental au Moyen Âge en Catalogne : les exemples de Saint-Martin de Fenollar et de Sainte-Marie de la Cluse-Haute L’intérêt pour la matérialité des peintures médiévales peut s’éprouver à travers l’étude des œuvres, l’expérimentation des techniques ou l’appui de sources écrites comme les traités de technologie artistique. Le Liber diversarum artium (Ms H277, Bibliothèque inter-universitaire de médecine de Montpellier), par exemple, permet d’éclairer tout un processus de formation


du peintre médiéval entre le XIIe et le début du XIVe siècle, tant par la connaissance des matériaux et des techniques qu’il acquiert (mise en place de la composition picturale grâce à des outils, tracés ou dessins préparatoires, préparation des pigments et des liants, application de l’or et de l’argent, choix de la technique d’exécution, etc.), que dans son habileté à les mettre en oeuvre. Les modes opératoires développés couvrent un large spectre de savoirs et de savoirs-faire, démontrant que la réalisation d’un décor peint ne s’improvise pas. Les peintures murales catalanes du XIIe siècle, et plus spécifiquement les décors de Saint-Martin-deFenollar et de Sainte-Marie de la Cluse-Haute, illustrent ce propos. Jeudi 9 juillet

Emmanuel Garland (Docteur en Histoire de l'Art), Jean-Louis Rebière (Architecte en chef des Monuments historiques) L'église Saint-Pierre d'Ourjout (Les Bordes-sur-Lez, Ariège) et son décor peint inédit La modeste église romane couserannaise d’Ourjout (Ariège) a fait l’objet d’une importante découverte en 2012 lorsque le retable du XVIII° siècle surmontant le maître-autel a été déposé pour être emmené en atelier afin d’y être restauré. Sont apparus à cette occasion les vestiges du décor peint primitif de l’abside : cinq apôtres répartis de part et d’autre de la baie d’axe, disposés au-dessus d’une frise présentant un exceptionnel zodiaque. Certes le décor est seulement partiellement conservé mais ce qui l’est est d’une grande fraîcheur. Suite à un premier dégagement des peintures en partie masquées par un badigeon, la réalisation d’une étude pluridisciplinaire fut décidée, afin de réunir toutes les informations possibles concernant l’édifice, l’étendue des décors peints romans conservés, l’état sanitaire de l’édifice et enfin les techniques mises en œuvre. Malgré l’absence totale de documentation ancienne, quelques points semblent acquis : - l’édifice, situé à dix-huit kilomètres au sud-ouest de la cité épiscopale de Saint-Lizier, quoique simple et rustique, n’en est pas moins le plus soigné de la vallée ; - il se composait à l’origine d’une courte nef de plan carré sur lequel se greffait un chœur composé d’une longue travée droite ouvrant sur une abside semi-circulaire éclairée seulement par une fenêtre axiale ; un tel plan laisse supposer que l’édifice fut primitivement destiné à abriter une petite communauté de clercs plutôt qu’une communauté paroissiale ; - l’édifice a subi de nombreuses transformations au cours des siècles, soit pour des aménagements liturgiques (ajout de chapelles au nord et au sud ayant entraîné le percement des murs de la travée du chœur ; ouverture de larges baies dans l’abside pour apporter de la lumière à celle-ci et éclairer le retable baroque rajouté, reprise du portail d’entrée, etc.) soit pour réparer des désordres structurels probablement dus à des mouvements telluriques (effondrement de la voûte de l’abside et d’une partie de son mur sud) ; à cela il faut rajouter des réfections du décor peint (en particulier sur ce qu’il reste de la travée droite du chœur) ; - la construction de l’édifice roman, que l’on doit situer au cours du premier quart du XII° siècle, a fait appel à des tailleurs de pierre-sculpteurs qui ont travaillé sur le chantier de la cathédrale du Bourg, à Saint-Lizier, renforçant l’impression qu’un lien étroit unissait le clergé de la cité épiscopale et Saint-Pierre d’Ourjout. Quant aux peintures murales romanes qui couvraient à tout le moins l’abside et la travée droite du chœur, exécutées aussitôt après l’achèvement du gros œuvre, elles présentent aujourd’hui deux ensembles distincts, œuvre d’un unique atelier : l’abside était ornée de huit figures d’apôtres sous arcades (cinq subsistent dont saint Pierre en habit liturgique, bénissant) sous lesquels courrait une frise de médaillons figurant le zodiaque (cinq médaillons subsistent, dont quatre aisément identifiables) ; la travée droite – conservée à l’état très parcellaire et non


