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Désaccords dans les accords
Sale temps pour les accords! D’un côté, les critiques à l’encontre du pourtant si important accord-cadre avec l’UE se multiplient, de l’autre l’accord de libreéchange avec l’Indonésie suscite débat.
Dans les deux cas, le peuple aura le dernier mot. Le premier parce que le Conseil fédéral le soumettra, le second parce que l’on votera sur cet objet en mars 2021. C’est peu dire que l’un comme l’autre sont d’une grande importance pour l’économie, dans des proportions certes différentes.
Pour le premier, on aurait pu croire que l’ampleur du refus de l’initiative contre la libre-circulation des personnes aurait envoyé un signal clair au Conseil fédéral (le canton de Vaud, avec près de 71 %, a enregistré le troisième rejet le plus marqué de ce dimanche de votations de septembre). Une sorte de lettre de mandat au gouvernement, lui donnant pour mission de consolider rapidement la voie bilatérale avec l’Union européenne au moyen de l’accord-cadre. Ce dernier est en effet en suspens depuis de trop nombreux mois.
Alors que l’UE demandait la mise à jour régulière des accords bilatéraux et leur application harmonieuse entre les partenaires depuis 2008, ce n’est que l’année dernière que les négociations ont abouti de haute lutte. L’accord-cadre qui en est ressorti a alors essuyé quelques critiques, puis le dossier a été « schubladisé » (mis au tiroir dans le jargon fédéral), le temps de faire la campagne du 27 septembre.
Aujourd’hui, si cet accord est bel et bien sorti du tiroir, il traîne néanmoins sur le bureau du gouvernement. Pire, il ne semble plus contenter grand monde, à part les milieux économiques. Sur le fond, l’ensemble des acteurs appellent bien entendu de leurs vœux la poursuite de la voie bilatérale et la conclusion d’un accord. Mais chacun pointe du doigt un problème particulier. Les cantons, la question des aides d’Etat. Les syndicats, les mesures d’accompagnement. Enfin, les derniers la directive sur la libre circulation des citoyens de l’Union… c’est ce qui ressort de la consultation lancée par la Berne fédérale. Le nouvel ambassadeur de l’UE en Suisse a pourtant délivré un message limpide : « Les négociations sont terminées. » Dans les couloirs bruxellois, nombreux sont ceux qui avouent que la Suisse a obtenu bien plus que ce que n’importe quel autre pays aurait pu espérer. « Précisions » : c’est le mot qui revient dans toutes les bouches. Or précisions il y aura bien, mais pour quels résultats? On peut craindre que cela ne fasse pas avancer le dossier et que les critiques proférées aujourd’hui de tous horizons ne contribuent qu’à semer le doute dans la population.
Dans le contexte de la votation de mars prochain, la population aura à juger si l’accord de libre-échange avec l’Indonésie lui convient. Huile de palme en toile de fond, certains souhaiteraient couper l’ouverture à un marché de 260 millions d’habitants à notre pays pour manque d’ambition écologique et sociale. La Suisse est pourtant le premier pays à assortir l’ouverture de son marché à des clauses liées à l’huile de palme, dont seule celle produite dans des conditions respectables bénéficiera de facilités. Ces précautions ne semblent pourtant pas suffire.
On l’a dit et répété, la Suisse est un petit marché qui ne peut espérer maintenir ses exportations que par le biais d’accords. Par le fruit de ses négociations, elle obtient beaucoup et parvient même à intégrer des normes écologiques et sociales jusqu’ici absentes. Il semblerait donc qu’au-delà des négociations internationales déjà compliquées, les négociations nationales prennent le dessus. Pour l’économie, ce constat a de quoi être alarmant.
TEXTE PHILIPPE MIAUTON PHILIPPE.MIAUTON@CVCI.CH PHOTO SHUTTERSTOCK