encore totalement dégagée - présentait, elle, l’Annonciation et d’autres scènes relatives à l’Incarnation (?) côté nord, et le Baiser de Judas et une remarquable Crucifixion côté sud ; tant par la technique picturale employée que par l’iconographie, la parenté entre l’atelier d’Ourjout et celui de Santa Maria de Taüll est évidente, même si ce sont probablement des mains différentes qui œuvrèrent ici et là. D’autres informations importantes, en particulier sur la technique picturale et les pigments employés, ont été obtenues au cours de l’étude interdisciplinaire qui démontre une fois de plus – si cela était nécessaire – l’importance des foyers artistiques nord-pyrénéens et la circulation des ateliers picturaux des deux côtés des Pyrénées

Ourjout, crucifixion

(page de croquis de J.-L. Rebière)

Cécile Voyer (Université de Bordeaux Montaigne) Le décor peint et la culture visuelle des chanoines de Saint-Junien et des SallesLavauguyon au 12ème siècle dans le diocèse de Limoges Jusqu’à la mise au jour des décors peints du prieuré canonial Saint-Eutrope des SallesLavauguyon et de la collégiale de Saint-Junien dans les années 1980, la peinture monumentale du XIIe siècle en Limousin n’était connue que par une scène de l’Annonciation située dans le couloir sud du déambulatoire de la crypte de la cathédrale Saint-Étienne. Grâce à ces trois sites, il apparaît qu’au dernier tiers du XIIe siècle, les chanoines des SallesLavauguyon et Saint-Junien partagent la même culture visuelle – références communes, langage formel – que l’évêque. Dans le prieuré des Salles-Lavauguyon, filiale de la puissante collégiale de Saint-Junien, les intentions des commanditaires, des chanoines réguliers, se lisent dans les six cycles hagiographiques conservés comme dans l’ensemble des images qu’ils ont choisies. Une image hagiographique ou plusieurs d’entre elles, son inclusion au sein du décor permettent à une communauté de se définir. Comme les communautés religieuses ne se pensent jamais seules, le décor, les images des saints et l’architecture impriment l’appartenance à leur famille spirituelle restreinte ou élargie. La clôture n’isole pas les réguliers des Salles, ils nouent un


ensemble de relations réciproques avec les laïcs, les chanoines de Saint-Junien et l’épiscopat. En raison de ces échanges, les œuvres visuelles traduisent souvent la position revendiquée par les communautés au sein d’un monde religieux pluriel, de l’Église locale et universelle. Le décor peut livrer l’image que la communauté donne d’elle-même, de sa mission mais aussi de sa place au sein de l’Église locale et universelle. L’analyse du décor peint des Salles montre bien que les dimensions universelle, locale et historique de l’Église s’interpénètrent, résumé parfait de l’expérience canoniale. Le décor de la deuxième travée de la nef de Saint-Junien a été réalisé lors des embellissements et des nouveaux aménagements liturgiques de la collégiale au cours de la seconde moitié du XIIe siècle. L’image peinte, une composition exceptionnelle, est à mettre en relation avec la liturgie et la mission canoniale dans le cadre des grandes réformes de ce siècle. Les images peintes des Salles-Lavauguyon et de SaintJunien nous donnent à voir la spiritualité et la culture profonde des chanoines commanditaires dont l’identité s’est constituée en « miroir » de l’évêque dans un contexte de réforme.


Carles Mancho (Universitat de Barcelona, IRCVM) : Saint-Pierre de Sorpe : la complexité de la peinture murale pyrénéenne L’ensemble de peinture murale de l’église Saint-Pierre à Sorpe se place parmi les plus exceptionnels ensembles de peinture romane de Catalogne. Dans notre intervention nous allons présenter ses caractéristiques les plus remarquables, ainsi que les problèmes nés de la dépose de la plupart des peintures de cette église tout au long du XXe siècle, après leur découverte. Ces Journées romanes nous offrent la possibilité de montrer les caractéristiques principales du projet de reconstruction virtuelle des peintures que nous réalisons dans le cadre d'Ars Picta, ainsi que l’étude du programme décoratif. Il sera surprenant de comprendre la complexité et la richesse de liens qu’expriment cet ensemble, qui nous amènent, depuis les Pyrénées, jusqu’au Saint-Sépulcre de Jérusalem. Marina Falla Castelfranchi (Università del Salento, Lecce) La peinture rupestre byzantine en Italie méridionale et ses particularités Jürg Goll (Service archéologique des Grisons (Suisse, Monastère Saint-Jean de Müstair)) Les peinture murales romanes de Müstair (Suisse) Le monastère Saint-Jean de Müstair a été inscrit, notamment grâce à ses peintures murales uniques, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’élément dominant est sans aucun doute le cycle de fresques carolingiennes qui se trouvent dans l’église du monastère, auquel s’ajoute le renouvellement des peintures murales à l’époque romane, vers 1200. Au cours des dernières années, plusieurs fresques carolingiennes ont été découvertes et dégagées dans la chapelle de la Sainte Croix.


A côté, dans le monastère, se trouvent d’autres œuvres moins spectaculaires et fort peu connues. Elles documentent cependant, de manière impressionnante, la continuité de la tradition de la peinture murale durant les XIème et XIIème siècles. Au XIème siècle, la représentation imagée s’appauvrit au profit de nombreuses inscriptions peintes, tandis qu’au XIIème siècle la tendance des scènes narratives présentées en frises se développe. Ces anciennes peintures murales furent, pour ainsi dire, les précurseurs des chefs-d’œuvre romans de l’église du monastère. Marina Paniagua (Universitat de Barcelona) Les inscriptions peintes des églises romanes catalanes Les inscriptions peintes que l'on rencontre fréquemment dans la peinture murale romane des Pyérénes se sont révélées être une source d'information très importante au moment d'étudier cette peinture, soit parce que grâce à elles on a pu dater certains ensembles (les cas les plus connus étant, par exemple, Sant Pere del Burgal ou Sant Climent de Taüll), soit parce qu'elles aident à préciser l'iconographie, lorsque celle-ci est confuse, ou l'oeuvre peinte mal conservée. Cependant, bien que l'historiographie ait recouru à l'épigraphie en d'innombrables occasions, il n'existe toujours pas d'étude épigraphique d'ensemble qui ait valorisé ces inscriptions ellesmêmes, en les étudiant et en les publiant de manière scientifique et systématique. Nous voudrions présenter ici une méthode d'étude des tituli picti de la peinture murale romane, ainsi qu'un système de transcription et d'édition conforme aux normes utilsées en épigraphie classique, avec comme but la fidélité au texte original. Il est en effet primordial de pouvoir s'appuyer sur des éditions fiables des sources, sans lesquelles, sans le savoir, nous pourrions fausser l'Histoire. En outre, la collaboration entre les différents acteurs du travail concernant les peintures et leurs inscriptions (historiens de l'art, épigraphistes, conservateurs, restaurateurs) est la seule voie qui permettra, à terme, d'étudier ces inscriptions avec toute leur portée. Vendredi 10 juillet

matin : Ille sur Tet - Casesnoves Présentation : le programme de recherche factura Le programme de recherche factura a été initié par le Centre d’Études médiévales de Montpellier (Université Paul-Valéry, EA 4583) et la Direction régionale des Affaires culturelles du Languedoc-Roussillon. Il rassemble des universitaires, des professionnels de la restauration et de la conservation, des ingénieurs. Il consacre ses travaux à l’étude matérielle et technique des arts picturaux médiévaux dans les territoires catalans. Le groupe de recherche a élaboré des méthodes de travail alliant nouvelles technologies et observations de terrain. Deux grands axes ont été définis : la création d’une méthode systématique d’étude et de documentation des œuvres et l’élaboration d’un répertoire des techniques. Les acteurs du programme développent individuellement et collectivement des activités de recherche, de conservation et de valorisation : études d’œuvres in situ, journées d’études, ateliers techniques, expositions, publications. Un site permet de donner au public, une lecture de ce travail : http://factura-recherche.org/.


Térence Le Deschault de Monredon (Université de Genève/Universitat Autònoma de Barcelona) La peinture murale figurative dans l'habitat roman Si le décor peint figuratif de la maison médiévale à l’époque gothique est peu connu, celui de la maison romane l’est encore moins. Les raisons de cette méconnaissance sont dues en premier lieu à la rareté des vestiges conservés, mais aussi au manque de sources documentaires. Cependant, quelques textes permettent de se faire une idée des thèmes qui pouvaient être représentés depuis l’époque carolingienne jusqu’au commencement du XIIIème siècle dans les demeures les plus riches. Les thèmes décrits se retrouvent dans des exemples un peu plus tardifs, laissant supposer que ceux-ci sont issus d’une longue tradition dans le décor peint de l’habitat. L’analyse des quelques décors conservés de la période romane permet en outre d’entrevoir l’évolution qui s’est jouée dans ce domaine entre les XIIème et XIIIème siècles. Manuel Castiñeiras (Universitat Autònoma de Barcelona) La peinture autour de 1200 et la Méditerranée : voies d'échange et processus de transformation entre Orient et Occident Michele Bacci (Université de Fribourg, Suisse) Le statut de l'image peinte dans l'Occident médiéval : quelques réflexions Cette intervention se propose de faire un bilan des études qui ont été consacrés aux fonctions liturgiques et dévotionnelles des images peintes au Moyen Âge, tout en mettant l’accent sur le rôle spécifique des peintures murales de l’époque romane dans l’expérience religieuse individuelle et collective. Par rapport aux images peintes sur tableau, qui ont été souvent inspirées par le modèle orientale de l’icône, les peintures murales ont été rarement perçues comme des objets dignes d’une forme autonome de vénération : physiquement liées à l’architecture, elles ont contribué à façonner l’espace liturgique, à marquer la distinction hiérarchisée de ses différentes parties, à orienter la dévotion des fidèles pour la sacralité de la messe ou la sainteté d’un locus sanctus. Autour des tombeaux des saints, elles fonctionnent en tant qu’encadrements monumentaux, capables par le biais d’une sélection efficace des scènes narratives d’illustrer et de visualiser la spécialisation thaumaturgique du personnage étant l’objet de la vénération collective. Il s’agit pour la plupart d’une forme de décoration visant à enrichir l’impact visuel d’une église, à en orienter la perception, à communiquer des messages religieux. Toutefois, c’est à l’époque romane que les peintures murales commencent à être utilisées aussi avec des buts différents. On les utilise parfois afin de réaliser des portraits sacrés, associés avec le désir individuel de salvation de l’âme : exhibés sur les murs et en particulier sur les colonnes de l’église, ils se présentent souvent comme des icônes murales, n’ayant aucun lien avec le programme décoratif du reste de l’espace sacré ; fréquemment ils accueillent aussi des signes renvoyant à l’identité individuelle ou familiale des commanditaires. Des icônes murales sont utilisées à cette époque, comme on les voit en particulier dans les églises de Croisés à Jérusalem et en Terre Sainte, pour visualiser les évènements de l’histoire sacrée ayant eu lieu dans les différents loca sancta. A ce propos, on se posera la question si ces développements ont été favorisés ou pas par l’intensification des échanges culturels et artistiques avec le monde byzantin et les Chrétientés d’Orient.


Samedi 11 juillet

Cristina Tarradellas (Universitat de Barcelona) La peinture murale d'Andorre : Sant Martí de la Cortinada, Sant Joan de Caselles, Santa Coloma Le riche patrimoine pictural de l’époque romane conservé dans la principauté d’Andorre a été considéré pendant longtemps marginal et résiduel dans le panorama pictural catalan. Mais les dernières études montrent une situation bien différente qui démontre que ce n’est pas un territoire isolé comme on le pensait, mais qu’il maintenait d’importantes relations avec les territoires proches du sud et du nord des Pyrénées. Les peintures murales des ensembles de Sant Martí de la Cortinada, le purs important conservé sur place, de Sant Joan de Caselles, avec l’exceptionnelle crucifixion qui mélange peinture et stuc dans la même oeuvre, et de Santa Coloma, sont une bonne preuve que la peinture andorrane du XIIème siècle connaissait et savait adapter aux murs de ses églises les modèles iconographiques qui dominaient dans le reste de l’Europe.


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